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B18/9.2.75

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 28 février 691

Chers parents,

Nous avons quelques jours de repos et de vacances et j'en profite. J'arrive de faire une charmante excursion de quatre jours avec quelques confrères. Nous sommes allés, partie en voiture et partie à pied, à Subiaco, à vingt lieues de Rome, par Tivoli et la magnifique vallée de l'Anio. Subiaco m'était déjà connu et j'y suis retourné avec bonheur2. C'est là, dans un site ravissant, dans une gorge austère des montagnes de la Sabine, que St Benoît, après avoir vécu quelques années en ermite, fonda cet ordre merveilleux qui civilisa l'Occident, conserva les lettres, défricha les terres et prépara tant de saints pour le ciel. J'ai été heureux de célébrer la messe là où vécut le patriarche des moines d'Occident. Il y a encore deux monastères très florissants, admirables de régularité, de piété et de charité. Nous y trouvâmes la plus aimable hospitalité. L'art aussi y loue Dieu à sa manière et de très belles peintures de l'école pieuse et mystique du XIIIème siècle et des imitateurs modernes ornent les grottes qu'habita St Benoît et qui sont devenues des sanctuaires vénérés. Mes compagnons étaient les trois autres sténographes français et deux autres excellents confrères du Séminaire. L'interruption momentanée des congrégations du Concile nous a permis cette petite absence3.

D'après le nouveau règlement, la première discussion des décrets se fait par écrit et on espère abréger ainsi la durée des travaux. La discussion définitive des projets de décrets va reprendre dans quelques jours. Le St-Père espère encore finir à la St-Pierre. Si on nous donne vacance au mois de juin, je partirai de suite pour me reposer avec vous et je renverrai les examens à l'année prochaine4.

Je viens de faire une première visite à l'exposition d'art religieux. Elle est très intéressante. Lyon a envoyé des choses merveilleuses en orfèvrerie et ornements d'église5.

Nous avons eu tout ce mois une température très douce et la végétation est très avancée.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon, Marthe et la petite sœur.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon

J'ai prêté à Méret le 1er volume de Marcadé (droit civil) et un volume de Renan qui appartient à Palustre.

1 Léon Dehon a daté cette lettre du 28 février 69 (d'où son classement aux AD parmi les lettres de 1869). L'erreur est évidente puisqu'il y est question d'une interruption momentanée du Concile, lequel n'a commencé qu'en décembre 1869.

2 Il y était en effet déjà allé aux vacances de Pâques 1868 (cf. NHV VI, 47-52). Outre deux autres séminaristes, ses compagnons étaient les trois autres sténographes français: Henri Bougouin, Gustave de Dartein et Joseph Dugas.

3 Du 23 février au 18 mars, les séances furent suspendues pour permettre des modifications à la salle conciliaire (pour améliorer l'acoustique).

4 Du 10 au 22 février, discussion du schéma: «De parvo catechismo», qui traîne en longueur: «trop de discours…; dont la plupart se répètent. Cela se comprend, c'était un sujet facile sur lequel chacun aimait à dire son mot», notera le P. Dehon (NHV VII, 97). D'où le nouveau règlement appliqué, non sans quelques protestations (cf. NHV VII, 97-99).

5 Sur cette exposition cf. NHV VII, 101-106, avec de larges citations de L. Veuillot.