**218.49**
**B18/9.2.49 **
Ms autogr. 4 p. (21 x 13)
**À ses parents**
//Rome 30 juin 67 //
Chers parents,
Nous sommes au milieu des fêtes les plus brillantes et les plus imposantes. Chaque jour a quelque solennité nouvelle, ce sont des consistoires, des allocutions du St-Père, des séances littéraires dans les universités, des illuminations de Saint-Pierre, du Colysée aux feux de bengale, etc. etc.
Mais c'était hier un jour exceptionnel. On fêtait principalement l'anniversaire séculaire du martyre de saint Pierre. Cinq cents évêques de toutes les parties du monde représentant le clergé et les fidèles de leurs diocèses sont venus se jeter aux pieds du successeur de saint Pierre. Quelle admirable unité de foi et de charité! Quelle belle protestation contre les impies qui reprochent à l'Église de n'avoir plus de vie! En même temps, 25 nouveaux saints étaient canonisés. Leurs bannières furent portées en procession sur la place St-Pierre, puis après la lecture du décret de canonisation, le Saint-Père entonna le Te Deum dans la basilique de Saint-Pierre splendidement ornée et illuminée, au milieu d'une foule incalculable. Le Saint-Père officia ensuite et à l'offertoire, 400 voix divisées en trois chœurs se répondaient dans la basilique, sur le portique, dans la coupole et près de l'autel, en chantant le Tu es Petrus, «tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église et les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle…». Ces fêtes parlent au cœur et ont un cachet religieux qu'on ne trouve qu'à Rome. Il s'est dit hier, à Saint-Pierre même, plusieurs centaines de messes. Quelle puissance n'auront pas auprès de Dieu tant de prières pour le triomphe de l'Église!
Aujourd'hui, c'était à Saint-Paul qu'était la solennité, dans cette basilique toute brillante de marbres précieux, d'albâtre d'Égypte et de malachite de Russie. Les fêtes vont se succéder encore pendant huit jours, puis Rome retrouvera son calme qui lui sied si bien. Je compte rester au travail jusque vers le 29, pour prendre part à plusieurs concours. J'aurai besoin pour mon retour de 500 francs environ et il me faudra en outre cent francs pour le camée que je dois acheter1. Je vous indiquerai dans ma prochaine lettre le moyen le plus commode de m'envoyer cela.
J'ai vu plusieurs fois Mgr Dours. Aujourd'hui même j'ai causé assez longtemps avec lui et je l'ai trouvé fort aimable. Il va partir très prochainement. J'ai vu aussi plusieurs fois Mr Dehaene et j'ai fait une promenade avec lui aux catacombes2. Il m'assure que Mr Boute nous donnera quelques jours ces vacances. Je n'ai pas vu d'autres personnes de connaissance.
J'ai reçu des nouvelles de Palustre qui est aux eaux de Vals en Auvergne. Il sera à Paris du 1er au quinze juillet, puis il ira dans sa famille jusqu'au mois de septembre.
Grâce à Dieu nous avons ici une chaleur bien tempérée et je suis très bien portant. Aussi j'espère compléter sans peine mon année de travail. Dans un mois environ, nous aurons le bonheur d'être ensemble. Je ferai le voyage en quatre jours pour ne passer qu'une nuit en chemin de fer.
Peut-être pourrons-nous profiter de l'appartement de Palustre. J'espère qu'il aura la pensée de me l'offrir dans sa prochaine lettre.
Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Je prie souvent pour vous et pour nos parents qui sont au purgatoire pendant ces jours de fêtes où nous sommes comblés de grâces et d'indulgences.
Votre dévoué fils
L. Dehon
1 Sans doute la commission de tante Juliette dont il est question en LD 75.
2 Sur ce voyage de Mr Dehaene à Rome, cf. Lemire: «L'abbé Dehaene et la Flandre» (pp. 165-172). Léon Dehon l'accompagna aussi dans ses visites aux professeurs du Collège romain. À propos du P. Franzelin, Mr Dehaene note: «M. Dehon qui m'accompagne le regarde comme le plus savant de tous» (p. 169).