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B18/9.2.80

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 7 mai 69

Chers parents,

J'attends une lettre de vous incessamment, je ne puis cependant tarder davantage à vous écrire.

Je compte bien que papa m'annoncera que j'avais eu tort de douter de sa persévérance. S'il en était autrement, je remuerais le ciel et la terre jusqu'à ce que j'aie obtenu cela de lui. Le bon Dieu nous rappelle tous les jours que la vie n'est pas longue, afin que nous nous hâtions de mériter le ciel et que nous ne comptions pas sur un avenir qui ne nous sera peut-être pas donné. Ce matin encore, nous avons mis en terre un de mes bons amis du séminaire, âgé de 25 ans et prêtre depuis le mois de septembre. Il est mort d'une fluxion de poitrine qui l'a emporté en trois semaines. Sa mort a été très édifiante et très calme. Il y était préparé par une vie très pieuse. Ses dernières heures furent un acte continu d'amour de Dieu. Nous avons la plus grande confiance qu'il est allé directement au ciel. Ce doit être un grand chagrin pour ses parents qui l'aimaient beaucoup et qui n'ont pas même eu la consolation de le voir prêtre, car il n'est pas retourné chez lui aux vacances dernières. On a mis son corps dans un caveau de notre chapelle1.

Nous n'avons plus de malades à la maison pour le moment.

J'ai reçu une lettre de Mr Meuret et j'ai fait de suite sa commission. Je lui ai envoyé par un de mes confrères qui s'en allait en France, un chapelet en cristal de roche, monté en vermeil, du prix de 50 francs. J'espère qu'il en sera satisfait. Ce chapelet m'a plu davantage que ceux dont on me demandait un plus haut prix. Il est dans un écrin avec les initiales de l'enfant E.L. Mr Meuret vous remettra ces 50 francs. Je lui ai écrit pour lui rendre compte de l'accomplissement de sa commission.

Je ferai à l'occasion les autres acquisitions dont maman me parle. Je porterai ces divers objets aux vacances. J'espère pouvoir partir d'ici le 15 juillet, mais il faudra probablement que je revienne un mois plus tôt que d'ordinaire à cause de nos cours de sténographie. Cela n'est pas encore définitivement réglé.

J'ai reçu par le comité des zouaves un petit paquet d'objets pieux (croix indulgenciée, médaille, cordon de St Joseph, eau de N.D. de Lourdes). Je ne sais qui s'intéresse à ce point à moi. C'est peut-être la Sœur Gabrielle de Bapeaume.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon, Marthe et Amélie et mes oncles et tantes si vous les voyez. J'offrirai un de ces jours le saint sacrifice pour Mme Penant2.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon

1 07.05.1869 1 Il s'agit de l'abbé Lucas de Coudray (cf. NHV V, 39): «un breton pieux, délicat, modeste. Il devait mourir quelques mois après comme un Louis de Gonzague. Je le veillai la dernière nuit. Sa foi, sa résignation, son désir du ciel me laissèrent une impression profonde».

2 Madame Penant: sans doute la mère de l'oncle Penant, époux de la tante Juliette-Augustine (Vandelet). À propos des objets pieux reçus cf. NHV VI, 137. Le P. Dehon fut toujours grand amateur de reliques et d'objets de dévotion, comme en témoigne le petit musée qui a pu être constitué à la postulation générale à Rome.