//**LES LIBERTES NECESSAIRES**//
Toutes nos libertés s'en vont, malgré la devise républicaine «Liberté, Egalité, Fraternité», qui devient aussi menteuse qu'une étiquette de liqueur frelatée. La liberté de conscience, la liberté d'enseignement et la liberté de la famille sont piétinées. Le droit de propriété privée et collective, qui est aussi une liberté, est violé sans vergogne. Les libertés communales elles-mêmes sont méconnues, les maires élus par les assemblées communales sont destitués par séries.
L'Etat est sorti de son rôle. Il a pour mission de protéger le libre développement de la vie privée et de la vie familiale. La vie sociale est un secours que Dieu nous a préparé en nous en donnant l'instinct, pour aider les personnes isolées et les familles à obtenir leur plein développement pour leur procurer la paix à l'intérieur et à l'extérieur.
Quand l'Etat sort de sa mission, il devient tyrannique. Ouvrez un lexique ou un traité quelconque de politique. Un tyran est un chef d'Etat qui gouverne avec injustice et cruauté, qui foule aux pieds les lois divines et les libertés humaines. Nous en sommes là. Sans doute, les brutalités ministérielles n'ont laissé en Bretagne que quelques blessures de femmes et d'enfants, grâce à l'infinie patience des paysans; mais si nos catholiques avaient résisté jusqu'au bout, comme jadis les huguenots, nos pauvres soldats, conduits par les sous-préfets, auraient renouvelé les dragonnades des Cévennes.
Ne nous décourageons pas, la, violence n'a qu'un temps. M. Combes retarde de trois siècles, il se croit un Louis XIV ou un Philippe II. Ces procédés tyranniques heurtent le sens commun. Toute la presse étrangère les blâme, même chez les nations protestantes, en Angleterre, en Amérique, en Hollande et en Suisse. La France oublie les principes de liberté qu'elle a tant proclamés, il faudra qu'elle y revienne.
La vérité peut subir une éclipse, mais elle ne meurt pas.
Si notre démocratie n'a pas des notions bien claires de la liberté, n'est-ce pas de notre faute? Lui donnons-nous un enseignement solide sur les grands principes sociaux, dans la presse catholique, dans les cercles d'études et les conférences, voire même dans le catéchisme et dans la chaire?
Une liberté primordiale est celle de la famille et, par suite, celle de l'enseignement.
L'enfant appartient à la famille. La nature le proclame. L'enfant a besoin de son père et de sa mère jusqu'à l'âge de sa complète formation. Toute notre législation civile le reconnaît. Elle a fixé l'âge de 21 ans, auquel l'enfant devenu majeur, peut user et jouir de ses droits et contracter valablement. Jusque-là, il n'a qu'une personnalité civile restreinte. Son père en a la responsabilité. Le tort fait au prochain par un mineur est mis à la charge de son père.
L'esprit de la loi et la nature sont d'accord pour laisser à la famille l'éducation de l'enfant. Puisque le père est responsable de l'enfant et de ses actes, puisqu'il absorbe en lui cette jeune personnalité encore incomplète et irresponsable, il doit être libre de diriger l'éducation de cet enfant et d'en choisir les maîtres.
Devant l'Etat lui-même et d'après la loi, le père est responsable de la moralité de son enfant; devant Dieu, il est responsable de son âme et de son salut. Le père a donc le devoir sacré et le droit de choisir suivant sa conscience les éducateurs de ses enfants. Si un tyran, roi ou ministre, lui en ôte la faculté, le père est opprimé dans son droit le plus sacré.
Voilà ce qu'il faut redire journellement. Cette liberté sacrée est acquise définitivement en plusieurs pays. En Allemagne, l'enseignement est confessionnel. En Belgique, en Angleterre, l'enseignement est absolument libre et les écoles sont subsidiées en proportion du nombre de leurs élèves. Voilà où il faut arriver. Tout le reste est de la tyrannie spartiate. Le monopole de l'Etat a été imaginé par les rêveurs de 1792 et organisé par le césarisme de Napoléon.
Nous voulons la liberté de la famille et de l'enseignement, la liberté complète, comme en Belgique et en Angleterre. Réclamons cela sans trêve et par toutes les voix de la publicité, par les affiches, les tracts, la presse et les conférences.
Les familles comprendront cela, et sur ce terrain nous aurons avec nous tous les esprits libéraux. En voici un témoignage sur cent.
Le //Journal de Genève, //organe protestant, fait la leçon sur ce point aux journaux ministériels français.
«Notre liberté et la vôtre, dit-il, ne sont pas de la même famille... Nous avons trouvé la liberté dans notre berceau, la liberté douce, apaisée et fidèle à elle-même que nous ont faite nos pères... Nous tenons le droit de s'associer comme devant rester absolument libre de toute contrainte et de toute intervention de l'Etat, aussi longtemps qu'il s'agit de questions purement spéculatives. Quand l'association s'applique à un but pratique, se traduisant par des fondations, nous admettons que l'Etat a le droit d'intervenir, //non pour confisquer, //mais pour exercer une surveillance au point de vue de l'ordre public et des bonnes mœurs: s'il s'agit d'enseignement, il a le droit de savoir en quoi il consiste et s'il n'offense ni la morale publique ou privée, ni les lois de l'Etat. Hors de ces points où sa responsabilité est engagée et qui font partie de ses droits réguliers, il n'a pas à intervenir» (6 août).
Notre organisation universitaire est un fruit du césarisme napoléonien. Nos jacobins actuels s'en prévalent. Les vrais libéraux sont les catholiques. Renouvelons la campagne des Lacordaire, des Ozanam et des Montalembert. Luttons par tous les moyens légaux pour la liberté complète de la famille. Allons en prison, s'il le faut. N'abandonnons jamais aux sectaires l'âme de nos enfants.
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//La Chronique du Sud-Est, //N. 10, octobre 1902, pp. 309-310.
//**VRAIE DEMOCRATIE CHRETIENNE**//
===UN ARBITRAGE INTERESSANT AU CANADA===
A diverses époques depuis une année, et de divers côtés nous avions vu signaler le fait que l'archevêque de Québec, Sa Grandeur Mgr Bégin, avait heureusement réglé des difficultés ouvrières qui troublaient sa ville archiépiscopale. En ces derniers temps, il nous a été donné, à notre grande satisfaction, de pouvoir nous renseigner complètement, et aux sources les plus authentiques, sur ces difficultés ouvrières de Québec et sur la manière dont elles ont été aplanies, grâce aux lumineuses directions du Vicaire de Jésus-Christ, l'auguste Pontife Léon XIII. Nous allons donc, en ces quelques pages, raconter à nos lecteurs l'histoire de cette intervention épiscopale.
La ville de Québec est la capitale de la seule province exclusivement française et catholique du Canada. Les classes ouvrières de cette cité sont entièrement composées de gens de race française et de religion catholique. Jusqu'au dernier tiers du XIXe siècle, cette ville, qui commande l'un des plus beaux ports de mer du monde entier, devait sa prospérité à ses chantiers de construction navale. Mais il advint que l'on cessa de construire les navires en bois pour les construire** **en fer, et les chantiers de Québec se fermèrent, au grand dommage de la population ouvrière. Heureusement, des citoyens entreprenants, encouragés par le bas prix de la main-d'œuvre en cette localité, fondèrent une vingtaine de grandes manufactures de chaussures, qui donnent de l'emploi à des milliers de personnes des deux sexes. Et telle est à présent la principale industrie de Québec, qui a pu retrouver grâce à elle son ancienne prospérité. Cette industrie alimente non seulement le commerce local, mais surtout un important commerce d'exportation, qui se fait principalement dans les provinces anglaises de l'immense Canada et dans quelques pays étrangers. Il faut remarquer ici que l'éloignement où se trouve Québec des marchés où se vendent les produits de son industrie serait, pour le succès de son commerce, un obstacle insurmontable, si la modicité relative du prix de revient de ces articles de commerce ne lui permettait de soutenir avantageusement toutes les concurrences, malgré l'augmentation des frais de transport qui résulte d'une distance plus considérable.
Cependant, il advenait parfois, comme il arrive partout, que des ouvriers croyaient avoir à se plaindre des patrons qui les employaient. Et, n'ignorant pas ce qui se passait en d'autres pays, notamment dans la république voisine des Etats-Unis, la population ouvrière pensa que, dans son pays comme ailleurs, l'association était le seul moyen de sauvegarder ses intérêts contre les abus possibles** **du capital. C'est ainsi que se formèrent, parmi les ouvriers des fabriques de chaussures, trois sociétés: la Fraternité des Tailleurs de Cuir, l'Union protectrice des Cordonniers-Monteurs et la Fraternité des Cordonniers-Unis (Machinistes), ces deux dernières n'étant que des succursales d'associations répandues par tout le Canada. A son tour, le capital jugea que l'association lui était nécessaire pour le maintien de ses droits, et les propriétaires des vingt et une manufactures formèrent l'Association des Manufacturiers de chaussures de Québec. Et la lutte se poursuivit, de façon plus ou moins aiguë, entre le travail organisé et les patrons, ceux-ci se plaignant des exigences des ouvriers, qui les forçaient de temps à autre à élever les salaires; quant aux travailleurs, ils prétendaient être exploités par les manufacturiers, qu'ils accusaient de se faire des bénéfices excessifs, tandis qu'eux-mêmes ne pouvaient obtenir le juste salaire qui leur permit de subvenir à la subsistance de leur famille et à l'éducation de leurs enfants.
Un pareil état de choses plaçait le commerce dans une situation d'insécurité fort périlleuse, et faisait craindre aux manufacturiers de ne pouvoir plus soutenir avantageusement la concurrence sur les marchés de vente. Car, dans quelques cas, les ouvriers allaient jusqu'à s'opposer à l'emploi de certaines machines nouvelles, sur lesquelles les patrons pouvaient compter pour l'augmentation du travail productif et par suite pour l'abaissement des prix de revient.
La situation arriva à l'état aigu durant l'année 1900. Se voyant, «gênés de toutes manières dans leurs rapports avec leurs employés, dans l'exercice de leur autorité, dans le choix de leurs ouvriers, dans les heures du travail et enfin dans la fixation d'une échelle de prix», les fabricants résolurent de frapper un coup décisif. Le 27 octobre, les vingt et une manufactures de chaussures fermèrent leurs portes, réduisant au chômage près de quatre mille ouvriers et ouvrières. Les patrons étaient bien décidés à ne rouvrir les fabriques que le jour où les ouvriers s'engageraient formellement à ne plus appartenir à aucune association ouvrière. Ces patrons admettaient bien le droit théorique qu'ont les travailleurs de se constituer en sociétés; mais ils prétendaient que les règlements des associations formées par leurs ouvriers contenaient des clauses injustes et de nature à empêcher les propriétaires des fabriques d'être maîtres chez eux et de conduire leur industrie de façon avantageuse.
Les ouvriers, réduits au chômage durant des semaines, restèrent paisibles, mais les familles souffrirent sérieusement du manque de ressources causé par la cessation du travail.
Finalement, au bout d'un mois du maintien d'une situation à laquelle on ne voyait aucune issue, un journal de la ville exprima l'opinion que les intéressés devraient soumettre leur différend à l'archevêque, dont la sagesse bien connue ne manquerait pas de trouver le moyen de remédier à un état de choses aussi préjudiciable aux intérêts les plus chers de la population. Aussitôt émise, cette proposition sembla rencontrer l'approbation générale. Dès le 27 novembre, l'Association des fabricants de chaussures demanda à Mgr Bégin de vouloir bien remplir les fonctions d'arbitre entre eux-mêmes et leurs ouvriers, prenant en même temps l'engagement d'accepter sa décision. De leur côté, les trois associations ouvrières, par leur comité conjoint, écrivirent au prélat, le 28 novembre, qu'elles avaient appris avec bonheur la démarche faite par les patrons, et s'engageaient aussi à se soumettre au jugement qu'il porterait sur leurs difficultés.
Mgr l'archevêque de Québec, heureux de voir les bonnes dispositions manifestées par les patrons et par les ouvriers, accepta avec empressement leur proposition d'agir entre eux comme arbitre. Mais il eut soin d'exiger des deux parties la réouverture des fabriques et la reprise immédiate du travail. On agréa de part et d'autre cette demande d'une sorte d'armistice; et, quelques jours après, les longues cheminées se couronnèrent de nouveau des tourbillons de fumée, les mécanismes divers firent entendre le ronronnement accoutumé, la joie rentra dans les foyers. Cette religieuse population goûtait déjà les premiers fruits de la confiance qu'elle avait manifestée envers son pasteur spirituel.
Cependant, désireux de se mettre à l'œuvre sans aucun retard, l'archevêque demanda aux patrons, d'une part, et aux travailleurs, de l'autre, de lui remettre aussitôt que possible, sous forme de factums distincts, l'exposé complet de leurs idées sur les questions en litige et des griefs qu'ils pensaient avoir les uns contre les autres; puis, ayant reçu ces documents, il en fit remettre des copies aux parties adverses, afin de les mettre en mesure de fournir des explications de part et d'autre. Ensuite, il communiqua toutes ces pièces à une commission composée des curés des trois paroisses ouvrières de la ville et de quelques autres ecclésiastiques prudents et instruits, avec charge d'étudier ces écrits et les divers points de justice et d'économie sociale qui y étaient soulevés.
C'est après avoir pris de telles précautions, après avoir entendu les avis des membres de la commission qu'il avait nommée, et après avoir mûrement considéré la question sous ses aspects divers, que l'archevêque rendit, le 10 janvier 1901, la célèbre «Sentence arbitrale», qui a justement attiré l'attention, de l'un et de l'autre côté de l'Atlantique, que l'on a regardée partout comme un monument de sagesse et de prudence, et dont la mise en pratique sincère assurerait en tout lieu la paisible tranquillité des relations entre le capital et le travail. Ces directions de si haute sagesse sont le reflet exact des enseignements de l'Encyclique à jamais mémorable, //Rerum novarum, //de N. S. P. le Pape Léon XIII.
Voici la reproduction textuelle de la //Sentence //de Mgr Bégin:
SENTENCE ARBITRALE
DANS LA CAUSE DES FABRICANTS DE CHAUSSURES DE QUEBEC ET DE LEURS OUVRIERS
**A.** - Avant de donner une solution pratique à la question qui a été soumise à mon arbitrage par les patrons et les ouvriers des fabriques de chaussures de Qébec - question qui intéresse des milliers de personnes - je crois devoir rappeler brièvement des principes qu'il ne faut pas perdre de vue si l'on veut que les droits des uns et des autres soient protégés.
1° Le droit de se constituer en associations de métiers, de professions, d'emplois quelconques, est un droit naturel; il a toujours existé et il existera toujours. Mais:
2° De ce que ce droit ne peut être méconnu, il ne s'en suit pas que toutes les associations soient légitimes. Pour qu'elles aient droit à l'existence et puissent faire du bien, il faut qu'elles se proposent d'atteindre une fin honnête et juste et qu'elles n'emploient, pour y arriver, que des moyens conformes à la morale, à l'honnêteté et à la justice.
«Jamais assurément, dit Léon XIII dans son Encyclique sur //la condition des ouvriers, //à aucune époque, on ne vit une si grande multiplicité d'associations de tout genre, surtout d'associations ouvrières. Ce n'est pas le lieu de rechercher d'où viennent beaucoup d'entre elles, où elles tendent et par quelle voie. Mais c'est une opinion confirmée par de nombreux indices qu'elles sont ordinairement gouvernées par des chefs occultes, et qu'elles obéissent à un mot d'ordre également hostile au nom chrétien et à la sécurité des nations; qu'après avoir accaparé toutes les entreprises, s'il se trouve des ouvriers qui se refusent à entrer dans leur sein, elles leur font expier ce refus par la misère».
Sa Sainteté avait précédemment rappelé à l'ouvrier les devoirs qui lui incombent: «Il doit fournir intégralement et fidèlement tout le travail auquel il s'est engagé par contrat libre et conforme à l'équité; il ne doit pas léser son patron, ni dans ses biens, ni dans sa personne; ses revendications mêmes doivent être exemptes de violence et ne jamais revêtir la forme de sédition; il doit fuir les hommes pervers qui, dans des discours artificieux, lui suggèrent des espérances exagérées et lui font de grandes promesses qui n'aboutissent qu'à de stériles regrets et à la ruine des fortunes.
Quant aux riches et aux patrons, ils ne doivent pas traiter l'ouvrier en esclave; il est juste qu'ils respectent en lui la dignité de l'homme relevée encore par celle du chrétien.
Le christianisme, en outre, prescrit qu'il soit tenu compte des intérêts spirituels de l'ouvrier et du bien de son âme. Aux maîtres il appartient de veiller à ce qu'il y soit donné pleine satisfaction; que l'ouvrier ne soit point livré à la séduction et aux sollicitations corruptrices; que rien ne vienne affaiblir en lui l'esprit de famille ni les habitudes d'économie. Défense encore d'imposer un travail au-dessus de leurs forces ou en désaccord avec leur âge et leur sexe... Devoir de donner à chacun le salaire qui est juste...».
**B**. - A la lumière des enseignements de l'Encyclique //Rerum novarum //de Léon XIII, j'ai examiné soigneusement les constitutions et règlements de la Fraternité des Cordonniers-Unis, de l'Union protectrice des Cordonniers-Monteurs, et de la Fraternité des Travailleurs de cuir: je ne saurais les approuver sans qu'ils aient subi un certain nombre de modifications. Si les articles et clauses que je trouve répréhensibles étaient mis à exécution à la lettre, tels qu'ils sont rédigés, il est certain qu'ils porteraient, en bien des cas, de fortes atteintes à la liberté personnelle, à la liberté de conscience et à la justice. Je n'accuse ici les intentions de personne, ni ne m'occupe non plus de l'application qu'on a pu en faire jusqu'à présent dans la pratique; mon appréciation ne repose donc que sur le texte même des règlements et constitutions.
La conclusion qui s'impose, c'est que ces Fraternités ont besoin de reviser leurs règlements et constitutions, sans quoi elles feront fausse route. On allègue le fait que plusieurs autres sociétés ouvrières ont des règlements semblables à ceux des fraternités dont je viens de parler; la chose est possible, mais elle ne rend pas cet argument plus acceptable, car il peut se produire dans ces sociétés, à un moment donné, des écarts très regrettables et d'une sérieuse gravité qui auraient leur origine, leur cause première, dans l'application littérale de ces règlements.
**C**. - Pour parer aux difficultés et aux inconvénients signalés dans les factums et autres documents qui m'ont été présentés par les patrons et par les ouvriers, en ma qualité d'arbitre choisi par les deux parties intéressées, je règle ce qui suit pour tout litige qui pourrait se présenter à l'avenir à propos d'augmentation ou de diminution de salaires, des engagements ou des renvois des ouvriers, de la durée du travail journalier, des apprentis, de l'introduction de nouvelles machines, et de toute autre cause de conflit.
COMITES DE RECLAMATION ET DE CONCILIATION
1° Afin de régler les difficultés autant que possible à l'amiable et promptement, les ouvriers constitueront un **Comité de réclamation** composé de trois membres choisis par eux. Les patrons, de leur côté, constitueront un **Comité de conciliation** composé de trois manufacturiers nommés par ceux-ci. Les membres de ces deux comités seront élus tous les ans, et les mêmes seront rééligibles. Dans le cas où l'un des membres des dits Comités serait empêché pour de graves raisons de remplir sa charge, le Comité auquel il appartient lui donnera un remplaçant temporaire. Si l'un desdits membres vient à mourir, le même Comité lui donnera un remplaçant pour le reste de l'année d'office.
Ces deux Comités pourront être formés dans des assemblées distinctes des patrons et des ouvriers, sur convocation de leurs secrétaires respectifs. Dans chacune de ces assemblées, on procédera, à la pluralité des voix, à l'élection d'un président et d'un secrétaire, puis à la formation du **Comité de réclamation** chez les ouvriers, et du **Comité de conciliation** chez les patrons. Les procès-verbaux de ces assemblées seront rédigés, séance tenante, et signés respectivement par les présidents desdites assemblées, les élus (au comité) et les secrétaires des mêmes assemblées. Chacun des deux comités nommera ensuite son président et son secrétaire.
Quand un ouvrier aura quelque plainte à faire contre son patron, il la formulera par écrit, la fera signer par deux de ses compagnons de travail et la communiquera au **Comité de réclamation**, avec prière de la transmettre au **Comité de conciliation**. Les membres de ces deux comités examineront conjointement le cas à résoudre, chercheront à amener une entente et, dans le cas où l'entente serait impossible, le **Comité de Réclamation** portera la plainte immédiatement devant le **Tribunal d'arbitrage**.
Quand la plainte viendra directement de la part d'un manufacturier, celui-ci s'adressera directement au **Comité de conciliation**, qui informera directement au **Comité de réclamation** du grief du patron, afin de venir à une entente puis, si elle n'a pas lieu, le **Comité de conciliation** aura recours au **Tribunal d'arbitrage**.
TRIBUNAL D'ARBITRAGE
2° Ce **Tribunal d'arbitrage** sera permanent et composé de trois membres, dont l'un - représentant des patrons - sera choisi par le susdit **Comité de Conciliation**, le second - représentant des ouvriers - par le susdit **Comité de Réclamation**, et le troisième, par ces deux premiers arbitres. Si, par hasard, les deux arbitres nommés par les comités ne s'entendaient pas sur le choix du troisième, ils demanderont à un juge de la Cour supérieure ou à l'archevêque de Québec de le désigner.
L'élection de ces arbitres se fera tous les ans, et les mêmes seront rééligibles. Dans le cas où l'un de ces arbitres serait empêché par maladie ou autres raisons graves, ou encore par le fait qu'il serait impliqué dans la cause en litige, le comité qui l'aurait choisi lui donnera un remplaçant temporaire. Si l'un des arbitres vient à mourir, le même comité lui donnera un remplaçant pour le reste de l'année d'office.
Les arbitres entendront, s'il y a lieu, les parties ou leurs procureurs; ils auront le droit de se faire remettre toutes les pièces se rapportant au litige, de citer les témoins, d'appeler des experts et hommes du métier à comparaître devant eux, de faire donner leurs dépositions attestées devant un juge de paix, de visiter les ateliers, en un mot, de se procurer toutes les preuves verbales et écrites qu'ils jugeront nécessaires pour l'instruction de la cause.
Ils devront rendre leur sentence arbitrale sous le plus court délai possible, et cette sentence sera finale.
Tant que dureront les débats, le patron ne pourra fermer ses ateliers et les ouvriers ne pourront cesser le travail.
Les arbitres auront droit de se nommer un secrétaire à leur choix. Les frais du litige seront à la charge de la partie ou des parties à la discrétion des arbitres.
Les comités de réclamation et de conciliation, ainsi que le tribunal d'arbitrage, seront constitués le premier jour juridique du mois de février prochain, et les élections annuelles des membres desdits comités et tribunal d'arbitrage se feront à la même date chaque année.
L'établissement d'un pareil tribunal d'arbitrage est conforme aux directions du Souverain Pontife dans l'Encyclique déjà citée.
Léon XIII veut «que les droits et les devoirs des patrons soient parfaitement conciliés avec les droits et les devoirs des ouvriers», et si, chez les uns ou les autres, il arrive que des réclamations soient faites au sujet des droits lésés, il exprime le désir qu'on choisisse des hommes prudents et intègres qui soient chargés //e//// ////Siècle //de Bruxelles des 15 et 16 septembre).
Depuis lors, c'est en Belgique une traînée de poudre, et chaque semaine les journaux catholiques nous disent: «Le mouvement syndical chrétien a gagné telle ou telle commune, tel ou tel canton».
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Que tous les catholiques encouragent en France le mouvement syndical anti-socialiste. Nous ne pouvons pas, dans la plupart de nos provinces, donner à nos syndicats un caractère aussi manifestement catholique que dans la Belgique. Mais tous nos syndicats sérieux consentiront à affirmer en tête de leurs statuts le respect de la religion, de la propriété et de la famille.
Les catholiques ont ordinairement le flair de toutes les œuvres. N'est-ce pas une œuvre éminente que de rendre aux masses laborieuses l'exercice d'un droit naturel?
Comme le Saint-Père nous le disait encore récemment dans une note officieuse de //L'Osservatore Romano, //laissons enfin de côté nos controverses pour nous mettre au travail pratique d'action populaire. Le récent congrès de la jeunesse catholique à Châlon-sur-Saône est bien entré dans cette voie, c'est un heureux signe des temps. Ces groupes de jeunes gens sont notre espérance.
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//La Sociologie catholique, //novembre-décembre 1902, pp. 421-427.
Idem dans //Le règne du Cœur de Jésus dans les âmes et dans les sociétés. //novembre 1903, pp. 546-552.
//**LA GREVE**//
Ce mot résonne douloureusement. En l'entendant, nous voyons s'arrêter toute la belle activité de l'usine, de la mine ou du port, qui produisait tant de richesses et les transportait partout comme autant de facteurs du bien-être.
Les conséquences en sont immenses.
Chez l'entrepreneur, c'est l'angoisse, c'est l'année de travail compromise, c'est peut-être la faillite qui se prépare.
Chez l'ouvrier, c'est la faim, c'est le froid; c'est la colère qui monte, c'est le caractère qui s'aigrit, c'est le crédit qui grossit chez le boulanger, c'est la petite épargne qui est dévorée, ce sont les pleurs de la femme et des enfants.
Dans tout le pays, c'est un trouble économique. Voyez la grève des mineurs: le manque de charbon entraine l'arrêt de nombreuses usines. Voyez la grève des docks de Marseille: elle a son contre-coup en Algérie et en Corse. Les produits français n'y arrivent plus; les voyages même les plus urgents sont empêchés.
La grève de nos charbonnages profite à la Belgique, à l'Angleterre et à l'Allemagne; celle du port de Marseille profite à Gènes et à Barcelone.
La grève est-elle donc un mal nécessaire? Oui, jusqu'à ce qu'on ait trouvé mieux.
Dans le bon vieux temps, nos corporations ouvrières avaient leurs conseils, leurs syndics, leurs baillis, leurs échevins. Les différends s'arrangeaient toujours à l'amiable ou d'autorité.
Mais depuis un siècle, les entrepreneurs se sont trouvés en face de masses ouvrières désagrégées. La concurrence aidant et l'appât au gain y poussant, on a toujours serré la vis au travailleur. Il fallait peiner dur et gagner peu. Les ouvriers ont fini par se fâcher. Ils ont inventé la grève. «Nous souffrons, ont-ils dit aux entrepreneurs, mais vos gains s'arrêteront, et pour les retrouver vous nous céderez».
Le moyen était barbare, primitif, sauvage, mais il n'y en avait pas d'autre sous la main. Le plus souvent il n'a rien produit d'avantageux pour l'ouvrier, qui ne pouvait pas tenir assez longtemps pour lasser l'entrepreneur.
Il faudrait enfin trouver un moyen meilleur.
Parfois le pouvoir civil propose utilement l'arbitrage, comme il est arrivé chez nous et aux Etats-Unis.
Les parties s'y soumettent quand elles sont déjà lassées et fortement atteintes dans leurs intérêts. Il doit y avoir mieux que cela à faire.
La Nouvelle-Zélande, en Océanie, a institué l'arbitrage obligatoire et elle s'en trouve bien. On peut objecter à cela que c'est une intervention de l'Etat dans les contrats passés entre particuliers.
Mais le bien général de la société n'autorise-t-il pas cette intervention? Nous avons vu que la grève a des conséquences sociales qui ne manquent pas de gravité: cherté des produits, concurrence des marchés étrangers, troubles sociaux auxquels se mêle la politique et qui peuvent nécessiter l'intervention de l'armée.
En tout cas, l'objection tombe si l'arbitrage est organisé comme une institution permanente pour les parties contractantes. C'est ce qui a lieu au Canada pour l'industrie spéciale de Québec qui est la fabrication des chaussures, et c'est au vénérable archevêque, Mgr Bégin, qu'est due cette organisation.
C'était dans un moment de grève et de conflit. Trois grandes sociétés ouvrières, celles des tailleurs de cuir, des monteurs et des machinistes avaient présenté leurs réclamations. Le syndicat des vingt manufacturiers avait pris le parti de fermer les usines. L'affaire s'envenimait. Les deux groupes recoururent à l'archevêque. Il trancha le conflit pendant et proposa un arrangement qui préviendra désormais toutes les grèves. Il organisa l'arbitrage pour tous les litiges qui pourraient se présenter à l'avenir à propos d'augmentation ou de diminution de salaires, de renvois d'ouvrier, de la durée du travail ou de tout autre conflit.
Un //Comité de réclamations, //composé de trois ouvriers élus chaque année par les syndicats et un //Comité de conciliation, //composé de trois manufacturiers élus par ceux-ci se mettent en rapport pour résoudre tous les différents.
Quand un ouvrier a quelque plainte à faire contre son patron, il la formule par écrit, la fait signer par deux de ses compagnons de travail et la communique au //Comité de réclamation //qui la transmet au //Comité de conciliation. //Les deux groupes examinent l'affaire simultanément et arrivent à un arrangement, sinon on a recours au //Tribunal d'arbitrage.//
Ce tribunal est permanent et nommé également pour un an. Il est composé de trois membres, un patron et un ouvrier choisis par les deux Comités et un troisième élu par ces deux premiers arbitres. Si, par hasard, les deux arbitres nommés par les Comités ne s'entendaient pas sur le choix du troisième, ils demanderaient à un juge de la Cour suprême ou à l'archevêque de le désigner.
Les arbitres peuvent entendre les parties, les témoins, appeler des experts et recourir à tous les moyens d'information qu'ils jugent utiles. Grâce à cette organisation consentie par les parties, c'est fini de la grève à Québec. Jamais le travail n'est suspendu pendant que le conflit est pendant devant le Tribunal d'arbitrage.
N'est-ce pas un progrès sur le procédé barbare des grèves?
Jeunes conférenciers du Sud-Est, propagez l'organisation de Québec. Elle est conforme à la véritable démocratie chrétienne. Quelques patrons craindront au premier abord d'aliéner ainsi leur liberté, mais ils s'y feront.
Chaque ouvrier est embauché dans une usine par un contrat personnel, il subit les conditions que ses camarades ont acceptées; il y a une sorte de contrat collectif entre le groupe ouvrier et le manufacturier, et la justice ne peut être entièrement sauvegardée que si les ouvriers ont le droit de grève ou le droit d'arbitrage, autrement ils sont dans la situation du pot de terre contre le pot de fer.
Propagez cette solution et vous aurez bien mérité des ouvriers et de la société tout entière; vous aurez avancé la réalisation des doctrines de la grande Encyclique de Léon XIII.
C'est d'ailleurs le sens des récentes directions de l'Œuvre des congrès d'Italie si hautement encouragée et louée par le Pape.
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//La Chronique du Sud-Est, //N. 1, janvier 1903, pp. 1-2.
//**DEMOCRATIE CHRETIENNE**//
Notre chère Revue a toujours parlé clair sur ce thème. La Démocratie chrétienne ressort de l'esprit de l'Evangile. L'Eglise devait aller graduellement de la libération des esclaves à l'affranchissement des communes, et de l'organisation des corporations au développement de la démocratie chrétienne.
Nous avons depuis dix ans soutenu sans sourciller notre propagande. Plusieurs interventions pontificales justifiaient notre thèse.
Le dernier discours du Pape au Sacré-Collège va mettre fin à toute controverse et encourager l'action sociale chrétienne.
L'insistance de Léon XIII, comme le remarquait //l'Univers //ces jours-ci, a voulu manifestement enlever tout vestige de doute aux esprits de bonne foi et tout faux-fuyant aux autres. Il dit aux premiers, dont beaucoup, fermes chrétiens, n'étaient point hostiles à une action sociale des catholiques, mais lui désiraient un nom plus mesuré, plus discret: - //N'ayez pas peur du mot, puisque la chose est bonne!... //Et ce langage est en même temps la consécration de la chose et du mot. Or, l'emploi du mot favorise toujours en pareille matière, l'acceptation et la diffusion de la chose.
Le faux-fuyant habituel de certains catholiques ennemis de la Démocratie chrétienne, on le connaît. Ils aimaient à se réfugier derrière cette équivoque: «Le Saint-Père admet la démocratie chrétienne; nous l'admettons... comme Lui... //Et ils insistaient: - //Comme Lui, car ce que Léon XIII entend par là, n'est aucunement le genre d'action que pratiquent les égarés qui ont donné cette étiquette à leurs dangereuses utopies. C'est dans un autre sens que Rome prend le mot. Et s'il n'est pas condamné, eux le sont».
Mais Léon XIII coupa les ailes à ce subterfuge:
«Evidemment, dit-il, //en général //ceux qui se sont consacré à cette œuvre, en Italie ou à l'étranger, y travaillent avec un zèle qui est bon et d'une manière //remarquablement fructueuse».//
Cette fois que pourront dire les opposants? La solennelle déclaration pontificale embrasse tout. La Démocratie chrétienne est approuvec, encouragée, comme mot et comme chose. Et les démocrates chrétiens, fussent-ils abbés, sont approuvés aussi et encouragés.
//Le règne du Cœur de Jésus dans les âmes et dans les sociétés, //janvier 1903, pp. 33-34.
//**COMME EN BELGIQUE**//
La Belgique a passé par la même épreuve que nous. Elle a eu pendant huit ans un ministère franc-maçonnique. Ces messieurs se donnaient l'épithète de libéraux, chez nous ils s'appellent radicaux et socialistes.
On faisait là-bas ce qu'on fait ici. Les finances de l'Etat étaient au pillage. Le déficit allait grossissant chaque année. Les catholiques étaient traités en parias. Sous prétexte de neutralité, on avait organisé l'enseignement athée. Les catholiques payaient un double budget de l'instruction publique: celui de l'enseignement neutre par l'impôt, celui de l'enseignement confessionnel par leurs souscriptions pour les écoles libres.
Les Belges ont beaucoup de sens politique, ils ont culbuté le ministère libéral pour sauver la liberté. Voici vingt ans que les catholiques sont au pouvoir, et la Belgique est le pays le plus prospère et le plus heureux de l'Europe.
La France est une forêt d'automne, aux feuilles jaunissantes; la Belgique est pleine de sève et de vie. Son sol, admirablement travaillé, porte la population la plus dense de l'Europe et du monde.
Elle compte 190 habitants par kilomètre carré, la France n'en a que 71. Si la France avait une population proportionnelle à celle de la Belgique, elle compterait aujourd'hui 120 millions d'habitants.
Les âmes sont à l'aise dans cet excellent petit pays. La liberté religieuse et la liberté de l'enseignement y règnent dans leur plénitude.
La prospérité matérielle y est merveilleuse. Le commerce extérieur s'y est élevé depuis cinquante ans de 139 millions à 1.949 millions. La valeur du revenu cadastral des propriétés a triplé. Le budget a des excédents de 6, 9, 12, 17 millions, qui servent en partie à doter la caisse des retraites ouvrières. Les Belges ont des entreprises industrielles considérables en Russie, en Chine, en Perse et en Turquie.
Les catholiques ont créé là un Ministère de l'Industrie et du Travail dès 1895.
En 1893, ils ont voté une loi sur les Habitations ouvrières qui a transformé les quartiers populaires. En vertu de cette loi, les Caisses d'épargne ont avancé déjà 46 millions pour la construction de maisons ouvrières, dix-huit mille ouvriers ont profité de ce concours pour bâtir leurs maisons. Quarante mille ouvriers ont profité des réductions fiscales accordées par la loi pour l'achat et la construction de leurs habitations. Cent soixante et onze sociétés ont été fondées pour la construction des maisons ouvrières.
L'organisation des retraites ouvrières que nous attendons toujours, a été votée en 1900 par les catholiques du Parlement belge, c'est le régime de la liberté encouragée et subsidiée. L'assurance se fait par les mutualités. L'Etat y concourt déjà pour 12 millions par an et il va élever cette allocation. Les provinces et les communes donnent aussi leur quote-part. Aussi les mutualités se sont-elles propagées dans ces dernières années comme une traînée de poudre et les caisses de retraites comptent déjà 500.000 affiliés.
Il faudrait parler maintenant des coopératives, des syndicats agricoles, des sociétés de crédit.
La catholique Belgique est une ruche d'abeilles. Un gouvernement libre-penseur est un nid de frelons.
Que faut-il donc faire en France? Il faut faire //comme en Belgique. //Il// //faut que les catholiques s'organisent comme en Belgique. L'organisation est superbe là-bas à tous points de vue: comités politiques, presse, œuvres sociales.
Chaque commune a son comité catholique électoral. Les chefs sont élus et agissent. Ils ont la liste des électeurs. La liste est revisée avec soin. Les électeurs sont classés, visités, cultivés. On sait d'avance sur qui on peut compter.
Les œuvres sociales embrassent tous les domaines: la grande industrie, le petit commerce, l'agriculture. Le clergé leur prête un concours intelligent. Chaque diocèse a un prêtre directeur des œuvres sociales, plusieurs diocèses ont un ou deux missionnaires agricoles.
La presse catholique est soutenue par tous ceux qui le peuvent. Il se fait là un travail apologétique quotidien. Aucun mensonge de la presse hostile ne reste sans réponse, aucune attaque sans riposte.
Ne nous décourageons pas. Nous avons immensément à faire, mais Dieu aidera.
Pensons souvent à la Belgique. Organisons-nous comme les catholiques belges, agissons comme eux.
Pour l'action politique et électorale, marchons avec le comité Piou, sans le discuter. Dans chaque commune, formons un comité sérieux, avec des chefs élus et des listes électorales étudiées et classées.
Pour les œuvres sociales, développons les syndicats honnêtes, les caisses de crédit et les coopératives.
Etudiez la vie sociale de la Belgique, vous avez là les meilleurs arguments pour combattre les libres-penseurs et pour gagner les travailleurs de bonne foi.
On assomme nos pauvres ouvriers avec ces affirmations stupides: «Que le catholicisme est opposé au progrès», «qu'un pays catholique ne peut pas être prospère». Parlez-leur de la Belgique, avec son budget en excédent, avec la vie à bon marché, avec les retraites ouvrières, avec les habitations ouvrières saines et peu coûteuses.
On leur dit qu'il suffit de chasser les Sœurs de charité, les Sœurs des pauvres, les Frères et les Prêtres pour transformer la France en une île fortunée. Les Belges ne sont pas si sots. Ils ont beaucoup de religieux et ne les écorchent pas au moyen d'impôts absurdes pour les expulser ensuite. Ils n'estiment pas que les biens des religieux, qui servent à recueillir les malades, les vieillards, les orphelins et à instruire les enfants, soient des biens de main-morte improductifs.
Soyons des enfants du Christ et de l'Eglise comme en Belgique, si nous voulons obtenir la prospérité et la paix sociale //comme en Belgique.//
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//La Chronique du Sud-Est, //N. 2,// //février 1903, pp. 41-42.