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CAHIERS FALLEUR

VI

CONFERENCES

octobre 1885 - octobre 1886

V.C.J P.C.M.

======Octobre 1885 Notes sur les Conférences de notre Père Général1

lère Conférence – vendredi, 2 octobre 1885

Le sujet a été les Règles de modestie qui ne sont pas dans nos Règles, mais que nous empruntons toutes faites à St Ignace. Le Père [Jean] insiste sur ces Rè­gles, parce qu'elles servent à la vie intérieure. (J'étais absent, remplaçant à St-E­loi le P. Alphonse).1)

II° Conférence

Le sujet a été la vie intérieure. Elle peut se ramener, dit-il, à une disposition générale qui est la conformité à la volonté de Dieu, ainsi que le marque notre exa­men particulier. Cette volonté de Dieu varie selon les exercices. Elle recommande pour chacun d'eux quelques vertus principales à y pratiquer, et le sujet de l'exa­men doit être de voir si pendant chaque exercice on a été fidèle à la pratique de ces vertus. 2

III Conférence – 16 octobre 1885

Le Père [Jean] considère ces conférences comme une méditation sur notre vo­cation. C'est pourquoi il va prendre comme sujet les chapitres des Constitutions qui parlent des vertus propres à notre vocation.

Il a parlé de la vie intérieure, facilitée par l'observation des règles de modes­tie, procurée et entretenue par la disposition de conformité à la volonté divine, ac­comodée diversement aux divers exercices prévus par la règle, et se résumant à l'a­bandon, la patience, la charité pour les épreuves imprévues de Providence. Aujour­d'hui il arrive à la pureté d'intention.

C'est par la vie intérieure, par le Cœur surtout que nous devons vivre. Pour l'extérieur nous ressemblons aux Congrégations déjà existantes, sauf pour les exer­cices particuliers à la dévotion au S.-Cœur: heure sainte, exercices du premier ven­dredi etc. Or c'est la pureté d'intention qui donne aux actes leur valeur.

Contenter et dédommager le Cœur de Jésus, voilà la disposition générale; nous ne sommes 3 pas dispensés comme chrétiens de la pureté d'intention; pour eux elle est plus vague, pour nous plus déterminée; pour tous l'intention doit ê­tre renouvelée avant chaque action principale de la journée sous peine de travailler en pure perte. Nous avons des prières avant les exercices pour nous y ramener, et c'est dans ce but que l'Eglise les a composées et que les auteurs ascétiques en proposent tous.

Il y a différentes nuances de cette pureté d'intention. Si nous avons soin de prendre avant l'exercice l'intention qui nous est propre, nous le ferons mieux (je le sais par expérience, dit le Père[Jean]); rien de bon comme d'être dans le courant de la grâce, dans le canal; on fait plus aisément ce qu'il faut. C'est pour cela que dans la vie religieuse on se sanctifie plus facilement, parce qu'on est comme for­cément ramené à la pureté d'intention, par la voie de l'obéissance dans le courant de la grâce.

Notre-Seigneur formule sa conformité à la volonté divine tantôt par la recher­che de la gloire divine - Non quaero gloriam meam (Jn 8,50) - tantôt par l'accom­plissement de la volonté divine - Quae placita sunt ei, facio semper (Jn 8,29) - 4

Je n'étais pas présent aux conférences suivantes.

J'ai assisté seulement le 30 octobre à la conférence sur l'abnégation. Elle est la mortification de la volonté propre et du jugement propre. La mortification des sens et de l'imagination s'appelle du nom ordinaire de mortification.

13 novembre 1885

Le Père [Jean] interrompt le cours ordinaire de ses conférences, d'abord pour rappeler à l'occasion de St Stanislas l'application à bien faire toutes choses, les petites surtout; ensuite pour exposer quelques réflexions pratiques sur le vœu et la vertu de pauvreté. Il dit qu'on peut très facilement par négligence faire des fautes graves.

20 novembre 1885

Renoncement à la volonté propre.

Le Père [Jean] relit ce que dit la Règle sur l'obéissance. Au point de vue adminis­tratif c'est chose importante que l'obéissance. Au point de vue surnaturel c'est le canal de la grâce.

On peut pécher gravement contre la vertu d'obéissance, 5 sans pécher contre le vœu. S'examiner là-dessus dans ses confessions.

La disposition habituelle, l'esprit d'obéissance me parait être le point capital de notre vocation. Avec lui on pratique toutes les vertus comme Jésus à Nazareth. D'ailleurs toutes sont renfermées dans la Règle. Nous connaissons celles qui doi­vent dominer en chaque exercice. Pratiquons-les par obéissance.

Nous devrions toujours pouvoir justifier chaque action en disant: je fais ce que veut l'obéissance. Vivre toujours dans cette disposition: Quid me vis facere? (Ac 9,6).

27 novembre (1885)

De la charité fraternelle.

Après les trois vœux c'est elle qui est le plus recommandée dans les ordres reli­gieux.

Il y a devoir de corriger les défauts de caractère et devoir de patience chez ceux qui ont à vivre en commun.

Après une saillie d'humeur ou de caractère, toujours faire des excuses, parce qu'il y a scandale à réparer.

Avoir plus de charité entre soi. Il y a au S.-Cœur une inclination à se sépa­rer ou à vivre seul avec 6 quelques-uns seulement. Les Pères de St-Jean feraient bien à la recréation de midi de venir de temps en temps.

Plus de charité entre les maisons. S'intéresser à ce qui s'y passe. Oublier les torts qui peuvent avoir refroidi.

Méditer un peu à l'examen particulier le sujet de la conférence jusqu'à la con­férence suivante.

4 décembre 1885 – 1er vendredi du mois

Le T. B. Père laisse un peu le cours ordinaire des conférences pour nous oc­cuper du courant de réparation qui passe actuellement partout dans l'Eglise.

Il cite un manuel de Montmartre et en commente quelques aperçus. L'esprit de victime n'est que la perfection de la pénitence chrétienne. Deux éléments de la pénitence, le regret et la satisfaction, peuvent s'étendre au-delà de la personne. Ain si en est-il des Ordres et tiers-ordres de pénitence.

Les dispositions qu'on souhaite pour l'âme victime sont le renoncement affec­tif, la privation effective si facile à trouver dans les petites choses 7 de la vie,choisie ou providentielle, et en troisième lieu la demande des souffrances; c'est alors qu'on s'offre en victime.

Un appel est fait au clergé, aux religieux, aux âmes victimes. Nous sommes des trois classes, bien qu'à un degré minime de la troisième. Cet appel reproduit en grande partie la circulaire de Mgr Gay qui a eu l'an dernier son point de dé­part ici.2)

Fortifions-nous dans notre vocation par la pratique quotidienne de la péniten­ce par amour, par l'union de nos sentiments de pénitence à Jésus victime, soit dans sa vie mortelle, soit dans sa passion, soit à l'autel, soit dans l'Eucharistie.

Le T.B. Père dit qu'une des formes de la pénitence par amour est l'adoration ou l'union au Cœur victime de Jésus exposé au St-Sacrement. Nous ne le pou­vons guère à cause du travail actif de chacun pour gagner le pain de chaque jour. Espérons et demandons des jours meilleurs. 8

10 décembre 1885

Le T.B. Père parle des exercices particuliers. Il insiste sur l'observation com­plète de toute la règle: elle contient tout ce qu'il faut pour nous donner de la sè­ve et de la vie et nous faire arriver à un développement rapide.

La prière du matin avec les invocations spéciales au matin et au soir. La mé­ditation qui doit être sérieusement faite pendant une demie heure. La méthode, dit-il, la meilleure pour chacun est celle qui lui réussit le mieux. C'est là tout ce qu'il impose. Que chacun prenne donc celle qui lui profite et s'il est tout distrait qu'il essaie une autre méthode.

La sainte messe doit dominer toute la journée. J'ai célébré ce matin, je célè­brerai demain. Se préparer quelques minutes ou au moins à la fin de la médita­tion. Si l'action de grâces est distraite ordinairement, si des pensées tout étrangè­res nous suivent à l'autel, nous ne sommes pas ce qu'il faut et alors prendre pour sujet de 9 lecture spirituelle pendant un certain temps: Le prêtre à l'autel.3)

Nous devons éprouver une certaine répugnance à dire la sainte messe pour ho­noraires. N'oublions pas l'intention réparatrice et hâtons par nos désirs et par une certaine délicatesse à suivre cette situation, le moment où nous pourrons dire nos messes réparatrices.

18 décembre 1885

Le T.B. Père croit devoir revenir sur l'obéissance religieuse, l'observation de la règle et du règlement. Il ajoutera aux Règles un règlement général et des règles spéciales, d'où là vivre de tradition.

Il signale l'obéissance sur le point du silence.

Manquer au grand silence est selon lui un gros péché véniel. Observer le si­lence ordinaire, ne le rompre en dehors des récréations que brièvement et à voix basse.

Ne parler dans les chambres qu'avec porte ouverte.

Le silence demande aussi qu'en récréation il n'y ait pas de cris ni de rires a­vec éclat. Il y a aussi le silence d'action; ne pas courir, claquer les portes.

Le silence avec la charité et les trois vœux 10 constitue la vie religieuse. C'est un élément qui arrive au cinquième rang.

Pour les permissions de sortir en ville: quo, ad quid? Avoir un socius.

Un autre avis encore: quand on a une permission du Supérieur pour avoir quelque chose, ne pas supprimer l'intermédiaire. Sa permission signifie: adressez­-vous à celui qui est chargé de cela. Si celui qui est chargé y voit un inconvénient, il dira: je dois présenter une observation au Supérieur, mais jamais il ne se doit permettre de les faire à celui qui s'adresse à lui.

Quand on manque un exercice ou qu'on n'a pu avertir, informer toujours a­près.

Vendredi, 8 janvier 1886

Le T.B. Père parle des exercices de perfection, oraison, examen, charité, silen­ce, régularité.

Nous avons là le moyen de corriger ce qu'il y a de défectueux en nous, mo­yen meilleur que l'explication même du chapitre de la règle qui se rapporte à ce défaut.

Si nous constatons des chutes désolantes, attristantes, lamentables, 11 c'est que nous faisons mal un ou plusieurs exercices. La raison en est qu'étant une Congré­gation qui commence et une Congrégation du S.-Cœur, nous recevons des grâces abondantes. Si nous les repoussons, nous sommes ensuite fortement repoussés: po­tentes potenter torquentur (cf. Sg 6,7).

L'Œuvre doit progresser; c'est notre ferveur c'est-à-dire nos exercices bien faits qui attirera la bénédiction divine et les vocations qui viendront par l'ascen­dant non de nos qualités et talents naturels, mais de notre vertu.

Examinons chacun les quelques attaches qui nous empêchent d'avancer et em­ployons les exercices à les corriger.

En terminant, le Père Ūean] demande que les Pères du S.-Cœur aillent en récréation de mardi soir à St-Jean, pour resserrer la charité entre les membres des deux maisons ou plutôt les deux sections d'une même maison.

Vendredi, 15 janvier 1886 – J’étais à St-Eloi.5

Vendredi, 22 janvier 1886

La vie intérieure nous est indispensable. Comme moyen de l'entretien il y a l'union avec Jésus, mais selon le mode qui est propre à chacun. Ce qui nous sert 12 le mieux, est le meilleur pour nous, disait le Supérieur du Séminaire Français.4) On ne peut préciser les moyens d'union avec Jésus d'une manière trop exacte,sous peine d'exposer à l'aridité, à la confusione intérieure.

Il y a une direction intime que Notre-Seigneur se réserve.

On s'unira suivant les mystères qui ont plus d'attrait.

Vendredi, 29 janvier 1886

(Je suis arrivé vers la fin). Le Père C Jean] explique cette maxime de St Fran­çois de Sales: il faut rester égal dans le saint amour. Ce saint interprétait ainsi la parole de St Paul: quis me separabit… (Rm 8,35). Cette égalité d'âme, il la trai­tait à ses religieuses sous le nom de conformité à la volonté de Dieu, définie par les commandements, les conseils, les ordres des Supérieurs, des devoirs d'état, des inspirations même prudemment reconnues, et à la volonté indéterminée ou de bon plaisir de Dieu tout ce qui arrive des saisons, des maladies, des événements, de ceux qui nous entourent etc.

Travaillons à acquérir cette égalité d'âme que personne de nous ne possède et qui nous est si nécessaire.

12 février 1886

Le Père [ Jean ] lit des extraits de brochures concernant des âmes 13 saintes qui sont complètement dans l'esprit de notre Œuvre. Il cite des paroles frappan­tes de ressemblance. Il fait remarquer que les saints de la terre peuvent nous don­ner une direction, comme les saints du ciel. Il lit une lettre de Pie IX en 1870 re­connaissant une réparation sacerdotale.

Vendredi, 19 février 1886

Le Père C Jean ] lit des extraits de la vie de la Mère Thérèse de Jésus de La­vaur,5) pour établir qu'elle a eu des vues particulières sur la dignité du prêtre et que le moyen qui lui a été donné pour coopérer à la sanctification du prêtre est la conformité à la volonté divine. Ne te préoccupe de rien ni du lendemain. De moment en moment. Plaintes de Notre-Seigneur sur le temps dépensé inutilement par le prêtre.

Vendredi, 4 mars 1886 (1er du mois)

Vues sur le prêtre de la Mère Thérèse de Jésus.

Ce qui nuit le plus à l'Eglise, c'est moins les mauvais prêtres reconnus comme tels que l'affaiblissement dé l'esprit sacerdotal, l'impureté du zèle.

14 Le prêtre est comme une mère; il ne communique qu'une vie languissante s'il n'a les dispositions du vrai prêtre.

Ranimons-nous aujourd'hui, en relisant nos résolutions de retraite. Ce mois coupe l'année en deux. Soyons fidèles au compte rendu de conscience du mois. Faisons par écrit un examen.

Vendredi, 11 mars 1886

Le Père [Jean] rappelle le paragraphe des Constitutions qui se rapporte à la sanctification personnelle: ils [les Oblats] ont l'obligation de tendre à une sainte­té peu commune. Il prouve cette obligation et demande qu'on secoue toute tié­deur. Défi de la semaine: fidélité aux petites choses, tant pour l'intérieur que pour l'extérieur.

Vendredi, 26 mars 1886

Lecture d'une lettre de Mgr [Thibaudier], encouragements et conseils. Ap­prouve les vues de la Mère Thérèse de Jésus sur l'œuvre sacerdotale. Nous recom­mande de commencer nous-mêmes à être hommes de lumière, de doctrine, modes­tes, désintéressés, zélés, indulgents à autrui 15 avec une certaine sévérité pour nous-mêmes.6)

Le T.B. Père recommande cela surtout à ceux qui vont être au service du clergé pendant le Carême. Nous constituer et nous déclarer humbles et dévoués auxiliaires du clergé, le prouver en tout. Le meilleur service est de souffrir pour lui et de s'immoler dans ce but d'instant en instant. Pas n'est besoin de faire va­loir ce service. Il y a les services extérieurs qui nous attireront plus de sympathie.

Le T.B. Père commente une à une les paroles de Mgr [Thibaudier]: Hom­mes de lumière et doctrine par l'étude… repasser chaque année sa théologie mo­rale, rubriques de la Messe et du Bréviaire; modestes: le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien; désintéressés; pureté du zèle, sans cela stérile; se donner entièrement et faire abnégation de son jugement et de sa volonté.

Défi de la semaine en rapport avec l'Annonciation: Ecce venio (He 10,7). Cette parole a été un don complet, et après Notre-Seigneur n'a plus jamais fait sa volonté. 16

9 septembre 1886

17 6,15 heures du soir: Ouverture de la retraite7)

Venite in desertum locum et requiescite paululum (Mc 6,31).

Après une année de travail on prend des vacances. Ce qui est nécessaire au corps pour se refaire, l'est aussi à l'âme. Il faut des vacances spirituelles, comme il y a des vacances corporelles; et celles-là [sont] plus importantes que celles-ci, parce que la santé de l'âme, la sainteté, est bien au-dessus de la santé du corps. Ce qui a fatigué le corps, c'est un exercice continu et pris avec trop d'ardeur peut-être. Ce qui fatigue l'âme, c'est la paresse spirituelle; et ce qui la reposera, ce qui la rétablira, ce sont les exercices spirituels…

Qui sera le supérieur de la retraite? Notre-Seigneur! C'est avec lui qu'il faut la faire; et le grand moyen c'est de vivre en grande union avec lui pendant tous ces jours.

Pour maintenir cette union, observation exacte du silence; l'absence de cette condition fait manquer bien des retraites ecclésiastiques.

Pratique de la modestie.

Ecoutez Notre-Seigneur: Venite in desertum locum. Venez, qui que vous so­yez, fussiez-vous privé non seulement de la santé, mais même de la vie spirituelle. Nouveau Lazare, Jésus vous dit: Veni foras (Jn 11,43), sortez de cet état de mort et venez à moi; 18 Venite ad me omnes et je vous guérirai, et ego reficiam vos (Mt 11,28).

De la bonne volonté surtout. Notre-Seigneur sans doute ne fera pas tout,mais faites ce qui vous est possible: donnez votre cœur. Ce n'est pas tant un travail de tête qu'il demande, mais votre cœur. Il ne demande pas la tête mais le cœur.

8,30 heures du soir: points de la méditation fondamentale

1° Je tiens tout de Jésus.

2° Je dois être tout entier à Jésus.

3° Jésus veut se donner tout entier à moi.

1° - Comme homme, je tiens l'être de Jésus: Omnia per ipsum fatta sunt (Jn 1, 3) et actuellement encore, si je l'ai, c'est grâce à lui: Omnia in ipso constant (Co 1,17) - Création.

- Comme chrétien, la grâce qui fait ma vie vient de lui - Rédemption.

- Comme religieux, c'est de lui que je tire ma sanctification - Sanctification.

- Comme prêtre, c'est lui-même qui me donne son pouvoir.

2° J'appartiens donc à Jésus, plus que le tableau [appartient] au peintre, parce qu'il m'a tiré du néant et que je dépends toujours de lui.

3° Jésus veut se donner tout entier à moi, par sa parole, par sa grâce, par lui­même dans le T.S. Sacrement.

(Cette méditation n'a pas été développée le matin par le Père [Jean]).8) 19

10 septembre 1886

9,15 heures: 2e méditation: de l'usage des créatures.

Reliqua vero creata sunt propter hominem.

Préludes ordinaires, invocations.

Creata sunt. - Choses créées, par conséquent ne méritent pas mes hommages, mon cœur; ce sont des moyens et la grande règle de St Ignace dit qu'on doit prendre ceux qui nous rapprochent de notre fin,et se garder de ceux qui nous en éloignent.

Mais ce ne sont que des moyens. On ne doit s'y attacher que comme à des moyens et non [comme] à une fin. Quand on a passé la mer sur un navire, on ne soucie guère du navire quand on est débarqué; ainsi des créatures.

De là le but de la retraite en cette journée est le détachement des créatures.

1° Usage des créatures: les considérer comme une image des perfections divines; invisibilia enim ipsius…, per ea quae fatta sunt intellecta, conspiciuntur (Rm 1,20) (un homme vulgaire et un artiste devant un beau tableau de Raphael).

2° Les faire servir à l'usage que Dieu leur a donné.

3° S'en servir en y renonçant; `plus on y renonce et plus on les sacrifie, plus l'u­sage qu'on en fait est bon'. Ainsi Abraham renonce à son fils; c'est pour cela qu'il a été si grandement béni. 20 Ainsi le religieux qui sacrifie les biens extérieurs par le vœu de pauvreté, les biens du corps par celui de chasteté, sa volonté par le vœu d'obéissance, fait le meilleur usage pour bien des créatures.

4° En les imitant; depuis 6000 [ans] le soleil éclaire et les autres créatures font la volonté de Dieu en remplissant la fin qu'il leur a donnée; nous, glorifions Dieu et sauvons notre âme.

3 heures de l'après-midi: conférence

Le Père [Jean] énonce et commente rapidement les additions de St Ignace.9) Y penser le soir à la méditation pendant l'espace d'un Ave Maria et se pro­poser de se lever exactement (au moins, dit le Père [Jean], comme le pioupiou).

Y penser le matin, après avoir donné son cœur à Dieu.

Se tenir dans la position la plus favorable à l'oraison. Si l'on a une bonne pensée qui frappe, s'y arrêter. L'oraison pour être bonne n'a pas besoin d'être un discours choisi [adressé] au bon Dieu. Une pensée qui nous a frappée et arrête suffit à la rendre bonne.

Revue: on s'examine pourquoi on l'a mal faite; s'est-on mis en présence de Dieu? Il faut le faire pour les exercices de piété, ste Messe et st Office. Si on a fait bien l'oraison, en remercier Dieu.

Pratiquer le silence et la modestie pour vivre dans le recueillement nécessaire à l'oraison. 21 A ce sujet, affectionnons-nous au silence et à la modestie. Profitons de la retraite pour nous retremper dans ces deux conditions essentielles de la vie intérieure; `ce sont les deux traits extérieurs caractéristiques du vrai religieux'; il faut que le monde voie à cela que vous êtes [des] religieux et non pas seulement prêtre du monde.

Ces recommandations et additions sont peu de chose en soi, mais dans l'or­dre de la sanctification Dieu produit de grands effets avec de très petites choses. Les sacrements: ainsi dans l'ordre de la sanctification ex opere operatur.

Après la méditation fondamentale St Ignace parle de suite de l'examen parti­culier.

C'est que pour réparer le désordre de notre vie, il faut combattre passions et défauts: abneget semetipsum (Mt 16,24). Il faut qu'il en coûte; sans cela on n'ar­rive à rien. D'ailleurs n'en est-il pas ainsi en toute espèce de science et d'art? Vou­drait-on que dans la science du salut et pour la gloire du ciel il n'y ait aucune peine à prendre?

5,30 heures du soir

Le Père [Jean] complète la conférence de 3 heures en parlant de l'esprit de prière et de mortification, nécessaires à l'oraison. 22 L'un nous détache de la terre, l'autre nous attache au ciel.

La mortification - St Ignace la divise en trois: nourriture, vie commune, sommeil. Ce que l'on donne à tous. La mortification est de se coucher et de se lever à l'heure.

Mortification volontaire: discipline; il est bon d'en prendre, quelque fois nécessaire, toujours avec permission.

La mortification expie les péchés, comme si avec 1 fr on payait une dette de 100.000 fis. Elle obtient des grâces: `Vous avez un élève, vous vous intéressez sin­cèrement au salut de son âme; offrez pour lui quelque mortification'.

Méditation sur l'indifférence

Cette indifférence ou conformité à la volonté divine ou abandon peut se divi­ser en trois:

1° Indifférence par rapport à l'intelligence. Elle consiste à voir que la fin de l'homme est Dieu, que les créatures ne sont pour l'homme que des moyens. C'est là la vérité, la lumière; si on s'en écarte, ce sont les ténèbres, c'est une vie désor­donnée. Cette indifférence est celle de l'intelligence divine elle-même: Qui sequi­tur me, non ambulat in tenebris (Jn 8,12).

2° L'indifférence de la volonté consiste à n'aimer les choses 23 qu'en Dieu et à cause de Dieu. Dieu aussi s'aime lui-même et aime les créatures à cause de lui, et c'est avoir la même volonté que Dieu, une volonté conforme à la sienne.

3° L'indifférence dans la partie sensible consiste à ne point nourrir volontairement de trop violents attraits ou de trop fortes répugnances pour telle ou telle chose. Nous ne sommes pas maîtres de ne rien sentir, mais la volonté de Dieu connue, il faut sacrifier les attraits et les répugnances à cette divine volonté.

Après tout, nous n'avons qu'une chose à faire pour être saint: la volonté de Dieu. C'est le secret du bonheur et de la sainteté.

Ne soyons pas pour les supérieurs un buisson d'épines sur lequel on n'ose mettre la main sans nulle précaution et encore se pique-t-on.

1)
VI,1St-Eloi était une paroisse des faubourgs de Saint-Quentin. Ainsi écrit p. Dehon dans ses «Mé­moires» (NHV) En juin et juillet (1885) Mgr (Thibaudier) m’écrivait pour nous prier de desser­vir l’église St-Eloi pendant la maladie de M. Caplain. M. Rasset et M. Falleur en furent chargés (NHV XV, 16).
2)
VI,7C’est la croisade de prières et d’œuvres réparatrices, proposé par p. Dehon à Mgr Gay dès la fin de août 1882. En septembre de la même année Mgr Gay envoya un appel à tous les évé­ques de France, pour qu’ils invitassent leur clergé et pour cela aussi le peuple à participer à cet­te croisade de réparation, avec prières, adorations, messes réparatrices (cf. NHV XIV, 160-165) Même si l’initiative n’eut pas un ample et stable résultat (cf. VP, p. 130-132), p. Dehon toute­fois continua pour toute sa vie l’apostolat de la réparation. Il écrit dans son «Journal»: J’ai été amené par la Providence à creuser bien des sillons, mais deux surtout laisseront une empreinte profonde: l’action sociale chrétienne et la vie d’amour, de réparation et d’immolation au S-Cœur de Jésus (NQ XXV, 33: avril 1910).
3)
VI,9Le prêtre à l’autel ou le saint sacrifice de la messe dignement célébré (Angers, 1853) est une des œuvres du Jésuite p. Pierre Chaignon (1791-1883).
4)
VI,12C’est le séminaire français de Santa Chiara à Rome, où, au temps de L. Dehon (1865-1871), était supérieur le P. Melchior Freyd.
5)
VI,13Il s’agit certainement de la Vie de Mère Thérèse de Jésus, dont p. Dehon parle aussi dans les conférences suivantes. Mgr Thibaudier aussi fait allusion à cette Vie dans une lettre du 13 mars 1886 à p. Dehon (cf. NHV XV, 47-48). Mère Thérèse de Jésus (Xavérine de Maistre) na­quit le 17/4/1838. Son père, le comte Rodolphe, était fils de l’illustre Joseph de Maistre. Elle entra le 15 mai 1862 au Monastère de l’Incarnation ou Carmel de Poitiers, dans lequel était su­périeur ecclésiastique M. Charles Gay, qui serait devenu, par la suite, évêque auxiliaire de Mgr Louis Pie. En 1869, sœur Thérèse de Jésus est élue prieure de son monastère et meurt deux ans après, le 6/10/1871. Elle eut une grande dévotion au sacerdoce du Christ, à sa passion et vécut une spiritualité typiquement réparatrice. Mère Thérèse de Jésus se sentit fortement attirée par la réparation sacerdotale. En 1868-1869 elle eut des lumières particulières sur la grandeur du sacerdoce du Christ (cf. Mgr Gay, Vie de la Rév. Mère Thérèse de Jésus…, Oudin, Paris-Poi­tiers, 1882, p. 355 sg.). Cette admiration pour les grandeurs du sacerdoce allait toujours gran­dissant chez Mère Thérèse, à mesure qu’elle en considérait dans l’oraison les différents aspects (pp. 357-358).
6)
VI,15C’est la lettre du 13 mars 1886, reportée dans les «Mémoires» de p. Dehon (cf. NHV XV, 47-48).
7)
VI,17Ce sont les exercices spirituels en préparation aux vœux perpétuels, que p. Falleur émit a­vec p. Dehon, p. Rasset, p. Paris, p. Legrand, p. Lamour et p. Jacques-Marie Herr le 17 septem­bre 1886.
8)
VI,18P. Dehon avait commencé ses exercices spirituels le 22 août 1886 (cf. NHV XV, 52-53). La rétraite, dont parle le p. Falleur a été prêché par le p. Dehon en préparation au ler Chapitre Gé­néral (cf. N.Q. 111, 53-54).
9)
VI,20Après la première semaine des Exercices spirituels, St-Ignace expose, jour après jour, des a­vis complémentaires pour la marche des Exercices: il s’agit des additions pour mieux trouver ce que l’on désire (n. 73-90).