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B18/9.2.42
Ms autogr. 4 p. (21 x 13)
À son père
Rome 6 avril 67
Cher père,
C'est à toi que j'écris aujourd'hui pour te souhaiter une bonne fête et t'engager à te mettre sous la protection de Saint Jules. Nos patrons nous obtiennent de Dieu de grandes grâces quand nous les invoquons, et le tien sera d'autant plus généreux que tu ne l'importunes pas souvent. Ce saint pontife vivait au 4ème siècle: il triompha par son énergie et par sa sainteté de l'hérésie arienne, protégée par l'empereur d'Orient. Je lui adresse une neuvaine de prières pour qu'il t'obtienne les faveurs de Dieu.
J'ai appris avec beaucoup de peine la mort de mon oncle Vandelet que j'aimais beaucoup. Un grand motif de consolation, c'est qu'il est mort chrétiennement. Nous pouvons prier avec confiance pour lui obtenir la diminution des peines sans doute fort longues qu'il aura à subir au purgatoire, parce qu'il a négligé longtemps la pratique de ses devoirs religieux. Il était assez excusable parce qu'il avait reçu une éducation peu chrétienne à l'époque de la révolution, et Dieu lui a accordé la grâce de se convertir au dernier moment. Ceux qui connaissant bien leurs devoirs les négligeraient seulement par faiblesse ne pourraient pas espérer la même miséricorde1.
Je compte que tu te mettras en règle cette année pour la communion pascale. Tu peux la faire à Vervins avec ton beau-frère2.
Le supérieur du séminaire me charge de te remercier de ta bonne lettre qui lui a fait bien plaisir. Je lui ai demandé quelle était son intention relativement aux ordres qui me restent à recevoir. Il m'a répondu qu'il ne pouvait suivre pour cette détermination les convenances humaines, il décidera la chose devant Dieu et pour le plus grand bien de mon âme3.
Maintenant du reste que vous avez accepté ma vocation et que la réalisation en est commencée, il n'y a plus qu'à suivre la marche que le bon Dieu nous indique par nos sages directeurs. Selon les règles ordinaires, je devrais recevoir le sous-diaconat à la Trinité prochaine, le diaconat l'année suivante et une autre année suivante la prêtrise. Quand le père supérieur jugera à propos de m'appeler au sous-diaconat, je me conformerai à sa décision, et je vous préviendrai au moins quelques semaines à l'avance, pour que vous puissiez prier plus spécialement pour moi en cette circonstance. Ce sera pour moi une bien plus grande dignité que si j'étais fait sous-lieutenant dans l'armée ou sous-préfet dans l'administration, et vous en serez très heureux et très honorés.
J'aurai besoin d'argent à la fin du mois pour payer le dernier trimestre. Il me faudra au moins 700 francs pour le reste de l'année, à savoir 240 francs pour le trimestre, 250 environ pour le voyage d'ici à Paris et une centaine pour des vêtements neufs dont j'ai grand besoin et une centaine pour les menues dépenses. Vous pourriez m'envoyer seulement 500 francs à la fin de ce mois et 200 dans trois mois. Adressez la somme au P. Peureux, rue des Postes, 30, à Paris, et je la ferai venir par occasion ou par une traite.
Mr Poisson est encore ici, il vous présente ses respects. Palustre est dans le royaume de Naples, il reviendra à Rome pour Pâques. J'ai écrit il y a quelques jours à Mme Lavisse.
Embrasse pour moi ma chère mère et dis-lui que je pense toute la journée à elle comme à toi. Embrasse aussi pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe.
Je t'embrasse de tout cœur.
Ton dévoué fils
L. Dehon
1 Il doit s'agir de Jean-Baptiste Vandelet, grand-oncle maternel de Léon, né en 1795, notaire à Étreux, qui signe au mariage des parents de Léon.
2 Le beau-frère Félix Penant, époux de Juliette-Augustine Vandelet, habitait Fontaines-les-Vervins; cf. LD 13, 14, 43.
3 Cf. la réponse de Mr Dehon au P. Freyd (LV 2).