General Conference Background
Document #24
LANNEE DU JUBILE ET LA REMISE DE
LA DETTE
Eléments de réflexion en vu de la pastorale
biblique
Thomas P. OSBORNE , in Wissbei 59 (1999)
(Part II)
Qui est libéré? Et de quoi? Selon Lv 25,
lensemble des personnes à qui sadresse le texte
est visé par la directive: "Chacun dentre vous
retournera dans sa propriété"! Dans un premier moment,
on ne donne pas de précision de type casuistique: "Si vous
êtes devenus esclaves et avez perdu votre patrimoine ...". Non,
la prescription sadresse à tous et on suppose que tous
sont éloignés de leur terrain familial.
La Bible parle à trois reprises du partage de la terre
à lintention des tribus dIsraël: dans Nb
26,52-53; 27,1-11; 34-36; Jos 14-21; Ez 48; et Ne 11. Bien que la
délimitation géographique des affectations ne
corresponde pas exactement dans les différents textes, le
principe est clair: chaque tribu se voit attribuer une partie du pays
de Canaan en vue de sy installer et den tirer sa
subsistance ... au détriment, faut-il le rappeler, des peuples
qui y habitaient auparavant. Lauteur du Lévitique semble
faire allusion à ce partage de la terre; à celui de
Nombres et de Josué (avec leurs villes lévitiques),
plutôt quà celui dEzéchiel. Dans ces
textes on rencontre plusieurs termes, en partie synonymes, pour
désigner la parcelle de terre attribuée à une
tribu particulière. Ils nimpliquent pas une relation de
"propriétaire" à sa "propriété" au sens
stricte, mais plutôt la relation entre un objet (terrain,
esclave, etc.) et al personne ou la tribu qui en a la disposition,
qui peut bénéficier de lusufruit.
cet objet peut être un lieu où on a le droit de
demeurer. Le texte du Lévitique précise que la terre
appartient à dieu et non au peuple ou aux individus: on y vit
comme hôtes et étrangers (Lv 25,23) et Dieu peut,
à tout moment, "mettre son peuple à la porte". En ce
qui concerne les personnes, les hébreux ne peuvent pas devenir
des "esclaves" ou la propriété dautres personnes,
puisquils sont devenus esclaves du Seigneur lors de la
libération de lesclavage en Egypte (Lv 25,42-43.46b.55).
On ne peut bénéficier de leurs services que pendant un
temps limité. Quand on parle, enLv25, dela
"propriété" ou du "patrimoine" il sagit dun
objet (un terrain ou une personne), dont on peut disposer afin
dassurer sa propre survie et celle de sa famille. On en a
lusufruit, mais on nen devient pas "propriétaire"
au sens strict.
Il est intéressant de constater que le repos sabbatique,
hebdomadaire ou autre, rappelle régulièrement ce fait:
certes on bénéficie des produits du sol comme de la
bénédiction divine, mais on ne possède pas de
sol et on na pas le droit de le (sur-)exploiter. Oui , il y a
des limites à cette exploitation du sol, comme à celle
des personnes. Autrement dit, on a le privilège davoir
accès aux moyens de subsistance - accès qui selon le
Lévitique est garanti par Dieu dans le cadre du respect de
lalliance - mais ce privilège nest pas un droit
que lon peut évoquer pour priver un frère des
moyens de subsistance, pour lexproprier de façon
définitive ou pour le réduire en esclavage pour une
durée illimitée.
- Ne serait-ce pas possible de comprendre ce texte dans
le cadre du retour de lexil? A partir de la destruction du
Temple en 587 jusquà la prise de Babylone par Cyrus
en lannée 539, lexil a duré 48
années. Lannée 538/537 ne pourrait-elle pas
être considérée, dans cette optique, comme une
année sabbatique et une année du jubilé au
cours de laquelle tous les exilés seraient
libérés de leur captivité et autorisés
à retourner dans leur pays, sur leurs terres familiales?
Sans vouloir jouer aux rapprochements cabalistiques, on peut quand
même se demander sil ny a pas une relation entre
les racines hébraïques sb (sept), sbt (sabbat)
et swb (retourner). En reprenant les paroles du Lv 26, le pays
délaissé accomplit les sabbats non respectés
tandis que le peuple accomplit son châtiment. Ce nest
quensuite, selon la perception sacerdotale, que le peuple
peut retourner chez lui.
Sans que la même terminologie soit employée, le
prophète anonyme de la fin de lexil, celui que
lappelle le Second Isaïe, fait appel aux motifs de
lachèvement du châtiment du peuple et de la
préparation dun chemin de retour vers Jérusalem
marquant ainsi la fin de lexil.
1- Réconfortez mon peuple, dit votre Dieu,
2 - parlez au coeur de Jérusalem et proclamez
à son adresse
que sa corvée est remplie,
que son châtiment est accompli,,
quelle a reçu de la main du SEIGNEUR deux
fois le prix de toutes ses fautes.
3 - Une voix proclame:
"Dans le désert dégagez un chemin pour le
SEIGNEUR, nivelez dans la steppe une chaussée pour
notre Dieu.
4 - Que tout vallon soit relevé,
que toute montage et toute colline soient
rabaissées,
que léperon devienne une plaine et les
mamelons, une trouée!
5 - Alors la gloire du SEIGNEUR sera
dévoilée et tous les êtres de clair
ensemble verront que la bouche du SEIGNEUR a parlé"
(Is 40,1-5).
Ou en Is 51,11:
Les affranchis du Seigneur reviendront,
ils enteront dans Sion au milieu des acclamations,
la jubilation dautrefois nimbant leur
tête.
Ce "grand retour" après 48 années dexil au
pays des pères deviendrait, dans loptique de
lauteur sacerdotal, un modèle de comportement pour la
gestion des dettes en Judée.
- La législation sur lannée du
jubilé sachève avec une longue série de
stipulations dordre casuistique. Que faut-il faire dans les
cas suivants?
- Quand un Israélite qui a dû vendre un partie de
son terrain à un de ses compatriotes
- Dans le cas de la vente de maisons à
lintérieur des villes avec murailles et à
lextérieur des villes avec murailles
- Dans le cas des maisons des Lévites
- Dans le cas dIsraélites qui étaient dans
des situations de précarité telles
- quils ont dû emprunter de largent
- quils ont dû se vendre eux-mêmes à
un autre Israélite
- quils ont dû se vendre à un
étranger.
Sans pouvoir discuter en détail chacune de ces
stipulations, quil soit permis desquisser certaines
orientations générales.
- Le pays ou terre appartient à Dieu. Les
"propriétaires" humains ny ont droit quen tant
quusufruit. Dans cette optique, Dieu met la terre à
la disposition des Israélites pour assurer leur
subsistance. Cest ainsi que les maisons à
lintérieur des villes fortifiées ont un autre
statut,, étant donné quune maison sans champ
nest pas de première nécessité pou la
subsistance humaine.
- Cette législation se préoccupe de la situation
de précarité des Israélites mais pas des
étrangers. La relation de "frère" constitue la base
de la responsabilité dune personne envers son
frère. Dans le cadre de cette relation, il ny a pas
de même à légard des étrangers. A
lépoque de la composition de ces lois sacerdotales,
Israël ne se sent pas solidaire des nations. Et ceci
dautant moins que le grand souci du sacerdoce est de faire
connaître et respecter la distinction entre le pur et
limpur, le sacré et le profane (cf. Lv 10,10).
- Les législateurs ont mis en place certaines mesures de
protection en faveur des Israélites en situation de
précarité qui ont dû vendre une partie ou
lensemble de leur propriété foncière ou
immobilière:
- Le prix du terrain doit être fixé en fonction de
lusufruit, cest-à-dire le nombre des
récoltes restant jusquau jubilé prochain. Ce
principe protège aussi bien le vendeur que lacheteur.
Dans ce calcul, il y a des deux cotés la reconnaissance de
léventualité du retour du terrain au
"propriétaire" original.
- Dans la majorité des cas, il existe un droit et
même un devoir de rachat du terrain ou de la maison par un
membre de la famille de la personne en difficulté. En
labsence du rachat par un membre de la famille, la personne
en difficulté peut elle-même procéder au
rachat de lobjet vendu si elle arrive à réunir
les ressources nécessaires. Ces mesures de
solidarité familiale visent au maintien de
lintégrité du patrimoine qui doit rester
à disposition dune tribu particulière.
- Si le rachat du terrain ou de la maison nest
effectué ni par un membre de la famille, ni par la personne
elle-même alors la personne ou la tribu
récupéreront leur terrain lors du prochain
jubilé. La "libération" du jubilé constitue
donc le dernier recours. Elle ne dispense pas du devoir de rachat
à court ou à moyen terme.
- Quand une personne qui, ayant vendu son terrain et
dispersé lensemble de ses ressources, est
amenée à demander de laide, que la demande
soit adressée à un frère, ou même
à un émigré ou à un hôte, on est
appelé à lui prêter de largent, sans
demander des intérêts, ni profiter de la situation
précarité et pas de la personne qui vient à
son secours
- On envisage enfin la situation dune personne tellement
dénuée quelle doit se vendre elle-même
ou bien à son frère, ou bien à un
étranger. Dans le cas de la vente à un compatriote,
il ny a pas de rachat prévu, étant
donné quelle ne sera pas traitée comme
esclave, mais comme salariée et hôte. Cette personne
ne sera pas coupée des membres de sa famille, et elle
pourra sortir de sa situation de servitude lors du jubilé,
le mécanisme du rachat par un des membres de la famille est
de rigueur ou, le cas échéant, la libération,
avec enfants, lors du jubilé. En toute hypothèse,
les Israélites sont tenus dempêcher la
domination avec brutalité du serviteur.
- Des dispositions particulières règlent le cas
précarité des lévites. Ils ne disposent pas
de terrains pour leur subsistance, mais ils ont une maison dans
les villes mises à part pour eux et les "communaux" qui les
entourent. Leur subsistance première est garantie par la
part des offrandes qui leur revient en échange de leurs
services dans le culte. Cest dans le cadre quils ont
droit au rachat de leurs maisons et que les communaux sont exclus
de la vente.
- La fonction du "racheteur" ou de "rédempteur", le
goel en hébreu, est de première importance
dans ce texte. Le goel est celui qui, de sa par relation
familiale, doit venger le meurtre dun membre de sa famille
(Cf. Nb 35,12.19.24.25; Jos 20,3.9; 2S 14,11). Il doit intervenir
pour racheter un Israélite qui pour des raisons
économiques a dû se vendre (Lv 25 passim) ou pour
racheter la terre dun Israélite qui a dû la
vendre pour raisons dendettement (Lv 25 passim; Jr 32,6-44;
Ruth passim). Jérémie intervient ainsi pour racheter
le champ de son cousin Hanaméel. Les dernières
sections du livre dIsaïe, datées de la fin de
lexil ou du début de la période post-exilique,
transposent cette institution de solidarité familiale dans
le domaine théologique: Dieu rachète son peuple de
lexil à Babylone pour faire revenir à
Jérusalem (Cf. Is 35,9-10; 48,20).
- Les différentes stipulations de Lv 25 sont
régulièrement mises en rapport avec des motivations
de type théologique (voir Lv 25,17-19.38.42-43.55;
26,3-13). On peut les résumer ainsi:
- Lobservance des lois du Seigneur constitue
la garantie de la prospérité et la
sécurité dans le pays de Canaan
- Exploiter ses compatriotes nassurera jamais la
prospérité. Bien au contraire, ce comportement
est contre le respect du Seigneur, de ses lois et de ses
droits!
- Le Seigneur a libéré les fils
dIsraël de lesclavage en Egypte. Par le fait
même il devient leur Dieu et eux deviennent ses
"serviteurs".
"Pour vous, je serai dieu, et pour moi, vous serez le peuple" (Lv
26,12). Il ne tolère pas que son peuple soit réduit en
esclavage ni par les nations ni par les membres de son propre
peuple.
- Remarques globales sur la signification de
linstitution du Jubilé et sa place dans la
législation juive
A la fin de notre parcours des textes législatifs de
lAncien Testament concernant une remise dune dette au
sens large, nous pouvons tirer un premier bilan, ne fut-il que
provisoire. Ce bilan devra être complété, bien
entendu, à laide dautres textes de lAncien
Testament (le discours exemple) et du Nouveau testament (le discours
inaugural de Jésus à Nazareth, dans Lc 4).
Nous avons constaté quà diverses
époques et dans diverses circonstances le problème des
personnes endettées et éventuellement réduites
à létat desclavage a suffisamment
préoccupé la société israélite
pour quelle lui consacre une partie de sa législation.
Dans ce cadre, elle sest interrogée sur le sens de la
productivité aussi bien des personnes que de la terre et sur
les limites à fixer à leur exploitation.
Le code deutéronomique et la législation
sacerdotale, prévoient des mesures concrètes et
intermédiaires en faisant jouer la solidarité familiale
et ethnique. Si elles ne produisent pas les effets de secours
suffisants, les codes proposent une remise de la dette et
labolition des servitudes soit au bout de sept années
(lannée sabbatique) soit au bout de cinquante
années (lannée du jubilé).
Ces textes permettent plusieurs observations qui gardent tout leur
intérêt pour nos discussions et engagements en cette fin
de millénaire.
- La précarité de lexistence humaine -
passée, actuelle ou futur - unit, quils le veuillent
ou non, tous les êtres humains. "Nous avons tous
été esclaves en Egypte ou ailleurs" - "Nous risquons
tous de devenir des victimes de lendettement". Comment
concevoir les relations personnelles, familiales et ethniques
entre personnes favorisées et personnes démunies? La
législation biblique nous rend attentifs à la
tendance des personnes en situation de force de tirer profit des
personnes en situation de faiblesse. Pour limiter les abus, ces
textes légifèrent sur les conditions dune
sorte de pacte de solidarité.
- La solidarité doit être "assurée" par un
système de législation et une instance
supérieure (dans les textes bibliques le roi et/ou la
divinité) qui sengagent à protéger ceux
qui risquent de devenir victimes de leurs dettes et dun
système dexploitation dont ils ne peuvent pas se
sortir deux-mêmes.
- Dans un système religieux, tel celui dont
sinspirent nos textes bibliques, Dieu accorde la
liberté et la terre et il fait fructifier celle-ci. La
situation des personnes humaines nest pas exclusivement le
résultat du travail ou de lingéniosité
personnels, mais également de la "chance", selon certains,
ou de la "grâce", selon dautres, dont ces personnes
sont les bénéficiaires.
- Quand il y a des différences considérables entre
les individus, la Bible rappelle à maintes reprises que la
dignité des personnes et le respect qui leur est dû
ne sont pas déterminés par leur situation
économique ou leur solvabilité.
- La législation sacerdotale met en place tout un
système de libération. Son calendrier permet de
prendre de la distance vis-à-vis des exigences de la
productivité. Chaque septième jour, plusieurs
semaines par année, Caque septième année,
caque 49e/50e année, on arrête la machine, on permet
aux gens et à la terre de se reposer. Le législateur
sacerdotal, en instaurant un calendrier "pédagogique" qui
établit une distance critique, semble avoir bien
perçu la nature têtue et dure de la "raison
économique"
- Son système dexpiation sacrificielle permet de
contenir les effets de culpabilité personnelle ou
nationale, en remettant la dette envers Dieu. Le "grand jour du
pardon" est un élément important dans ce
système. Il est significatif que la remise des dettes
économiques et du retour à la terre
sintègrent dans la mouvance du retour à la
terre sintègrent dans la mouvance du pardon que Dieu
accorde à son peuple. On retrouvera dans le NT une
prolongation de cette orientation: le pardon de Dieu doit se
prolonger dans le pardon entre frères (cf. Mt
18,23-35).
- Sa législation vise le maintien de la pureté du
pays, la non-exploitation des frères, et par là la
vie en sécurité dans le pays.
Le non-respect de ce "pacte de solidarité" a des
conséquences néfastes pour la société. Il
y va de sa survie. Déjà le récit sacerdotal du
Déluge reprochait aux hommes davoir rempli de violence
lespace de vie que Dieu leur avait accordé. Le
non-respect des commandements divins a abouti à ce que "la
terre vomisse les habitants" selon la terminologie du
Lévitique. Pour le rédacteur sacerdotal lexil est
la conséquence du non-respect du "pacte de solidarité"
et en même temps il peut devenir un moyen dexpiation du
péché - moral et économique - qui permettra un
retour au pays.
Le "pacte de solidarité" est cependant limité aux
"fils dIsraël" et éventuellement aux
étrangers qui séjournent dans le pays. Et le sort des
servantes féminines est différent des des servants
masculins. Vues de nos jours, ces orientations paraissent
nationalistes et sexistes. Remarquons toutefois que, même dans
nos sociétés éclairées de
loccident, nous avons de grandes difficultés à
mettre en pratique légalité des femmes et des
hommes ou à consentir une aide économique substantielle
aux étrangers. Force est de constater que même la
solidarité "traditionnelle" directe - - familiale et ethnique
- fait de plus en plus défaut dans une société
orientée surtout vers le profit et la productivité. Le
marché ne tolère aucune faiblesse, structurelle ou
humaine. Quels sont les "fusibles" mis en place aujourdhui pour
éviter que les mécanismes de la productivité et
du marché provoquent lendettement, la pauvreté et
esclavage? Quelle attention portons-nous aux endettés à
lintérieur de nos frontières géographiques
et de nos appartenances ethniques et familiales? Une
sensibilité et un engagement accrus à ce premier niveau
nous inviterons à regarder plus loin que les barrières
géographiques et politiques, vers la misère
dautres peuples. Selon son habitude le texte biblique nous pose
les questions fondamentales de la vie. Il ne nous fournit pas de
réponses toutes faites:
-
- Quelques éléments de réflexion
concernant la législation biblique et la remise de la dette
des pays pauvres
Chercher dans ces textes bibliques, vieux de plus de 2000 ans, des
orientations concrètes pour nos engagements économiques
à la fin du 20e siècle est une entreprise pleine de
pièges. Une application directe et immédiate - voire
fondamentaliste - de ces textes peut savérer très
dangereuse. Dans un premier temps, il faut mesurer la distance entre
ces législations et ce que lon appelle
communément la "remise de la dette des pays pauvres". Voici
cependant quelques pistes de réflexion.
- La législation biblique vise en premier lieu
lengagement dune personne vis-à-vis dune
autre personne, toute deux de la même famille ou du
même groupe. Cest la sensibilité et la
solidarité personnelles, familiales et ethniques qui sont
interpellées. La remise de la dette des pays pauvres est
une question qui engage, dans un premier temps du moins, des
engagements entre institutions bancaires ou monétaires
nationales ou internationales et des gouvernements particuliers.
Quel est le rôle que des personnes individuelles ou
associées, membres ou non dinstitutions
financières, peuvent et doivent jouer dans cette
problématique? Quelle sensibilité peuvent-elles
apporter à cette réflexion et à la recherche
de solutions viables?
- La législation biblique vise le maintien de
lintégrité tribale, familiale (en ce qui
concerne les personnes endettées) et le maintien de
lintégrité de la propriété
foncière en ce qui ce concerne la terre: il ne faut pas
céder à un étranger, ni même à
un membre dune autre tribu dIsraël, le territoire
familial ou tribal. Le sentiment dapparence à un
groupe particulier constitue sans doute la motivation essentielle
pour laction du goel en faveur de la
récupération de la personne endettée ou la
terre cédée. Laction en faveur de la remise
de la dette des pays pauvres doit pouvoir se baser sur une
solidarité internationale qui renonce à une
perspective dego-, dethno- ou de religiocentrisme.
Elle doit reconnaître que les liens de solidarité
dépassent les barrières ethniques, raciales,
religieuses, etc. Certains textes du Nouveau Testament peuvent
nous aider dans cet élargissement de la sphère de
solidarité, comme le récit de la rencontre de
Jésus avec la Samaritaine (Jn 4) ou la parabole du Bon
Samaritain (Lc 10,25-37).
- La législation biblique refuse le modèle
dexploitation envers les fils dIsraël, que ce
soit sous forme de domination violente, de lexigence
dintérêts sur des prêts ou de
remboursement des fonds engagés pour une alimentation
assurant une existence minimale. Ceux qui
réfléchissent à léconomie
politique et à léventualité de la
remise de la dette doivent reconnaître que le prêt
à intérêts accordé à des
personnes en situation de misère est une forme
dexploitation qui vise le profit du prêteur en premier
lieu et non pas lassistance du miséreux. Il ny
a quà observer comment les pays prêteurs
récupèrent largent prêté
grâce à la vente darmes ou de technologie.
Cette observation est valable aussi bien pour lendettement
des pays pauvres que pour le surendettement des personnes victimes
de nos sociétés de consommation dans lesquelles les
institutions financières tirent profit de la faiblesse des
emprunteurs.
- La législation biblique situe la
libération du jubilé dans le cadre du "jour des
expirations" ou "jour du pardon" au cours duquel lensemble
du peuple et des institutions reconnaissent leurs
péchés et leur actes qui risquent de compromettre
lavenir du pays et la survie du peuple. Leffort de
remettre la dette aux pays pauvres doit être
accompagné et motivé par la reconnaissance de la
dette des pays du "premier monde" à légard des
pays du tiers-monde. Il sagit, bien évidemment, de
lexploitation et de lexportation des ressources
humaines (esclavage), des ressources naturelles et des ressources
culturelles pendant et après les périodes
coloniales.
- Pour des personnes concrètes, la
législation biblique considère que
laccès aux moyens de subsistance doit être
garanti par laccès à la terre (culture et
pâturage). Lautorité royale a la
responsabilité de la protection des droits des personnes
(et non de lexploitation des sujets du royaume). Il faut
éviter que la remise de la dette des pays pauvres se
réduise à la simple annulation dune dette
financière, souvent contractée par les dirigeants et
remboursée par le peuple. Il faut arrêter le
saignement dû au remboursement des prêts, capitaux et
intérêts, et restaurer laccès de tous
aux moyens de subsistance. Le problème est complexe,
puisque les emprunteurs sont les gouvernements ou les
institutions. Ils ont souvent profité des prêts,
alors les gens doivent maintenant supporter les remboursements par
la vente des produits alimentaires à létranger
au détriment de leur propres besoins existentiels.
***
La Cinquième Assemblée Plénière de la
Fédération Biblique Catholique a proclamé
à haute voix que la Parole de Dieu est source de vie pour des
hommes et femmes de notre monde. En effet, même dans une
question aussi complexe que le problème de la dette
internationale et de ses effets sur les pays pauvres de notre
planète, avec ses aspects politiques, économiques et
historiques extrêmement techniques, cette Parole nous
interpelle. Elle sest adressée à la
réalité complexe du peuple juif il y a plus de 2000
ans. Elle nous interroge aujourdhui, nous et nos institutions,
en cette fin du deuxième millénaire. Nous sommes
invités à écouter cette Parole et à
écouter les personnes et les groupes qui crient leur
détresse. Le rôle dune animation biblique
contextuelle ne serait-il pas doffrir cette possibilité
découte, en attendant que la Parole
écoutée devienne engagement?