VITA DELLA CONGREGAZIONE
Alban Pascal Noudjom Tchana, scj
Jai choisi dintituler ces propos comme suit : le temps de la présence SCJ dans larchidiocèse de Yaoundé. Mon but dans les lignes qui vont suivre est dessayer, tant bien que mal, de faire voir les raisons qui ont porté les Prêtres du Sacré-Cur dans larchidiocèse de Yaoundé, de montrer comment cest faite limplantation des diverses communautés et ensuite comment cette présence est aujourdhui vécue dans les divers lieux où nous sommes (NB : Auparavant notre présence au Cameroun se limitait aux diocèses de Foumban et Nkongsamba).
Jessayerai alors de répondre aux questions suivantes :
- à quand remonte la présence dehonienne dans larchidiocèse de Yaoundé ?
- à qui la doit-on ? Quelles sont les raisons qui la justifient ?
- comment est vécue cette présence dans les divers communautés et secteurs paroissiaux ?
Un des soucis qui, à mon avis, a téléguidé cette présence : le souci de fidélité aux intuitions de notre charisme. Ce souci sexprime dans nos constitutions suivant une double modalité.
La première expression, je la tire de nos constitutions au n. 26, 27, 28. Elles disent ceci : « Prêtres du Sacré-Cur, nous vivons aujourdhui dans notre Institut lhéritage du Père Dehon. Nous sommes des religieux consacrés par des vux, dans une visée spirituelle reconnue par lEglise, celle du fondateur.
Comme tout charisme dans lEglise, notre charisme prophétique nous met au service de la mission salutaire du peuple de Dieu dans le monde daujourdhui.
Avide du Seigneur, nous recherchons les signes de sa présence dans la vie des hommes, où agit son amour sauveur ».
La seconde expression se trouve dans les constitutions n. 87.
« Appelés à fructifier le charisme du Père Dehon, nous voulons participer à cette activité de lesprit ; nous répondons à lexhortation du Christ : Priez pour que le maître de la moisson envoie des ouvriers dans son champ (Lc 10,2) ; nous serons en même temps présents aux diverses initiatives de lEglise dans la pastorale des vocations ».
Voilà ce que me laissent entrevoir ces deux exigences : le devoir pour le dehonien daller partout où il est besoin, en apôtre et en pasteur, pour prêcher le règne damour quapporte le Sacré-Cur de Jésus ; ensuite cet autre devoir qui est intimement lié au premier et qui exige de lui assurer une pastorale pour les vocations ; laquelle pastorale pourra garantir la continuité de cette mission dapôtres au service du Cur de Jésus. Lapostolat au service de lEglise est premier ; la pastorale des vocations nest quune conséquence du premier devoir qui veut bien quil y ait une postérité pour perpétuer luvre.
Comme nous le verrons dans la suite, ce sont ces deux soucis qui vont mobiliser nos pères dans la perspective dune présence dans larchidiocèse de Yaoundé.
Nous savons tous quun texte, quelque quils soit, tient sa crédibilité, sa valeur de son rapport à lhistoire, de la réalité des faits dans le temps. Jai pensé quil est très peu parlant et concret de me baser sur les seuls écrits ; jai jugé bon de recourir directement à trois sources humaines, trois anciens, qui ont été acteurs ou au moins témoins au moment où sélaborait ce chantier missionnaire. Jai donc à cet effet rencontré le p. Léon Kamgang et le p. François Siou. Jai fait parvenir au p. Félicien, curé de Mfou, un questionnaire quil a bien voulu répondre. Pour être honnête, une fois tous ces éléments en mains, je me suis tout simplement livré à un exercice de montage ou à un jeu de Puzzle. Arranger les différentes sources, les accorder : cest là que sest arrêté mon travail. Jai beaucoup regretté que le p. Zerr ne soit pas là ; jaurai pu recueillir de lui un bon nombre dinformations. Il est, nous le verrons, le levier de notre présence ici.
A quand remonte notre présence ici ? Quelles sont les raisons et les circonstances qui la justifient ? Je pense que pour une telle aventure, il est nécessaire de porter des lunettes dhistoriens. Et cest ce que je vais faire.
Le p. Goustan Le Bayon note dans son livre quen 1910, les Prêtres du Sacré-Cur sont nombreux en Allemagne. Cest justement alors vers une colonie allemande que le p. Dehon se tourne ; notamment au Cameroun où il voit un vaste champ missionnaire. De 1910 et 1911, il sétablit un échange de lettre entre le p. Dehon et les Pallotins qui sont alors, sous la coiffe de Mgr. Vieter, responsable du vicariat apostolique du Cameroun. Conclusion de ces démarches : la congrégation pour la propagation de la foi octroie aux dehoniens la mission de lAdamaoua. Cette portion va de Bonaberie dans le Littoral, passe par lAdamaoua jusquau lac Tchad. A cette part, on a attribué le nom de préfecture apostolique de lAdamaoua. En 1912, les dehoniens arrivent à Douala. En 1914, la première guerre mondiale éclate, les combats ne sont pas favorables aux soldats allemands. En raison du principe de la conférence de Berlin (1884-1886) qui voulait que lévangélisation soit assurée par des prêtres ou religieux issus du pays colonisateur, les Pères allemands sont donc appelés à vider les lieux. Cest de là donc quils iront fonder en Espagne. Ils sont entre temps remplacés par des pères dehoniens dorigine française. Ce départ en masse des pères allemands va créer un déficit au niveau des pères disponibles pour la mission et réduire par ce fait même le champ missionnaire SCJ à ce que lon a appelé le Vicariat apostolique de Foumban. Ce vicariat comprend la moitié de lAdamaoua et sétend jusquà Bonaberie. Mgr Plissoneau et Mgr Bouque, tous deux SCJ, vont respectivement se succéder à la tête de ce vicariat. Le vicariat de Foumban devient en 1955 diocèse de Nkongsamba. En 1964, Mgr Bouque passe le relais au clergé diocésain. Le 16 août 1964, Mgr Ndongmo devient ainsi le premier évêque indigène de ce nouveau diocèse. Mgr Nkuissi lui succédera le 29 janver 1973. Et cest alors que va commencer la période de confrontation directe et allumée entre lui et les dehoniens. Cest là, la part dhistoire quil fallait faire pour être dans le bain de la question.
Lors dune rencontre des évêques à Bamenda, feu larchevêque Zoa dit ceci à Mgr Thomas Nkuissi : « Si un jour, vous entendez que les prêtres du Sacré-Cur sont dans larchidiocèse de Yaoundé, sachez que cest à ma demande ». Et Mgr Nkuissi de répondre : « Prenez-les tous si vous voulez ». Cette petite histoire, je la tiens du p. Siou. Un autre fait qui montre déjà létat tendu des relations entre lui et les dehoniens. Mgr Nkuissi avait donné 48 heures au p. Goustan Le Bayon pour faire ses valises et quitter son diocèse, lui qui, daprès le p. Léon Kamgang, est arrivé comme missionnaire au Cameroun à lâge de 25 ans et y a passé toute sa vie. Il faut rappeler quil avait 75 ans quand cet accident est survenu. Le p. Le Bayon voulait rester en mission quand il a quitté le diocèse de Nkongsamba, il est allé dans le diocèse de Douala. Là, il a obtenu de Mgr Victor Tonye la nomination de vicaire de la cathédrale. Ensuite il a crée la paroisse de Congo. Il a alors demandé lappui dun confrère qui pouvait avec lui uvrer à Douala. Or aller à Douala pour certain pouvait signifier « fuir les difficultés ». Cest pourquoi pour lheure, le principe de semer ailleurs a été mis au « frigo ». Le père Le Bayon est donc rentré en France où il a obtenu une paroisse dans son diocèse à Vanne, plus précisément à Kevin. Toutes ces petites histoires pour que vous essayez dévaluer le contexte et les circonstances qui ont présidé à la naissance de lidée dun ailleurs. Il faut cependant noter que cette idée daller dans un autre diocèse date de longtemps : Mgr Lambert Van Heghen, évêque du diocèse de Bertoua avait déjà sollicité chez lui la présence de nos pères. De même pour lévêque du diocèse de Kumbo et de Douala. Si nous revenons au diocèse de Nkongsamba, nous constatons quavec Mgr Nkuissi, le problème est ambigu : il nest pas en bon terme avec les dehoniens, il veut leur départ de son diocèse et en même temps il ne veut pas les voir sinstaller ailleurs. Une autre erreur dans le diocèse de Nkongsamba était de penser la congrégation comme une propriété privée du diocèse. Vu sous cet angle, il navait pas le droit daller ailleurs sans avoir au préalabre reçu la permission de lordinaire du lieu.
Le temps a passé, cest alors que petit à petit est née dans la pensée du p. Zerr le désir daller fonder dans un autre diocèse. Quand il a finit lexercice de son mandat comme supérieur régional en 1978, il sest dit quil était temps daller sur dautres rives, de souvrir à dautres perspectives pour y proposer notre charisme. Dès son retour de congé, il sest décidé à partir dans le diocèse de Yaoundé où il avait déjà pris contect avec Mgr Zoa. Trois propositions lui ont été faites : Mvan, Nkongoa, Nkilzock. Le p. Zerr a préféré Nkongoa parce que cette paroisse était à sa taille et avait déjà un presbytère construit par un père allemand. Cest donc de retour de son congé en septembre 1978, quils sy est établi. Le p. Jean Bosco van den Berg la rejoint deux mois après car il ne fallait pas laisser le confrère tout seul. Quand Mgr Nkuissi a appris que le p. Zerr sinstallait à Yaoundé, il a rencontré le p. Siou alors Supérieur régional et lui a dit : « De quel droit êtes-vous allés dans larchidiocèse de Yaoundé », et sa réponse fut : « Nous sommes une congrégation internationale et par conséquent, nous ne sommes de faite attachés à aucun diocèse. Nous avons le droit de fonder ailleurs mais sans toute fois nuire au diocèse dans lequel nous uvrons ».
Il demandait ainsi de respecter ce statut des congrégations religieuses instruit par le Saint Siège le 24 février 1969, statut qui octroie aux instituts religieux implantés dans un territoire de mission. « Le droit de conserver leur caractère propre et leur légitime autonomie, la faculté de fonder des maisons ad normam juris, et dencourager les vocations pour leur famille religieuse ».1
Le p. Siou rapporte une autre friction mais cette fois-ci avec lAbbé Bernard Nkuissi. Lorsque lAbbé Nkuissi a été affecté à Kousseri dans le Nord-Cameroun, il a demandé de rencontrer le p. Siou.
« Je pars, a-t-il dit, mais jai un reproche à vous faire : vous naurez pas dû quitter le diocèse de Nkongsamba.
Le p. Siou de lui répondre : « Nous sommes libres daller où nous voulons, où nous pensons être le mieux pour nous et pour la congrégation ».
Pour nous résumer, nous pouvons dire que la volonté de fonder dans larchidiocèse de Yaoundé est née : et du désir de nous ouvrir à de nouvelles perspectives (apostolats, pastorale des vocations) et du souci de valoriser le caractère internationale de la congrégation qui, par des malentendus accumulés, tendait à être pris comme une propriété privée du diocèse de Nkongsamba. Mgr Zoa, le premier, a sollicité la présence SCJ dans son archidiocèse ; le p. Zerr a, en 1978, concrétisé cette présence en sy installant.
Avant de partir pour Yaoundé, il a fallu mettre les choses au point. Fonder à Yaoundé, comme le note le p. Siou, pouvait être pris comme un refuge, un tuyau déchappement. Cest pourquoi, il était nécessaire denvisager cette présence sous un signe positif : si lon fondait à Yaoundé, ce nétait pas pour fuir les difficultés dans le diocèse de Nkongsamba, mais parce que notre statut dinstitut international demandait aussi notre présence dans dautres diocèses.
« On ne fonde pas, dit le p. Siou, par dépit. On fonde parce que lon veut que le règne du Sacré-Cur et les prêtres du Sacré-Cur soient connus ailleurs que dans le diocèse dont ils sont les pionniers. Il nest pas bon de se cloisonner dans un seul lieu ; là, on risque détouffer. Il faut aller vers des chemins qui offrent de nouvelles perspectives dapostolat et de vocations. Le père Dehon, même par imprudence, allait ailleurs. Il faut aller là où on nous appelle avec les moyens que lon a. Aller ailleurs, cest bien une attitude évangélique ; toute la vie due Christ est faite de petits départs ».
Une fois dans larchidiocèse, voyons comment sest fait limplantation des premiers confrères. Doù vient le désir douvrir un scolasticat à Ngoya ?
Le 1er octobre 1979, fondation du noviciat à Ndoungué. En présence des évêques André Wouking et Thomas Nkuissi. Déjà avant 1980, date de profession du premier groupe de novices, la question sest posé de savoir où allaient partir ceux qui devaient faire les vux. Cest alors que le contact a été pris avec la province du Zaïre (Nouvelle R.D.C.). Le projet a été détablir un scolasticat à Kinshasa dans la paroisse du Christ Molobeli.2 Quatre chambres sont donc construites pour abriter en octobre 1980 trois néo-profès. Plus tard va se poser la question de la théologie. Les deux premiers étudiants en théologie vont donc faire communauté avec les CICM à Ngoya. Pendant les week-ends, ils iront rejoindre les confrères ou à Nkongoa ou à Nkilzock. Après discussion avec le Zaïre (nouvelle R.D.C.), on choisit Yaoundé pour abriter la maison de théologie. Pourquoi Yaoundé ? A cause des structures qui sont déjà sur place et aussi ceux qui sont en projet. A cette époque, il y a linstitut catholique qui est en projet, il y a le grand séminaire, linstitut de théologie de Ngoya et enfin la grande bousculade à laquelle se livrent les congrégations pour sinstaller dans la ville. Cest ainsi quon aboutit au projet dachat dune maison à Yaoundé.
En 1984, le p. Léon Kamgang devient Supérieur religieux. Il remplace le p. Siou. Profitant du séjour à la maison provinciale de Nkongsamba du p. Lesenne, un jésuite ; le p. Léon Kamgang lui fait part de sa préoccupation dobtenir un terrain à Yaoundé pour ses jeunes en formation. Cest alors que ce père lui fait part dune maison quils ont et qui est sans utilité pour eux. Lachat du terrain et de la maison vaut 50 millions. Cest une propriété de 2000 mq qui prendra le nom de la maison André Prévot.
En 1985, lidée dun consortium comprenant les scheutistes, les missionnaires du Sacré-Cur et les prêtres du Sacré-Cur est lancé. Il y a de part et dautre la volonté que celui-ci soit en plein cur de la ville car il est dit que Ngoya est la brousse et de ce fait noffre pas de grandes perspectives dapostolat. Un terrain dun demi-hectare est dont disponible. Il est dit que chaque congrégation doit donner 50 millions sans compter largent des frais de construction. Le tout est estimé à environ 300 millions de Fcfa. Le p. Léon va sopposer à la réalisation dun tel projet. Il est pour lidée de laisser linstitut de théologie à Ngoya. Lidée fait son chemin et est finalement adoptée. Les premiers scolastiques dehoniens quitteront de la maison André Prévot pour linstitut de Ngoya. Environ 50 km, sil faut compter le trajet aller et retour. En prévision du nombre des jeunes qui arrivent, on veut acheter un terrain en face de la maison André Prévot pour y construire dautres chambres. Le p. Léon juge économique et pratique de se procurer un terrain dans les environs de linstitut à Ngoya. Après débat, bon nombre pensent quil faut vendre André Prévot et alors avec cet argent acheter un terrain à Ngoya. Le p. Léon encore une fois pense quil est bon de conserver André Prévot et acheter un autre terrain à Ngoya ; car pense-t-il la présence en ville est tout aussi nécessaire. Ce nest quen ville quon pourra mieux diffuser notre charisme. Cette perspective lui vaut les qualificatifs dhomme inconstant et irréfléchi etc. A la fin on choisit de garder André Prévot et dacheter un terrain à Ngoya. Cest donc le p. Cyprien Mbuka alors supérieur de la communauté des scheutistes, qui va aider le p. Léon à lacquisition du site où nous sommes. Le premier supérieur des scolastiques à André Prévot sera le p. Lapaw. Installé à Ngoya, le premier supérieur sera le p. Carlo Biasin, assisté par le p. Felicien qui est professeur dEcriture Saintes et le p. Georges. Le premier groupe de scolastiques était au nombre de trois : les Fr. Engelbert, Lutété et Leonard. Le p. Carlo aimait les appeler les trois « mousquetaires ».3 Ce petit rappel juste pour mettre en valeur la croissance du nombre détudiants. En dix ans, on est passé dune maison de trois à vingt et deux étudiants en théologie. Il faut dire quà partir de 1997, les jeunes de la province du Mozambique sont venus colorer davantage le caractère international de la communauté. A ce groupe détudiants en théologie sajoutent dix-huit étudiants en philosophie. Dans la joie comme dans les épreuves de tous les jours, nous vivons, accompagnés par nos formateurs, cet idéal de vie joyeuse que nous propose le Christ par notre charisme. Nous sommes bien conscient que lavenir de la vie religieuse déhonienne de demain en Afrique dépendra aussi de nous.
Que dire en ce qui concerne la paroisse dElig-edzoa ?
La paroisse au départ était entre les mains des prêtres des missions étrangères. Pour lheure, ils sont à Ngousso. Quest-ce qui justifie donc notre présence à Elig-edzoa ? Daprès un principe très cher à Mgr Zoa, chaque congrégation qui sétablissait dans son diocèse devait avoir en charge une paroisse. Le site dalors nétait pas celui daujourdhui. Un dimanche, un journaliste sarrête à Elig-edzoa pour y faire sa messe dominicale. De retour à son travail, il élabore un article pour lhebdomadaire Cameroun Tribune. Il intitule cet article : le diable et le bon Dieu à Elig-edzoa. Le bon Dieu parce que cest là où on disait la messe. Le diable parce que, pendant que lon célèbre leucharistie, certains jouent à un volume élevé les musiques damour. Avec cette coupure de journal, le p. Léon est allé voir le délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Yaoundé. Celui-ci lui a concédé un terrain non à cause du fait que cest une affaire de lEglise mais plutôt en raison du sans gène de ce confrère qui na cessé de lempester.
Quen est-il de notre présence à Mfou ?
Notre présence à Mfou date de 1979-1980. Cette présence, nous pouvons la faire coïncider avec celle de la naissance de la mission paroissiale dédiée à « Marie mère de Dieu ». Le premier curé fut le confrère Hollandais le p. Cornelius van den Berg. La paroisse compte environ 1400 chrétiens de plus de 20 ans. Elle sétend sur quatre quartiers de ville et 9 villages de brousse. Ce que feu Mgr Jean Zoa demandait à nos pères cétait une pastorale de proximité qui veut quon se déplace vers les gens. Cest une paroisse qui bouge. Elle bouge par ses mouvements et confréries de jeunes qui sont au nombre de huit, par ses groupes dadultes qui sont au nombre de neuf. Le p. Felicien, actuel curé, citait comme difficulté la situation lamentable des relations hommes-femmes, le nombre restreint de mariage, les innombrables ménages irréguliers, les enfants abandonnés. A son avis ces champs pastoraux restent inattaquables à cause du poids apparemment indéracinable de coutumes.
Abordons maintenant le dernier point pour voir comment la présence dehonienne dans larchidiocèse de Yaoundé a été vécue : le rapport avec les gens et le rapport avec la hiérarchie.
Le rapport avec la hiérarchie locale
Si je me fie à ce que mont dit les pères Léon et Siou, le rapport en son temps avec feu larchevêque Zoa était dabord à son initiative que nous sommes venus à Yaoundé. Il était très proche des prêtre du Sacré-Cur. Il connaissait notre charisme et cest ce qui peut même justifier le fait quil ait dit à Mgr Thomas Nkuissi que sil entendait que les prêtres du Sacré-Cur sont à Yaoundé, cest à son appel. Il estimait beaucoup notre pastorale qui nous rend très solidaires et proches des gens vers qui nous allons. Il a été favorable à notre implantation à Ngoya qui à lépoque dépendait de son diocèse. Cest lui qui a donné toutes les autorisations nécessaires à notre implantation ici. Tout ceci sans doute peut-être à cause de notre attitude à son égard. Quelques exemples concrets.
Le p. Léon avait obtenu le terrain de Michel Archange dElig-edzoa. Il a donné le titre foncier à Mgr Zoa. Il a obtenu celui de Ntem-assi, il lui a donné le titre foncier. Il a obtenu le terrain de Nkolebogo, il lui a donné le titre foncier. De même à Mfou, le p. André Gravejat a obtenu un terrain, il lui a donné le titre foncier. Et de tous ces gestes apparemment ordinaires, Mgr Zoa dit ceci : « Vous les prêtres du Sacré-Cur vous êtes formidables ». Un jour, il fait appeler le p. Léon et lui dit : « Il ny a que toi létranger, toi qui es bamiléke4 qui sait mobtenir les choses pour larchidiocèse ». Il lui fait alors, pendant une autre rencontre, cette confession : « Tant que je serai à Mvolye,5 tu seras à coté de moi ». Ce qui personnellement ma frappé dans tout ça, cétait de voir limpression ou lidée que les gens peuvent se faire de la congrégation tout entière rien quà partir du comportement positif de deux individus. Tout récemment à Ndoungué, je demandais au p. Léon ce qui, à son avis, peut être vu comme lapport spécifique des dehoniens dans larchidiocèse. Sincèrement il ma répondu quil ny a pas à sa connaissance un apport spécifique que nous puissions nous attribuer. La prière du vendredi, ladoration eucharistique avaient déjà été instituées par les pères spiritains. Mais cependant, il ma dit que si lon demandait à un chrétien quelconque la différence entre les prêtres du Sacré-Cur et les autres, il dirait sûrement que nous sommes dévoués à notre tâche, quon les pousse à la spiritualité et à la dévotion. Et par la suite, il ma rappelé ce reproche que lon fait souvent aux prêtres du Sacré-Cur dêtre rigoureux et sévères. Cest, dit-il, à linsu de ceux qui le répandent ; une bonne note, un témoignage en faveur du sérieux avec lequel nous prenons notre engagement à la vie religieuse et à la pastoral.
Dans larchidiocèse de Yaoundé, nous sommes présents dans trois villes. Yaoundé, Mfou et Ngoya. Nous menons une vie religieuse par communauté de deux, trois membres et plus. Nos deux principales occupations sont lapostolat paroissial et la formation théologique des jeunes religieux à Ngoya. Depuis peu, la maison est « squatté » par les étudiants en philosophie qui nont pu aller en RDC à cause de la situation politique du pays. Il reste, comme le rappel toujours le p. Provincial, que pour nous autres philosophes, notre maison daccueil pour la philosophie reste Kisangani. En attendant notre éventuel rapatriement, nous philosophons à linstitut Mukasa. Bref, cest ça les formes que revêtent notre présence dans larchidiocèse Les Dehoniens tentent de proposer aux hommes, aux femmes et aux jeunes un chemin de vie dans la spiritualité du Cur transpercé. Cest là notre manière daimer cette portion du monde où nous sommes, de la guérir de ses maux, de participer à lidéal de réconciliation des hommes. Cest en cela, dans cette quête du Sint Unum que nous nous affirmons comme disciples du p. Dehon. Sans gestes déclat, nous menons une vie ordinaire mais dense. Petit à petit, nous creusons, comme aime à le dire le p. Siou, notre petit trou dans larchidiocèse. Nkongoa, Nkilzock, Yaoundé, Ngoya, Mfou : ce sont là quatre sillons que nous avons cultivés. Le fruit de ce labeur se mesure au nombre de vocation qui remplissent déjà des maisons de formation quon pensait trop vastes au départ.
Au père Siou, je demandai pourquoi on na pas tenté lexpérience dune uvre à la p. Bernard Groux (la JED)6 à Yaoundé ? Sa réponse ma beaucoup édifié. Jai eu droit à un cours gratuit et pratique de théologie pastorale. Il part de ce principe de base que cest la vie qui dicte lorientation ou les choix apostoliques à faire. Il est convaincu quune uvre pensée suivant un schéma rationnel ne résiste pas à lépreuve du temps. Il dit navoir pas, durant son mandat de Supérieur régional, vécu une situation spéciale avec les jeunes en difficultés qui pouvait lincliner à pareille initiative. Cette réponse, je lai mise en rapport avec ce que disait le p. Antonio alors quon voulait élaborer un projet de fondation dun groupe de familles partageant le charisme dehonien. Sa pensée se résumait à ceci : laisser jaillir des gens le désir de vivre notre spiritualité. Ce nest pas à nous que revient linitiative de fonder des groupes pareils. Notre devoir est daider à leur éclosion, de cheminer avec eux, de rectifier si nécessaire leurs aspirations pour quils sépanouissent davantage.
A la fin de nos entretiens, je me suis risqué à demandé un conseil à ces anciens pour nous autres jeunes générations qui marquons nos premiers pas dans la vie religieuse. Le p. Léon nous demande tout simplement douvrir les yeux et de regarder sagement ce quont fait nos aînés. De sinstruire de leurs actions tant positives (pour nous améliorer) que négatives (pour éviter de nous casser la figure sur ce qui fut leurs obstacles). De partager en tout la conviction du Christ et de vivre de sa vie. De toujours suivre la voie du p. Dehon en réalisant lAggiornamento nécessaire. Le p. Siou lui nous invitait à travailler sur lêtre et non sur lavoir ; étudiant en philosophie, cela ma fait immédiatement revenir à lesprit mon cours de métaphysique. Ce qui nous aidera demain, dit-il, cest ce que nous sommes et non ce que nous avons. Nous aurons bel davoir, continue-t-il, le matériel le plus perfectionné qui soit pour la pastorale mais sans une personnalité propre et une ascèse de vie rigoureuse, nous roulons à notre perte. Humilité et simplicité : voilà résumé en deux mots son conseil.
Lhumilité nous aidera à entrer dans la pastorale comme des petits enfants. Elle nous désarmera des fausses raisons que nous donne notre bagage intellectuel, notre philosophie et théologie, nos logiques complexes et nos schémas rationnels qui nont parfois rien à voir avec la réalité vécue par les gens. La simplicité nous évitera la dictature de la raison que nous exerçons parfois très facilement sur ces pauvres chrétiens qui maîtrisent déjà si mal le a, b, c du catéchisme élémentaire que nous les apprenons. Elle nous donnera laudace de nous asseoir non seulement dans la case des riches, mais aussi dans celle des pauvres. A les écouter, à les regarder, nous apprendrons que cest bien une illusion que de croire quon a raison de lautre simplement parce que lon a beaucoup étudié. Confrontés aux réalités des gens, à leurs misères, nous apprendrons que la vrai homélie, celle qui touche le cur des gens nest pas celle que lon tire dans les bouquins la veille au soir ; mais celle qui rejoint directement les expériences ou joyeuses ou douloureuses quils vivent.
Jaimerai terminer ce speech par ces courtes phrases du p. Alphonse Huisken aux novices, alors Supérieur du noviciat en 1997. Cétait en la fête du Sacré-Cur.
« Si nous (les vieux) nous sommes le crépuscule de la congrégation, vous (les jeunes) êtes son aurore ».
Personnellement, cette courte phrase ma beaucoup parlé. Je lai agrafé dans mon journal de cette année là. Elle me disait le sérieux avec lequel je me devais dassumer ma formation de jeune dehonien si je voulais que le flambeau de notre charisme soit porté aux générations futures. Sûrement aussi aujourdhui, elle me dit la responsabilité avec laquelle je me dois dassumer la présence de tout ce qui défile devant moi : les personnes, les biens mis en ma disposition et bien dautres.
1 Le Bayon Goustan, Les prêtres SCJ et la naissance de lEglise au Cameroun, p. 139
2 En français cest la paroisse du Christ qui parle pour
3 Cf. revue Scolasticat Ngoya, n. 3, 1991.
4 Cest une tribu de lOuest du Cameroun. Mgr Zoa est de centre. Pour des raisons politiques, on a toujours voulu opposer ces deux tibus.
5 Mvolye, cest un quartier de la ville de Yaoundé. Cest là quhabite larchevêque Jean Zoa. Il est aussi le quartier par excellence où est situé une bonne partie des communautés religieuses.
6 Cest une oeuvre diocésaine confiée aux Prêtres du Sacré-Cur par le diocèse de Bafoussam. JED (Jeunes en difficultés).