**150.08** **AD 11.17/6.4.13** Ms autogr. 1 p. (21 x 13) **De l'abbé Bourgeat** //Metz ce 3 décembre 1871// Mon cher Ami, Me voici décidément à la veille de faire le pas décisif qui doit m'engager pour tou­jours dans les rangs de la milice sainte. De mardi en quinze, nous serons ordonnés: notre examen est passé depuis mardi dernier et on a dû me publier aujourd'hui pour la première fois1. Hélas, les quelques jours qui me séparent encore du sous-diaconat seront bien vite écoulés et cependant je suis loin d'en être digne. Priez donc bien pour moi afin que je devienne un bon sous-diacre et plus tard un bon prêtre. Je me recom­mande plus que jamais à votre souvenir au Memento, tâchez de m'y donner une peti­te place. Je vous promets d'avance une part dans mon souvenir lorsque j'aurai le bon­heur de réciter au nom de l'Eglise le saint office. Le lendemain du jour où je vous ai écrit, j'ai reçu un dernier petit mot du P. Dugas avant son entrée au noviciat. J'attends pour lui répondre que Noël soit passé, car il doit être dans sa grande retraite. Je crois vous avoir dit que le P. Freyd m'a écrit ré­cemment, si même je ne me trompe, sa lettre m'est arrivée le jour même où je vous écrivais. Je vais lui répondre sous peu. Pauvre Ste-Claire et surtout pauvre Collège romain! Je crains toujours que ces bandits d'Italiens ne chassent complètement les jé­suites de ce Collège. De telles gens sont capables de tout. A la garde de Dieu! On dit que Gambetta prêche à Saint-Quentin, mais à sa façon, bien entendu2. No­tre malheureuse France n'est pas encore au moment de renaître et il lui faudra encore une rude leçon avant qu'elle reconnaisse ses torts envers Dieu et l'Eglise. Dans ce pays rien de nouveau, nous vivons tranquilles jusqu'à présent, mais nul ne saurait prévoir ce que nous réserve l'avenir. Avec nos hôtes forcés, on peut craindre a chaque moment des complications et des tracasseries. Je m'arrête ici, préférant être bref et vous écrire plus souvent, car la monotonie de notre vie ne donne pas grandes nouvelles a annoncer dans les lettres. Tout a vous en J. et M. Bourgeat 1 La publication des bans dans la ou les paroisses d'origine et de résidence avant le sous-diaconat com­me avant le mariage. 2 Allusion au discours prononcé par Gambetta à Saint-Quentin, le 16 novembre 1871, à l'occasion du banquet commémoratif de la résistance de la ville contre les Allemands, le 8 octobre 1870; discours-­programme sur les objectifs de la gauche républicaine et laïque, qui eut un grand retentissement dans la presse et dans l'opinion (cf en St. Deh N. 9 p. 48, note 1, notamment pour son impact sur l'abbé Dehon lui-même).