LE PAPE
Espérances et pressentiments
L'année jubilaire s'achève. Elle a été un triomphe incomparable pour Léon XIII et pour la papauté. Le Vicaire de Jésus-Christ a reçu les hommages de tous les peuples et même des princes musulmans et païens de la Turquie, de la Chine et du Japon.
Pendant ce temps-là le royaume d'Italie voyait son crédit moral et matériel s'effondrer de jour en jour. La divine Providence prépare sa revanche sur l'attentat du 20 septembre 1870.
Rien ne s'assoit que sur la justice, rien ne dure que par elle. Tôt ou tard, comme le remarquait Lacordaire, les maîtres du monde, après avoir élevé leur fortune aussi haut que leur vouloir, viennent se briser contre un écueil qui leur apprend qu'aucune puissance n'est rien quand elle n'a pas la raison de Dieu pour règle et la justice pour appui.
Il en sera ainsi du pauvre royaume d'Italie et de son malheureux souverain.
Le pressentiment de ces inévitables représailles de la justice divine gagne les hommes qui semblaient devoir y être les moins accessibles. Il y a quelques jours, un ancien ministre de Napoléon III, M. Ollivier, visitait la Ville éternelle,' plutôt en artiste, il le déclare lui-même, qu'en pèlerin. Après avoir déploré le sort de la métropole du monde, profanée et mutilée par de nouveaux barbares, il va chercher dans les galeries du Vatican, le respect des choses de l'art et il s'arrête devant les célèbres fresques de Raphaël. Ecoutez ses impressions:
«L'expulsion d'Héliodore du Temple, peut-être à raison des circonstances, est celle des compositions de Raphaël qui, cette fois, m'a surtout ému. Au fond, le grand-prêtre agenouillé, les mains jointes, la tête relevée dans un mouvement d'indicible angoisse, implore le Dieu des justices. Au premier plan, un peu sur le côté, deux anges armés de verges et un troisième campé sur un cheval fougueux culbutent et chassent l'envahisseur sacrilège.
En ce moment, on n'aperçoit au Vatican que le Pontife prisonnier qui, lui aussi, les mains levées vers le ciel prie et implore. Qui sait si, un jour, les anges vengeurs n'arriveront pas aussi?».
Interrogeons les signes du temps, disait dernièrement M. le comte Verspeyen dans un magistral discours à l'Assemblée générale de l'Oeuvre du denier de Saint-Pierre à Gand.
Tous attestent une préparation providentielle à un agrandissement du rôle de la Papauté; tous impliquent, par conséquent, des conditions d'indépendance et de sécurité, appropriées à cette extension d'influence.
Trois grands conflits, ou, si l'on veut, trois grands malentendus divisent et troublent aujourd'hui le monde.
La rivalité de la raison et de la foi. L'antagonisme de l'autorité et de la liberté. L'hostilité du capital et du travail.
Trois grandes erreurs correspondent à ce triple problème: le rationalisme, le libéralisme et le socialisme.
Elles veulent toutes les trois séparer ce que Dieu a uni et c'est pourquoi toutes les trois ne peuvent qu'aboutir à l'anarchie intellectuelle, au désordre politique, à la révolution sociale.
Mais le Pape veille, et au nom de la sainte Eglise catholique, dont il est le chef, il défend les lois de l'ordre divin.
Contre le rationalisme, il affirme l'harmonieux accord de la raison et de la foi, et il établit que deux modes distincts de percevoir la vérité ne sauraient sérieusement se contredire dans les résultats de cette perception. La foi est l'alliée de la science et, loin de la contrarier dans son essor, elle l'aide à s'élever plus haut. C'est l'enseignement du Concile du Vatican. C'est, dans l'ordre scientifique, la grande et féconde pensée du règne de Léon XIII. La dernière Encyclique sur l'étude de l'Ecriture sainte en est encore le splendide et nouveau témoignage.
A l'encontre du libéralisme, le Pape rétablit la vraie notion de l'autorité et de la liberté, en définissant «la constitution chrétienne de l'Etat».
L'autorité est instituée de Dieu pour le bien de tous. Elle règne pour servir et non pour élever son omnipotence sur l'écrasement du droit.
La liberté n'exclut pas l'obéissance, mais elle l'ennoblit en la voulant rationnelle, volontaire et contenue par le respect supérieur: de la loi divine.
En face du socialisme enfin, le Pape proclame le droit de la propriété qui, loin d'être l'ennemie du travail, en est, au contraire, la consolidation et la récompense. Il encourage et bénit leur alliance et, en leur traçant leurs devoirs respectifs, il montre à ces deux grands facteurs de la civilisation les conditions réciproques de leur inséparable fécondité.
Dans ces diverses manifestations de son autorité doctrinale et suprême, le Pape garde une attitude médiatrice et paternelle. Il est l'arbitre providentiel de la paix sociale. En dehors de lui, ce ne sont que luttes sans cesse renouvelées.
Cette situation est bien faite pour frapper l'esprit des souverains et des peuples.
Pour exercer efficacement son autorité morale, il faut que le Pape soit libre. La liberté du Pape importe à la paix du monde. Sa voix serait plus puissante, s'il était rétabli dans les conditions normales de son ministère, au sommet de la chrétienté.
Le temps n'est pas loin où ceux qui ont voulu se passer du Pape reconnaîtront que sans lui il leur est impossible de se sauver.
En attendant l'heure de Dieu, prions. Léon XIII a remis en nos mains le victorieux rosaire de Lépante. Nos ferventes prières avanceront l'heure de la Providence.
Léon XIII nous redisait récemment, en répondant aux Associations catholiques de Rome, les grandeurs de la Rome Papale.
Rome, disait-il, doit à Pierre et à ses successeurs d'être ressuscitée des ruines et amenée à une existence nouvelle qui est supérieure à l'ancienne, comme l'éternité l'est au temps et l'esprit à la matière.
Elle était le siège d'un empire disparu, elle devint le siège d'un royaume qui n'aura jamais de fin: cette destinée lui vaut un titre de gloire unique au monde, le nom de Ville éternelle.
Ce n'est pas la Rome des Scipions, ni celle des Césars, mais la Rome du Christ qui a fait resplendir au milieu des nations, d'un pôle à l'autre, la vraie civilisation, réformant les lois et les moeurs, éveillant l'esprit de fraternité entre les peuples et les classes, perfectionnant l'homme individuel et social. La Rome des Quirites, forte de ses légions, traînait dans les chaînes, entre ses murs, les peuples et les rois submergés. La Rome de Pierre attire doucement dans son sein les rois et les peuples, par la splendeur du vrai et le doux aspect de la charité. La première, bien que richement douée de l'esprit politique et juridique, accueillit et sanctionna beaucoup d'erreurs et de vices. La seconde, maîtresse indéfectible dans l'art de bien penser et de bien agir, resplendit et continuera de resplendir comme un phare céleste jusqu'à la consommation des temps, dirigeant l'humanité mortelle jusqu'au terme final de la vie éternelle.
En ce qui concerne les biens de l'ordre temporel et civil, disait le Saint-Père, on sait que si l'Italie et l'Europe ne se sont pas perdues pour jamais dans les ténèbres et les misères infinies de la barbarie, le mérite et la gloire en sont à la Rome des Papes. Au milieu des luttes intestines et des partis guerriers, elle a été et elle est encore l'arbitre des différends entre les peuples et les princes. Elle emploie sa force morale à soulager les opprimés et à contenir les puissants.
Et que n'a-t-elle pas fait pour soulager les souffrances humaines, pour développer les arts et les sciences! Elle fut la première à seccourir efficacement la pauvreté, l'infirmité, la vieillesse, l'abandon, toute espèce d'infortunes. Elle fut la seule qui, pendant les siècles d'ignorance, conserva brillant le flambeau du savoir, qui fonda des universités célèbres et un nombre infini de maisons d'éducation.
Telle est l'oeuvre de Rome: c'est en cela que consiste sa vraie grandeur. Ce serait contredire follement les desseins de la Providence que de s'imaginer pouvoir ranimer les gloires païennes et découronner Rome de ce diadème brillant et impérissable qu'a placé sur son front, par les mains de saint Pierre, le Verbe de Dieu.
Le Saint-Père, après avoir exprimé ces pensées si saisissantes, n'a pas voulu, par une extrême délicatesse et pour ne pas causer d'embarras aux Associations catholiques, en tirer les conclusion. Mais elles s'imposent et les pieux Romains les ont comprises. Ils l'ont témoigné par leurs acclamations émues et enthousiastes.
Si Rome doit aux Papes sa véritable grandeur, son autorité morale, son prestige intellectuel et artistique, il faut qu'elle retrouve sa liberté et ne soit plus aux mains d'un pouvoir usurpateur qui entrave l'Eglise et son Chef et tend à faire de la Ville éternelle une vulgaire capitale.
La lumière se fait. La désillusion des Italiens est complète. Confiance! L'heure de Dieu approche.
Le règne du Coeur de Jésus dans les âmes et dans les sociétés, février 1894, pp. 53-58.
LE SOCIALISME
(Deux livraison)
Les socialistes ont souvent sur les lèvres les mots aimables de charité et de fraternité. Seraient-ils destinés à réaliser sur la terre cet idéal d'union et de paix sociale, après lequel aspirent les âmes généreuses?
Non, ce beau rôle est réservé au Christ et à son Coeur sacré. Une courte étude sur le socialisme le démontrera facilement.
Les descriptions de sociétés idéales, faites par Platon dans sa République, par Thomas More dans son Utopie, par Campanella dans sa Cité du soleil, et par d'autres, n'ont été que des préludes éloignés de la doctrine socialiste. L'antiquité et même les temps chrétiens avaient entendu certaines utopies dont la prétention était d'éliminer de cette terre tous les maux et d'y restaurer l'âge d'or. C'étaient des rêveries individuelles qui ne marquaient pas dans la vie des peuples.
Le véritable initiateur de toutes les doctrines socialistes comme de toutes les doctrines révolutionnaires, c'est J.-J. Rousseau. Ses écrits sont remplis des deux idées qui composent tout le socialisme: l'égalité radicale des hommes et le droit qu'ils ont toujours de ramener les sociétés, égarées et corrompues par leurs institutions, aux véritables conditions de la nature humaine, qui d'elle-même ne peut être que bonne et droite. Mais c'est au XIXe siècle seulement que les apôtres du socialisme ont commencé à faire école. Saint-Simon et Fourier en furent les premiers maîtres en France, et Robert Owen, en Angleterre. Leurs premiers écrits parurent en 1817, mais les idées nouvelles ne prirent un grand essor qu'après 1830.
Avec des nuances diverses, tous demandaient l'émancipation de la raison humaine, la suppression des dogmes religieux, la suppression de la propriété privée, l'éducation égale pour tous, l'émancipation de la femme, l'organisation d'ateliers corporatifs, où les adolescents entreraient suivant leurs goûts et leurs aptitudes.
Le journal le Globe prêta sa publicité aux idées nouvelles. Michel Chevalier, Binder, Enfantin, formèrent une première couronne de disciples à ces nouveaux apôtres. Après eux vinrent Leroux, Raspail, Pecqueur, Louis Blanc et Comte.
Proudhon demande une mention à part. C'est un disciple de Hégel. Il a formé Blanqui. Il est panthéiste et souvent nébuleux comme Hégel. C'est une pénitence de le lire. Mais ses déductions sont assez claires: pour lui, la propriété, c'est le vol; Dieu, c'est le mal; le pouvoir, c'est la tyrannie. C'est le dernier terme de la doctrine socialiste. Proudhon est le père des anarchistes.
La période impériale en France n'offrait pas un terrain favorable au socialisme. Il poussa alors ses racines en Allemagne, en Italie et en Russie, et il nous donna Karl Marx, Lassalle, Bakounine et Mazzini. Celui-ci propagea principalement la révolution politique.
Marx donna dans son livre intitulé: Capital une synthèse de toutes les revendications socialistes. Ce n'est plus un illuminé, un doctrinaire, comme Saint-Simon et Fourier; sa doctrine est simple et brutale. Il dit aux prolétaires: «Vous êtes le nombre et, par conséquent la force. Vous êtes exploités et vous ne voulez plus l'être, voilà votre justice et votre droit. Allez donc à l'assaut du pouvoir, soit par le vote, soit par la révolution».
Toutes ces écoles diverses se continuent et se développent. Nous dirons plus loin leur situation actuelle.
Le socialisme se flatte ou se fait illusion. Il prétend au monopole de la pitié pour les malheureux et du zèle pour les réformes sociales. Tous ses livres, tous ses programmes, tous ses discours commencent par là.
Pardon, Messieurs les socialistes! Soyez plus justes, s'il vous plaît. Soyez plus modestes, au moins. Nous voulons bien vous croire de bonne foi: vous avez pitié des prolétaires, vous les aimez, vous désirez des réformes sociales qui leur assurent une meilleure part au banquet de la vie. C'est bien, mais ne prétendez pas au monopole de ces bonnes dispositions. Elles sont une monnaie assez courante dans la société actuelle. Presque tout le monde avoue qu'il y a quelque chose à faire, et tous les partis sont à la recherche des remèdes les meilleurs.
Ne pensez-vous pas même que les chrétiens pourraient revendiquer avant vous un brevet d'invention? L'Evangile n'est-il pas le code même de la pitié et de l'émancipation sociale? Notre Chef suprême, Jésus-Christ, a formulé avant vous sa compassion pour les foules: Misereor super turban. Il a appelé à lui tous les déshérités et s'en est fait le protecteur. Il les a recommandés au zèle de ses disciples.
L'Eglise catholique ne vous a pas attendus pour aller au secours des prolétaires. Elle les a tirés de l'esclavage, de la barbarie, du servage. C'est un fait historique. N'est-ce donc rien que cela?
Elle les avait entourés d'institutions protectrices: corporations, caisses de secours, d'assistance et de retraites de tous genres. Elle les avait conduits ainsi à une situation d'honneur, de prospérité, de vie libre, éclairée et artistique, qui a eu son apogée au mile siècle, et que nous voyons décroître à chaque victoire de l'idée païenne dans la vie sociale.
Un peu de loyauté, s'il vous plaît. Vous avez pitié des travailleurs malheureux? nous aussi. Nous l'avons eue avant vous, et notre passé montre que nous savons l'avoir efficacement.
Ne dites donc pas: le socialisme, c'est la pitié pour le pauvre. Dites, si vous voulez: le socialisme, lui aussi, a pitié du pauvre. C'est bien, nous ne contesterons pas votre bonne foi.
Ne dites pas non plus: le socialisme, c'est la réforme sociale. Quelques-uns d'entre vous sont bien sommaires et peu rassurants dans leurs projets de réformes. Ils disent: «Détruisons d'abord l'organisation sociale actuelle et nous verrons ensuite». C'était l'épigraphe de Proudhon: Destruam et aedificabo. C'est la doctrine de Karl Marx.
D'autres, les Possibilistes surtout, ont de longs programmes où se rencontrent de bonnes choses, par exemple: l'organisation d'une assistance efficace pour les invalides du travail, la réglementation du repos hebdomadaire, du travail des femmes et des enfants, etc. Mais tout cela, ce n'est pas le socialisme. Nous trouvons cela aussi sur les programmes catholiques, et les corporations anciennes l'avaient réalisé.
Il est une doctrine philosophique assez mal définie, ayant pour auteur des illuminés ou des révolutionnaires plutôt que des penseurs. Il est au fond le matérialisme pratique, teinté parfois de panthéisme, comme dans Proudhon.
Il est toujours la négaion d'un Dieu personnel, qui est le premier principe philosophique; la négation de la famille, qui est le premier principe social; la négation de la propriété, qui est le premier principe économique; la négation de la chute originelle, qui est le premier principe moral; et même, chez les logiciens de l'anarchie, la négation de l'ordre, qui est le premier principe politique.
Les quatre fédérations socialistes, réunies en congrès à la Maison du Peuple à Paris, en novembre dernier, l'ont déclaré. Elles mènent ensemble le combat contre les choses du passé, c'est-à-dire contre la religion, la propriété et l'ordre social. Elles se glorifient des grands aïeux de juin 1848 et de mars 1871. Leur but est la substitution de la propriété collective à la propriété privée. Si elles se bornent, pour le moment, à demander la reprise par l'Etat des mines, des banques, des chemins de fer, etc., ce sont des mesures transitoires, dont elles se contenteront en attendant mieux.
Quand le socialisme fait patte de velours, comme il arrive aujourd'hui en Allemagne, défions-nous des griffes cachées. Frédéric Engels, dans son livre récent sur l'évolution du socialisme à travers les utopies jusqu'à la science, nous montre un socialisme adouci, mitigé, apprivoisé. Ce sont là de belles paroles pour séduire les simples. Il y a là-dessous des meneurs qui cachent leur jeu, comme il y a dans la Franc-Maçonnerie les loges où ne manquent pas les naïfs, et les arrière-loges qui dirigent; comme il y a dans la politique les opportunistes hypocrites ou badauds, et les radicaux qui ne voilent pas leurs doctrines.
Le socialisme est un système d'économie sociale qui veut réduire tous les instruments du travail en propriété commune et organiser la production collective et la répartition des richesses économiques par l'Etat ou par la Commune.
Il est cela, ou il n'est rien. S'il ne vise qu'à quelques réformes économiques, il n'est plus le socialisme.
Elles sont nombreuses et atteindront, si Dieu leur prête vie, le nombre des espèces de roses dans nos jardins ou celui des sectes du protestantisme.
On compte cinq groupements principaux:
1° Le Parti ouvrier. - C'est le socialisme d'Etat. Il a eu pour évangélistes Guesde et Marx. Il a envoyé au Parlement MM. Lafargue, Thivrier, Ferroul et Jourde. Il demande le retour à la nation du sol, des instruments et de la matière du travail.
2° Les Possibilistes. - Leur évangéliste a été Benoît Malon. Ce sont les opportunistes du socialisme. Ils dominaient à la Bourse du Travail avant sa fermeture. Brousse et Joffrin sont leurs apôtres. Ils ont envoyé M. Lavy à la Chambre. Ils ont pour organe le journal: La Fédération. Plus prudents que les premiers, ils veulent nous mener tout doucement au communisme. Ils sont politiques et connaissent le proverbe italien: Chi va piano, va securo.
3° Le Parti socialiste révolutionnaire. - Allemane est le chef de ce groupe, et M. Dumay, son député. Les autres aussi seraient révolutionnaires, s'ils y voyaient chance de succès, mais ils se contentent de le penser et ceux-ci le disent tout haut.
4° Les Indépendants. - Ils ont pour organe le Peuple, et pour représentants à la Chambre MM. Basly, Boyer, Couturier, Jaurès, Lachèze, Lamendin et Millerand. Sans doctrines bien définies, ceux-là aspirent surtout à gouverner, et trouvent que le socialisme est une étiquette avantageuse.
5° Les classiques. - Ceux-là surtout se rattachent aux ancêtres de juin 1848 et de mars 1871. Ils descendent de Blanqui et de la Commune. Ils prennent le mot d'ordre du Comité Révolutionnaire Central. Ils sont représentés par MM. Baudin et Vaillant à la Chambre, et par M. Chauvière au Conseil municipal de Paris.
Le socialisme va à l'encontre des droits les plus sacrés. Il anéantit la religion, la famille, la propriété, la liberté personnelle.
Que faites-vous de la religion, Messieurs les socialistes?
L'homme, aussi bien que le ciel et la terre, les plantes et les animaux, a été créé de rien par un Dieu personnel. Dieu a créé l'homme intelligent et libre, pour être par lui connu, aimé et glorifié. Il l'a créé aussi pour le rendre heureux, et il a mis la matière à son service, à titre de fief divin, afin qu'elle lui fournisse les moyens de vivre et de parvenir à sa fin.
Nous savons que vous remplacez ce premier principe par la théorie de l'évolution.
C'est vraiment trop commode. Mais, dites-moi, si la matière se prête si aimablement à toutes sortes d'évolutions et s'accommode à tous les besoins, à toutes les tendances des êtres vivants, pourquoi nos maisons, nos vêtements, tout ce qui sert à notre usage ne se fabrique-t-il pas tout seul? Cela viendra sans doute.
L'homme est, par sa nature et la volonté de Dieu, destiné à vivre et à travailler en société. Nous en convenons. La société, basée sur un fondement moral et religieux, est une exigence de la loi naturelle que le christianisme a renouvelée et sanctifiée. Mais cette vie sociale est postérieure à la vie individuelle et à la vie de famille. Elle peut et elle doit les aider, les protéger, elle ne peut pas les détruire. Les familles ont existé longtemps avant les groupements nationaux. L'homme individuel et la famille avaient reçu de la nature le droit de vivre et de protéger leur existence avant que l'Etat fût formé. Ils avaient donc des droits et des devoirs antérieurs à ceux de l'Etat. L'Etat est fait pour protéger la liberté individuelle et la famille.
Et la propriété privée? Elle aussi est de droit naturel. C'est le but instinctif du travailleur de s'assurer la possession en propre, la possession stable et permanente des fruits de son travail. Pour s'assurer la conservation de ses épargnes, il les réalise dans un champ. Ce champ n'est que le salaire transformé, la rémunération légitime du travail. L'homme ne vit pas au jour le jour, comme l'animal, il veut pourvoir à son avenir, il est en quelque sorte sa providence à lui-même. C'est pour cela que la nature a mis à sa disposition un élément stable et permanent, la propriété.
Vous m'objecterez en vain que Dieu a donné la terre en jouissance au genre humain tout entier. Il est vrai que Dieu a confié au sol des ressources pour nous nourrir tous. Mais la terre, quoique divisée naturellement en propriétés privées, ne laisse pas que de servir à l'utilité de tous. Tous se nourrissent de ses fruits, grâce aux échanges, à la rémunération du travail, et, au besoin, grâce à la charité publique et privée.
Et l'hérédité? elle non plus n'est humaine. Elle est dans la nature, l'homme. Elle est nécessaire aussi hommes qui désirent se survivre dans des fruits de leurs labeurs.
pas un produit de l'invention dans les instincts légitimes de pour stimuler au travail des une autre génération, qui jouira
Ne voyez-vous pas où nous mènerait votre régime socialiste?
Vous chargerez l'Etat de régler la production et la distribution des richesses.
Par quel moyen, d'abord, la société actuelle sera-t-elle liquidée de fond en comble?
Vous nous ferez ensuite une vaste machine scientifiquement organisée. Le premier effet sera de créer une aristocratie bureaucratique, chargée de distribuer le vivre et le travail.
Les juifs seront en tête, à coup sûr, et, en fin de compte, ce sera justement l'anéantissement de la démocratie et de la liberté.
Ce sera tout le monde redevenu employé, mieux que cela, pensionnaire, prisonnier et forçat, sous la baguette des commissaires du collectivisme: quelque chose comme l'organisation du travail des Hébreux sous le bâton des Egyptiens.
L'Etat enseignera; mais quelle morale, s'il vous plaît? Celle d'Epicure ou de Diogène?
L'Etat sera chargé seul de l'assistance publique. Ce sera superbe. Nous pouvons nous en faire une idée. Il y a aura des nuées d'agents et d'infirmières. Les ressources destinées aux pauvres, aux malades, aux vieillards, seront drainées par l'administration et par le service.
A l'aspect du péril, en temps de choléra, le personnel positiviste refusera le service. On cherchera des dévouements religieux. Il sera trop tard: la source en sera tarie.
Et qui fera le triage des vocations et des capacités? Qui distribuera les produits selon les besoins et les mérites?
Et les jalousies? et les discordes? et les haines qui vont surgir?
Mon Dieu! quelles galères! Le collectivisme ne voit-il pas qu'il va créer une oligarchie plus oppressive, plus orientale et plus despotique qu'aucun régime capitaliste?
Le socialisme a ses heures de franchise. Il nous laisse voir parfois le but où il nous mène. Ce ne serait pas seulement une tyrannie unique dans l'histoire, s'exerçant sur les âmes comme sur la vie matérielle. Ce ne serait pas seulement le régime du bagne. Ce serait aussi le règne de l'union libre, comme chez les Quakers, ou mieux comme chez les animaux. Ce serait le retour aux pratiques les plus barbares du Paganisme, comme l'immolation des vieillards et celle des êtres faibles et souffrants, pour en délivrer la société.
Lisez plutôt M. Lafargue, dans son livre: «Le droit à la paresse». Il s'écrie:
«Les Indiens du Brésil tuent leurs infirmes et leurs vieillards. Tous les peuples primitifs ont donné aux leurs ces preuves d'affection. En Suède, on conservait encore dernièrement des massues qui servaient à délivrer les parents des tristesses de la vieillesse. Combien dégénérés sont nos prolétaires modernes!».
C'est égal, j'aime mieux la douceur et la charité chrétiennes… et l'espérance du ciel après les misères de cette vie.
Pour vous, qui n'allez pas aux extrêmes, vous voulez seulement, dites-vous, mettre de nouvelles ressources aux mains de l'Etat, en lui remettant les mines, les banques et les chemins de fer, pour qu'il organise l'assistance sous toutes ses formes.
S'il ne s'agit que de quelques monopoles de plus, vous n'êtes pas de grands inventeurs. L'Etat en a déjà pas mal: les tabacs, les allumettes, les poudres, les postes et télégraphes, etc.
Les choses en vont-elles mieux? Les allumettes sont-elles meilleures? Le budget est-il mieux équilibré? Donnez à l'Etat quelques centaines de millions de plus, il créera de nouvelles sinécures, il ouvrira des écoles sans élèves, il vous tiendra un peu plus longtemps à la caserne. C'est tout ce que vous y aurez gagné.
Ce qu'il faut, ce n'est pas augmenter le budget, c'est supprimer les dépenses inutiles.
Et pour les caisses de secours et d'assistance, les corporations libres sont plus sûres que l'Etat, qui, en un jour de guerre ou de crise sociale, gaspillera tous les capitaux amassés.
Ne regardez pas comme un essai pratique de socialisme le Familistère de Guise. C'est là une simple Société coopérative de production et de consommation. Ce n'est pas le socialisme communal, encore moins le socialisme d'Etat. C'est un choix d'ouvriers: il faut trois ans de stage et l'admission par un comité, pour habiter le Familistère. Il y a donc là une sélection.
Comme l'industrie propre à l'établissement est prospère, on y est assez heureux. Il faudrait voir ce que produirait la moindre crise industrielle. Quant à la moralité, les fondateurs, on le sait, n'en ont pas donné l'exemple.
Ce n'est pas non plus du socialisme que les communautés de(Frères Moraves. Nous avons visité celle de Zeist en Hollande. C'est une petite république gouvernée par des anciens ou chefs ecclésiastiques, qui règlent tous les actes de la vie civile. Ils président à l'éducation physique et morale des enfants. Ils infligent des pénitences, prononcent l'exclusion de la communauté et marquent le rang de chacun dans les diverses classes qui composent la cité. C'est là une sorte de couvent de gens mariés où la discipline est conservée par la ténacité qui est un des caractères de l'hérésie.
Mais il faut voir ces communautés pour reconnaître que ce n'est pas l'idéal sur la terre. Ces braves gens portent sur leur visage une tristesse résignée, un air de puritains, qui les fait prendre en compassion.
Mais voici l'histoire d'un essai véritable.
Victor Considérant, mort en décembre 1893, fut l'un des premiers adeptes du Fouriérisme. L'idée était neuve alors, elle eut du succès auprès des badauds de l'époque. Les capitaux affluaient pour fonder la société idéale qui réaliserait l'âge d'or. Le nouvel apôtre, Victor Considérant, quelque peu compromis dans les émeutes révolutionnaires de 1848, jugea prudent de mettre l'océan entre lui et la justice et d'aller tenter ses essais en Amérique. Il partit pour le Texas, emportant la caisse et emmenant une colonie toute résolue à tenter l'application des merveilleuses théories collectivistes.
Là-bas, Considérant rencontre l'évêque missionnaire de la région, plus riche de dévouement que d'argent. Considérant, poussé par un sentiment d'humanité, exposa au missionnaire sa précieuse méthode.
L'évêque l'écouta patiemment et lui dit: «Mon ami, avant quelques mois, tout votre édifice social s'écroulera: il vous manque le bon ciment, la charité chrétienne. Quand vos colons voudront vous écharper, venez vous réfugier chez moi, je vous attends».
Considérant resta stupéfait d'une telle pauvreté d'esprit.
Quelques jours après, Considérant, battu, traqué, exténué par ses colons, trouvait un refuge chez l'évêque missionnaire.
Il revint en Europe, et le reste de la colonie vécut à la diable et périt dans les savanes.
Considérant n'a pas recommencé.
Il vient de se faire en Angleterre, à Bradfort, une expérience véritablement bien curieuse. Une association ouvrière a reçu l'offre d'une manufacture tout outillée et d'un crédit de 125.000 francs. La cession était consentie pour une année, sans redevance ni contrat. La seule condition imposée par le donateur, M. Priestley, était que l'affaire fût conduite selon les principes socialistes. En outre, il s'engageait si, à la fin de l'année, l'entreprise avait réussi, si les ouvriers avaient gagné plus d'argent qu'ils n'en gagnent sous la direction du patron, à abandonner aux membres du syndicat sa manufacture moyennant une faible redevance, et à continuer à leur ouvrir un crédit de 125.000 francs chez ses banquiers.
L'association ouvrière à laquelle cette offre a été faite a réfléchi pendant quatre mois à l'accueil qu'il convenait de lui réserver. Après ce délai, les socialistes du Yorkshire ont dû avouer qu'ils se sentaient incapables de gérer et d'exploiter la manufacture traîtreusement mise à leur disposition par un capitaliste. En se servant de cette expression, les socialistes anglais ont sans doute voulu dire qu'on agit d'une façon perfide en les mettant en demeure d'établir que leurs théories ont quelque valeur économique.
M. Thiers, dans son ouvrage «de la Propriété», nous rappelle une expérience de même genre, poussée plus loin que celle de Bradfort. C'était en 1848. Un industriel de Paris, dont les ouvriers avaient accueilli avec enthousiasme les doctrines collectivistes de Louis Blanc, résolut de mettre son personnel à même de faire un essai pratique du système.
Ayant réuni ses ouvriers, il offrit de leur céder ses ateliers, sans indemnité aucune, en promettant en outre d'acheter leurs produits aux prix courants.
Les ouvriers acceptèrent. Ils placèrent à la tête de chaque atelier un président élu et à la tête des ateliers réunis un président général.
La classification des salaires fut maintenue. Seulement, on porta généreusement de 2,50 à 3 francs le salaire des plus déshérités, les hommes de peine, et on supprima le travail à la tâche dont profitaient quelques bons ouvriers.
Voici comment M. Thiers décrit les résultats de l'expérience après un essai de trois mois:
«Le tumulte a été quotidien dans les ateliers. On se donnait des relâches, quand il convenait de prendre part à telle ou telle manifestation politique ou sociale. On travaillait peu, même quand on était présent, et les surveillants d'ateliers, chargés de maintenir l'ordre et de veiller au travail étaient changés jusqu'à deux ou trois fois par quinzaine.
Si on avait travaillé comme autrefois, pendant les trois mois qu'a duré ce régime, on aurait dû toucher 367.000 francs de main-d'oeuvre. On n'en a cependant touché que 197.000, quoique les prix d'exécution fussent élevés de 17%».
C'est que le travail a été moins actif et les heures de présence moins nombreuses. Aussi les bons ouvriers étaient-ils tous résolus à quitter l'établissement, si on n'avait pas mis fin à cet essai après les trois mois. Voilà ce que le collectivisme a fait dans une usine placée dans des conditions inespérées au point de vue d'une exploitation facile et fructueuse: pas de capital de premier établissement, écoulement assuré de toute la production.
La remise des instruments de travail à l'ouvrier n'est donc pas encore la panacée universelle.
Cette page est empruntée en partie à la profession de foi d'un candidat aux dernières élections législatives.
- Le socialiste veut me loger dans une maison construite avec les fruits de mon travail, maison qu'il administrera et… dont il me chassera quand il lui plaira.
Moi, je veux demeurer dans une habitation dont personne ne puisse me chasser.
- Le socialiste veut m'obliger au bureau de bienfaisance universelle, alimenté avec mon travail, bureau qu'il administrera et auquel il m'admettra… si c'est son bon plaisir.
Moi, je ne veux pas être réduit à tendre la main au bureau de bienfaisance.
- Le socialiste veut m'obliger à mettre mes enfants dans des écoles payées avec mon travail et où il instruira et éduquera mes enfants… à son image.
Moi, je veux choisir l'école de mes enfants comme il me plaît, dussé-je la payer moi-même.
- Le socialiste veut m'obliger à passer ma vieillesse et à mourir dans un hospice bâti avec les fruits de mon travail, où ses amis se gobergeront à mes dépens, et où ils m'admettront… si moi et mes enfants nous votons pour lui.
Moi, je veux passer ma vieillesse dans ma famille et mourir en paix chez moi.
Et ce ne sont là que les prétentions du socialisme modéré!
Le vrai, le pur socialiste veut me donner la vocation et la carrière qui lui plairont.
Il veut me faire travailler et me mesurer mon pain. Il veut m'ôter mon Dieu, ma famille et ma liberté.
Il veut me jeter à l'eau ou au four crématoire pour débarrasser la société, quand j'aurai vieilli et que je ne serai plus apte au travail.
Merci. J'aime mieux ma liberté, ma famille, ma maison, ma foi et mes espérances.
Voilà pourquoi je ne suis pas et ne veux pas être socialiste.
Non, le socialisme n'est pas cette effusion de charité sociale que nous attendons et qui régénérera le monde.
Le socialisme sincère a quelque pitié à son point de départ, mais il aboutit à la tyrannie la plus intolérable que l'on puisse imaginer.
La charité est connue, elle n'est plus à inventer. Elle est fille de la foi et fille du Christ. Elle a sa source au Coeur de Jésus. Elle inonde le monde chrétien depuis sa naissance au Calvaire. Laissons-lui seulement la liberté d'agir. N'entravons pas ses oeuvres et bientôt, propagée par un clergé libre et fervent, appliquée par des fidèles avides de justice et de miséricorde, elle aura transformé le monde et lui aura rendu la paix et la prospérité sociales autant que le comporte la condition présente d'un monde toujours imparfait et qui n'est que le vestibule d'un monde meilleur.
Le règne du Coeur de Jésus dans les âmes et dans les sociétés, avril 1894, pp. 162-170; mai 1894, pp. 218-224.
Sauf les quelques lignes d'introduction et la brève conclusion, il correspond au chapitre V du Manuel social chrétien, cf. L. DEHON, Oeuvres sociales, vol. II, pp. 87-101.
ETAT LAMENTABLE
Ou nous a réduits l'abandon du règne de Jésus-Christ
(Deux livraison)
Les nations, comme les individus, se lassent parfois d'être sages. Elles abandonnent la religion et les bonnes coutumes des ancêtres.
Les nations chrétiennes, et la France en particulier, étaient fatiguées de la direction maternelle et tutélaire de l'Eglise. Elles se sont retournées vers le paganisme. Elles ont voulu faire un nouvel essai de ses principes et de ses moeurs. Voyons où nous avons abouti.
«Croissez et multipliez». C'est la loi de la nature et c'est la loi divine. L'homme aime à se voir entouré de rejetons nombreux. C'est sa force, sa consolation et son honneur.
Mais l'égoïsme contemporain, l'amour du luxe et le sensualisme ont changé tout cela.
Voici, du reste, le fait brutal. C'est le tableau officiel de l'accroissement de la population en Europe en 1891:
Russie …………………………… | 800.000 |
Allemagne ……………………… | 675.000 |
Angleterre………………………… | 368.000 |
Italie ……………………………… | 270.000 |
Hollande ………………………… | 60.000 |
France …………………………… | 10.500 |
Et encore, ces 10.500 sont des étrangers émigrés en France. En réalité, les décès, en 1891, ont dépassé les naissances de 10.505. En 1892, le déficit est de 20.041.
La race française est en décroissance, tandis que l'accroissement en 1881 était encore de 108.000 par an.
Le chiffre annuel des naissances était encore, en 1881, de 937.000.
En 1886, il n'était plus que de 880.000. Il est tombé en 1891 à 838.000. C'est une diminution de 100.000 en neuf années.
En 1892, la population du département de l'Aisne a diminué de 1438 habitants. La majorité de nos départements en sont là.
Si le mouvement de la population se continue dans les mêmes rapports, d'ici à cinquante ans les Etats-Unis compteront 200 millions d'habitants, la Russie 160 millions, l'Allemagne 90 millions, la Grande Bretagne 65 millions et la France 40 au plus! Elle sera comme noyée au milieu de cet immense développement d'êtres humains.
Les causes de cet arrêt dans l'accroissement de la population sont, en première ligne: le calcul opposé au devoir; l'immoralité, qui est en proportion de l'affaiblissement des principes religieux et de l'instabilité des foyers; la prostitution provocante dans les villes; la promiscuité qui naît des logements restreints et du mélange des sexes dans les usines.
Il faut avoir le courage d'enlever l'appareil qui couvre cette plaie et d'avouer encore d'autres causes, telles que: les désordres contre nature qui croissent à mesure que l'infidélité grandit; l'incurie des premiers maîtres de l'enfance, indifférents à la morale, surtout depuis les lois scolaires; la précocité coupable par suite de la nervosité des tempéraments actuels; l'internement de la jeunesse dans les casernes; les obstacles apportés aux mariages des ouvriers par la complication des formalités à remplir; les retards forcés du mariage chez les fonctionnaires, les industriels, les employés administratifs ou civils, les agents de l'Etat, et dans l'armée, à cause de la nécessité d'attendre un avancement, une position faite.
Enfin, l'insuffisance de l'allaitement pour beaucoup d'enfants que leurs mères ne peuvent nourrir, et le manque de conscience chez la plupart des nourrices non chrétiennes. Les statistiques socialistes ajoutent, avec des preuves irréfutables la mortalité précoce chez les ouvriers dans beaucoup d'industries et surtout chez les descendants des ouvriers de ville.
Nous taisons les autres causes qui relèvent d'une certaine clinique. «Vitio parentum rara juventus» (HORACE). Les médecins accusent encore une diminution dans l'aptitude de la race, qui a dégénéré sous le rapport de la natalité. Comment ne pas voir là une punition divine? Il y a en France deux millions de familles sans enfants!
Ajoutons, non pas pour nous consoler, mais pour dire toute la vérité, que le mal gagne les nations voisines. La moyenne de la natalité a baissé depuis dix ans en Angleterre, en Belgique, en Allemagne, en Italie.
Les juifs nous ont imposé la loi du divorce. C'est un retour en arrière de deux mille ans.
Or voici l'échelle si tristement progressive de ces attentats à la famille chrétienne.
En | 1886 | 2.950 divorces |
En | 1887 | 3.636 - |
En | 1888 | 4.708 - |
En | 1889 | 4.766 - |
En | 1890 | 5.457 - |
En | 1891 | 5.752 - |
En | 1892 | 5.772 - |
De là des milliers d'enfants scandalisés, ballottés et souvent abandonnés.
A noter que les divorces sont encore bien rares dans les départements les plus catholiques. La Bretagne, toute entière et la Lozère n'en comptent presque pas.
Dans l'Aisne, la proportion est, hélas! de 809 pour 100.000 ménages.
En 1884 les mariages atteignaient encore le nombre de 289.000. En 1890, ils sont tombés à 269.000.
Voici un autre symptôme de progrès, triste entre tous: c'est le nombre toujours croissant de criminels et même d'assassins à peine sortis de l'enfance.
Les derniers comptes-rendus publiés par le ministère de la justice, donnent les plus effrayants résultats. En 1880, les crimes poursuivis atteignaient déjà le chiffre de 167.000. Il y en a eu plus de 200.000 en 1892.
Il y a dix ans les statistiques donnaient par an 16.000 criminels ages de moins de vingt ans. En 1892, il y en a eu 41.000.
De 1889 à 1891, on a arrêté à Paris 40.000 garçons (Pesez bien ce chiffre 40.000), et 13.000 filles au-dessous de seize ans, pour faits de prostitution. Ces faits n'ont-ils pas leur éloquence? C'est là le fruit le plus clair de la laïcisation de l'enseignement et de l'absence de religion dans l'éducation au sein de la famille.
Parmi les crimes et les délits commis en France en 1889 par les enfants, on compte:
30 assassinats, 39 meurtres, 3 parricides,
3 empoisonnements, 33 infanticides, 4.213 coups et blessures, 25 incendies,
153 viols, 11.852 délits divers,
Total: 17.000 crimes et délits.
Dans ces dernières années, l'augmentation du nombre des suicides suit une progression continue et rapide.
De 7.572 en 1884, ils se sont élevés à 8.451 en 1888. C'est un accroissement de 879 par an. Paris seul en compte environ 60 par mois.
Parmi ces 8.451 suicidés en 1888, il y avait 1.788 femmes; et, ce qui est plus triste encore à constater, 65 de ces malheureuses n'avaient pas atteint leur seizième année, et 383 n'étaient âgées que de 16 à 21 ans.
C'est là un fait nouveau. Autrefois les suicides dans l'enfance étaient très exceptionnels. Cela montre le vide effrayant que laisse, dans les âmes, l'absence de l'idée chrétienne du sacrifice. La religion catholique seule donne un sens à la souffrance, à l'épreuve morale, à l'insuccès, à l'humiliation imméritée, au brisement du coeur; seule elle peut par la prière et la grâce des sacrements relever des âmes que le monde laisserait dans l'ignominie et l'abattement.
Voici maintenant un genre de crime atteignant un développement sans exemple jusqu'ici sur une terre chrétienne et nous ramenant au niveau des moeurs barbares: l'infanticide.
Dans un rapport à l'Académie, M. le docteur Brouardel dit qu'il a fait, lui seul, 326 autopsies pour des présomptions d'infanticides. Après divers détails de statistique médicale, l'éminent praticien ajoute: «da fréquence des infanticides en France va toujours croissant».
Notez bien que sur ce point la province ne le cède point à la capitale. Personne n'ignore qu'il n'est presque pas de sessions d'assises où plusieurs affaires d'infanticides ne soient inscrites au rôle. Et dans quelles conditions de barbarie et de cynisme s'accomplissent, dans la plupart des cas ces méfaits qui rencontrent trop souvent des jurys bien indulgents!
La diversité des pratiques abortives et leur vulgarisation tiennent une place notable dans les causes de la dépopulation. Leur fréquence est telle que maintes fois les parquets ont dû renoncer à faire usage des résultats de leurs enquêtes, et beaucoup de ces pratiques échappent à toute répression humaine.
Autre signe du progrès.
Ces renseignements se trouvent dans un projet de loi élaboré par le Conseil supérieur de l'Instruction publique.
Le nombre des enfants que la charité officielle doit prendre annuellement à sa charge est d'environ cinquante mille, dans le seul département de la Seine
Ce nombre comprend les orphelins, mais les enfants abandonnés y occupent une place notable. Pendant l'année 1880, ils ont été à Paris seulement au nombre de 3.547. Et ce chiffre va croissant.
A quel total effrayant n'arriverait-on pas si on y joignait l'appoint des autres départements?
D'après les statistiques officielles, 130.000 individus en France sont morts de misère et d'inanition en l'an de grâce 1892. Parmi eux on compte 66.000 enfants, 44.000 adultes et 26.000 vieillards. C'est l'abandon des êtres faibles et souffrants comme dans les sociétés barbares.
Le budget de l'Assistance publique à Paris doit subvenir aux besoins de
44.000 enfants assistés;
367.000 pauvres secourus à domicile;
154.000 entretenus dans les hôpitaux et hospices.
La proportion est la même dans toutes nos grandes villes.
La misère n'est pas moins grande dans les campagnes.
95% des enfants d'ouvriers meurent dans les premiers jours après leur naissance. Les mères sont obligées par le besoin à rester à l'atelier jusqu'à leurs couches et à reprendre le travail peu de jours après.
Sans doute, «il y aura toujours des pauvres»: la prévoyance organisée et la charité spontanée sont là pour adoucir la situation des individus incapables de travailler; mais, au sein d'une civilisation brillante, l'existence de classes entières, manquant habituellement des moyens suffisants pour subsister, est un état contre nature, engendré par l'économie libérale et par les principes sociaux de la Révolution.
Une des fins de la société est précisément d'aider les membres de la famille humaine, par une bonne organisation sociale, à échapper aux étreintes de la misère.
A côté de ce dénûment, il y a encore des fortunes qu'on peut appeler scandaleuses, celles de la banque juive par exemple, puis celle de ces spéculateurs qui exploitent la crédulité des masses et accaparent les épargnes du travailleur. Les Krupp à Essen en Westphalie ont gagné en quelques années dix millions de revenu: ont-ils bien fait participer leurs ouvriers au succès de leurs entreprises?
Les Baare à Bochum ont 13 millions de revenu; les Rothchild de Francfort en ont 8; Jay Gould à New-York en a 70.
Ne faut-il pas déplorer aussi dans une partie de la classe élevée un luxe offensant pour le pauvre et une liberté de moeurs scandaleuse? On évalue à deux milliards les biens du clergé que l'Etat s'est approprié. Il faut y ajouter quinze autres milliards pour les biens confisqués aux corporations, aux oeuvres d'enseignement et de bienfaisance et aux communes. Ces biens étaient une réserve amassée par des siècles de travail et de charité pour l'utilité du peuple.
La vente des communaux, la suppression des droits d'usage ont contribué à rendre l'existence plus difficile à la campagne et ainsi à pousser les populations vers les villes, où les convoitises sont excitées par le rapprochement du luxe et de la misère.
Il y a des meneurs, politiciens habiles ou idéologues utopistes, qui pervertissent le sentiment de la justice dans les foules pour les ameuter.
Les ouvriers sont préparés à cette propagande par de justes sujets de mécontentement et des réclamations rebutées. De là un état habituel d'antagonisme, des réunions tumultueuses, des mises en quarantaine, des grèves, des menaces.
Du côté des patrons, nous constatons un malaise correspondant: la méfiance exagérée, la brusquerie, le refus d'écouter les plaintes, dés retenues multiples, des diminutions de salaires parfois non justifiées, des renvois effectués légèrement ou en guise de représailles.
Dans cet état de guerre, la concurrence des patrons étrangers et même des ouvriers étrangers vient compliquer la situation. Il y a entre les deux partis un déficit moral qui empêche l'entente. L'intervention de la force n'y peut rien: les patrons peuvent échapper à l'Etat et cesser de faire travailler, si les ouvriers les pressent trop. Les ouvriers de leur côté considèrent les patrons comme des ennemis implacables. C'est là une impasse où s'usent les forces vives de la société.
Les grands magasins et les sociétés anonymes font disparaître le petit commerce et la petite industrie.
Une infinité de foyers où régnaient la paix et une modeste aisance avec un travail modéré, sont abandonnés pour aller vivre dans des usines aussi malsaines pour l'âme que pour le corps ou dans les caravansérails du haut commerce, avec le surmenage en perspective, les veilles soutenues par l'alcool et la phtisie pour finir.
On comptait pour 10.000 habitants:
en 1840 | en 1885 | |
Boulangers ………… | 28 | 13 |
Bouchers ……………. | 19 | 11 |
Tailleurs | 92 | 39 |
Cordonniers ………… | 151 | 40 |
Menuisiers | 63 | 20 |
Le machinisme, comme on l'a montré à la conférence de Berlin en 1890, ayant mis en oeuvre la force énorme de 50 millions de chevaux-vapeur, a laissé sans travail des millions d'ouvriers.
Le petit métier a été ainsi détruit, et des populations entières se sont trouvées abandonnées aux spéculations de l'industrie, sans règle ni frein.
La libre concurrence, poussée par l'appétit du lucre, s'est mise à produire avec une rapidité vertigineuse, à produire chaque jour davantage, pour dépasser en quantité et en bon marché le produit du voisin ou de la veille.
On a cessé de filer, de tricoter, de festonner, de tisser à domicile et la famille ouvrière s'est disloquée. Les artisans, groupés jusqu'à nos jours avec les membres du même foyer à l'entour de leurs métiers, ont été agglomérés par bandes considérables, à la merci du nombre encore plus que des contre-maîtres, des directeurs ou des patrons.
D'abord, l'ouvrier a pu gagner le double ou le triple de ce qu'il gagnait chez lui. Il a vendu sa petite maison, ses bouts de terre, et il est venu résider à la ville, où il a perdu le calme de l'existence et la sécurité morale. Bientôt l'instabilité du commerce ou de la mode et les stocks amoncelés par la surproduction ont forcé de diminuer les salaires, alors que des habitudes de dépense et de consommation avaient été contractées.
Bien souvent, les fluctuations de l'offre et de la demande, soit pour les matières premières, soit pour le genre de travail ou le nombre des ouvriers qui se présentent, mettent une quantité d'honnêtes gens sur le pavé, et ainsi des familles qui ont quitté la campagne pour un salaire plus élevé se trouvent exposées à une misère noire imméritée.
Mais pourquoi ont-ils quitté la campagne? La population agricole représente les 60% de la population totale du pays. Elle vivait surtout du blé: or, il y a surproduction à l'étranger. La Russie, l'Amérique, la Hongrie, l'Inde, peuvent au gré des spéculateurs nous inonder de leurs produits; et dans ces pays les frais d'exploitation sont minimes en comparaison des nôtres. Le maigre Hindou travaille à 0 fr. 10 par jour et il faut 2 fr. 50 ou 3 fr. à notre ouvrier. L'accélération des voies de communication les a mis en concurrence.
La mise en valeur des terres du Nouveau Monde et la facilité d'amener les produits de tous pays dans les ports européens, comme de les distribuer dans l'intérieur par les voies navigables ou ferrées produisent l'avilissement de la valeur des terres et de la rente foncière dans notre pays.
Ajoutez à cela que, depuis la suppression des petits métiers beaucoup de gens peu aisés ont de la peine à vivre à la campagne. Le partage forcé conduit à l'unicisme de la famille ou à la licitation du petit domaine qu'aucun des enfants ne peut racheter. Ils doivent chercher fortune ailleurs et ainsi les fortes races de nos paysans s'éteignent ou tombent dans le prolétariat.
«Dans l'espace de huit années, dit M. Urbain Guérin, dans son livre de l'Evolution sociale, huit millions de ventes ont eu lieu pour un nombre d'hectares ayant dépassé quinze millions, soit plus du tiers de la superficie cultivable de la France».
Cette mobilisation du sol et des familles anéantit les traditions et l'influence des anciens.
La concurrence effrénée, les spéculations et les pratiques usuraires mobilisent également les entreprises industrielles où les sociétés anonymes prenant la place des patrons substituent au régime paternel une réglementation rigide sous laquelle s'effacent les responsabilités.
Toutes les lois et mesures fiscales qui favoriseraient la petite propriété, le petit domaine familial, le home-stead, seraient des moyens de salut pour la race, pour les moeurs, pour la paix sociale, mais nos législateurs sont généralement si peu pratiques!
C'est là le vol et l'immoralité en grand. Que dire de l'affaire du Panama, qui menace de laisser son nom à ce siècle? Pots de vin innombrables, achat des votes et des` consciences, concussion, escroquerie et le reste.
On se rappelle le krach de l'Union générale en 1882: affaire montée par une machination politique. A Lyon, on compta 60 suicides, et on vit sauter tout le Parquet des agents de change.
Et le krach des cuivres à Paris en 1889. La Société des métaux, aidée par le Comptoir d'escompte, se livrait à l'accaparement des cuivres. Les autres mines ayant habilement augmenté leur production, le cuivre baissa. Le Comptoir d'escompte vit ses actions tomber de 1.000 fr. à 100 fr. et ruina ses actionnaires.
C'est par milliards qu'il faut chiffrer les sommes enlevées à l'épargne française par les coups de bourse, les réclames mensongères et le charlatanisme financier qui fait vivre la presse. Des calculs sérieux ont établi que depuis quinze ans les banqueroutes et faillites de toute espèce ont fait perdre plus de douze milliards à la France.
Il est résulté de ce déplacement des fortunes au profit de l'habileté et de la mauvaise foi, un trouble profond dans la conscience du peuple, qui voit trop souvent ce bien mal acquis profiter au vice.
Pendant ce temps-là les familles historiques, où l'honneur était traditionnel s'abaissent et perdent leur influence.
Que de mesures à prendre contre l'accaparement, l'escroquerie, l'usure!
Aurons-nous l'énergie de supprimer le jeu des différences et les marchés à terme en bourse? C'est douteux, c'est de cela que vit la banque juive.
En 1870, on consommait en France, 600.000 hectolitres d'alcool, soit un litre et demi par habitant. En 1890, c'est 1.700.000 hectolitres, soit quatre litres et demi par habitant. Et quel alcool! Il n'entre plus dans le commerce qu'un centième d'alcool de vin. Tous les autres alcools, surtout à l'état de rectification imparfaite, contiennent des poisons dangereux. Nous sommes donc sous le coup d'un vaste empoisonnement qui décime nos populations et qui remplit nos hôpitaux et nos maisons d'aliénés.
Il y a actuellement 442.000 débits de boissons en France. C'est 50.000 de plus qu'en 1870.
En 1885, on buvait en France 57.000 hectolitres d'absinthe. En 1892, on en a bu 129.000. La consommation a plus que doublé en sept ans.
Il résulte de ces habitudes un tempérament excitable et souvent déséquilibré, chez les enfants. La descendance des alcooliques d'ailleurs s'arrête le plus souvent à la quatrième génération.
Il est à remarquer que l'élévation des impôts sur l'alcool aboutit à donner à l'ouvrier des boissons encore plus mauvaises faute de surveillance et de répression efficaces.
Leur nombre va toujours croissant.
A Paris, en 1893, le mois de janvier donne 4772 naissances, dont 1249 illégitimes. C'est plus du quart.
En février, 4972 naissances, dont 1433 illégitimes. C'est près du tiers.
La proportion est la même dans toutes nos villes.
Le département de l'Aisne, en 1892, en compte 1388.
A Saint-Quentin, novembre 1892 donne 56 naissances légitimes et 22 illégitimes. Décembre donne 63 naissances légitimes et 34 illégitimes.
En Belgique: Bruxelles a 38% de naissances illégitimes; Liège, 33%; Anvers, 22%.
Berlin et Londres sont aussi malades.
Quel état social désespérant! Ce n'est pas, hélas! la déconsidération jetée sur la famille par le divorce qui y remédiera.
Il faut que le mal soit bien grand pour qu'une ligue peu suspecte de cléricalisme et de pruderie se soit formée pour essayer d'y porter remède.
Un congrès s'est tenu, où l'on a entendu M. Jules Simon, M. Gréard, M. Mézières, M. Frédéric Passy. Ils protestent contre les provocations auxquelles se livre la prostitution dans les rues et contre la diffusion des livres et dessins scandaleux.
Soixante conseils généraux ont adhéré à cette ligue. Il faut pour cela que le mal soit bien criant!
Signalons aussi le défi constant jeté à la pudeur par l'art contemporain, qui pousse à l'excès l'intempérance païenne de la Renaissance.
Des études ont été faites sur les budgets économiques des classes ouvrières.
La Belgique a fait là-dessus une enquête officielle. En France, l'étude se poursuit dans les congrès catholiques.
On comprend que les résultats sont très variables.
Les ressources d'une famille normale de cinq personnes varient aujourd'hui de 1.100 fr. à 1.400 fr.
1.100 francs! avec la charge du loyer, cela donne 0,50 cent. par jour par personne. C'est juste assez pour ne pas mourir. Comment l'ouvrier se soutiendra-t-il? Comment aura-t-il une tenue décente? Il n'est pas question qu'il ait sa petite part des joies de la terre, ni qu'il puisse faire des réserves pour le chômage, la maladie, l'éducation des orphelins, la vieillesse.
Léon XIII a-t-il tort de dire que beaucoup d'ouvriers sont dans un état de misère immérité?
Rien n'est pénible à voir comme ces travaux à l'aiguille faits pour des maisons de confection ou pour des ateliers de toilettes mondaines.
L'ouvrage est toujours si pressé et le salaire souvent si minime!
Les journées de 15,18 et même 20 heures n'y sont pas rares, et le dimanche n'est pas respecté.
La veillée à l'atelier est souvent suivie, hélas! d'une arrière-veillée à la maison.
Le Rév. Père du Lac, dans une réunion de dames à Paris, citait une lettre, qui n'est pas du tout exceptionnelle:
«Je vous écris à deux heures du matin. Vous me le reprochez, vous avez tort. Je suis obligée de veiller chez mon patron; mais de plus, comme il y a beaucoup de petits frères et de petites soeurs, je me suis imposé une chemise d'homme à faire le soir avant de me coucher. Elle n'est pourtant pas payée bien cher: une chemise d'homme pour les grands magasins, c'est 50 centimes».
La vaillante femme continuait:
«Ne croyez pas que ces veillées me font mal. Je crois que j'en ai plutôt besoin, tant j'y suis accoutumée!».
Elle en avait si peu besoin, qu'elle dut bientôt entrer à l'hôpital avec une maladie de poitrine.
Il faudrait aussi faire lire aux femmes qui font travailler, pour leur recommander les femmes qui travaillent, le célèbre Chant de la chemise, du poète anglais Thomas Hood. Ce chant éclata en Angleterre comme un cri de révolution. On le dirait écrit avec des pleurs. M. d'Haussonville en a donné un long fragment dans son intéressante étude sur la Vie et les Salaires à Paris; mais il n'est point assez connu, il ne le sera jamais trop. En voici le refrain et quatre couplets traduits littéralement:
Les doigts las et usés
Les paupières alourdies et rouges, .
Une femme, dont les haillons indignes
Contrastaient avec son visage,
Etait assise, poussant l'aiguille et le fil;
Cousant, cousant, cousant toujours,
Dans la misère, la faim et la hâte,
Et, de sa voix à l'intonation douloureuse,
Elle chantait le Chant de la chemise.
I. Coudre, coudre, coudre,
Tandis que le coq chante là-bas;
Coudre, coudre, coudre encore,
Jusqu'à ce que l'aube brille à la lucarne!
Oh! c'est être esclave,
Comme chez les Turcs barbares,
Dont les femmes n'ont pas d'âme à sauver.
Si c'est là le travail d'un chrétien!
II. Travaille, travaille, travaille,
jusqu'à ce que ta tête ait le vertige!
Travaille, travaille, travaille,
jusqu'à ce que tes yeux soient pesants et troubles!
Fais les coutures, la triplure et les poignets,
jusqu'à ce que, arrivée aux boutons,
Tu tombes de sommeil,
Et continues à les coudre en rêvant!
III. O hommes, qui avez des soeurs chéries,
O hommes, qui avez mères et femmes,
Ce n'est pas de la toile que vous usez,
Mais la vie de créatures humaines!
Couds, couds, couds toujours!
Dans la pauvreté, la faim et la hâte;
Tu couds avec un fil double,
Un linceul en même temps qu'une chemise.
IV. Oh! pendant une courte heure, une seule,
Avoir un répit, si bref fût-il;
Non pas un heureux loisir pour aimer ou espérer,
Mais seulement un temps de repos pour la douleur!
Pleurer un peu, cela me soulagerait le coeur;
Mais sous mes paupières, il faut
Que sèchent les larmes amères,
Car chaque pleur arrête mon aiguille et mon fil.
Les doigts las et usés,
Les yeux pesants et rouges,
Une femme couverte de haillons, dont l'indignité
Contrastait avec son visage,
Etait assise à pousser l'aiguille et le fil;
Cousant, cousant toujours
Dans la misère, la faim et la hâte;
Et toujours d'une voix douloureuse,
- Plût à Dieu que ses accents eussent
Touché l'oreille du riche! -
Elle chantait ce Chant de la chemise.
Et ce n'est pas là de l'imagination, mais du réalisme.
On ne le remarque pas assez, les juifs sont en train d'accomplir la conquête de l'Europe.
Ils remplissent les banques, le haut commerce. Ils sont à l'assaut de l'administration, de la magistrature. Ils visent haut et juste. Comparez les Bottin de 1869 et de 1893.
Parmi les abonnés aux téléphones à Paris, un tiers sont juifs. Ils ont la majorité au tribunal de commerce de la Seine.
Il y a 102 banquiers juifs à Paris sur 282. - 55 Lévy; 20 Bloch; 26 Dreyfus; une foule de Cahen, de Kohn, de Weil, Deutsch, Isaac, Israël, Nohmias, Nathan, etc.
Par la banque et le commerce, ils auront la fortune; par l'administration, le barreau et la magistrature, ils auront le pouvoir et l'influence. Le programme leur est tracé par leur sanhédrin secret. Ils tiennent aussi les fils des loges maçonniques.
Si Dieu ne nous vient en aide, ils occuperont bientôt les premières magistratures de l'Etat. Ils règneront et nous les servirons.
Leur tactique est la même dans toute l'Europe.
Les congrès socialistes se sont empressés de mettre des juifs à la tête de leurs commissions. Les docteurs socialistes les plus en vogue sont juifs.
A Vienne, en Autriche, sur 6.400 étudiants de l'université, il y a 2.500 Juifs. A la faculté de médecine, il y a 51% de juifs.
Au barreau de Vienne, sur 681 avocats, il y a 394 Juifs. Sur 560 stagiaires, 510 sont juifs. C'est une carrière qui va être fermée aux chrétiens.
En Autriche, les juifs détiennent les banques et la presse. Ils accaparent toutes les grandes propriétés.
A Berlin, le barreau de la Cour d'appel compte 36 Juifs sur 54 avocats. Le tribunal de première instance a 354 avocats juifs et seulement 158 chrétiens. Sur les 150 notaires de Berlin, 54 sont juifs.
Berlin n'a cependant dans sa population générale que 8% de juifs; mais ils sont 70% dans le barreau; 60% dans la médecine et 30% dans la magistrature, en attendant mieux.
Les juifs sont aussi les maîtres du grand commerce international. A Hambourg, à Anvers et au Havre, ils ont accaparé les grandes maisons d'exportation et d'importation. Ils sont les maîtres du marché des céréales.
Qui ne voit quelle influence ils peuvent avoir aussi par là sur les destinées des nations, particulièrement en cas de guerre!
L'Europe chrétienne est punie pour s'être soustraite à la direction de la papauté.
Le prince-archevêque d'Olmütz, de famille juive convertie, le faisait remarquer: il eût suffi de s'en tenir aux prescriptions du Droit canon.
L'Eglise n'a jamais varié sur la question juive. Elle a toujours voulu que les juifs fussent respectés dans leurs personnes et que leur culte fût toléré; mais toujours aussi elle a voulu qu'ils fussent tenus dans la soumission et l'isolement, pour les empêcher de nuire aux chrétiens. Tous les peuples qui ont méconnu ces sages recommandations, n'ont pas tardé à s'en repentir.
Les conciles d'Evire en Espagne, de Vannes, d'Agde et d'Orléans, du IVe au VIe siècle, défendaient aux chrétiens de donner leurs filles en mariage aux juifs.
Le concile de Macon (581) interdit aux juifs toutes les fonctions judiciaires.
Les conciles de Tolède et de Paris, au Ve et VIe siècle, insistaient sur la défense de confier aux juifs aucune charge publique, civile ou militaire.
D'autres conciles ont défendu aux chrétiens d'avoir recours aux services des juifs comme médecins, comme serviteurs et comme nourrices.
Le quatrième concile de Latran interdit aux juifs d'exiger des intérêts exagérés, à peine d'être privés de tous rapports avec les chrétiens. C'est alors que l'on vit apparaître l'injonction pour les juifs de se distinguer par leurs vêtements.
Quand les populations violaient ces prescriptions, elles tombaient sous le joug des juifs et recouraient pour s'en délivrer à des violences déplorables que l'Eglise condamnait.
Le pape Clément VIII déplorait que tout le monde eût à souffrir de leurs usures, de leurs monopoles, de leurs fraudes. Ils ont réduit à la mendicité, disait-il, une foule de malheureux, principalement les paysans, les simples et les pauvres.
Tant il est vrai que l'histoire recommence toujours!
Quand les Papes ont été compatissants pour eux, comme l'a fait Pie IX en leur ouvrant le Ghetto, ils ont été payés d'ingratitude.
Le Ghetto accueillit les Piémontais en triomphe en 1870. Les juifs se livrèrent à mille excès contre la Rome catholique. Ils sont aujourd'hui les maîtres de Rome et de l'Italie. Ils détiennent toute la presse, les banques et le haut commerce.
Les principes du Droit canon sont de tous les temps. Leur
application sera nécessaire tant que les juifs seront juifs. On voit qu'ils recherchent toujours les mêmes forteresses pour dominer la société: la banque, le commerce, la magistrature, la médecine. Ils y ont ajouté une force nouvelle, la presse et un instrument complaisant, la franc-maçonnerie.
Qui les arrêtera, si Dieu ne nous vient en aide?
La solution, nos orateurs catholiques la rappelaient à la Chambre le l er mai, Léon XIII l'a indiquée dans ses lumineuses encycliques. L'Eglise seule a les principes de vie. En dehors de sa direction les esprits oscillent d'une erreur à l'autre et les coeurs d'une passion à une autre passion.
L'Eglise est constante dans sa doctrine et dans ses lois. Il faut toujours revenir à elle pour retrouver le chemin du salut.
Mais le Sacré-Coeur de Jésus commence à gagner les coeurs par l'attrait de sa charité. Prions, agissons, ayons confiance. «In te, cor Jesu, speravi, non confundar in aeternum».
Le règne du Coeur de Jésus dans les âmes et dans les sociétés, juin 1894, pp. 266-272; juillet 1894, pp. 321-332.
Sauf quelques retouches il correspond au chapitre II du Manuel social chrétien, cf. Oeuvres sociales, vol. II, pp. 29-52.