CORRESPONDANCE DU PERE DEHON : ANNEE 1888
07. 02. 1888. B 24/0 (inv. 487. 09). Secrétaire de l'évêché de Soissons
Monsieur le Secrétaire,
J'ai deux étudiants ecclésiastiques qui ont tiré au sort ces jours-ci. Je vous envoie leurs actes de naissance.
M. Riedmuller Jean Baptiste (alsacien naturalisé français par l'option) a tiré à St Quentin le 28 janvier le N° 253.
M. Agisson Charles a tiré à Chauny le 1er février le N° 106.
Je vous prie d'agréer l'assurance de mon respectueux dévouement. L. Dehon.
19. 02. 1888. B 24/0 (inv. 487. 10). Secrétaire de l'évêché de Soissons
Monsieur le Secrétaire,
J'ai l'honneur de vous transmettre les pièces et renseignements nécessaires pour le troisième de mes étudiants qui ait tiré au sort cette année.
Je vous remercie de toute la peine que vous prenez pour nos affaires.
Vous n'oubliez pas les deux pierres d'autel demandées par Mgr Mathieu, n'est-ce pas?
Agréez mes dévoués respects. L. Dehon.
19. 02. 1888. B 19/1. 1 (inv. 229. 19). Mère Marie du SC (Servantes)
Chère Mère,
Revenez-nous bien riche en grâces et en vertus. Quand vous êtes pauvre nous le sommes aussi puisqu'il est dans les desseins de N. S. de faire de vous le canal de la grâce pour son oeuvre. Rapportez-nous l'esprit de notre chère soeur Ignace.
Revenez surtout avec beaucoup de douceur et de charité, c'est par là que vous serez le plus utile à l'Oeuvre. Un zèle amer ne gagne pas les âmes, mais les éloigne.
Je crois que le temps de la miséricorde du S. Coeur de Jésus est venu par l'intermédiaire de Marie. Cette année doit être une année de grâce et de vie, mais il faut que nous correspondions.
Notre chère Soeur vient d'être de nouveau éprouvée par la souffrance. Ce sera l'occasion de nouvelles grâces pour elle et pour l'Oeuvre. J'ai parlé à Mgr de son retour à St Quentin, il m'a répondu: „Quand vous aurez votre Bref vous pourrez demander bien des choses à Rome”. Sa présence ici serait une nouvelle source de grâces, mais son exil n'est plus un obstacle si nos dispositions intérieures sont ce qu'elles doivent être, si nous avons la foi que nous devons avoir, l'humilité, l'esprit d'union et la confiance en Marie.
Nous allons donc à votre retour nous remettre à l'oeuvre avec un zèle nouveau et ne plus jamais nous décourager. Que de conversions et de vocations à obtenir! Et comme cela sera facile si nous sommes bien unis! Le S. Coeur de Jésus n'attend qu'un petit effort pour nous aider et pour multiplier les prodiges de sa miséricorde. Soyons donc bien confiants.
Mgr de Soissons nous charge de fonder la paroisse de St Martin du S. Coeur dans notre quartier. C'est une preuve de sa confiance. Il demande qu'on n'en parle pas encore jusqu'à l'achat des terrains.
Vous savez que j'ai une grave échéance le 25. La Providence m'a fourni le plus nécessaire. J'avais confié cela à la très Sainte Vierge.
Il faudra que nos bonnes quêteuses travaillent bien et sacrifient la moitié de leurs recettes pour M. Vilfort pendant deux ans environ. C'est la décision de Monseigneur. St Joseph les aidera. Ce pauvre F. Simon est maintenant assez calme et assez raisonnable.
Soyez bien bénie avec notre bonne Soeur et toute la petite communauté.
Votre pauvre père et frère in Corde Jesu. + Jean du Coeur de Jésus
09. 03. 1888. B 19/1. 1 (inv. 229. 20). Mère Marie du SC (Servantes)
Chère Mère,
Je vous envoie notre beau Bref. Nous ferons dans toutes nos maisons un grand triduum d'actions de grâces pour la fête de St Joseph: chant du Magnificat au salut le 17 et le 18 et chant du Te Deum le 19. Unissez-vous à nous.
Tous nos amis m'écrivent de bonnes lettres.
Ma petite nièce Lily veut faire une grande neuvaine pour sa vocation, aidez-la.
Tout le monde paraît bien encouragé dans l'Oeuvre.
Le mois de St Joseph a toujours été pour nous un mois de grandes grâces spirituelles, priez bien. La miséricorde du Coeur de Jésus est infinie.
Recommandez au Coeur de Jésus nos diverses oeuvres: la paroisse St Martin du S. Coeur, la libération de Vilfort.
Il me semble que la grâce du S. Coeur nous aide plus abondamment depuis le décret. Soyons-y fidèles.
Le Cardinal de Reims et Mgr de Soissons recommandent de garder la même prudence vis-à-vis de ce qui a été désapprouvé par Rome.
Appliquons-nous bien à la vertu d'humilité, je n'en connais pas de plus féconde, de plus agréable à Jésus et à Marie. Toutes les vertus s'y ramènent et c'est la plus grande source de grâces. Soyez bénie avec notre chère Soeur et toute votre maison.
+ Jean du Coeur de Jésus.
15. 03. 1888. B 21/1a (inv. 445. 01) Visitation (Bourg) (copie dactylographiée)
Ma vénérée Soeur,
Vous avez porté intérêt à notre petite Société des Prêtres du S. Coeur depuis ses commencements. Vous apprendrez avec plaisir que le St Père vient de nous accorder un Bref laudatif dont je vous transmets le texte. C'est un puissant encouragement pour nous. Aidez-nous à remercier le S. Coeur et la très Sainte Vierge. Cela facilitera beaucoup le recrutement de notre Oeuvre et les fondations.
J'aurais voulu vous voir à mon passage à Bourg à la fin d'août pour renouveler avec vous l'union de prières pour le règne du S.Coeur. Mais vous étiez sur la croix. J'ai eu une grande consolation à dire la sainte messe à la Visitation. Votre chère maison est une des sources de l'oeuvre de la réparation au S. Coeur.
N. S. vous a choisie pour une de ses victimes. C'est une mission bien haute et bien précieuse. Demandez à N. S. que nous répondions bien à l'esprit d'amour et d'immolation qu'il attend de nous.
J'ai toujours le désir d'avoir un jour une maison dans le diocèse de la Garde d'honneur et du Curé d'Ars, mais il faut attendre l'heure de la Providence. Priez aussi à cette intention.
Je n'oublie pas votre chère communauté dans mes pauvres prières.
Agréez l'assurance de mon religieux dévouement. L. Dehon, sup.r
27. 03. 1888. B 19/1. 1 (inv. 229. 21). Mère Marie du SC (Servantes)
Chère Mère,
Faites le sacrifice de donner au moins pour commencer les quatre Soeurs que nous avons indiquées, Sr Véronique (supérieure), Sr St Léon (classe), Sr Annonciation (malades), Sr Ste Angèle (Patronage). On verra plus tard, par exemple à la fête du S. Coeur, s'il y a lieu d'en changer une ou deux.
Nous ne pouvons pas donner Sr Oliva. La Sr St Paul ne pourrait pas faire la classe. Elle succomberait après quelques jours.
La Sr St Léon ira très volontiers. Elle est très bien disposée. Tout est prêt pour le départ de ces quatre Soeurs.
Prions bien pendant tous ces grands jours. Nous avons besoin de beaucoup de grâces. Soyez toutes bien bénies. + Jean du Coeur de Jésus.
31. 03. 1888. B 24/8 B (inv. 501. 02). P. Matovelle
Cher et vénéré confrère,
Le St Siège vient de nous accorder la faveur du Décret laudatif. Remerciez avec nous le S. Coeur de Jésus.
En vous unissant à nous vous profitez du même décret. Nous pensons que la fusion sera très avantageuse pour nos oeuvres.
Mes conseillers et moi nous acceptons votre proposition. Vos statuts répondent parfaitement à notre but, nous les insérerons en entier dans nos Constitutions. Notre but est de répondre aux désirs exprimés par N. S. à la Bse Marguerite Marie.
Nous voulons vivre de la vie eucharistique, vie d'amour, de réparation, de prières, d'actions de grâces. Pour la réparation, nous l'offrons plus particulièrement à N. S. pour les âmes consacrées parce qu'il a dit à la Bse Marguerite Marie que les infidélités de ces âmes le blessent plus que les autres.
Pour le nom, nous demanderons à la 2ème approbation le nom d'Oblats du S. Coeur de Jésus. Du reste nous sommes déjà connus ici sous ce nom d'Oblats du S. Coeur. J'espère que la Congrégation des Evêques et Réguliers nous l'accordera.
Pour la fusion, le moyen que vous proposez est le meilleur. Envoyez-nous pour octobre ou novembre deux étudiants. Ils achèveront leurs études avec nos étudiants à l'Université catholique de Lille. Vers le même temps je vous enverrai deux prêtres pour commencer.
L'esprit du P. Blot est bien aussi le nôtre, nous nous servons de son livre sur le Coeur eucharistique.
Que vous êtes heureux d'avoir rétabli à l'Equateur le règne social de N. S! Il n'existe plus guère dans notre Europe. Cette grande grâce nous reviendra par l'Amérique. La vie de Garcia Moreno fait une grande impression en France. Elle nous aidera à combattre le libéralisme.
Pour le gouvernement de la Congrégation, nous avons adopté jusqu'à présent que le Supérieur général serait élu pour six ans et rééligible. Tenez-vous à ce que le Supérieur soit à vie? Il y a des raisons pour et contre.
Je vous communique une petite lettre d'un pieux abbé qui a écrit des opuscules excellents sur la vie de réparation et d'immolation.
J'ai hâte que notre fusion soit tout à fait consommée. Elle ne le sera bien qu'après l'échange des sujets. Les relations seront alors plus fréquentes et faciles. En quelques mois les deux oeuvres seront tout à fait unifiées.
Soyons donc cor unum et anima sola (Ac 4, 32) pour le règne du S. Coeur de Jésus et pour sa consolation. Agréez mon fraternel dévouement. L. Dehon.
22. 04. 1888. B 24/8 B (inv. 501. 03). P. Matovelle
Cher et vénéré Père,
Il me paraît bon de nous écrire désormais de temps en temps pour fortifier l'union de nos oeuvres. Plus je prie et plus je réfléchis, plus je pense que cette union est dans les desseins de la Providence. Nous avons absolument le même but et le même esprit.
Je revois nos Constitutions et j'adopte textuellement vos quatre premiers chapitres.
Au chapitre 2, après l'énoncé des quatre fins du sacrifice, j'ajoute seulement le paragraphe suivant: „Pour ce qui regarde la réparation, ils se souviendront particulièrement des plaintes formulées par N. S. à Paray-le-Monial au sujet de son peuple choisi dont les infidélités et les ingratitudes lui sont les plus sensibles. En conséquence ils offriront leurs réparations principalement pour eux-mêmes et pour les autres membres du peuple choisi, c'est-à-dire pour les âmes consacrées”.
Je suis persuadé que vous accepterez cela volontiers, parce que cela répond aux désirs de N. S. et parce que cela a bien sa raison d'être dans l'Amérique du Sud où il y a surtout besoin de bons prêtres.
Pour toute la partie administrative de nos Constitutions, elles ont déjà été améliorées par la Congrégation des Evêques et des Réguliers. Je vous en enverrai prochainement une copie. Nous pourrons encore les perfectionner jusqu'à la seconde et la troisième approbation.
Pour les oeuvres extérieures nous avons les mêmes vues: paroisses, séminaires et missions. Nous avons ici un collège mais c'est une exception.
J'ai eu le plaisir de voir récemment à Paris Mr Antoine Flores. Il paraît décidé à refuser la présidence. J'ai vu aussi un jeune Frère des Ecoles chrétiennes qui est de Cuanca et qui m'a beaucoup loué vos oeuvres.
Voici l'état actuel de nos maisons:
à St Quentin (diocèse de Soissons): Missionnaires, Collège, Maîtrise, une paroisse en formation;
à Etaves (même diocèse): noviciat, paroisse;
à Fayet (même diocèse): école apostolique;
à Lille (diocèse de Cambrai): scolasticat;
au Val des bois (diocèse de Reims): oeuvres de l'usine Harmel;
En Hollande, Sittard (diocèse de Rüremonde): noviciat et école apostolique pour les Allemands et les Hollandais.
Un grand nombre d'évêques de France nous sont très sympathiques.
Je compte donc vous envoyer vers le mois d'octobre deux prêtres pour commencer. Ils feront ce que vous voudrez.
Je vous ai envoyé le décret de première approbation que nous a accordé le St Siège, je pense que vous l'avez reçu.
Nous serions heureux si vous étiez chargé de l'église votive du S. Coeur à Quito!
Unissons nos prières pour le règne social du S. Coeur de Jésus. L. Dehon.
28. 04. 1888. B 19/3. C (inv. 235. 02). Baron Sarachaga
Monsieur le Baron,
Vous avez eu la bonté l'an passé de me mettre en relations avec le chanoine Matovelle de l'Equateur. Je vous en suis bien reconnaissant. Je suis passé à Paray au mois de septembre pour vous remercier mais vous étiez alors en voyage en Belgique. Nous avons depuis correspondu à diverses reprises avec M. Matovelle et nous avons décidé la fusion de nos deux petites familles religieuses. Nous travaillerons de concert au règne de N. S.
Notre Congrégation a eu la grâce au 25 février dernier de recevoir du St Siège sa première approbation. C'est un grand encouragement pour nous et une base solide pour nous mettre courageusement à l'oeuvre.
J'enverrai en octobre deux prêtres à l'Equateur et M. Matovelle m'enverra deux de ses étudiants. Cet échange consommera la fusion.
Je vous prie de recommander notre oeuvre au pieux sanctuaire auprès duquel vous avez le bonheur d'habiter. Agréez l'hommage de ma considération respectueuse L. Dehon, sup.r
05. 05. 1888. B 24/8 (inv. 500. 01). P. Grison
Cher fils,
Continuez à faire le bien modestement. Rejetez tout trouble et toute inquiétude comme des tentations du démon et des fruits de l'amour propre.
Soyez toujours humble et paisible. Ne vous découragez jamais. Recommencez tous les jours doucement et patiemment l'oeuvre de votre sanctification. Vous pouvez faire un voeu sub levi pour le lever.
Désirez et demandez par Marie la vie d'union avec N. S. Pensez souvent à ce que N. S. attend de vous. Etudiez ses sentiments, ses désirs, son Coeur. C'est là la meilleure voie et la plus conforme à notre vocation. Si vous êtes fidèle, N. S. vous conduira lui-même et vous vivrez de sa vie: Jam non ego vivo (Ga 2, 20).
Patience, paix et douceur. Gardez bien cette devise. Soyez béni! + Jean du C. de J.
07. 06. 1888 (Veille de la fête du SC) B 24/8-B (inv. 501. 04). P. Matovelle
Mon vénéré et cher Père,
J'ai le désir de recevoir bientôt de vos nouvelles. J'ai la confiance que notre union sera consommée avant la fin de l'année.
Les deux prêtres que je dois vous envoyer partiront par le paquebot de St Nazaire le 10 octobre.. Ils arriveront donc à Gayaquil vers le 10 novembre et ils se rendront chez vous à Cuenca. Ils n'ont besoin d'emporter que l'argent du voyage, n'est-ce pas? Chez vous ils partageront le pain de votre petite famille religieuse.
J'espère que vos deux étudiants feront le voyage vers le même temps. Si je savais par quel bateau ils viendront je les ferais prendre au Havre, mais l'arrivée des bateaux est toujours un peu incertaine. Ils pourront aisément, j'espère, venir nous rejoindre à St Quentin. Quand ils seront ici je me chargerai de leurs frais.
C'est seulement après cet échange de sujets que nous pourrons bien unifier nos deux oeuvres.
Vous avez dû recevoir notre Bref d'approbation que je vous ai envoyé. Travaillons ensemble avec humilité et ferveur par la vie eucharistique à la réparation sacerdotale et sociale.
Cet esprit de réparation est la grâce du temps présent. Il se répand de plus en plus dans les âmes pieuses. C'est le meilleur signe d'espérance pour l'avenir.
Je compte aller à Rome pour le mois de septembre. J'espère voir le Souverain Pontife et recevoir sa bénédiction et ses encouragements pour notre Oeuvre. Je lui parlerai de notre union avec vous. Priez pour que ce voyage de Rome soit bien fécond en grâces pour l'Oeuvre.
Tâchons de former des sujets qui aient une valeur peu commune pour la piété et la science. C'est nécessaire pour notre belle vocation. Ce qui est offert en réparation à Notre Seigneur ne doit pas être trop imparfait, autrement il ne pourrait l'accepter.
Unissons nos prières et nos sacrifices dans ce but.
Agréez mes sentiments profondément dévoués. L. Dehon.
24. 06. 1888. B 24/8-B (inv. 501. 05). P. Matovelle
Mon vénéré et cher Père,
Il faut arriver à une entente complète, n'est-ce pas, avant de réaliser la fusion entre nos deux oeuvres. Il y a encore pour moi un point obscur, veuillez l'éclaircir.
Nos moyens sont bien les mêmes: la vie eucharistique, l'immolation. Le but principal est bien le même: répondre aux désirs exprimés par N. S. à Paray-le-Monial.
C'est sur le but plus spécial qu'il faut nous mettre bien d'accord. Le but spécial est de répondre plus particulièrement à un des désirs du S. Coeur.
Pour nous ce but spécial est la réparation pour les âmes consacrées et le zèle pour leur sanctification. Ce but nous paraît le plus important, le plus cher au Coeur de Jésus. L'apôtre St Jean, fidèle jusqu'au Calvaire, est notre modèle.
Nous mettons le règne social du S. Coeur au second rang des désirs de N. S. Pour vous, ne mettez-vous pas le règne social au 1er rang? Je ne puis pas le blâmer, mais alors il y a une nuance assez grave entre nos deux oeuvres. Ne vaudrait-il pas mieux alors travailler de concert mais ne pas fusionner?
Il faut nécessairement bien nous mettre d'accord sur le but, puisque c'est le but qui détermine toute la vie et l'activité d'une oeuvre.
Donnez-moi bien votre pensée à ce sujet. Prions pour que le S. Coeur nous éclaire.
Les deux buts spéciaux que nous avons en vue sont très importants tous les deux et peuvent être unis ensemble, mais il me semble que la sanctification du peuple choisi doit garder la priorité. Cette sanctification du peuple choisi me paraît aussi le premier besoin de l'Amérique du Sud. Le S. Coeur de Jésus nous éclairera. Agréez mes bien dévoués respects.
L. Dehon.
22. 07. 1888. B 24/8 - B (inv. 501. 06). P. Matovelle
Mon révérend et cher Père,
J'ai reçu votre bonne lettre du 4 juin. Je prends bien part à vos épreuves et j'espère que votre maladie est parfaitement guérie. Je suis très touché de la simplicité et de la confiance avec lesquelles vous m'exposez la situation de votre Congrégation.
Je pense que vous avez reçu mes lettres.
Tout reste convenu pour l'union comme nous l'avons dit dans notre correspondance.
Je me proposais d'envoyer mes deux prêtres par le paquebot qui partira du Havre le 10 octobre, mais je préfère attendre le bateau du 10 novembre, parce que je ne reviendrai de Rome qu'au commencement d'octobre et je désire être présent à leur départ. Ils vont apprendre l'espagnol.
Vous pourrez également envoyer vos deux étudiants à la même époque en m'indiquant leur départ, j'enverrai un prêtre les attendre au Havre.
Dans ma dernière lettre j'exprimais quelque hésitation au sujet du but de nos oeuvres, mais je ne m'arrête pas à ces hésitations. La réparation sacerdotale et le règne social du S. Coeur sont les deux principaux désirs exprimés par Notre-Seigneur à Paray et ils peuvent très bien être réunis.
Vous donnerez à vos deux étudiants toutes les pièces nécessaires pour qu'ils puissent recevoir les saints Ordres.
A cause de la difficulté de la langue mes prêtres ne pourront prendre la direction du noviciat que d'une manière limitée, surtout au commencement. Vous les aiderez. D'ailleurs il est juste et nécessaire que vous restiez supérieur provincial pour l'Amérique.
C'est bien comme vous le dites l'esprit de sacrifice et d'abnégation qui doit faire la force de notre Congrégation. Nous avons eu bien des épreuves depuis le commencement. Nous n'avons pu les traverser que par la foi en notre oeuvre et l'amour de Notre Seigneur.
Ce sera pour moi une grande joie et une grande grâce quand nos deux petites familles seront réunies par l'échange de frères qui doit avoir lieu.
Recevez l'assurance de mon fraternel dévouement. L. Dehon.
20. 08. 1888. B 22/4 (inv. 451. 05). Mgr Gay
Monseigneur,
Votre appel publié en 1881 pour une union du clergé dans la prière de réparation au S. Coeur paraît avoir fait un très grand bien. Il a été répandu par toute la France et a provoqué la publication de divers écrits et notes sur le même sujet.
Cependant jusqu'ici cette union réparatrice n'a guère eu d'organisation ni de centre.
Maintenant que notre Congrégation est approuvée, il me semble que nous pourrions tenter modestement et prudemment cette organisation.
Cette union réparatrice aurait pour centre l'adoration réparatrice qui se fait dans nos maisons. Nous répandrions une petite notice pour cela. Nous rappellerions votre appel. Pourrions-nous dire que c'est à notre prière en même temps qu'à celle d'autres âmes que vous avez écrit cet appel?
Il y aurait quelque chose de mieux encore, ce serait que Votre Grandeur m'écrivît quelques mots que je pusse publier pour me dire qu'elle apprend notre projet d'organiser cette union et qu'elle le goûte.
Nous ne demanderions guère autre chose, comme moyens pratiques, que ce qui est indiqué dans les feuilles de propagande qui ont résumé votre appel.
Mgr de Soissons est tout prêt à approuver un réglement d'association que nous lui proposerons. Nous obtiendrions ensuite l'approbation de Rome.
Nous louerions les associations sacerdotales existantes, comme celle de M. Lebeurier, celle des Pères du S. Sacrement, et nous demanderions qu'on ajoute à leurs pratiques l'esprit et la pratique de la réparation.
Les directeurs de ces oeuvres ont été déjà sondés et ne sont pas opposés à ce projet.
Les conseils de Votre Grandeur seront notre règle de conduite. Je sollicite en même temps les prières de Votre Grandeur pour le voyage de Rome que je vais faire dans quelques jours. J'espère voir le St Père. Je désire le remercier du Bref qu'il nous a accordé.
Daignez agréer, Monseigneur, l'hommage de mon respectueux dévouement. L. Dehon.
20. 08. 1888 (fête de St Bernard) B 24/8 - B (inv. 501. 07). P. Matovelle
Mon révérend et cher Père,
Je remercie Dieu de cette dignité de Sénateur qui va vous permettre de travailler au règne social du S. Coeur.
Il ne faut pas hésiter d'accepter la charge de la Basilique votive du S. Coeur à Quito, cela répond si bien à notre but.
J'accepte les conditions proposées par Mgr l'archevêque de Quito. Je puis envoyer de suite trois ou quatre prêtres (je préférerais trois pour commencer), un clerc architecte capable et plusieurs frères laïcs. Je pourrai les envoyer aussitôt après votre réponse. Si même Mgr l'archevêque de Quito désirait les avoir de suite, envoyez-moi un télégramme.
Si vous répondez par lettre, je n'aurai votre réponse que vers le 10 novembre, au cas où vous écriviez de Cuenca avant le 10 octobre. Mes religieux ne pourraient partir qu'à la fin de novembre. Si vous envoyez un télégramme ils pourront partir plus tôt.
Je ferai en sorte de vous envoyer des religieux bien formés qui aient l'esprit de sacrifice.
Si les religieux que j'enverrai pour commencer s'établissent à Quito, ils ne pourront pas prendre en même temps la direction de la maison de Cuenca. Il faudra que j'en envoie d'autres plus tard. Mais l'oeuvre de Quito me paraît si importante qu'il faut s'y mettre de suite.
Votre basilique du S. Coeur est-elle commencée? Les fonds ont été votés, je crois, par le Congrès national. Y a-t-il un plan adopté? Notre architecte devra-t-il fournir un plan ou seulement diriger des travaux déjà commencés? S'il doit fournir un plan, il en portera plusieurs à choisir. Quel style aimerait-on à Quito ?, Faut-il faire une église gothique ou une église à coupole ou une basilique romaine? Quelle est la somme votée par le Congrès? Y a-t-il d'autres ressources à espérer? Je pense que notre architecte réussira bien.
Je regarde maintenant notre union comme conclue. Nous vous considérons comme des frères et nous voulons travailler avec vous au règne du Coeur de Jésus spécialement dans la tribu sacrée et dans les sociétés civiles.
Je vais partir dans huit jours pour Rome. Je compte voir le St Père, je lui parlerai de cette fusion, j'espère qu'il la bénira.
Agréez l'assurance de mon affectueux dévouement. L. Dehon.
06. 10. 1888. B 19/1. 1 (inv. 229. 22). Mère Marie du SC (Servantes)
Chère Mère,
Vous savez combien j'ai été occupé tous ces temps-ci. J'ai reçu votre bonne lettre à Rome. Mon voyage à Rome a été tout à fait heureux. Il n'y a plus là aucune hésitation à notre sujet. On nous approuve sans réserves. C'est à nous de marcher maintenant. Les difficultés sont ici. C'est un travail d'Hercule de bien faire régner l'esprit religieux dans l'Oeuvre et de mettre de l'ordre dans nos affaires temporelles.
Tous mes efforts tendent principalement à me maintenir dans la confiance filiale en Jésus et Marie. „In te Cor Jesu speravi” (Ps 31, 2).
J'ai donné la retraite du grand séminaire à Soissons. J'y ai été édifié et consolé, cela m'a fait du bien.
La rentrée est belle à St Jean. Il y a beaucoup de nouveaux. C'est l'abbé Mercier, neveu de M. Thiébaut, qui est préfet de discipline. Tout est bien en train.
Nous regrettons la Soeur Oliva, mais il me semble que si les Soeurs y mettent de la bonne volonté on pourra faire sans elle. Elle pourrait peut-être venir ici chaque samedi, cela serait utile. Ne tardez pas trop à revenir. On s'ennuie au couvent.
10. 10. 1888. B 109/2 (inv. 1169. 65). Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)
Cher ami,
Vous êtes donc encore souffrant ? Guérissez-vous vite et si vous le pouvez unissez vos efforts au nôtre.
Vous pouvez envoyer Louis Rattaire. Il devra faire sa rhétorique à l'école apostolique, n'est-ce pas ?
Qu'il vienne avec un trousseau bien en règle, afin de ne pas nous mettre en dépenses dès son arrivée.
J'arrive de Rome. J'ai vu le Saint Père en audience particulière et plusieurs membres des Congrégations romaines.
Il n'y a plus à Rome aucune hésitation au sujet de notre Congrégation.
Je suis revenu bien encouragé. Tout dépend de nous maintenant. C'est à nous de marcher régulièrement et de mériter les bénédictions de la Providence.
Aidez-nous et priez bien pour nous.
N'oubliez pas dans vos prières le pauvre Supérieur qui a une si grande responsabilité.
Recevez l'assurance de mes sentiments très affectueux.
L. Dehon
14. 11. 1888. B 109/2 (inv. 1169. 66). Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)
Cher ami,
Votre lettre est venue me retrouver ici. Je ne me suis pas arrêté à Paris à mon retour. J'ai conduit mes deux missionnaires à Saint-Nazaire. Ils sont partis joyeux sur le paquebot « La France ». Il faut que j'en envoie quatre autres à l'Equateur dans un mois ou deux, pour l'église votive du Sacré-Coeur de Quito. Je ne pourrais pas songer pour le moment à de nouvelles fondations en France. Il faut d'abord fortifier nos maisons actuelles.
Comme j'aurais été content de vous revoir ! Quel fâcheux contretemps d'avoir manqué cette occasion ! Nous aurions eu tant de choses à nous dire. Je désire bien que la Providence nous réunisse bientôt.
L'œuvre va bien, mais ma charge est lourde. Priez bien pour moi.
Je suis revenu bien fortifié de mon audience du Saint Père.
Les fondations se présenteraient en grand nombre si j'avais un personnel suffisant.
Le bon Mr Theise s'est laissé gagner par son directeur. Le p. Blancal va nous venir bientôt.
Ce qui me manque ce sont des hommes formés, des hommes de caractère et vraiment religieux.
Nous avons construit cet été une belle école apostolique à Sittard.
Notre noviciat est maintenant installé au château de Fourdrain près Laon.
A bientôt, j'espère. Votre fidèle et dévoué ami,
L. Dehon
Cartes de visite du P. Dehon à Mère Marie Joseph (Victimes)
AD B 35/4 C Inv. 585. 52: (déc. 1888 ou janv. 1889, selon Archives des Sœurs Victimes, cahier III) L'abbé Dehon, chanoine honoraire, supérieur de l'Institution St Jean, offre ses voeux les plus religieux à la Révérende Mère Supérieure de Villeneuve. Que Dieu bénisse les chères Victimes et rende leur intercession bien féconde pour le salut de l'Eglise et de la France.
Inv. 585. 53: (1891) L. Dehon, supérieur général des Prêtres Oblats du Coeur de Jésus, présente ses voeux et l'assurance de son religieux dévouement à la pieuse communauté de Villeneuve. Demandons les uns pour les autres la grâce de répondre dignement à notre belle mission et à notre sublime vocation.
Inv. 585. 54: (Rome,1er janvier 1892) Ma Révérende Mère, je suis ici pour quelques jours. J'y établis une petite fondation de notre Oeuvre. Je ne vous oublierai pas dans les grands sanctuaires de Rome. Aidez-nous par vos prières. Agréez mon religieux dévouement.
L. Dehon.
Inv. 585. 55: (au crayon: avant 1901). L'abbé Dehon, chanoine honoraire, Supérieur de l'Institution saint Jean, présente ses respects et ses voeux à la chère communauté de Villeneuve. Unissons nos efforts pour en faire l'offrande commune au petit Jésus de la crèche, puisque notre but est identique: l'adoration et l'amour au S. Coeur de Jésus, avec les réparations spéciales qu'il a demandées à la B. Marg. Marie.
Les archives des Sœurs Victimes (Religieuses du Cœur de Jésus, La Roche-sur-Yon) ont en plus ces cartes de vœux du Père Dehon, copies manuscrites :
Sans date : Le Rév. Père Dehon, Supérieur Général
(B. 35/4.C ; inv. 585.58) (B. 35/4.C ; inv. 585.58)
Sans date : Le Rév. Père Dehon, Supérieur Général
(B. 35/4.C ; inv. 585.57)(B. 35/4.C ; inv. 585.57)
Sans date : L'abbé Dehon, chanoine honoraire,
Offre ses pieux souhaits à la Révérende Mère Supérieure des Victimes du Cœur de Jésus, et forme le vœu d'une union spirituelle toujours plus grande pour hâter le règne du Cœur de Jésus.
(B. 35/4.C ; inv. 585.56)(B. 35/4.C ; inv. 585.56)