=====I La préparation du Concile 1868-1869
===I LES THÉOLOGIENS DU CONCILE=== … Cependant à Rome on s'occupait à préparer le Concile. Des théologiens de toutes les nations avaient été appelés pour préparer les décrets.1) Pour la France, il y avait, si j'ai bonne mémoire, l'abbé Gay,2) de Poitiers; l'abbé Sauvé,3) de Laval; l'abbé Chesnel,4) de Quimper; l'abbé Gibert,5) de Moulins; l'abbé Jacquemet,6) de Reims; le Père d'Alzon,7) de Nîmes.
La plupart logeaient au Séminaire Français. J'eus de bons rapports avec eux et plusieurs m'honorèrent de leur amitié, en particulier le P. d'Alzon, Mgr Jacquemet qui devint évêque d'Amiens et Mgr Gay qui devint auxiliaire du cardinal Pie. Tous avaient une grande valeur. Mgr Sauvé, un vrai thomiste, devait fonder l'Université catholique d'Angers; Mgr Jacquemet avait écrit l'histoire du diocèse de Besançon; Mgr Chesnel publia ses études sur le droit social chrétien. Le P. d'Alzon avait déjà fondé les vaillants religieux de l'Assomption. Mgr Gay écrivit ses livres incomparables sur la piété.
Mgr Freppel était aussi à Rome et dans le courant de l'année il fut nommé évêque d'Angers.8)
===II LES STÉNOGRAPHES=== Il fallait pour le Concile un corps de sténographes. On le prépara. Un prêtre de Turin, Virginio Marchese, ancien sténographe du Sénat italien fut chargé de se former dés auxiliaires: On prit des séminaristes de diverses nations pour avoir un secrétariat habitué à toutes les prononciations. Je fus du nombre. Voici les noms des privilégies, tels qu'ils sont portés aux Actes du Concile.9)
Virgnus Marchese, Taurinensis, Stenographorum Magister.
Antonius Cani, Imolensis
Paulus Leva, Romanus e Pont. Sem. Romano.
Julius Tonti Romanus
Alexander Orsini, Tudertinus
Alexander Volpini, Faliscodunensis e Pont. Sem. Pio
Petrus Capponi, Ausculanus
Carolus Zei, Florentinus
Joannes, Zonghi, Fabrianensis e Coll. Capranicensi
Henricus Bougouin, Pictaviensis
Gustavus de Dartein, Argentinensis
Leo Dehon, Suessionensis e Coll. Gallico
Josephus Dugas, Lugdunensis
Samuel Allen, Salopiensis
Jacobus Guiron, Westmonasteriensis e Coll. Anglico
Joannes Bapt. Huber, Monacensis
Paulus Gierich, Wratislaviensis
Dionysius Delama, Tridentinus e Coll. Germano-Hungar.
Dominicus Hengesch, Luxemburgensis
Patritius Tynan, Dublinensis e Coll. Hibernio.
Michael Hyggins, Cloynensis
Theodorus Metcalf, Bostoniensis e Coll. Americae Sept.
Petrus Geyer, Cincinnatensis
Aeneas Mac Farlane, ex vicariatu e Coll. Scotorum.
Ap. districtus occidentalis Scotiae
Nous avions tous les jours une heure d'exercice et bientôt nous fûmes en mesure de pratiquer cet art nouveau aux cours de théologie. Je trouvai dans ce petit groupe d'agréables relations dont quelques-unes ont persévéré.
Plusieurs de ces jeunes gens n'ont pas eu une longue vie. Quatre sont morts en peu d'années.
Huber, un des plus distingués, est mort poitrinaire à Munich.
Zei aussi, qui était pieux, aimable et modeste, est mort vicaire général à Florence. Il allait être nommé évêque.
Dugas est entré dans la Compagnie de Jésus. Il était à Paray-le-Monial en 1873 et il a écrit dans un beau livre le récit des grands pèlerinages de cette année privilégiée. Il est mort en Algérie d'une phtisie laryngée.
Geyer est mort aux Etats-Unis en essayant de sauver une personne qui se noyait.
Parmi les Italiens, Don Cani est devenu recteur du Séminaire du Vatican; Leva est Père spirituel à la Propagande; Zonghi est archiviste du Secrétariat d'État,10) Mgr Volpini est secrétaire des lettres latines.
Notre système de sténographie était assez compliqué.11) Il était basé sur l'orthographe et non sur les sons. Nous écrivions deux à deux en alternant phrase par phrase. Il fallait en écrivant nous donner le mot pour reprendre. Nous n'écrivions que les consonnes, de là un casse-tête chinois pour retrouver les mots et reconstituer les phrases. C'était en somme un système fort défectueux et qui donna avec des instruments intelligents et dévoués de médiocres résultats.12)
Voici nos signes de convention…
Quoique nous ne mettions pas d'ordinaire les voyelles, nous avions cependant des signes pour les mettre à la fin des mots…
Voici quelques exemples de liaisons…
Nous avions encore quelques abréviations supplémentaires…
Mais cette multitude de signes était exagérée. Elle chargeait la mémoire et amenait la confusion.
C'était de l'invention de notre bon maître Marchese, qui était bien dévoué a sa besogne et à qui on donna pour récompense un bon archiprêtré en Piémont.13)
Quand vinrent les fêtes du jubilé sacerdotal de Pie IX au mois d'avril, nous lui offrîmes quelques pages de notre plus belle sténographié avec cette dédicace:
Pio IX
Pontifici Optimo Maximo
Sacri Solemma post annos L iteranti
una cum Urbe et Orbe
Pontificii Notarii excipiendis
oratorum Concilii Vaticani verbis
diem faustissimam recolentes
Principum gloriosissimo
Legislatorum sapientissimo
Patri amatissimo
Vota gaudia
Specimen artis suae.
Pie IX voulut bien nous accueillir plusieurs fois en audience. Il nous, témoigna. une bonté toute paternelle.14)
* * *
Il 21 marzo 1869, Dehon scriveva due lettere ai genitori e all'amico Leone Palustre, per comunicare loro la notizia che era stato scelto a far parte del corpo di stenografi per il Concilio.
«Chers parents… J'ai à vous annoncer que j'aurai l'avantage d'assister à toutes les réunions du Concile, ce qui sera pour moi très instructif. Voici à quel titre. Le Saint-Père a décidé qu'on aurait recours à la sténographie pour reproduire les discours des Pères du Concile, et à cause de l'importance de la chose il a voulu que ce soient des prêtres qui soient chargés de ce soin. Un ancien sténographe du Sénat de Turin qui s'est fait prêtre récemment est chargé d'organiser la chose. Il forme pour cela une vingtaine de prêtres de toutes les nations. Je suis au nombre des quatre français qu'a désignés le supérieur du séminaire. Nos leçons ont commencé il y a quinze jours… ».
La stessa idea, con maggiori dettagli, é espressa nella lettera all'amico Palustre:
« Le grand fait actuel de Rome, c'est la préparation active du Concile. On espère que l'Église s'y retrempera aux sources pures de la révélation et qu'il en jaillira, comme au Concile de Trente, une féconde renaissance. J'ai à te faire part de l'avantage que j'aurai d'assister à toutes les réunions même secrètes de cette solennelle assemblée. J'espère en tirer un sérieux profit d'instruction et d'expérience. Voici à quel titré. Les journaux t'ont annoncé déjà que le Concile profiterait pour reproduire les discours des évêques de l'ingénieux système de la sténographie. La chose était assez délicate à cause des difficultés de la langue théologique, du secret des congrégations particulières et de la gravité qu'auraient les infidélités de cette reproduction. On a donc jugé à propos de choisir dans ce but des prêtres de diverses nations aptes à comprendre toutes les prononciations du latin. Un ancien sténographe du Sénat de Turin qui s'est fait prêtre il y a peu d'années est devenu l'organisateur de la chose. Je suis au nombre des quatre prêtres français fournis par le Séminaire de Sainte Claire. Nous sommes en tout une vingtaine, et depuis quinze jours nous avons une heure par jour de leçon pour nous former la main et acquérir la dextérité nécessaire. Nous serons probablement obligés de sacrifier une partie de nos vacances… ».
La preparazione stenografica fu accurata e coscienziosa, si spiegano così i buoni risultati conseguiti. Dehon accenna spesso, nelle sue lettere, alla diligenza ed assiduità nelle esercitazioni giornaliere. In una lettera non bene datata, ma certamente della seconda metà del mese di aprile 1869, egli scrisse alla mamma:
« … La sténographie m'occupe deux heures par jour en sus de mon travail ordinaire. C'est un surcroît de besogne qui sera bien compensé par le précieux avantage d'assister au Concile… ».
Appena ritornato dalle vacanze, riprende le esercitazioni. Il 9 ottobre scrive ai genitori:
« … Je vais m'installer aujourd'hui et demain et je ne commencerai à sténographier que lundi. J'ai déjà salué ce matin mes co-sténographes. J'ai trouvé le séminaire agrandi et embelli. On y prépare le logement de quinze évêques. Il règne du reste dans Rome une grande activité. Tout le monde se prépare au Concile. Mes co-sténographes ont repris le travail depuis huit jours. J'espère les rattraper facilement… Rome est déjà encombrée d'étrangers. Comme j'arrivais la nuit j'ai demandé une chambre à l'hôtel de la Minerve. Il n'y en avait plus. J'ai été obligé de réveiller au séminaire français. Que sera-ce dans deux mois!… ».
Tre giorni dopo scriveva all'amico Palustre:15)
« … Nous avons recommencé nos exercices de sténographie. Nous nous préparons au Concile comme tout le monde fait à Rome. Il règne ici une assez grande activité… Je serai occupé cette année presque exclusivement du Concile et j'aurai peu de temps pour mes études. Je me promets une année bien intéressante. Tous les questions religieuses, les plus élevées et les plus actuelles, vont être traitées par des hommes éminents, et leur solution aura la garantie de l'assistance du Saint-Esprit. L'élément humain lui-même qui paraîtra au Concile sans y triompher aura son intérêt. Il nous fera connaître la valeur des hommes et leurs passions… ».
Quando fu pronta l'Aula conciliare, il corpo degli stenografi vi si recò per alcune esercitazioni. Il 30 novembre Dehon scriveva ai genitori:
… Le corps sténographique se prépare à remplir ses fonctions. Nous sommes déjà allés plusieurs fois nous exercer dans la magnifique salle du Concile… ».
===III LE JUBILÉ SACERDOTAL DE PIE IX=== Au mois d'avril, on célébra le cinquantième anniversaire de l'ordination sacerdotale de Pie IX. Quelles fêtes! quel enthousiasme! On fit une exposition des dons offerts au Saint-Père. Quelle profusion d'objets d'art, de livres précieux, d'albums, d'objets de tous genres. Les dons royaux côtoyaient les fleurs et les fruits offerts par les habitants des campagnes.
Toutes les nations étaient représentées. C'était l'industrie humaine rendant hommage au représentant dé Dieu sur la terre.
C'est le 11 avril que Pie IX célébra sa messe jubilaire à Saint-Pierre devant une assistance immense et profondément émue.
Pie IX avait donné les prémices de son sacerdoce à une œuvre des jeunes orphelins. C'est à l'hospice de Tata Giovanni qu'il avait célébré sa première messe en 1819.
Quelques-uns des enfants de l'hospice de 1819 se retrouvaient vieillards à la messe jubilaire de 1869. On leur avait réservé une place d'honneur.
J'eus la dévotion de célébrer la messe à la même heure à Saint-Pierre, à l'autel de Saint-Léon, mon glorieux patron, dont on faisait la fête ce jour-là. J'unissais mes prières à celles de Pie IX. Cette messe me laissa une profonde impression.16)
* * *
Il 12 maggio 1869 Dehon così scriveva all'amico Palustre:
« … Le grand événement de Rome depuis ma dernière lettre a été la fête du 11 avril. Tu en as lu les détails dans les journaux. Je la considère comme un des grands faits de l'histoire. Jamais homme n'a reçu des témoignages d'affection aussi multiples, aussi variés, aussi sincères que Pie IX en reçut en ce jour-là. Sa sainteté, ses malheurs, sa douceur, sa majesté lui ont gagné tous les cœurs. C'était partout une sainte frénésie, c'est un bon présage pour le Concile. On le prépare activement. Les travaux des congrégations sont à peu près terminés. Les évêques sont attendus ici pour le mois de novembre.
On fait à Rome quelques travaux d'embellissement. On a rasé les chaumières qui divisaient le Campo dei fiori, et on parle de transformer la place Navone en un square… ».
In una lettera non datata, scrive alla mamma:
« … Je vous ai adressé le journal qui décrit les fêtes du 11 et 12 avril. Ce fut la plus merveilleuse démonstration d'affection qu'un homme ait jamais reçue sur la terre. Jamais conquérant n'a dominé par la crainte autant d'hommes que Pie IX en domine par l'amour et le respect qu'il inspire. Le monde chrétien tout entier était représenté ici par des députations et des dons dé tout genre. Il y avait une foule immense plus recueillie que curieuse, et animée d'un pieux enthousiasme. On disait autour du Saint-Père que c'était une sainte frénésie.
J'ai dit ma messe ce jour-là près du corps de Saint-Léon à Saint-Pierre non loin du Saint-Père… ».
===IV [ELENCO DEGLI SCHEMI]17=== Le Saint-Siège avait fait tout son possible pour préparer le Concile comme il convenait. Depuis la Bulle d'indiction du 29 juin 1868, on avait montré à Rome de l'activité et une grande bonne volonté. Le Saint-Père avait chargé une commission de théologiens choisis en Italie, en France, en Espagne, en Allemagne, en. Amérique, en Angleterre, en Belgique, d'élaborer les matières qui devaient être soumises au Concile.
Ces théologiens avaient rédigé un plan complet, un vrai volume analogue aux Décrets du Concile de Trente. Il y avait quatre parties: I. La foi; II. La discipline; III. Les réguliers; IV. Les rites orientaux et les missions. La commission théologique s'était partagée en quatre groupes qui travaillaient séparément.
Le plan des travaux était fort beau en soi.17)
I. SUR LA FOI, il y avait sept séries de décrets:18)
1. Profession de la doctrine catholique contre le matérialisme, le panthéisme et le rationalisme absolu.
Ce sont là les fondements rationnels de la foi.
2. Déclaration de la doctrine catholique contre les principes du semirationalisme.
Cette seconde partie comprenait les sous-titres suivants:
A. De la révélation surnaturelle:
1° des sources de la révélation dans l'Écriture et la Tradition;
2° de la nécessité de la révélation;
3° de l'objet suprarationnel de la révélation, ou des mystères.
B. De la foi divine:
1° de la distinction entre la foi divine et la science rationnelle;
2° des motifs de crédibilité pour la foi chrétienne;
3° de la vertu surnaturelle de la foi et de la liberté de la volonté dans son assentiment à la foi;
4° de la nécessité et de la fermeté surnaturelle de la foi.
C. Des relations entre la foi et la science:
1° des rapports des sciences avec la foi et avec l'autorité de l'Église;
2° de la vérité immuable de la doctrine de l'Église en face des transformations de la science.
3. Déclaration de la doctrine catholique relativement à quelques dogmes spéciaux.
A. De Dieu:
1° de l'unité de l'essence divine en trois personnes réellement distinctes entre elles;
2° de l'opération divine «ad extra» commune aux trois personnes et de la liberté de Dieu dans la création.
B. Du Verbe incarné:
1° de l'unité de personne en deux natures dans le Christ;
2° de la rédemption et de la satisfaction offerte pour nous par le Verbe incarné selon sa nature humaine.
C. De l'homme considéré dans l'ordre naturel:
1° de l'origine commune de tout le genre humain en Adam;
2°de la nature de l'homme composé d'un corps et d'une âme raisonnable qui est la forme du corps.
D. De l'élévation surnaturelle de l'homme:
1° de l'état surnaturel de sainteté et de justice originelle;
2° de la chute de l'homme et du péché originel; de l'éternité des peines destinées à tout péché mortel qui n'a pas été expié en cette vie;
3° de la grâce qui nous est donnée par le Christ Rédempteur; de la grâce habituelle permanente et inhérente à l'âme; de la nécessité de la grâce pour tout acte utile au salut.
4. De l'Église:
A. De la nature de l'Église:
1° elle est le corps mystique du Christ;
2° en elle se réalise la religion chrétienne, la seule vraie.
B. «Des propriétés de l'Église comme société :
1°l'Église est une société vraie, parfaite, spirituelle et surnaturelle;
2° c'est une société visible;
3° elle est une;
4° elle est nécessaire au salut, de nécessité de précepte et de moyen;
5° personne n'est sauvé hors de l'Église. La doctrine de l'égale valeur des religions est contraire à la religion et à la foi.
C. Des privilèges de l'Église:
1° elle est indéfectible;
2° elle est infaillible.
D. De la puissance de l'Église: elle a la puissance d'ordre et de juridiction; un pouvoir législatif, judiciaire, coercitif et indépendant,
5. Du chef visible dé l'Église.
A. De la primauté du Pontife Romain:
1° de l'institution de la primauté en Saint-Pierre;
2° de la perpétuité de la primauté dans les successeurs de Saint-Pierre;
3° de la nature de cette primauté.
B. Du domaine temporel du Saint-Siège.
6. De l'Église considérée dans ses rapports avec la société civile:
1° de la concorde entre les deux sociétés;
2° des droits et des devoirs de la société civile suivant la doctrine de l'Église;
3° des droits spéciaux de l'Église: sur l'éducation et l'enseignement de la jeunesse; sur la profession publique des conseils évangéliques; sur les biens temporels ecclésiastiques.
7. Du mariage chrétien:
1° de la dignité et de la nature du mariage chrétien ;
2° du pouvoir de l'Église relativement au mariage chrétien;
3° des avantages du mariage chrétien sur les mariages mixtes.
C'était tout un complément et un développement de la dogmatique chrétienne. Toutes les erreurs modernes étaient visées.
Quel magnifique travail, s'il avait pu être mené tout entier a bonne fin! Nous aurions l'enseignement complet et lucide de l'Église sur la révélation, sur la foi, sur l'Écriture Sainte, sur les rapports de la science et de la foi, sur la nature divine et lés opérations de Dieu, sur la Rédemption, sur l'origine de l'homme et sa nature, sur lé péché originel, sur l'enfer, sur la grâce, sur l'Église et ses rapports avec l'État; sur le mariage chrétien.
Sur tous ces points nous avions besoin de lumières nouvelles, et le Concile n'a pu achever que deux chapitres: la foi et l'Église: Mais il nous a laissé l'autorité du Souverain Pontife affermie et déterminée. C'est le salut, et ce que nous attendions du Concile, le Saint-Père nous le donne peu à peu. De là ses enseignements sur l'Écriture Sainte, sur la constitution chrétienne des États, sur le mariage.
II. POUR LA DISCIPLINE, le plan des Consulteurs du Concile n'était pas moins beau. Il comprenait vingt-huit chapitres:
1. Des évêques, des synodes provinciaux et diocésains, et des vicaires généraux.
2. Des sièges épiscopaux vacants.
3. Des chapitrés.
4. Des curés: leur nomination, leurs devoirs, leur changement.
5. Des moeurs du clergé.
6. Des séminaires et des études.
7. Des conférences ecclésiastiques.
8. De la prédication.
9. Du petit catéchisme.
10. Des messes et des legs pieux.
11. Du rituel romain.
12. De l'administration des sacrements.
13. Des parrains.
14. Des titres d'ordination.
15. Des empêchements de mariage.
16. Du mariage civil.
17. Des mariages mixtes.
18. Du domicile pour le mariage.
19. Des cimetières et des sépultures.
20. Des jugements.
21. De la sentence «ex informata conscientia».
22. Des moeurs du peuple: indifférence, blasphèmes, ivrognerie, impudicité, théâtres, danses, luxe, mauvais livres; de l'éducation des enfants; des ouvriers et domestiques.
23. De la sanctification des fêtes.
24. De l'abstinence et du jeûne.
25. Du duel.
26. Du suicide.
27. Du magnétisme et du spiritisme.
28. Des sociétés secrètes.
C'était une revue complète de la morale, de la liturgie et du droit canon en vue des besoins actuels. Plusieurs de ces chapitres ont été étudiés, aucun n'a été promulgué. Mais le Saint-Père dans ses Lettres Encycliques a traité au moins en partie des moeurs du clergé, des études ecclésiastiques, de la prédication, du mariage, des ouvriers, des sociétés secrètes et les Congrégations romaines ont formulé plusieurs décisions relatives à ces questions.
III. POUR LES RÉGULIERS, les travaux se rapportaient à dix-huit chapitres:
1. Des réguliers en général.
2. Du vœu d'obéissance.
3. De la vie commune.
4. De la clôture.
5. Des petits monastères.
6. Du noviciat.
7. Des affiliations.
8. Des études des réguliers.
9. Des grades et des titres.
10. Des ordinations.
11. Des élections.
12. De la visite.
13. De l'expulsion des incorrigibles.
14. De la juridiction des évêques sur les réguliers et en particulier sur les délinquants.
15. Des religieuses.
16. Des instituts à vœux simples.
17. Des examens spirituels et des retraites.
18. Des privilèges des réguliers.
Il y a là toute une réglementation, tout un code qui aurai une extrême utilité. Le Saint-Père en a donné une partie dans la Bulle Auctis admodum.19)
IV. POUR LES RITES ORIENTAUX ET LES MISSIONS, deux chapitres étaient préparés.
===V LA LUTTE=== Le Concile devait être une œuvre de paix et d'union, mais il n'en va pas souvent ainsi. En réalité, il y eut une lutte ardente et souvent passionnée dans le Concile et au dehors.
Il y avait dans l'Église, je ne voudrais pas dire une faction. ou un parti, mais une école, vivante, ardente, et souvent passionnée, l'école gallicane et libérale. Elle avait ses foyers principaux en Allemagne et en France. Elle avait un ensemble de doctrines et de tendances bien connues. Elle avait plus d'une source: le césarisme napoléonien, l'indépendance révolutionnaire, le parlementarisme, le joséphisme autrichien, le vieux gallicanisme dé Louis XIV et des légistes, voire même le jansénisme et la Réforme.
La lutte se concentrait sur le terrain de l'infaillibilité pontificale, mais il y avait une tendance à relâcher les liens de l'épiscopat avec le Saint-Siège et des sociétés civiles avec l'Église.
A peine le Concile fut-il annoncé que les partis se dessinèrent.20)
Dès le mois de février 1869 La Civiltà Cattolica de Rome avait exprimé avec simplicité que l'œuvre principale du Concile serait la proclamation de l'infaillibilité du Pape et la confirmation du Syllabus.21) Ce fut l'occasion d'un tolle. Les journaux libéraux commencèrent à dire qu'on voulait mettre le Concile au service d'un parti.22) Les théologiens gallicans prirent leur plume. Les principaux lutteurs du parti furent en Allemagne, le Dr Doellinger, sous le pseudonyme de Janus; en France Mgr Maret, qui produisit deux volumes,23) et le P. Gratry, qui publia plusieurs brochures.24)
Le foyer de l'opposition en Allemagne était surtout Munich, où Doellinger était prévôt du chapitre. Ce pauvre chanoine publia d'abord les lettres de Janus, puis des observations sur le Concile qui furent traduites dans toutes les langues des pays catholiques.25) Janus Doellinger était le bouc émissaire du gallicanisme, il devait hélas! finir dans l'hérésie. Les pamphlets de Janus provoquèrent une certaine agitation en Allemagne. Ils reçurent hélas! une adhésion imprévue, celle de M. de Montalembert. L'illustre écrivain était gravement malade, il se laissa entraîner par son ancienne amitié avec le Dr Doellinger.
Un manifeste du Correspondant, publié le 10 octobre, vint engager la lutte à fond. Toute la rédaction du Correspondant s'engageait sous une signature collective. Les principaux rédacteurs étaient MM. de Montalembert, de Falloux, Albert de Broglie, Foisset, Louis Carné, Augustin Cochin, les RR. PR Perraud et Largent, de l'Oratoire.26) C'étaient les chefs de l'école libérale.
Des catholiques laïques de Coblence et de Bonn envoyèrent leur adhésion à Doellinger et à M. de Montalembert.
Enfin Mgr Dupanloup, qui passait pour avoir inspiré l'article du Correspondant, se découvrit lui-même dans une lettre à son clergé,27) et dans un Avertissement au journal de L'Univers.28)
Louis Veuillot combattait le bon combat avec sa verve et son esprit ordinaires.
L'écho de ces luttes venait jusqu'à nous, mais il nous était facile de prévoir l'issue qu'elles auraient.
===VI SCHISMATIQUES ET PROTESTANTS30=== On avait espéré un moment voir revenir au bercail quelques brebis égarées. Le Saint-Père avait adressé, les 8 et 13 septembre, deux lettres apostoliques, la première Arcano divinae Providentiae, à tous les évêques schismatiques d'Orient;29) la seconde Jam vos omnes aux protestants et aux membres des communions séparées:30) le Pape les invitait à revenir, dans une occasion si solennelle, au giron de la véritable Église. Ces lettres étaient pressantes et cordiales: «Omnes ad paternae charitatis amplexus excitare vebementissime cupimus et conamur».31) Le Saint-Père rappelait aux Orientaux que leurs prédécesseurs, dans les circonstances semblables étaient venus aux Conciles de Lyon et de Florence. Il exprimait la pensée que les Pères et les Docteurs anciens de l'Église d'Orient se réjouiraient au ciel de voir rétablie l'unité à laquelle ils avaient été si dévoués.
Aux protestants, le Saint-Père disait: «Vous qui reconnaissez avec nous un même Rédempteur, le Christ Jésus, examinez sérieusement si vous êtes bien dans la voie du salut. Personne ne peut mettre en doute que le Christ a bâti son Église sur son Apôtre Pierre et qu'il a confié à cette Église le soin de garder le dépôt de la foi: Tu es Petrus et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam [Mt. XVI, 18]. Ne voyez-vous pas à quelles divisions vous a conduits l'abandon de l'Église romaine? Cette diminution du principe d'autorité n'a-t-elle pas rejailli sur la société civile elle-même et relâché tous les liens sociaux? Vos aïeux étaient unis à l'Église de Rome. Priez Dieu avec nous de faire tomber la muraille de séparation. Hâtez-vous de revenir à l'unique bercail du Christ… ».32)
Mais ces généreuses tentatives restèrent vaines. La servile dépendance des évêques orientaux envers les pouvoirs temporels, leur ignorance et leur infatuation rendirent inutiles les avances du Saint-Père. Dans le camp des protestants quelques voix isolées, celles de Guizot et de Pusey, celle de Reinhold Baumstark, qui bientôt après se convertit au Catholicisme, reconnurent le bon droit et les bonnes intentions du Souverain Pontife; mais l'appel du Souverain Pontife rencontra partout un refus catégorique, accompagné souvent d'invectives grossières.
Le fruit n'était pas mûr. Et puis, il eût fallu peut-être une campagne entreprise plus longtemps à l'avance avec des invitations plus directes, plus personnelles, et plus cordiales. L'union viendra avec des circonstances plus favorables.
===VII LES NATIONS=== Le Pape n'invita pas au Concile, comme on l'avait fait à Trente, les représentants des nations.
Au temps de la chrétienté, lés princes étaient les sergents du Christ, ils étaient comme les évêques du dehors. Ils reconnaissaient Jésus-Christ comme roi suprême et l'Église comme l'interprète du Christ. Les nations étaient chrétiennes comme telles. Elles réglaient leur lois, en principe au moins, sur les lois de l'Évangile et de l'Église. Il était juste que les princes, auxiliaires puissants de l'Église, eussent une modeste place dans les Conciles. Ils étaient là pour apprendre quelle ligne de conduite ils devaient tenir dans le gouvernement des nations.
Mais aujourd'hui les nations se sont soustraites à la royauté du Christ. C'est l'hérésie du XIX siècle. La règle des législations c'est le caprice des parlements.
Il y eut cependant un moment d'étonnement. En France, en Autriche, en Bavière, en Espagne, on ressentit l'humiliation de cette exclusion. Les rois se disaient encore «rois par la grâce de Dieu». Comme disait Louis Veuillot, si les princes avaient demandé à entrer au Concile, le Pape aurait dû leur répondre comme St. Louis captif répondait au Sarrazin qui voulait être armé chevalier: Fais-toi chrétien!33) Ils auraient dû d'abord redevenir chrétiens comme rois et reconnaître comme tels l'autorité de l'Église. Personne d'eux n'y songeait.