158.18

AD B.17/6.12.18

Ms autogr. 2 p. (21 x 13)

De Mr Demiselle

Soissons le 13 février 1871

Mon cher Abbé,

Je reçois votre bonne lettre et vous en remercie, car nous sommes bien privés en fait de correspondances. Cela durera-t-il encore longtemps? Si la Providence attend que nous ayons profité de la leçon, la fin des malheurs de la France n'est pas près d'arriver. Et puis ne tomberons-nous pas dans des calamités plus grandes encore? Ces divisions en présence de l'ennemi ont de quoi effrayer. C'est visiblement l'enfer qui a réuni toutes ses forces pour perdre la France qui le gêne, parce que, malgré ses prévarications, c'est de son sein que sortent toutes les grandes œuvres qui ont pour objet de ruiner l'empire de Satan. Le Souverain Pontife veut encore compter sur elle, ainsi qu'il le disait à un français qui prenait congé de lui. Hélas, pourtant, qu'elle est coupable, cette pauvre France! Espérons que le sang versé et les souffrances de nos prisonniers lui seront comptés.

Et Rome, avec le fléau de l'inondation: «Singularis ferus depastus est eam». Quelle nouvelle épreuve après tant d'autres! Attendons et prions et tâchons d'obtenir que Dieu daigne l'abréger1.

Je pense bien souvent à La Capelle et aux bons amis que j'y ai laissés. J'offre tous mes compliments affectueux à Mr et Mme Dehon et je suis bien à vous de cœur en N. S.


Demiselle

1 Lettre citée presque entièrement en NHV VIII, 129-130. Citation du Ps 79,14: «Le sanglier sauvage la ravage»: inondation du Tibre en 1871, comme souvent avant les travaux faits depuis. Allusion aux divisions politiques: monarchistes (légitimistes ou o orléanistes), bonapartistes, répu­blicains; divisions sur la question de la guerre ou de la paix: les républicains modérés et les conserva­teurs pour la paix et le retour à l'ordre; ce que reflètent les élections du 8 février: Paris élit des radi­caux, mais l'Assemblée Nationale qui se réunit à Bordeaux, était composée pour plus des deux tiers, de royalistes et de modérés ou conservateurs pour la paix.