150.03

AD B.17/6.4.3

Ms autogr. 3 p. (21 x 13)

De Mr Bourgeat

Audun-le-Tiche le 17 mars 71

Mon cher ami,

J'ai reçu avant-hier votre lettre du 6 février dernier; je m'empresse de vous donner de mes nouvelles ainsi que vous le désirez. De bien tristes événements se sont passés pour moi en particulier depuis que je n'ai pu vous écrire.

A peine étions-nous bloqués à Metz que ma tante est tombée malade et après trois mois de grandes souffrances, elle nous a quittés le 20 novembre dernier pour aller jouir au ciel d'une vie meilleure. Dix jours après sa mort, nous abandonnions Metz et nous venions nous fixer ici à l'extrême frontière nord-est de la France actuellement. Pendant ce long espace de temps, ma petite santé n'a cessé d'être excellente et depuis mon retour France je n'ai jamais été arrêté. J'espère que cela continuera.

Mr de Dartein, d'après ce que m'a écrit le R. P. Eschbach, était aumônier dans l'ar­mée de Lyon. J'ai reçu deux lettres de ce Père depuis la levée du blocus; il attend en ce moment ma réponse à la deuxième de ses lettres. Je n'ai eu de nouvelles directes que de M. Dumontier, dont une lettre m'est arrivée avant-hier en même temps que la vo­tre, mais avec cette différence que la sienne est datée du 7 décembre 70. Il me dit que dans le mois d'août, il m'a écrit polir m'annoncer son ordination de la prêtrise, mais cette première lettre ne m'est pas parvenue.

Il est donc prêtre et vicaire provisoirement à la cathédrale de Beauvais. M. Polly, me dit-il, est rentré au séminaire de cette ville. Il me demande aussi si j'ai des nouvel­les de vous; dans le petit mot que je vais lui écrire incessamment, je pourrai lui répon­dre affirmativement. Dans deux ou trois jours, le me mettrai en devoir de faire parve­nir de mes nouvelles à M. Dugas; si vous aviez l'occasion de lui écrire après avoir re­çu ces quelques lignes, veuillez lui faire mes plus sincères amitiés.

Il est très probable que je rentrerai au Gd Séminaire de Metz aussitôt que les cours y reprendront, car une partie est occupée par les Prussiens et l'autre achève de se dés­infecter, car elle a servi à loger les officiers blessés de notre pauvre armée de Metz1.

Veuillez me dire au plus tôt si cette missive vous est parvenue: les postes vont se ré­tablir, nous pourrons correspondre plus régulièrement.

Je recommande à vos prières l'abbé Dru, mon cousin, avec lequel j'ai été élevé de­puis l'âge de six ans et qui sera ordonné prêtre le 25 de ce mois.

En attendant que nous ne soyons plus en vacances, adressez vos lettres ainsi: Mr l'abbé Bourgeat, Esch-sur-Alzette, poste restante, Gd. Duché de Luxembourg. De cette façon vous pourrez être certain qu'elles m'arrivent promptement et sûrement. Priez bien pour moi, mon cher ami, et croyez-moi tout vôtre en N.S.

Bourgeat

1 Metz, défendue par Bazaine avait capitulé le 27 octobre, ce qui désorganisa le reste de la campagne dans l'est de la France. Bazaine, qui restait fidèle à l'empereur, espérait rester à la tête de la seule ar­mée régulière, pour rétablir l'ordre et l'ancien empire. Accusé de trahison et condamné à mort (1873), il fut grâcié, mais s'évada bientôt et mourut à Madrid en 1888.