218.41
B18/9.2.41
Ms autogr. 4 p. (21 x 13)
À ses parents
Rome 11 mars 1867
Chers parents,
Votre lettre a été bienvenue ce matin. C'était bien long d'être sans nouvelles du 6 février au 11 mars. Je n'ai pas reçu votre lettre du 18 février et cela tient probablement à l'excès de zèle de la poste française. J'ai prévenu le p. Supérieur pour qu'il ne s'étonne pas de ne pas recevoir de réponse1.
Du reste, tout va ici pour le mieux: nous travaillons tranquillement et avec beaucoup de zèle et nous avons une saison magnifique. Les supérieurs, qui ont un soin tout paternel de notre santé, m'ont dispensé d'une petite partie de l'abstinence prescrite, pour que le carême ne me fatigue pas. Les petites vacances des jours gras se sont passées fort tranquillement: je suis sorti deux fois avec Palustre et Mr Poisson. Le carnaval a été très animé comme les autres années.
Palustre part demain pour un voyage de 40 jours dans le midi de l'Italie. Mr Poisson ira bientôt passer quelques jours à Naples. J'avais d'abord projeté d'y aller avec lui aux vacances de Pâques, mais j'y ai renoncé pour cette année. Ce sera pour une autre occasion.
Je suis heureux que vous soyez tous en bonne santé. Ma chère mère continue à bien aller. Sa guérison est probablement une grâce que Dieu lui a accordée comme marque de sa volonté à mon égard. Il faut en tenir compte et rendre grâces à Dieu. J'espère que l'indisposition de maman Dehon n'aura pas de suites. Donnez-moi des nouvelles dans votre prochaine lettre. Rappelez-moi les choses les plus importantes que contenait la lettre perdue. Avez-vous fait quelqu'une des acquisitions de propriétés que vous aviez en vue au commencement de l'année, et les affaires de Mme Tilorier sont-elles terminées? La commune a-t-elle enfin pris possession de la maison de Dépernay pour agrandir les écoles? Avez-vous un pensionnat de jeunes filles convenable?
J'ai reçu dernièrement une lettre de l'abbé Palant. Elle s'est croisée avec celle que je lui ai écrite. Il doit s'embarquer à Marseille à la fin du mois et il reviendra par Rome au mois de juin. Je verrai alors très probablement plusieurs personnes de connaissance, Mr Dehaene, Mr Demiselle peut-être avec Mgr Dours, et sans doute d'autres encore.
Je serai très heureux de recevoir une lettre d'Henri et de Laure et une de Lavisse. J'aurais déjà répondu à Aline si j'avais eu son adresse.
Le temps passe, comme vous voyez, très rapidement, l'année est déjà plus d'à moitié et voilà que j'ai 24 ans. Le mois de juillet viendra bien vite, et nous aurons encore le bonheur d'être ensemble pour trois mois. Ces vacances seront meilleures encore que celles de l'année dernière et des années précédentes, parce que nous serons tous satisfaits d'avoir suivi la volonté de Dieu et il n'y aura plus entre nous aucun motif d'inquiétude, de doute, de divergence d'opinion, mais un plus grand épanchement et une plus grande liberté. Remercions bien Dieu de ce bonheur et reconnaissons que le vrai moyen d'être heureux, c'est de marcher selon ses voies. Nous allons avoir deux belles fêtes, St Joseph et l'Annonciation, prions beaucoup ces jours-là les uns pour les autres. St Joseph est le patron des familles chrétiennes. Et si papa désire me faire plaisir, qu'il m'écrive qu'il va à la messe tous les dimanches quand il le peut. Je deviens sermonneur, n'est-ce pas, mais en somme, la meilleure marque d'affection que je puisse vous donner, c'est de m'intéresser beaucoup à votre salut éternel. Nous nous affligeons d'être séparés pour quelques mois, comment n'aurions-nous pas à cœur de faire ce qui est nécessaire pour être réunis pendant toute l'éternité2?
Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon, puis Marthe.
Je vous embrasse bien tendrement.
Votre dévoué fils
L. Dehon
Nous aurons plus rarement l'occasion de profiter de la poste française, parce que la légion française vient d'être privée de ce privilège.
1 La réponse à sa lettre du 8 février (LV 1), réponse qui sera envoyée le 22 mars (LV 2).
2 Ce sera la grande préoccupation de Léon en cette période de carême et du temps pascal, cf. LD 69 et 71.