CORRESPONDANCE DU PERE DEHON: ANNEE 1873

02. 01. 1873. B 36/2d.13 (inv. 629.13). P. Freyd [B 36/2a. 13 (inv. 626. 13). P. Freyd (copie dactylographiée)] ]

Mon révérend Père,

Vos lettres me font toujours le plus grand bien et le plus grand plaisir. Elles m'encouragent à la besogne et m'éclairent sur la volonté de Dieu. Je me laisse entièrement guider par vos conseils et je me reporte à mes souvenirs de Ste Claire quand j'ai besoin de ranimer mon courage. Quelles belles années j'ai passées là! Et comme j'en suis reconnaissant au bon Dieu et à vous! La maison de Ste Claire prouve sa valeur par les saintes vocations religieuses qu'elle produit. Je suis déshérité sous ce rapport.

Cependant je n'ai qu'à louer Dieu qui me donne le pouvoir de faire ici quelque bien. Mon Patronage d'apprentis et de jeunes ouvriers est en bonne voie. J'ai fait bâtir un vaste local qui se paiera petit à petit. Nous avons chaque dimanche cent cinquante jeunes gens à nos réunions et tous ont fait la sainte communion à Noël. Cette fondation m'a donné beaucoup de besogne, j'en aurai moins quand l'oeuvre sera complétementcomplètement organisée. J'ai encore besoin de vos prières pour en assurer le succès. C'est une oeuvre providentielle, elle était désirée ici depuis longtemps et il ne se trouvait personne pour la commencer. Elle serait gravement compromise si je quittais de suite St Quentin. J'espère que le bon Dieu m'y laissera quelque temps pour en assurer le succès.

Je n'aurais pas d'autre réponse à faire à Mgr d'Agen. Je suis retenu à St Quentin par cette oeuvre. Et il me faudra probablement plusieurs années pour la mettre en état d'être continuée par un autre.

Pour l'avenir, je n'ai pas, vous le savez, les mêmes pensées que vous. J'ai l'intime conviction que ma vie ne sera pas longue. Cependant j'agis comme s'il en devrait être autrement. Je fais le bien ici pour devenir ensuite ce qu'il plaira à Dieu dans le ciel ou sur la terre.

J'irai peut-être la semaine prochaine faire une retraite à N. D. de Liesse. Vous m'aiderez par vos prières à secouer un peu ma tiédeur.

Ma santé se conserve à peu près égale. Je n'ai pas été malade depuis que je suis ici.

Notre cher abbé Désaire m'écrit plus rarement. Il a fini par comprendre ma résolution et il est moins rassuré sur la sienne. Il n'est pas à l'aise où il est et il m'exprime toujours l'espoir de vivre un jour avec moi. Il prépare maintenant un carême qu'il doit prêcher à St Pierre du Gros-Caillou. J'irai peut-être le voir bientôt à Paris.

Je ne puis penser sans tristesse à notre pauvre Rome où j'ai reçu tant de grâces. J'espère qu'elle se relèvera bientôt. Vous pouvez compter que je ferai dans l'avenir pour le séminaire ce que je pourrai.

Agréez, mon révérend Père, mes souhaits de bonne année avec l'expression de ma reconnaissance et daignez les offrir au R.P. Brichet et au R.P. Daum. Mes amitiés à Mr Bernard. Votre fils dévoué en N. S. L. Dehon

18. 01. 1873 B 109/2 (inv. 1169.23) Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)

+ Saint-Quentin 18 janvier 1873

Mon bien cher ami,

Je suis heureux de votre projet de quitter l'Assomption. Il y a là une activité fébrile qui a bien pu vous satisfaire quelque temps, mais ce n'est pas ainsi qu'ont commencé les grandes congrégations.

Le p. d'Alzon ne me semble pas avoir l'étoffe d'un fondateur. Il a, il est vrai, beaucoup de cœur et quelquefois des aperçus de génie, mais il est extrêmement mobile dans son caractère et ses affections peu sûr dans ses jugements et parfois étrangement colère. On ne fait pas chez lui de noviciat sérieux, il y a peu d'union et après cent variations rien n'est encore fixé dans son but et dans ses règles. Il y a dans le cher p. d'Alzon bien des côtés naturels et humains. Et cependant c'est sa personne qui soutient tout. Cette congrégation me paraît être un beau feu de paille qui n'aura pas de durée.

Je crois que si vous restiez là vous garderiez toujours dans votre cœur quelquechosequelque chose qui vous dirait que vous n'êtes pas à votre place.

J'espère que le bon Dieu va exaucer nos longues prières et vous mettre là où vous trouverez la paix du cœur.

Mais où faut-il que vous alliez ?

Il me semble que le bon Dieu vous accordera comme à tous nos amis la grâce de la vie religieuse. J'en serai exclus par mon indignité.

Je crois donc que vous seriez heureux, que vous feriez beaucoup de bien et que vous vous sanctifierez dans la congrégation du Saint-Esprit. On vous mettrait à l'enseignement à Paris ou à Rome ou bien vous auriez un poste important dans les missions.

Vous avez eu longtemps de l'attrait pour cett'ecette congrégation.

Un secrétaire d'évêque est souvent bien mondain. Le ministère de Paris a bien des dangers.

Si vous teniez à essayer du ministère en province, il y a ici une humble place de vicaire au faubourg où vous pourriez faire beaucoup de bien surtout à moi en ranimant ma tiédeur.

Ne pourriez-vous pas, quelle que soit votre décision venir passer deux ou trois jours à Saint-Quentin. C'est si près de Paris. Je tâcherais de couvrir les frais du voyage.

Vous pourriez voir notre cher évêque qui sera ici la semaine prochaine.

Faites-moi connaître bientôt votre décision.

Au revoir, mon cher ami, ne m'oubliez pas dans vos prières.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

L. Dehon, vic.

20. 01. 1873. B 18/11. 2. 25 (inv. 221. 25). Ses parents

Bien chers parents,

Vous vous impatientez sans doute de ne pas recevoir de mes nouvelles. C'est que le mois de janvier est plus que tout autre fécond en besogne. Il faut faire des visites et en recevoir, écrire des lettres et ne pas négliger les ocupationsoccupations du ministère qui ne font jamais défaut ici.

Le Patronage m'occupe toujours beaucoup. Il a fallu préparer une séance épiscopale, car nous avons ici Monseigneur depuis deux jours. Il s'est rendu hier à notre réunion de jeunes gens. La grande salle presque finie était disposée avec soin. L'un de nos enfants a lu un compliment. Monseigneur a répondu. Puis tous nos jeunes associés ont chanté un cantique. Monseigneur a été fort satisfait.

Nous avons dîné avec lui aujourd'hui chez Mr l'archiprêtre. Il va rester huit jours, j'aurai l'occasion de le voir plusieurs fois.

J'ai fait un certain nombre de visites avec Mr Mathieu. Je constate que partout notre oeuvre est très bien appréciée.

Mon oncle Longuet a vu notre local. Il pourra vous le décrire en attendant que vous veniez le visiter vous-mêmes. Notre dette se paiera petit à petit comme la rançon des Prussiens. Nous avions payé près de 6.000 francs quand je suis allé à La Capelle, nous en avons maintenant donné près de 7.000. Je ne suis nullement inquiet sur l'avenir de cette oeuvre.

J'espère avoir bientôt la visite de l'abbé Désaire. Je crois qu'il va quitter la congrégation de Nîmes.

Je vous écrirai bientôt encore. Embrassez pour moi maman Dehon, Henri, Laure et les enfants. Je vous embrasse de tout coeur. Votre dévoué fils L. Dehon, vic.

31. 01. 1873. B 18/11. 2. 26 (inv. 221. 26). Ses parents

Bien chers parents,

Le temps passe rapidement. Il n'y a pas à le regretter si nous avons fait chaque jour quelque bien. C'est ainsi que je me console quand je vois les mois et les années se succéder.

Les longues préoccupations que m'ont données mes constructions disparaisentdisparaissent peu à peu. Nos travaux touchent à leur fin et j'espère que nous serons entièrement organisés quand vous viendrez comme l'année dernière faire vos pâques à Saint Quentin.

Je n'ai plus aucune inquiétude sur la bonne marche de l'oeuvre. Vous remercierez Dieu avec moi de ce que j'ai réussi dans cette première entreprise. J'ai constaté dans mes visites de nouvel an que cette fondation contribuerait à me donner ici une certaine influence dont je pourrai me servir pour faire du bien.

Monseigneur m'a fort encouragé. Je n'ai pas causé beaucoup avec lui en particulier. Nous l'avons trouvé bien vieilli et très affecté sur l'état de sa santé. Il exprime quelquefois le désir de se démettre de sa charge. Heureusement pour lui son frère fait une grande partie de sa besogne.

En outre de mon Patronage, j'ai été encore fort occupé ce mois-ci d'une famille protestante qui est en train de revenir à la religion catholique. J'ai eu à faire des démarches, mais je suis heureux de cette conversion.

J'étais sûr que vous liriez volontiers le livre de Lasserre sur N. D. de Lourdes. Il est très attrayant. Il ne laisse aucun doute. C'est un livre providentiel qui fait beaucoup de bien à tous ceux qui le lisent. Dites bien à Henri et à Laure de le lire. C'est autant pour les parents que pour les enfants que je l'ai envoyé.

J'attends des nouvelles de l'abbé Désaire, je ne sais pas encore s'il viendra me voir.

J'attendrai bien quelques semaines encore pour mon linge, mais je n'ai plus que deux paires de bas d'hiver, il faudra m'en envoyer bientôt.

Embrassez pour moi maman Dehon, Henri, Laure et les enfants.

Je vous embrasse de tout coeur. Votre dévoué fils L. Dehon, vic.

01. 03. 1873. B 18/11. 2. 27 (inv. 221. 27). Ses parents

Bien chers parents,

J'ai reçu ce matin votre lettre et les cinq cents francs que vous m'envoyez. Je vous en remercie.

J'ai eu le plaisir de posséder pendant trois jours l'abbé Désaire. Je n'ai pas pu vous le conduire, il m'était impossible de quitter St Quentin cette semaine. Il a abandonné la congrégation de l'Assomption parce qu'il a vu comme moi qu'elle ne pouvait pas faire pour les hautes études ce que nous avions espéré. Il est entré dans le clergé de Paris et il vient d'être nommé vicaire à St Pierre du Gros-Caillou du Petit Montrouge. Il reviendra me voir dans l'été et je vous le conduirai.

Nous avons eu mardi dernier une belle fête au Patronage. Les enfants ont joué une pièce. Des amateurs de la ville nous ont donné des chants, des morceaux de piano et de violon. C'était une magnifique soirée. Notre grande salle contenait outre les 200 associés 150 personnes de la ville. Une petite quête pour la chapelle de l'oeuvre a produit 40 francs.

Je suis heureux d'apprendre que mon oncle et ma tante de Vervins vont remettre leur brasserie. J'espère toujours faire avec vous l'été prochain le pèlerinage de Lourdes.

Nous allons commencer ici les exercices de carême. Nous avons deux Pères jésuites qui feront beaucoup de bien. J'espère que papa viendra faire leur connaissance au temps de Pâques.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et les enfants.

Je vous embrasse de tout coeur. Votre dévoué fils L. Dehon, vic.

08. 03. 1873. B 18/11. 2. 28 (inv. 221. 28). Ses parents

Bien chers parents,

Je vous envoie aujourd'hui ce qui me reste de linge sale. J'ai fait blanchir ici ce qui m'était nécessaire. Vous trouverez dans la caisse, si j'ai bien compté, 2 paires de draps, 14 chemises, 12 mouchoirs, 17 serviettes, 3 paires de bas, 3 taies d'oreillers, 6 rideaux et 1 nappe.

Voici un petit compliment pour Amélie:

„Par coeur j'avais appris un joli compliment,

Et j'accourais le dire à ma chère maman;

Mais j'ai tout oublié lorsque je suis venu…

Je t'aime est le seul mot que j'ai bien retenu”.

En voici un autre pour Marthe:

„Je voudrais en cet heureux jour

Te prouver ma reconnaissance,

Louer ta bonté, ton amour,

Tes soins pour moi dans mon enfance.

Je voudrais dire éloquemment

Le plaisir que l'inspire ta fête.

Mais de mon coeur le sentiment

N'a trouvé qu'un faible interprêteinterprète:

Je ne puis selon mon désir

Te peindre toute ma tendresse;

Mon coeur du moins peut te chérir,

Il t'aime et t'aimera sans cesse”.

Siméon m'a donné de ses nouvelles, il va bien.

Notre oeuvre est bien en train. Les retraites successives nous donnent de la besogne. Il se fait quelque bien, cependant nous sommes débordés par l'influence de la mauvaise presse et du parti révolutionnaire.

Notre Patronage marche bien. La petite chapelle s'organise. Je commencerai dans huit jours à y dire la messe.

L'abbé Désaire est nommé comme il le pensait vicaire à St Pierre du petit Montrouge.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et les enfants.

Je vous embrasse de tout coeur. Votre dévoué fils L. Dehon, vic.

09. 03. 1873. B 36/2d.14 (inv. 629.14). P. Freyd [B 36/2a. 14 (inv. 626. 14). P. Freyd (copie dactylographiée)]]

Mon révérend Père,

Vos voeux sont exaucés et notre cher abbé Désaire a planté là l'Assomption. N'osant pas braver la colère du P. d'Alzon, il s'est enfui adroitement avec un prêtre de la Savoie qui l'avait rejoint depuis un an. Je prévoyais cela depuis longtemps et je l'y poussais en m'inspirant de toutes vos lettres.

Après sa sortie d'Egypte ce bon ami est venu passer trois jours avec moi et je lui ai donné les conseils que vous m'indiquiez. Mais pour le moment il éprouve une espèce de répulsion pour toute espèce de congrégation religieuse, et il est décidé à rester dans le clergé diocésain. Il a donc demandé une place à Mgr l'archevêque de Paris qui l'a nommé vicaire à St Pierre du petit Montrouge. Il est là avec l'abbé Duponchel. Il est toujours ce que vous l'avez connu, gai, rieur, aimant le travail, plein de dévouement et de franchise. Il a le projet de se présenter à la première occasion pour être chapelain à Ste Geneviève.

J'encourage le P. Daum, s'il aime encore à rire, à demander à notre abbé le récit détaillé de son évasion.

A St Quentin il n'y a rien de bien nouveau. Je n'ai pas d'autre souci que d'y faire un peu de bien. Je remplis mes fonctions de vicaire et je m'occupe beaucoup de mon oeuvre qui a pris une certaine importance.

Nous avons maintenant plus de 200 patronnés et dimanche prochain je commencerai à dire la messe dans notre chapelle. Notre organisation se complète. Le plus gros de la besogne est fait. L'installation matérielle s'achève et les réunions se régularisent. Quand l'avenir de cette oeuvre sera entièrement assuré, je ne désespère pas d'en fonder d'autres si le bon Dieu m'en fait la grâce.

Je n'ai pas pu exécuter mon dessein de faire une retraite. Je tâche d'y suppléer. Nous avons pour le carême deux Pères jésuites qui prêchent des retraites à la paroisse pour les jeunes filles, les jeunes gens, les dames et les hommes; une retraite par semaine. Je suis autant que possible leurs prédications et j'espère en tirer des fruits.

Ma santé se maintient. Le ministère y est plus favorable que n'aurait été une vie d'étude. Je reconnais tous les jours que le bon Dieu m'a toujours conduit pour le plus grand bien de mon âme et je me repose entièrement sur sa Providence.

Vous trouverez dans ma lettre 9f que je dois à l'abbé Clerc et que je vous prie de lui faire remettre. Présentez mes affectueux respects au R.P. Brichet et au R.P. Daum. Mes amitiés à Mgr Bernard et à Mr de Vareilles.

Agréez l'assurance de mon filial et respectueux dévouement. L. Dehon.

12. 03. 1873. B 109/2 (inv. 1169. 24). Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)

+ Saint-Quentin le 12 mars 1873

Mon bien cher ami,

Les choses ont marché comme vous le désiriez puisque vous voilà avec l'excellent monsieur Duponchel.

J'ai attendu quelques jours pour annoncer votre détermination au p. Freyd afin de ne pas vous devancer et j'ai fait savoir au p. Daum que s'il aime encore à rire il n'a qu'à demander des détails sur votre hégire.

Je n'ai pas besoin de vous redire combien j'ai été heureux de vous posséder pendant trois jours. C'était pour moi plus que le bonheur de revoir un excellent ami, c'était la satisfaction de vous voir dégagé d'une entreprise fâcheuse où j'avais contribué à vous lancer. L'Assomption n'est pas du tout ce que nous avions rêvé et nous n'avons qu'à remercier Dieu de n'y être pas engagés. J'attribue cette heureuse issue de nos vains projets à la grâce de Dieu et à nos confiantes prières. Laissons-nous conduire par la Providence et le bon Dieu réalisera ses projets à notre égard.

Votre plan de conduite me paraît excellent. Faites du bien comme vicaire en attendant autre chose.

Je voudrais savoir si vous avez pu obtenir la station que vous désirez prêcher. J'attends de vos nouvelles prochainement et je suis sûr que vous me chanterez le cantique de Moïse et vous me confirmerez votre joie d'être sorti d'Egypte (cf. Ex 15, 1 - 21)..

Mes confrères ont conservé de vous un excellent souvenir. Mr Genty qui a oublié votre nom vous appelle « le monsieur qui est si aimable ».

Mon œuvre achève de s'organiser. J'y dirai la messe dimanche prochain. L'autel s'est organisé et meublé sans trop de difficultés. Ce qui manque se trouvera. Saint Joseph est un bon économe. Aidez notre œuvre par vos prières.

Présentez mes amitiés à Mr Duponchel. Ecrivez-moi bientôt.

Tout vôtre en Notre-Seigneur.

L. Dehon, vic.

24. 03. 1873. B 18/11. 2. 29 (inv. 221. 29). Ses parents

Bien chers parents,

Je suis revenu enchanté de mon petit voyage en Belgique. Arrivé jeudi soir à Bois d'Haine j'ai trouvé chez Mr le curé la plus gracieuse hospitalité. Le vendredi matin j'ai porté la sainte communion à Louise Lateau. Elle était absorbée dans la prière, et haletante de souffrances. Le sang coulait abondamment de ses mains et de son front. L'après-midi j'ai assisté pendant une heure à son extase avec une douzaine d'étrangers qui avaient comme moi l'autorisation de la voir. Elle était assise au bord de sa chaise, les yeux ouverts et tournés vers le ciel. Elle était insensible à tout ce qui se passait autour d'elle. Pendant l'extase elle ne voit, ni n'entend et n'a plus de relation qu'avec Notre Seigneur qu'elle voit devant elle avec toutes les scènes de la Passion. On peut la piquer, elle n'en éprouve aucune sensation. Le sang coule abondamment de ses plaies, j'en ai recueilli sur un mouchoir. Elle s'unit aux prières que l'on récite. Elle le témoigne par un tressaillement de joie, sans doute parce qu'elle voit Notre Seigneur se réjouir quand on prie. Elle est très sensible au nom de Jésus et de Marie et aussi à celui de Pie IX. Quand on récite la belle prière, „ô bon et très doux Jésus”, elle se jette à genoux. Vers trois heures elle se prosterne à terre et quelques minutes après elle étend les bras en croix. Elle reste ainsi jusqu'à 4h 1/2. Elle éprouve alors une agonie effroyable et semble sur le point de mourir, puis elle revient à elle peu à peu. Les autres jours de la semaine, elle n'a pas d'extases mais seulement des visions spirituelles dans l'oraison. Elle travaille à la couture. Voilà cinq ans qu'elle a chaque semaine les stigmates et ses extases et depuis deux ans elle ne mange ni ne boit. Elle est aussi depuis plusieurs mois privée de sommeil. Cependant en dehors du vendredi elle paraît pleine de santé. Tous ces faits sont indubitables et tous ceux qui en sont témoins en sont profondément touchés. C'est une des nombresuesnombreuses manifestation par lesquelles le bon Dieu veut réveiller notre foi et nous exciter à la pénitence.

Je suis toujours satisfait de la marche de mon Patronage. J'en ai visité plusieurs à Paris. Ces petits voyages m'empêcheront d'aller aussi tôt à La Capelle. Tâchez de venir me voir au temps de Pâques.

J'ai reçu ma caisse de linge. Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe et Amélie. Je vous embrasse de tout coeur. Votre dévoué fils L. Dehon.

18. 04. 1873. B 18/11. 2. 30 (inv. 221. 30). Ses parents

Bien chers parents,

Je me suis trouvé trop occupé depuis quelques jours pour vous écrire.

J'avais à préparer la fête d'hier au Patronage. Ma peine n'a pas été perdue, nous avons eu une soirée magnifique. Tout le monde en est sorti enchanté. Les choeurs et les romances étaient chantés par des jeunes gens de la société chorale de St Quentin. Notre petite pièce patriotique a eu le plus grand succès. Nos petits apprentis l'ont admirablement interprétée. C'était un mélange de pathétique et de comique qui faisait tout à tour rire et pleurer l'assistance. Notre salle était beaucoup trop petite. Nous avions invité l'élite de la société. La quête a produit 200 francs. Je vous enverrai un numéro du journal qui en rendra compte.

Ma santé est meilleure depuis huit jours. Mon rhume est entièrement guéri.

J'ai reçu le vin que vous m'avez envoyé; je ne le goûterai que dans un mois.

La petite nappe que maman m'avait envoyée peut me servir à la rigueur, elle arrive juste aux extrémités de la table.

Je vous écrirai plus longuement un de ces jours. Je vous embrasse de tout mon coeur et vous prie d'embrasser pour moi Henri, Laure, maman Dehon et les enfants.

Votre dévoué fils L. Dehon, vic.

Je n'ai pas encore fait monter le tabouret de Marthe.

22. 04. 1873. B 18/10. 21 (inv. 219. 21). Palustre (copie de P. Dehon)

… Mon Patronage d'apprentis grandit toujours et me surcharge de besogne. J'ai maintenant 200 jeunes associés. J'organise la section des plus grands qui devient un cercle de commis et de jeunes ouvriers. J'essaie aussi depuis quelques jours une oeuvre de soldats qui paraît devoir réussir…

29. 04. 1873. B 18/ 11. 2. 31 (inv. 221. 31). Ses parents

Bien chers parents,

Je me suis trouvé bien occupé depuis que vous êtes venus me voir. C'était le temps pascal, il y avait double besogne à la paroisse, et le Patronage ne me laissait pas un instant de répit.

La fête que nous avons donnée a achevé de nous faire connaître et de nous conquérir toutes les sympathies de la ville. Des dons nombreux nous arrivent pour notre chapelle. Nous avons reçu déjà une statue, un tapis, une lampe, des candélabres et j'espère encore d'autres cadeaux. La Conférence de St Vincent de Paul nous a voté un secours de 1.000 francs et j'ai reçu de Paris un don de 300 francs. J'ai donc pu depuis votre voyage verser 1.500 francs sur la construction ce qui porte à 9.000 francs le total des acomptes versés.

Nous avons répété il y a huit jours pour nos enfants et leurs familles la fête que nous avions donnée à nos bienfaiteurs.

Le Cercle pour les plus grands s'organise. Le billard est monté. La salle de lecture est finie. Le concierge occupe son logement depuis quelques jours.

Nous avons encore créé dans notre local une nouvelle oeuvre, celle des soldats. Nous avons à notre chapelle une messe militaire le dimanche à 11 heures et les soldats jouissent de la maison jusqu'à 3 heures pendant que les enfants n'y sont pas.

Vous devez comprendre maintenant pourquoi j'écris peu et rarement. Tout cela ne se fait pas sans peine ni travail.

Je suis entièrement remis de ma fatigue de la fin du carême et je me porte maintenant fort bien.

J'espère aller vous voir la semaine prochaine s'il ne survient pas d'empêchement. Je partirais lundi par Vervins comme d'ordinaire. Je vous écrirai de nouveau pour vous donner rendez-vous. Marie (texte disparu) Vous pouvez vous y unir.

J'enverrai mon linge samedi. Je vous embrasse tous de tout coeur. Votre dévoué fils

L. Dehon, vic.

13. 05. 1873. B 36/2d.15 (inv. 629.15). P. Freyd [B 36/2a.15 (inv. 626.15) copie dactyl.]]

13. 06. 1873. B 18/11. 2. 32 (inv. 221. 32). Ses parents

Bien chers parents,

La visite de Laure et de Marthe m'a fait le plus grand plaisir. Je regrette qu'Henri ne les ait pas accompagnées, j'espère qu'il réparera cela bientôt.

Je n'ai pas revu depuis les familles Née et Férouelle, mais j'irai bientôt y faire visite.

J'ai reçu aujourd'hui de bonnes nouvelles de Mr Demiselle. Il nous a obtenu pour le Patronage un secours de 500 francs de l'oeuvre de St François de Sales. Il nous aide de tout son pouvoir. Il a été gravement malade d'une bronchite aigüe depuis deux mois. Il va mieux maintenant et il espère faire bientôt le pèlerinage de Paray-le-Monial.

Monseigneur Dours est souffrant depuis quelques jours. On s'inquiète beaucoup de sa santé. Il espère pourtant venir donner la confirmation à St Quentin dans quinze jours.

Je me trouve maintenant beaucoup plus tranquille que je ne l'étais depuis quelques mois. Les travaux du Patronage sont terminés sauf les peintures qui ne se feront qu'à la fin de l'été. J'ai beaucoup plus de liberté et je puis travailler un peu à mon bureau.

Le petit cercle de jeunes gens annexés au Patronage marche très bien. Ils sont déjà à peu près 25, tous bons chrétiens et donnent l'exemple aux plus jeunes.

N'avez-vous pas chez vous beaucoup à souffrir du mauvais temps? Vos pâtures doivent être bien humides. Elles doivent cependant mieux résister à la pluie que celles du Nouvion et de Landrecies qui sont en grande partie inondées.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et les enfants.

Je vous embrasse de tout mon coeur. Votre dévoué fils L. Dehon, vic.

16. 06. 1873. B 18/11. 2. 33 (inv. 221. 33). Ses parents

Bien chers parents,

Nous sommes ici en grands préparatifs de première communion. C'est après demain qu'elle doit avoir lieu. Jeudi ce sera la confirmation donnée par Mgr l'évêque de Beauvais à plus de 700 enfants. Monseigneur Dours est encore souffrant et ne peut pas venir.

Après toutes ces cérémonies nous serons moins occupés et nos anciens prendront leurs vacances. Mr Genty partira jeudi soir pour la Bretagne. Mr Mathieu ira la semaine prochaine à Paray-le-Monial.

Etes-vous décidés à faire aussi votre tour de France? J'ai écrit à ma tante Juliette que si elle tenait à partir à la fin de ce mois, je serais libre le 30. J'attends sa réponse. Si elle craint les chaleurs, je puis attendre jusqu'à la fin d'août. Je serais heureux de vous avoir pour ce voyage et je suis sûr que vous seriez grandement édifiés de la visite de nos principaux sanctuaires.

Vous avez dû voir dernièrement ma tante Juliette et mon oncle Félix. Ont-ils pris une décision? Je désire savoir bientôt s'ils veulent partir à la fin du mois pour me mettre en mesure de partir avec eux.

Comment se fait-il que nous n'ayons pas de nouvelles de Paris? Où en est l'affaire de mon oncle? Dites-moi si ma tante Mathilde vous a écrit à ce sujet.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et les enfants.

Je vous embrasse de tout coeur Votre dévoué fils L. Dehon.

23. 06. 1873. B 18/11. 2. 34 (inv. 221. 34). Ses parents

Bien chers parents,

Les chaleurs qu'il fait depuis quelques jours me consolent du retard de notre pèlerinage. Nous aurons une température plus favorable au mois de septembre.

J'éviterai ainsi de faire deux voyages. J'assisterai au Congrès des associations ouvrières à Nantes du 25 au 30 août et j'irai de là à Auray et à Lourdes.

Nous avons fait ici cette année de belles processions au grand désappointement des mauvais journaux qui nous ont accablés d'injures. J'en ai eu ma large part, de ces injures, à cause de quelques mots d'un sermon qui ont été exploités et interprétés comme ces gens savent le faire. Je ne leur ai pas répondu. Tous les honnêtes gens les méprisent.

Monseigneur de Beauvais n'est resté qu'une journée. J'étais très heureux de le revoir. Il m'a demandé avec beaucoup de bonté des nouvelles des autres sténographes. Il était heureux aussi de causer de Rome et du Concile.

Le Patronage marche bien. Il s'est augmenté d'un bon nombre d'enfants qui viennent de faire leur première communion. Nous avions hier une belle séance de physique amusante.

Une trentaine de personnes sont parties d'ici ce matin pour le pèlerinage de Paray-le-Monial, avec Mr l'archiprêtre.

Palustre m'écrit de temps en temps. Il passera par St Quentin au mois d'août en se rendant en Hollande pour assister à l'abjuration d'un de ses amis qui de protestant se fait catholique. Il s'arrêtera ici deux ou trois jours. Il a aussi l'intention d'aller à La Capelle avec sa femme.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et les enfants.

Je vous embrasse de tout coeur. Votre dévoué fils L. Dehon, vic.

P.S. Je serai content de recevoir des liqueurs.

26. 06. 1873. B 18/10. 21 (inv. 219. 21). Palustre (copie du P. Dehon)

Je serai heureux de te posséder à St Quentin pendant quelques jours au mois d'août… Je n'ai plus guère le temps d'étudier. J'ai lu depuis quelque temps le voyage en Terre Sainte de M. de Saulcy… Je voudrais avoir sur l'Orient un ouvrage populaire illsutreillustre ou un album de photographies pour les récits que je fais à mes jeunes ouvriers du Patronage…. J'irai à Lourdes avec mon oncle de Vervins et ma tante qui a été guérie par la Ste Vierge. Je me rendrai d'abord à Nantes pour le congrès des assoc. ouv. qui doit s'ouvrir le 25 août. Le 30 mes parents me rejoindront à Nantes ou à Auray et nous irons de là à Lourdes par Bordeaux. Nous reviendrons par Paray-le-Monial.

12. 07. 1873. B 18/11. 2. 35 (inv. 221. 35). Ses parents

Bien chers parents,

L'abbé Désaire a continué mercredi jusqu'à Paris. Il était enchanté de son voyage à La Capelle.

J'ai pu préparer notre réunion de jeudi qui n'a pas été nombreuse à cause de la chaleur et de fêtes diverses qui avaient plus d'attrait. Notre rapport était très intéressant. Nous le ferons imprimer et je vous l'enverrai.

Monsieur Demiselle est ici pour quelques jours. Offrez à Henri pour sa fête mes meilleurs compliments. Je ne puis vous écrire longuement, à cause de ma besogne.

Je vous embrasse de tout coeur. Votre dévoué fils L. Dehon, vic

07. 0O8. 1873. B 18/11. 2. 36 (inv. 221. 36). Ses parents

Bien chers parents,

Il y a bien longtemps que je n'ai pas eu de vos nouvelles. J'ai passé, comme je vous l'avais annoncé, quelques jours à la retraite de Soissons. Nous avons eu l'avantage d'entendre un excellent prédicateur. J'ai trouvé le recueillement de la retraite bien nécessaire .après deux ans d'une vie très occupée. J'en suis revenu heureux et l'esprit reposé.

Je m'occupe maintenant très activement du pèlerinage du 17 à Liesse. Mr le doyen vous parlera du pèlerinage du 21 qui est pour tout le diocèse. Celui du 17 sera beaucoup plus intéressant. C'est un pèlerinage d'hommes. Il y aura un groupe de députés et des officiers de Paris, puis tous les comités catholiques de France et les oeuvres ouvrières du nord. Mon Patronage sera représenté par 60 de ses membres. Le nonce du Pape officiera. L'évêque de Tarbes prêchera l'après-midi.

Je serais heureux de vous y voir. Henri et papa aussi pourraient là faire la sainte communion en compagnie de plus d'un millier d'hommes.

Etes-vous décidés à entreprendre un tour de France avec mon oncle et ma tante de Vervins? Je leur donne rendez-vous à Nantes le 30 au soir.

Je crois que Jules Demont doit vous arriver lundi prochain avec sa femme et ses enfants. Il vous écrira bientôt.

J'ai vu encore à Soissons Mr Demiselle. Monseigneur va mieux, il a assisté une fois à la retraite et nous a fait une allocution. Il n'est pas encore bien vigoureux.

Je vous envoie aujourd'hui le compte-rendu du Patronage.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et les enfants.

Je vous embrasse de tout coeur Votre dévoué fils L. Dehon, vic.

18. 08. 1873. B 18/11. 2. 37 (inv. 221. 37). Ses parents

Bien chers parents,

Je vous cherchais des yeux en arrivant à Liesse hier avec notre procession de trois mille hommes priant, chantant, et suivant pieusement leurs bannières. C'était vraiment un beau spectacle. Nous étions 220 de St Quentin.

Notre pèlerinage a été heureux. La joie et l'émotion nous ont fait oublier la fatigue. Je vous enverrai un des comptes-rendus que publieront nos journaux.

Pour notre voyage de Lourdes, je partirai aussitôt que mon oncle et ma tante, parce qu'il faut que je sois à Nantes le 25 au soir pour le congrès des associations ouvrières, qui doit durer cinq jours. Je donne rendez-vous à mon oncle et à ma tante à Nantes le 30 au soir.

Si vous pouviez venir avec nous, je suis sûr que vous seriez heureux de voir les sanctuaires d'Auray, de Lourdes, de Paray-le-Monial, et de vous les rappeler ensuite comme vous vous rappelez encore avec émotion les sanctuaires de Rome et de Fourvières.

Je comprends que la dépense vous effraye. Je crois que mille francs vous suffiraient facilement. Vous pourriez peut-être aller à Auray et à Lourdes et revenir ensuite directement au lieu de faire le tour par Montpellier et par Lyon.

Faites-moi connaître votre décision. Pour moi, 500 francs me suffiront. Vous pouvez me les envoyer dans une lettre à charge ou bien les remettre à mon oncle si vous ne faites pas le voyage. Je ne compte pas être de retour avant le 20 septembre.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et les enfants.

Je vous embrasse de tout coeur. Votre dévoué fils L. Dehon, vic.

24. 08. 1873. B 18/11. 2. 38 (inv. 221. 38). Ses parents

Chers parents,

Je suis heureux d'avoir encore quelque espoir de vous retrouver à Lourdes. Voici les renseignements que vous me demandez:

Il faut passer par Paris. De Paris à Lourdes, voici les stations principales: Orléans, Vierzon, Chateauroux, Limoges, Périgueux, Agen, Auch, Tarbes, Lourdes. La distance de Paris à Lourdes est de 200 lieues et le prix en premières de 100 francs. Il faut environ 24 heures en express.

En partant de Paris (gare d'Orléans) le soir à 7h 45 vous serez le lendemain soir à 6 heures à Lourdes.

Il vaudrait mieux partager la route. En partant de Paris le matin à 9h 10 vous serez le soir à 10h à Périgueux. Vous repartirez de Périgueux le matin à 6h 50 pour être le soir à 6h à Lourdes.

Nous comptons être à Lourdes le 6 septembre au soir et y passer la journée du 7. Nous descendrons à l'hôtel du nord. Vous pouvez m'écrire jusqu'au 28 inclusivement à Nantes au grand séminaire et du 28 au 4 à Lourdes poste restante.

Priez pour que notre voyage aille bien. Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et les enfants. Je vous embrasse de tout coeur Votre dévoué fils L. Dehon, vic.

Gare d'Orléans à 1h 40, arrivée à Vierzon à 8h 40 ou Chateauroux 11h du soir. Départ de Vierzon 8h25 matin, arrivée à Limoges 3H 20. Continuer de Limoges à Périgueux arrivée à 6h. Repartir le matin express à 6h 50, arrivée à Lourdes à 6h soir.

Gare d'Orléans 1h 40, arrivée Orléans 6h. Vendredi départ Orléans 11. 30, arrivée Périgueux 10h soir. Départ Périgueux 6h 20, arrivée Lourdes 6h 50.

28. 08. 1873 (de Nantes) B 22/ 3b (inv. 450. 07). Mr Julien

Monsieur et excellent ami,

Je ne puis vous exprimer toute la joie que j'éprouve d'être venu à ce Congrès. Je n'avais pas assister à une aussi noble et aussi sainte assemblée depuis le Concile. Qu'il est beau de voir ces huit cents hommes d'oeuvres, réunis sur le sol de la catholique Bretagne, prêtres, hommes du monde, magistrats, industriels, officiers de l'armée, tous remplis de l'esprit de charité et de zèle, tous amis des jeunes gens et des ouvriers! Il n'y a vraiment ici qu'un coeur et qu'une âme (Ac 4, 32), comme cela doit être parmi les disciples du Christ, et nous réalisons dans toute sa perfection notre devise: qu'ils soient un (Jn 17, 11).

Nos journées sont admirablement remplies. Les travaux des commissions n'ont pas d'interruption. C'est à peine si l'on trouve entre cinq heures du matin et onze heures du soir le temps de dire son bréviaire. La vie, le zèle, le feu sacré règnent ici en même temps que la charité et l'union.

Nous entendons des discours aussi entraînants qu'instructifs. Nous avons le bonheur de posséder parmi nous des saints. Nous avons écouté avec émotion le R.P. Van Calsen, le fondateur des sociétés de St François Xavier de Belgique, dont l'origine est toute surnaturelle, et qui comptent aujourd'hui plus de soixante mille membres.

M. Harmel, du Val des Bois, nous a ravis en nous exposant les merveilles de son usine, qui est devenue un étonnant foyer de vie chrétienne. Il nous a montré clairement et avec des faits à l'appui la solution du problème de la sanctification de l'usine. Pendant que le Congrès votait la publication de son rapport par milliers d'exemplaires, je prenais de mon côté la résolution d'aller visiter le Val des Bois et je compte sur vous pour m'y accompagner.

Dites à nos enfants et à nos jeunes gens que je ne les oublie pas. Je ne vis ici que pour eux. Je me prépare à donner à l'oeuvre de St Joseph un nouvel entrain de joie et de piété!

Je leur procurerai des jeux nouveaux et j'ai l'espoir d'avoir bientôt des fusils plus dignes de leur ardeur guerrière. Je reporte de magnifiques insignes pour nos chefs de section et je me promets de faire à Lourdes une provision de médailles pour tous.

Demain fête à l'oeuvre de N. D. de toutes joies. Après-demain, pèlerinage à Ste Anne d'Auray. Vous voyez que c'est vraiment ici le paradis terrestre. Le souverain pontife nous a envoyé sa bénédiction pour nous et pour nos oeuvres.

Donnez-moi des nouvelles à N. D. de Lourdes, poste restante, jusqu'au 6 septembre.

Mes amitiés à tous nos collaborateurs. Tout à vous en N. S. L. Dehon, vic.

29. 08. 1873. B 18/11. 2. 39 (inv. 221. 39). Ses parents

Bien chers parents,

Je suis ravi d'être venu à ce Congrès. Je n'avais pas assisté à une plus belle assemblée depuis le Concile. Nous sommes neuf cents, tous hommes d'oeuvres et de dévouement. Les prêtres sont nombreux, mais il y a aussi beaucoup d'hommes du monde, officiers, magistrats, représentants de la noblesse et de l'industrie.

Monseigneur de Ségur nous préside et nous charme par son éloquence et sa bonté. Nos journées sont admirablement remplies. Les commissions se succèdent et le soir, dans une salle magnifiquement ornée, ont lieu les assemblées générales sous la présidence de Mgr l'évêque de Nantes.

J'ai trouvé ici des connaissances et j'en fais de nouvelles. Mr Demiselle est avec nous. Ce soir nous assisterons à une fête à la principale oeuvre de Nantes et demain nous irons en pèlerinage à Ste Anne d'Auray.

Mon oncle et ma tante doivent arriver ce soir. Je ne les verrai peut-être que dimanche matin à cause de mon voyage de demain. Nous partirons ensemble dimanche à midi pour La Rochelle.

Si vous vous décidez à nous rejoindre à Lourdes, suivez exactement l'itinéraire que je vous ai tracé dans ma dernière lettre.

J'ai fait provision ici d'utiles renseignements pour mon oeuvre de St Quentin.

J'avais besoin du reste de me reposer un peu des soucis du ministère et vous savez que les voyages ont toujours été pour moi d'excellentes vacances très favorables à ma santé!

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et les enfants.

Je vous embrasse de tout coeur. Votre dévoué fils. L. Dehon, vic.

23. 09. 1873. B 18/11. 2. 40 (inv. 221. 40). Ses parents

Bien chers parents,

Etes-vous reposés de cet heureux voyage qui vous a procuré tant de douces émotions? Avez-vous trouvé toutes choses en bon ordre à La Capelle à votre retour? J'ai repris sans retard ma besogne habituelle. Mon oeuvre avait un peu souffert de mon absence, mais elle ne tardera pas à se relever. J'y apporterai autant que les ressources me le permettront , toutes les améliorations que m'a indiquées le congrès de Nantes.

Je vous envoie 100 billets de loterie à placer. Vous n'en aurez sans doute pas assez, car mon oncle Félix se propose d'en prendre 40 pour lui seul. Donnez-en quelques-uns au Nouvion, à Mr le curé de Buironfosse, à Mme Belseur (sans que cela nuise à sa souscription), etc. J'en tiendrai d'autres à votre disposition quand vous voudrez.

J'enverrai samedi ma caisse de linge.

La canne que j'ai rapportée n'appartient pas à Jules Demont. Je vous la renverrai à l'occasion.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et les enfants.

Je vous embrasse de tout coeur. Votre dévoué fils L. Dehon, vic.

30. 09. 1873. B 36/2d.16 (inv. 629.16). P. Freyd [B 36/2a. 16 (inv. 626. 16). P. Freyd (copie dactylographiée)]]

Mon bien cher Père,

Je me reproche d'avoir trop négligé de vous écrire. Il faut vous dire que j'ai éprouvé pendant quelque temps de la rancune contre vous. Peut-être devinez-vous pourquoi. Vous savez combien j'avais le désir de la vie religieuse, pour compléter mon sacrifice et pour pratiquer plus amplement les conseils de perfection. Vous n'aviez qu'un mot à dire et je serais allé où vous m'auriez envoyé. Au lieu de cela vous m'avez laissé dans le monde. Voilà le sujet de ma rancune.

Cependant, tout bien pesé, je crois que le bon Dieu me voulait ici, pour y faire quelque bien, et si j'y ai par moment éprouvé du relâchement, ce n'est pas au bon Dieu ni à vous qu'il faut m'en prendre, mais à moi seul.

Je suis toujours sixième vicaire avec une besogne assez lourde. Je suis de plus aumônier d'un noviciat d'une douzaine de religieuses Franciscaines alsaciennes, que j'ai contribué de tout mon pouvoir à faire accueillir à St Quentin. C'est une fondation très intéressante et qui est en bonne voie.

Mon oeuvre ouvrière marche bien. J'ai deux cents apprentis et vingt cinq ouvriers. C'est un sujet d'occupation continuelle avec des alternatives de joie et de tristesse, selon la bonne volonté des enfants. Cette oeuvre tend à se consolider. Je suis en voie de former un comité des industriels les plus influents pour la patronner, mais j'ai des tribulations analogues à celles de l'excellent P. Brichet pour le paiement du local. Cependant M. de Mun et le comité des Cercles de Paris me pressent de grandir encore notre petit Cercle pour le mettre à la portée d'un grand nombre d'ouvriers. Je recommande toutes ces oeuvres à vos prières et je vous prie de les recommander autour de vous.

J'ai pu prendre cette année trois semaines de précieuses vacances. J'ai donné la première au Congrès de Nantes, puis j'ai pèleriné de sanctuaire en sanctuaire, de Ste Anne d'Auray à Lourdes par Pouy et Buglose; de Lourdes à Paray-le-Monial par N. D. de la Garde, Fourvières et Ars.

J'ai fait provision de grâces, de souvenirs et de prières. J'ai rencontré à Lourdes quelques condisciples de Rome. A Paray, j'ai vu l'excellent P. Dugas, qui est nommé professeur de philosophie à St Etienne. Il publie en volume ses intéressantes correspondances que vous avez lues dans l'Univers. Vous pourrez les recommander au Bulletin.

A mon retour j'ai reçu la visite de deux de vos plus chers enfants, Mr de Bretenières et Mr Duponchel. J'étais heureux de communiquer au premier un vague projet qui n'est peut-être pas sérieux, mais qu'il a fort goûté. Voici de qui il s'agit. Notre cher évêque (qui est du reste assez malade depuis plusieurs mois et qui parle de donner sa démission), a sollicité en vain de tous les ordres religieux des missionnaires auxquels il offre une maison qui a été léguée au diocèse. Ne serait-ce pas le cas de tenter l'organisation d'une petite congrégation diocésaine qui commencerait dans cette maison? Il faudrait commencer comme à Dijon par l'union de deux ou trois prêtres. Ces congrégations sont favorisées par le souverain pontife et elles aident quelques prêtres à vivre plus parfaitement. Aux missions diocésaines elles peuvent ajouter selon les circonstances l'enseignement et les oeuvres.

Dites-moi ce que vous pensez de tout cela.

Il paraît que le P. d'Alzon, désolé de voir plusieurs de ses enfants le quitter, me soupçonne un peu de les entraîner pour lui faire concurrence. Son imagination lui crée des fantômes.

Mon père et ma mère ont pris part à la plus belle portion de mes pèlerinages de vacances. Mon père a voulu commniercommunier à Lourdes, à Fourvières et à Paray. Ses bons sentiments s'affermissent.

Mes affectueux respects au R.P. Brichet et au R. P. Daum. Je ne parle plus des élèves, je crois que tous mes condisciples vous ont quittés.

Agréez l'assurance de mon filial dévouement et de mon inaltérable reconnaissance.

L. Dehon, vic.

02. 10. 1873.B 18/11. 2. 41(inv. 221. 41).Ses parents

Bien chers parents,

Je me félicite tous les jours de notre beau voyage. Il a été pour moi un repos de l'esprit, qui m'était nécessaire, après deux ans d'occupations ininterrompues. Et puis cette série de pèlerinages m'a fait plus de bien qu'une retraite. J'en suis revenu plus uni à Dieu, et il me semble que mes oeuvres recommandées dans tant de sanctuaires vont prendre un nouvel essor.

J'ai commencé l'organisation d'un comité d'hommes influents pour patronner mon oeuvre et la grandir. J'ai déjà obtenu l'assentiment de Mr Jules Lehoult, de Mr Hector Basquin et de Mr Jourdain. Ce sont les principaux industriels de la ville. C'est un bon commencement.

Je compte réaliser bientôt l'acquisition du terrain. Nous l'achèterons à quatre en société civile. Chacun de nous léguera sa part aux survivants qui s'adjoindront à chaque décès un nouveau sociétaire. C'est ce qui se pratique ailleurs pour les oeuvres analogues.

La loterie ne marche pas très bien: c'est la stagnation du commerce qui en est cause. Il nous sera plus facile de trouver des ressources quand les affaires reprendront.

J'ai reçu la semaine dernière la visite de Mr de Bretenières, un de mes bons amis de Rome, que j'avais aperçu à Lourdes. Siméon se propose-t-il de passer par St Quentin?

J'ai ma bourse très plate en ce moment. Je crois qu'il me reste 500 francs à recevoir d'ici le milieu de novembre. Si vous pouviez m'en envoyer un peu de suite et le reste à la fin du mois, vous me feriez le plus grand plaisir. J'ai reçu mon eau de Lourdes. Vous avez sans doute reçu aussi la vôtre. Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et les enfants.

Je vous embrasse de tout coeur. Votre dévoué fils L. Dehon.

Avez-vous reçu une brochure de Mr de Mun sur notre pèlerinage à Liesse le 17 août?

19. 10. 1873. B 18/11. 2. 42 (inv. 221. 42). Ses parents

Bien chers parents,

Les dames qui s'occupent de notre loterie désirent savoir quels numéros vous avez placés. Envoyez-moi ce renseignement par retour du courrier. Le tirage aura lieu jeudi. Malgré les difficultés qui résultent de la stagnation du commerce, nous aurons, j'espère, plus de mille francs. Une quête à la paroisse le jour de la Toussaint nous donnera peut-être encore quatre ou cinq cent francs.

Nous attendrons que la situation politique soit meilleure pour acheter le terrain. Quant à Madame Moser, je ne vois pour elle de possible ici en ce moment que les petites soeurs des pauvres. Avec sa petite pension elle serait acceptée de suite.

Il y a bien des religieuses alsaciennes qui la prendraient volontiers, mais elles n'auront plus de place avant plusieurs mois.

La pauvre Monturier prend le même chemin qu'Alphonse Vandelet. Il est séparé de corps et de biens depuis un mois d'avec sa femme. Il continue à boire et a des accès de colère terribles. Il vit avec une femme de mauvaises moeurs et ils se battent si bien qu'il a manqué mourir ce matin d'une blessure grave qu'elle lui a faite à la tête. Il m'a fait demander, et il a témoigné de bons sentiments. Je l'ai confessé. Il va mieux. Mais je crains qu'il ne recommence la même vie quand il sera guéri. Ses affaires se ressentent de tout cela.

Je suis heureux que maman Dehon soit rétablie. Embrassez-la pour moi, avec Henri, Laure et les enfants. Je vous embrasse de tout coeur Votre dévoué fils L. Dehon, vic.

28. 10. 1873. B 18/11. 2. 43 (inv. 221. 43). Ses parents

Bien chers parents,

Je suis sûr que vous êtes désireux de savoir le résultat de notre loterie. Elle a mieux réussi que nous ne l'espérions, grâce au concours de Madame Demont et de quelques autres dames qui ont placé beaucoup de billets dans les derniers jours. Nous avons obtenu une somme nette de deux mille francs, sans compter les listes de La Capelle, de Soissons et de Reims.

J'espère que la quête de la Toussaint nous donnera encore environ cinq cents francs. Madame la Sous-Préfète quêtera avec Madame Bernoville, la dame du juge d'instruction et trois autres dames.

Notre organisation se complète tous les jours. Nous avons installé le gaz à des conditions très avantageuses. La dépense n'excède pas 350 francs.

Nous avons suspendu l'organisation d'un comité et l'acquisition du terrain jusqu'après la solution de la crise politique.

Monturier va un peu mieux, sans être encore hors de danger. Je crains qu'il ne guérisse en gardant la tête un peu malade et qu'il n'achève ensuite sa ruine et ne fasse quelque mauvais coup. Je suis parvenu à éloigner la femme avec laquelle il vivait et à le faire soigner par une religieuse. Sa mère fait tout ce qu'elle peut pour qu'il soit bien soigné et que la brasserie ne tombe pas.

Vous direz à mon oncle Félix qu'il n'a gagné qu'un vase de fleurs artificielles que je garderai pour notre chapelle, s'il me le permet. J'ai pour vous un bien petit lot, des chaussettes d'enfants. Il y avait d'assez beaux lots qui ont été gagnés à St Quentin, tels une pendule, des rideaux, tapis, vases, etc.

Priez bien pour que nous ayons un gouvernement chrétien et que nous puissions faire le bien en toute liberté!

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et les enfants.

Je vous embrasse de tout coeur. Votre dévoué fils L. Dehon, vic.

10. 11. 1873. B 18/11. 2. 44 (inv. 221. 44). Ses parents

Bien chers parents,

Vous vous forgez facilement des inquiétudes inutiles. Je ne sais où Jules Demont a rêvé que nous bâtissions au Patronage. Il n'en est nullement question. Je suis très content du reste de la marche de l'oeuvre. La loterie, comme je vous l'ai dit, nous a donné deux mille francs et la quête de la Toussaint trois cents.

Je n'ai aucune fatigue exceptionnelle en ce moment et je me porte mieux que je ne m'étais porté depuis deux ans.

Je ne sais si vous avez appris la mort de Monturier. C'est je crois un bonheur pour sa famille. Il vaut mieux qu'il soit mort que de se mal conduire. Il a bien fini. Je lui ai donné les sacrements. C'est une religieuse qui l'a soigné avec un dévouement héroïque pendant les derniers jours. Sa mère a fait pour lui ce qu'lleelle a pu. Le parquet s'occupe beaucoup de cette affaire. Je crains pour la famille qu'il n'y ait un procès en cour d'assise contre la femme qui est cause de sa mort.

Je ne sais si Henri est déjà à Laon. On me demande de lui recommander un certain Vatrinelle accusé de détournements au mont de piété. Je crois en effet qu'il est digne de compassion. Le principal coupable s'est pendu. Si Henri est mêlé à cette affaire, il pourrait avoir de l'indulgence pour cet homme. Son enfant fréquente le Patronage, il est bien élevé. Sa femme ne paraît pas s'être enrichie par des détournements. Elle va en journée pour vivre, depuis qu'il est arrêté. Si Henri est déjà à Laon, écrivez-lui dans ce sens.

J'ai oublié de vous dire que le buste du curé d'Ars était en bon état dans ma caisse.

J'aurai besoin à la fin du mois de cinq cents francs, pour commencer ma troisième année, j'espère que vous pourrez me les envoyer.

Je vous prie d'embrasser pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Amélie. Je vous embrasse de tout coeur. Votre dévoué fils L. Dehon.

01. 12. 1873.B 18/11. 2. 45 (inv. 221. 45).Ses parents

Bien chers parents,

J'espérais aller vous voir cette semaine, mais j'ai été obligé de modifier mes projets. Avec l'hiver, la besogne est revenue. Les catéchismes sont recommencés et le Patronage est en pleine activité. Il peut se faire cependant que je sois libre la semaine prochaine. En ce cas je vous préviendrais de mon arrivée pour lundi. Sinon ce sera pour le mois de janvier.

Le Patronage a fait bien des progrès depuis mon retour. Nous avons maintenant une chapelle bien ornée, un orgue, une bannière, etcetc. etc. Nous préparons de belles fêtes. Nos réunions sont nombreuses et ce qui est important, c'est que le Cercle des jeunes gens est aussi en voie de progrès. Ils sont déjà plus de trente. Ils ont élu hier leurs dignitaires et ils sont pleins d'entrain. C'est maintenant une oeuvre bien assise qui fera ici beaucoup de bien.

J'ai la confiance que nos prières à Lourdes, à Paray et dans les autres sanctuaires ont attiré la bénédiction de Dieu sur mon ministère.

Comme je ne suis pas sûr de vous voir bientôt, je crois devoir vous exprimer dans cette lettre une pensée à laquelle vous réfléchirez. J'ai cru remarquer que vous trouvez un peu lourde la pension que vous me faites. Comme je ne veux vous être désagréable en rien, et bien que j'aie besoin de grandes ressources pour faire beaucoup de bien ici, je vous propose de réduire un peu, si vous le jugez nécessaire, la somme que vous me donniez. Vous pourriez par exemple à partir du 1er janvier m'envoyer 300f par mois, ce qui me ferait 3.600f par an au lieu de 4.000f. Ce serait une réduction de 400f. Je laisse cela à votre appréciation. Si vous pouvez faire plus sans vous gêner, vous participerez à des oeuvres importantes que j'ai en vue et qui ne peuvent se faire sans argent.

J'ai reçu ma caisse de linge. Remerciez Mademoiselle Vasseur de la belle photographie qu'elle m'a envoyée.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Amélie. Je vous embrasse de tout coeur

L. Dehon vic.

02. 12. 1873.B 17/2c. 56(inv. 140. 56).Abbé Dours

Monseigneur,

Il est d'usage dans les cercles ouvriers de célébrer à Noël la messe de minuit. Les jeunes gens qui fréquentent notre oeuvre ont l'habitude d'y assister à la Collégiale. Nous pensons qu'ils y assisteraient avec plus de recueillement dans leur chapelle. Ils pourraient y communier avec plus de facilité. J'espère que votre Grandeur voudra bien m'accorder de dire ou chanter cette messe de minuit à la chapelle du Patronage.

Agréez, Monseigneur, l'assurance de mon filial dévouement. L. Dehon, vic.

(en note ajoutée, la réponse: accordé. Il est à désirer que la messe soit chantée).

27. 12. 1873. B 18/11. 2. 46 (inv. 221. 46). Ses parents

Bien chers parents,

Je me suis trouvé bien occupé et bien peu libre depuis mon retour. Les fêtes du Patronage après m'avoir donné bien de la besogne ont parfaitement réussi. Nous avons eu deux belles soirées, assistance nombreuse et bonne exécution du programme. Nous profitons de ces réunions pour faire connaître l'oeuvre. Ces deux soirées nous ont rapporté 450 francs dont il faut déduire 80 ou 100 francs de frais.

A Noël c'était grande fête religieuse pour nos enfants et jeunes gens. Nous avions une crèche très bien ornée. Nous avons chanté la messe de minuit et plus de 120 ont communié. Demain c'est fête pour leurs parents. Dimanche prochain c'est la distribution des récompenses trimestrielles. Vous voyez que c'est une oeuvre qui a de la vie.

Je ne vous oublie pas au milieu de mes occupations. J'ai pensé à maman à la messe de St Etienne son patron. Je serai avec vous en esprit le 1er janvier et je vous prie d'accepter d'avance mes souhaits que je n'aurai sans doute pas le temps de renouveler.. Offrez-les aussi à maman Dehon, à Henri et à Laure, ainsi qu'aux autres membres de la famille que vous rencontrerez.

Je vous renvoie aujourd'hui ma caisse. Vous y trouverez un livre d'images pour Amélie et un exemplaire illustré de Fabiola pour Marthe. Si elle l'avait déjà je le changerais. J'ai choisi ce volume pour que vous le lisiez dans vos soirées. Il vous intéressera vivement en vous rappelant votre voyage de Rome, de Naples et de Pompéi.

Vous trouverez aussi dans ma caisse la bourse de Mr Flamant et dans ma lettre le reçu de Mr Dusanterre. Dites-moi comment Destrez a fini.

Je vous embrasse de tout coeur Votre dévoué fils L. Dehon, vic.