Message pour Noël et pour le Nouvel An

Rome le 3 décembre 1998
Prot. N. 255/98
A toutes lescomposantes
de la Famille Dehonienne
(SCJ, Consacrés, Laïcs)
Chers Frères et Soeurs,

A l'approche de Noël et de la Nouvelle Année qui sera la dernière de ce millénaire, je suis heureux de vous adresser aussi bien mes salutations personnelles que celles de tout le Gouvernement général.

Deux situations contrastantes caractérisent cette période de fin d'année. D'une part, il s'agit de plusieurs événements violents et douloureux qui frappent l'humanité et contredisent notre fraternité universelle. D'autre part, il y a la conscience et l'expérience vécue du Royaume de Dieu qui est en train de croître et qui fait son chemin en dépit des résistances, des faiblesses et des péchés des hommes.

Pour rester plus près de nous, pensez à la situation du Congo qui ne cesse de nous causer des souffrances et des préoccupations. Par la prière et par le jeun, en nous tenant informés et en participant aux initiatives de paix, conservons vivante notre solidarité avec ce peuple meurtri, avec cette Eglise que nous avons fait naître pour la foi, et avec tous les confrères de notre famille religieuse qui y travaillent.

Nous tenons présents aussi nos confrères de l'Equateur et les communautés chrétiennes qu'ils accompagnent, frappées à plusieurs reprises par les catastrophes naturelles et climatiques (inondations, glissements de terrain, tremblements de terre etc.), qui ont fait beaucoup de victimes et qui ont provoqué des dégâts matériels, beaucoup de souffrances et de destructions; dont les conséquences vont se faire sentir pendant des années. De grandes inondations ont également eu lieu dans le Chaco argentin.

Ce qui nous préoccupe aussi c'est l'instabilité économique, politique et sociale de l'Indonésie, aggravée par le sentiment de frustration collective et par l'apparition de forces destructrices qui sont à l'origine des nombreux troubles.

Nous relevons aussi plusieurs motifs de joie et de reconnaissance au Seigneur. Parmi ces motifs, nous mentionnons une riche expérience de la rencontre du Gouvernement général avec les Supérieurs majeurs SCJ, tenue à Rome en novembre dernier. L'objectif de la rencontre était de préciser ultérieurement l'aspect opérationnel du programme général pour le présent sextennat (Projet 1997-2003). Le rythme de travail a été intense mais serein; nous avons vu s'accroître, jour après jour, la conscience du "Nous Congrégation", dans une perspective claire de "notre mission", mission qui tire sa spécificité et sa force du charisme et de la spiritualité héritée du P. Dehon.

Nous avons partagé en profondeur les thèmes et les problématiques qui touche dans le vif notre être et notre service dans l'Eglise et dans le monde d'aujourd'hui. Nous nous sentons maintenant confirmés dans le cheminement de communion entrepris pour mieux accomplir notre mission.

L'image dominante de cette rencontre nous a été donnée par la liturgie: la Congrégation envoyée par les chemins du monde, en invitant toute l'humanité, surtout les pauvres, au banquet du Père (cf. Lc 14,15-24). Nous sommes convaincus que le Seigneur dirige tous ces événements, négatifs et positifs, si nous avons l'amour dans notre coeur, pour notre bien (cf. Rm 8,28).

L'année 1999, dernière étape de préparation au Grand Jubilé de l'an 2000, est conçu, du point de vu pastoral, comme un grand pèlerinage vers le Père. Elle implique une recherche de son visage et le retour à sa maison, en opérant en nous un changement authentique de vie par la célébration de la pénitence et par l'exercice de la charité. Elle signifie une option préférentielle renouvelée pour les pauvres et les plus démunis; engagement pour la justice et la paix; prise de conscience et relèvement des grands défis du temps présent; confrontation avec la sécularisation; proposition de la civilisation de l'amour; dialogue inter-religieux; redécouverte de notre dignité d'enfants de Dieu à partir de la figure du Christ et à l'exemple de Marie (cf. TMA 49-54).

Dans la perspective de l'"Année du Père", ce Noël suggère pour nous, dehoniens, aussi bien individuellement qu'en tant que groupe, communauté ou institution, quelques pistes qui demandent autant d'engagements.

* Noël c'est "le jour où apparurent la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes" (Tt 3,4). Dans la personne de Jésus, le Père se donne entièrement et fait voir combien il aime le monde (cf. Jn 3,16), en se faisant extrêmement proche de l'homme. Jésus, Fils unique de Dieu et vrai homme de l'histoire, devient la révélation personnelle parfaite et définitive de Dieu sur la terre. La cause de l'homme, sa dignité et son salut, devient la cause de Dieu. Ce qui définit Dieu ce n'est ni sa puissance ni sa pensée ni son jugement mais uniquement sa bonté que Jésus a sentie comme tendresse de père et dont il a témoigné par tous les gestes de sa vie: par la façon de prier, par ses paroles, par ses choix de vie et de ministère. Ainsi, il a révélé d'une façon concrète qui était le Père et nous a donné une image de Dieu inconnue jusqu'à ce moment-là.

Plût à Dieu, comme nous l'enseigne le P. Dehon, que nous, dehoniens, puissions aussi nous abandonner entre les mains du Père avec une confiance inconditionnelle, propre aux fils de Dieu et semblable à celle de Jésus (cf. Dir. Sp. VI, 19); que nous puissions faire une expérience profonde de l'amour du Père. Cette confiance n'est pas une pure certitude psychologique mais elle est une véritable attitude théologale. L'amour est la force qui change toutes les choses et les rend capables de transformer la vie en un don total à Dieu et aux autres.

* Jésus vient chercher ce qui était perdu. En lui, le Père va à la rencontre de l'humanité déviée qu'il embrasse et rétablit dans sa dignité d'origine (cf. Lc 15,20-22). La redécouverte du Père qui nous aime doit nous faire rechercher en lui la pleine vie et nous faire revenir vers lui si cette vie nous manque.

Dans le contexte du jubilé, le Saint-Père invite toute l'Eglise à reconnaître ses propres limites et les péchés qui, tout au long de l'histoire, ont obscurci l'image de Dieu qu'elle devait communiquer. A plusieurs reprises, le Saint-Père a demandé pardon des erreurs et des actions des chrétiens qui ont offensé la dignité de l'homme et les droits de Dieu sur l'histoire.

N'aurions-nous pas également, nous dehoniens, besoin d'une confession "institutionnelle" de nos erreurs et de nos péchés? N'est-ce pas le moment opportun pour nous réconcilier avec des confrères qui ont rompu les relations avec nous ou qui, à cause de nous, se sont éloignés de Dieu? Quelques Provinces SCJ sont en train de faire quelques chose à ce propos; cela pourrait être un programme pour tous.

* "En entrant dans le monde, le Christ dit... Voici, je viens, ... pour faire, ô Dieu, ta volonté" (He 10,5-7). Avec une pleine confiance dans le Père, Jésus a vécu aussi dans l'obéissance filiale inconditionnelle. L'attitude fondamentale et constitutive de sa vie a été une disponibilité active à la volonté du Père, une référence radicale au Père. Il a fait siennes les intentions du Père au point d'en faire son projet de vie jusqu'au don total de soi sur la croix.

La Congrégation SCJ est en train de se préparer à la Conférence générale qui se tiendra en l'an 2000 au Brésil, sur l'"Economie et Royaume de Dieu". Pour que celle-ci ne se dissolve pas dans un échange d'information théoriques, on demande que dès à présent nous commencions à développer une disponibilité totale à l'égard des interpellations du Seigneur pour donner les réponses concrètes qu'il attend de nous.

En s'incarnant dans la pauvreté et dans la faiblesse humaine (cf. Ph 2,6-11), Jésus exprime la solidarité de Dieu avec la condition humaine. Nous aussi sommes appelés à une solidarité qui doit rendre plus visible la présence de Dieu dans l'histoire et l'option préférentielle pour les pauvres à laquelle l'Eglise est appelée.

Si nous avons un seul Père, toute l'humanité doit être conçue comme une seule famille; d'où découle un engagement commun à changer les situations d'injustice et inhumaines en un ordre fondé sur la promotion de la vie, sur le respect des droits des personnes et des peuples, sur la paix et sur la fraternité universelles.

Recevez nos Voeux d'un Saint Noël et d'une année 1999 pleine de vie, de joie, de foi et d'espérance! Puisse cette expérience de la tendresse du Père raffermir notre intimité avec Dieu et notre collaboration à la libération intégrale de l'homme.

 

le P. Virginio D. Bressanelli, scj
Supérieur général