218.68

B18/9.2.68

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 6 juin 68

Chers parents,

Il est bien légitime que ma première occupation après la grande grâce que Dieu vient de m'accorder soit de vous faire partager mon bonheur et ma joie. Combien ces grâces que l'on reçoit de Dieu au pied des autels diffèrent des jouissances du monde! Vous l'avez éprouvé lors de votre première communion, et on l'éprouve toutes les fois que l'on reçoit Notre-Seigneur dans la sainte Eucharistie avec un cœur pur et aimant. Les ordinations sont des grâces de choix par lesquelles Dieu sépare du monde ses ministres élus entre mille pour les élever à des fonctions angéliques en leur offrant, pour qu'ils en soient dignes, l'assistance du Saint-Esprit, à laquelle ils doivent correspondre. Le diaconat est une participation déjà très large au sacerdoce. Le diacre engendre à l'Église des fils par le baptême, il les forme à la vertu par la prédication de la parole de Dieu, et il est déjà admis à traiter familièrement avec Notre-Seigneur, sous les espèces sacramentelles, fonctions qui l'assimilent en quelque sorte aux apôtres et à la Sainte Vierge et à St Joseph qui vivaient dans une sainte familiarité avec Notre-Seigneur à Nazareth. Cette dignité sublime est bien au-dessus des forces humaines, mais la grâce de Dieu aide ses ministres et la force du Saint-Esprit leur est donnée par le sacrement de l'Ordre, dont le diaconat est une partie essentielle.

La cérémonie de ce matin s'est passée comme je vous l'ai décrite d'avance, avec le charme qu'y ajoute l'attitude si digne et en même temps si paternelle du cardinal vicaire, qui nous représente si bien Pie IX. J'ai prié avec beaucoup de ferveur pour vous tous ce matin. J'espère que le bon Dieu ne considérera pas l'indignité de mes prières et qu'il vous accordera les grâces que je lui ai demandées pour vous, surtout la grâce fondamentale d'être toujours prêts à paraître devant lui avec confiance, ayant accompli les devoirs essentiels qu'il nous impose et qui sont bien légers et faciles, si nous considérons le culte qu'il est juste de rendre à Dieu et la félicité qu'il nous donnera en retour.

Demain nous aurons au séminaire une autre solennité bien touchante aussi, c'est la première grand-messe d'un jeune prêtre, suivie de la cérémonie du baisement des mains que je vous ai décrite l'année dernière. J'aurai le bonheur d'exercer pour la première fois mes fonctions de diacre à cette messe.

J'ai reçu la lettre d'Henri. Elle s'est croisée avec la mienne qui lui répondait d'avance. Je souhaite que Laure soit déjà quitte de ces moments de souffrance par lesquels elle doit passer1.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon, diacre

1 Il s'agit de son accouchement, cf. LD 98.