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NOTES QUOTIDIENNES 1er Volume (1867– 1894)

Presentation

Le P. Dehon a beaucoup écrit et son œuvre est une vaste forêt dans laquelle, semble-t-il, on ne s'aventure pas sans risquer de se perdre. Cinq volumes d'abord d' «Œuvres Sociales» et sept d' «Œuvres Spi­rituelles», dans l'édition «Opera omnia», qui rassemble tout ce que, sous des formats divers, le P. Dehon a publié pendant sa vie.1)

Viennent ensuite les «écrits personnels» dont, maintenant seulement, est entreprise la publication intégrale: les 15 gros cahiers des «Notes sur l'Histoire de ma Vie» (déjà parus en huit volumes dactylographiés) et les 45 cahiers des «Notes Quotidiennes», dont les trois premiers seule­ment ont été publiés; à quoi il faut ajouter la Correspondance (plus de 5.000 lettres ou billets) presque totalement inédite2).

Enfin les sermons, instructions, méditations. Les cahiers, dits «Ca­hiers Falleur» (notes des instructions et méditations du P. Dehon à ses premiers novices, dont le p. Falleur, de 1879 à 1881) ont paru en «Stu­dia Dehoniana» n. 10. Restent un important ensemble de pensées, ma­ximes, réflexions… de caractère ascétique ou historique, notes et réfle­xions de retraites, notes de lectures… Une vraie forêt, en effet, dans la­quelle il faut tâcher de ne pas se perdre.

«L'histoire véritable, a-t-on dit, est celle des événements intérieurs, des renouvellements spirituels; c'est la seule qui, en se développant dans le temps, s'épanouira dans l'éternité. Si toutes les civilisations et toutes les cultures sont appelées à disparaître,… les âmes sont immortelles, les personnes sont permanentes… Dans cette perspective, l'histoire vérita­ble est l'histoire des saints. N'est-ce pas en eux que l'éternité se révèle au temps, que le temps s'insère dans l'éternité»3).

Cette réflexion du chanoine Blanchard, au début de sa volumineuse étude sur Libermann, s'applique à merveille aux Mémoires (NHV) et au journal (NQ) du P. Dehon.

Rien ne vaut, certes, et n'intéresse autant que la connaissance d'un homme en son intériorité. Si, par ailleurs, cet homme, outre le déroule­ment même de sa vie, nous décrit, comme le fait le P. Dehon, sa propre ex­périence de Dieu, il peut être pour nous une sorte de guide spirituel. Nous sommes, en effet, surtout sensibles aux valeurs dont témoigne la vie elle­même et la vertu prêchée, sans la vertu vécue, ne nous convainc guère.

C'est dire l'intérêt que peut présenter la connaissance, non seulement des événements tristes ou heureux de la vie du P. Dehon, mais de l'esprit dans lequel il les a vécus. C'est son histoire intime qui nous intéresse, et c'est ce qui fait pour nous le prix des «Notes sur l'Histoire de ma Vie», des «Notes Quotidiennes» et de la «Correspondance».

Le P. Dehon n'a heureusement pas imité St. Ignace de Loyola qui, à la fin de sa vie, détruisit presque tous ses écrits personnels, «parce qu'il y avait consigné beaucoup de grâces extraordinaires qui étaient toutes à son honneur»4). Rendu prudent par la douloureuse expérience du «Consummatum est», le P. Dehon, lui, dans son Journal, ne parle pra­tiquement pas de grâces extraordinaires. Il n'y fait que très discrètement allusion, lorsque, concernant les «fondements divins de l'Œuvre», il écrit: «Je ne dirai rien des grâces personnelles et lumières reçues pour la préparation de la fondation»5).

Personnellement, le P. Dehon n'a jamais douté de sa mission de fon­dateur et ses écrits personnels mettent en lumière l'origine et le fonde­ment théologique de son charisme et de son œuvre, «l'Œuvre du Sacré­-Cœur», comme il aimait à désigner sa congrégation. Voilà pourquoi, sans doute, contrairement à St. Ignace, il a préféré nous les laisser. C'est notre héritage, un bien de famille, en quelque sorte, qui, pour nous, quel qu'en soit l'état, reste d'une beauté unique et sacrée. «Notes sur l'Histoire de ma Vie», «Notes Quotidiennes», là vraiment nous tou­chons comme du doigt l'expérience de foi et la vie intime du P. Dehon.

Les deux ensembles de «Notes» sont assez différents.

Rédigées plusieurs années après les événements rapportés, les «Notes sur l'Histoire de ma Vie» ont été commencées le 3 mars 1886 et il sem­ble qu'elles aient été composées surtout à Rome dans les années 1897-­19016). Le P. Dehon réfléchissant, sereinement et devant Dieu, sur sa propre vie, en revit les vicissitudes diverses, avec assez de recul et de dé­tachement pour en discerner les causes et les conséquences et pour y reconnaître l'action de la Providence et la réalisation du dessein d'amour de Dieu. Ainsi connaissons-nous non seulement l'histoire exté­rieure de sa vie, mais celle de son âme, avec tout ce qu'elle a vécu d'espoirs, d'idéaux, de projets, ses vertus, ses joies et ses croix. C'est une sorte d'autobiographie, dans laquelle nous saisissons, si l'on peut di­re, la «théologie» même de la vie du P. Dehon, où l'on découvre et peut , suivre, tout au long des événements (de 1843 à 1888), la présence active de l'amour de Dieu.

Ces «Mémoires» (NHV) couvrent les 45 premières années de la vie du P. Dehon: de sa naissance, le 14 mars 1843, à l'audience de Léon XIII, le 26 septembre 18887). Pour les années suivantes, jusqu'à sa mort (1888-1925), le P. Dehon renvoie lui-même aux «Notes quotidiennes»8).

De cette histoire le protagoniste est Dieu et le P. Dehon n'apparaît que comme son humble collaborateur: une petite «histoire du salut» en quelque sorte, où se vérifie l'exhortation du prophète Michée: «On t'a fait savoir, homme, ce qui est bien, ce que Yahvé réclame de toi: rien d'autre que d'accomplir la justice, d'aimer avec tendresse et de marcher humblement avec ton Dieu».

Rien en cela qui nuise à la vérité des faits rapportés, à la sincérité du P. De­hon, à la valeur de ses jugements. Nous y verrions plutôt une sorte de sécurité, celle que peut donner une «confession» devant Dieu, Vérité suprême.

Pour la composition de ses «Notes», le P. Dehon ne s'en remet pas aux souvenirs fluctuants qu'il peut avoir gardés, comme le fait, par exemple, Mgr L. Philippe dans ses «Souvenirs». Son récit est ordonné et documenté, citant notamment longuement des lettres. Ce n'est pas froid et sec, mais vivant et familier, même si, çà et là, n'y manquent pas quelques sections plus arides. Jamais, en tout cas, la vérité ne semble al­térée, le P. Dehon se répète parfois, variant l'expression9) et les quelques inexactitudes qu'on a pu relever, font partie de ces erreurs involontaires et inévitables qui sont le fait de la faiblesse humaine.

Ces «Notes sur l'Histoire de ma Vie» sont donc une source précieuse pour la biographie et surtout pour la connaissance de l'expérience de foi du P. Dehon. Elles n'ont cependant pas la spontanéité, la résonance immédiate et la marque du vécu des «Notes Quotidiennes» et de la cor­respondance, qui nous font revivre souvent les joies, les souffrances, les espérances et les désillusions du P. Dehon10). En ces «Notes Quotidien­nes», c'est souvent jour par jour, au fur et à mesure des événements, que le lecteur suit le P. Dehon, se réjouit, souffre, et s'émeut avec lui des heurs et, plus souvent, des malheurs de sa longue vie.

Dès le début de sa vie de séminariste, L. Dehon a tenu un journal spi- ú rituel: «Je commençai dès lors écrit-il, à noter presque chaque jour mes impressions, ce qui me permet de retrouver d'une manière sûre les tra­ces de l'action divine et du plan divin sur ma pauvre âme»11).

De ces toutes premières années, nous ne gardons, en réalité, que quel­ques rares citations transcrites dans les «Notes sur l'histoire de ma Vie»12). Deux cahiers, cependant, nous restent (NQI-II) couvrant la période du 13.12.1867 au 20.2.1870. Ce ne sont pas les originaux, mais une transcription incomplète du «journal spirituel», commencé par L. Dehon en 1865 et continué, avec des lacunes plus ou moins étendues, ju­squ'en 1873. Il est sûr, en tout cas, que l'original était plus ample que ce que nous connaissons13).

Ces «notes» de séminariste, le P. Dehon a voulu nous les conserver, les retenant particulièrement propres à caractériser les étapes de sa grâce de Fondateur, pour l'édification de ses religieux et de ceux qui seraient appelés à vivre de son charisme14).

Cette copie des deux premiers cahiers des «Notes Quotidiennes», le P. Dehon l'a faite lui-même, semble-t-il, à Saint-Quentin après 1900, époque où il commence à utiliser ce type de cahiers - et avant décembre 1915, alors qu'il les relit, semble-t-il avec attention et dévotion: «La vie intérieure m'attire, écrit-il. je relis les notes que j'ai écrites sur ce thème: union à Dieu, union à N.-S.-J.-C., présence de Dieu, paix intérieure, intention pure, contemplation…»15).

La copie est, en tout cas, substantiellement fidèle. De certains textes, en effet, nous possédons deux, voire trois transcriptions, dont la «Sy­nopse comparative», qui en a été faite, montre la fidélité16). C'est pour nous une assurance de la véracité du P. Dehon en ses écrits personnels. La tentation pouvait être grande, en effet, de faire passer dans ces textes, après tant d'années, les réflexions et jugements d'un âge avancé. Mais le P. Dehon, prêtre, respecte la spontanéité du séminariste qu'il a été.

Ces notes de séminaire, on l'a vu, couvrent un peu plus de deux ans. A plusieurs reprises, dans les années suivantes, L. Dehon a essayé de conti­nuer. Ainsi, en décembre 1872 janvier 187317). Mais en fait, il y eut une as­sez longue interruption. A propos des années 1878-1879, il note: «Pour ma vie intérieure, je n'avais pas le temps d'écrire mes impressions»18).

C'est avec le troisième cahier que reprend la rédaction quotidienne, ou du moins régulière, des «Notes». La première note de ce troisième cahier est datée du 28.1.188619). Dès lors, à des rythmes divers, le P. De­hon sera fidèle à les rédiger, jusqu'en juillet 1925, quelques jours avant sa mort. Avec les deux premiers du séminaire, c'est un ensemble de 45 cahiers (7087 pages), soit, avec les 322 pages de la retraite de Braisne (le mois de St. Ignace), 7409 pages20).

Ces «Notes Quotidiennes» sont, en général, de caractère proprement personnel et spirituel. Les deux premiers cahiers - sous-titrés «Lumina et proposita» - ne sont que notes d'oraison, réflexions, résolutions: les «im­pressions de son âme», dit le P. Dehon, permettant de retrouver sûrement «les traces de l'action divine et du plan divin sur ma pauvre âme21).

Dès le troisième cahier (1886-1887) cependant, aux annotations spiri­tuelles se mêlent des allusions aux événements de la vie du P. Dehon, et le quatrième cahier est sous-titré: «1887-1888 - Acta - Lumina et propo­sita». Les «Notes sur l'Histoire de ma Vie» ne vont, on l'a vu, que ju­squ'au 6 septembre 1888. Pour les années suivantes, le P. Dehon lui- même renvoie aux «Notes Quotidiennes» le «Journal» succède ainsi aux «Mémoires», et l'on y trouve mainte allusion aux «Acta», faits de la vie du P. Dehon et les principaux événements de son temps.

Les «Notes Quotidiennes» sont d'un très grand intérêt, source unique d'information très riche sur la vie intime du P. Dehon (grâces abondantes, nombreuses épreuves, lumières d'oraison, lectures, exercices spirituels), sur ses activités extérieures (congrès, conférences, ministères, prédications, livres, voyages, pèlerinages) et sur la vie de sa congrégation.

Le nombre des pages varie considérablement selon les années: 16 pa­ges pour 1920, et 1199 pour 1910, dont 1159 consacrées au voyage au­tour du monde, pour lequel on trouve aussi 355 pages en 1911.

Et encore: 677 pages en 1894, dont 557 pour le voyage en Sicile et Afrique du Nord; 360 pages en 1899 dont 204 pour le voyage en Espa­gne; 481 pages en 1906, dont 422 sur le voyage en Amérique Latine.

De même, en 1915, 505 pages dont 203 de résumés et notes de lecture comme, en 1917, 111 pages sur les 188 consacrées à cette année.

Bref, des cahiers entiers sont ainsi notes de voyage (environ 3000 pa- ges) ou notes de lecture, citations, textes de conférences et dé prédica­tions (plus de 500 pages). Tout cela n'est pas sans déséquilibrer l'ensemble22). Le P. Dehon lui-même observe que les relations de voya­ges «encombrent» ses Notes Quotidiennes et que la raison en était que cela constituait pour lui matière à ses articles pour la revue «Le Règne»23). De ces notes de voyage, il a d'ailleurs tiré les trois volumes: «La Sicile, l'Afrique du Nord et les Calabres» (1897: 296 pages); «Au­ delà des Pyrénées» (1900: 296 pages) et «Mille lieues dans l'Amérique du Sud»: Brésil - Uruguay - Argentine (1908: 208 pages). Quant au voyage autour du monde, il a été publié en partie dans le «Règne» de Louvain de 1911-1914, et il fournira la matière d'articles divers.

Dans ces publications, le récit est élaboré relativement librement. Confronté avec le texte des «Notes Quotidiennes», on y note des omis­sions et des additions. A la description et au récit, le P. Dehon joint, as­sez sobrement, ses impressions personnelles et ses appréciations.

Concernant ses nombreux voyages, le P. Dehon, en 1925, quelques mois avant sa mort, observe: «J'ai beaucoup voyagé; il y a peut-être eu quelque excès, cependant j'avais toujours en vue de m'instruire, d'accroître mes connaissances esthétiques, géographiques, historiques et d'affermir ma foi en constatant la folie des superstitions païennes, les va­riations des protestants et le caractère glacial de leur culte. J'ai bien con­staté que l'homme est naturellement religieux, que tous les peuples ont toujours honoré la divinité plus ou moins correctement et que l'athéisme moderne est une monstruosité contre nature».

Il cite aussi à ce sujet les éloges de l'Ecclésiastique (Siracide) pour l'homme qui voyage, et il conclut: «La Providence en me fournissant les ressources par ma famille ou par des bienfaiteurs, semblait encourager ce désir de voir et de savoir»24).

Et encore dans ses «Souvenirs», en 1912: «A propos de cet apostolat général, je veux dire ici pourquoi j'ai fait volontiers, à l'occasion, de grands voyages. C'est que pour écrire et pour parler sur les questions so­ciales, il faut avoir beaucoup vu, il faut savoir comparer les régimes so­ciaux et les civilisations des peuples divers. Des connaissances étendues donnent de l'autorité et permettent de redresser une foule d'erreurs et d'apprécier l'action de Dieu et celle de son éternel ennemi dans les diver­ses régions de la terre»25).

Enfin, dans une note intitulée: «Les événements de ma vie: sommai­re», le P. Dehon énumère une trentaine de voyages de 1858 à 1918 et en indique le but: «Etudes, instruction, édification, santé» et, après avoir passé en revue les événements de sa vie, il conclut: «Post hoc, labor et dolor»26). Cela en 1923; le P. Dehon a 80 ans.

Quant à ses notes de lectures, rassemblées dans les «Notes quotidien­nes» et dans divers cahiers, le P. Dehon s'en est servi pour la rédaction de ses dernières œuvres spirituelles: «La vie intérieure» en deux volu­mes, ainsi que les «Etudes sur le Sacré-Cœur de Jésus».

Ces lectures et ces notes ne sont pas sans intérêt pour la connaissance de la vie personnelle et spirituelle du P. Dehon. «Je suis si proche du ter­me de ma vie, écrit-il, je laisse d'autres travaux pour ne plus guère m'oc­cuper que de lectures spirituelles et de prières»27). Il a alors 72 ans, est confiné à Saint-Quentin, isolé de tous, pendant la première guerre mon­diale. On ne peut certes connaître ni comprendre à fond le P. Dehon dans son évolution spirituelle après 1913 sans tenir compte de ces lectu­res et de leurs orientations caractéristiques.

Quoi qu'il en soit, il est certain que désencombrées des notes de voya­ges et de lectures, les «Notes Quotidiennes» sont réellement beaucoup plus «quotidiennes» et permettent de mieux suivre, pour ainsi dire au jour le jour, la vie du P. Dehon.

Il semble inutile, voire impossible, d'analyser ici le contenu des «No­tes quotidiennes»; nous nous contenterons de relever quelques caractéristiques28).

Par tempérament, le P. Dehon est plutôt optimiste et, dans ses juge­ments incline à ne voir que le bon côté des choses et des personnes. Bon et sensible lui-même, il désire qu'on le soit avec lui: désir, hélas, souvent douloureusement déçu.

Très sensible aussi au péché, il ne craint pas de souligner ses propres fautes ou les défectuosités de son œuvre; non certes par quelque sorte de masochisme ou pessimisme défaitiste, mais pour s'exciter à l'humilité, au repentir, à la confiance, à la prière, au bon propos, dans un élan re­nouvelé vers le bien. Accusations et repentirs sont toujours marqués du même esprit de foi et de confiance, d'abandon et d'amour. Finalement, à considérer l'ensemble: le négatif et le positif, les hauts et les bas, les peines et les joies, les faiblesses et les générosités, les jours de tentation et les jours de grâce, l'impression est plutôt positive et optimiste. Le «ciel» du P. Dehon incline habituellement vers la sérénité.

De fait, c'est l'attitude de St. Paul que le P. Dehon fait sienne: «C'est de mes faiblesses que je préfère me glorifier, afin que la puissance du Christ repose sur moi» (2 Cor 12,9). «Je puis tout en celui qui me forti­fie» (Phil 4,13). Ainsi écrit-il le 13 février 1886: «Combien il y a à puri­fier et à expier pour rendre à l'œuvre sa vitalité et sa force! Mais pour­quoi n'aurions-nous pas confiance?… La gloire du Sacré-Cœur sera plus grande parce qu'on verra mieux qu'il a tout fait»29). C'est bien la note de confiance que l'on retrouve habituellement dans le «Journal». Le P. Dehon y apparaît aussi comme fondateur et supérieur et, pour lui, il ne s'agit pas là seulement d'une fonction à remplir, mais d'une vé­ritable mission. Plus que l'administrateur, c'est le pasteur qui, dans ses «Notes», s'exprime et les notes d'administration (finances ou élections) sont très rares. Ce qui lui tient à cœur, c'est l'Œuvre elle-même, la Congrégation et la sainteté de ses membres.

Deux citations suffiront à ce sujet: «J'ai foi et confiance dans mon ; œuvre et dans ma mission; le Cœur de Jésus m'aidera. C'est lui qui m'en a chargé, c'est son Œuvre. Je me repose sur lui»30). Et ailleurs, ex­pression de son tourment et de son plus ardent désir: «N.-S. me fait comprendre l'état désolant de son Œuvre, où règne si peu l'esprit d'amour et d'immolation. Si l'Œuvre ne lui donne pas ce qu'il attend, il la détruira… C'est une Œuvre de saints qu'il faudrait… Il faut des âmes généreuses qui s'offrent en victimes et nous devons donner l'exem­ple. Ce sont des victimes eucharistiques que veut Jésus; non pas tant des victimes de pénitence que des victimes d'amour et d'abandon»31).

Continuellement, il s'examine sur sa mission de fondateur et de supe- rieur, renouvelant son zèle par l'abandon à Dieu, la prière confiante et le don de soi dans le service. Fermeté et douceur caractérisent son style de gouvernement. Avant tout, il tient è l'union dans la charité - faisant du «sint unum» une de ses maximes favorites - et, bien sûr, à la fidéli­té au but spécifique de l'Œuvre: «L'union dans l'Œuvre dépend beau­coup de moi. Je dois gagner tous mes frères par la charité, en m'intéressant à tous leurs besoins, au spirituel et au temporel» écrit-il32).

Et encore: «J'ai appelé et vu en particulier plusieurs pères et novices pour les encourager et les reprendre. J'aurais dû le faire plus souvent. C'est mon devoir, et un bien très grand en résulterait»33).

- «Les avertissements doivent se donner doucement, rarement et en particulier; car chacun se rebute des réprimandes sèches aussi bien que des corrections les plus aimables quand elles sont fréquentes ou faites hors de propos. J'en ai fait cent fois l'expérience»34).

- «N.-S. me laisse sentir sa bonté ce matin, écrit-il le 27.12.1887, en la fête de St. Jean. A midi, divers manques de respect et d'obéissance de plusieurs pères me jettent dans le découragement et l'abattement. Plu­sieurs ne sont-ils pas des branches mortes dans l'œuvre? L'«Ecce venio», le «Sint unum» de notre vocation ne sont-ils pas trop oubliés? Il faudrait crier constamment vers N.-S. pour qu'il nous rende la vie»35).

Il souffre aussi de ses propres insuffisances comme supérieur, de sa fai­blesse de sa bonté excessive: «Jour de tristesse, écrit-il le 29.12.1887. Je sens aujourd'hui toute ma faiblesse et mon insuffisance comme supérieur.

Je laisse durer les abus et la tiédeur. Je ne sais pas relever mon monde et le ranimer»36). Et ailleurs: «Je reconnais qu'en employant plus d'autorité et de fermeté en certaines circonstances, je réussis mieux à diriger les âmes. J'ai souvent péché par excès de bonté. Je n'ai pas pris assez à cœur les intérêts de N.-S. Je ne remarquais pas qu'en devenant trop bon pour les hom­mes, je ne l'étais pas assez pour N.-S. que je laissais offenser»37). Ma con­science me reproche ma faiblesse, ma bonté excessive; c'est là pour moi la cause de l'éloignement de N.-S. et de bien des épreuves»38).

Sévères assurément semblent ces notes autocritiques. Sans en nier la vérité, on doit cependant les compléter et corriger des témoignages de ceux qui l'ont connu et ont vécu avec lui39).

Ce qui, en tout cas, est certain, c'est qu'il aime son Œuvre (la congrégation). Il l'aime comme un père son enfant préféré, et cela se sent aux adjectifs dont il la qualifie: «la petite œuvre - ma chère petite œuvre - la petite œuvre privilégiée du Cœur de Jésus».

Cette «chère petite œuvre», il tient à la distinguer de toutes les autres œuvres et craint que celles-ci, en se multipliant, ne finissent par l'étouf­fer. «Plusieurs œuvres occupent mon esprit, écrit-il: enseignement, cer­cle ouvrier, journal, maîtrise, missions; mais la plus grande de mes œuvres, la plus féconde pour l'Eglise, doit être l'œuvre sacerdotale, l'œuvre de réparation au Sacré-Cœur et de dévouement au clergé»40). Et en­core: «Notre chère œuvre doit être surtout intérieure. C'est là notre grâce. Il y a, en ce moment, un excès d'activité, nous en souffrons, c'est un péril. Il faut que nous nous rapprochions de l'esprit des premières an­nées»41). La vie intérieure, telle est, pour le P. Dehon, ce qui importe et ce qui doit faire la force de son œuvre. Par là seulement, dans les plus diverses activités apostoliques, seront vécus l'amour et la réparation. A ce propos, frappante est, dans les Notes Quotidiennes, la référence constante à Notre-Seigneur. C'est un bon fil conducteur à suivre dans , une lecture de ces «Notes»: l'amour de Jésus, les raisons de cet amour, ses preuves, sa beauté, ses conditions d'authenticité. De l'étude et de la contemplation de la vie de Jésus, de ses mystères, de son «amabilité» naît le désir et le besoin de l'honorer, de le consoler, de lui plaire, de le servir, de se donner et abandonner à lui, de s'établir en lui en quelque sorte et de vivre de sa vie. Et c'est dans l'oblation d'amour, en esprit d'amour et de sacrifice, que le P. Dehon exprime et vit son amour pour le Christ, comme une profonde exigence de sa vie spirituelle.

Ces «Notes Quotidiennes» du P. Dehon sont ainsi un peu comme le li­vre d'or de ses relations avec le Christ. Deux citations seulement pour en donner une idée: «Une pensée de l'office me frappe: l'Eglise voulant abso­lument gagner nos cœurs à Jésus lui applique cette pensée qui indique l'af­fection ardente que nous devons lui porter: «Jésus decorus nimis et amabi­lis super amorem mulierum»42). «Je ne puis vivre que dans l'union avec N.-S. Autrement, c'est le désarroi; mon âme est un navire désemparé»43). Homme d'action, c'est dans l'action même que le P. Dehon vit sa contemplation. Nombreux sont ses engagements apostoliques, mais grand est aussi son besoin de solitude, de recueillement, de prière. «No­tre vie d'union et de réparation l'exige», déclare-t-il44). Le «don du cœur», voilà ce qui fait l'objet de sa constante préoccupation, non pas certes aux dépens de l'étude et des «œuvres», mais comme ce qui, dans l'amour, doit en être l'âme.

L' «union d'amour», c'est, en effet, pour le P. Dehon la grâce dési­rée, expérimentée dans la paix intérieure, la joie pure et douce, comme un avant-goût ici-bas de la vie éternelle. «Que je voudrais, écrit-il, don­ner définitivement et pour toujours la victoire à l'Esprit de Dieu! C'est à ce prix que j'aurai la paix et la joie»45). «L'union avec Jésus seule peut me donner la paix et la joie»46). «La paix n'est pas toute joie, mais une joie douce»47).

On l'aura noté, nos citations sont toutes des années 1886-1888. Une telle limitation se justifie en ce qu'elle permet de saisir un moment déter­miné de la vie du P. Dehon, en une période de maturation spirituelle et en relation avec le déroulement et les évènements concrets de sa vie. On peut penser, en effet, que les traits fondamentaux relevés en cette brève période se retrouveront également dans la suite.

Citons cependant tout de suite deux notes de 1912-1913 qui, loin de contredire notre analyse, invitent au contraire à l'élargir et à l'approfon­dir. Le P. Dehon, au seuil de ses 70 ans, embrasse d'un regard toute sa vie, et voici son jugement: «Combien N.-S. a été miséricordieux pour moi! D'ordinaire, il ne rend pas cette union quand on l'a gaspillée. Moi je l'ai eue longtemps, 26 ans peut-être, de 1866 a 1892; puis j'ai passé par 20 années de vie mêlée, avec de bons jours et des jours de grande mi­sère. Il me rend maintenant cette union et j'espère qu'elle s'accentuera davantage»48). Ainsi, en janvier 1913. Le P. Dehon vient de terminer une étude de théologie spirituelle et dit sa conviction que «la vie mysti­que est le couronnement normal de la vie chrétienne. Tout chrétien doit tendre ici-bas à la vie d'union parfaite avec Dieu… qui va de pair avec la vie mystique»49).

Peu de temps auparavant, il avait noté, en novembre 1912: «Depuis la retraite, la grâce m'aide beaucoup. L'oraison m'est devenue facile et l'union avec N.-S. est intense»50). On le voit revivre pendant la journée les mystères de la vie du Christ, puis, soudain, il écrit: «Epreuve ou pu­nition, plutôt punition. J'ai été vingt ans, de 1892 à 1912, livré à l'aridi­té et à la lutte. N.-S. a permis au démon de me livrer des assauts inces­sants. J'étais comme à la porte du divin Cœur. Je recevais des grâces pour les autres, mais pas beaucoup pour moi-même»51).

Cependant, tout a changé après les exercices spirituels de septembre, exercices prêchés par le P. Reinsbach, ancien professeur à la Grégorien­ne et, à l'époque, directeur d'une association sacerdotale orientée vers la spiritualité victimale. «C'est une autre vie, note le P. Dehon, N.-S. me conduit vite, sensiblement, clairement à une grande union…»52). Notons cette dernière expression: «une grande union…».

Les douze dernières années de la vie du P. Dehon (1913-1925) sont d'abord marquées d'une longue période d'isolement à Saint-Quentin pendant la guerre (1914-1918): longue solitude, dans la prière et l'étude. Sa vie spirituelle s'approfondit, devenant toujours plus trinitaire. C'est, en effet, l'aboutissement normal des âmes, qui correspondent genereu­sement à l'amour du Christ, que de rejoindre «le sein du Père».

Ainsi, en 1915, le P. Dehon découvre avec émerveillement la vie de Sr. Elisabeth de la Trinité. Il copie sa magnifique «élévation» et veut la fai­re connaître. «Je garde de cette lecture une dévotion mieux comprise envers la Sainte-Trinité», note-t-il53). Dans l'ultime cahier, celui de la dernière année (1925) il note: «Je goûte de plus en plus la dévotion à la Ste-Trinité»54). Et voici sa prière, profondément trinitaire: «Je salue la Ste-Trinité, mon Père et Créateur, le Verbe de Dieu, devenu mon frère et mon rédempteur; le Saint-Esprit mon guide et mon consolateur»55).

C'est là un thème sur lequel il faudra revenir pour une bonne compré­hension des «Notes Quotidiennes», et de toute la vie du P. Dehon, qui devient ainsi un «gloria au Père, au Fils et au Saint-Esprit»56). C'est le sommet de son expérience spirituelle. Désormais, le P. Dehon est prêt pour le «communicantes» éternel au ciel57).

Giuseppe Manzoni, scj.

INTRODUCTION CRITIQUE aux trois premiers cahiers des Notes Quotidiennes

Le P. Dehon nous a laissé parmi ses manuscrits, outre les quinze ca­hiers de ses Mémoires, les Notes sur l'Histoire de ma Vie (NHV), les quarante-cinq cahiers de son journal, les Notes Quotidiennes (NQ), qui comprennent deux périodes de sa vie bien distinctes:

a) La période qui va de décembre 1867 à février 1870;

b) La période qui va de janvier 1886 à juillet 1925, soit les quarante dernières années de sa vie.

J'ai dit: «nous a laissé» parce que c'était bien là son intention. En ef­fet:

1) Pour ce qui regarde ses Mémoires (NHV): il a écrit une note ma­nuscrite autographe, collée sous la couverture du premier cahier, disant pourquoi il les a composés. Un des motifs, et non le moindre, est le désir de recueillir ce qui pourra être utile à l'histoire de la Congrégation: «… les nôtres y trouveront beaucoup de renseignements sur l'histoire de la Congrégation, sa préparation, ses épreuves, ses développements».

a) Une préparation:

- L'éducation humaine et culturelle de Léon Dehon dans sa famille, à Hazebrouck, à Paris.

- Ses voyages en Angleterre, en Allemagne, en Scandinavie, en Bel­gique et en Hollande. Son voyage en Orient: Grèce, Egypte, Palestine, etc. «Les voyages bien compris complètent les humanités. A vingt ans, j'ai voulu voir l'Italie, l'Egypte, la Grèce, la Palestine. C'était pour moi le complément de l'éducation»58).

- Sa formation théologique et spirituelle à Rome qui est à l'origine de son charisme «d'oblat par amour» (victime réparatrice par amour) en union avec le Christ («avec Jésus, par Jésus, en Jésus») à la gloire du Père et pour le salut des hommes59). «…N.-S. m'avait préparé lui-même à l'esprit de notre vocation pendant tout mon séminaire, comme en té­moignent mes notes quotidiennes»60).

- Son apostolat à St-Quentin et l'influence de l'ambiance spirituelle qui prévalait alors en France: Paray-le-Monial, La Salette, Montmar­tre, Marseille, etc.61).

- Mais surtout la rencontre des «Servantes du Cœur de Jésus»62).

b) De grandes épreuves:

- Tous les événements douloureux des années 1878-1883 et qui cul­minent dans le «Consummatum est»63).

c) Le développement particulier de la Congrégation:

- L'abondance des vocations dans les années 1884-1888 est humai­nement inexplicable, surtout si on tient compte du fait qu'on était resté interdit devant la suppression des Oblats du Sacré-Cœur et que les can­cans allaient bon train. C'est à cette époque qu'entrent dans la Congré­gation quelques-uns des meilleurs collaborateurs du P. Dehon, les PP. Prévot, Charcosset, Jeanroy et Grison. Quand la Congrégation devien­dra de Droit Pontifical, par le «Décret de louange» du 25 février 1888, elle comptait déjà 80 membres.

Ce n'est peut-être pas un hasard que le P. Dehon ne continue plus ses Mémoires (NHV) après avoir décrit l'audience du 6 septembre 1888, durant laquelle il avait exprimé à Léon XIII ses remerciements pour cet­te reconnaissance publique de «l'Œuvre du S. Cœur». Désormais la Congrégation était bien en vie64). C'est pourquoi les collaborateurs, s'ils l'avaient voulu, auraient pu continuer à écrire l'histoire de son dévelop­pement.

Toutefois, on doit noter cette phrase de conclusion aux Mémoires (NHV): «Pour les années qui suivent voir les cahiers de Notes Quoti­diennes (le Journal)»65).

2) Pour ce qui concerne les «Notes Quotidiennes» (NQ), le Père De­hon écrit: «J'écris mes notes quotidiennes; St Ignace l'a fait pendant 30 ans. Il les détruisit en grande partie avant de mourir, parce qu'il y avait consigné beaucoup de grâces extraordinaires qui étaient toutes à son honneur. Mes notes peuvent avoir quelque utilité pour l'histoire de l'Œuvre. J'en ferai à la fin ce que la grâce m'inspirera»66).

Un des historiens du P. Dehon a écrit à ce sujet: «Il ne les détruisit pas, et nous pouvons nous en féliciter. Elles sont une source excellente pour l'étude de sa vie intérieure et extérieure et pour l'histoire de la Congrégation»67).

Il nous est bien difficile de savoir pourquoi le P. Dehon n'a pas détruit son journal, comme le fit saint Ignace. Peut-être bien, cela tient-il au fait que le P. Dehon n'a pas confié à son journal, comme le Fondateur de la Compagnie de Jésus, des «grâces extraordinaires» reçues du Seigneur pour la fondation de notre Congrégation, étant don­née l'expérience douloureuse du «Consummatum est». Il y fait discrè­tement allusion, quand il écrit à propos des «Fondements divins de l'Œuvre», dont on retrouve plus d'un exemplaire dans nos archives: «Je ne dis rien des grâces personnelles et lumières reçues pour la prépa­ration et la fondation»68).

On doit noter ici que le P. Dehon n'a jamais mis en doute sa mission de Fondateur. Plus d'une fois, il déclare en termes plus ou moins équiva­lents: «Dieu m'a confié l'Œuvre du S. Cœur»69).

On peut donc conclure que les Mémoires du P. Dehon (NHV) et son journal (NQ) constituent les sources principales soit pour connaître la personnalité du P. Dehon et l'origine de son charisme, soit pour déter­miner les fondements théologiques de ce charisme et en voir l'actualisa­tion dans «l'Œuvre du S.-Cœur», le nom qu'il donnait à la Congréga­tion. Il faut aussi faire remarquer que les deux manuscrits se complètent; l'un l'autre sans interférence, si on excepte la transcription dans les Mé­moires (NHV):

- de plus des deux tiers du premier cahier du Journal (NQ I) sous forme de «Directoire spirituel de l'Œuvre»70);

- en grande partie, des notes prises dans les «Retraites» faites au cours des années 1868-1869, soit à Pâques 1868 (6-9 avril)71), pour le dia­conat (29 mai - 6 juin 1868), et pour le début de l'année scolaire 1869­-1870 (27 oct. - 2 nov. 1869)72);

- de plus de 80% du second cahier du Journal (NQII) comme «grâ­ces du commencement, dont le souvenir embaume toute une vie»73). Ces deux écrits (NHV et NQ) nous permettent souvent de saisir le Père Dehon sur le vif. C'est pourquoi il serait désirable qu'on en tire une synthèse objective, après leur publication, pour la solution de divers pro­blèmes connexes et une meilleure intelligence de notre esprit.

Le Père Dehon a commencé très tôt un journal personnel. Nous avons en effet des «Notes de voyage» (années 1856-1865), un «Journal spirituel» (1865-1873) et, plus tard, un «Journal» proprement dit (1886-1925) où il raconte ses voyages, les événements personnels et les faits concernant l'Institut, toujours sous une lumière spirituelle.

1. Notes de voyage

D'après ses Mémoires (NHV), nous avons quelques repères chronolo­giques intéressants:

a) Nous savons qu'à l'âge de treize ans (aux vacances de 1856) il an­note les impressions de son voyage dans les Ardennes, à Namur, à Liè­ge, à Aix-la-Chapelle et à Cologne, voyage qu'il faisait avec son curé­doyen de La Capelle, M. Demiselle: «J'observais, je notais, je préludais à ma vie de voyageur. Tout était consigné dans mon carnet»74). Il n'y a aucun document à ce sujet dans les Archives Dehoniennes. En 1861 (avril juin), le jeune Léon Dehon va en Angleterre avec son cousin Léonce Wateau (de Guise). Il visite alors Londres et les alentours. «Mon but premier avait été d'étudier l'anglais. Je le savais désormais assez bien et je pouvais entretenir une conversation sans que mon accent étranger fut trop remarqué»75).

L'année suivante (avril-mi-juillet) il se rend de nouveau en Angleterre pour approfondir son anglais, de nouveau avec son cousin Wateau et l'abbé Poisson auquel ils ont donné rendez-vous à Londres. Ils rencon­trent Léon Palustre à Westminster, qui les entraîne à parcourir toute l'Angleterre, l'Ecosse et l'Irlande. Léon ne prit pas de notes à ce voyage: «Je n'ai pas pris de notes quotidiennes pendant ce voyage d'ailleurs ra­pide. Mes souvenirs sont assez vivants pour que je puisse les résumer ici»76).

b) En 1863 (du 12 août au 11 novembre) il se rend avec son ami L. Palustre en Allemagne, au Danemark, en Scandinavie, en Bohême, en Bavière et en Autriche. Chacun des deux tient un journal de voyage: «Je pris des notes chaque jour avec mon compagnon»77). Dans la suite, il se fit une compilation des deux textes. Par qui fut-elle faite? Peut-être par Palustre. Il nous est resté aux Archives deux gros cahiers manuscrits qui semblent formés de plusieurs cahiers (format «écolier») reliés en­semble. Ils sont écrits en belle calligraphie claire avec quelques ratures et corrections çà et là. Ce n'est pas l'écriture du P. Dehon, qui y a mis cette phrase: «Notes écrites en grande partie par Léon Palustre». Ce qui ne veut pas dire nécessairement que les deux cahiers soient de la main de Palustre dont aucun texte manuscrit ne nous permet d'identifier l'écritu­re. Ces deux cahiers semblent avoir été écrits vers les années soixante­-dix, quatre-vingt à en juger d'après l'encre et l'écriture de certains textes des «Excerpta»78).

c) Du 23 août 1864 au 10 juin 1865, Léon Dehon entreprend avec son inséparable ami Palustre son long voyage d'Orient qui comporte aussi des notes de touriste, comme nous le savons par ses NHV. «Le gros temps nous retint cinq jours à Lyra. Nous pûmes mettre à jour notre correspondance et nos notes»79).

Il nous est resté de ce voyage sept cahiers manuscrits qui comptent 1036 pages, sans compter les tables. Ces cahiers sont de la main de Léon Dehon. Peut-être ont-ils été recopiés pendant la période du vicariat de Saint-Quentin, car nous savons qu'à cette époque l'abbé Dehon évo­quait ses voyages dans ses conférences aux jeunes gens du Cercle. Com­me pour le voyage d'Allemagne, avec grande honnêteté, Léon Dehon indique au début de chaque cahier que les «notes (ont été) écrites en grande partie par Léon Palustre». Effectivement dans la marge des ca­hiers les signes L. D. ou L. P. indiquent la paternité des textes repris. Dans la revue «Le Règne du Cœur de Jésus» on trouve aussi quelques passages des notes sur le voyage d'Orient sous le titre de «Vieux Souve­nirs»80).

2. Journal spirituel

Grâce aux Mémoires (NHV), nous savons aussi qu'il a composé des notes spirituelles:

a) L. Dehon était arrivé à Santa Chiara (Roma) le 25 octobre 1865. Les premiers jours furent occupés par les Exercices Spirituels faits avec grande ferveur: «Les premiers jours furent absorbés par la retraite. Elle était prêchée par le vénérable P. Rubillon, assistant du Général des jé­suites… J'ai résumé ses instructions et j'ai encore ce résumé dans mes notes»81). «Je m'étais donné de tout cœur à cette retraite. Je devais re­faire souvent les Exercices de St Ignace et les faire à d'autres, mais ja­mais je ne devais éprouver des impressions plus profondes»82).

Il semble bien que ses notes aient disparu.

b) Presque aussitôt il commence un «Journal Spirituel» qui, avec quelques arrêts, se prolongera jusqu'à la moitié de janvier 1873: «Je commençais dès lors à noter presque chaque jour mes impressions, ce qui me permet de retrouver d'une manière sûre les traces de l'action di­vine et du plan divin sur ma pauvre âme»83).

Nous ne possédons plus les originaux de ces notes qu'on pourrait ap­peler «Journal de l'âme», mais la transcription de passages choisis par lui, en fonction d'une optique d'environ trente ans plus tard. Ces passa­ges ont été reproduits, en respectant l'ordre chronologique, dans les dif­férents cahiers des Mémoires84).

La première transcription est précédée de cette remarque: «Je repro­duis ici quelques fragments de ces notes. C'est encore une grâce de les relire et d'y conformer de nouveau mon cœur»85).

Et avant la dernière fois qu'il cite son «Journal Spirituel» il écrit: «Je n'ai pas été fidèle cette année à écrire mes impressions quotidiennes. J'ai essayé pendant quelques jours, fin décembre 72 et janvier 73, puis je l'ai laissé»86).

Les deux premiers cahiers du «Journal» (Notes Quotidiennes) sont composés uniquement avec ces notes spirituelles anciennes, mais on re­trouve aussi une grande partie de ce texte dans les Mémoires87). On en parlera plus loin. On doit évidemment regretter la perte des textes origi­naux, qui nous auraient permis de nous rendre compte, avec exactitude critique, de la formation ascétique et religieuse du P. Dehon, ainsi que des premières manifestations de son charisme. Cependant, dans certai­nes pages étonnantes des Mémoires (NHV), il s'efforce de décrire la de­gré d'oraison qu'il avait atteint dès sa seconde année d'études à Rome88). Il déclare: «En décrivant ces grâces divines, j'ai décrit, si je ne me fais pas illusion, ce que l'infinie miséricorde de Dieu a opéré dans mon âme, par degré et avec quelques lacunes qu'y mettaient mes résistances et mes imperfections»89).

On peut aussi estimer que l'activité sacerdotale du vicaire, les épreu­ves qui marquèrent le temps de la Fondation ont dû influencer les juge­ments que le P. Dehon a porté sur cette période de sa vie.

Néanmoins, il semble bien que, de tout ce «Journal Spirituel» (1865­1873), le P. Dehon n'ait voulu conserver que la partie qu'il estimait mieux adaptée à retracer les étapes de sa «grâce» de Fondateur; en somme, les passages davantage utiles à ceux qui le suivraient dans son charisme.

c) En même temps, le P. Dehon transcrit dans ses Mémoires90) quel­ques notes de lecture qui l'avaient frappé alors: «Je notais, pour les reli­re, les moyens de sanctification que je trouvais les meilleurs, et il sont de­venus réellement le «directoire» de ma vie»91).

Voici une pensée qui résume le jugement que portait le P. Dehon sur sa vie de prière comme étudiant. C'est une synthèse de sa vie spirituelle: «La grâce de Dieu me conduisit bientôt à l'oraison d'affection, qui me consuma d'un grand amour pour N.-S.»92).

3. Le Journal des quarante dernières années (1886-1925)

Ce journal est très important pour nous, mais dépasse le cadre de cet­te introduction. Nous y reviendrons en son temps.

Il n'est pas possible d'exposer ici tous les problèmes de critique inter­ne et externe que posent les deux premiers cahiers du journal. On tâche­ra de les présenter et si possible de les résoudre dans un volume qui ter­minera l'édition du journal et des Mémoires.

Pour être en mesure d'apprécier, dès à présent, la valeur de docu­ments que possèdent les deux premiers cahiers des «Notes Quotidien­nes» en vue d'une étude de l'évolution du charisme du P. Dehon, il est nécessaire pour cela de déterminer, d'une manière précise, certaines da­tes fondamentales:

A) les deux premiers cahiers actuels du «Journal» ont-ils été écrits dans les années 1867-1870?

B) s'ils ne sont pas originaux, quand ont-ils été écrits?

C) leur transcription est-elle exacte?

A) Les deux premiers cahiers actuels du «Journal» ne sont pas les originaux. Le P. Dehon écrit, sur le tard, peut-être après 1920, sur la couverture des deux premiers cahiers des «Notes Quotidiennes» les indications sui­vantes: ler cahier 1867-1868; 2e cahier 1869-1870. Nous avons dans les Archives Dehoniennes, en dehors de sa correspondance, des documents de la main du P. Dehon remontant aux années susdites.

a) Ses notes de cours de morale (plus de 1380 pages) des PP. Gury et Ballerini; notes prises avec soin. La pagination, postérieure, est faite par feuille et non par page. Nous n'avons pas dans les «Archives» des notes de cours de théologie dogmatique.

b) Trois cahiers d'écolier de 84 pages, non entièrement écrits. Ils ont tous une couverture au papier marbré. Peut-être les susdits cahiers de théologie morale, reliés dans la suite, étaient de cette facture. Ces trois cahiers portent un titre; deux sont intitulés: «Notes sur le Concile» et le troisième: «Notes pour une Œuvre d'Etudes», tous sont sans numéro­tation de pages.

c) Il y a aussi un volume formé de neuf cahiers reliés et intitulé «Ma­nuale». Cette sorte d'agenda porte des dates d'anniversaires qui lui étaient chers, les associations auxquelles il était inscrit avec leurs obliga­tions, des «Monita et Proposita pietatis»93) dont nous avons des échan­tillons dans les NHV (V, 1-5), une liste de livres «à acheter ou à lire», des «adresses et renseignements». Ces 180 pages ne sont pas toutes remplies et ne sont pas toutes des années de Rome: on trouve, par exem­ple, comme anniversaire celui de l'approbation définitive de la Congré­gation (4 juillet 1906).

d) Un vaste «florilège» en un volume format registre, intitulé «Ex­cerpta» par le P. Dehon et jamais achevé. Les premiers textes recueillis portent la date du 20 novembre 1865 et les derniers sont de 1893. A ce sujet le P. Fondateur nous a dit dans ses NHV: «Je notais ordinaire­ment ce qui me frappait le plus dans mes lectures. J'ai gardé cette coutu­me depuis et mon cahier d'Extraits divers est pour moi un trésor où j'ai mis en réserve toutes les pensées les plus élevées et les plus justes des grands esprits avec lesquels j'ai été en relation par la lecture pendant ma vie»94).

On peut ainsi comparer les textes des «Excerpta» avec les notes qui ont passé dans les NHV95). Le livre des «Excerpta» porte des dates relais qui nous permettent de voir l'évolution de l'écriture du P. Dehon. On constate cependant à partir de 1875 d'autres mains que la sienne; par exemple il y a une écriture très semblable à celle des cahiers qui relatent le voyage d'Allemagne et de Scandinavie96).

Le cahier-registre du «florilège» compte 216 pages écrites et, ce qui est intéressant, une table qui facilite les recherches. Ces pages assez fati­guées indiquent un usage fréquent du volume. Leur numérotation est postérieure et normale.

e) Enfin, il y a sept cahiers de «Sermons». écrits entre 1869 et 1877, en caractères calligraphiques parés de fioritures. Dans le premier - avec reliure en carton et feuillets paginés - se trouvent ses premiers discours (1869-1871), à commencer par celui tenu à La Capelle, lors de sa Première Messe; il sera du reste repris, 25 ans plus tard, en 1893, avec quelques variantes.

Tous ces manuscrits sont rédigés d'une écriture déjà bien déterminée, mais non encore complètement évoluée. F. Giulietti dans son «Un testa­mento stenografico ed il Concilio Vaticano del 1870», (p. 8) dit de cette écriture: «Il Dehon ha una scrittura leggerissima, quasi evanescente».

Ceci nous permet de dire que l'écriture des deux premiers cahiers des Notes Quotidiennes n'est pas celle des manuscrits du temps des études du P. Dehon (1865-1871). Nous pouvons donc affirmer que nous som­mes en présence d'une transcription.

B) Quand a commencé cette transcription?

Le Père Fondateur n'a pas éprouvé le besoin de dater cette transcrip­tion, ni de nous dire si ces deux cahiers sont matériellement fidèles aux originaux. S'il y a des omissions, c'est parce qu'il a jugé bon d'en faire, peut-être au sujet de «grâces personnelles». Mais pour nous la question est importante. Pour la résoudre nous ne disposons pas de beaucoup de données. Elles se résument à ceci:

- les différents systèmes de pagination utilisés par le P. Dehon au cours des années;

- la date de composition des Mémoires (NHV);

- le type de cahier utilisé pour le journal.

Nous avons dit que les cahiers scolaires de Léon Dehon, dans les an­nées 1865-1871, étaient sans pagination. Elle a été ajoutée dans la suite. Les Archives Dehoniennes contiennent d'autres cahiers sans numérota­tion et cela jusqu'en 189697). On constate aussi que la pagination de cer­tains cahiers des NHV et des NQ a été faite dans la suite.

Nous constatons qu'à un moment donné le P. Dehon, désireux de met­tre de l'ordre dans ses manuscrits, ou bien de s'en faciliter la consultation, commence à paginer ses cahiers, d'abord par feuille (folio 1, recto, verso: folio 2, recto, verso, ect.). On constate que presque tous les cahiers des Ar­chives ont des tables bien faites, de la main du P. Fondateur, mais d'une v époque différente de celle du texte. On ne peut déterminer l'époque exacte à laquelle le P. Dehon employait la numérotation par feuilles. On la trouve dans les cahiers I et II de ses Mémoires (NHV) (dans celui-ci, seulement jusqu'à la page 83), ainsi que dans les cahiers IV, V, VI, VII, VIII et XI du journal (NQ). Sans doute le P. Dehon ne dut-il pas être trop satisfait de ce système et il commença à numéroter chaque page. C'est la pagination de plusieurs cahiers des Archives Dehoniennes.

Dans la pagination des Mémoires (NHV) et du journal (NQ), on trouve deux manières de numéroter les pages. C'est ainsi que dans les (de page 84 du cahier II à la fin du XIIe cahier) il y a la pagination intégrale: 1,2,3… etc.; tandis que dans les cahiers XIII, XIV et XV, la numérotation n'est qu'alternée (une page sur deux), avec chiffres im­pairs (1, 3, 5… ). Les cahiers du journal I, II, III, IX, X, XII, XV au dernier XLV ont les chiffres impairs, et les cahiers XIII et XIV de ce même journal les chiffres pairs.

Il résulterait de là une certaine indication: les cahiers I et II du jour­nal ne sont pas les originaux romains, mais une transcription tardive qui ne serait pas antérieure au temps où le Père Dehon avait abandonné la pagination par folio.

Nous savons, par les Notes Quotidiennes, la date à laquelle le P. De­hon a commencé à écrire ses Notes sur l'histoire de ma vie. Au 3 mars 1886, il écrit dans son journal: «Je commence à écrire des notes sur l'histoire de ma vie (les NHV) pour m'exciter à la reconnaissance envers N.-S. et au repentir de mes fautes. J'en espère un grand bien et comme un renouvellement».98)

Malheureusement dans la suite nous n'aurons plus que des allusions vagues dans les Notes Quotidiennes. Dans les Notes sur l'histoire de ma vie, ce n'est qu'indirectement qu'on peut situer la date à laquelle il les composait, par exemple: «Le St Père en a donné une partie (du «De Religiosis») dans la bulle «Auctis admodum»99).

En termes propres, il ne s'agit pas d'une Bulle, mais d'un Décret de la Congrégation des Evêques et Réguliers, qui porte la date du 4 novembre 1892. De cette citation, il faudrait conclure que les dernières pages du VIe cahier des Notes sur l'histoire de ma vie ont été écrites après le Dé­cret. Combien de temps après? Il semble que ce ne soit pas immédiate­ment après, car la confusion entre Bulle et Décret n'aurait pas été faite probablement par le Docteur en Droit Canonique qu'était le P. Dehon. Il s'agit sans doute d'une citation de mémoire, faite un certain temps après la parution du Décret.

On peut citer un autre exemple, donné quelques pages après le texte susdit: «…ce que nous attendions du Concile, le Saint-Père nous le don­ne peu à peu. De là ses enseignements sur l'Ecriture Sainte (Providentis­simus Deus - 18 nov. 1893), sur la constitution chrétienne des Etats (Immortale Dei - 1 nov. 1885), sur le mariage (Arcanum Divinae Sa­pientiae - 10 février 1880)»100).

Puis un peu plus loin: «Mais le St-Père dans ses Lettres Encycliques a traité au moins en partie des moeurs du clergé (Depuis le jour - 8 sept. 1899)101), des études ecclésiastiques (Aeterni Patris - 4 août 1879), de la prédication102), du mariage, des ouvriers (Rerum Novarum - 15 mai 1891), des sociétés secrètes (Humanum genus - 20 avril 1884)»103).

Je n'ose pas affirmer avec certitude absolue que dans l'allusion aux moeurs du clergé, il s'agisse de l'Encyclique «Depuis le jour…» que j'ai indiquée entre parenthèses, car il y a un autre court document pontifi­cal, envoyé le 2 juillet 1894 à l'épiscopat brésilien (Litteras a vobis) qui, entre autre, traite également des séminaires et, de manière succincte, de la formation du clergé. On peut donc avancer l'hypothèse que le VIe ca­hier des NHV est postérieur à 1894. Nous avons effectivement quelques références dans les Notes quotidiennes qui vont dans le sens de notre hy­pothèse: «Cet hiver… j'avais de vieilles notes à mettre au courant»104)… «J'ai toujours une correspondance considérable, j'ai la Revue à écrire, des conférences à rédiger, des notes à relever»105)… «Mois de travail: la Revue, mes notes, mes conférences, etc. »106). «Le mois se passe à écrire des correspondances et des notes. J'avais tant de choses en retard»107). «Je reprends mes petits travaux quotidiens: notes, études, ré­dactions»108). «J'avais beaucoup de vieilles notes à mettre au courant. N.-S. m'a laissé tout cet hiver une santé passable pour que je puisse y. suffire. Je reviens sur les premières années de l'œuvre et ses épreuves. Ma foi dans les desseins de Dieu s'affermit»109).

Dans la suite, sauf une petite allusion en octobre 1914, il n'y a plus dans les Notes Quotidiennes d'allusion à des «notes» à rédiger.

Que peut-on déduire de ces affirmations de notes à «mettre au cou­rant», «à relever»? On sait que le P. Dehon appelle «notes» ses «Notes sur l'Histoire de ma Vie» et ses «Notes quotidiennes». L'expression «notes à mettre au courant» convient surtout à ses «Notes sur l'Histoire de ma Vie», bien que des passages nombreux de ses «Notes quotidien­nes» ne semblent pas avoir été composés au jour le jour. C'est surtout évident pour ses «voyages». D'autre part, il ne peut guère être question des deux premiers cahiers des NQ (notes spirituelles) dont l'écriture est trop caractéristique. En plus, le P. Dehon fait allusion en 1902 aux pre­mières années de l'Œuvre, à ses vicissitudes. Il ne peut être question, semble-t-il, que des «Notes sur l'Histoire de ma Vie», dont les cahiers XII, XIII, et XIV relatent justement ces événements. Ses Mémoires cessent au milieu du XVe cahier noir. Ces cahiers des Notes sur l'Histoi­re de ma Vie sont de format semblable, à la couverture de moleskine noire, assez souple, sauf le premier qui porte, seul, le titre du collège St­-Jean. Des cahiers gris des Notes quotidiennes, exactement les cahiers IV (commencé le 12 nov. 1887) à XII inclus (terminé le 24 mai 1898) por­tent aussi l'emblème du collège St-Jean, comme le cahier I des Notes sur l'Histoire de ma Vie.

On pourrait peut-être avancer l'hypothèse que les cahiers à emblème St-Jean correspondent à une date à laquelle il était encore Supérieur de St-Jean.

On sait les tribulations des années 1889-1896 où, vraisemblablement, le P. Dehon dut avoir bien peu de loisir et de paix pour composer ses Mémoires. Il avait commencé avec ferveur le premier cahier de ses Mé­moires en 1886. Les autres ont dû s'espacer sans doute pour reprendre au temps où l'abandon du collège St-Jean donnera à leur auteur plus de loisir. On pourrait suggérer l'année 1897 comme période active de repri­se.

Voici quelques allusions datées: «Je quitte l'Institution où j'ai vécu pendant 16 ans, pour habiter la maison du S.-Cœur»110). «St-Jean avait été le berceau de l'Œuvre. J'y avais vécu vingt ans (soit jusqu'en 1897) et après vingt-quatre ans, S. Jean se sécularisait, en attendant peut-être sa fermeture!»111).

«C'est cette année (1882) que s'accomplit l'occupation du Congo Bel­ge jusqu'aux Falls par Stanley. Je le signale parce que la Providence nous préparait là une mission» (NHV XIV, 96-97). Or la mission de Stanley-Falls a été fondée en 1897.

«J'aurais pu continuer cette thèse et je l'ai fait plus tard dans mon Ca­téchisme Social» (NHV XV, 25). Le Catéchisme Social a été publié en 1898.

«Si nous avions suivi cette discipline du ralliement dès 1884, nous n'en serions pas ou nous en sommes aujourd'hui» (NHV XV, 25. Gou­vernements Waldeck-Rousseau (1899-1902) et Combes (1902-1905). Evidemment il ne faudrait pas trop presser ces textes quand on sait que le P. Dehon n'a jamais été un fervent des dates exactes.

Quoi qu'il en soit, il semble bien que les Mémoires du P. Fondateur (NHV), commencés le 3 mars 1886, ont été surtout rédigés dans les an­nées 1897-1902.

Pour écrire ses Notes quotidiennes, le P. Dehon, comme on le sait, s'est servi de «cahiers gris» de format écolier, plus petit, que le format «cahier noir» des Notes sur l'histoire de ma vie. Ces cahiers gris présen­tent matériellement quelques différences entre eux. On trouve ainsi sept cahiers qui sont de la même présentation que les deux premiers, appor­tant les notes de méditation et de retraite du temps des études à Rome. Il y a aussi un cahier de même facture employé pour transcrire ses notes de retraite, faite «en mer» après le 11 février 1911112).

Ces cahiers ont été employés en des temps différents: du 3 juillet 1900 au 29 juin 1904, pour les cahiers XVI, XVII et XVIII; du 29 septembre 1906 au 15 septembre 1907, pour les cahiers XXI, XXII et XXIII; il y a enfin un cahier qui relate les événements de février-mars 1911, soit le voyage final autour du monde, de Bombay à Marseille. Ce cahier, en réalité, n'a été écrit qu'en mars 1912. C'est le XXXIIIe.

On pourrait chercher à expliquer ces interruptions dans l'emploi des cahiers du type susdit. Il semble nous le dire quand il écrit: «J'emballe mes papiers et quelques livres. J'aurai des éléments de travail à Rome, à Bruxelles; rien de complet, rien d'organisé»113). «Je n'ai plus rien sous la main. Papiers et livres se dispersent, à Rome, à St-Quentin, à Bruxelles! »114). J'habite au S.-Cœur presque seul, sans livres, sans ar­chives»115).

C'est la persécution de Combes qui, chassant les religieux de France, avait contraint le P. Dehon à transférer la Maison-Mère de St-Quentin à Bruxelles. C'est pour cette raison que ses archives se trouvaient disper­sées en divers lieux, ainsi que d'autres choses comme livres, papiers, ca­hiers. C'est probablement la raison pour laquelle on trouve des cahiers de même type employés en des temps différents. Le dernier fut employé en 1912, selon son propre témoignage: «Je commence à écrire mes notes de voyage (du tour du monde); il y en a pour un an»116). «J'achèverai toutes mes notes sur mon grand voyage»117). «J'ai achevé d'écrire les no­tes de mon grand voyage. Ces notes m'ont pris une année, mais sans ce travail, j'aurais gardé un souvenir bien vague de tant de choses intéres­santes»118).

Il y a neuf cahiers des NQ pour le voyage autour du monde (de Cher­bourg, 10 août 1910, à Marseille, 2 mars 1911), les cahiers XXV à XXXIII. Le dernier de ceux-ci, rédigé en mars 1912 est justement le 7e des dix cahiers, du type de ceux qui ont servi à reproduire les «Lumina et proposita» des années 1867-1870. Deux ans plus tard, pendant la pre­mière guerre mondiale, le Père Dehon, enfermé à St-Quentin, écrit dans son journal: «J'ai des loisirs forcés pour mettre bien des notes au cou­rant»119).

Ces notes ne sont sûrement pas les «Notes sur l'Histoire de ma Vie», arrêtées comme nous l'avons dit en 1903. Il ne s'agit pas non plus du journal qui était composé au fur et à mesure que les jours ou les semai­nes passaient. Peut-être s'agissait-il des deux premiers cahiers des Notes Quotidiennes? Effectivement ils sont de l'écriture de cette époque.

Nous trouvons à la mi-décembre 1915 cette réflexion sur ses cinquante premières années de vie ecclésiastique: «C'est la vie intérieure qui m'at­tire. Je relis les notes que j'ai écrites sur ce thème: Union à Dieu, union à N.-S.-J.-C., présence de Dieu, paix intérieure, intention pure, con­templation…»120).

On est invité à songer aux thèmes des deux premiers cahiers des Notes Quotidiennes, qui sont effectivement comme un journal de l'âme, où le P. Fondateur se plaît à faire de temps à autre une lecture spirituelle, en soulignant au crayon bleu les passages ayant trait au S.-Cœur.

En conclusion:

Il semble bien qu'on puisse dire que les cahiers I et II des Notes Quo­tidiennes doivent avoir été retranscrits après 1900, date à laquelle com­mence l'usage de cahiers de ce type, et avant décembre 1915, date à la­quelle le P. Fondateur semble les relire avec grande attention et dévo­tion.

L'écriture semble être celle des cahiers des Notes Quotidiennes écrits entre 1907 et fin 1914, donc environ quarante ans après la première écri­ture.

C) Le problème de la fidélité à l’original

On peut se poser la question de savoir si le P. Dehon a transcrit fidèle­ment l'original, s'il y a introduit des variantes, des corrections, des pré­cisions…

Dans les Notes sur l'Histoire de ma Vie, comme il a été dit, le Père Dehon a présenté de nombreux textes de ses notes spirituelles des pre­mières années cléricales. On peut dire en raison de certaines indications, qu'il serait fastidieux d'exposer, que la copie des Notes sur l'Histoire de ma Vie est antérieure à celle des Notes Quotidiennes de plusieurs an­nées, que les deux transcriptions ont été faites directement sur l'original et sont indépendantes l'une de l'autre.

Nous nous permettons cependant, pour ceux qui sont pressés, de dire ce qui suit.

- Le texte original doit avoir été plus long que celui que nous possé­dons.

Dans les Notes sur l'Histoire de ma Vie, au moment où le Père Dehon parle de la fin de l'année 1865, il écrit: «Je commençais dès lors à noter presque chaque jour mes impressions, ce qui me permet de retrouver d'une manière sûre les traces de l'action divine et du plan divin sur ma pauvre âme»121).

Et, immédiatement, il nous présente quelques textes des manuscrits originaux. Quelques cahiers plus loin, avant de faire d'autres citations, il note: «Je n'ai pas été fidèle cette année à écrire mes impressions quoti­diennes. J'ai essayé pendant quelques jours, fin décembre 72 et janvier 73, puis je l'ai laissé»122).

Ceci nous avertit du fait que l'original était plus long que le texte ac­tuel; qu'il s'étendait, avec des lacunes plus ou moins considérables, de 1865 jusqu'à l'année 1873, alors que notre texte comprend seulement les années 1867-1870 et avec certaines omissions, comme on le dira.

Matériellement parlant les cahiers primitifs devaient être du type de ceux qui nous sont restés de cette époque, à savoir les deux cahiers qui contiennent les «Notes sur le Concile»123). Dans ce cas il y aurait eu envi­ron cinq cahiers distribués sur les années 1865-1873, dont les textes con­servés de 1867-1870, pourraient avoir été la matière de trois cahiers de ce type ancien.

Comme nous venons de le dire, la copie des Notes sur l'Histoire de ma Vie doit avoir précédé celle des Notes Quotidiennes en raison d'un examen de l'écriture. Il semble bien que les deux premiers cahiers des Notes Quotidiennes aient été écrits à St-Quentin, tandis que les Notes sur l'Histoire de ma Vie ont été composées surtout à Rome.

- La copie que nous possédons n'a pas repris, matériellement par­lant, tous les textes de l'original, soit dans les Notes Quotidiennes, soit dans les Notes sur l'Histoire de ma Vie.

On trouve parfois un pointillé qui suppose une omission. Et effective­ment, il arrive qu'en confrontant une copie avec l'autre, on puisse re­monter à l'original; si je ne me trompe pas il n'y a guère qu'une dizaine de fois que la reconstitution de l'original s'avère impossible.

On peut encore dire qu'il y a le cas spécial des pointillés à la fin du premier cahier des Notes Quotidiennes et à la page 3 du second cahier (19 juillet 1869, jour de la Première Messe à La Capelle) ainsi qu'aux pages 51 (après le 28 janvier 1870) et 58 (20 février 1870, fin du second cahier). Il est probable, qu'avec ces pointillés de la fin du premier cahier et du second, le Père Dehon voulait insinuer que le texte continuait en­core, comme d'ailleurs nous en avons la preuve pour la fin du second ca­hier, d'après le texte plus complet des Notes sur l'Histoire de ma Vie124). Les deux autres pointillés ne nous permettent aucune indication. Pour­quoi les omissions de la dernière transcription? On ne peut guère que ré­péter ce qui a déjà été insinué plus haut: il ne lui a pas paru intéressant de laisser ces textes à la postérité, étant donné le but poursuivi ou la pu­deur éprouvée à révéler des choses trop intimes.

D'ailleurs il est probable que les passages omis ne doivent pas être bien considérables. Ainsi les lacunes entre le 20 janvier et le 2 février 1870 et aussi entre le 19 juillet et le 27 octobre 1869 (temps des vacances!).

De tout ceci, il résulte que nous devons posséder, à peu de choses près, la totalité du contenu des cahiers originaux contenant les «Lumina et proposita» des années 1867-1870.

- Pour ce qui est des variantes, comme on pourra s'en rendre comp­te personnellement, elles sont de celles qui arrivent à qui retranscrit son texte original: une précision, une meilleure expression, une omission, un changement de mot.

D'autre part nous pouvons remarquer une différence entre les deux cahiers, différence qui a été respectée. D'une part il y a le pieux sémina­riste qui fait consciencieusement sa revue de méditation, tout tendu vers le sacerdoce. D'autre part, il y a le jeune prêtre, tout à la joie de son union au Christ dans le service de ses frères. On doit reconnaître que la tentation était réelle de transposer dans des textes assez lointains les sen­timents d'un âge plus avancé. Or le prêtre d'âge mûr a respecté l'ingénuité des premières années de sa jeunesse cléricale. Ceci nous est une garantie de fidélité substantielle aux originaux.

Etude comparative entre les deux transcriptions des «Lumina et proposita».

1. Les différences

- Les Notes Quotidiennes I qui rapportent les textes de l'année sco­laire 1867-1868 comprennent 138 pages manuscrites, avec deux tables: l'une analytique, l'autre chronologique. Tandis que les Notes sur l'Hi­stoire de ma Vie (cahiers V et VI) n'en reproduisent environ que les trois quarts, avec cependant une ajoute de vint-cinq passages qui ne sont pas dans les Notes Quotidiennes, passages plus ou moins longs.

- Les Notes sur l'Histoire de ma Vie n'ont pas reproduit les textes des 8,9,10 février; 22 et 27 mars; 19 juillet; 2 et 22 novembre; 5,10.15 et 21 décembre 1869, ainsi que ceux des 7,16,17,19,20 janvier et 13,14 février 1870 que seules les Notes Quotidiennes nous livrent, au second cahier.

Par contre les Notes sur l'Histoire de ma Vie nous livrent des textes, au cahier VIII, qui manquent dans les Notes Quotidiennes. Ils sont de 1870, de mars (19,20,21,24,27,28), d'avril (10,11,12,17,27) et de mai (15).

On pourrait peut-être avancer cette hypothèse pour l'absence de ces textes dans les Notes Quotidiennes. Ils doivent avoir été écrits à l'époque dont on a parlé plus haut. Le P. Dehon avait été obligé de disperser sa documentation entre St-Quentin, Bruxelles et Rome. Il a pu se faire qu'au moment où il transcrivait ses «lumina et proposita» dans Notes Quotidiennes II, les textes insérés dans les Notes sur l'Histoire de ma Vie lui manquaient. Nous avons dit plus haut que ce cahier doit être as­sez tardif.

- Il faut encore dire un mot des textes soulignés. On remarque que dans les Notes sur l'Histoire de ma Vie les textes latins et les titres sont soulignés à la plume. Dans les Notes Quotidiennes, au contraire, il y a peu de textes soulignés à l'encre (six), mais beaucoup (24) de ceux qui ont trait au Cœur de Jésus, à l'esprit de victime, sont soulignés au crayon bleu. Il s'agit sans doute d'une relecture du P. Dehon en des temps où ses loisirs forcés lui donnaient plus de temps pour la réflexion, la lecture méditée. Ainsi on trouve dans les Notes Quotidiennes: «Deux ans et demi de blocus à St-Quentin: j'avais besoin de me recueillir, de me séparer du monde, d'achever quelques études et `quelques travaux»125).

Il avait écrit auparavant: «Ces trois années passées dans une sorte de réclusion m'ont permis… de mettre de l'ordre à bien des affaires et à ma vie intérieure»126)

Dans l'édition présente on ne fera pas de différence entre les traits à l'encre et ceux au crayon bleu.

2. Observations complémentaires à propos des deux premiers cahiers des Notes Quo­tidiennes

On lit au début du ler cahier des Notes Quotidiennes: «Ce cahier est résumé dans le 7e cahier noir» (NHV). Et de même au début du second cahier des NQ, on lit: «Ce cahier est résumé dans les 7e et 8e cahiers noirs» (NHV).

Ceci n'est vrai qu'en partie, car «le 7e cahier noir» ne parle que du Concile et de ce qui s'y rapporte. La matière du ler cahier des Notes Quotidiennes est dans les Ve et VIe cahiers noirs (NHV), tandis que le second cahier des NQ se retrouve seulement dans le VIIIe cahier «noir».

Ceci peut venir d'une défaillance de mémoire, alors que le Père Fon­dateur n'avait plus sous la main les documents (les cahiers «noirs») pour contrôler ses assertions.

On note aussi des défaillances dans la numérotation des pages, qui a été faite, ainsi qu'il a été dit plus haut, selon des modes différents. C'est ainsi qu'après la page 70 du ler cahier, un lapsus lui fait reprendre les chiffres 63,65,67,69, qu'il notera d'un trait bleu.

On a aussi l'impression que le P. Dehon a modifié d'un cahier à l'au­tre l'usage du «je», du «nous»; dans le ter cahier des Notes Quotidien­nes seuls 11 jours sur 189 ont «je»; tandis que dans le 2e cahier, 44 jours sur 115 ont «je». On pourrait en conclure que dans la retranscription le P. Fondateur a quelque peu «dépersonnalisé» les textes primitifs, car un journal s'écrit normalement à la première personne. Il pense déjà à ses religieux qu'il exhorte indirectement.

Presentation des deux premiers cahiers

Après cette longue introduction critique, il est nécessaire de pénétrer plus avant dans la pensée spirituelle des deux premiers cahiers du Jour­nal. Ainsi, il sera possible de comprendre un peu l'origine du charisme de notre Fondateur et de saisir également, pourquoi, après tant d'an­nées, il a voulu recopier ces deux cahiers pour nous en laisser l'héritage.

Impossible de tout dire en une préface de quelques pages; je me bor­nerai donc aux points principaux et vais suggérer des thèmes pouvant servir à une étude plus approfondie pour qui en aurait le désir.

Nous l'avons vu, notre texte est pratiquement intégral et authentique, même s'il ne s'agit pas de l'original. Il faut découvrir le fondement ini­tial de cette spiritualité et son fil conducteur, pour connaître l'optique du P. Dehon dans sa conception et sa pratique du «Suis-moi» que le Sei­gneur adresse à tous ceux qui s'en approchent avec des sentiments de disponibilité.

C'est manifeste, relisant après trente ans les originaux pour les tran­scrire en ses Mémoires, le P. Dehon a, pour ainsi dire, redécouvert son charisme. Il vaut mieux lui laisser la parole.

- Parlant de sa première année d'études à Rome, il écrit: «Notre­Seigneur s'empara bien vite de mon intérieur, et il y établit les disposi­tions qui devaient être la note dominante de ma vie, malgré mille défail­lances: la dévotion à son Cœur Sacré, l'humilité, la conformité à sa vo­lonté, l'union avec Lui, la vie d'amour, tel devait être mon idéal et ma vie pour toujours. N.-S. me le montrait, m'y ramenait ainsi à la mission qu'il me destinait pour l'Œuvre de son Cœur»127).

- Se rappelant son ordination de sous-diacre le 21 décembre 1867, il note: «N.-S. me conduisait peu à peu à l'union avec son divin Cœur, me préparant ainsi à la vocation qu'il voulait me donner plus tard»128).

- Et quelques pages plus loin, il ajoute: «Cette année (1867-1868) a été vraiment une des meilleures de ma vie. Il me semble que N.-S. m'y a fait faire mon noviciat de vie religieuse et qu'il en a été lui-même le maître. Je crois en comprendre aujourd'hui le motif… Les lumières qu'il me donnait dans toutes mes oraisons de cette année-là étaient si conformes à notre vo­cation de Prêtres-Oblats du Cœur du Jésus, que mes notes mêmes pour­raient servir du thème à un directoire spirituel de l'œuvre»129).

- Enfin, à la pensée de son ordination sacerdotale, il insiste, en écri­vant: «Je me préparai de bon cœur, en lisant M. Olier et le P. Chai-gnon. N.-S. voulut bien me préparer lui-même en me donnant des grâ­ces abondantes. Il avait certainement en vue ma mission actuelle. Je le vois clairement aujourd'hui. Il me donnait si généreusement cet esprit d'amour et de réparation qui est le caractère de ma vocation»130).

Aujourd'hui, cette vocation du P. Dehon serait qualifiée d'adulte, parce que peu sujette aux indécisions de la jeunesse et ouverte aux pro­blèmes du Peuple de Dieu et aux exigences de la société contemporaine. Fin octobre 1865, à son entrée au séminaire français de Santa Chiara, à Rome, il était un jeune homme excellent, décidé à l'engagement aposto­lique, après avoir renoncé au barreau pour le sacerdoce; il était certes décidé à se préparer sérieusement à sa nouvelle mission et disponible aux appels de la grâce, mais, bien sûr, ses connaissances théologiques et ascétiques étaient encore élémentaires.

Aussi, en lisant le premier cahier des «Notes Quotidiennes» - écrit un peu plus de deux ans plus tard - on est bien surpris de se trouver tout à coup en face d'un texte d'une remarquable profondeur spirituelle et contenant déjà les lignes de force d'un charisme spécifique; il pourrait s'expliciter ainsi: oblation réparatrice par amour, vécue en union avec le Christ, que l'amour du Père a donné en don à l'humanité déchue, pour qu'à notre tour, nous puissions l'offrir à Dieu «comme victime d'expia­tion pour nos péchés»131).

Une question est bien naturelle dès lors: outre l'intervention directe de la grâce de Dieu, quelles furent les sources où le Père Dehon puisa cette spiritualité et quelle en fut l'influence?

Le P. Dehon lui-même nous les indique.

a) Surtout «l'Ecole Française» et son Christocentrisme dominant; commencé par de Bérulle, ce courant spirituel fut approfondi par de Condren et Olier. En préparation à son ordination, l'abbé Dehon lut seulement M. Olier; mais son vrai maître durant ces années fut Liber­marin: «Le bon Père Freyd me confia pour me guider dans l'oraison les écrits inédits du Vén. P. Libermann. Il en avait une copie. Rien ne pou­vait m'être plus avantageux. Je n'ai jamais rencontré depuis de traité de l'oraison plus clair, plus exact et plus pratique»132).

En suivant «cette méthode d'oraison mentale» suggérée par le P. Li­bermann, le P. Dehon choisissait «de préférence les sujets relatifs aux mystères de N.-S.», et tendait à l'union avec lui; et il arrivait ainsi à «l'oraison d'affection» où «l'âme fait tout par amour» et aussi à la contemplation133). Et voici sa conclusion: «En décrivant ces grâces divi­nes, j'ai décrit, si je ne me fais pas illusion, ce que l'infinie miséricorde de Dieu a opéré dans mon âme, par degrés et avec quelques lacunes qu'y mettaient mes résistances et mes imperfections»134).

Pour connaître l'ampleur de l'influence de l'Ecole Française et du P. Libermann sur la spiritualité d'oblation du P. Dehon, il serait utile et nécessaire de s'atteler à une étude approfondie de la question.

b) Ensuite, il y eut «la magistrale exposition du dogme de Franzelin, de Schrader et de Moehler»135).

A propos de Franzelin, voici ce que le P. Dehon lui-même écrit, après de nombreuses années d'expérience pastorale et religieuse: «Franzelin devait ouvrir une voie nouvelle… Ses cours ont été pour moi une des grandes grâces de ma vie. Il donnait si bien le sens théologique! Il nous faisait entrer dans la vie du dogme et nous montrait son développement et ses progrès. Il possédait merveilleusement les Pères et en tirait toute la substance de son exposition. Tout ce qu'il a écrit a été médité et pensé, il n'a rien copié… Son enseignement profond et puissant nous captivait. Il était aimé de ses élèves. Il avait le don d'enthousiasmer. On sentait vi­brer dans sa parole l'allégresse de la vérité reçue du ciel, la sainte flam­me de la science de Dieu. Nous le vénérions, non seulement comme un savant, mais comme un saint. J'ai étudié avec lui les traités de la Trini­té, de la Tradition, de l'Eucharistie, des Sacrements, de l'Incarnation… Il a pu ainsi nous former le sens théologique sur tout l'ensemble du dog­me catholique»136).

Un bon sujet de thèse serait la comparaison entre la théologie de Fran­zelin et celle qui se fait jour dans les deux premiers cahiers du journal; un autre sujet d'étude: l'influence exercée sur le charisme du P. Dehon par les cours «De Verbo Incarnato» du même professeur.

Il est probable que les écrits et les idées de Schrader soient à l'origine de la fidélité à toute épreuve au Siège de Pierre et aussi de l'amour que le P. Dehon porta aux Papes de son temps. Se reportant à sa seconde année d'études, il écrit: «Je devenais, comme tournure d'esprit, de plus en plus romain. J'étais en garde contre le libéralisme»137).

Enfin, il me semble (salvo meliore judicio) que la doctrine de Moehler a été connue du P. Dehon, moins par un contact direct que par l'inter­médiaire de Franzelin et de Perrone138).

c) Pour se faire une idée complète des différentes sources qui ont in­spiré la spiritualité du P. Dehon, il faut examiner les lectures spirituelles faites durant les deux années qui ont précédé la rédaction première des «Lumina et Proposita» de ces premiers cahiers du journal. Avec une précision remarquable, il nous donne ce renseignement, dans les Mé­moires, année par année.

Année académique 1865-1866:

«Pour ce qui est des Pères, je lus de St. Augustin, la Cité de Dieu et des lettres; de St. Jean Chrysostome, le traité du Sacerdoce et des homé­lies; de St. Jerôme, des lettres; de St. Ambroise, le traité de la Virginité… Comme lecture spirituelle, je pris pour cette année, St. François de Sales, sa vie et ses œuvres; Saint Jure, L'homme spirituel; Ste Gertrude, ses Révélations; Dom Guéranger, ses œuvres; et la vie de St. Berchmans»139).

Année académique 1866-1867:

«Comme lectures spirituelles, je lus Rodriguez, qui est le vrai catéchi­sme de la perfection; St. Jure qui développe si bien les motifs d'aimer N.-S.; St. Liguori et ses délicieuses méditations; le traité de la paix inté­rieure du P. de Lehen, si utile aux âmes agitées et troublées. J'avais un petit recueil de sentences de St. Ignace; j'en notai une qui correspondait au principal besoin de mon âme; la voici: Il ne faut pas se laisser séduire par un certain zèle qui nous rend inquiets sur les désordres du monde: nous devons commencer par nous réformer nous-mêmes et voir ensuite, pour ce qui regarde les autres, de quoi Dieu nous demandera compte au jour du jugement»140).

Année académique 1867-1868:

«Mes lectures spirituelles de cette année-là étaient les opuscules si chauds, si pleins d'amour de St. Augustin, les prières et les exercices de Ste Gertrude, la vie du P. Libermann. Ces lectures étaient conformes à mes goûts toujours plus accentués de vie intérieure et d'amour de N.-S. J'aimais ma cellule et la vie paisible du séminaire… Cependant je sen­tais qu'il fallait attendre pour ma vocation les indications de la Providen­ce. Je copiais aussi cette règle rappelée par Mgr Pie:… Dieu permet sou­vent que l'indice des destinations diverses se trouve non seulement dans la diversité des attraits, des goûts et des aptitudes, mais dans la nécessité matérielle ou morale des situations»141).

De tous ces auteurs spirituels, je pense que Saint Jure a eu la plus grande influence sur le P. Dehon et a marqué davantage son esprit d'une empreinte définitive. A. Bonningue, dans le Dictionnaire de Théologie Catholique (XIV1 764-765), donne la synthèse suivante de la doctrine spirituelle de Saint Jure: «L'amour et l'union à Dieu consti­tuent le noeud de sa synthèse, où la considération de l'humanité du Christ occupe la première place… L'incarnation, en vertu de l'étroite conjonction des hommes avec l'humanité du Christ, exerce son rayonne­ment et sa force d'attraction sur l'homme et, par l'homme sur toutes choses. Première étape du retour à Dieu de toutes les créatures offertes au Père par le Christ dans son sacrifice éternel. Enfin, pour procurer à la création son achèvement et pour réaliser la glorification de Dieu dans l'union parfaite des hommes avec lui, il faut que les hommes renaissent à la vie nouvelle qui les fera enfants de Dieu. Vie nouvelle qui suppose une participation réelle de la nature divine et le don de l'Esprit-Saint… Cette participation exige aussi le contact de l'humanité de Notre-Seigneur en l'eucharistie; comme l'incarnation constitue un élargissement de l'éter­nelle génération du Verbe, l'eucharistie achève l'incarnation par l'in­corporation parfaite et personnelle des hommes au Christ: Dieu le Père s'unit à son Fils par la génération éternelle en unité d'essence, le Fils s'unit à l'homme dans l'incarnation en unité de personne; et puis à tous les hommes en unité de sacrement et au moyen de l'union qu'il leur don­ne avec son humanité, il les unit à sa divinité et par soi-même à son Père. Voilà le motif, l'issue, et le retour du voyage du Verbe divin sortant du sein de son Père, et entrant dans celui de sa Mère pour venir à nous» (Connaissance et amour… 1. III, c. X, s.l.).

Or tout cela est en harmonie avec ce que Léon Dehon écrivait en ses deux premiers cahiers des «Notes Quotidiennes». En tout cas, comme nous le verrons encore mieux par la suite, on y trouve déjà bien marquée la caractéristique de son charisme: l'oblation réparatrice par amour.

Pour comprendre le sens et la portée des deux premiers cahiers du journal (NQ), il faut les replacer dans leur contexte psychologique: épo­que et but de leur composition.

Leur rédaction se place à des temps forts de la vie spirituelle du Père Dehon: préparation au sacerdoce (1er cahier), et joie d'être, par la grâce de Dieu, un «Alter Christus»142) et de pouvoir s'offrir, avec Lui, au Père, pour le rachat des frères et de la société143) (2e cahier). Ces motifs ont cer­tainement influencé le choix du sujet et la décision d'écrire. Mais ceci aura également influé sur sa décision: le désir de recueillir pour l'avenir les bonnes inspirations de ces années à vie spirituelle intense.

Comme le dit le sous-titre, ce sont des «Lumières et Résolutions» de la méditation quotidienne, écrites au jour le jour, peut-être, immédiate­ment, après l'exercice spirituel. Il est donc inutile d'y chercher un thème unique ou un lien rigoureux d'un jour à l'autre; on peut admettre que la même pensée est reprise plusieurs fois, sous différentes formes et qu'on trouve un certain nombre d'interprétations pour le même mystère ou la méditation d'un même texte biblique. Mais, les sujets peuvent varier, c'est un leitmotiv identique qui vibre partout: l'oblation d'amour. Dieu le Père, qui, par amour, donne son Fils à l'humanité; Dieu le Fils, qui, par amour, s'incarne dans le sein de Marie afin de mieux s'offrir en vic­time de réparation, Marie qui, par amour de Dieu et des hommes, ac­cepte d'être la Mère de Dieu et de l'Eglise; et le jeune Léon Dehon, qui comme Marie, en union avec le Christ et dans le Cœur du Christ, par amour de Dieu, fait l'oblation de tout lui-même au Père, pour son salut et pour celui des hommes et de la société.

A) Pour mieux comprendre l'importance et la valeur du premier ca­hier du Journal (NQ), il faut prendre connaissance de certaines données qui ressortent de l'examen interne du texte.

- D'abord, il est bien clair, même pour un lecteur distrait, que le but du manuscrit est exclusivement spirituel. C'est un simple colloque de l'âme avec Dieu, même si dans la retranscription il est fait fréquem­ment usage du pluriel ou de la forme impersonnelle. L'auteur, assoiffé d'amour de Dieu, semble vivre dans une atmosphère surnaturelle peu commune, animé du désir continuel de s'améliorer pour être davantage uni au Christ, participer à ses mystères, et former avec Lui une oblation d'amour au Père, pour le salut propre et des frères.

- Son univers est celui du séminaire. On n'y fait allusion, ni à Ro­me, ni à la France, ni aux événements religieux ou politiques de cette année académique (1867-1868). Hormis sa préparation au sacerdoce, son ordination au sous-diaconat et au diaconat, on n'y trouve aucune ré­férence à des événements personnels ou concernant sa famille.

- Autre constatation importante: absence absolue de toute influence, directe ou indirecte, des courants de spiritualité qui se développaient en France durant ces années comme le mouvement de La Salette ou de Paray-le-Monial, etc…

- Toute la spiritualité de ce cahier prend racine dans l'Ecriture Sainte. Les citations, suivant le besoin, viennent indifféremment de l'Ancien ou du Nouveau Testament. En 138 pages du manuscrit, il y a 210 citations latines de l'Ecriture, avec une préférence pour St. Jean /57fois cité) et St. Paul (36 fois cité). Ces citations sont faites de mémoire et pas toujours fidèles au texte de la Vulgate. Cela montre que le texte est rédigé spontanément, d'un premier jet, et aussi que le séminariste Léon Dehon connaissait bien la Bible. Cela explique pourquoi, à quel­ques rares exceptions près, les citations se font sans références précises à l'écrivain, au livre, au chapitre et moins encore au verset.

- Il y a aussi certaines citations de la liturgie du jour où il écrit ses «lumières et résolutions»; çà et là, quelques passages d'auteurs chré­tiens comme St. Ignace de Loyola144), St. Bernard145), St. Irénée146), l'Imita­tion de Jésus-Christ147), St. Augustin148), M. Olier149) et St. Prosper d'Aquitaine150).

- En dehors des Retraites (16-21 décembre 1867, 6-9 avril et 29 mai 6 juin 1868), et des Récollections, mensuelles (5 janvier, 9 février, 8 mars et 10 mai 1868), le séminariste Léon Dehon, pour ses méditations quotidiennes, suit d'habitude le cycle liturgique avec ses fêtes principa­les. Les lumières, ayant un intérêt pour son charisme, se trouvent un peu partout dans le cahier; mais durant le Carême, il y a davantage de clarté et de précision et sa spiritualité est plus profonde et plus théologi­que. Durant le mois de mai, il préfère s'arrêter aux enseignements que lui suggère la vie de la Vierge; il en est résulté un «petit mois de Marie». En juin, son esprit s'élève en un hymne de louange à l'Euchari­stie.

B) Dans le second cahier, outre ce qui a déjà été dit précédemment (usage plus fréquent de la première personne, joie d'être prêtre du Christ pour collaborer avec lui au salut de ses frères), on peut relever certaines particularités propres.

- Les notes quotidiennes sont plus brèves, plus spontanées, et en un certain sens plus vives et plus chaudes. La cause en est peut-être sa tâche de sténographe du Concile qui ne lui laissait pas beaucoup de temps pour écrire ses «lumières et résolutions» de la journée. Cette promptitu­de se reflète également dans le style plus simple, marqué d'une plus grande sérénité et de plus de sûreté de soi.

- A la différence du premier cahier, ici, le texte est moins détaché de la réalité ambiante et du contexte de vie dans lequel l'abbé Dehon se meut. De fait, les références au Concile ou à des circonstances person­nelles sont fréquentes. Il commence par une allusion aux émotions de sa Première Messe à La Capelle, à la joie de sa famille, aux difficultés de santé, à l'étude de la sténographie151). Plus loin, c'est le désir ardent de voir ses êtres chers plus proches du Seigneur152).

Il parle ensuite du Concile153), et fait allusion aux avis divergents des Pères Conciliaires sur l'opportunité de définir l'infaillibilité du Pape154). Son zèle pour le salut des hommes éclate dans la prière pour le retour à Dieu des peuples, de la science et des arts155) et aussi de la patrie qui, comme le jeune homme cher à St Jean, s'est laissée fourvoyer par les idées philosophiques de la Révolution156). Il exprime aussi sa joie d'étu­dier à Rome, source de la vérité et d'être ainsi à l'abri des préjugés et dés passions qui ont entraîné dans l'erreur les hommes les plus éminents de France157). C'est aussi la foi et la piété admirables de Pie IX158) et le beau discours sur l'Eglise, de Mgr Pie, prononcé à St. André-de-la-Vallée159). - Sans oublier complètement la pensée liturgique ou le saint du jour (il nomme St. André, St. François Xavier, St. Thomas de Canterbury et Ste Agnès), durant l'année académique 1869-1870, Léon Dehon a préfé­ré méditer sur un passage d'Ecriture, choisi de préférence dans les Let­tres de St. Paul aux Colossiens (citée 19 fois) et aux Philippiens (citée 12 fois).

Dans ce manuscrit de 58 pages il y a 80 citations latines de la Vulgate; St. Paul l'emporte avec 57 citations, tandis que St. Jean n'est cité que trois fois.

C) Comme on le verra dans la suite, le fil conducteur de ces premiers cahiers du journal (NQ) est l'amour considéré dans sa dimension essen­tielle de donation réparatrice, c'est une sorte d'union de soi-même avec la personne aimée afin de lui devenir semblable: Dieu se donne à nous pour nous réconcilier avec Lui et, nous nous livrons à Lui, par le Christ, prêtre et victime, pour devenir ses fils adoptifs. En fait, une lecture at­tentive de ces deux premiers cahiers montre que l'idée de «l'amour qui s'offre pour réparer le péché (personnel et social)» n'est nullement se­condaire. Jetée çà et là dans les pages du manuscrit par le jeune Léon Dehon, comme un complément de son ascèse religieuse, cette idée con­stitue le premier idéal de son sacerdoce et la base de son effort continuel d'union à Dieu par le Christ. C'est donc la charpente de toute sa spiri­tualité.

- De sa nature, le P. Fondateur était porté vers l'amour des autres. Il savait que c'était son «tempérament» et sa «grâce»160), et son «cœur lui dit de suite que l'homme a été surtout créé pour aimer Dieu»161). En conséquence, il saisissait facilement que «l'amour de Dieu est le couron­nement de tout»162).

Depuis son séminaire à Rome, grâce à une étude assidue et sérieuse de l'Ecriture Sainte, de la théologie et de l'ascétique, il découvre le plan d'amour de Dieu pour sauver l'humanité:

a) Dieu est amour et, dans son amour pour l'humanité, il s'est donné à elle dans la Personne du Verbe, afin que l'homme puisse réparer di­gnement ses fautes163).

b) Dans son immense amour pour les hommes, le Verbe a voulu de­venir un des leurs pour mieux réparer leurs péchés et les réconcilier avec le Père164). En respectant pleinement la liberté humaine, il demande leur consentement: «Ecce ad ostium pulso, Aperi mihi»165).

c) Par Marie, «la mère de l'Eglise»166) et «sa plus suave fleur»167), l'hu­manité pécheresse a accueilli le Fils de Dieu comme son membre168). Le Verbe s'est fait chair et il a planté sa tente (l'Eglise) parmi nous169) pour nous apprendre à réparer le péché et à aimer Dieu170). Pour cela, il s'est soumis à la souffrance de la pauvreté171) et de l'obéissance jusqu'à la mort, dans une adhésion parfaite à la volonté du Père172).

d) Une partie de ses contemporains n'ont pas cru que Jésus était le Fils de Dieu venu du ciel pour réconcilier l'humanité avec le Père173). En conséquence, ils ne l'ont pas reçu et l'ont contredit jusqu'à le faire mou­rir de façon ignominieuse par le supplice de la croix174). Face à cette hai­ne, le Christ n'a pas refusé son amour aux hommes, mais l'a porté à l'extrême jusqu'à vouloir cette immolation sanglante comme moyen le plus approprié pour manifester à l'humanité son immense amour, pour réparer ses péchés et pour la ramener dans l'amour de Dieu175).

e) Pour accomplir son œuvre d'amour envers les hommes et de ré­conciliation envers Dieu, le Christ, conformément au plan du Père, est demeuré sur cette terre avec son corps physique, pendant quelques an­nées seulement (moins de quarante) et dans un espace très limité (Pa­lestine et Egypte). Maintenant, il vit au ciel, à la droite du Père, et dans l'Eucharistie, intercédant sans cesse pour nous176). Mais, avec son corps mystique (l'Eglise)177), il vit au long des siècles en tous lieux, et continue son activité réparatrice pour le péché dans la personne des fidèles qu'il a bien voulu associer à sa mission salvatrice178).

Face à l'immense amour qui se donne et qui vient de Dieu vers l'hom­me pécheur, en réponse à la demande du Christ d'être accueilli parmi nous pour opérer notre réconciliation avec le Père et à son invitation de nous unir à lui pour prolonger dans le temps et l'espace son oblation d'amour pour le retour de l'humanité à Dieu, en réfléchissant à tout ce­la, Léon Dehon s'écrie: «Sic nos amantem, quis non redamaret?»179); et cela devient la base de sa spiritualité et de son sacerdoce: «Rape ad amo­rem quos potes, et dic eis: «Amemus et redamemus, meliorem invenire non possumus»180). Mais comment vivre cette vie d'amour et d'immola­tion en étroite union avec le Christ pour la gloire du Père, dans le but de réparer le péché et de rétablir la paix entre l'homme et Dieu? Avant tout «s'attacher constamment à Notre -Seigneur»181) par «l'union constante avec Jésus… Que Jésus vive en nous, qu'il dirige notre volonté et com­mande à nos sens»182). «Obéir à mon Sauveur dans l'oraison, en l'écou­tant, dans toutes mes actions, en les offrant par son divin Cœur à son Père qui est aussi le mien»183). «Et le sacrifice de soi-même, volontaire ou accepté, par lequel nous nous unissons à la mort du Sauveur, (c'est) le plus parfait hommage rendu à Dieu et tout à la fois acte de louange, d'action de grâces, de satisfaction, de propitiation, de prière»184). En un mot «faisons toutes nos actions de manière que le Cœur de Jésus les agrée et les offre à son Père: cum intentione recta, cum ordine, cum gau­dio»185). «Laissons Notre-Seigneur vivre en nous, continuer en nous son sacrifice, son holocauste et son œuvre de réparation. Nous sommes ainsi élevés à la dignité de son sacerdoce et de son règne sur les créatures: «Regale sacerdotium»186).

Je n'ai pas l'intention de citer d'autres passages, et pour ne pas gon­fler cette introduction déjà assez longue, et pour laisser, à qui est mieux préparé intellectuellement et spirituellement, la possibilité de faire une œuvre complète sur ce thème. J'ai lancé l'idée; cela me suffit.

- Il est logique que le Christ soit le Personnage de premier plan de ce journal; son nom revient plus de 450 fois, sous diverses appellations: «Dieu», «Verbe», «Fils», «Seigneur», «Christ», «Sauveur» etc. Le Christ est le centre de gravitation des pensées du jeune séminariste: «Etablissons en nous le règne parfait de Notre-Seigneur. Qu'il soit le principe et la fin de toutes nos actions. Que toutes aient pour point de départ et pour base son inspiration et sa volonté, et pour fin sa gloire»187). «Jésus est notre roi, un roi de paix. C'est à lui qu'il appartient de régner sur les nations et sur les âmes. Sa loi est l'Evangile. Son règne est doux, sans faste, sans violences. Sa miséricorde est inséparable de sa justice. Il a subi le premier le joug de sa loi. Il comble de grâces ses sujets. Quand il punit, c'est pour guérir»188).

- Léon Dehon, a également, un rôle fondamental dans ces «Notes Quotidiennes», spécialement par l'emploi de toutes ses énergies spiri­tuelles pour correspondre à l'amour de Dieu, cela ressort de beaucoup de «résolutions», exprimées sous une forme impersonnelle et au pluriel. «Imitons Notre-Seigneur dans son union avec son Père céleste. Vivons par la foi dans cette lumière éternelle, dans ce soleil de justice, sous le­quel nous sommes présents à Dieu»189). «Dieu seul peut et doit remplir notre cœur. Il est infiniment aimable. N'aimons les créatures qu'en lui et pour lui»190).

- Dans les deux cahiers, le mot «Cœur», ou «Cœur de Jésus» re­vient 42 fois (34 fois dans le premier cahier - 21 fois souligné au crayon bleu - 8 fois dans le second cahier). De plus, trois fois un pronom rem­place le mot. En soi, ce n'est pas beaucoup, surtout si l'on sait que le mot «Père», appliqué à Dieu, s'y trouve 70 fois, et «Esprit» ou «Esprit Saint», presque 40 fois.

Mais il faut avoir présent à l'esprit la remarque du P. Yves Ledure, à savoir, pour l'étudiant en théologie, Léon Dehon, le Cœur du Christ ne s'identifie pas avec sa personne; c'est son «intérieur», «son point d'amorisation»… «le centre, le foyer de l'union du Christ avec son Pè­re»191).

Le Cœur de Jésus est aussi appelé «une source de délices, un jardin fermé, une cité de refuge, une porte de salut, une forteresse imprenable»192); «une étoile qui doit toujours nous guider»193); celui qui offre nos actions au Père194), et surtout, il est le maître et le modèle de no­tre vie d'amour pour Dieu195) etc.

De plus, il est la source des grâces196), le meilleur moyen pour remercier Dieu des dons reçus197), le siège de l'amour du Christ pour nous198), et du nôtre pour Dieu et pour les hommes199). En conséquence, nous devons établir avec le Cœur du Christ une «union constante»200), «douce et fi­dèle»201). On pourrait dire, que dans la conception théologique du sémi­nariste Léon Dehon, le Cœur de Jésus est le point de rencontre de l'amour de Dieu avec celui de l'homme et aussi celui de leur union spiri­tuelle.

L'amour de donation du Père vient sur la terre dans la personne du Christ, qui se fait homme dans le sein de Marie, pour réparer, Homme­Dieu, les péchés de l'humanité et la réconcilier avec Dieu. Cet Amour rencontre dans le Cœur de Jésus l'amour humain, le sanctifie et se l'as­socie pour l'œuvre du salut du monde; ensuite c'est le retour vers le Pè­re en s'offrant comme «hostiam sanctam, Deo placentem»202).

L'Eglise est le «sacramentum salutis», et pour l'abbé Dehon le Cœur du Christ est le «sacramentum amoris». Le Christ occupe dans ses pen­sées une place absolument unique. Son adhésion au Christ est totale et toutes ses énergies spirituelles sont centrées sur l'amour pour le Seigneur et le Père et sur l'union au Christ pour la réconciliation des hommes et de la société avec Dieu et l'Eglise. Alors, pour se donner plus complète­ment à Dieu, pour l'aimer d'une manière plus parfaite, pour s'unir plus intimement à lui, et pour mieux collaborer avec le Christ à la réparation des péchés et au salut de l'humanité, pour tous ces motifs, l'abbé Dehon trouvera son refuge dans le Cœur du Christ, et en lui et avec lui, il s'of­frira totalement et pour toujours, au Père, comme oblat du Cœur du Christ. Ce titre d' «Oblat du Cœur de Jésus» n'est pas employé explici­tement dans ces deux cahiers du journal (NQ), mais tous les éléments sont là pour tirer légitimement cette conclusion.

A la date du 25 janvier 1868, il écrira: «Aimons Dieu… Il est juste que nous lui rendions autant qu'il nous a donné, en lui offrant le tout, en le louant, en nous consacrant à son service»203).

Et plus loin, le 8 avril de la même année: «Diligamus Deum quia prior ipse dilexit nos. Considérons la Passion de Notre-Seigneur, ses ignominies, sa Croix, son amour pour nous dans le ciel et dans l'Eucha­ristie. Aimons-le pour réparer la haine des juifs, l'oubli des chrétiens eux-mêmes et des mauvais prêtres; et pour réparer tout l'oubli et la froi­deur de notre vie passée204).

Aimons-le, c'est la source de tout bien: «Si vous m'aimez, mon Père vous aimera et vous bénira et nous ferons en vous notre demeure. Aimons-le en observant ses commandements et en pensant souvent à lui. Que la méditation de sa passion soit notre aliment. Aimons-le en faisant tout pour sa gloire et en souffrant volontiers pour lui. Aimons-le par son propre Cœur qui est le nôtre: par son Cœur seul nous pourrons digne­ment aimer et louer son Père»205).

- L'examen de ces deux premiers cahiers du journal (NQ) ne me permet pas de passer en revue, un par un et de façon exhaustive, tous les problèmes qui nous intéressent de près: esprit d'oblation et de répara­tion par amour, sacerdoce et vie d'union à Dieu dans le Christ, et finale­ment, l'attrait particulier de l'abbé Dehon pour l'Eucharistie. je suggère tout cela comme thèmes d'étude à qui voudrait offrir, à ses confrères l'un ou l'autre de ces «dons» spirituels.

Je veux simplement souligner ici que ces «lumières» n'étaient pas seulement une flamme passagère, fruit d'une méditation fervente, mais toujours plus profondément, elles ont envahi son esprit pour éclore dans la fondation d'une nouvelle Congrégation. Les premiers sermons du nouveau prêtre entre 1869 et 1872, donc avant la rencontre avec les Soeurs «Servantes du Cœur de Jésus», ont fréquemment pour thème principal la réparation, l'amour de Dieu pour nous et le nôtre pour Lui, l'Eucharistie206).

Je voudrais conclure cette introduction par une comparaison capable, non seulement de synthétiser ces premiers cahiers du Journal (NQ I et II), mais toute la vie de notre Père Fondateur. Comme le papillon, ébloui par la vive lumière d'une flamme, voltige cependant tout autour au point de se faire brûler, ainsi le Père Dehon est tellement possédé par l'amour (de Dieu et des hommes) - qui a son centre dans le Cœur du Christ - qu'il s'y laisse engloutir et consumer comme victime. Et cela, en union avec le Seigneur, à la gloire du Père, pour la réconciliation avec Dieu des hommes et de la société, dans le Corps mystique du Christ, l'Eglise.

Présentation du troisième cahier

Le troisième cahier de «Notes Quotidiennes» de nos archives n'est pas celui que le P. Dehon écrivit dans les années 1886-1887. Comme le premier et le second cahier, il a été recopié ultérieurement.

Quand le P. Dehon procéda-t-il à cette transcription? Il est difficile de le dire exactement. Ce cahier, le P. Dehon l'a probablement recopié dans les premières années du présent siècle, lorsqu'il eut décidé de ne pas continuer les «Notes sur l'Histoire de ma Vie».

Pourquoi l'a-t-il fait? A cela aussi il est difficile de donner une réponse précise. Selon toutes probabilités, il a voulu établir ainsi un lien entre les «Notes sur l'Histoire de ma Vie» (ses «Mémoires») et les «Notes Quo­tidiennes» (son «Journal»). Le contenu des quarante dernières pages du XV cahier de ses «Mémoires» recouvre, en effet, la période du troi­sième et, en partie, du quatrième cahier du journal.

Plusieurs signes indiquent que le troisième cahier des «Notes Quoti­diennes» n'est pas l'original, tous d'ailleurs dans le manuscrit lui-même car le P. Dehon n'en fait jamais mention. Je ne mentionnerai ici que les principaux:

a) Du quatrième au douzième (c'est-à-dire ceux que le P. Dehon a écrits jusqu'à la fin de 1898), les cahiers utilisés portent, sur la couvertu­re, le titre et le sigle de l'Institution Saint Jean; or le troisième cahier, inexplicablement, apparaît privé de ces indications.

b) Les autres cahiers, analogues par le format et la décoration au troi­sième cahier, sont de 156 ou 160 pages, tandis que le troisième n'en a que 121. Même à un examen superficiel, il semble évident que quelques pages de ce cahier ont été arrachées. Quand? On ne sait, et il est impos­sible de le deviner. Il est certain pourtant que ces pages n'ont pas été ar­rachées après avoir été écrites; on ne note, en effet, aucune interruption de texte ni dans la suite des dates, même si la page 71, inexplicablement est restée en blanc.

c) L'écriture de ce cahier est plus semblable à celle du dernier cahier (le quinzième) des «Notes sur l'Histoire de ma Vie», qu'à celle du qua­trième cahier des «Notes Quotidiennes», lequel, comme sa continua­tion historique, a été écrit immédiatement après. A noter aussi le soin avec lequel fut écrit le quatrième cahier, alors que l'écriture du troisième est plutôt négligée.

Il est par ailleurs impossible de démontrer que le texte original a été recopié intégralement. De divers indices on peut déduire qu'il a été résu­mé et même parfois abrégé. De la comparaison, en effet, de certains pas­sages cités dans les «Notes sur l'Histoire de ma Vie» avec le texte de no­tre cahier, il résulte que tout ne cadre pas ensemble et que quelque chose manque. Ainsi par exemple à propos des résolutions que le Père Dehon dit avoir prises lors de sa retraite de 1886 (NHV XV, 52-53 et NQ III, 51), ou encore la citation suivante des «Notes sur l'Histoire de ma Vie»: «Les 12 et 13 septembre 1887, visite au Val-des-Bois, où nos Pères sont installés. J'écrivais au retour: «Le Val-des-Bois, oasis dans le désert de notre pauvre France. La paix sociale règne dans ce monde ouvrier. Je trouve ici un véritable esprit de foi et de charité, l'amour du sacrifice, le soin des pauvres et des malades. C'est pour nous une grâce que nous soyons mêlés à ce courant de vie d'immolation et de charité»207). Or tout ce passage ne se retrouve pas dans le troisième cahier des «Notes Quoti­diennes»; bien plus, la date des 12 et 13 septembre 1887 a été sautée.

* * *

Quels problèmes préoccupent davantage le P. Dehon en ces deux an­nées?

1° Comme il est naturel, il apparaît préoccupé surtout du maintien de l'esprit caractéristique de l'Institut et de son développement international.

Après le Décret du Saint-Office (1883), écrit-il, «il y avait dans l'Œuvre beaucoup de découragements et de tiraillements «(NHV XV, 71)208). Aussi sent-il le besoin de recourir avant tout à l'appui moral des Instituts qui «dans leurs immolations» ont comme but «de former les prêtres à la sainteté et à la perfection du sacerdoce»209); et il recherche avec ces Insti­tuts une sorte de jumelage ou d'association d'esprit210).

2° Dans cette recherche d'aide spirituelle pour son Institut, le Père Dehon entre en contact avec deux «voyantes»: Catherine Filljung211) et Edith Royer, née Challan de Belval212). La première lui confie deux de ses neveux, les frères Alphonse et Joseph Weber, qui deviendront chez nous religieux et prêtres, même si Joseph, dans la suite, quittera la Congréga­tion. La seconde, elle, voulait que le P. Dehon fondât dans sa propriété de Saint-Rémy (Côte-d'Or) un Ermitage qui fût le centre animateur de l'«Association de Pénitence» voulue, disait-elle, par le Cœur de Jésus. Les circonstances et les menées de l'abbé Lalourcey firent évanouir le projet213).

3° C'est aussi l'heure de la reprise. Le 2 août 1885, Mgr Thibaudier ap­prouve «ad experimentum» les nouvelles Constitutions, et le 17 septembre 1886, les sept premiers Pères émettent leurs vœux perpétuels, donnant ain­si à l'Institut plus grande stabilité. En outre, dans les années 1884-1885, le petit groupe de Mère Véronique (les abbés Marius Galley, Charles Char­cosset et Léon Prevot) était venu s'adjoindre à l'Institut, ce qui y avait ap­porté un renouveau de confiance et de ferveur. Cet apport d'hommes de valeur encourage le P. Dehon et le pousse à rechercher d'autres groupes ou Instituts, ayant une finalité semblable à celle de son Œuvre, en vue d'une union pour le Règne du Cœur de Jésus. Il en trouva deux: les Prêtres du Sacré-Cœur de Toulouse, qui depuis 16 ans n'avaient plus de novices, et les Oblats du Divin Amour de Cuenca (Equateur).

Pour les premiers, le P. Dehon se rend sur place214) et il consulte aussi le P. Eschbach, recteur du Séminaire Français de Rome215). Pour les se­conds, il s'adresse directement à leur fondateur, l'abbé Matovelle216). Le P. Eschbach, dans sa grande expérience, donne une réponse pleine de sagesse: «Mon humble avis serait absolument contraire à ce qu'on ap­pelle une fusion des deux Instituts… Si l'on insiste, vous recevriez indivi­duellement l'un ou l'autre de ces Pères comme novice. L'expérience vous montrerait ultérieurement ce qu'il conviendrait faire pour les au­tres»217). Le P. Dehon suit le conseil du P. Eschbach et, par bonheur, n'accueillit parmi ses religieux que le seul P. Blancal. Par contre, pour les Oblats du Divin Amour, peut-être parce qu'il entrevoyait l'idéal mis­sionnaire, il s'engage dans l'autre direction et bientôt devra s'en repentir218).

Un mois après avoir pris contact avec l'abbé Matovelle, le P. Dehon voit s'offrir à lui l'occasion de commencer une mission en Nouvelle Gui­née. Bien que l'affaire se présente comme fort problématique et comple­xe, il ne refuse pas a priori; il voit pourtant clairement la difficulté d'une solution claire et concrète219). On voit bien l'ardent désir du P. Dehon pour l'évangélisation des peuples et la diffusion du règne du Cœur de Jésus dans le monde.

4° Pour sortir des limites d'un diocèse très pauvre en vocations220), il ne suffisait pas de recruter des membres un peu partout, il fallait la re­connaissance officielle du Saint-Siège. Outre une plus large ouverture, ce serait aussi la stabilité assurée. Et le P. Dehon y travaille activement.

Il prépare d'abord le terrain auprès de Mgr Thibaudier221). Il sollicite les bons offices du P. Eschbach, recteur du Séminaire Français de Ro­me, qui a ses entrées auprès de la Curie Vaticane. Il s'adresse enfin au Cardinal Langénieux, lui demandant de l'aider à sortir de l'impasse du Saint-Office. Suivant le conseil reçu, il rassemble des lettres postulatoi­res d'évêques qu'il connaît, pour la Congrégation des Evêques et Régu­liers et s'occupe de les faire présenter, avec une supplique rédigée par lui-même. Puis il prie, fait prier, et c'est l'attente. Le Décret de Louange (Decretum Laudis) sera émis le 25 février 1888.

5° Autre problème de ces deux années, non moins préoccupant quoi­que tout différent, ce sont les dettes.

Le 1° octobre 1886, le P. Dehon écrit dans son journal: «M. Lecot négocie aujourd'hui l'échange du jardin du Sacré-Cœur avec ma pro­priété de Wignehies. Puissions-nous donner plus tard à Notre-Seigneur dans ce jardin un pieux sanctuaire de réparation»222). Quelques mois plus tard, il note: «Je reçois une lettre bien dure de mon frère au sujet de la propriété de Wignehies que j'ai vendue. J'offre cette humiliation pour le règne du Sacré-Cœur»223).

Le 22 mars 1887, le P. Dehon se rend à La Capelle pour l'anniversai­re de la mort de sa mère. Au retour, il écrit dans son journal: «Je vends à mon frère ma principale propriété (de la Haie-Maubecq) pour payer quelques dettes de l'Œuvre. C'est encore un sacrifice pour cette chère Œuvre, à laquelle j'ai tout donné»224).

Enfin, le 5 mai suivant, ce bel élan de foi: «Journée de sollicitudes temporelles et de craintes poignantes. Les échéances des principaux paiements pour l'Institution approchent et les ressources manquent. Je n'ai de répit que dans l'abandon à Notre- Seigneur»225).

Quelques années plus tard, résumant les souffrances que lui valut la pauvreté de ces deux ans, il écrira dans les «Notes sur l'Histoire de ma Vie»: «Ces angoisses ont été de tous les jours»226).

En complément d'information sur cette période, et pour mieux con­naître ce que le P. Dehon a fait pour la Congrégation en ces deux an­nées, je crois nécessaire de renvoyer le lecteur à toutes les lettres conser­vées aux Archives Dehoniennes et qui intéressent cette période: lettres écrites par le Père Dehon ou reçues par lui de la Chère Mère, de Mgr Thibaudier et de divers évêques pour le Decretum Laudis, ainsi que d'autres personnes avec qui il était en relation. Je suis convaincu que toute cette correspondance , avec ses indications, ses nuances et aussi les i jugements qui y sont portés, complète utilement la connaissance que nous pouvons avoir du P. Dehon à cette époque.

Angelo Vassena scj

Traduit de l'italien par M. Spoo, scj.

Avertissements

- Les chiffres indiqués en noir dans le texte, ex. 15, se référent à la pagination du manuscrit original.

- Toutes les références au «Journal» et aux «Mémoires» du P. De­hon sont reproduites d'après les manuscrits qui se trouvent dans les Ar­chives Dehoniennes. Le «Journal» correspond aux «Notes Quotidien­nes» dont le sigle est NQ. Les «Mémoires» correspondent aux «Notes sur l'Histoire de ma Vie» dont le sigle est NHV.

1)
Manque seulement la publication du cinquième volume des «Œuvres sociales»;
2)
Les «Notes sur l’Histoire de ma vie» (ou Mémoires) vont de la naissance du P. Dehon (14.3.1843) à l’audience de Léon XIII (6.9.1888). Les «Notes Quotidiennes» (ou journal) embrassent deux périodes: la première durant la vie au séminaire, de 1867 à 1870, la seconde de 1886 à 1925.
3)
Cité de Ledure Y., scj: Léon Dehon: «Notes Quotidiennes», Introduction, VII.
4)
NQ XXXVIII, 57: 31.7.1915.
5)
NQ XLIV, 138: octobre 1924.
6)
Cf. NQIII, 10: 3.3.1886. Cf. Vassena A., scj: Introduction critique: Notes Quotidien­nes, C.G.S., Roma 1976, p. XIX.XXI.
7)
L’année 1888 est une date essentielle, dans la vie du P. Dehon et de sa congréga­tion. Après la fondation (1877-1878), la mort et la résurrection de l’œuvre des Oblats (1883-1884), le Bref laudatif du 25.2.1888 est une «date sacrée». C’est l’approbation pontificale de la congrégation. La période de 1878-1888 est «l’âge héroïque des com­mencements de l’Œuvre» (NQXLIV, 111: août 1924); c’est aussi le début de la «pé­riode apostolique» de la congrégation, «commencé avec la mission en Equateur» (NQ XLIV, 69: décembre 1922). Cf. Bourgeois A., scj: Les Notes Quotidiennes du P. Dehon. Avant-propos à une édition, C.G.S., Roma 1984, p. 13.
8)
Cf. NHV XV, 83.
9)
Cf. NHV XI, 74-84 reproduit le compte rendu de NHV X, 140-152; NHV XII, 137-143 reproduit le texte de NHV XII, 27-33.
10)
Il est intéressant de confronter les deux textes parallèles des «Mémoires» et du «Journal» des années 1886-1888. Le texte du «Journal»est immédiat, spontané, quo­tidien, même s’il est le plus souvent spirituel; le texte des «Mémoires» est un récit or­donné, revu et corrigé à tête reposée, écrit des années après les événements rapportés. Il a l’avantage de présenter non seulement les événements mais aussi leur enchaînement et souvent leurs causes: on voit l’action de l’homme et l’action de la Pro­vidence en vue de la réalisation du dessein de Dieu.
11) , 21) , 121) , 127)
NHV IV, 183.
12)
Cf. NHV IV, 183-187 (années 1865-1866); NHV V, 134-190 (années 1866­1867); NHV VI, 1-24 (années 1867-1868).
13)
En faisant l’examen comparé de l’écriture du P. Dehon le P. Y. Ledure scj affir­me que la transcription des actuels deux premiers cahiers du journal a été faite proba­blement pendant les années 1880-1886 (cf. Y. Lecture, scj o.c., p. XV). Le P. Angelo Vassena, sur base de quelques indices recueillis dans le journal (cf. NQXXXIX, 87), du type de cahiers utilisés par le P. Dehon et se basant aussi sur l’examen comparé de l’écriture, affirme que les actuels deux premiers cahiers du journal ont été écrits après 1900, probablement entre 1907 et 1914 (cf. A. Vassena, scj, o. c., pp. XIII-XIV).
14)
Cf. A. Vassena, scj, o. c., p. XI.
15)
NQ XXXIX, 87: décembre 1915. Cf. A. Vassena, scj, o. c., pp. XII-XXII.
16)
Cf. Vassena A., scj, Synopse comparative des deux premiers cahiers du journal du P. De­hon, C.G.S., Roma 1976, 202 p.
17)
Cf. NHV X, 25.
18)
NHV XIII, 150.
19)
Le troisième cahier du journal, tel que nous le possédons, n’est pas l’original, lui non plus. C’est une transcription, à ce qu’il semble, non intégrale, faite probable­ment autour de 1900. (Cf. A. Vassena, scj, o. c., pp. XXXIII-XXXIV).
20)
Les pages écrites du journal (y compris les index et les couvertures avec le nu­mérotage progressif des cahiers et des années), tenant compte des pages doubles et de celles omises, sont au nombre de 7087.
22)
Cf. A. Bourgeois, scj, o. c., pp. 4-6.
23)
Cf. NQ X, 154: décembre 1894.
24)
NQ XLV, 48-49: mars 1925.
25)
LC, n. 389.
26)
AD, B 25/26.
27)
NQ XXXVIII, 80: août 1915.
28)
Pour cette présentation du P. Dehon dans le «Journal» de 1886 à 1888 je me suis inspiré d’une étude inédite du P. A. Bourgeois scj.
29)
NQ III, 4: 15.2.1886.
30)
NQ IV, 52r: 2.7.1888.
31)
NQ IV, 12r: l.1.1888.
32)
NQ III, 11: 9.3.1886.
33)
NQ III, 24: 15.5.1886.
34)
NQ IV, 8r: 13.12.1887.
35)
NQ IV, 11 r: 27.12.1887.
36)
NQ IV, 11 v: 29.12.1887.
37)
NQ IV, 35v: 17.4.1888.
38)
NQ IV, 54v: 5-6.8.1888.
39)
Cf. G. Manzoni, scj: Leone Dehon. Vita, ideali et virtù dans «Vita d’amore nel Cuore di Gesù», Milano 1980, pp. 11-60.
40)
NQ III, 67: 9.11.1887.
41)
NQ IV, 47v: 20.6.1888.
42)
NQ IV, 30r: 22.3.1888.
43)
NQ IV, lr: 14.11.1887.
44)
NQ IV, 3r: 22.11.1887.
45)
NQ IV, 5r: 1.12.1887.
46)
NQ IV, 39r: 6.5.1888.
47)
NQ IV, 8r: 15.12.1887.
48)
NQ XXXV, 6: janvier 1913. Les vingt ans de 1893 à 1913, un mélange de «jours bons et de jours de grande misère», auxquels le P. Dehon fait allusion, se divi­sent clairement en deux décades caractéristiques. Pendant la première, de 1893 à 1903, le P. Dehon se dévoue intensément dans l’apostolat social. Au 8.6.1893 il assume la présidence de la commission des études sociales de Soissons. En 1894, il publie le «Ma­nuel Social Chrétien», participe à tous les congrès sociaux, écrit des articles et des livres sur la question sociale, parvient au sommet de son activité sociale en 1897 avec les con­férences sociales de Rome, participe à l’évolution de la démocratie chrétienne. En 1903, avec la mort de Léon XIII (20 juillet) on peut considérer comme close l’activité sociale du P. Dehon. A la fin de l’année, il suspend aussi la publication de sa revue: «Le Règne…». La deuxième décade, de 1903 à 1913, est caractérisée par la lutte du P. Dehon pour sauver la congrégation contre le Combisme, par l’internationalisation de son institut et de longs voyages (cf. A. Bourgeois, scj, o. c., pp. 10-13).
49)
NQ XXXV, 4-5: janvier 1913.
50)
NQ XXXIV, 174: novembre 1912.
51)
NQ XXXIV, 175-176: novembre 1912.
52)
NQ XXXIV, 176: novembre 1912.
53)
NQ XXXVI, 47: janvier 1915.
54)
NQ XLV, 16: janvier 1925.
55)
NQ XLV, 11: janvier 1925.
56)
Cf. NQ XLV, 61: juin 1925.
57)
Cf. NQ XLV, 3: janvier 1925.
58)
Cf. NQ XXXVII, 60.
59)
Cf. NHV IV, 125; 134; 183; 184-85 – V, 52-53; 69; 133-134; VIII, 62. Se repor­ter aussi aux cahiers des Notes Quotidiennes (NQ) I et II, passim. «L’amour de Dieu est le couronnement de tout. L’amour de J.-C. doit être fondé sur l’estime et la connaissance profonde, comme toutes les vraies amitiés… Pour arriver à cette connaissance, il faut méditer la vie de N.-S.» (NHV IV, 134). «C’est dans le Cœur de Jésus que je veux faire les exercices de la vie purgative. C’est en lui et avec lui que je veux considérer mes péchés et les pleurer, en demander pardon à Dieu, les détester, combattre mes défauts et mes mauvaises inclinations, pratiquer la mortification et la pénitence, souffrir les afflictions, les peines, les ennuis. C’est en lui et avec lui que je veux faire le bien et pratiquer la vertu. J’ai foi en sa sagesse, confiance en son amour. Avec lui je veux pratiquer l’humilité, la patience, l’obéissance, la chaste­té. Avec lui je veux faire l’oraison et l’action de grâces. Avec lui je veux aimer le pro­chain d’un amour vrai, avec cordialité, compassion, affabilité, douceur, condescendan­ce, patience. Avec lui et en lui, je veux faire toutes mes actions avec modération, dou­ceur, suavité. C’est en lui que je veux pratiquer l’union à son Père, par des actes fré­quents d’amour, d’adoration, de remerciement, d’oblation, d’hommage, d’abandon, d’anéantissement de moi-même, de détachement des créatures» (NHV IV, 184-185). «Le S.-Cœur de Jésus, principe et objet de notre amour, c’est toute la théologie. «Christus dilexit»: le Christ a aimé, voilà tout le symbole. Dieu, l’incarnation, la ré­demption, l’Eglise, la grâce, les sacrements: «Christus dilexit me». «Diliges», tu ai­meras. Tu aimeras ton Dieu, tu aimeras ton prochain comme toi-même, voilà toute la morale. «Deus charitas est» – «Et nos credidimus charitati». Dieu est amour, nous croyons à l’amour; voilà tout l’objet de notre foi. «Qui diligit, legem implevit». Faire les œuvres de l’amour; voilà tout l’accomplissement des préceptes» (NHV V, 52-53). «Cette année (1867-1868) a été vraiment une des meilleures de ma vie. Il me semble que N.-S. m’y a fait faire mon noviciat de vie religieuse et qu’il en a été lui-même le maître… Les lumières qu’il me donnait dans toutes mes oraisons de cette année-là (cf. NQ, 1er cahier) étaient si conformes à notre vocation de prêtres-oblats du Cœur de Jésus, que mes notes mêmes pourraient servir de thème à un directoire spirituel de l’Œuvre. Comme je devrais être reconnaissant à N.-S. en appréciant mieux aujourd’hui la bonté qu’il me témoignait alors! Il me conduisit peu à peu à l’union habituelle avec son divin Cœur. Je retrouve toute cette action de la grâce signalée dans mes notes» (NHV V, 133-134).
60)
Cf. NQ XL, 104: 15 février 1917.
61)
Cf. Souvenirs, pp. 4-8.
62)
Cf. NHV et NQ, passim; Souvenirs, pp. 6-14.
63)
Cf. cahiers XIII et XIV; NQ, passim.
64)
NQ III, 54: 13 septembre 1886.
65)
NHV XV, 83.
66)
NQ XXXVIII, 57: 31 juillet 1915.
67)
DORRESTEIJN HENRI, Vie et personnalité du P. Dehon, Dessain, Malines, 1959, 288 p.
68)
NQ XLIV, 138: octobre 1924 et AD, B 36/5-10.
69)
NQ XXV, 43: 23 juillet 1910.
70)
NHV V, 127-190 et VI 1-24.
71)
Cf. NQ I, 77-89 et NHV VI, 38-46.
72)
Cf. NQ I, Il 2-125 et NHV VI, 52-63; NQ II, 4-7 et NHV VI, 171-174.
73)
NHV VIII, 62-87.
74)
NHV I, 29v.
75)
NHV I, 58r.
76)
NHV I, 65v et 66r.
77)
NHV II, 22v.
78)
AD, B14/4.
79)
NHV 11, 52.
80)
RCJ (1901), pp. 396 et ss.
81)
NHV IV, 124. – «J’ai profondément goûté ces Exercices et je n’ai jamais cessé de les aimer. Ils ont cependant quelque chose qui ne va ni à mon tempérament, ni à ma grâce: c’est qu’ils font attendre plusieurs jours avant de nous parler de l’amour de Dieu. – «L’homme a été créé, dit St. Ignace, pour louer, honorer et servir Dieu et par ces moyens sauver son âme». Je ne saurais m’arrêter là et mon cœur me dit de suite que l’homme a été créé pour aimer Dieu. N’était-ce pas la fin principale que Dieu avait en vue? N’est-ce pas ce qu’il nous demande d’abord dans le Décalogue?» (NHV IV, 125).
82)
NHV IV, 138.
83)
NHV IV, 183. – «Malgré mes occupations, je trouvai chaque jour quelques instants pour noter les impressions de mon oraison, selon le conseil de St. Louis de Gonzague: «Notabo affectiones et proposita». Je les copie ici; c’est pour moi la meil­leure lecture spirituelle. Ce sont «grâces du commencement» dont le souvenir embau­me toute une vie» (NHV VIII, 62).
84)
Cf. NHV IV, 183-187; VIII, 87-91; VIII, 161-165; IX, 18-22 et X, 25-28.
85)
NHV IV, 183. – «Notre-Seigneur s’empara bien vite de mon intérieur, et il y établit les dispositions qui devaient être la note dominante de ma vie, malgré mille dé­faillances: la dévotion à son Cœur Sacré, l’humilité, la conformité à sa volonté, l’union avec lui, la vie d’amour tel devait être mon idéal et ma vie pour toujours. N.-S. me le montrait, m’y ramenait sans cesse, et me préparait ainsi à la mission qu’il me destinait pour l’Œuvre de son Cœur. Je commençai dès lors à noter presque chaque jour (début de novembre 1865) mes impressions, ce qui me permet de retrouver d’une manière sû­re les traces de l’action divine et du plan divin sur ma pauvre âme» (NHV IV, 183).
86) , 122)
NHV X, 25.
87)
Cf. NHV V, 127-190; VI, 1-24.38-46.52-63.171-174 et VIII, 62-87.
88)
Cf. NHV V, 6-11 et 70-71.
89)
NHV V, 1l.
90)
Cf. NHV V, 1-5.
91)
NHV V, 1.
92) , 134)
NHV V, 11.
93)
Cf. NQ II, 5.
94)
NHV IV, 161.
95)
Cf. NHV IV, 161-182.
96)
Cf. Excerpta: pp. 78-82.89-97.100-101.110-116, etc. (AD, B 14/4).
97)
Cf. AD, B 24-10: «Lectures 1895-1896».
98)
NQ III, 10.
99)
NHV VI, 183.
100)
NHV VI, 180-181.
101)
44. Dans Notes Quotidiennes, le P. Dehon, à ce propos écrit: «Justement le Saint-Père a donné ces temps-ci, le 8 septembre, sa belle encyclique aux Français sur la formation du clergé et les études ecclésiastiques. Le Saint-Père avait été informé par plusieurs de mes amis du libéralisme dans lequel versait l’enseignement de certains séminaires et du scepticisme qui minait toutes les règles de l’Eglise sur l’exégèse. Le mal est grand. Les avis du Saint-Père vont l’enrayer et préparer le remède» (NQ XIV, 182: 14 septembre 1899).
102)
Lettre de la Congrégation des Evêques et Réguliers: 31 juillet 1894.
103)
NHV VI, 182.
104)
NQ XII, 41: hiver 1896-1897, Rome.
105)
NQ XIII, 79: nov. 1898, Rome.
106)
NQ XIII, 142: mars 1899, Rome.
107)
NQXVI, 79: février 1901, Rome.
108)
NQ XVII, 40: novembre 1901, Rome.
109)
NQ XVII, 105: janvier 1902, Rome.
110)
NQ VI, 40r; 20 novembre 1893.
111)
NQ XVII, 4: juillet 1901.
112)
Cf. Retraite sus mer AD, B. 5/6a).
113)
NQ XVIII, 35: 9-11 novembre 1902, St-Quentin.
114)
NQ XVIII, 35: 2-9 décembre 1902, Bruxelles.
115)
NQ XVIII, 125: janvier 1904, St-Quentin.
116)
NQ XXXIV, 15: juin 1911, Bruxelles.
117)
NQ XXXIV,63: janvier 1912, Rome.
118)
NQ XXXIV, 84: fin mars 1912, Rome.
119)
NQ XXXIV, 105: 10-14 octobre 1914.
120)
NQ XXXIX, 87.
123)
AD, B 32/11.
124)
Cf. NHV VIII, 87-91.
125)
NQ XLI, 32: octobre 1917.
126)
NQ XLI, 1: juin 1917.
128)
NHV V, 129.
129)
NHV V, 133.
130)
NHV VI, 78.
131)
1 Jean 4,10.
132)
NHV V, 6.
133)
Cf. les belles pages des NHV IV, 182-188; V, 6-11 et 70-71.
135)
NHV V, 53.
136)
NHV V, 54-57.
137)
NHV V, 72.
138)
Pour ce dernier cf. Excerpta, p. 16 (AD, B 14/4).
139)
NHV IV, 160-161.
140)
NHV V, 74-75.
141)
NHV VI, 24-25.
142)
NQ II, 11: 10 novembre 1869.
143)
NQ II, 1-2: 10 février 1869 – et 11, 18 – 27 et 28 novembre 1869.
144)
NQ I, 2: 16 décembre 1867.
145)
NQ I, 15: 2 janvier 1868.
146)
NQ I, 17-18: 5 janvier 1868.
147)
NQ 1, 20-21: 12 janvier 1868.
148)
NQ I, 66: 24 mars 1868.
149)
NQ I, 112-113: 29 mai 1868.
150)
NQ I, 123: 5 juin 1868.
151)
NQ II, 3: 19 juillet 1869 et NQ II, 11-12: 13 novembre 1869.
152)
NQ II, 31: 23 décembre 1869.
153)
NQ II, 21: 4 décembre 1869 et NQ 11, 23: 8 décembre 1869.
154)
NQ 11, 23-24: 9 décembre 1869.
155)
NQ II, 27: 16 décembre 1869; NQ II, 31: 22 décembre 1869; NQ II, 35: 29 dé­cembre 1869; NQ 11, 41-42: 6 janvier 1870.
156)
NQ II, 33: 25 décembre 1869.
157)
NQ II, 49: 23 janvier 1870.
158)
NQ 11, 23: 8 décembre 1869.
159)
NQ II, 45: 14 janvier 1870.
160)
NHV IV, 125.
161)
NHV – Ibidem.
162)
NHV IV, 134.
163)
NQ I, 42: 16 février 1868; 1, 33: 4 février 1868; 11, 20: 3 décembre 1869, etc. J’indique seulement, ici, quelques passages des cahiers et pas toujours les plus impor­tants; ceci permettra, à qui le désire, de faire une étude plus fouillée.
164)
NQ I, 59: 9 mars 1868; 1, 67-68: 17 mars 1868; I, 64-65: 23 mars 1868, etc.
165)
NQ 1, 6: 19 décembre 1867; 1, 66: 16 mars 1868.
166)
NQ 11, 52: 2 février 1870.
167)
NQ 1, 66: 16 mars 1868 – La dévotion du séminariste et du nouveau prêtre L. Dehon pour la Vierge Marie a comme base théologique le fait que la Vierge est mère du corps physique et du corps mystique (l’Eglise) du Christ, elle est la première âme ré­paratrice à avoir collaboré avec le Christ et elle continue à le faire aujourd’hui, pour la réconciliation de l’humanité avec le Père.
168)
NQ I, 67: 16 mars 1868.
169)
NQ 1, 3: 16 décembre 1867 et NQ I, 65: 23 mars 1868.
170)
NQ I, 3-8: 17, 18, 19 et 20 décembre 1867; I, 15-16: 1-4 janvier 1868.
171)
NQ 1, 5: 18 décembre 1867; I, 47: 24 février 1868; etc.
172)
NQ I, 22: 15 janvier 1868; I, 69: 29 mars 1868; I, 89: 10 avril 1868; I, 125: 7 juin 1868; etc.
173)
NQ I, 31-32: 2 février 1868; etc.
174)
NQ I, 7: 20 décembre 1867; etc.
175)
NQ I, 33: 5 février 1868; I, 37-38: 11 février 1868; 1, 42: 16 février 1868; 1, 46­47: 23 février 1868; 1, 67-68: 17 mars 1868; etc. 11, 17-18: 26 novembre 1869; 11, 22­23: 7 décembre 1869; 11, 39-40: 2 et 3 janvier 1870; etc. – Quelle différence entre cette façon de concevoir la rédemption et celle de certains contemporains du Père Dehon! Ces derniers semblaient, au nom de la justice divine, se représenter un Père, presque sadique, qui se complaisait dans les souffrances du Fils. Pour L. Dehon, la vraie cause de la Passion et de la Mort du Christ est le péché (incrédulité, révolte, haine) de l’hom­me, anéanti par l’amour du Seigneur qui se sacrifie «usque in finem» (NQ I, 89: 11 avril 1868).
176)
NQ I, 4: 18 décembre 1867; I, 42: 16 février 1868; I, 119: 1 juin 1868.
177)
NQ 11, 35: 28 décembre 1869; 11, 52:
178)
L’idée claire et précise du «Corps Mystique du Christ» de l’étudiant en théolo­gie L. Dehon explique son attitude pleine de foi et d’amour pour l’Eglise et le Pape. Il n’est pas sans remarquer le mal dans l’Eglise. (Cf. NHV IV, V, VI, VII et VIII – pas­sim). Seulement, de même que les actions humaines du corps physique du Christ (man­ger, pleurer, souffrir, mourir…) ne l’empêchaient pas de voir dans le Christ le Fils de Dieu, ainsi les déficiences rencontrées dans son Corps Mystique ne lui voilaient pas le visage du Christ dans son Eglise ou dans son Vicaire sur la terre. Traiter diversement les deux corps du Christ n’est pas signe de fidélité évangélique, mais d’un manque de maturité chrétienne. Personne ne lacère et déchire le corps dont il est membre vivant, mais essaie de le soigner et de le guérir avec amour.
179)
NQ 11, 40: 3 janvier 1870; 11, 46: 16 janvier 1870; II, 10-11: 8 et 9 novembre 1869.
180)
NQ 1, 120: 2 juin 1868; 11, 27: 16 décembre 1869.
181)
NQ 1, 3: 16 décembre 1867.
182)
NQ 1, 15: 3 janvier 1868.
183)
NQ I, 22: 16 janvier 1868.
184)
NQ 1, 39: 12 février 1868.
185)
NQ I, 17: 5 janvier 1868.
186)
NQ 1, 74-75: 4 avril 1868.
187)
NQ 1, 49: 28 février 1868.
188)
NQ 1, 75: 5 avril 1868.
189)
NQ 1, 74: 4 avril 1868.
190)
NQ 1, 71: 31 mars 1868.
191)
NQ 1, 52: 3 mars 1868; 1, 61: 10 mars 1868; 11, 31: 23 décembre 1869. Léon De­hon – Notes Quotidiennes, texte présenté par Yves Ledure scj, Lyon 1964, page 5, note 2 et page 6, note 2.
192)
NQ I, 8: 21 décembre 1867; 1, 17: 5 janvier 1868; 1, 25: 20 janvier 1868; 1, 29: 28 janvier 1868; 1, 53-54: 6 mars 1868; 11, 11: 9 novembre 1869.
193)
NQ 1, 18: 7 janvier 1868.
194)
NQ I, 17: 5 janvier 1868; I, 18: 7 janvier 1868; I, 22: 16 janvier 1868.
195)
NQ I, 7: 20 décembre 1867; I, 20: 12 janvier 1868; I, 39: 13 février 1868; I, 48: 25 février 1868; I, 54: 7 mars 1868; etc.
196)
NQ I, 63: 20 mars 1868; I, 68: 27 mars 1868.
197)
NQ I, 89: 9 avril 1868.
198)
NQ I, 98: 29 avril 1868; II, 28: 17 décembre 1869.
199)
NQ II, 29-30: 20 décembre 1869; II, 33: 25 décembre 1869; II, 47-48: 19 jan­vier 1870. – C’est un fait typique que, dans ces cahiers, l’amour de Dieu n’est jamais séparé de l’amour du prochain (NQ I, 33: 5 février 1868; I, 102-103: 9 mai 1868; I, 105: 12 mai 1868; I, 109: 22 mai 1868; II, 15-19 novembre 1869). Il est vrai que l’abbé Dehon n’avait pas encore choisi la direction à donner à son apostolat, mais il se prépa­rait d’une manière telle qu’il pût répondre à ce que la volonté de Dieu lui demanderait dans la suite.
200)
NQ I, 49: 27 février 1868; I, 129-130: 19 juin 1868; II, 6: 31 octobre 1869.
201)
NQ I, 120: 2 juin 1868; I, 125: 7 juin 1868.
202)
NQ I, 18: 6 janvier 1868.
203)
NQ I, 26-27.
204)
NQ I, 86.
205)
NQ I, 86-87.
206)
Cf. Sermons: cahiers 1-7, qui sont des manuscrits originaux de ce temps (AD, B 6/4).
207)
NHV XV, 68-69. 2. NHV XV, 71.
208)
NHV XV, 71.
209)
NQ III, 2: 31 janvier 1886.
210)
Cf. NQ III, 68: 12 novembre 1886; III, 98: 28 mars 1887; III, 100: 13 avril 1887; III, 104: 14 mai 1887.
211)
Cf. NQ III, 94: 4 mars 1887 et la «Vie édifiante du P. Alphonse Rasset», pp. 209-210.
212)
Cf. NQ III, 114: 30 août 1887.
213)
Cf. «Dehoniana» 1977, pp. 48-60.97-115.
214)
Cf. NQ III, 113: 24 août 1887.
215)
Cf. Lettre du 13 octobre 1887 (AD, B 36/2).
216)
Cf. Lettre du 10 octobre 1887 (AD, B 24/8B).
217)
Lettre du 22 octobre 1887 (AD, B 21/3).
218)
Cf. Lettre du 5 février 1889 à l’abbé Matovelle (AD, B 24/8 B).
219)
Cf. Lettres au chanoine Leopold Verguet du 30 octobre 1887 et du 6 novembre 1887 (AD, B 24/13).
220)
CF. Lettres du P. Dehon au P. Eschbach du 3 mai 1887 et du 26 mai 1887 (AD, B 36/2).
221)
Cf. Lettre de Mgr Thibaudier du 5 décembre 1886 (AD, B 21/3).
222)
NQ III, 56; cf. aussi NHV XIV, 19-20 et XV, 56.
223)
NQ III, 108.
224)
NQ III, 96-97: cf. aussi NHV XV, 56.
225)
NQ III, 103-104; cf. aussi NHV XV, 55.
226)
NHV XV, 56.