220.09
B18/11.1.9
Ms autogr. 4 p. (21 x 13)
À son pères
Rome 28 avril 70
Cher père,
Tu es bien long à m'annoncer ton bonheur. J'attends tous les jours le courrier avec anxiété et la bonne nouvelle n'arrive pas. Si tu savais combien je souffre de ce retard, tu aurais peut-être pitié de toi-même et de moi. Je ne sais plus quoi te dire pour te déterminer. J'avais jusqu'à présent une confiance entière. Il ne me semblait pas que tu puisses résister. Tout a été mis en œuvre pour te ramener à Dieu. Le ciel tout entier est appelé à ton secours cent fois par jour. Tu es recommandé aux prières de toute l'Église par la propagation de la foi, par les confrères de Notre-Dame des Victoires et de Notre-Dame du Sacré-Cœur. Notre-Seigneur Jésus-Christ s'offre à son Père pour toi sur l'autel tous les jours avec tous les mérites de sa passion, de son amour et de sa mort. Dieu t'invite à partager son héritage et à vivre éternellement avec lui, et tu veux rester dans la mort. Je ne doutais pas que tu ne cédasses à de si pressantes et amoureuses invitations, quand une affreuse pensée vient de me venir à l'esprit. C'est que peut-être tu manquerais de courage. Ah! cette pensée me fait horreur. Je ne la développe pas. Non, j'espérerai jusqu'à la fin.
Cher père, n'attends donc pas un avenir dont tu n'es pas certain. Vis avec nous dans la grâce de Dieu et l'attente du ciel et la sainte joie de l'espérance. Va à ton Sauveur. Qu'au moins une ou deux fois par an, tu sois assis avec nous à la table du Roi des rois, pour qu'après les courts instants de cette vie, nous soyons ensemble pour l'éternité. Prends courage. Lave toutes tes négligences dans le sang de l'expiation infinie du Fils de Dieu. Regarde cette image que je t'envoie et laisse-toi toucher par tant d'amour. Voudrais-tu continuer à approuver les meurtriers du Fils de Dieu en continuant à rester dans le péché?
Écris-moi vite. Pas de promesses, pas de vains regrets ou de vaines espérances. Des faits. J'ai promis à Dieu bien des actions de grâces. Veux-tu encore l'en priver? Oh! si tu voyais un peu les choses surnaturelles. Tu serais effrayé de l'abîme auquel tu marches et des foudres que tu accumules sur ta tête.
Je t'embrasse et te supplie d'avoir pitié de ton âme, pitié des tiens, pitié du Fils de Dieu qui frappe à la porte de ton cœur et à qui tu ne veux pas ouvrir.
Embrasse ma chère et bonne mère et tous les nôtres.
Ton dévoué fils en J. et M.
L. Dehon, pr.