**218.78**
**B18/9.2.78 **
Ms autogr. 4 p. (21 x 13)
**À son père**
//Rome 22 avril 69 //
Cher père,
Ta lettre est bien bonne, mais j'attendais plus encore. J'espérais que tu m'annoncerais ta persévérance dans la grâce de Dieu et l'accomplissement de ton devoir pascal. Je t'avais vu si heureux ici que j'avais la confiance que tu ne t'exposerais plus à être un seul instant de ta vie hors de cet état de paix et de joie.
Je n'ai pas manqué de t'aider à cela depuis trois mois. Tu as été la première conquête de mon sacerdoce et j'ai mis tout mon zèle et je le mettrai toujours à la garder. Tu as eu depuis lors une part plus abondante que qui que ce soit à mes prières. Bien des fois déjà j'ai offert le saint sacrifice et prévoyant les difficultés que tu éprouverais, j'avais appelé à ton secours tous nos saints patrons par de ferventes invocations. J'ai fait à la Sainte Vierge et à St Joseph une neuvaine de prières et après tout cela, tu ne t'étonneras pas que je n'aie pas pu en lisant ta lettre retenir mes larmes.
Mais je suis encore plein de confiance et j'espère que tu vas bientôt te mettre au courant. Le temps de Pâques n'est pas loin derrière nous, et il ne faut pas que tu attendes plus longtemps. Il ne faut pas qu'un peu de respect humain te fasse manquer au principal devoir du chrétien. Tu te mettras en règle soit à La Capelle, soit à Vervins1.
C'est pour toi la chose la plus facile du monde. Tu n'as pas à vaincre les mêmes obstacles qu'un pécheur qui ne se serait pas confessé depuis longtemps, puisque tu as reçu cinq fois la sainte communion cet hiver. N'imite pas les insensés qui espèrent toujours que Dieu se contentera de leur agonie, après qu'ils se seront tenus éloignés de lui toute leur vie. Rappelle-toi l'exemple de Mr Fiévet qui a eu le bonheur de se réconcilier avec Dieu trois mois avant de paraître devant lui2. Donne l'exemple à La Capelle et tu en seras récompensé dans le ciel. Conduis Henri avec toi. Je l'unis toujours à toi aussi dans mes prières. Si la peine que vous me feriez n'est pas un motif suffisant, considérez celle que vous feriez à Notre-Seigneur Jésus-Christ qui vous comble de grâces tous les deux et prend un soin paternel de votre salut. Je ne cesserai pas de prier que je n'aie obtenu cette grâce, et après cela nous en remercierons Dieu ensemble. Notre-Seigneur Jésus-Christ qui veut bien s'offrir de nouveau à son Père tous les matins par mes mains pour notre salut ne me refusera pas cette grâce.
Je t'embrasse de tout mon cœur.
Ton fils dévoué et qui t'aime
L. Dehon, pr.
1 Sur la possibilité de faire les pâques à Vervins, même conseil en LD 69 (6 avril 1867).
2 La mort de Mr Fiévet évoquée en LD 18 et 19 (7 et 16 mars 1865), LC 11.