SAINT- JEAN AVANT LA GUERRE
1877 - 1917
Léon Dehon
 

Quarante ans de vie d’une Maison Chrétienne
avant le Déluge de Feu et le grand entr’acte

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Mgr Thihaudier et Mgr Mathieu désiraient une maison d’enseignement chrétien à Saint-Quentin.
Je me mis à l’œuvre, sans ressources, mais, avec une grande bonne volonté, et cela marcha.
Il ne s’agit pas aujourd'hui d’en donner une histoire, mais une simple esquisse, un diorama, on dirait « un film », avant de passer au récit des prouesses et des deuils de la guerre.
Pour plus de clarté, j’y regarderai à trois fois et je verrai successivement le développement de la vie intellectuelle, de la vie de famille et de la vie religieuse. C’est à vous, mes chers Anciens, que je dédie ce chapitre.
David dit dans un psaume : « Je repasserai dans ma mémoire les années de ma vie » et dans un autre : « Les vieux souvenirs vous seront comme une fête » - reliquiae cogitationis diem festum agent tibi. Vous aimerez à voir défiler ces années qui avaient leur charme, malgré quelques nuages.
 

I. VIE INTELLECTUELLE
 

Je commençais avec des hommes de valeur, de vrais prêtres et de bons professeurs : MM. Rigaud, Legrand, Labite, Lefèvre, Marchal ; usés par le labeur plutôt que par l’âge, ils sont allés déjà chercher leur récompense.
Ils m’apportaient les bonnes méthodes de l’Institution Notre-Dame de Laon. On se mit au travail pour tout de bon.
Rappelez-vous la bonne organisation des classes: il y avait deux camps avec leurs jeunes chefs qui comptaient les points pour les leçons, les devoirs. Les vaillants étaient à l’honneur, les paresseux étaient malmenés parce qu'ils faisaient perdre la bataille.
Chaque semaine, Monsieur le Supérieur lisait les places de composition et les notes: quel stimulant pour le travail !
Il y avait les sabbatines où l’on faisait des prouesses de mémoire et les examens mensuels et trimestriels.
Les plus beaux devoirs se copiaient au cahier d'honneur.
« L’Aigle de Saint-Jean », notre journal de famille, notait les vainqueurs dans les compositions et reproduisait des narrations choisies, voire même des poésies.
Nos luttes scolaires avaient leurs citations, comme la grande guerre.
A Pâques, Monsieur l’Archiprêtre proclamait les places d’excellence. Le mois de juillet était celui des grands assauts et des batailles suprêmes. On s'en allait à Paris ou à Lille, braver les jurys d’examens.
Nous attendions très émus les dépêches de victoire et quand le grand mot arrivait: Reçu, les applaudissements se répétaient de classe en classe, comme une tonnerre qui se répercute.
Au jour des prix, quelle fête ! quel triomphe pour les enfants studieux. On représentait un drame, on chantait, Monsieur le Supérieur faisait un discours sur l’éducation chrétienne, on proclamait les vainqueurs, on applaudissait les prix d’honneur et de sagesse, des personnages honorables venaient nous présider et nous encourager. C'était Monseigneur, on l’un de ses Vicaires généraux ou quelque invité de marque: Mgr Hautcoeur, Monsieur le chanoine Didiot, Monsieur Harmel.
Oh ! les belles années de vie intellectuelle, qui formaient des hommes, en ornant leur intelligence et en trempant leurs âmes par l’habitude de l’effort et du travail !
 

II. VIE DE FAMILLE
 

La chère Maison formait bien une Famille, Maîtres et Élèves se passionnaient pour ses progrès et ses succès.
Nous avions commencé dans le modeste local de la pension Lecompte, il fallait bientôt dilater nos tentes, comme dit l’Écriture.
On construisit la chapelle, on acheta les maisons Dassonvillers, Moury et Michel, on éleva la grande aile des dortoirs, et la place manquait toujours.
Quelle joie à chaque agrandissement ! Mais toutes les oeuvres saintes ont leurs épreuves, Dieu les permet. Le diable et les imprudences humaines renversent le char qui courait triomphalement.
Rappelez-vous la nuit sinistre du 29 décembre 1881.
Nous étions en fête à la salle du Patronage Saint-Joseph, c’était une séance dramatique à l’occasion de la Saint-Jean.
A dix heures, un messager accourt : « Le feu est à Saint-Jean ». C’était la grande aile des dortoirs qui flambait et qui illuminait toute la ville. Quelle nuit ! Nos élèves furent héroïques en portant des seaux d'eau sans repos, avec les larmes aux yeux. Les pompes ne portaient pas assez haut, il fallait regarder brûler, la Providence sait se jouer des efforts humains.
Les étages tombèrent, la statue du Sacré-Coeur resta debout à sa fenêtre du second, compatissante et encourageante.
L’œuvre allait-elle périr ?
Non, elle sortit de l’épreuve plus vivante et plus aimée, tel l’Apôtre Saint Jean notre grand patron paru plus jeune et plus beau après le supplice de l’huile bouillante.
La rentrée de janvier nous donna trente élèves nouveaux. On se serra dans les bâtiments qui restaient, on se risqua à loger au dortoir du premier qui était sans toiture, et la Providence nous donna trois mois sans pluie pour refaire notre toit.
Un grand signe de 1'esprit de famille, c'étaient nos fêtes. Oh ! les belles Saint-Nicolas, la joie des petits, avec une représentation dramatique et 1'apparition émouvante du Grand Évêque vêtu de blanc, sur sa monture traditionnelle.
Nous fêtions la Saint-Jean, le Carnaval, la Saint-Léon; il y avait toujours soirée dramatique. Le choix des pièces visait à faire vibrer les sentiments religieux et patriotiques. On donnait Athalie, Sainte Benoîte, la Fille de Roland, l’Abbé de l’Épée. Les pièces, de pur délassement s'y mêlaient avec des chants entraînants, comme le Chant des chasseurs, le Chant des montagnards, les trois jours de Colomb, le chemin de fer, et des chants de marche tout patriotiques.
La Saint-Léon était la grande fête, elle avait ses échos dans toute la région.
On partait avant le jour en chemin de fer ou en omnibus pour Noyal, Liesse, Fieulaine, Ham, Coucy, Ourscamp, Folembray, Vermand, Marteville, Caulaincourt.
Quelles journées ! la messe en arrivant, le festin, les jeux forains, courses, concours, mongolfières, Monsieur le Supérieur inaugurait le manège. Le soir, souper, feu d’artifice et rentrée à minuit. Saintes folies qui enivraient de joie nos enfants.
 

III. - VIE RELIGIEUSE.

Le meilleur de la maison était sa vie religieuse. Rappelez-vous, chers Anciens ! la petite méditation le matin à la chapelle, la messe où alternaient les chants et la lecture spirituelle : - la causerie de Monsieur le Supérieur sur l'Éducation chrétienne, le soir à cinq heures ; - les confessions hebdomadaires, les nombreuses communions du dimanche ; - la retraite si impressionnante du mois d’octobre. La première Communion si bien préparée par Monsieur Labitte.
La photographie a conservé ces groupes de communiants au visage limpide et pur.
Des œuvres vous formaient à la piété et à la charité: il y avait la Congrégation des Enfants de Marie et la Conférence de Saint Vincent-de-Paul, qui tirait ses principales ressources d’une loterie habilement organisée.
L’esprit de piété de la maison formait des Saints et les Anges en vinrent chercher quelques-uns pour les unir à leurs phalanges. Plusieurs ont eu leur biographie fixée par l’impression, comme: Savart, Lecomte, Black, Mennechet, Halluin.
Ces rivaux de saint Louis de Gonzague protègent du haut du Ciel, la maison ne doit pas périr.
Dieu et Patrie, c’étaient les grands amours de vos jeunes cœurs, et la France vous a trouvés prêts quand il a fallu la défendre.
Tous se sont levés.
Ils ont été à l’honneur en conquérant des grades, des citations et des décorations.
Tous ont souffert, et beaucoup ont donné leur sang et leur vie pour la France, mais cela sera dit plus en détail par les pages suivantes.

« Trait d’Union » Juin 1915, p. 9-12
Bulletin des anciens élèves du Saint-Jean

SÃO JOÃO ANTES DA GUERRA.
1877-1917.

Leão Dehon 

Quarenta anos de vida de uma Casa Cristã
Antes do Dilúvio de Fogo e do grande intervalo.
 

Mons. Thibaudier e Mons. Mathieu desejavam uma casa de ensino cristão em São Quintino.
Entreguei-me ao empreendimento, sem recursos mas com grande boa vontade e a obra foi adiante.
Não é nossa intenção relatar, hoje, a história da obra, senão, oferecer um simples esboço, um quadro, diria, "um filme" antes de começar a relatar as proezas e as desgraças da guerra.
Por razão de clareza, tratarei do assunto em três dimensões e verei assim, sucessivamente, o desenvolvimento da vida intelectual, da vida de família, e da vida religiosa. É a vocês, meus caros Velhos Amigos, que eu dedico este capítulo.
Davi diz em um de seus salmos : " As antigas recordações chegam a vocês como uma festa"- reliquiae cogitationis diem festum agent tibi. Sem dúvida irão gostar de ver diante de vocês todos aqueles anos, que nos propiciavam a graça de sua alegria, apesar das dificuldades.

I.VIDA INTELECTUAL

Eu começava com homens de valor, verdadeiro padres, e bons professores: os Srs. Rigaud, Lgrand, Labite, Lefèvre, Machal; com suas forças reduzidas mais pelo trabalho que pela idade, já se foram para receberem a sua recompensa.
Trouxeram consigo os bons métodos usados no Instituto Notre-Dame de Laon. Metemos mãos à obra com coragem e entusiasmo.
Observem a organização da vida escolar: havia dois grupos com seus jovens monitores que contavam os pontos para as lições, os deveres de classe. Os mais aplicados recebiam homenagens, os preguiçosos passavam vexames porque tinham perdido a batalha.
Cada semana o Sr. Superior lia a lista de classificação com as notas: valia como um estimulante para o trabalho.
Havia sabatinas onde se fazia grande esforço de memória e as provas mensais e trimestrais.
Os melhores trabalhos eram copiados no caderno de honra.
"L’Aigle de Saint-Jean" (A Águia de São João), nosso jornal interno, trazia os nomes dos vencedores nas redações e publicava narrações selecionadas e até mesmo poesias.
Nossas batalhas escolares tinham sua linguagem , suas expressões, como a grande guerra.
Por ocasião da Páscoa, Mons. Arcipreste fazia a leitura dos nomes dos classificados nos primeiros lugares. O mês de julho marcava o grande combate, as última batalhas. Iam a Paris ou a Lille enfrentar as bancas examinadoras.
Esperávamos ansiosos a comunicação de vitória e quando ouvíamos a auspiciosa palavra: Aceito, os aplausos repetiam-se de classe em classe, como um trovão que reboava pela casa.
Com era festivo o dia da premiação ! Que sensação de triunfo para os alunos estudiosos. Encenava-se uma peça de teatro, executavam-se cânticos, o Superior fazia um discurso sobre a educação cristã, fazia-se a proclamação dos vencedores. Eram aplaudidos fervorosamente os prêmios de honra e de sabedoria, contávamos com a presença de pessoas importantes que vinham presidir as cerimônias e trazer , para nós, estímulo e encorajamento. Eram o Bispo ou um dos seus vigários gerais, algum convidado especial : Dom Hautcoeur, o Sr. Cônego Didiot, o Sr. Harmel.
Oh ! os belos anos de vida intelectual, que formavam homens, ornamentando suas inteligências de conhecimentos e inundando suas almas com o hábito do esforço pelo trabalho.

II. VIDA DE FAMÍLIA.

A querida casa constituía uma verdadeira família, Professores e Alunos eram ciosos do seu progresso e de bons resultados.
Havíamos começado no modesto local da pensão Lecompte mas logo se viu a necessidade de aumentar nossas tendas, como diz a Escritura.
Construiu-se a capela, foram compradas as casas Dassonvillers, Moury et Michel, edificou-se a grande ala dos dormitórios mas sempre faltava espaço.
Que alegria cada vez que vemos a obra crescer !. Não obstante, todas as obras santas são alvo de provações. Deus as permite. O diabo e as imprudências humanas emperram o carro que seguia, triunfalmente, seu curso.
Lembremos a noite sinistra de 29 de dezembro de 1881.
Estávamos em festa na sala do Patronato São José, assistíamos a uma sessão de teatro por ocasião da festa de São João.
Às dez horas, chega um mensageiro anunciando: "Há um incêndio no São João". Era a grande ala dos dormitórios que ardia e iluminava toda a cidade. Que noite! Nossos alunos foram heróis. Mesmo com lágrimas nos olhos, carregavam, sem cessar, baldes com água. As bombas não conseguiam levar a água àquela altura; restava-nos ver o fogo queimar; a Providência diverte-se com os esforços humanos.
Os andares desmoronaram, a imagem do Sagrado Coração ficou de pé em seu nicho, compadecendo-se de nós e encorajando-nos.
Será que isto marcava o fim da obra?
Não, ela saiu da provação com mais vida e mais amada, tal como o Apóstolo São João, nosso grande patrono que pareceu mais jovem e mais belo depois de ser submetido ao suplício do óleo fervendo.
As matrículas de janeiro trouxeram-nos trinta novos alunos. Limitamo-nos a usar os prédios que ficaram e nos arriscamos a acomodar os alunos no dormitório do primeiro andar que estava descoberto e a Providência nos deu três meses sem chuva para que pudéssemos refazer todo o telhado.
Um forte sinal do espírito de família eram nossas festas. Oh ! as belas festividades de São Nicolau, a alegria dos pequenos, com uma representação teatral, o comovente aparecimento do grande bispo, vestido de branco em sua montaria tradicional.
Festejávamos São João, o Carnaval, e São Leão; havia sempre representações teatrais.
A escolha das peças visava à vibração dos sentimentos religiosos e patrióticos dos alunos.
Eram encenados Athalie, Sainte Benoîte, La Fille de Roland, L’Abée et L’Épée. As peças que visavam apenas à descontração, eram entremeadas como o Canto dos caçadores, o Canto dos montanheses, os Três Dias de Colombo, o Caminho de ferro, e canções marciais e patrióticas.
A festa de São Leão era a grande festa, lembrada em toda a região.
Antes do dia da festa todos iam de trem ou de ônibus, passando por Noyal, Liesse, Fierulaine, Ham, Coucy, Ourscamp, Folembray, Vermand, Marteville, Caulaincourt.
Que viagens, ! a missa na chegada, a festa, jogos populares, corridas, competições, o Superior inaugurava o pátio da festa. À noite, o jantar, fogos de artifício, à meia-noite, o recolhimento. Santas brincadeiras que inundavam de alegria a vida de nossas crianças
 

III. VIDA RELIGIOSA.

A melhor dimensão da vida da casa era a prática religiosa. Recordem, Antigos Colaboradores. Pela manhã, a pequena meditação na capela, a missa , alternada com cânticos e leitura espiritual: - à tarde, às cinco horas, a palestra do Superior sobre a Educação cristã;- as confissões semanais, as numerosas comunhões no Domingo; - o impressionante retiro do mês de outubro. A Primeira Comunhão tão bem preparada pelo Sr. Labitte.
A fotografia conservou esses grupos de comungantes, cujas faces retratavam pureza e inocência
Algumas obras formavam aqueles jovens para o sentimento de comiseração e de caridade : havia a Congregação dos Filhos de Maria e a Conferência de São Vicente de Paulo que tinha seus recursos tirados de uma loteria organizada com habilidade.
O espírito de compaixão chamou a atenção dos Anjos e dos Santos que vieram buscar alguns dos nossos para os unirem a suas milícias celestes. Alguns tiveram suas biografias registradas pela imprensa, como Savart, Lecomte, Black, Mennechet, Halluin.
Esses rivais de São Luiz de Gonzaga, lá do alto do Céu, protegem a nossa casa para que não venha a ser destruída.
Deus e Pátria eram os grandes amores do vossos jovens corações e a França vos encontrou em prontidão quando foi preciso defendê-la.
Todos tiveram sua promoção.
Foram homenageados pela conquista de graduações, de citações honrosas e de condecorações.
Todos sofreram e muitos deram seu sangue e suas vidas pela França mas isto será relatado com pormenores, nas páginas seguintes.

"Trait d’Union" Junho de 1915, p. 9-12. Boletim dos antigos alunos do São João

Tradução Pe. José Calixto Ferreira de Araújo SCJ-BS