**181.01** **AD B.17/6.34.1** Ms autogr. 5 p. (21 x 13) **De Louis Perreau** //de La Bauche 3 octobre 68// Mon cher ami, Je suis bien touché de votre bon souvenir et si ce n'était la paresse absolue à laquel­le je me suis voué en vacances, j'aurais bien plus vite répondu à votre lettre. Il est bien vrai, comme vous le dites, que le saint Père Freyd et le Séminaire manquent à l'âme pendant les vacances: les miennes ont été absorbées par les soins matériels donnés à ma santé: promenades, repos d'esprit, 18 jours aux bains de Salins (eaux salées près de Moutiers) etc... En ce moment je suis à La Bauche près Les Echelles en Savoie: je bois du fer, je veux dire de l'eau ferrugineuse. C'est pour achever mon rétablisse­ment, car je suis beaucoup mieux, sans être encore parfaitement bien: je suis assez content de mon petit séjour à La Bauche où je suis depuis 6 jours. C'est lui qui doit décider la question de mon départ pour Rome à la fin d'octobre. je suis, mon cher ami, fort peu résigné et si la Faculté médicale me condamnait à rester quelque temps encore à Chambéry, cela me causerait bien du chagrin. je compte bien cependant que Dieu ne m'imposera pas cette privation; si ma santé progresse encore comme elle le fait depuis quelque temps, je serai plus que très bien avant peu. Pour le moment, je fais de longues promenades, je dors et je mange beaucoup. Voilà bien de quoi me matérialiser. Il ne faut pas trop vous scandaliser de mon genre de vie, mon cher abbé; aussi bien, parlons maintenant de vous. Vous étiez souffrant aussi à votre départ de Ro­me: je l'ai su par le R. P. Eschbach et j'aurais été bien heureux de savoir par votre let­tre votre guérison, mais vous ne me dites rien là-dessus et vous me laissez à mes con­jectures et à mes vœux. Il faut vous bien soigner et faire une grande provision de san­té; je crois que vous serez agréable à Dieu en vous reposant beaucoup pendant cette fin de vacances. Comme elles ont fui! Voici le retour de l'année scolaire. Vous paraissez douter de notre retour à Rome; rassurez-vous entièrement: ni Garibaldi, ni le choléra ne nous en empêcheront. Vous avez vu combien la Providence se joue de ce pauvre Garibaldi et protège manifestement le St- Siège d'une manière ou de l'autre dans les moments où tout serait à craindre humainement parlant. Quant au choléra, une petite lettre du R. P. Supérieur, datée du 1 ° août, m'annonçait déjà qu'il disparaissait à peu près et le bon Père finissait en disant: «N'ayez pas peur de votre retour; la maladie sera par­tie de Rome longtemps avant votre arrivée...». J'espère donc avoir bientôt le plaisir de vous voir à votre passage à Chambéry. Je me suis trop souvent absenté ces vacances pour vous promettre de vous accompagner à Annecy et à la Grande Chartreuse, malgré le bonheur que j'aurais de faire ces ex­cursions avec vous. Quoi qu'il en soit, ne m'oubliez pas à votre passage: mes parents à qui j'ai parlé de vous, seront heureux de vous voir. J'aimerais savoir le jour de votre arrivée, afin de ne pas me trouver à la campagne ce jour-là. Je vous dis que j'espère cela pour //bientôt//. C'est pour un double motif: d'abord pour le plaisir de vous voir plus tôt; et puis - vous permettrez à celui qui vous aime en N.S.J.C. de vous dire l'autre: parce que je crois que ce sera une bonne action de vous rendre à Ro­me pour la retraite. Nous sommes anciens déjà et Dieu nous donne cette occasion de donner le bon exemple; il faut pas que l'on puisse dire que la retraite n'est que pour les nouveaux. Et puis, c'est une si bonne chose pour l'âme que ce recueillement de quelques jours! Pardonnez-moi de vous parler avec cette même simplicité que vous me permettiez dans nos causeries à Rome. Ce ne serait point à moi de vous dire ces choses, moi qui ne sais encore rien du moment de mon départ: c'est une vieille réminiscence de moniteur. Si votre santé demande un retard, c'est une autre affaire. Conservez-moi votre sainte affection, mon bon ami. Priez pour moi. Soyez tou­jours pour moi un conseiller animé de l'esprit de Jésus. Priez pour que le ne me rela­che pas trop au point de vue de l'âme en m'occupant de ma santé: les soins m'absor­bent. A Dieu! Soyons fidèles à Ste Catherine, pour que Dieu bénisse notre temps de sé­minaire: prions pour le cher séminaire français1. Je suis à vous en J. C. Louis Perreau Rue de la Gare à Chambéry maison Mollart. Je vais passer la fin des vacances à la campagne à Beauvoir, à une demi-heure de Chambéry. 1 Allusion à l'Œuvre Sainte-Catherine commencée au séminaire en 1868 et dont Louis Perreau fut avec Léon Dehon l'un des premiers initiateurs et animateurs (cf NHV V, 107-108). Il avait été com­pagnon d'études de Léon Dehon à Paris (cf NHV IV, 143-144): «C'était pour moi un ami, un confi­dent et un moniteur», note-t-il.