**218.54**
**B18/9.5.54 **
Ms autogr. 4 p. (21 x 13)
**À ses parents**
//Rome 29 novembre 67 //
Chers parents,
Je plains beaucoup maman d'être obligée de tenir la chambre. Il faut cependant qu'elle se conforme exactement aux prescriptions du médecin pour se guérir radicalement. C'est un exercice de patience qui ne sera pas perdu pour le ciel. Je suis souvent avec vous par la pensée, et je me réjouis de ce que vous avez Henri, Laure et Marthe pour faire diversion à la tristesse à laquelle vous êtes un peu enclins. Je prends part à la joie d'Edmond Legrand et de sa famille. La mort de Mr Lenain que maman m'annonce est encore une leçon que Dieu donne dans sa miséricorde à ceux qui comptent sur la vieillesse pour revenir à lui1. En frappant les uns Dieu prévient les autres. Il n'y a qu'un moyen d'avoir le cœur libre de toute crainte et d'attendre en paix, c'est de demander à un ministre de Dieu le pardon de ses fautes mortelles et de suivre exactement la loi de l'Église qui n'est pas rigoureuse. Je prie papa de dire seulement tous les soirs humblement ces quelques mots: «Mon Dieu, donnez-moi la force de me réconcilier entièrement avec vous.»
Je me suis remis sans peine au travail et je n'ai pas tardé à être au courant. Je prépare en ce moment un examen pour le sous-diaconat. J'aurai le bonheur d'être ordonné sous-diacre le 21 décembre, jour de la fête de St Thomas.
Le sous-diacre commence à prendre part au sacrifice de la messe dans les messes solennelles. En retour il s'oblige à la récitation du bréviaire et à la chasteté perpétuelle. C'est une alliance indissoluble avec l'Église. C'est une action aussi solennelle et définitive que celle du mariage. Mais comme ma décision est prise depuis longtemps, je m'en approche sans émotion, avec la seule pensée d'obtenir de Dieu des grâces abondantes pour moi et pour les miens. Prévenez ceux de nos parents et de nos amis qui voudront bien prier tout spécialement pour moi ce jour-là. Je demande seulement à papa qu'il aille exactement à la messe, s'il le peut, les dimanches qui précèdent. Si Henri pouvait communier ce jour-là, il me ferait un bien grand plaisir. Je me préparerai à ce grand acte par dix jours de pieuse retraite.
Rome a toujours le même aspect calme et religieux. J'y suis moins au courant des affaires politiques que je ne l'étais à La Capelle. J'ai de bonnes nouvelles de Palustre et j'espère que vous m'en donnerez bientôt de Mr Demiselle. J'écrirai un de ces jours à Mgr Dours. Nos cours sont aussi nombreux que l'an dernier et il n'y a rien de changé pour nos études.
Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et la petite Marthe.
Je vous embrasse de tout cœur.
Votre dévoué fils
L. Dehon
1 Selon la généalogie, une cousine de Léon, Hélène-Fanny, fille de Édouard-Gustave Dehon et de Dorothée Dehon, épousa en 1869 Louis-René Lenain. Sans doute s'agit-il du père. Léon Dehon, jeune prêtre, bénit le mariage le 4 septembre 1869. Dans la famille d'Edmond Legrand, la joie de la naissance d'un poupon (cf. LD 96).