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CHRONIQUE (Janvier 1893)

I. LA QUESTION SOCIALE

Le Pape. - Le Saint-Père a, comme le Fils de Dieu, son divin modè­le, le cœur d'un Bon Pasteur. Il semble qu'il ne perde pas de vue un seul instant le sort de ses chers ouvriers. Dans sa dernière lettre à Mgr l'évê­que d'Orléans, il recommande d'abord l'union des catholiques dans l'adhésion au gouvernement établi, ce qui est la condition nécessaire pour réformer les mauvaises lois qui nous régissent; et ce qu'il recom­mande ensuite au clergé, c'est de se tenir sans cesse en rapport avec les fidèles, de leur prodiguer, pour le corps et pour l'âme, toutes les ressour­ces dont il dispose, de leur expliquer les enseignements pontificaux, qui ont pour but de détourner la crise sociale dans laquelle s'effondreraient la religion, les mœurs et la prospérité des nations. - Entre temps le Saint-Père nous prépare une Encyclique pleine d'espérance sur l'union des Eglises et sur le désarmement de l'Europe.

Les Congrès. - Au Congrès de Vienne en Autriche, c'est la question scolaire qui a tenu le premier rang. On a proclamé là que l'école neutre, y a-t-on dit, a porté ses fruits; elle est condamnée. L'école confessionnelle peut seule remédier au mal. Elle rapprendra à l'enfant le respect de Dieu, l'obéissance à l'autorité, l'accomplissement du devoir sous toutes ses formes.

A Lille, c'est la question ouvrière qui a davantage captivé le Congrès. Trois cents membres suivaient les discussions de la section des études so­ciales. Un ouvrier est venu dire les griefs qui jetaient ses camarades dans le camp des socialistes. Il a fait sensation. Les patrons catholiques du Nord veulent le bien et ils le veulent avec énergie et abnégation. Ils ont immédiatement décidé l'organisation d'une grande et sérieuse enquête qui recherchera les vices de la situation et les moyens pratiques d'y re­médier. En attendant, le Congrès a protesté, avec les ouvriers et au nom des ouvriers, contre les manques d'égards dont ils sont trop souvent l'objet de la part des directeurs et contre-maîtres. Puis il a posé les prin­cipes qui donnent les éléments essentiels des solutions cherchées et dont voici un aperçu.

Tout en déclarant hautement que les ouvriers, après avoir touché un salaire équitable, convenu avec le patron, n'ont plus de droit propre­ment dit sur les bénéfices réalisés, le Congrès déclare non moins ferme­ment que le patron enrichi, qui se borne à jouir d'une manière égoïste de sa fortune, trahit Dieu et la société. Il a le devoir, - devoir rigoureux, puisque l'aumône est de précepte, - de contribuer par une charité très large aux œuvres utiles, surtout aux œuvres qui profitent aux ouvriers, et de ne méconnaître jamais les services de ceux qui, en travaillant pour lui durant de longues années, ont acquis un titre spécial à sa reconnais­sance et à ses libéralités.

Le Congrès n'entend pas d'ailleurs faire peser sur les patrons seuls toute la responsabilité du trouble social actuel. Il y a d'autres responsa­bilités, celle de la haute finance, par exemple. Il y a surtout, pour une grande part, celle de l'Etat, à cause des entraves injustes qu'il apporte aux libertés les plus nécessaires, puis des charges exagérées qu'il impose au pays et qui retombent de tout leur poids sur la classe ouvrière.

Les points suivants sont ceux qui formeront surtout, pour les commis­sions chargées de ce travail, les éléments d'une enquête, peut-être dou­loureuse, mais essentiellement pratique: les égards dus aux ouvriers, le salaire équitable, les libéralités patronales, la condition des vieux ou­vriers, les institutions protectrices de l'ouvrier, les impôts énormes qui pèsent sur lui, l'insalubrité et l'immoralité d'un grand nombre d'habita­tions ouvrières, la pression abusive des contremaîtres, et des cabaretiers, - et beaucoup d'autres abus, hélas! trop manifestes.

Un remède rendu inutile et même dangereux par l'application qui en est faite. - Ce remède, c'est l'association. Le décret du 14 Juin 1791 supprima les corporations. Ce décret était trop absolu sans doute. Mais les régimes qui ont suivi la première République, l'Empire, la Res­tauration, le Gouvernement de juillet furent plus rigoureux encore à l'encontre du droit de réunion et d'association. La loi de 1884 sur les syndicats nous a rendu un commencement de liberté. Mais les lois valent ce que valent les gouvernements qui les appliquent.

Une foule de syndicats se sont fondés. On compte environ douze cents syndicats de patrons, et ils font du bien. Les syndicats mixtes seraient les meilleurs: il n'y en a que cent trente. Il y a cent cinquante syndicats agri­coles; c'est un bon élément pour soutenir la propriété rurale dans la crise qu'elle traverse.

Mais voici que les syndicats ouvriers, qui sont les plus nombreux, sont en train de devenir un formidable engin de révolution. Ils s'unissent. Ils prennent le mot d'ordre d'un comité central siégeant à la Bourse du tra­vait, à Paris. Ils sont imbus des doctrines socialistes et anarchistes. Ils su­scitent sans trêve les grèves locales, en attendant les grèves générales: c'est la Terreur dans le monde industriel. Aussi l'industrie est-elle dans le marasme et voit-on les capitaux s'en retirer.

Les pouvoirs publics affaiblis laissent, malgré les lois, les syndicats ou­vriers s'occuper d'intérêts autres que ceux de l'industrie, et constituer ouvertement des foyers de doctrines révolutionnaires. Et pendant ce temps, on défend au syndicat des patrons du Nord de s'occuper de caté­chisme!

Le remède, où est-il? Il est dans le labeur incessant des catholiques dé­voués à Notre-Seigneur et à son Cœur sacré, pour lutter par les œuvres, par la presse, par les réunions.

II. FRANCE

Un homme. - Il nous manque un homme! c'est le cri de beaucoup de Français dans toutes les crises sociales. C'est l'appel des découragés et des égoïstes à un César ou à un dictateur. La vraie solution n'est pas là. Un dictateur serait un expédient temporaire. Un monarque autoritaire serait en retard d'un siècle; un monarque constitutionnel ne différerait guère de ce que nous avons. La démocratie désormais n'abdiquera plus.

Ce qu'il nous faut, ce n'est donc pas un homme, ce sont des hommes, des hommes de talent et de caractère, qui se mettent à l'œuvre dans toutes les branches de l'activité sociale, des hommes qui s'appuient sur l'Hom­me par excellence: Ecce homo… Et homo factus est, - des hommes qui s'inspirent de l'esprit de cet Homme-Dieu et qui puisent à son Cœur la force et le dévoument.

De tels hommes nous manquent-ils absolument? Non, mais nous ne les suivons pas assez. N'était-ce pas un homme que ce cardinal Lavige­rie, auquel tous les partis rendent un hommage unanime! «Précurseur de tous ces hardis voyageurs, de ces marins et de ces soldats, qui donne­ront à ce siècle quelque chose de la gloire de Colomb, de la gloire du con­quérant du Nouveau-Monde, il a lutté toute sa vie pour conquérir l'Afrique à la France et à la civilisation»1). Il s'appuyait bien sur l'Homme-Dieu, celui-là, et il puisait sa force dans cette union. «je suis, disait-il, le serviteur d'un Maître qu'on n'a jamais pu renfermer dans un tombeau».

N'était-ce pas un homme que Mgr Freppel, dont les connaissances embrassaient le vaste camp où s'exerce la législation et qui était toujours vaillamment sur la brèche pour défendre la justice et la vérité?

N'est-ce pas un homme que M. de Mun, qui a osé dire à une majorité tout engouée de sa force et enivrée de ses passions: «Vous êtes effrayés de l'anarchie qui nous menace, mais le grand coupable n'est pas où vous le cherchez, il n'est pas à Carmaux, il n'est pas même peut-être dans la presse. Le vrai coupable, c'est vous, Tu es ille vir ! c'est vous, qui depuis quinze ans faites la guerre à la religion et lâchez la bride à l'impiété et à l'immoralité. C'est vous, qui rejetez Dieu de la société; et vous vous étonnez ensuite de n'y plus trouver la paix ni la vertu!».

Non, les hommes ne nous manquent pas; sans doute, ils pourraient être plus nombreux, mais enfin il y a ceux-là et nous pourrions en citer bien d'autres. C'est à nous de les suivre, de les seconder, de faire chacun dans notre sphère, avec suite et avec énergie, ce que Dieu demande de nous.

Les fruits du matérialisme contemporain. - L'anarchie au bas de l'échelle sociale, la vénalité et la convoitise en haut, la corruption par­tout, voilà où nous en sommes. La source de tout ce débordement est manifeste. Notre maladie sociale, c'est l'irréligion, c'est le matérialisme.

Léon XIII nous le dit: Si la société civile continue à se tenir séparée de l'Eglise, elle aboutira à l'anarchie et à la corruption des mœurs. Nous venons de le rappeler, les catholiques d'Autriche proclamaient naguère que l'école neutre a fait ses preuves, qu'elle est la ruine de la société; et M. de Mun a dit courageusement au Gouvernement et à la Chambre qu'en voulant se passer de Dieu, on aboutit à Carmaux et à Panama. Le rouge monte au front de la France à voir toutes ces hontes manifestées à la face de l'Europe. Cœur de Jésus, vous qui avez fait la France chré­tienne, délivrez-la de cette ignominie, en lui rendant sa foi, source de sa grandeur.

La crise sociale. - Une crise sociale est donc ouverte; c'est l'aveu de tous. Quelle en sera la solution?

Il y a en France une sorte d'Eglise rationaliste très nuancée de maté­rialisme. Elle a eu pour prophètes Voltaire et Rousseau. Parvenue au pouvoir avec la Constituante de 1789, elle a préparé la Convention et la Terreur.

L'Empire et la Restauration se rapprochèrent de l'Eglise, mais ils voulurent en faire un instrument de gouvernement et une servante doci­le; dans cette prétention ils se heurtèrent au roc inébranlable de la liberté de cette sainte Eglise qui n'a d'autre Maître que le Christ. L'impiété rentra au pouvoir par la chambre d'opposition libérale en 1827, elle amena la Révolution de 1830.

Après un moment d'accalmie, l'esprit voltairien reprit le dessus en 1845, parce que les catholiques revendiquaient la liberté d'enseigne­ment. De là un nouvel effondrement social en 1848. Les bonnes disposi­tions du second Empire durèrent jusqu'à la guerre d'Italie. Depuis lors il ne fit que préparer sa chute.

Ces six leçons successives de la Providence n'ont rien appris à notre pauvre nation. Depuis quinze ans, elle marche d'un pas régulier et cons­tant à une crise qui menace d'être plus terrible encore que les autres. Où serait le salut? dans un sauvetage catholique. Nul de nous n'a le droit de se croiser les bras et d'attendre la ruine. Agissons par les œuvres, par la presse, par la prière, par la pénitence. Dieu est bon et le Cœur de Jésus désire nous faire miséricorde.

III. PAYS DIVERS

Jérusalem. - Dieu le veut! Il s'agit d'une croisade pacifique. Le Saint­Père bénit et encourage le Congrès eucharistique à Jérusalem pour le prin­temps prochain. Il délègue le cardinal Langémeux comme son représen­tant. Il espère beaucoup de ce Congrès pour le rapprochement des églises d'Orient. Il faut que les catholiques s'y rendent nombreux et pleins de zèle. Le Cœur de Jésus adoré dans l'Eucharistie, dans l'Eucharistie élevée sur un trône d'honneur à Jérusalem, infusera une nouvelle vie à ces membres, séparés du tronc et desséchés depuis tant de siècles.

La Belgique et les Etats-Unis. - La Chambre belge a eu le bon sens d'insérer dans son adresse au Roi une invocation à la Divinité. Cer­tes, c'était bien juste, vu la gravité de la situation de cette Chambre et le grand travail de révision sociale dont elle est chargée.

L'élection de M. Cleveland à la Présidence des Etats-Unis a remis en mémoire la proclamation qu'il avait prononcée la première fois qu'il avait été élu pour cette haute charge. «Ne nous fions pas seulement aux efforts humains, disait-il, mais reconnaissons humblement la grandeur et la bonté du Dieu tout-puissant, qui préside aux destinées des nations; implorons son aide et ses bénédictions pour nos travaux». M. Cleveland voulut alors prêter le serment constitutionnel sur la Bible que sa mère lui avait donnée, quand il quitta la maison paternelle.

L'Equateur. - Nous donnions plus haut le récit de la solennité du 10 juillet. En octobre a eu lieu encore, dans ce pays privilégié, un Con­grès catholique, présidé par l'archevêque de Quito. Cette Assemblée a formulé pour le rétablissement du pouvoir temporel du Pape, les reven­dications les plus énergiques.

Le Dahomey. - Ce point le plus sombre ou, si l'on veut, le plus san­glant de la carte d'Afrique, ce repaire de l'esclavage et des sacrifices hu­mains, s'est enfin laissé pénétrer par un rayon de la civilisation chrétien­ne. Les catholiques d'Europe nous en remercient et nous en félicitent, sans distinction de nationalité.

Puisse Dieu, dans sa Bonté, nous tenir compte de cette œuvre de jus­tice pour laquelle il a bien voulu se servir de nous! Nous avons tant be­soin, en ce moment, que la miséricorde du Sacré-Cœur nous couvre, au milieu des hontes du Panama et de ce qui peut en sortir!

CHRONIQUE (Février 1893)

LA QUESTION SOCIALE

Jésus-Roi. - Les fêtes récentes de Noël et de l'Epiphanie nous ont remis devant les yeux la solution de toutes les questions sociales. Elle se trouve dans la reconnaissance, par la société contemporaine, de la royauté du Sauveur Jésus. Voyez les rois et les bergers à ses pieds. C'est le Roi des rois, toutes les puissances de la terre lui doivent hommage: «Voici venir notre Seigneur et notre Roi, disons-nous à la messe de l'Epiphanie, à lui le sceptre, à lui l'empire». Mais quel est le caractère de son règne? C'est un règne de justice et de charité, c'est un règne de miséricorde pour les petits et les humbles. Confrontez les prophéties et l'histoire. Relisez les psaumes messianiques et notamment le psaume 71. La protection du Messie est promise aux pauvres, jusqu'à sept fois, dans ce seul psaume. Il rendra justice au pauvre, il le délivrera de l'usure et de l'oppression, il le secourra, il l'honorera.

Chers ouvriers, réclamez donc ce Roi, lui seul peut et veut améliorer votre sort.

Le Pape: ses dernières lettres et ses vœux. - Notre grand Pontife Léon XIII vient de nous le redire: l'ennemi le plus redoutable de l'Eglise et de la civilisation chrétienne, c'est la franc-maçonnerie. Des renseigne­ments personnels nous ont permis de suivre l'action de la secte dans le Nord de la France, depuis quelques années. Elle s'étend, elle se propage, elle a ses commis-voyageurs de recrutement. Elle a gagné déjà la moitié de l'enseignement officiel, primaire, secondaire et supérieur, la majorité des tribunaux, la médecine militaire, les employés de Postes, nombre de médecins civils et même d'officiers, toute la presse opportuniste et radi­cale. L'objet de ses réunions ou tenues de chaque quinzaine est d'enten­dre des conférences contre l'Eglise. Elle prépare déjà les élections pro­chaines et s'efforce de réconcilier opportunistes et radicaux pour assurer la défaite des catholiques. Le Pape condamne à nouveau cette odieuse secte. Il nous met en garde contre les associations qui se disent neutres, indépendantes, et qui sont souvent soudoyées et patronnées par la Ma­çonnerie. Il nous engage à organiser la résistance et la lutte par la presse, par les associations catholiques et par les congrès. Oui, mettons-nous à l'œuvre, il n'y va de rien moins que du salut social.

L'heure présente. - Tel est le titre d'un article de M. de Vogüé dans la Revue des deux mondes. Décidément, M. de Vogüé est un penseur, doublé d'un écrivain fin et délicat. Comme nos meilleurs esprits du monde lettré, il se retourne vers Jésus-Christ, il ne voit personne, si ce n'est lui, de qui on puisse attendre le salut social.

Tout peuple, nous fait-il observer, est toujours en travail d'une aristo­cratie. La France ayant supprimé les privilèges du sacerdoce, de l'état militaire, de la naissance, des charges de cour et de magistrature, l'ar­gent est monté irrésistiblement au sommet du corps social.

L'aristocratie financière, par tous les degrés de la suzeraineté, depuis la petite usine jusqu'à la haute banque, tient les humbles travailleurs dans une condition plus dure que celle des serfs d'autrefois.

Tout plie sous la loi. L'autorité politique, est à sa disposition, directe­ment ou indirectement. La Presse n'est plus qu'une entreprise financiè­re. C'est bien le tableau du monde moderne, tracé de main de maître par Léon XIII. «D'une part, la toute-puissance dans l'opulence; une fraction qui, maîtresse absolue de l'industrie et du commerce, en fait af­fluer dans son propre sein toutes les sources; fraction qui d'ailleurs tient en sa main plus d'un ressort de l'administration publique; d'autre part, la faiblesse dans l'indigence; une multitude, l'âme ulcérée, toujours prê­te au désordre».

Faut-il pour cela briser brutalement, comme le voudrait le socialisme, cette grande force sociale, qui est la finance? Non, dit M. de Vogüé; elle peut être un puissant instrument de progrès matériel; ce qu'il faut, c'est de la protéger elle-même et de protéger les autres contre ses excès, de li­miter son domaine, de lui opposer des forces qui, par leur contrepoids, lui fassent équilibre.

Mais qui apportera ces remèdes? et c'est au plus tôt qu'ils devraient être apportés, car en attendant, la société court à sa dissolution, avec le scandale en haut et l'anarchie en bas. Qui dira à ce Lazare, prêt à se coucher dans le sépulcre de la mort: Léve-toi? Celui qui l'a dit une fois, s'écrie M. de Vogüé, ne peut-il le redire encore? Oui, le Christ seul peut nous sauver et il le veut, mais il ne le fera pas sans notre généreux con­cours.

Prions, prions, prions. - C'est le cri que poussait ces jours-ci M. Garnier. L'écroulement de tout cet édifice opportuniste et franc-maçon qui nous enserrait, c'est le fruit des prières et des sacrifices offerts par les pieux fidèles. Evidemment la victoire complète ne nous sera accordée que si nous continuons, si nous redoublons les prières et les pénitences. Mais nous ne voulons pas insister ici sur ce grand sujet, puisqu'un arti­cle spécial y est consacré dans cette même livraison.

Un Centre. - Il nous faut un Centre catholique, un groupe catholi­que à la Chambre. A Berlin, à Carlsruhe, à La Haye, le Centre catholi­que a obtenu d'immenses résultats; il en sera de même à Paris. C'est le désir du Pape qu'on puisse arriver à de tels résultats. Les quinze députés qui ont signé la lettre demandant, en leur nom et en celui de beaucoup de leurs collègues, des prières pour la France, ont posé les premiers élé­ments de ce Centre; et les prières réclamées par eux hâteront l'organisa­tion de ce puissant instrument de salut.

Un programme. - Il nous faut un programme politique et un pro­gramme social M. de Mun nous en a tracé l'esquisse dans son magistral discours de Saint-Etienne. Le programme politique doit être net et con­cis. Nous demanderons le relèvement de l'autorité dans le gouverne­ment. La Chambre est devenue une Convention. Elle a accaparé et con­fondu tous les pouvoirs, pour les vendre ensuite à la spéculation juive: une révision s'imposera. Nous demanderons la paix religieuse avec le respect de l'Eglise et l'éducation chrétienne; l'égalité politique, sans que les croyances puissent être un sujet de persécution ou d'exclusion; le pro­grès sagement réglé des réformes qui touchent à la condition des travail­leurs et enfin l'honnêteté des mœurs politiques et sociales.

Toute la partie saine de la nation votera pour ce programme, si elle n'est pas trompée par une administration et une presse qui sont achetées par l'argent volé à nos grandes sociétés de crédit.

La doctrine sociale. - Les points obscurs de cette doctrine tendent de jour en jour à s'éclaircir davantage. Le Concile du Vatican, lors de sa reprise, en pourra définir les grandes lignes. Léon XIII a indiqué les principes; les théologiens en déduisent les conséquences. Citons, parmi tant d'autres, les études sociales des jésuites allemands, les brochures du P. Castelein en Belgique, les ouvrages du P. At et du P. de Pascal, en France, sur la morale sociale.

La propriété est le fondement de la vie sociale. Aux patrons incom­bent des devoirs, devoirs de justice et de charité. Le salaire est une assu­rance fixe au profit de l'ouvrier, il doit, en stricte justice, suffire à sa nourriture et à son entretien. Les bénéfices sont surtout le fruit de l'ini­tiative et de l'intelligence du patron. L'ouvrier n'y a pas un droit strict, mais il convient que le patron qui réussit se montre généreux envers les ouvriers, ses collaborateurs, et que, pour cela, il soutienne surtout ses œuvres de secours mutuels, d'assurances et de retraites; mais plus enco­re que tout le reste, le patron doit à ses ouvriers la liberté religieuse.

Nos félicitations, en passant, au pieux auteur, M. l'abbé Dufour, de Metz, qui a fait éditer à la Chartreuse de Montreuil un recueil bien or­donné de tout ce que la Sainte Ecriture a dit de la question sociale.

II. FRANCE

Le Panama. - C'est assurément un spectacle inattendu que nous ménageait la Providence: au moment où tous ces ennemis de l'Eglise et de la liberté religieuse s'apprêtaient à fêter le centenaire de 93 à nos dé­pens, ils tombent sous le mépris public. L'Eglise prie le Sauveur d'humi­lier ses ennemis, comme le peuple d'Israël priait Dieu de renverser les murailles de Jéricho, - Ut inimicos sanctae Ecclesiae humiliare digneris, - et la prière a été encore toute-puissante. C'est un soulagement pour la con­science publique de voir ces persécuteurs des religieux et de l'enfance chrétienne, ces oppresseurs de la nation, conduits enfin aux tribunaux pour y recevoir la juste récompense de leur vénalité et de leurs prévarica­tions.

Haute et Baisse. - Pauvre France! quelle décadence elle subit de­puis 1875! Ce qui progresse chez elle depuis lors, ce sont les crimes, les suicides, les divorces, les naissances illégitimes, les grèves, le nombre des cabarets, le chiffre des impôts; ce qui baisse, ce sont les naissances, les mariages, la moralité, la sécurité, le contingent apte à fournir le recrute­ment de l'armée. Les récidivistes se sont accrus de 70.000 à 100.000; le nombre des divorces, de 1.600 à 6.000; celui des cabarets, de 350.000 à 420.000; la proportion des naissances illégitimes a monté de 7% à 10%. Dans les grandes villes, elle atteint 20 et 30%. Quels châtiments nous prépare un pareil flot d'iniquités, si nous ne recourons à la prière et à la pénitence.

Hommage de deux cités à Notre-Seigneur. - La municipalité de Vittel, dans les Vosges, reconnaissant que le Christ est l'auteur de toute justice sociale, a voté l'achat d'un crucifix pour la salle de délibération. Voilà une leçon dont ne profitera pas notre Chambre de députés concus­sionnaires.

Un groupe nombreux d'une autre commune, celle d'Hennebont (Morbihan), envoie en ex-voto au sanctuaire de Montmartre un dra­peau tricolore, où est brodée l'image du Sacré-Cœur de Jésus.

III. AUTRES PAYS

Belgique. - Une grande activité pour les œuvres sociales chrétien­nes est déployée dans ce pays. Les villes construisent des maisons d'ou­vriers. La plupart des paroisses ont leurs mutualités. Des Ecoles Ména­gères s'élèvent en beaucoup d'endroits pour préparer les jeunes filles à la vie d'intérieur et de famille. Plusieurs Conseils provinciaux et commu­naux imposent aux entrepreneurs un salaire minimum. Grâce à ce zèle ardent la Belgique pourra échapper au péril socialiste.

République Argentine. - Le nouveau Président, M. Saenz Pena, a une attitude fermement catholique. «J'ai promis, a-t-il dit, dans son dis­cours d'ouverture, j'ai promis devant Dieu et sur l'Evangile, de remplir avec fidélité et patriotisme la lourde tâche qui m'incombe. J'implore avant tout le secours de la divine Providence pour qu'elle me donne la force nécessaire à l'exécution de mes devoirs». Et Mgr l'archevêque de Buenos-Ayres, allant le visiter le lendemain, a pu lui dire: «Vous avez manifesté maintes fois que vous ne voulez pas être seulement un chrétien de nom. Il n'y a de catholique en effet que celui que l'Eglise reconnaît comme tel, et qui toujours l'écoute avec amour». - Notre pauvre Ré­publique française, hélas! est encore loin de là.

CHRONIQUE (Mars 1893)

I. LA QUESTION SOCIALE

Paroles d'espérance. - Plusieurs fois en quelques semaines, le Saint-Père a exprimé l'espérance de temps meilleurs assez prochains. La première fois, c'était à ses Gardes-nobles au lendemain de Noël. Ensui­te, c'était aux Cisterciens ou Trappistes, qui lui étaient présentés par leur Abbé général. «Il faut, leur a-t-il dit, maintenir florissant l'esprit de la discipline religieuse. De cette façon, lorsque le règne de la justice triomphera de nouveau, ce qui n'est peut-être pas éloigné, les Ordres reli­gieux se trouveront prêts à occuper leur poste d'avant-garde, pour faire refleurir partout la religion et la civilisation». Plus récemment, le Saint­Père est revenu encore sur la même pensée.

Pourquoi cette espérance? C'est parce que les peuples, déçus par les vaines promesses de la Révolution, commencent à se retourner vers l'Eglise; c'est parce que le monde savant et lettré lui-même, au moins dans sa plus saine partie, est fatigué par le doute, par la confusion des doctrines, et qu'il sent le besoin de revenir à l'Evangile; parce que les pouvoirs publics en Europe montrent envers le Saint-Siège une déféren­ce inaccoutumée; parce que l'Orient schismatique semble agité par un ferment de résurrection; c'est enfin parce que le doigt de Dieu se manife­ste dans les événements contemporains, qui humilient la secte maçon­nique en France et en Italie, où elle régnait sans partage.

Avec notre grand Pontife Léon XIII, ranimons donc notre espérance. Le Vicaire de Jésus-Christ semble nous dire aujourd'hui ce que la très sainte Vierge nous disait à Pontmain, en 1871: «Mais priez, mes en­fants, priez encore quelque temps; votre Sauveur se laisse toucher».

Les Béatifications. - Voilà encore un signe d'espérance. Quelle belle pensée a eue là Léon XIII! Il a voulu que le ciel prit part à la joie de son jubilé. Il accorde à quelques nouveaux Serviteurs de Dieu les hon­neurs du culte public. La Providence a permis que les procès de béatifi­cation actuellement en cours amenassent à ces honneurs quelques repré­sentants des principaux Ordres ou Congrégations. C'est une consolation pour les religieux, qui sont si éprouvés.

Le 22 janvier, c'était le Vénérable Xavier Bianchi, des Barnabites, surnommé l'apôtre de Naples, qui recevait le titre glorieux de Bienheu­reux. Le 29 janvier, c'était le Vénérable Gérard Majella, l'humble com­pagnon de saint Alphonse de Liguori. Le 12 mars, ce sera le Vénérable Antoine Baldinucci, de la Compagnie de Jésus. Le 6 avril, ce sera le tour des quatre dominicains, martyrisés en Chine. Pour les Vénérables jésui­tes, martyrisés aux Indes et pour le Vénérable Léopold de Gaiche, de l'ordre franciscain, la date n'est pas encore fixée. Le ciel paiera à la ter­re, par des grâces exceptionnelles, le triomphe que nous offrons à ses hô­tes glorieux.

Après l'épreuve. - Lorsqu'il plaira à la miséricorde divine de met­tre un terme à l'épreuve présente, ce sera le règne du Sacré-Cœur. A nous de mériter la délivrance, par la ferveur de nos prières et de nos ré­parations, par notre zèle, par notre fidélité à Dieu sous tous rapports. L'espérance de cet avenir meilleur, nous l'avons trouvée exprimée dans les paroles du Pape; presque tous les journaux religieux l'ont exprimée aussi depuis quelque temps. Elle commence à germer dans les âmes. Les tristesses contemporaines ont amené les meilleurs esprits à regretter les temps heureux de l'alliance avec le Christ. Daigne la divine bonté nous y ramener, en nous épargnant des secousses violentes!

On a recherché les vicissitudes historiques de cette alliance avec le Christ. Elle a été contractée par Clovis, à Tolbiac, puis à Reims, en 496, sous l'inspiration de deux anges de la terre, Clotilde et Geneviève. La France fut souvent fidéle à ses engagements; toujours elle en fut récom­pensée dans la mesure de son dévouement. Plusieurs fois aussi elle faillit à sa mission, et toujours elle en fut punie. Elle a contribué au grand schisme d'Occident, qui déchira si douloureusement l'Eglise et, en châ­timent, elle-même fut divisée; elle était sur le point de périr, quand Dieu lui envoya un autre ange de la terre, Jeanne d'Arc, pour renouveler l'al­liance du Christ avec les Francs.

Au XVIIe siècle, le gallicanisme formula dans la Déclaration de 1682 une véritable dénégation du pacte sacré. C'était ouvrir la porte à toutes les révoltes de la raison et préparer la voie à la révolution sociale. Mais Dieu nous montra tout aussitôt le remède, que nous sommes si lents à appliquer. Il demanda à la France, par la Bienheureuse Marguerite­Marie, le temple au Sacré-Cœur, l'hommage, et l'adoption du signe sa­cré dans ses étendards. Nous avons donné le temple et les hommages pri­vés. Espérons que l'hommage public viendra enfin, que nos efforts, la prière, la pénitence, l'apostolat ramèneront au pouvoir un gouverne­ment catholique, par lequel cet hommage sera rendu.

La question du drapeau alors sera facile. Les catholiques d'ailleurs vont s'y familiariser en portant dès maintenant, dans les pèlerinages des drapeaux tricolores ornés de l'insigne du divin Cœur. Ayons courage. Notre-Seigneur a dit à Marguerite-Marie: «Je régnerai malgré mes en­nemis».

La Croisade. - Nous avons parlé bien des fois déjà de la croisade de prière et de pénitence, pour gagner le Cœur de Dieu et obtenir pardon et miséricorde. Cette croisade, elle n'est pas encore telle que nous la vou­drions, et cependant déjà un nombre d'âmes considérable prient et of­frent des sacrifices pour l'Eglise et pour la France! Au Sanctuaire de Montmartre et à la direction de l'Apostolat de la prière, on tient la comptabilité des œuvres spirituelles offertes au Sacré-Cœur. A Mont­martre, c'est, en moyenne, un million par mois d'œuvres pieuses, dont la liste est déposée sur l'autel. On a atteint le chiffre de 14 millions, en 1892.

A l'Apostolat de la prière, le trésor est plus riche encore: plusieurs mil­lions mensuellement; et les chiffres consignés dans le Messager du Sacré­Cœur pour les trois derniers mois, vont croissant. Novembre a donné 3.829.371 de ces bonnes œuvres offertes, décembre 4.367.435, janvier, 5.071.581. Il est vrai que certains mois antérieurs dépassaient même ce dernier chiffre. Chaque mois compte environ 10.000 chemins de croix, 5.000 Heures saintes, 100.000 communions, 60.000 messes entendues ou célébrées, 100.000 mortifications, 50.000 œuvres de bienfaisance, etc., etc.

Il faudrait joindre à ces trésors celui de l'Œuvre du dimanche, celui de la Croisade des enfants, celui de l'Œuvre de la Sainte-Enfance, celui de l'Action catholique et de bien d'autres associations encore. Le bon Dieu mettra aussi dans la balance les œuvres des Communautés reli­gieuses, vouées à l'adoration, à la pénitence ou à l'apostolat. Il tiendra grand compte pareillement des âmes qui se sont offertes en victimes pour l'Eglise et pour la France.

Si l'effort de la piété et de la réparation se continue et surtout s'il s'accroît, ne semble-t-il pas que peut-être la balance pourra commencer à pencher du côté de la miséricorde? Courage! soyons vaillants. Redou­blons d'instance dans la prière, souffrons généreusement, agissons avec zéle, et Notre-Seigneur se laissera toucher.

L'ennemi. - L'ennemi, Léon XIII ne cesse de nous le signaler, c'est le franc-maçon; et du franc-maçon le juif est l'allié, s'il n'est pas son inspirateur.

Pour la secte maçonnique, l'ennemi, c'est l'Eglise; de même que pour l'Eglise, la secte c'est l'ennemie. Les camps sont bien tranchés. Notre chef suprême, le Saint-Père ordonne la campagne et commande l'assaut! En avant! Dieu le veut!

Les catholiques ont le devoir d'obéir pour cela comme ils ont le devoir d'obéir pour la concentration de leurs forces et pour l'attitude à garder vis-à-vis du pouvoir établi. Déjà la lutte commence. Le combat consiste d'abord à démasquer l'ennemi, qui s'abrite derrière la philanthropie pour voiler ses dessins sataniques. Les livres, les journaux, les revues ont ouvert la campagne. Nous avions déjà des études et des révélations inté­ressantes publiées par Mgr Fava, par Léo Taxil, Paul Rosen et plusieurs autres. Deux livres nouveaux sont publiés, qui semblent donner le der­nier mot sur toute la hiérarchie maçonnique depuis les loges centrales où le démon intervient en personne, jusqu'aux réunions banales des ap­prentis et des compagnons. Ce sont les livres de Mgr Meurin et du Dr Bataille.

Ajoutons un important article publié par le P. Abt, dans les Etudes reli­gieuses des Pères Jésuites (n° de janvier), sur la Franc-maçonnerie et le gouverne­ment de la France depuis quinze ans. Il n'y a pas moins, dans le Sénat et la Chambre réunis, de 450 francs-maçons, inscrits comme tels dans les Loges. Ni le Sénat ni la Chambre n'ont eu, depuis quinze ans, d'autre président qu'un Frère Trois-Points. Depuis l'avénement de M. Grévy, franc-maçon lui-même, pas un ministère où ils n'aient eu la majorité. Le P. Abt fait le compte exact pour chacun de ces ministères successifs. Le ministère Loubet comptait sept francs-maçons sur dix ministres. Actuellement, sur les dix ministres, il y a au moins cinq francs-maçons: MM. Tirard, Bourgeois, Viette, Dupuy, Siegfried; et il faut joindre encore, paraît-il, M. Viger, mi­nistre de l'agricolture, affilié à une Loge d'Orléans.

Les journaux catholiques s'occupent partout de signaler les menées de la secte. Il y a assez longtemps qu'elle dirigeait l'opinion et le pouvoir, et que les catholiques se laissaient faire. Mais si le premier point est de dé­masquer la secte, cela est loin de suffire; il faut aussi combattre énergi­quement son action; et à cet égard, nous avons une tâche qui réclame tous les efforts du zèle.

Quant aux juifs, ils sont trop habiles pour ne pas s'être emparés des Loges. Ils y ont la haute main et se réservent la meilleure part des grades supérieurs. Si nous n'y prenons garde, bientôt toute l'Europe sera en leur pouvoir. Ils feront de l'Autriche, quand ils voudront, une républi­que juive. A l'Université de Vienne, 51 % des étudiants en médecine sont juifs. Au barreau de Vienne, sur 681 avocats, il y a 394 juifs, et, ce qui est plus significatif encore, parmi les stagiaires, c'est-à-dire les avo­cats de l'avenir, il y a 510 juifs sur 500 inscrits. A bref délai par consé­quent, les juifs seront, en Autriche, les maîtres de la magistrature, du Parlement, de l'enseignement et de la presse. Ils règneront.

Après l'Autriche, ce serait le tour des autres Etats. Mais la sentinelle du Vatican veille, elle nous avertit; soyons fidèles à suivre ses avertisse­ments. Nous devons le confesser humblement, du reste: nous sommes punis par où nous avons péché. Nous avons abandonné le Droit canon, qui interdisait aux juifs la médecine, la magistrature et toute fonction publique. Il faut chercher de nouvelles mesures, pour protéger les catho­liques contre l'envahissement israélite. Dieu nous viendra en aide et le Souverain Pontife nous tracera la marche à suivre.

II. FRANCE

Le châtiment: le doigt de Dieu. - Les catholiques ont reconnu sans tarder le doigt de Dieu dans les événements contemporains. Dieu humi­lie les ennemis de l'Eglise. Le cardinal Foulon, à la veille de mourir, nous indiquait le sens de cette crise, dans son dernier acte public; c'est une Lettre-Circulaire prescrivant des Prières publiques pour la France, à l'occasion de la rentrée des Chambres: «Que les fidèles, disait le pré­lat, ne se contentent pas de l'assistance aux prières publiques que nous prescrivons (elles étaient fixées, par la Lettre, au 29 janvier); mais que, repassant dans leur cœur les besoins de la France, ils recommandent tous les jours… ses intérêts devant Dieu. Il est le seul Maître de qui dé­pendent les empires, quand même ils prétendraient se passer de lui.

La Providence prend tôt ou tard sa revanche. C'est Dieu qui a le der­nier mot».

Un frisson de foi et de crainte salutaire a passé sur la nation, et dans l'organe même de notre société la plus légère, Le Figaro, M. Jules Dela­fosse a écrit: «J'ai vu de parfaits sceptiques se demander avec émoi, de­vant cet écroulement d'un monde, s'il n'y a pas vraiment une justice là­haut». Puisse cette impression ne pas être un effet purement transitoire! Puisse-t-elle aboutir à un résultat sérieux et durable!

Les pèlerinages d'hommes au Sacré-Cœur en 1893. - Nos Cer­cles, nos corporations, nos ouvriers chrétiens ne peuvent plus aller à Ro­me porter leurs hommages au Pape: ainsi l'ont décrété les Loges italien­nes. En compensation, ils se donnent rendez-vous à Montmartre. Le Saint-Père agrée ce changement de front. Ce sera le prélude des grands hommages nationaux qui seront prêtés plus tard à l'Hostie régnante, dans la Basilique que lui élève le vœu de la France.

Le Sacré-Cœur au Cercle Montparnasse. - Une émouvante céré­monie expiatoire avait lieu au Cercle Montparnasse, le 21 janvier en souvenir de la mort du roi-martyr M. de Charette était là, portant l'étendard de Patay. Le R. P. Le Doré, supérieur général des Eudistes, a pris la parole et a fait partager son émotion à l'auditoire. C'est un autre Eudiste, le P. Hébert, qui était le confesseur de Louis XVI, et le martyre du pieux roi semble bien réellement avoir été un témoignage rendu au Sacré-Cœur de Jésus, qu'il aimait tant.

Nous nous plaisons à croire que les nombreuses messes réparatrices, dites le 21 janvier, pèseront plus dans la balance divine que quelques or­gies socialistes et quelques bals de sous-préfectures, dans lesquels on a fê­té timidement et honteusement le centenaire du plus odieux des assassi­nats.

A l'Académie. - L'académie française s'assagit. Elle vient d'élire deux hommes sérieux et chrétiens. M. de Bornier et M. Thureau­-Dangin. Elle a rejeté impitoyablement, par cinq tours de scrutin, deux mécréants, Berthelot et Challemel-Lacour, puis le cynique écrivain qui a foulé si impudemment aux pieds l'honnêteté et la délicatesse française, Emile Zola.

Quelques mots de M. Thureau-Dangin suffiront à caractériser ses convictions. «En 1848 comme aujourd'hui, nous dit-il, le cri de révolte et d'envie semblait répondre d'en-bas au culte du Veau d'or qui régnait en-haut. Là encore, ajoute-t-il, n'est-ce pas la religion qui eût pu appor­ter le vrai remède au mal social, en apprenant à cette société bourgeoise la leçon trop oubliée du renoncement pour soi et de la charité envers les autres?».

III. AUTRES PAYS

Belgique. - La vérité sociale progresse en Belgique, comme la vérité religieuse. L'agitation socialiste y perd du terrain. La Belgique a des hommes comme M. Charles Wœste et M. Godefroid Kurth, qui sont de la race des Windthorst et des de Mun. Leur parole fait autorité. Les journaux qui s'engagent dans la lutte pour le bien leur demandent une lettre d'encouragement, et cette lettre devient un programme.

M. Charles Wœste, écrivait dernièrement aux jeunes et vaillants ré­dacteurs du journal L'ami: «Le collectivisme, en enlevant au travail son principal stimulant, énerverait le progrès individuel, comme le progrès de l'industrie, du commerce, de l'art et des lettres; la guerre à la religion priverait les masses des consolations et des espérances dont elles ont un impérieux besoin. Faites en sorte que la bourgeoisie s'occupe sans trêve ni relâche de l'amélioration du sort de l'ouvrier, et bientôt la question sociale sera résolue».

Italie. - Vénalité et concussions, c'est à cela qu'aboutissent les doc­trines des Loges et de leur pontife italien, Adriano Lemmi. La divine Providence a percé l'abcès, en Italie comme en France. Là aussi un tra­vail se fait dans les esprits et les solutions se préparent.

Bulgarie. - Pendant que les Chambres de Bulgarie votent un loi qui permettra au Souverain d'élever ses enfants dans la religion catholique, pendant que le clergé national délibère sur l'opportunité de l'union avec Rome, l'apostolat privé poursuit aussi son œuvre. Les progrès de l'Eglise chez les Bulgares de Macédoine sont étonnamment rapides. Les cinq cents catholiques d'il y a vingt ans sont devenus trente mille. Demandons à Dieu que cet heureux mouvement se poursuive, et qu'il soit le prélude du grand mouvement de retour, que l'on espère voir résulter du Congrès eucharistique de Jérusalem, pour nos frères séparés d'Orient.

CHRONIQUE (Avril 1893)

I. LE RÉGNE SOCIAL DU SACRÉ-CŒUR

Le Règne du Sacré-Cœur et les hommages rendus au Vicaire de Jésus-Christ. - Le Christ vit et règne dans son Vicaire, le Pontife suc­cesseur de Pierre. Le Vicaire du Christ a ses jours de triomphe, comme le Christ a eu les siens. Le Christ, à Bethléem, reçut les hommages et les dons des rois de l'Orient. A Jérusalem, il a été acclamé par une foule en­thousiaste qui lui criait: Hosanna au fils de David!

Le Vatican, c'est Bethléem et c'est Jérusalem. Comme à Bethléem, les rois se présentaient ces jours-ci, dans la personne de leurs ambassa­deurs et offraient au Vicaire de Jésus-Christ leurs hommages et leurs présents.

Comme à Jérusalem un peuple immense (ils étaient, dit-on, 80,000) acclamait le Pontife qui se rendait au temple, à la Basilique Vaticane, en fendant les rangs pressés de la foule.

Mais les triomphes du Vicaire de Jésus-Christ, sur la terre, ont leurs ombres comme ceux du Christ lui-même. A côté du triomphe de Beth­léem, il y avait les noirs projets du roi de la Judée. Après le triomphe du temple, il y eut le Tolle et les souffrances du Golgotha. De même au­jourd'hui, à côté des hommages princiers, il y a l'hostilité d'une royauté jalouse. A côté des acclamations populaires, il y a le Tolle des loges ita­liennes. Mais Hérode et la Synagogue ont passé, et le Christ qui sembla vaincu, un moment, est sorti du tombeau. Les Hérodes d'aujourd'hui et la Synagogue de l'Antéchrist passeront et le vaincu du Vatican sortira de sa prison.

Il sera de nouveau le roi de la paix, comme l'étaient les pontifes des âges chrétiens. Ce fait que les nations catholiques se rencontrent aux pieds du Pape avec les peuples séparés de l'Église, tels que la dissidente Angleterre, l'Allemagne luthérienne, la Russie schismatique et même la Turquie mahométane, ce fait est l'augure d'un nouveau règne pacifique de la chrétienté. Léon XIII est le précurseur de la trêve de Dieu, qui mettra fin à nos dissensions et la Papauté sera encore l'arbitre glorieux de la paix et l'artisan de la régénération de l'univers.

Les espérances du Pape. - Le Saint-Père a exprimé une quatrième fois ses espérances en un prochain relèvement de la chrétienté. Ennemis du pessimisme et de tout découragement, nous aimons à signaler à nos lecteurs ces pronostics réconfortants. C'était à l'audience du Cercle de la jeunesse de Rome. Le Saint-Père a fait ressortir la nécessité de se vouer plus que jamais aux études sociales, afin de préparer un meilleur avenir. «Cet avenir, a-t-il dit, je l'espère dans un temps non éloigné». Et il a in­sisté vivement pour qu'on se tienne prêt à prendre la tête du mouve­ment, en se conformant aux enseignements et à la direction de l'Eglise.

L'adoration sociale due à Dieu. - Mgr d'Hulst a repris le cours de ses conférences à Notre-Dame de Paris. Dans la première, traitant du culte dû à Dieu, il a eu l'occasion de protester contre l'athéisme social. Nous relevons ces paroles comme un hommage offert par la première chaire de France au Christ, roi des nations:

«L'adoration, a-t-il dit, ne doit pas se limiter à l'être individuel. Elle doit se manifester dans la famille, où elle se revêt de majesté dans le pè­re, de tendresse dans la mère et de candeur dans les enfants. Elle doit en­core être sociale et s'épanouir dans un culte national et public». Les na­tions doivent à Dieu et à son Christ l'hommage et la prière; à l'Eglise el­les doivent le respect et la docilité, dans ce qui touche à la foi et à la mo­rale. Elles sont tenues de conformer leur législation au Décalogue.

Les trônes catholiques. - La Providence s'arrange pour nous don­ner quelques souverains catholiques de plus. La Roumanie n'est pas ca­tholique, mais son roi l'est, il appartient à la race catholique des Hohen­zollern. Il vient d'épouser une princesse protestante d'Angleterre, mais ses enfants seront catholiques. La nation n'exige pas qu'ils soient élevés dans le schisme. Le Prince de Bulgarie est catholique. Il épouse une pieuse princesse de Parme. Le parlement bulgare révise la Constitution pour permettre au Prince d'élever ses enfants dans la religion catholi­que. C'est encore une dynastie catholique de fondée. Au Wurtemberg, c'est la branche protestante de la famille qui règne, mais elle va s'étein­dre et la branche catholique lui succédera. Au Luxembourg, le grand duc, de la famille luthérienne de Nassau, épouse une religieuse princesse du Portugal. Il s'allie par là aux familles catholiques d'Autriche, de Ba­vière et de Parme. Les héritiers seront catholiques. Ce sont de précieuses influences acquises au règne social du Christ.

II. FRANCE

Louis Veuillot et la rèpublique chrétienne. - A la suite de l'Uni­vers, plusieurs journaux ont reproduit une page prophétique, écrite par Louis Veuillot, en 1871. Nous avons eu l'honneur de connaître Louis Veuillot et de le rencontrer quelquefois à cette époque là; c'étaient bien ses pensées. Pie IX aussi exprimait les mêmes vues dans l'intimité.

«Je crois que la république se nettoiera, écrivait Veuillot, et que, net­toyée, elle s'établira, et j'en fais le vœu… C'est un monde qui finit et un monde qui commence… Cette foule qui grandit, c'est la démocratie et elle va au baptême… Un jour, sur la montagne, apparaîtra le Pasteur. Ce ne sera pas un empereur, ce sera Moïse et il donnera la loi; ce sera Pierre, et il donnera l'amour; ce sera Jésus-Christ et il donnera la liberté…».

«Sur les gémissements de Jérusalem vaincue, j'entends dominer les chansons lascives de Ninive et les blasphèmes de Babylone… Mais je sais aussi que la prière n'est pas éteinte dans la France, ni même dans Paris, et je ne veux pas croire ni de la France qu'elle veuille périr, ni de Dieu qu'il veuille l'abandonner… Dieu, nous dit l'Ecriture, a fait les nations guérissables (Sap. 1,14). La France guérira et la république sera son ins­trument, une république implantée par le clergé et par les restes les plus intelligents du parti monarchique…». Cette république chrétienne qui relèverait la France et seconderait l'Eglise, n'est-ce pas ce qu'avec Léon XIII nous espérons tous aujourd'hui?

L'action sociale catholique. - Elle se propage, elle s'étend, mais toujours trop lentement au gré des plus zélés. Les réunions, les conféren­ces se succèdent à Paris, aux environs de Paris, dans les villes de provin­ce, et partout avec succès. Le pétitionnement contre l'hôpital laïcisé et l'école sans Dieu a un succès complet. La presse radicale exprime ses craintes avec dépit. Persévérons et nous vaincrons. L'hôpital sans Dieu est la ruine morale et matérielle des établissements de charité. L'école neutre est une utopie. En dehors même des catholiques, les hommes vraiment libéraux ont la loyauté de le reconnaître.

«Il n'y a pas d'école neutre, écrit M. Jules Simon, parce qu'il n'y a pas d'instituteur qui n'ait une opinion religieuse ou philosophique». «S'il n'en a pas, il est en dehors de l'humanité; c'est un idiot ou un monstre. S'il en a une et qu'il la cache pour sauver ses appointements, c'est le dernier des lâches. Mais je le défie bien de la cacher. Il aura beau serrer les lèvres, elle jaillira malgré lui, ses yeux parleront, ses gestes, toute sa personne».

«L'enfant parlera aussi, il questionnera; Dieu, à deux pas de l'école, entrera de tous côtés, dans ses yeux, dans ses oreilles. Il n'y a qu'un coin du monde où il sera banni: c'est dans cette école où l'on forme le cœur du citoyen, où l'on illumine son esprit!».

Le congrès de La Croix. - Le journal La Croix est un des plus vail­lants champions de la presse catholique, et par suite un des plus puis­sants instruments du règne de Notre-Seigneur. Les zélateurs et propaga­teurs de La Croix étaient réunis ces jours-ci à Paris, au nombre de cinq cents. Auprès d'eux le Saint-Sacrement était exposé, on priait. Aussi ont-ils fait de la bonne besogne. Quelques députés catholiques étaient là aussi. Nous inscrivons leurs noms avec respect. C'étaient Messieurs de Mun, Grousset, d'Etcheverry, Piou, Roy de Loulay, Thellier de Pon­cheville et le baron Reille.

L'œuvre de La Croix grandit toujours. La Croix quotidienne tire à 173.000 exemplaires. La Croix du dimanche à 308.000. Les Vies des Saints vont chaque semaine, au chiffre de 250.000, édifier un nombre infini de lecteurs. La Croix de Paris, plus féconde que les patriarches, a 103 filles qui sont les Croix de province.

Nous saluons cette valeureuse avant-garde de l'armée de notre divin Roi.

III. AUTRES PAYS

Les Etats-Unis et le travail. - L'impulsion donnée par Léon XIII à la question du travail gagne tous les peuples à l'occasion de l'exposi­tion. Les évêques des Etats-Unis convoquent à Chicago un congrès des œuvres catholiques et sociales. Voici quelques-uns des sujets inscrits au programme: L'Encyclique du Pape Léon XIII sur la question sociale; les droits du travail, les devoirs du capital; le paupérisme et son remède; la charité publique et privée; les sociétés ouvrières; les assurances sur la vie et les retraites pour les salariés; l'intempérance; la mission de la fem­me. - Les Américains, qui sont si pratiques, feront là de bonne besogne pour l'avancement du règne social du Sacré-Cœur par le développe­ment de la justice et de la charité.

Le ministère du travail en Angleterre. - L'Etat a son rôle à remplir dans la réforme de l'organisation du travail, Léon XIII nous l'a dit. La Belgique a un Bureau du travail, bien constitué. La France a besoin, avant d'agir , de se débarrasser des parasites et des francs-maçons qui ont envahi toutes les avenues du pouvoir. L'Angleterre montre de la bonne volonté et paraît vouloir faire grand, sous la direction de M. Gladstone.

Elle organise un département du travail fortement constitué: Bureau central à Londres, bien composé, avec sous-divisions: commerce, tra­vail, statistique; secrétariat local dans les principales villes de province, pour recueillir des renseignements sur les salaires, les grèves, les associa­tions, la durée du travail, l'immigration, etc. - publication d'une Ga­zette du travail et de notices officielles sur les questions pouvant intéres­ser les travailleurs; - enquêtes périodiques sur les fluctuations du tra­vail, le mouvement coopératif, etc.

M. Gladstone a des instincts généreux et chrétiens. Il ne se résigne ni à la plaie du paupérisme anglais, ni au martyre de la nation irlandaise. Demandons à Dieu qu'il ait la grâce de mourir dans le sein de la vérita­ble Eglise.

Autriche. - En Autriche et en Hongrie, le catholicisme est en butte à de douloureuses atteintes. Une coalition de juifs, de calvinistes (ceux­ci, pour la Hongrie surtout) et de francs-maçons, y détient le pouvoir et vote des lois hostiles à l'Eglise. Les catholiques forment la très grande majorité, mais ils sont insouciants et apathiques. L'Autriche est alliée avec l'Italie; cela ne lui porte pas bonheur.

Belgique: le monde et le moine. - La Belgique est en travail de Constitution. Nous avons confiance dans son bon sens traditionnel pour mener à bonne fin l'œuvre de l'extension du suffrage électoral. En at­tendant, les catholiques belges multiplient leurs œuvres. L'action socia­le catholique est incessante chez eux. La grande éloquence, l'éclat de la parole ne leur manquent pas non plus. Après M. de Mun, M. Chesne­long et Windthorst, on peut nommer avec honneur M. Charles Wœste et M. le Sénateur Cooreman. Celui-ci, dans une brillante conférence sur le bien-être et la morale, signalait récemment et prenait sur le vif les ten­dances, opposées du monde et de la vertu. La fièvre du bien-être envahit et ravage toutes les classes de la société. En haut ce sont les jouissances ininterrompues, effrénées, qui ne sont pas le bonheur et qui développent plutôt un ennui immense: zone de la névrose.

Au-dessous, ce sont les entreprises folles et les spéculations par les­quelles on veut s'enrichir en un jour et qui ruinent à jamais: zone des krachs.

En bas, ce sont les revendications impétueuses. L'ouvrier, voyant qu'autour de lui, tous se mettent à la poursuite ardent du bien-être, de­mande, réclame, exige sa place au festin: zone des grèves.

Au pôle opposé, se perpétue et s'accroît la race des hommes de renon­cement. Les Ordres monastiques se multiplient et recrutent des adeptes fervents dans toutes les classes de la société. Les Petites-Sœurs des Pau­vres, par exemple, viennent de fonder leur 268e hospice de vieillards. C'est la lutte du Sacré-Cœur de Jésus contre le monde. Ce divin Cœur triomphera par le dévouement et la charité.

CHRONIQUE (Mai 1893)

I. LA QUESTION SOCIALE

Crainte ou espérance. - Il y a en France, et je crois aussi chez les nations qui nous environnent, un courant de pessimisme, une école de découragement. Il est vrai que le mal est bien grand. La juiverie et la franc-maçonnerie sont toutes-puissantes. La presse et l'enseignement sont entre leurs mains dans une grande partie de l'Europe. Les mœurs sont déplorables. L'agiotage passionne grands et petits. La famille se dissout. Les campagnes elles-mêmes échappent à leurs pasteurs. Enfin le socialisme est à nos portes.

Cependant, à trois et même à quatre reprises différentes, depuis quel­ques semaines, le Saint-Père nous a dit: «J'espère un relèvement pro­chain de la vie chrétienne dans le monde»; et, dans nos chroniques pré­cédentes, nous avions fait avec bonheur écho à ces paroles.

Aujourd'hui, c'est le nouvel évêque d'Angers, Mgr Mathieu, le suc­cesseur distingué du tant regretté Mgr Freppel, qui nous dit, dans sa let­tre pastorale de prise de possession: «Nous espérons beaucoup dans un avenir prochain, et nous voudrions dissiper ce pessimisme qui est une disposition très fâcheuse chez les chrétiens, dont la guerre contre le mal est la constante vocation. Comment se battre avec courage, quand on se bat sans espoir?».

Et après nous avoir rappelé ce principe si évident, Mgr Mathieu nous montre l'Eglise catholique, seule immuable au milieu du conflit des idées et des bouleversements politiques, seule debout devant les ruines intellectuelles et morales accumulées par notre siècle, comme l'unique force organisée, capable d'unir les esprits, d'apaiser les cœurs et de grouper les volontés. Il nous montre les heureux ferments de retour à l'union dans le vieil orient schismatique, les conversions répétées en An­gleterre et dans les pays du Nord, et cette jeune et allègre église d'Améri­que qui a gagné en ce siècle dix millions de fidèles.

Nous aimons cette note d'espérance. Elle est ordinairement celle de notre chronique. Elle nous paraît devoir être celle de l'Eglise, à qui le Sau­veur a dit: «Ne craignez pas, petit troupeau. - Ayez confiance, j'ai vaincu le monde».

Répétons avec Mgr Mathieu: «La lutte est de l'essence de l'Eglise; or, comment se battre avec courage, si on se battait sans espoir?».

Actes de foi sociale au Christ et à la Providence. - M. Cleveland a pris possession de la présidence des Etats-Unis. Et dans son premier message, après avoir juré de se dévouer au bien de la nation, il termine ainsi: «Je sais qu'il y a un Etre suprême qui régit les affaires des hom­mes et dont la grâce et la bonté n'ont jamais été refusées au peuple amé­ricain, et je sais qu'il ne se détournera pas de nous maintenant, si nous cherchons humblement et respectueusement son aide toute-puissante».

C'est bien, et c'est simple en soi, mais ces choses si naturelles parais­sent étranges dans ce siècle de positivisme et d'impiété sociale. Aux Etats-Unis pourtant, on a gardé encore l'habitude de reconnaître l'auto­rité de Dieu sur les nations, mais en France?

Cependant un de nos diplomates, M. le baron de Courcel, présidant à Paris la commission internationale d'arbitrage des pêcheries de Behring, a honoré son pays en prononçant ces paroles de foi: «Puisse la divine Providence, de qui relèvent toutes les actions des hommes, nous donner la force et nous inspirer la sagesse nécessaire pour accomplir notre diffi­cile mission, et pour marquer ainsi une étape vers la réalisation de la pa­role pleine de consolation et d'espoir de Celui qui a dit: «Bienheureux ceux qui aiment la douceur et la paix, car la terre leur appartiendra»

Il y a là une parole du Christ, c'en est assez pour faire bondir les ré­dacteurs de la Lanterne. Ces juifs crient à la trahison, à l'infamie, à la fo­lie. Quand donc les chrétiens de France, d'Autriche et d'Italie, pren­dront-ils la résolution de ne lire que des journaux chrétiens?

Le Pape et les œuvres - Quel prétexte reste-t-il aux catholiques apathiques qui excusent leur inertie en disant: Il n'y a rien à faire; les œuvres sont impossibles ou ne produisent point d'effet? Naguère le Pa­pe donnait cette exhortation: «Il faut se décider à agir sans retard, il faut opposer presse à presse, école à école, association à association».

Aujourd'hui il vient de dire à la noblesse romaine: «Nous vous re­commandons la charité dans ses diverses formes: la charité qui donne, la charité qui remet dans le droit chemin, la charité qui éclaire, la charité qui propage le bien par la parole, par les écrits, par les réunions, par les associations, par le secours mutuel. Si cette souveraine vertu était prati­quée selon les règles évangéliques, la société civile irait beaucoup mieux. On verrait cesser les divisions et il serait facile de résoudre cette question sociale, si ardue, qui fatigue les peuples et les Etats».

Il n'y a donc plus à hésiter. Il faut que les catholiques se mettent à agir, qu'ils se dévouent à la bonne presse, aux associations, aux œuvres sociales. Le Saint-Père nous le dit, là est le salut et pas ailleurs.

II. FRANCE

Les œuvres. - Le congrès de Cognac a été vaillant, celui de Tou­louse se prépare. Le comité de l'Action catholique, dirigé par M. Car­nier, renseigne et stimule les hommes de bonne volonté. L'esprit d'asso­ciation, comprimé pendant un siècle, se répand comme un torrent au­jourd'hui. Deux mille syndicats ont été fondés en moins de dix ans. Qui jettra dans ce torrent un peu de sel chrétien? Les catholiques seuls le peuvent, en se donnant généreusement aux œuvres. Signalons quelques foyers de zèle. Le Bureau diocésain de Châlons suscite partout des Pa­tronages ruraux. Ce diocèse en compte déjà cent cinquante. Dans le sud­est, ce sont les syndicats agricoles qui réussissent. Le diocèses de Lyon, Grenoble, Valence, Viviers en comptent un grand nombre et beaucoup sont franchement catholiques. Puisse ce feu sacré s'étendre à toute notre France!

L'invasion juive. - Cette invasion n'est pas une invasion violente, comme celle des Vandales, des Huns ou des Normands. La nation perfi­de n'a plus les mœurs guerrières, elle s'insinue, elle prend la caisse et les places et bientôt elle nous traitera en vaincus et en étrangers chez nous. L'invasion est rapide, effrayante. On n'entendait que modérément par­ler des juifs en France avant 1870; maintenant ils sont partout. Compa­rez les Bottin de 1869 et de 1893, et vous serez effrayés.

Prenez les abonnés aux téléphones à Paris: un tiers d'entre eux sont juifs. Trois cents banquiers sur six cents à Paris sont juifs. Ils ont trente agences de publicité sur soixante; quinze agents de change sur cinquante-huit. La moitié des changeurs, orfèvres et bijoutiers sont juifs. Ils ont plus de cent administrateurs dans nos Compagnies de che­mins de fer. Sur quatre-vingts éditeurs parisiens, vingt sont juifs. Ils sont à la tête de nos plus beaux départements: quarante préfets ou sous­préfets sont juifs. Ils sont puissants dans les ministères, dans les tribu­naux, dans les lycées. Si Dieu ne nous vient en aide, dans cinquante ans ce n'est pas eux qui seront chez nous, c'est nous qui seront chez eux. Mais nous avons foi dans ce secours de Dieu et dans l'efficacité de la prière et des œuvres catholiques.

Le théâtre chrétien. - Le théâtre chrétien est en vogue. C'est un fait. Il marque un retour vers les idées chrétiennes. Il est une des formes les plus défectueuses de ce retour, du moins quand il s'agit du drame du Christ, joué au Vaudeville, ou de la Passion de M. Haraucourt. Mais ce qui est bien innocent et bien bon, ce sont les tableaux vivants de la Pas­sion, représentés çà et là par des collèges chrétiens, par des Patronages, par des Ecoles apostoliques.

A Saint-Quentin notamment, les Petits clercs du Sacré-Cœur, de l'Ecole apostolique de Fayet, guidès par le R. P. Leroy, prédicateur du carême, ont donné trois représentations de ces tableaux-vivants, devant des auditoires de mille personnes. Ces groupes disposés avec art, ces scè­nes rendues avec tant d'expression par des enfants pénétrés de leur rôle ont ravi les spectateurs. Aucun spectacle, depuis longtemps, n'a produit dans la ville un enthousiasme aussi grand, une émotion aussi profonde. Il faudra plusieurs représentations encore pour satisfaire les pieux et ar­dents désirs des habitants de la cité et des environs. C'est un apostolat puissant qui s'exerce avec les moyens les plus faciles: vingt à vingt-cinq jeunes gens, des costumes simples arrangés par quelques dames pieuses, et quelques chants graves, adaptés aux scènes que l'on représente. On parle de reproduire cela à Soissons et à Reims. La coutume gagnera de proche en proche.

III. AUTRES PAYS

L'enseignement en Allemagne. - Un des chefs du Centre allemand a fait ressortir dans un discours au Landtag les conséquences funestes qui résultent de l'esprit antichrétien des Universités allemandes. Les principes les plus fondamentaux y sont niés journellement: non seule­ment la divinité du Christ et l'autorité de la Bible, mais même la chute originelle, la vie future, l'existence d'un Dieu personnel. Les socialistes ont maintes fois proclamé qu'ils trouvaient dans ces doctrines leur plus ferme appui. Ils sont, disent-ils, les logiciens pratiques du positivisme et du darwinisme. Les sociétés qui ne sauvegardent pas les vérités sur les­quelles s'appuie leur organisation séculaire marchent elles-mêmes à leur ruine et à leur dissolution.

Races et religions. - L'avenir est à l'enfance et à la jeunesse. Peut-il avoir une vérité plus banale? Quelles sont les races fécondes? Ce n'est pas, hélas! la race française en France. L'Eglise ne pourrait guère comp­ter sur la France pour son accroissement, si nous n'avions pas l'essaim canadien, qui donne de nombreux rejetons à notre race française et à l'Eglise catholique. En 1891, la population de l'Allemagne s'est accrue de 675.000 âmes; celle de l'Angleterre, de 368.000; celle de la Hollande, de 60.000; celle de la France, de 10.500 seulement; et encore, la chose est-elle bien claire? - En Allemagne et en Hollande, ce sont les provin­ces catholiques qui sont les plus fécondes. La race irlandaise donne pa­reillement à l'Eglise un accroissement notable, aux Etats-Unis et en Australie. Nous ne voulons pas cependant désespérer de la France, que le Sacré-Cœur de Jésus semble affectionner encore.

CHRONIQUE (Juin 1893)

I. LE REGNE SOCIAL DU SACRE-CŒUR

Les hommages au Sacré-Cœur. - Nous l'avons redit souvent, Notre-Seigneur a demandé formellement à la bienheureuse Marguerite­Marie, non pas seulement les pieuses consécrations des fidèles, mais les hommages positifs des groupements sociaux et des autorités sociales.

Depuis Constantin jusqu'à nos jours, toutes les nations chrétiennes, les rois, les autorités sociales à tous les degrés: souveraines, provinciales, communales, ont offert au Christ, devant son image ou devant la sainte Hostie, l'hommage de leur respect et de leur soumission. Ce grand fait historique est trop laissé dans l'ombre par nos historiens même catholi­ques.

Cependant le Sauveur tient à ces hommages et en fait la condition de ses benedictions. Il domande que ces hommages s'adressent désormais à son divin Cœur. Il y tient tellement qu'il semblait n'attendre qu'un tel hommage, de la part du roi Louis XIV pour combler la France de ses fa­veurs.

Quand répondrons-nous à ce désir divin? Pourquoi en sommes-nous si éloignés? C'est à cause de l'hérésie gallicane et libérale qui a pénétré plus ou moins tous les esprits; sous sa néfaste influence, l'indépendance de l'Etat a été érigée en dogme; le silence des théologiens et des histo­riens a perpétué l'erreur.

Il faut donc réagir. Il appartient aux prêtres, aux écrivains, aux théo­logiens de rappeler la vraie doctrine. L'Œuvre des Fastes a rendu un grand service à la vérité en recherchant dans l'histoire toutes les traces de l'union des Etats avec le Christ par le moyen des hommages. Il faut que cette tradition historique des hommages soit expliquée partout dans l'enseignement et dans la prédication.

La lettre de M. le comte d'Alcantara, contenue dans cette livraison même, indique les ouvrages qui reproduisent cette tradition.

Comme ce vaillant et savant chrétien nous y invitait dans un autre ar­ticle, donné par la Revue en février, faisons tous notre acte d'hommage en l'année présente, soit à la fête du Sacré-Cœur, soit au 21 juin, soit au dernier jour de ce mois. Proposons-le dans nos paroisses, communautés, cercles et corporations. A défaut d'une formule étendue, ajoutons à la consécration commune au Sacré-Cœur ces mots:

«NOUS JURONS FIDELITÉ AU ROI DES CIEUX ET DE LA TERRE, ICI PRÉSENT, ET A SON RÈGNE SOCIAL; QU'IL DAIGNE NOUS DONNER LA PAIX ET NOUS UNIR DANS LES COMBATS D'UNE MÊME CHARITÉ, POUR LE TRIOMPHE DE L'EGLISE ET DE LA CHRÉTIENTÉ».

Hommages au Pape. - Les hommages au Pape complétaient les hommages à l'hostie dans les siècles de foi. L'Hostie et le Pape, ce sont les deux modes de la présence du Christ sur la terre.

L'hommage au Pape, c'était la reconnaissance de l'autorité de l'Eglise et la subordination du pouvoir civil à l'Eglise, dans les matières où les deux autorités se rencontrent.

Ce ne sont point des actes d'hommages proprement dits que ces visites princières qui se succèdent chez le Souverain Pontife Léon XIII. Ce sont des visites de courtoisie, auxquelles se mêle cependant un respect reli­gieux. Quel beau spectacle ce serait, si la chrétienté rendait vraiment hommage par ses princes au vicaire de Jésus-Christ! Comme nous se­rions près alors de la paix universelle! Puissions-nous voir cet âge d'or?

Ouvriers français. - Le Congrès des ouvriers catholiques est réuni à Reims. C'est une nouveauté hardie, mais pourquoi ne réussirait-elle pas? Quelques conservateurs timides s'en effraient, bien à tort. Ces ou­vriers sont des délégués de nos œuvres du Nord. Ils se montreront là ce qu'ils sont dans les œuvres, sages, modérés, respectueux de toute auto­rité et pleins de déférence pour les enseignements du Pape.

Ce sera un grand exemple, et les ouvriers de toute la région verront qu'en s'enrôlant sous la bannière de l'Eglise, ils ne seront pas empêchés de manifester leurs sages désirs de réformes et de progrès.

Le programme est vaste et rempli d'intérêt. Il comprend l'éducation populaire des jeunes filles et des garçons, les salaires, le repos dominical, les octrois, l'organisation intérieure de l'usine, les conseils d'usine, les contre-maîtres, les syndicats, corporations, confréries, cités ouvrières et les institutions de secours mutuel, de prévoyance et de coopération.

Nous rendrons compte de ce Congrès, qui fera faire un pas de plus à la préparation du règne de Notre-Seigneur dans le monde du travail.

Ouvriers hollandais. - La Hollande aussi a eu son Congrès ouvrier catholique. Il s'est tenu à Rotterdam. Il a été convoqué par l'Union ou­vrière, société catholique qui a son comité central présidé par l'évêque de Harlem, et ses comités locaux subdivisés en guildes ou corporations de métiers. Mgr l'évêque de Harlem a présidé le Congrès. Le docteur Schœpman et le député Helleputte en ont été les principaux orateurs. On y a traité du repos dominical, de la participation dans les bénéfices, des syndicats, des assurances, du salaire.

Ne nous faisons pas illusion. Les groupes socialistes et les loges ma­çonniques ont leurs réunions d'études. Nos ouvriers ne se contenteront plus de la direction qu'ils acceptaient autrefois. Ils veulent étudier les questions sociales. Si nous ne les encourageons pas, si nous ne les gui­dons pas dans ces études, ils seront sans défense contre les erreurs socia­listes et s'y laisseront prendre. Les hommes d'œuvres qui participent à ces Congrès font preuve d'un dévouement intelligent. Ils travaillent d'une manière efficace à préparer le règne de Notre-Seigneur

Ouvriers suisses. - La Suisse avait aussi dernièrement son Congrès ouvrier; ce n'était pas un Congrès catholique, c'était une réunion trien­nale des associations ouvrières, sans distinction d'opinions politiques ou religieuses. Les catholiques y prennent part. Ils ont su y conquérir le res­pect de tous, et parfois ils y font prévaloir leurs doctrines. Au Congrès de Bienne, M. Decurtins, un ardent catholique a su impressionner l'assem­blée par son éloquence et par la vérité saisissante de sa thèse. - Le Pape Léon XIII, a-t-il dit, a pris en mains la cause des ouvriers. S'il est écou­té, la cause ouvrière aura fait un immense progrès. Invitons donc les ca­tholiques à promouvoir ces enseignements qui doivent leur être chers et profiteront à tous.

De plus, le Congrès a voté la résolution suivante: «Les organisations ouvrières catholiques sont invitées à déployer une propagande interna­tionale en faveur de la réalisation des postulata que Léon XIII a énoncés dans son Encyclique sur la question ouvrière». N'est-ce pas vraiment étrange qu'une assemblée d'ouvriers suisses où dominaient les protes­tants et les socialistes ait voté une pareille résolution? Rendons grâce à Dieu. Le règne du Sacré-Cœur s'étendra par la charité que le Vicaire de Jésus-Christ témoigne envers ceux qui travaillent et qui souffrent.

II. FRANCE

Le Sacré-Cœur à Lourdes. - La bonne nouvelle se confirme. Un riche bienfaiteur donne un million pour l'érection d'une église du Sacré­Cœur à Lourdes, sur l'emplacement de l'église paroissiale. L'église sera dans le style ogival, le vrai style français. Cette intention du bienfaiteur est touchante. La très sainte Vierge saura gré à la France de ce nouvel hommage rendu au Cœur de son divin Fils.

Saint Joseph. - Une de nos abonnées nous prie d'insérer ce témoi­gnage d'actions de grâces à saint Joseph:

«A la fin d'avril dernier, une raffinerie attenante à notre habitation fut complètement détruite par un incendie. Notre maison, selon toute vraisemblance, devait être également dévorée par les flammes, chassées dans cette direction. Mais nous avions placé sur la fenêtre de l'étage le plus exposé une statue de saint Joseph. Le bon Patriarche a dû comman­der aux flammes de se retirer, car elles se sont contentées de lécher la muraille en la noircissant, et les vitres, échauffées, sont même exemptes de toute fracture. Grâces soient rendues au bon saint Joseph!».

Corporations et syndicats. - Le mouvement corporatif prend en France un accroissement surprenant. On comptait, en 1891, 200 syndi­cats agricoles, il y en a aujourd'hui 800.

Beaucoup n'ont pas de but plus élevé qu'un achat en commun de se­mences, d'engrais ou d'instruments agricoles. Une centaine cependant ont établi des conseils d'arbitrage et certaines institutions d'assistance, de prévoyance, de crédit ou d'épargne. Plusieurs ont un cachet reli­gieux, autant que le permet la loi. Ils ont une fête patronale religieuse et s'imposent le repos dominical. Si nous avions d'autres législateurs que des juifs et des francs-maçons, la France chrétienne rétablirait bientôt le règne social du Christ.

III. AUTRES PAYS

Jérusalem. - Le congrès eucharistique s'est achevé avec ses splen­deurs et en laissant un gage d'espoir. Il a fait passer un souffle d'union entre orientaux et latins. Les vieilles hérésies d'Orient sont agonisantes. Des évêques, des prêtres, des fidèles de ces églises dissidentes ont pris part au congrès. Prions et attendons. Ce n'est pas en un jour que des peuples reviennent à la vérité. Mais ce congrès a donné le branle et ses fruits mûriront peu à peu.

Angleterre. - Le cardinal Vaughan est bien un maître homme. Son discours du 3 avril sur la question sociale est d'une hauteur de vues et d'une perspicacité peu communes.

Pour bien nous faire toucher du doigt les sources des grands désordres sociaux, il choisit deux époques caractéristiques, la décadence de l'Em­pire romain et la Révolution française.

La destruction du grand Empire romain a été occasionnée par l'irré­médiable indifférence, la corruption et l'égoïsme des classes dominantes. L'orgueil, la morgue et le luxe des hautes classes, ainsi que le monda­nisme et l'abus des richesses dans le clergé de France, au siècle dernier, ont été l'origine de la Révolution qui a submergé l'Europe dans ses prin­cipes et dont la force destructive est loin d'être épuisée.

Quel est le but à atteindre aujourd'hui? Il faut produire une réforme dans la condition des masses, pour assurer à chaque homme la nourritu­re, l'habillement et l'habitation convenables, au moyen du travail et du juste salaire; pour l'élever dans la connaissance de ses devoirs envers Dieu, envers le prochain et envers lui-même, pour lui donner l'instruc­tion qui est en rapport avec sa situation et ses besoins; pour lui procurer un repos suffisant et le moyen de prendre soin de sa famille, sourtout de sanctifier son âme.

Quels moyens faut-il prendre pour cela? Il faut quelques chose de plus que la bonne volonté des classes riches, que la science économique, que le socialisme ou les Trades-Unions. Il faut la puissance et l'efficacité du christianisme. Il faut l'évangile, qui enseigne à tous la justice et la chari­té. En un mot, il faut le règne du Christ, le règne du Cœur trois fois saint de Jésus.

CHRONIQUE (Juillet 1893)

I. LE REGNE SOCIAL DU SACRE-CŒUR

Les Congrès ouvriers: Reims et Rotterdam. - Ces congrès d'ou­vriers catholiques sont une nouveauté et des plus heureuses. N'est-ce pas le meilleur moyen de sonder les plaies de ces foules si intéressantes, qui sont les victimes de la Révolution et de l'impiété de ce siècle.

Rien n'est plus profitable que d'entendre ces ouvriers intelligents, sa­ges et de bon esprit nous dire leurs souffrances et leurs vœux.

Ce sont les Cahiers de leurs doléances et de leurs aspirations qu'ils ré­digent. Si nos législateurs savaient en tenir compte, la réforme de nos lois serait facile. Si les assemblées constituantes et législatives de la Ré­volution s'en étaient tenues aux Cahiers rédigés par les Etats des Provin­ces en 1789, elles auraient fait en général d'excellente besogne. Les Ca­hiers étaient l'œuvre des diverses classes de citoyens, consultées en de­hors des intrigues et des passions du Parlement.

Les études du congrès de Reims embrassaient l'instruction primaire et professionnelle, la situation des femmes et des enfants dans les ate­liers, les conseils d'usine, les contre-maîtres et les confréries.

Les vœux émis seront répétés par d'autres assemblées ouvrières et répé­tés d'année en année jusqu'à ce que les législateurs en tiennent compte. Ces vœux appellent l'enseignement religieux dans l'école et une juste réparation des secours de l'Etat à toutes les écoles, libres ou officielles. Ils demandent la protection des mœurs dans les ateliers; l'établisse­ment de conseils d'usines et de comités d'arbitrage et l'organisation des confréries, si favorables au règne de la justice et de la charité chrétien­nes.

Le congrès de Rotterdam s'est ouvert dans l'église du Sacré-Cœur et il a tenu ses réunions dans la salle Saint Joseph: c'était d'un heureux augure.

Il a été plus hardi et plus complet que celui de Reims. Il a abordé la question du salaire, celle des heures de travail, celles de la coopération, des banques populaires, des assurances contre les accidents et la vieilles­se. Les ouvriers hollandais sont plus initiés que les nôtres à toutes ces questions. Il faut que nous nous y mettions aussi, nous catholiques de France, si nous ne voulons pas être devancés par les socialistes.

A l'œuvre donc, pour l'amour du Sacré-Cœur et pour l'amour de ses amis les ouvriers, nos frères!

Le congrès de l'œuvre des Cercles. - L'œuvre des Cercles a fait plus que jamais, de sa réunion de cette année, un congrès d'études socia­les. C'est bien cela qu'il fallait faire. Le socialisme, le salaire, la coopéra­tion, la représentation professionnelle, ce sont là des questions dont on ne peut plus différer l'étude.

Le P. de Pascal a particulièrement intéressé le congrès par son travail sur le socialisme collectiviste. Il a raison de distinguer entre le socialisme doctrinal et celui qui n'est qu'un simple état d'esprit de beaucoup de nos contemporains. L'Evangile du socialisme est le livre sur le capital, de Karl Marx. Ses commentaires les plus autorisés sont les livres de B. Malon: Histoire du socialisme et Morale sociale, puis la Revue socialiste.

La doctrine socialiste a deux parties, l'une négative, l'autre positive. La première est souvent fort juste. Elle critique l'organisation sociale ac­tuelle et c'est par là que le socialisme gagne une infinité d'adhérents. Mais la partie positive est monstrueuse: c'est le travail forcé et les galères pour tous, sous le nom de collectivisme. Remédions aux défauts de notre organisation sociale basée sur l'égoïsme et l'impiété et nous aurons beau jeu contre le socialisme.

Ces remèdes l'œuvre des Cercles les cherche dans la coopération, la participation aux bénéfices, les syndicats et l'accroissement des salaires. Il faut en demander l'intelligence et la réalisation au Cœur de Jésus, source de toute justice et de toute charité.

L'école. - Quoi qu'en dise M. Constans, notre système scolaire est essentiellement tyrannique, et ce qui est tyrannique ne dure pas. C'est une honte pour la France. Le droit naturel qu'ont les parents de faire élever leurs enfants comme ils le veulent, est foulé aux pieds. Des nations protestantes nous font la leçon sous ce rapport. En Hol­lande et en Angleterre, toutes les écoles sont aidées par l'Etat d'après le nombre de leurs élèves. Il en est de même au Canada, qui est un pays mixte. La vérité se fera jour.

M. Gladstone l'a proclamé: «Tout système scolaire qui place l'éduca­tion religieuse à l'arrière-plan est un système vicieux».

En Belgique, le système d'une dotation équitable pour toutes les éco­les est discuté dans la presse. Il a pour lui, outre les journaux catholi­ques, le suffrage de quelques organes qui veulent être sincèrement libé­raux, comme le journal La Réforme.

«L'enseignement neutre, dit avec raison La Réforme, risque de former des hommes sans conviction et sans force de caractère, uniquement préoccupés de jouir. Le désarroi intellectuel qui règne en France, l'af­faissement des caractères, l'absence d'idéal sont les produits de ce man­que de principes d'enseignement. Il faut que l'enseignement ait des principes directeurs et une conclusion morale pratique. Sinon il ne peut former des hommes».

Au triste exemple de la France, le même écrivain oppose l'expérience de la Hollande, de l'Angleterre et du Canada, qui sont des pays de per­sonnalités viriles, d'hommes qui ne craignent pas les luttes de la liberté ni l'affirmation courageuse des opinions qu'ils professent.

En France, une réaction se fait contre les laïcisateurs. Naguère un journal fort libéral en matière de religion, mis en présence d'une statisti­que navrante exhalait cette plainte: «Quelle est donc la névrose qui s'est emparée de l'enfance depuis quelques années?

Assassins, récidivistes, suicidés que nous rencontrons sur les bancs de la Cour d'assises, en correctionnelle ou sur les dalles de la morgue, tous sont jeunes. La plupart n'ont pas vingt ans. C'est que l'œuvre de démo­ralisation de l'enfance est maintenant complète…

Avec Dieu, on a supprimé la loi morale, qui n'a plus de principe ni de sanction…

Heureusement pour la société, Dieu est vivant et il reviendra.

Il reviendra dans les programmes de l'enseignement, dans la con­science des enfants, dans les lois, dans les institutions, dans les mœurs. Et ce jour-là la pyramide sociale sera mise sur sa base, malgré les Cor­nélius Herz, les Arton, les Reinach, toute la juiverie et tous les enjuivés, pillards et pornographes, destructeurs de la foi et de la morale.

Arrière l'athéisme, et la France aux Français!».

Hâtons par nos prières l'accomplissement de ce présage et rendons au Cœur de Jésus les enfants, pour lesquels il a tant de prédilection!

II. FRANCE

Les amis du Sauveur, apôtres de la France. - Tel est le sujet d'une mosaïque magistrale dont on vient d'orner le chevet de l'église Sainte­Madeleine à Paris. L'exécution est artistique, le dessin est du peintre Lameire.

Sainte Madeleine nous présente les compagnons de son apostolat dans les Gaules, tous disciples et amis du Sauveur.

C'est qu'en effet, après l'Eglise de Rome, mère et maîtresse de toutes les autres, évangélisée par saint Pierre, saint Paul et saint Jean, il n'en est pas qui prétende à des origines aussi illustres que celle des Gaules.

Appuyée sur de vénérables traditions, elle croit de temps immémorial que Notre-Seigneur lui a envoyé pour premiers apôtres ceux qu'il avait instruits, formés et plus particulièrement aimés sur la terre.

Dix-neuf de ces personnages évangéliques sont regardés comme nous ayant apporté la foi.

Ils sont groupés dans la mosaïque autour de sainte Madeleine. Ils le furent sans doute parfois aussi sur la terre et particulièrement dans cette douce maison de Béthanie où Notre-Seigneur instruisait tout amicale­ment ceux qui s'étaient attachés à lui.

La mosaïque est dédiée «au Christ triomphant et à nos apôtres, qui après avoir vécu avec lui sur la terre ont prêché dans les Gaules l'évangi­le, reçu de sa bouche divine».

A droite du Sauveur sont représentés: Sainte Marie-Madeleine;

Saint Maximin, disciple du Sauveur, premier évêque d'Aix;

Saint Sidoine, second évêque d'Aix, que l'on croit être l'aveugle-né; Saint Martial, l'apôtre d'Aquitaine, que l'on croit être l'enfant qui portait les cinq pains dans le désert;

Sainte Véronique, morte à Soulac (Gironde) et dont les reliques sont à Bordeaux;

Saint Zachée, époux de sainte Véronique. Il vécut en solitaire à Roca­madour où l'on conserve ses reliques;

Saint Front, disciple du Sauveur, fondateur de l'église de Périgueux; Saint Georges, disciple du Sauveur, fondateur de l'église du Puy; Saint Flour, disciple du Sauveur. On conserve à l'église de Saint­Flour le petit cor avec lequel il appelait les montagnards à venir entendre sa prédication;

Saint Austremoine, fondateur de l'église de Clermont.

A gauche de Notre-Seigneur:

Sainte Marthe, dont les reliques sont à Tarascon;

Saint Lazare, premier évêque de Marseille, dont les reliques sont à Autun;

Sainte Marie Jacobé et sainte Marie Salomé, venues avec sainte Ma­deleine. Leurs reliques sont conservées dans l'église des Saintes, dans la Camargue;

Sainte Marcelle, intendante de sainte Marthe. C'est elle qui s'écria: «Heureux le sein qui vous a porté; heureuse celle qui vous a allaité»; Saint Trophyme, disciple du Sauveur, fondateur de l'église d'Arles; Saint Eutrope, fondateur de l'église d'Orange;

Saint Ursin, premier évêque de Bourges;

Saint Crescent, fondateur de l'église de Vienne;

On y a joint saint Denis, quoi qu'il n'ait pas été un disciple direct du Sauveur. Quelle aimable pléïade!

C'est l'influence surnaturelle de ces amis du Sauveur qui a fait éclore la dévotion au Sacré-Cœur en France et notamment à Paray, près d'Au­tun où repose saint Lazare, et à Marseille où il a prêché.

Puissent tous ces amis du divin Cœur obtenir à la France la grâce de re­venir à Dieu et de remplir dignement sa mission d'apostolat dans le monde!

Montmartre. - L'œuvre de Montmartre grandit toujours. Le rè­gne du Sacré-Cœur s'établit doucement et progressivement. La bien­heureuse Marguerite-Marie nous l'a dit: «Ne nous étonnons pas des op­positions que Satan nous suscitera dans sa rage, car le Souverain de nos âmes soutiendra son œuvre, et il sera plus puissant pour la défendre que ses ennemis pour l'attaquer». Le mouvement de pèlerinages et de priè­res à Montmartre va toujours grandissant. Au mois de juin surtout ce sont des flots qui succèdent à d'autres flots sur cette montagne qui sera pour nous, au milieu du naufrage, le port du salut.

Quelle heureuse pensée d'y convoquer particulièrement les enfants, les écoles, les pensionnats, les catéchismes, qui y vont tour à tour le jeu­di. La prière des enfants obtiendra grâce pour la patrie.

Le jour de la fête, le 9, solennités présidées à Montmartre par Mgr le Nonce, pèlerinage nombreux à Paray, fêtes à Moulins, procession à Marseille. Ce sont là les sources ou les foyers de la grande dévotion.

Seigneur, quand la France vous outrage, jetez les yeux sur ces sanc­tuaires que vous aimez et pour l'amour des âmes ferventes qui vous y prient et vous consolent, daignez nous pardonner!

Une conquête du Sacré-Cœur. - Plusieurs journaux ont raconté la touchante conversion d'un ingénieur distingué, M. Tissot, mort il y a quelques mois. Ses études, sa carrière, son séjour au canal de Suez et en Egypte l'avaient éloigné de la foi. Il accompagna un jour un ami dans un voyage à Paray-le-Monial. Il visitait en touriste la chapelle bénie, mais la grâce vint l'y saisir. «Qu'on est bien ici! dit-il à son ami».

Il pria longuement, puis il alla trouver un Père jésuite, fit une retraite et se confessa. Il devint un modèle de piété, de charité, de douceur. Il ne comprenait pas qu'on ne communiât que tous les mois quand on pouvait le faire tous les jours, Dieu l'appela à lui au lendemain d'une mission qu'il avait fait donner à Annecy. Les grâces du Cœur de Jésus sont sur­tout des miracles de conversion et de sanctification.

III. AUTRES PAYS

Italie: une église au Christ Roi. - La ville de Bussana, dans la pro­vince de Gênes, fut détruite en 1888, par un tremblement de terre. Elle se relève. Sa population, guidée par un pasteur zélé, a érigé une nouvelle église et elle a voulu la dédier au Cœur sacré du Christ roi. La statue du Sauveur couronné domine la tour de l'église. La mosaïque du porche re­présente aussi le Christ roi, le Christ en majesté, comme on dit en Italie, le Christ assis sur un trône portant sceptre et couronne et entouré d'un nimbe d'anges. A ses pieds, d'autres couronnes expriment qu'il est le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs.

C'est là un bel exemple, qui ne restera pas isolé.

Angleterre: la nation consacrée à Marie; une nouvelle église à Londres. - Le Cardinal Vaughan, archevêque de Westminster et ses suffragants ont décidé de consacrer l'Angleterre à la Vierge Marie et à l'apôtre saint Pierre. La cérémonie se fera le 29 juin en l'église de l'Ora­toire à Londres, où les évêques seront réunis. On la répétera le diman­che suivant dans toutes les églises catholiques du royaume.

Tous les ans la consécration sera renouvelée aux fêtes du Rosaire et de saint Pierre. C'est le point de départ d'un nouvel essor de conversion en Angleterre.

Dernièrement aussi une belle église s'ouvrait dans le quartier de Streatham à Londres, où le culte catholique avait cessé depuis la Réfor­me. Prions le Sacré-Cœur de Jésus pour la conversion de l'Angleterre, et elle aidera aux missions catholiques, avec la munificence qu'elle met à stipendier les distributeurs de Bibles, dans le monde entier.

Belgique: la ligue antisocialiste. - Quand nous sommes battus par le démon et ses troupes, c'est que nous le voulons bien. A Gand, les ca­tholiques avaient laissé les socialistes s'organiser puissamment. Ceux-ci, avec leurs journaux, leurs sociétés de coopérations et de secours mutuels avaient gagné en grande partie la population ouvrière de la ville. Leurs candidats envahissaient les conseils de l'industrie et du travail.

Les catholiques viennent de se mettre à l'œuvre. Ils ont créé un jour­nal populaire flamand et organisé une société de crédit et de consomma­tion. Aux dernières élections pour le conseil de l'industrie, ils ont rega­gné déjà 1600 voix et fait passer trois candidats.

Nous formons des vœux pour que la noble cité flamande ramène au Christ et à la vérité sa population ouvrière, si intéressante! Elle y arrive­ra bientôt si elle recourt pieusement au Sacré-Cœur de Jésus et si elle s'arme de cette dévotion pour aller aux ouvriers.

CHRONIQUE (Août 1893)

I. LE REGNE SOCIAL DU SACRE-CŒUR

Préludes. - Voilà deux cents ans que Notre-Seigneur demande et attend l'hommage social de la France à son Cœur sacré. Il en veut faire le point de départ de bénedictions nouvelles pour la fille aînée de son Eglise.

Il a demandé positivement cet hommage au roi Louis XIV par l'inter­médiaire de Marguerite-Marie. Cette demande resta sans résultats à ce moment, sans que l'on sache au juste les motifs. Nous ne croyons même pas qu'il soit absolument certain que Louis XIV en ait eu connaissance.

Alors, le Sauveur se tourna vers les cités les plus religieuses du royau­me pour les amener une à une à ses désirs.

C'est Marseille qui donna l'exemple. On aime à se représenter le corps des échevins de la ville, sous la présidence de son pieux mayeur. Jean-Pierre Moustier, prononçant devant le Saint-Sacrement, dans la cathédrale et en présence de l'évêque, le 4 juin 1720, son vœu d'hom­mage et de reconnaissance au Sacré-Cœur.

Les pieux échevins s'engageaient, eux et leurs successeurs à perpétui­té, à entendre la messe tous les ans, au jour de la fête du Sacré-Cœur, dans l'église de la Visitation, à y communier et à offrir, en réparation des péchés commis en la ville, un beau cierge en cire blanche, orné de l'écusson de la ville, et encore à assister à la procession du Saint­Sacrement le même jour.

On sait que le vœu est toujours accompli par la Chambre de Com­merce de Marseille, qui s'est substituée à la municipalité, laquelle, hé­las! a refusé de tenir ce saint engagement.

Plusieurs villes ont imité Marseille et ont rendu hommage au Sacré­Cœur, particulièrement dans des moments d'épreuve où le besoin du secours divin était plus vivement senti.

Nous n'avons pas présents les noms de toutes ces villes. L'excellente Revue de Paray-le-Monial, l'Institut des Fastes du Sacré-Cœur, en citait deux en 1891.

La première est Bourbon-Lancy au diocèse d'Autun. Elle était éprou­vée par une épidémie en 1746. Les magistrats de la ville décrétèrent un vœu au Sacré-Cœur. Mgr l'évêque d'Autun le permit. Le vœu fut pro­noncé dans l'église collégiale de la ville et enregistré par le notaire. Un ex-voto en perpétue le souvenir à Paray.

En 1767, c'était la ville de Romans au diocèse de Vienne en Dauphi­né.

Le Conseil municipal convoqua une assemblée exceptionnelle des no­tables. Le maire représenta que depuis quelques années des hivers rigou­reux et des gelées tardives avaient compromis les récoltes et qu'il y avait lieu de recourir à la miséricorde divine; que plusieurs personnes avaient demandé qu'on promît au Sacré-Cœur des messes et processions pour neuf années consécutives. Le vœu fut acclamé. Il fut autorisé par Mgr l'archevêque de Vienne. Il est relaté aux archives des délibérations con­sulaires de Romans.

Si ce mouvement s'était étendu et continué, la France aurait répondu aux désirs de Notre-Seigneur et obtenu les bénédictions promises, mais malgré ces exemples semés ça et là et consolants, le dix-huitième siècle, dans son ensemble, avait pour cela trop peu de foi. Il aboutit en définiti­ve à attirer les châtiments divins.

Assauts préparatoires. - A plusieurs reprises, pourtant, les catholi­ques de France, animés par ces avertissements providentiels, levèrent l'étendard du Sacré-Cœur et le proposèrent à la patrie comme un signe de salut.

En 1793, ce sont les Vendéens et les Bretons, qui combattent pour le règne du Christ, avec le signe du Sacré-Cœur sur la poitrine; mais ils ne sont qu'une minorité insuffisante. C'est le roi Louis XVI qui prononce sa consécration au Sacré-Cœur, mais trop tard, au moment où il n'était plus qu'un prisonnier et ne représentait plus la patrie.

En 1870, au mois d'août, c'est l'impératrice et la princesse Clotilde qui proposent la consécration de la France au Sacré-Cœur, mais Mgr Darboy refuse de s'y prêter.

Peu après, ce sont les intrépides zouaves du Pape qui arborent le dra­peau du Sacré-Cœur et nous donnent par leur vaillance un avant-goût de ce que sera la patrie régénérée.

En 1873, c'est l'Assemblée législative, qui autorise l'érection de l'égli­se du vœu national, mais sans oser, par excès de libéralisme, rendre un hommage formel au Sacré-Cœur, ni même le nommer.

La même année, en juin, ce sont nos députés catholiques, venus tout exprès de Versailles, qui consacrent, autant qu'il dépend d'eux, la patrie française au Sacré-Cœur devant l'Hostie exposée à Paray-le-Monial; ils étaient un groupe d'un chiffre déjà respectable, mais qui était loin enco­re de former la majorité de nos représentants.

Ce sont là comme autant de vaillants assauts, ce n'est pas encore la victoire définitive.

Luttes quotidiennes. - Cependant la lutte continue entre les amis du Sacré-Cœur et ses ennemis. Le Sacré-Cœur a ses deux grands quar­tiers généraux, Montmartre et Paray. C'est là que les troupes du Sacré-­Cœur vont sans cesse s'inspirer, s'organiser et se ravitailler par le pain de l'Eucharistie.

Le mois de juin est comme le mois des grandes manœuvres.

A Paray, ce sont des bataillons diocésains qui se succèdent dans des pèlerinages réconfortants.

C'étaient, le mois dernier, les diocèses de Moulins, Viviers, Saint­Claude, Lyon avec leurs cohortes nombreuses. Bien d'autres diocèses suivront. A Montmartre, les paroisses, les communautés, les œuvres, les écoles et pensionnats accourent successivement. Puis deux grandes corporations sont venues représenter une grande partie de la nation, c'est l'Association des propriétaires et agriculteurs chrétiens, puis celle des repré­sentants du commerce et de l'industrie.

Il faudrait redire ici les magnifiques paroles qui ont servi à exprimer l'hommage de ces deux grandes corporations au Sacré-Cœur de Jésus. Nous allons au moins en donner les passages les plus saillants.

Consécration des propriétaires et agriculteurs chrétiens au Sacre­Cœur, lue par M. le Comte de Caulaincourt. - «Cœur adorable de Jésus, vivant dans le sacrement de votre amour pour les hommes, nous nous prosternons devant votre souveraine Majesté, et en présence de la très sainte Vierge Marie, Notre-Dame des champs, du travail, de l'usine et de l'atelier; en présence de saint Joseph, patron de la famille, de saint Michel, vengeur des droits de Dieu, de saint Remi qui a baptisé la Fran­ce, et de tous les saints patrons de notre pays; nous venons en votre sanc­tuaire de Montmartre, au nom du peuple chrétien, qui tire sa substance et sa richesse de l'agriculture et des diverses industries qui s'y ratta­chent, faire acte d'humble repentir de nos fautes et vous promettre une entière et absolue fidélité.

«Nous reconnaissons et nous proclamons vos droits souverains sur tou­tes nos personnes… sur nos familles… sur tous les biens terrestres que vous nous avez confiés. Ils seront à vous, ces biens, Seigneur, et nous serons vos fidèles intendants. Nous voulons qu'ils servent à votre gloire…».

«Que ne pouvons-nous établir votre règne absolu sur la société entiè­re, dont vous êtes le maître et Seigneur!».

Consécration du commerce et de l'industrie au Sacré-Cœur. - Ici, ce ne sont pas les paroles de la formule de consécration que nous citerons; elles seraient presque identiques. C'est la conclusion du di­scours prononcé par M. Harmel à la réunion qui a suivi la cérémonie de la consécration.

«Nous sommes, a-t-il dit, les soldats du Sacré-Cœur, et c'est sous sa bannière que nous combattons le combat de l'amour».

«Soumettre les peuples par la force, c'est ce qu'ont fait les conquérants; les dominer par la crainte, c'est ce que font les oppresseurs. Mais soumettre par l'amour, dompter la férocité par la douceur, étouffer l'égoïsme sous l'étreinte du dévouement, vaincre la mollesse par l'héroïsme du sacrifice et la cupidité par l'excès du dépouillement, opposer aux violences des mé­chants, aux lâchetés des bons la seule arme de l'amour héroïque, généreux, dépouillé, voilà une entreprise que Dieu seul pouvait concevoir et qu'il veut exécuter par son armée d'élite…».

«Travaillons au triomphe avec la certitude du succès. Le Sacré-Cœur est notre Maître, notre Roi, notre amour, celui auquel nous voulons sa­crifier nos vies, nos familles, nos affaires. Nous savons qu'à lui seul ap­partient tout honneur, toute gloire, toute victoire…».

II. FRANCE

Le programme catholique. - Le programme dont nous parlons ici est le programme social. M. de Mun l'a tracé, avec sa grande autorité, dans le magnifique discours par lequel il a clôturé le Congrès de l'Œuvre des Cercles.

Il a séparé nettement le programme des catholiques de celui des socia­listes et des économistes libéraux.

Les socialistes de toutes les écoles tendent à réduire tous les instru­ments de travail en propriété commune nationale, à organiser la produc­tion collective et la répartition des richesses économiques par l'Etat.

Nous lui opposons la doctrine de la raison et de l'Eglise sur la proprié­té privée.

Les économistes libéraux, eux, nient la question sociale. Ils ne veulent pas d'autre organisation économique que la liberté. Il est facile de leur montrer qu'avec cette liberté, le capital opprime le travail. Les travail­leurs ont leur vie mal assurée, leur famille tout entière livrée au labeur journalier, leur foyer détruit, le lendemain toujours incertain et leur vieillesse vouée à l'insécurité.

Dans le programme des catholiques, il faut inscrire d'abord l'étude sé­rieuse de la science sociale fondée sur la doctrine de l'Eglise et l'observa­tion des faits. Il faut ensuite chercher à provoquer le rapprochement des patrons et des ouvriers par les syndicats et les conseils d'arbitrage. Il faut pourvoir aux nécessités de la classe agricole par l'injustice de l'état social actuel et y porter remède par toutes les œuvres et les institutions écono­miques, dont les Congrès catholiques ont fait déjà connaître le fonction­nement et les heureux résultats.

Les Constitutionnels. - M. Piou a été chargé de nous donner le programme de ce groupe politique. Il partage nos idées sur les questions ouvrières.

Il faut, dit-il, que le législateur favorise l'association sous toutes ses formes, qu'elle rapproche le travail du capital, qu'elle développe l'arbi­trage, l'assurance, la participation aux bénéfices, les retraites ouvrières.

M. Piou demande, en politique, la paix religieuse et la réforme des lois scolaire et militaire.

C'est là le programme d'hommes sensés et résolus, qui travailleront avec nous au règne du Sacré-Cœur.

La sécheresse. - Plusieurs évêques ont demandé des prières pour éloigner ce fléau. Mgr l'évêque d'Aire a tout spécialement élevé nos pen­sées vers Dieu en nous montrant les péchés des hommes punis par les fléaux de la nature. Il nous rappelle les exemples que fournit l'Ecriture sainte, il nous dépeint la Palestine, la terre promise d'autrefois, changée en désert sous le coup des vengeances divines et le peuple déicide tou­jours dispersé parmi les nations, ne semblant se survivre que pour se fai­re maudire des hommes. Puis avec autant de délicatesse que d'énergie, il fait allusion aux scandales de notre époque.

«Notre nation, choisie de Dieu, elle aussi, comme l'ancien peuple, pour remplir dans le monde une grande mission, comblée plus qu'aucu­ne autre durant quatorze siècles de toutes les bénédictions du ciel, cette France, fille du Christ, n'a-t-elle pas rompu l'alliance qu'elle avait faite avec lui? Ne la voyons-nous pas trop souvent par ceux qui parlent, écri­vent, ou agissent en son nom, traiter la religion en ennemie, empêcher les manifestations de son culte, rejeter sa loi et lui préférer les décrets d'une secte odieuse; bannir ses enseignements de l'éducation à tous les degrés; effacer de partout le nom et l'image de Dieu, et remplacer les hommages publics qu'autrefois on se faisait gloire de lui rendre par des blasphèmes publics dont les païens auraient rougi?».

«Faut-il aller chercher ailleurs la cause des maux que nous souffrons?… La main de Dieu n'a fait jusqu'ici en quelque sorte que se montrer, ne la forçons pas de s'appesantir sur nous».

«N'avez-vous pas, continue le prélat en s'adressant directement à chacun de ses auditeurs - n'avez-vous pas quelque part de responsabili­té dans ces fautes communes dont nous souffrons tous? Protestez-vous, comme vous le devez?… Fermez-vous vos maisons à toutes les publica­tions qui offensent la religion? Pratiquez-vous loyalement, au grand jour, les devoirs sacrés que la religion vous impose? que chacun rentre en soi-même et s'humilie sous la main de Dieu!».

III. AUTRES PAYS

Allemagne: Catholiques et socialistes. - La grande lutte électorale est terminée. Les résultats en ont été publiés par tous les journaux. Un fait n'a pu échapper aux moins clairvoyants, c'est l'efficacité du catholi­cisme contre la plaie du socialisme. Les provinces protestantes du Nord et quelques provinces bavaroises où, les catholiques n'ont pas d'œuvres organisées se sont laissées gagnées par le socialisme. Les provinces du Rhin et la Westphalie ont résisté.

C'est là le fruit des efforts de la presse catholique et de l'association du Volksverein. Ce résultat est établi par des chiffres positifs pour une ving­taine d'arrondissements rhénans. Dans cette population considérable de six millions d'habitants, avec de grands centres industriels, les candidats socialistes n'ont pas gagné de terrain depuis trois ans. Encore quelques efforts et ils reculeront. Ces populations catholiques ont compris que les doctrines de l'Eglise peuvent seules assurer leur bonheur.

Belgique: La question des salaires. - Quelques conseils provin­ciaux et municipaux de la Belgique ont fait faire un grand pas à la ques­tion des salaires. Ils ont introduit le minimum des salaires parmi les charges des entrepreneurs de travaux publics. N'est-ce pas un devoir?

Le Souverain Pontife déclare aux patrons qu'ils doivent, même en dé­pit de toute convention contraire, payer à leurs ouvriers un salaire qui suffise à leurs besoins. Un conseiller de province ou de ville qui vote des travaux publics est un patron qui doit observer les lois de la justice so­ciale.

Ne lassons pas les ouvriers catholiques qui, malgré leurs souffrances, prennent patience et nous attendent à l'œuvre. Ils refusent de prêter l'oreille aux meneurs socialistes parce qu'ils ont confiance en nous. Ne les décourageons pas en opposant à leurs justes revendications une égoïs-te fin de non-recevoir.

Cet exemple des conseils catholiques portera ses fruits. C'est un pre­mier effort, qu'il faudra soutenir et développer.

CHRONIQUE (Septembre 1893)

I. LE REGNE SOCIAL DU SACRE-CŒUR

La fin du siècle. - «De vagues aspirations vers un monde nouveau se font jour de tous côtés. Partout se manifestent des désirs indéfinis, des élans inquiets. On est en pleine effervescence d'idées. La génération ac­tuelle tend à un idéal inconnu. Il n'est question que de réformes et de changements. On ne parle que de refaire la société».

Ainsi s'exprimait dernièrement un journal catholique. Puis il ajoutait avec raison que ce sentiment unanime de la nation est la condamnation la plus absolue de la Révolution de 1789.

Le programme révolutionnaire a été exécuté. La France jouit de la li­berté politique et sociale. Elle a le suffrage universel, l'égalité devant la loi, la liberté du travail. Elle fait son gouvernement et ses lois. Et cepen­dant la société que la Révolution a faite n'est pas heureuse. Elle n'a trou­vé ni la paix sociale ni la prospérité.

Depuis un siècle, l'Eglise et les écrivains catholiques, philosophes, historiens et journalistes s'efforcent de démontrer à la société contempo­raine que le christianisme seul peut faire régner la justice et la charité. Joseph de Maistre, de Bonald, Lamennais avant sa chute ont convaincu une foule d'esprits sérieux. La dernière parole de Châteaubriand mou­rant a été: «Le Christ seul peut sauver la société». Louis Veuillot et une pléïade de savants journalistes ont jeté le cri d'alarme.

La vérité s'est fait jour. A plusieurs reprises même, en 1815, en 1830, en 1871 elle a reconquis momentanément le pouvoir, sans pouvoir ce­pendant accomplir toutes les réformes nécessaires. Les esprits n'y étaient pas assez préparés.

Mais l'œuvre de l'Eglise se continuait. Les congrès émettaient des idées fécondes. Les œuvres se fondaient. Les éléments de restauration se multiplaient partout.

Aujourd'hui que va-t-il advenir? Le journal que nous citions jette ici une note triste. «Voici, dit-il, que tout est compromis. Les esprits se trou­blent, les efforts s'arrêtent, les bonnes volontés hésitent. On laisse là l'Evangile, et l'on revient aux erreurs, aux utopies, aux folles aspirations de la fin du siècle dernier… C'est le même vent d'aberrations et de chimè­res. Tout l'effort catholique depuis un siècle menace d'être perdu…».

Ce Cassandre dirait-il vrai?

Non, il a écrit sous l'influence de quelque humeur noire. Les catholi­ques se tromperaient-ils parce qu'ils ajouteraient aux moyens anciens quelques nouveaux moyens d'action: les corporations sous forme de syn­dicats, la presse populaire, les œuvres économiques, les institutions de prévoyance et d'assurance? Non, ils suivent en cela la direction de l'En­cyclique sur la condition des ouvriers.

Sans doute il peut échapper un jour aux plus ardents, aux plus géné­reux de nos hommes d'œuvres quelque parole exagérée. Ils peuvent émettre une idée aventureuse. Mais qu'on se rassure. Intrépides dans l'action, ils sont prudents dans le conseil et ils s'inclineront comme des enfants devant l'avis qui leur sera donné par qui de droit.

Ce n'est pas M. de Mun et M. Harmel qui nous perdront. Leur his­toire sera le récit d'une infinité d'œuvres encouragées ou fondées. Par ses paroles et par l'accueil qu'il leur fait, Léon XIII nous les don­ne manifestement pour nos chefs dans la lutte sociale.

Si nous voulons échapper aux ruines du socialisme, suivons-les et avec eux montrons aux ouvriers que l'Eglise, l'épouse du Cœur de Jésus, si elle embrasse tous les hommes dans sa charité, a pour eux une tendresse particulière.

Etudes historiques sur le règne social du Christ. - La grande re­vue intitulée l'Institut des Fastes du Sacré-Cœur, continue ses études histori­ques, si intéressantes, sur le règne de Jésus-Christ dans les sociétés euro­péennes.

C'est une œuvre doctrinale qui aura sa grande part d'influence dans le retour des nations à la vie sociale chrétienne. Toute réforme doit être préparée dans les idées, avant de passer dans les faits.

Le comité d'études de Paray-le-Monial a fait porter son enquête d'abord sur les quatre grandes puissances continentales de la chrétienté, la France, la Germanie, l'Espagne et l'Italie.

Il nous a montré pour chacune de ces nations un pacte initial conclu par les princes et les peuples avec le Christ et l'Eglise, puis une constitu­tion et des lois chrétiennes jurées avec serment devant l'Eucharistie par les princes et les magistrats, enfin des hommages successifs rendus au Christ et la fondation de sanctuaires nationaux qui sont comme les palais du Christ, roi des nations.

Dans sa dernière publication trimestrielle, l'Institut des Fastes nous donne le résultat de son étude sur l'Angleterre. Il nous montre là aussi la succession des pactes princiers, la série des hommages et l'érection des temples nationaux. Et l'histoire constate que tous ces actes de foi et d'hommage sont intimement liés avec la grandeur et la prospérité natio­nale dont ils sont la source.

Le pacte initial de la nation bretonne est celui de Heavensfield au IVe siècle. Saint Oswald, roi de Northumbrie, prend la croix pour étendard des Bretons, à la suite d'une apparition de saint Colomban. Désormais les rois des diverses nations de la Bretagne demanderont à l'Eglise de sanctionner leur pouvoir par la cérémonie du sacre.

Le second pacte est celui de Canterbury pour les Saxons. Ils prirent également la croix pour étendard. Le roi Ethelred fit élever l'église de Christ-Church pour y garder l'étendard sacré.

Le conquérant normand, en 1066, attribue sa victoire de Hastings au Saint-Sacrement, qui était porté au milieu de l'armée, et il fait élever l'abbaye de Battle-Abbey sur le lieu de la victoire, en témoignage de re­connaissance.

Au XIIIe siècle, les chevaliers de la province d'York adoptent le Sacré-Cœur et les cinq plaies du Christ à leur blason et font sculpter ce symbole au portail de l'abbaye de Woodspring.

Henri III fonde Asbridge pour y déposer la relique du Précieux Sang qu'il a rapportée de Weingarten (Allemagne).

Les Chevaliers de la Table-Ronde jurent sur le Saint-Graal à l'abbaye d'Aylesbury l'expédition d'Islande, du Grœnland et du Labrador. Sous les Plantagenet, la grande Charte est jurée par Jean-sans-Terre devant l'Hostie.

Sous les Lancastre, le Sacré-Cœur et les Cinq Plaies sont sculptés sur le portail de l'abbaye de Bath, en 1509, comme à Woodspring.

Sous les Tudor, les catholiques du Nord soulevés pour la défense de la foi contre les protestants, portent sur leur étendard le Sacré-Cœur, les Cinq Plaies et l'image de l'Hostie au-dessus du calice.

Enfin sous les Stuarts, la reine Henriette-Marie, femme de Charles II, à l'instigation du vénérable Claude de la Colombière, s'inscrit dans la confrérie du Sacré-Cœur. - La chapelle de la reine à Windsor porte aux stalles du chœur les armes du Sacré-Cœur.

Les cathédrales de Canterbury, d'York, de Winchester et l'abbaye de Westminster sont devenues l'une après l'autre des sanctuaires natio­naux.

L'Angleterre a gardé sa prospérité, bien qu'elle ait perdu l'Hostie; c'est qu'elle a gardé le droit canon pour base de sa législation, la sanctifi­cation du dimanche, la répression du blasphème, le couronnement des rois et l'administration de la justice au nom du Christ.

Dieu l'attend pour le reste, en lui laissant l'hégémonie des mers com­me récompense de ce qu'elle fait encore pour le règne social du Christ.

II. FRANCE

Les élections. - Nous écrivons cette chronique à la veille des élec­tions. Il y a là un enjeu d'une importance immense pour la France et pour l'Eglise.

La Chambre que nous allons nommer aura une mission bien lourde et presque égale à celle de la Constituante de 1789.

Une foule de questions économiques et sociales vont être soulevées. Le salaire, les heures de travail, le crédit agricole, l'assurance pour la vieillesse vont être discutés. Les utopies socialistes viendront se heurter aux réformes sérieuses. L'assiette même de l'impôt est en question. L'impôt doit-il porter sur le capital ou sur le revenu? Sera-t-il propor­tionnel ou progressif?

Le budget est surchargé. Il faut combler le déficit et prévenir la ban­queroute.

Les questions extérieures ne sont pas moins inquiétantes. Nous avons une guerre coloniale sur les bras. Le mauvais vouloir de l'Angleterre s'ajoute aux menaces de la Triple Alliance.

A l'intérieur règnent le vice et la misère et les âmes se perdent. L'impiété s'implante au cœur de nos enfants.

La Franc-maçonnerie nous gouverne. Que sera la nouvelle Chambre?

Sera-t-elle de taille à parer à tant de périls? Hélas! on ne peut guère l'espérer.

Prions cependant et agissons jusqu'au dernier jour. Il faut, dans une situation si grave, des grâces exceptionnelles. Puisons les à la source la plus abondante, au Cœur de Jésus. Allons à lui par l'intercession de Marie. La confiance obtient des miracles.

Une belle œuvre de miséricorde. - Le Cœur miséricordieux de Jésus inspire à ses enfants des œuvres correspondantes à toutes les misè­res sociales et privées.

Une belle œuvre de Paris, encore peu connue, est celle des «Amis des Pauvres».

Les associés n'ont pas un but restreint, comme celui des conférences de saint Vincent de Paul ou de l'œuvre de saint Régis; ils vont à la pêche des âmes. Ils vont de taudis en taudis, armés de leur confiance en Dieu et là ils trouvent l'occasion tantôt de relancer un ménage qui vit dans le désordre, de l'instruire et de le remettre au prêtre; tantôt de recueillir des enfants croupissant dans leur sauvagerie et de les conduire au saint baptême; tantôt de retirer de la fange les âmes perdues et de les offrir à Dieu; tout cela sans bureaux ouverts, sans causer le moindre déplace­ment à ces malheureux tombés tellement bas, qu'ils n'ont plus la volonté de se relever.

La tâche est ardue. Les rebuffades et les humiliations ne manquent pas. Que de déceptions brisent le cœur, alors qu'on croit toucher au but! Mais Dieu qui ne juge pas sur le succès, saura compter les souffran­ces physiques et morales endurées pour son amour.

Cette œuvre réunit six cents pauvres chaque dimanche à l'église de Saint-Julien-le-Pauvre, et ces braves gens prient et chantent avec piété. C'est un spectacle attendrissant. Son Eminence Mgr le cardinal de Paris a pris l'œuvre sous son patronage.

Les dévotions nouvelles: le Cœur de Jésus pénitent. - Le Saint­Siège vient de proscrire cette dénomination, comme il a proscrit celle de saint Joseph ami du Sacré-Cœur. Ce n'est pas que ces dévotions soient défectueuses. Les associations resteront, du moins les associations excel­lentes de Dijon et d'Issoudun, car il existait à Loigny une prétendue con­grégation du Cœur de Jésus pénitent, déjà condamnée à plusieurs repri­ses par le Saint-Siège.

L'association de Dijon et de Montmartre reprendra purement son vrai nom; car ce nom du Cœur de Jésus pénitent n'est pas celui qu'avait indiqué la personne favorisée des grâces de Notre-Seigneur, qui a fondé l'association.

Dans une de ses lettres qui a été publiée, on lit ces lignes qui sont au­jourd'hui pleines d'actualité: «Je puis assurer que le divin Maître m'a suggéré le règlement, non pas tel qu'il est: Mgr de Dijon l'a abrégé. Je l'avais écrit sous la dictée du Sacré-Cœur lui-même avec plus de détails: mais je ne suis pas troublée de n'en voir imprimer que le résumé. Le bon Maitre m'a toujours dit qu'il fallait s'en rapporter à l'autorité ecclésias­tique, et que si l'on ne faisait pas d'abord tout ce qu'il voulait, il y remé­dierait. - Entre autres choses, Monseigneur a changé le titre. Le Sacré­Cœur avait fait mettre: Association de pénitence, sous le patronage du Sacré­Cœur, pour le triomphe de l'Eglise et le salut de la France».

La décision de l'Eglise ne fait donc que ramener l'œuvre à son point de départ et lui rendra son vrai nom. Dieu est vraiment admirable dans ses voies!

III. AUTRES PAYS

La Pologne et le Sacré-Cœur. - Le martyre de la Pologne continue toujours. L'un des derniers actes de la persécution a été la fermeture du séminaire de Kielce.

Le procureur et les gendarmes organisèrent dans ce séminaire des per­quisitions qui ne laissèrent nul recoin intact. Il en fut de même à l'évê­ché. Ce fut un véritable état de siège pendant quinze jours. Les tom­beaux même de la chapelle furent fouillés et les planchers soulevés.

Quelles armes ou quels engins espérait-on y trouver? Rien que des li­vres de dévotion et des images et scapulaires du Sacré-Cœur. Le schis­me moscovite a juré une haine particulière à cette dévotion.

Le démon qui inspire le schisme voit juste, il sait que le Sacré-Cœur est le symbole et la source de l'union. Sa haine est d'un bon présage, c'est qu'il redoute les effets prochains de cet esprit d'union qui rayonne du Cœur de Jésus.

Belgique. La Révision. L'enseignement. - La Belgique est enfin sortie de cette période orageuse de la révision constitutionnelle. Les fruits de la révision dépendront du zèle des catholiques. S'ils savent aller au peuple et mettre en œuvre les réformes sociales indiquées par Léon XIII, ils se maintiendront au pouvoir. Et nous avons la confiance qu'ils le feront.

Un projet de réforme est à l'ordre du jour dans la presse, c'est la réor­ganisation de l'enseignement primaire. Sans doute l'ancienne loi «de malheur» a fait place déjà à une loi plus tolérable. Mais la justice n'est pas encore complète. Combien n'y a-t-il pas encore de communes où l'école de l'Etat est rétribuée par l'impôt, en face d'une école libre sou­vent plus nombreuse et soutenue par les seuls catholiques. L'équité de­mande que les écoles soient toutes soutenues en proportion du nombre d'enfants que les parents leur confient. C'est à cela que doivent tendre les catholiques belges.

L'île Maurice. - Quelle bonne lettre pastorale Mgr Meurin, arche­vêque de l'île Maurice, vient d'adresser aux ouvriers! Il leur parle en ami et leur conseille paternellement de s'incrire aux sociétés de secours mutuels et aux sociétés de tempérance; d'épargner, s'ils le peuvent, la dîme de leur salaire et de s'unir dans des syndicats mixtes pour s'entr'ai­der et régler toutes leurs difficultés d'un commun accord avec leurs pa­trons.

Il leur offre même son concours pour l'organisation de ces sociétés et corporations. C'est le langage d'un père affectueux et dévoué et d'un vrai pasteur animé de la charité du Cœur de Jésus.

CHRONIQUE (Octobre 1893)

I. LE REGNE SOCIAL DU SACRE-CŒUR

L'avis d'un maître. - Il y a quelque temps, M. le chanoine Winte­rer, l'éminent député alsacien, donnait son avis sur la crise sociale dans un congrès catholique en Belgique. C'est l'avis d'un maître, il y a profit à l'étudier.

Au fond de la question sociale, nous dit-il, il y a une question religieu­se. Le socialisme est la conséquence de l'apostasie moderne. Sans Dieu, il n'est pas possible de comprendre la société, la liberté, la propriété. Tout frein est enlevé à la force brutale et à la passion de jouir.

Sans la vie future, comment expliquer les inégalités sociales? Com­ment imposer la justice et la charité à celui qui possède, et la patience à celui qui souffre?

Dans la crise sociale, il y a aussi une question économique. Notre siè­cle est riche, mais comment ces richesses sont-elles réparties? D'un côté le capital s'accumule et le luxe grandit sans cesse; de l'autre le proléta­riat et la misère se multiplient. Il y a là une organisation odieuse que nous avons héritée de la Révolution.

Il y a aussi une question ouvrière. Elle est née le jour où le capitalisme a vu dans l'ouvrier un facteur de la production, en oubliant que l'hom­me était fait à l'image de Dieu; le jour où l'on n'a plus reconnu le repos du dimanche, où l'on a fait travailler à l'usine les femmes et les enfants; le jour où le nombre des salariés est devenu légion.

Il y a une question agricole. La dette de l'agriculture monte com­me un torrent. La petite propriété est absorbée, l'émigration décime l'Europe.

Il y a une question des classes moyennes. Le petit commerce et la peti­te industrie poussent un cri de détresse. La grande production et le grand commerce les dévorent.

Le socialisme exploite toutes ces souffrances et groupe les mécontents. Il y a donc aussi une question sociale et un péril social.

Les doctrines classiques du socialisme sont la collectivité des biens et la négation de Dieu, de la propriété et de la famille. Mais les meneurs aujourd'hui voilent leurs théories pour gagner les masses.

Pour résoudre toutes ces questions, il faut revenir à Jésus-Christ dans la vie publique et dans la vie privée.

L'Evangile mieux compris nous inspirera des réformes, comme la protection de l'ouvrier, la fixation du juste salaire, la protection de la pe­tite propriété.

Mais il y aura toujours quand même des inégalités sociales, et il fau­dra tenir le regard fixé sur nos destinées éternelles pour observer d'un côté la justice et la charité, et de l'autre la patience et la douceur.

Opinions hardies. - Une réunion d'ouvriers catholiques à Wurs­bourg émet des vœux assez hardis. Elle demande la fixation légale des heures de travail, la détermination d'un minimum de salaire; l'assuran­ce obligatoire; la suppression des impôts indirects, remplacés par un im­pôt progressif sur le revenu; le dégrèvement de la propriété, la fixation légale d'un maximum de propriété personnelle.

Ce sont là de grosses réformes, mais ne vaudraient-elles pas mieux que l'anarchie et le socialisme révolutionnaire?

Il faut bien nous persuader que l'état social actuel est anormal et que la paix sociale ne se rétablira que par une amélioration générale du sort des travailleurs.

L'Eglise et la démocratie. - On s'étonne parfois de voir ces deux mots accouplés, mais pourquoi donc? Le Sauveur n'a-t-il pas dit à ses apôtres: Euntes docete omnes gentes, allez et enseignez toutes les nations. C'est-à-dire: enseignez tout ce qui constitue les nations, tous les groupes sociaux, toutes les classes de la société. Enseignez les rois, enseignez les aristocraties, enseignez la bourgeoisie, enseignez le peuple.

Bien plus, le Sauveur a dit à plusieurs reprises: «Allez de préférence au peuple, aux petits, aux humbles, à ceux qui travaillent, à ceux qui souffrent. Allez à ceux-là, non seulement pour les enseigner, mais pour les aider». Et il a dit au peuple: «Vous tous qui êtes chargés de labeurs, venez à moi, venez à mon Eglise et nous vous soulagerons».

L'Eglise est allée aux empereurs et aux rois pour changer Tibère, Hé­liogabale et Néron en Constantin, Théodose, Charlemagne, saint Louis, saint Henri, saint Edouard, saint Etienne.

Elle est allée à l'aristocratie pour changer les paladins sanguinaires et pillards en vaillants chevaliers, en pieux croisés, en généreux fondateurs d'hôtels-dieu et d'œuvres de tout genre.

Elle est allée au tiers-états pour lui donner, dans les corporations, pro­tections et secours contre toutes les oppressions et toutes les misères. Elle va aujourd'hui à la démocratie, au peuple, à l'ouvrier des mines et des usines pour l'aider à sortir de l'état misérable où l'a mis notre so­ciété révolutionnaire, pour réclamer avec lui une organisation sociale plus équitable. Elle va à lui au nom du Christ, avec le Cœur du Christ pour l'aimer et pour le soulager.

L'Eglise ne fait là que son devoir, et qui oserait le lui reprocher?

Les ouvriers anglais. - Voici des faits dont nous avons été témoin. Il y a trente ans, la condition des ouvriers anglais était plus douloureuse que la situation actuelle de la population industrielle dans n'importe quel pays d'Europe.

C'est là que la vivacité de la concurrence avait le plus prolongé la journée de travail, diminué les salaires et conduit à l'usine les femmes, les jeunes filles, les enfants.

Aucun excès n'y était inconnu, ni les journées de vingt heures, ni le travail d'enfants de quatre ans attelés comme des chiens à de petits cha­riots dans les mines.

Depuis, quelle transformation! Le Lancashire, l'ancien réceptacle de toutes les misères et de toutes les haines, est devenu l'Eden de la paix so­ciale.

L'ouvrier anglais, autrefois étiolé et abruti par un travail excessif, est aujourd'hui un type modèle de l'ouvrier moderne. Le corps fortifié par une nourriture substantielle, l'esprit cultivé par la fréquentation des cours, des musées, des bibliothèques, le cœur formé par les exercices du culte et la vie de famille, il est devenu une des forces du pays.

D'où vient ce prodigieux changement? de l'organisation des Unions professionnelles. Ces puissantes corporations ont des ressources considé­rables. Plusieurs ont cinq ou six millions de revenus. Elles ont fait valoir leurs justes revendications pour la durée du travail et le taux des salaires.

Les lois aidant, la condition sociale du travailleur anglais est devenue excellente. Aussi le socialisme n'a-t-il guère de prise dans un tel milieu. Combien nous pourrions faire mieux encore avec l'aide de la religion catholique, cette école par excellence de culture morale, de justice et de charité!

L'organisation des métiers. - L'Allemagne va plus vite que nous dans sa réorganisation sociale. Elle a déjà l'assurance obligatoire. Il y faudra venir, dans l'état d'isolement où vivent nos ouvriers. Nous som­mes si loin de pouvoir arriver par les syndicats et corporations à une or­ganisation sérieuse de l'assurance et de la prévoyance!

Mais l'Allemagne a un projet nouveau à l'étude, c'est la réorganisa­tion des métiers. Le but est de donner aux métiers une organisation cor­porative et de réglementer l'apprentissage.

Tous les artisans, patrons et ouvriers, devront faire partie d'associa­tions professionnelles. Les associations professionnelles de chaque district éliront une chambre du travail, qui veillera à l'exécution des règlements.

L'avantage de ces corporations nouvelles sera d'améliorer la condi­tion des ouvriers de métiers, de leur faciliter la lutte contre l'industrie ca­pitaliste, d'empêcher ou de retarder le travail incessant d'absorption qui tend à remplacer l'atelier de famille par la grande usine, les artisans in­dépendants par la masse des salariés.

C'est bien. Dans les provinces catholiques de l'Allemagne, les corpo­rations seront sanctifiées par les confréries comme autrefois, et l'esprit en sera bon. Mais qu'arrivera-t-il dans les provinces où règnent l'impié­té, la franc-maçonnerie et le socialisme?

II. FRANCE

Nos élections. - On apprécie très diversement leur résultat. Que vaut-il? Dieu seul le sait au juste.

Ce qui est bien, c'est qu'on a prié, du moins un peu. Un certain nom­bre de nos évêques, nosseigneurs les archevêques de Paris et d'Aix, les évêques de Séez, de Montauban, de Marseille, d'Autun, de Bayonne, de Mende et quelques autres ont demandé des prières publiques. La Croix et le Pèlerin nous ont fait prier. On a prié pour la France à Lour­des. On a fait la veillée des armes devant le Saint-Sacrement à Mont­martre et en d'autres sanctuaires.

Allons, nous prierons mieux encore une autre fois et le résultat sera meilleur.

Quand Dieu régnait sur la société, il en allait autrement. Dans les ci­tés en général, avant l'élection des échevins, on invoquait Dieu. Voici par exemple, la formule de prière qui se lisait en l'église d'Orange, de­vant l'autel, avant les élections:

«Seigneur, notre bon Dieu et Père, nous vous supplions très humble­ment vouloir présider en la présente action, nous y conduire par votre Saint-Esprit, et nous dépouiller de toutes passions, pour que nos propo­sitions et conclusions tendent à votre honneur et gloire, service de Votre Altesse, augmentation de cette cité, paix et repos des gens de bien. Ainsi soit-il».

Qu'avons-nous obtenu cette fois par nos faibles prières? Au moins ce­ci, semble-t-il, que les élections ne se sont pas faites contre la religion, comme il arrivait depuis quinze ans, et que nos élus ont demandé et reçu un mandat de modération et d'apaisement. Il faudra prier encore pour qu'ils y soient fidèles.

La vie sociale chrétienne dans nos cités d'autrefois. - Derniè­rement, Mgr l'évêque de Dijon sollicitait le concours de ses diocésains pour la reconstruction d'une flèche à la cathèdrale de Saint-Bénigne.

A cette occasion, Mgr de Dijon rappelait quelle part cette église avait dans la vie sociale chrétienne de la cité.

«Elle fut, disait-il, le principal foyer de la vie religieuse, politique et sociale. C'est là, en effet, devant la châsse de saint Bénigne, non moins qu'autour de la Vierge noire, à Notre-Dame, ou de l'Hostie miraculeuse, à la Sainte-Chapelle, que l'on se porte en foule, surtout dans les calami­tés publiques. C'est là, sur la tombe du fidèle témoin de Jésus-Christ, qu'au jour de leur entrée dans la cité, les ducs d'abord, et les rois ensui­te, jurent de respecter les libertés du pays, et reçoivent de leurs sujets le serment de fidélité. C'est là, sur le parvis de Saint-Bénigne, que, pen­dant le moyen-âge, se tiennent les assemblées de ville et se font les élec­tions municipales».

N'en était-il pas ainsi partout? Les états chrétiens avaient leurs sanc­tuaires nationaux, où les rois, les magistrats et le peuple allaient prier et rendre hommage au Christ. Les cités avaient leurs sanctuaires princi­paux, leurs palladiums, où se concentrait la vie sociale chrétienne.

La liberté de l'Eglise. - Le cléricalisme, ce serait le salut. La pau­vre France se meurt parce que l'Eglise, source de la vie, n'y est pas libre. Elle n'est pas libre de nommer ses évêques, elle n'est pas libre d'élever ses enfants, elle n'est pas libre de fonder ses œuvres. C'est la source de la justice, de la pureté et de la charité qui est tarie.

Beaucoup de nos candidats ont encore répété l'antique rengaine: sé­paration de l'Eglise et de l'Etat. Eh bien! séparez-nous une bonne fois, mais faites-le équitablement et donnez-nous la liberté. Rendez-nous la nomination des évêques. Rendez-nous la libre administration des 50 millions que vous nous payez par an. C'est peu, les biens du Clergé que vous nous avez volés donnaient 150 millions de revenus. Le budget de 1790, après la spoliation, attribuait 65 millions au Clergé et 45 comme pensions viagères aux religieux et bénéficiers.

Rendez-nous la liberté de nos fondations, et bientôt nous aurons refait un budget libre de l'instruction chrétienne, un budget des pauvres et un budget de secours aux travailleurs par les corporations chrétiennes. Et la question sociale sera résolue.

III. AUTRES PAYS

Belgique: Les communes d'autrefois. - La Belgique est une des nations où la vie communale a eu le plus d'intensité. Comme elles étaient puissantes, riches et heureuses, ces grandes cités flamandes! C'est que le Christ y régnait sans conteste.

Allez revoir les beaux hôtels de ville des anciennes cités belges. Par­tout vous retrouverez le témoignage du règne social du Christ et de sa sainte Mère.

Voyez à Bruxelles, la statue de l'archange saint Michel domine la cité. A Anvers, c'est la statue de la Vierge Marie. L'hôtel de ville de Gand avait même sa chapelle spéciale.

Et là où les intérieurs anciens ont été respectés, comme à Courtrai, par exemple, on retrouve la statue du Christ-Roi présidant à la salle du conseil, et la statue de Marie, portant en ses bras le roi du monde, prési­dant à la salle des échevins.

On faisait de bonne besogne sous une telle direction. Nous reverrons ces beaux temps, quand l'hérésie moderne de l'athéisme social aura pas­sé.

Le dimanche en Allemagne. - On sait que la loi, en Allemagne, depuis quelques mois, oblige les commerçants, comme les industriels, à observer le repos dominical et à fermer boutique le dimanche.

Il y a bien eu d'abord quelques récriminations. Mais peu à peu les plaintes ont cessé. Le commerce ne s'en est pas ressenti, et les commer­çants se réjouissent d'avoir retrouvé la liberté de leur vie religieuse et de leur vie de famille.

Quand la France et la Belgique nous donneront-elles les mêmes avan­tages?

Danemark. - Le vieux pays de saint Anschaire reviendra à la véri­table Eglise. Il y a trente ans, le Danemark ne comptait que deux prêtres catholiques, deux missionnaires allemands. Aujourd'hui, il en a trente, parmi lesquels dix sont danois.

Copenhague a deux paroisses catholiques. Elle en bâtit une troisième. Elle a un collège de jésuites, des écoles tenues par les Frères Maristes et les Sœurs de Saint Joseph, un hôpital tenu par les Sœurs, un hospice de vieillards et un orphelinat.

Ces papistes sont toujours les mêmes! Il leur faut de l'argent…, mais c'est pour assister les malades, les orphelins et les vieillards.

Prions pour cette église qui renaît. Il y a là une race vigoureuse qui donnera un bon appoint à l'Eglise.

Saint Joseph au Portugal. - Le Portugal vient de mettre la fête de saint Joseph au rang des fêtes d'obligation. Les chambres et le gouverne­ment ont donné force de loi au décret pontifical. Le règne social du Christ n'est pas encore banni de toute la terre.

CHRONIQUE (Novembre 1893)

I. LE REGNE SOCIAL DU SACRE-CŒUR

La lutte ou l'entente pour la vie. - Ces deux mots résument l'esprit et les tendances des deux écoles économiques: l'école libérale et l'école catholique.

Pour l'école libérale, l'égoïsme est le seul mobile. Chacun doit lutter pour se faire une place aussi large que possible au banquet de la vie. C'est ce principe qui fit régner l'esclavage dans la société païenne. Et quand les esclaves voulurent jouir à leur tour, le même principe les sou­leva contre la société romaine et provoqua ces guerres sociales dans les­quelles plus d'un million de ces malheureux périrent, écrasés par les ar­mées consulaires.

Depuis un siècle notre monde industriel vit de cet esprit d'égoïsme. De là est venu cet état social qui rappelle celui de Rome avant César, au moment de la guerre des classes.

Ce principe désastreux des sociétés païennes est rentré dans nos mœurs. On parle de la lutte pour la vie comme d'un axiome indiscuta­ble.

Pour l'école catholique, ce n'est pas la lutte, c'est l'entente pour la vie. Le capitaliste et l'ouvrier ont à s'entendre pour la bonne organisa­tion du travail. Les hommes de métier doivent s'entendre dans les cor­porations. Les nations elles-mêmes qui forment la chrétienté devraient s'entendre pour conserver la paix et favoriser la prospérité générale.

Comme le disait un orateur vraiment entraînant au récent congrès de la démocratie catholique à Bruxelles, M. Mabille, «il faut que l'idée chrétienne traverse, comme un rayon lumineux, les bas fonds de l'idée économique. L'économie politique libérale repose sure l'amour-propre et la cupidité. Le vrai sentiment chrétien, c'est la fraternité. Allons jusq'au bout de nos principes. En disant Notre Père, nous consacrons la fraternité divine. Prenons la question sociale par son grand côté. Il faut faire disparaître la lutte et l'arbitraire entre le capital et le travail, et faire régner l'entente et l'union».

Les aveux du socialisme. - En temps d'élections, les socialistes jouent la modération. Ils ne parlent que de l'expropriation des mines, des banques et des chemins de fer. Ils sous-entendent l'expropriation gé­nérale et l'établissement du communisme, pour ne pas effrayer les petits propriétaires, commerçants et industriels qui tiennent à leur maison et à leurs économies et se soucient peu de l'enbrigadement socialiste et des travaux forcés universels.

Mais ceux qui s'y laissent prendre sont bien naïfs. Les aveux des so­cialistes sont assez fréquents pour qu'ils ne soient ignorés de personne. N'ont-ils pas publié récemment leur catéchisme? Ils se contenteront pour le moment de mesures transitoires: l'impôt progressif, le retour à l'Etat de tout héritage en ligne collatérale et des actions des banques, mi­nes, chemins de fer et grandes industries. Mais ils ajoutent avec franchi­se: Toutes ces réformes laissent intactes les revendications finales du so­cialisme: l'idéal des réformes, c'est le communisme».

Les congrès et journaux du parti, en France, en Belgique et en Alle­magne, renouvellent souvent les mêmes aveux.

Mais, qu'ils sont faciles à discréditer, si nous étions plus vaillants et plus agissants!

Disons-leur comme leur disait un candidat dans sa profession de foi: «Le socialiste veut m'obliger au bureau de bienfaisance alimenté avec mon argent de contribuable, qu'il administrera et auquel il m'admettra, si c'est son bon plaisir. Moi, je ne veux pas être réduit à tendre la main au bu­reau de bienfaisance.

Le socialiste veut m'obliger à mettre mes enfants dans des écoles payées avec mon argent et où il instruira et éduquera mes enfants… à son image. Moi, je veux élever mes enfants ou les faire élever comme il me plaît. Le socialiste veut me loger dans des maisons construites avec mon ar­gent, qu'il administrera et… d'où il me chassera quand il lui plaira.

Moi, je veux pouvoir demeurer dans une habitation dont personne ne puisse me chasser.

Le socialiste veut m'obliger à passer ma vieillesse et à mourir dans un hospice bâti et entretenu toujours avec mon argent de contribuable, où ses amis se gobergeront à mes dépens, et où il m'admettra… si moi et mes enfants nous votons pour lui.

Moi, je veux passer ma vieillesse dans ma famille et mourir en paix chez moi.

Voilà pourquoi je ne suis ni ne veux être socialiste».

L'église de Satan. - Elle a ses diverses branches: la franc-maçon­nerie, l'occultisme, le spiritisme et le culte de Lucifer, qui tous s'enten­dent contre l'ennemi commun, le Christ et l'Eglise du Christ.

Le Saint-Père nous a signalé cette église de Satan dans son Encyclique Humanum genus.

«En face du royaume de Dieu sur la terre, nous a-t-il dit, il y a celui de Satan».

«Dans toute la suite des siècles, ces deux cités n'ont pas cessé de lutter l'une contre l'autre».

«A notre époque, les fauteurs du mal paraissent s'être coalisés dans un immense effort, sous l'impulsion et avec l'aide de la société des francs-maçons».

Voilà pourquoi en 1884 le Pape nous prescrivait d'ajouter à la sainte messe une prière spéciale à l'archange saint Michel, pour le supplier de venir avec les milices célestes au secours des chrétiens contre Lucifer et ses anges. D'où vient ce pouvoir de Satan? Des crimes nombreux qui se commettent et qui augmentent son empire sur la terre, et aussi des invo­cations et des évocations qui lui sont faites, sous le couvert de l'occultis­me et du spiritisme.

La sorcellerie du moyen-âge est bien dépassée. Les spirites, à leur congrès de 1889, ont constaté qu'ils étaient quarante mille dans la seule ville de Paris et plus d'un million dans le reste du monde.

Et derrière eux il y a le culte proprement dit du démon, son adoration. Le journal La Vérité assurait dernièrement que dans le centre même de Paris une vingtaine d'autels lui sont consacrés. Et la police tolère ces sor­tes de chapelles et se garde bien d'y mettre les scellés.

En Italie, où la franc-maçonnerie est plus à l'aise, elle arbore sans ver­gogne l'étendard de Satan et ses adeptes lui font chanter des hymnes au théâtre et les entendent debout.

Que doivent faire les amis du Sacré-Cœur en présence de ce déchaînement du satanisme?

Ils doivent réparer d'abord. Ils doivent multiplier leurs actes d'adora­tion, de réparation et d'amour envers Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont le sacrement adorable est souvent profané et outragé dans les conciliabu­les diaboliques.

Ils doivent prier aussi et redire souvent avec ferveur cette prière à saint Michel, prescrite par le Pape:

«Saint Michel archange, défendez-nous dans le combat. Soyez notre sauvegarde contre la malice et les embûches du démon. Que Dieu le do­mine par votre bras. Et vous, prince de la milice céleste, rejetez au fond de l'abîme infernal Satan et les autres esprits mauvais, qui s'agitent à travers le monde pour la perte des âmes.

L'internationale. - La doctrine des «sans-patrie» est contre natu­re. La patrie est une grande famille qui a pour lien la communauté de langue, de race, de religion et d'histoire. Dieu a justifié l'amour de la pa­trie en se choisissant un peuple dont il a fait son peuple. Le Christ a sanctifié le patriotisme par son dévouement à sa patrie et par les larmes qu'il a versées sur Jérusalem.

Le socialisme fait généralement cause commune avec l'internationale. L'une et l'autre doctrine sont inspirées par les juifs.

Nous avons à la Chambre cinquante députés «sanspatrie», groupés, autour du citoyen Guesde et les cent-quarante radicaux-socialistes pacti­sent avec eux.

Les socialistes anglais, français, belges et allemands s'entendent et s'organisent pour préparer les grèves générales et l'embrigadement des ouvriers agricoles.

Qu'adviendra-t-il de l'Europe si les hommes modérés et sages de tous les partis ne s'unissent pas, conformément aux conseils de Léon XIII? La charité du Christ peut seul gagner les masses et nous sauver de l'anarchie la plus brutale que le monde ait connue.

II. FRANCE

La Petite-Eglise. - Les schismes ont la vie dure. Celui des Samari­tains a trois mille ans et il vit encore en Palestine. Celui de la Petite­Eglise en France, a quatre-vingt-dix ans. Ces braves gens protestent en­core contre la reconstitution de nos diocèses par Pie VII.

Léon XIII, dont l'activité est infatigable, vient de porter là aussi son attention. Il vient d'écrire une bonne lettre toute paternelle à ces dissi­dents, qui ne sont d'ailleurs que quelques centaines, dans les diocèses de Poitiers et de Lyon. La plupart sans doute feront leur soumission.

Dans les temps difficiles par lesquels nous passons, il faut que la chari­té du Cœur de Jésus réunisse tous ceux qui croient, tous ceux qui aiment l'Evangile. Cette union est nécessaire pour résister à l'armée de Satan.

Nos officiers. - Après Courbet, de Sonis, Ambert, Paqueron, Mar­ceau, voici de Miribel: des chrétiens sans reproche aussi bien que des soldats sans peur. Ils sont encore nombreux dans l'armée et dans la ma­rine, et c'est une bénédiction pour la France.

M. de Miribel était un chrétien complet. Il aimait la prière et l'Eucha­ristie. Il était dévoué au Sacré-Cœur de Jésus, qui est honoré dans l'ora­toire de son château.

Disons-lui avec son éloquent panégyriste, Mgr Fava: «Général, la France a perdu en vous un de ses plus nobles enfants. Dieu aura voulu avoir dans son ciel un héros chrétien comme vous. Là-haut, n'oubliez pas votre patrie. Priez Dieu pour elle et demandez-lui qu'il fasse héri­tiers de votre génie militaire vos compagnons si dignes de vous; qu'il fas­se passer quelque chose de son esprit de sagesse et de force dans les rangs de notre armée; qu'il apprenne à la France qu'elle sera toujours noble, grande et victorieuse, si elle sait demeurer chrétienne et fidèle à sa voca­tion qui est d'être la fille aînée de l'Eglise et de défendre la Papauté».

Les Petites-Sœurs des pauvres. - Les bonnes Petites-Sœurs des pauvres ont perdu leur fondatrice, la Sœur Marie Jamet, qui commença l'œuvre en 1840 avec la Sœur Jeanne Jugan, la première supérieure, sous la direction de l'abbé Lepailleur.

Il n'y a que cinquante ans que cette œuvre est fondée et déjà ces bon­nes Sœurs dirigent 266 maisons, qui abritent 40.000 vieillards. Pendant que les économistes discutent et que les candidats à la dépu­tation promettent des caisses de retraite, voilà ce que produit la charité de Jésus-Christ! Comment nier que l'Eglise ait une aptitude spéciale à résoudre les questions sociales, alors que, sans le secours des lois et de l'administration, elle opère de pareils prodiges?

Loigny. - L'Eglise de Loigny est un sanctuaire du Sacré-Cœur. El­le est comme le mausolée des martyrs du Sacré-Cœur, de Sonis, et les braves soldats de Charette, tués auprès de Loigny et de Patay.

Cette église vient d'être consacrée solennellement par Mgr l'évêque de Chartres. Mgr d'Hulst qui a prononcé un discours qui est une nou­velle oraison funèbre de nos modernes Machabées.

Les inspirations jaillissent du sol dans ce pays, témoin des promesses de Jeanne d'Arc, de Sonis, de Troussures et de Charette.

Avec Mgr d'Hulst, nous saluons «ces héros de Loigny qu'on peut ap­peler de leur vrai nom des martyrs; ces valeureux soldats qui ne pouvant espérer la victoire combattaient pour mourir, parce que la mort leur pa­raissait la rançon de l'honneur; ces héros d'une épopée chrétienne qui ont glorifié en mourant leurs deux mères, l'Eglise et la France, et qui ont empourpré de leur sang deux étendards, celui de la patrie et celui du Sacré-Cœur.

III. AUTRES PAYS

Rome. - Le Saint-Père accomplit sans bruit de grandes réformes et prépare pour un avenir prochain un grand réveil de l'apostolat chrétien. Il a organisé pour chaque grand Ordre religieux une université spéciale à Rome. Il a réuni toutes les communautés de Trappistes sous une mê­me règle et une même autorité.

Il a donné un primat à la grande famille bénédictine. Il vient de réunir les branches séparées de l'Ordre des Augustins. Il reconstitue les monas­tères bénédictins du Brésil.

Toutes ces mesures porteront dans un temps prochain des fruits mer­veilleux.

Que Dieu nous garde longtemps un Pontife si puissant en œuvres et en vertus!

Belgique. - Le congrès de la ligue dèmocratique à Bruxelles est un grand événement. «Les membres de la ligue sont des catholiques ar­dents qui sont convaincus de la nécessité et de l'urgence des réformes so­ciales pour ramener le peuple à Jésus-Christ et à l'Eglise».

«Notre programme à nous, disait M. Helleputte, c'est l'organisation corporative de la société… C'est le respect du travail humain, c'est le respect et la pratique de la religion catholique».

«Nous espérons voir le jour où l'ouvrier jouira des joies de la famille comme le riche; où les parents pourront aimer et élever leurs enfants; où la religion sera aimée et respectée par tous».

Les vœux émis par le congrès nous paraissent justes, quoique un peu hardis.

Ils demandent l'établissement de bourses du travail, de caisses com­munales d'assurance contre le chômage.

Ils réclament des lois qui assurent le repos du dimanche et qui fixent la durée du travail et le minimum du salaire d'après l'avis des corporations et des conseils de l'industrie.

Ils demandent aussi la fondation de banques populaires et de caisses d'épargne et prêt du système Raiffessen, si populaire en Allemagne. Des vues très sages et pratiques sont émises sur la coopération et les conseils d'arbitrage.

Les congrès de Bruxelles, de Reims et de Lucerne ont prouvé que les ouvriers catholiques savent revendiquer leurs droits et réclamer de justes réformes sans manquer à la prudence et à la charité.

La bannière de Russie. - Au moment où toute la France est comme grisée par les amabilités de la Russie, saluons la bannière russe, à Lour­des.

De nobles donateurs ont voulu peindre et broder de leurs mains l'étendard qui va représenter leur grande patrie dans le sanctuaire de Lourdes.

Notre-Dame de Lourdes aime la Russie et le prouve par les miracles qu'elle opère en son sanctuaire de l'église Sainte-Catherine à Saint­Pétersbourg.

Avec le cardinal Bourret, nous saluons en cette bannière «l'union de deux peuples qui sympathisent parce qu'ils sont tous deux nobles et gé­néreux, l'union de deux peuples dévoués à Marie.

Nous saluons les prémisses de l'union des deux Eglises, qui bientôt, nous l'espérons, ne formeront qu'un seul troupeau, sous la conduite d'un seul pasteur». (Discours prononcé à la bénédiction de la bannière).

Cincinnati. - Mgr Satolli, délégué apostolique aux Etats-Unis, vient de consacrer une église élevée au Sacré-Cœur de Jésus dans la ville de Cincinnati.

C'est ainsi que la plupart des églises nouvelles sont dédiées au Sacré­Cœur.

En France, Paris, Lille, Moulins, Limoges, Paray, Loigny, Le Ha­vre, Saint-Quentin, Amiens, Millau, Calais ont leurs églises du Sacré­Cœur.

En Angleterre, c'est Londres et Edimbourg; en Belgique, Anvers, Charleroi, Tournai; en Italie, Rome, Cuneo, Messine et bien d'autres villes sans doute que nous ne connaissons pas2).

Notre-Seigneur pourrait-il ne pas être satisfait de cette réponse à ses désirs et ne doit-il pas nous préparer une ère de grâces et de relèvement?

CHRONIQUE (Décembre 1893)

I. LA QUESTION SOCIALE

La question ouvrière: ses évidences et ses obscurités. - Nous n'en sommes plus à nier la question ouvrière. Il faudrait être plus qu'aveugle pour méconnaître une crise qui agite l'Europe entière.

Mais pour les catholiques cette question n'aura bientôt plus d'obscuri­tés. Il ne restera qu'à faire passer dans la pratique des solutions deve­nues évidentes.

Léon XIII, avec sa grâce de premier Pasteur, a condensé les lumières jetées sur la question par des intelligences éminentes, par les Manning et les Ketteler.

Les réponses aux problèmes, qui naguère encore inquiétaient les esprits, seront bientôt dans l'opinion aussi nettes qu'une page de caté­chisme. Donnons-en quelques exemples.

Question. Qu'y a-t-il de justifié dans les revendications de la classe ou­vrière relativement au salaire?

Réponse: Ces revendications sont en général fort équitables. Le salaire doit correspondre à la véritable valeur du travail. La raison et la foi chré­tienne exigent que le travail humain ne soit pas traité comme une mar­chandise, ni évalué seulement selon les fluctuations de l'offre et de la de­mande.

Question: Que faut-il penser de la diminution des heures de travail? Réponse: Il en est de la journée normale du travail comme du salaire. Les principes de l'économie libérale, qui font abstraction de toute mora­le et de toute religion, ont abouti à ce résultat que le salaire a été abaissé jusqu'à sa dernière limite et le temps du travail prolongé jusqu'à sa plus extrême durée. Les ouvriers sont fondés à s'organiser en syndicats pro­fessionnels pour combattre cet excès par une action commune. Question: La troisième revendication vise à obtenir des jours de repos.

Réponse: Le repos hebdomadaire est une loi primordiale et sa violation est un crime qui crie au ciel contre la société contemporaine.

Question: La quatrième revendication regarde le travail des enfants. Réponse: C'est une cruauté monstrueuse, un assassinat à petit feu de l'âme et du corps des enfants.

Question: Que faut-il penser du travail des femmes et des jeunes filles dans les usines?

Réponse: La religion enseigne que la place de la femme mariée, de la mère de famille est au foyer, où la retient sa sainte mission envers son mari et ses enfants. Les jeunes filles non plus ne doivent pas être em­ployées dans les fabriques où leurs meurs courent les plus graves dan­gers.

Question: Que penser des associations ouvrières?

Réponse: Les ouvriers ont le droit de s'entendre et de s'unir pour re­cueillir leurs épargnes, pour se procurer des vivres à bon marché et mê­me pour revendiquer le juste salaire et les autres réformes nécessaires. Les associations et les syndicats sont donc légitimes. Les ouvriers catho­liques ne devraient s'en écarter que si les tendances socialistes ou un égoïsme analogue à celui du capital s'y introduisait.

Il reste cependant quelque obscurité sur le point de savoir quelle part d'action aura l'Etat dans les réformes sociales. La fixation du salaire et des heures de travail, l'organisation des assurances et des retraites seront-elles l'œuvre des corporations ou celle de la loi?

Les catholiques ont des vues différentes sur cette question. En Angle­terre, en Hollande, en Allemagne, on incline à laisser une grande part à la loi. En France et en Belgique, on préfère généralement laisser l'initia­tive aux corporations.

Ces divergences n'ont rien d'inquiétant. L'enseignement de Léon XIII les autorise. Le mieux, nous dit-il, est de remédier au mal par l'or­ganisation corporative sous la surveillance et avec les encouragements de l'Etat. Mais là où l'initiative privée est insuffisante, l'Etat doit pourvoir par lui-même à la bonne organisation du travail.

Ce qui importe, c'est que par l'une ou l'autre initiative la justice et la charité du Christ règnent dans le monde des travailleurs.

Rien de nouveau sous le soleil. - On connait la famille des peintres flamands du nom de Breughel. Le père et le fils aîné Jean étaient optimis­tes. Ils peingnaient des noces et des fêtes, voire même le paradis terres­tre. Le second fils, Pierre, était pessimiste. Il peignait des sujets sinis­tres, on l'appelait Breughel d'enfer. C'était un satirique. Il censurait par son pinceau les sottises et les crimes du temps.

Si vous passez au musée de Valenciennes, vous verrez un petit tableau de Pierre Breughel qui exprime bien la question sociale de notre temps. C'est qu'elle se posait déjà au XVIe siècle.

Sur ce tableau, un brave ouvrier va chez un juif, il lui porte des gages et lui emprunte à usure. Et comme il sort, l'usurier le suivant semble lui mordre le manteau à l'épaule. «L'usure dévore le travail», c'est le pro­verbe que le peintre a voulu représenter. Mais Breughel ajoutait: «Et le diable dévore l'usurier». Et il représente en effet l'exécution de cet arrêt de la justice divine. Avis à ceux de nos contemporains qui pratiquent d'une manière ou de l'autre l'oppression des travailleurs et l'usure que Léon XIII comme Breughel accuse de dévorer le travail.

Un ennemi du règne de Satan. - Cet ennemi puissant et victo­rieux, c'est le patriarche des moines d'Occident, saint Benoît. Sa mé­daille est appelée, dans les missions d'Asie, la médaille contre le diable.

C'est qu'en ces pays là, aux Indes, en Chine, dans les îles de l'Océa­nie, les manifestations des esprits infernaux sont encore très fréquentes. Les missionnaires nous racontent souvent dans leurs lettres des exemples de possession, d'obsession ou d'autres interventions diaboliques.

En pareil cas, la médaille de saint Benoît est toute puissante.

Le R. P. Celle, missionnaire au Maduré raconte le trait suivant: Une petite chrétienté commençait à se former à Ideicatour. Le roi in­dien de Sivaghunga et son frère le régent, résolurent de relever le presti­ge de leur idole. Ils organisèrent une procession extraordinaire, espérant bien que leur idole, en passant devant la chapelle des chrétiens, jouerait quelque bon tour à notre Dieu.

Mais les chrétiens avaient jeté quelques médailles de saint Benoît et du Sacré-Cœur sur le chemin que devait parcourir l'idole. Ils avaient jeûné, prié et communié le matin.

Au moment venu, les païens voulurent commencer la procession, et pour cela ils firent la cérémonie de l'interrogation diabolique. Ordinai­rement le diable répond par la bouche d'un énergumène qui devient comme son médium. - Le pays est plein de ces sorciers. - Cette fois le démon resta silencieux. C'était inquiétant. Les Brahmes frottent alors leur dieu avec tout ce qu'ils ont de plus doux et de plus parfumé, beurre, huile de sésame, lait de coco, sandal, etc. La nuit se passe à ces cérémo­nies et l'on n'obtient pas un mot de réponse.

A la fin cependant, le dieu fatigué prononce son oracle et s'écrie: «Laissez-moi ici. Le Seigneur de là bas me brûle. Mieux vaut m'en éloi-gner que de m'en rapprocher. «Jugez de la stupeur des assistants. Le roi s'en retourna à Sivaghunga et les païens honteux et confus annoncèrent que la procession était remise à plus tard.

Le R. P. Grenier, missionnaire au Malaisie, écrit que là aussi la mé­daille de saint Benoît fait des merveilles. La mission possède à Pinang un orphelinat considérable. Il n'est pas rare de voir les enfants païennes qu'on y amène, être saisies par le démon, dès qu'elles mettent les pieds dans le couvent, se débattre et se livrer à des mouvements si violents que quatre hommes robustes ne peuvent les maintenir. Mais il suffit de plon­ger la médaille de saint Benoît dans de l'eau qu'on leur fait boire, pour leur rendre instantanément le calme, en attendant l'instruction nécessai­re au baptême.

Une Sœur missionnaire de Pinang écrivait aussi le 11 mars dernier: «Nous avons en saint Benoît une confiance sans borne. Sa médaille s'appelle ici: la médaille contre le diable. C'est qu'ici on voit souvent des personnes et même des enfants possédés, que cette médaille et l'eau bé­nite rendent à leur état lucide, comme s'ils revenaient d'une rêve3).

La franc-maçonnerie. - On peut se faire une idée déjà de ce que se­ront les temps de l'Antéchrist. Voici que la franc-maçonnerie trône déjà à Rome au palais Borghèse. Elle y pratique dans le secret ses évocations diaboliques. Elle intimide le Quirinal et guette déjà le Vatican.

A Paris, elle dirige la politique française. Elle impose les ministères. Elle a fait les lois sous la précédente législature. Elle vient de tenir un congrès au Grand Orient pour décider le plan de la prochaine campagne contre l'Eglise.

Elle ne cache pas ses projets. Nos églises doivent devenir autant de lo­ges maçonniques. Quand elle triomphera, nous reviendrons aux temps de Dioclétien. Il nous restera les catacombes.

Mais nous verrons auparavant le règne du Sacré-Cœur.

II. FRANCE

La droite constitutionnelle. - Nous avions une opposition de révo­lution, la droite monarchique. Nous avons maintenant une opposition de gouvernement, la droite constitutionnelle. Celle-ci n'est plus condam­née à l'impuissance. Elle peut arriver au pouvoir en s'alliant avec les élé­ments modérés de la chambre. Nous sommes véritablement entrés dans la place, et c'est le fruit de la clairvoyance de Léon XIII.

Ah! si nous l'avions mieux écouté! Au lieu de quarante membres, la droite constitutionnelle en aurait cent et nous serions plus près de voir de meilleurs jours. Nous avons quatre ans pour devenir plus sages, pro­fitons-en.

Prêtres-soldats. - L'iniquité se consomme. Il faut aller jusqu'au bout. Andremo al fondo, comme disent les Italiens. Nous avions les séminaristes-soldats, nous avons maintenent les prêtres-soldats.

Ils vont dans les casernes et les hôpitaux faire «les vingt-huit jours». Adieu le bréviaire, l'oraison, la messe même, et puis cette dignité, cette gravité, cette modestie qui sont de l'essence du sacerdoce et qui contras­tent si pleinement avec la liberté d'allures du soldat.

Cependant les hommes de bon sens, les esprits modérés comprennent que cela va trop loin. L'excès du mal produit le dégoût. Les souffrances des lévites et des prêtres à la caserne seront notre rançon et nous obtien­dront la grâce du retour à un régime social plus chrétien.

Un joli spécimen de laïcisme. - La ville de Paris entretient un or­phelinat de la plus parfaite laïcité à Compuis. Cela peut nous donner une idée de la future société laïque rêvée et préparée par les Loges.

L'orphelinat compte cent cinquante garçons et cent filles. Le mélange des sexes y est obligatoire. Garçons et filles jouent et travaillent ensem­ble. L'ancienne chapelle avait été transformée d'abord en ateliers de me­nuiserie, mais sa vue rappelait encore de fâcheux souvenirs. Il a fallu la raser et les orphelins s'y sont mis avec un entrain fait pour réjouir l'en­fer.

Une récréation des enfants est de jeter des pierres et de la boue aux crucifix du chemin. Un calvaire voisin leur sert tout particulièrement de cible.

La ville de Paris a obtenu sans délai de ses orphelins ce que les Loges préparent pour la France entière, par l'effet des lois impies votées suc­cessivement par l'opportunisme.

«Notre but final, ont-ils dit, est celui de Voltaire et de la Révolution: l'anéantissement à tout jamais du catholicisme». (Instruction secrète de la Vente suprême, citée par Mgr de Ségur, dans son livre sur La Révolution).

Mais le Christ, la Vierge Marie et saint Michel nous préserveront de cet «âge d'or».

III. AUTRES PAYS

Allemagne. - La prière officielle est encore de mise en Allemagne. Il est beau de voir aux manœuvres militaires l'empereur donner à son armée le signal de la prière.

C'est si naturel et si juste que les créatures adorent leur créateur! Pourquoi faut-il qu'on ne le comprenne plus ailleurs!

L'Allemagne avance rapidement dans l'organisation des assurances ouvrières. En 1882, elle organisait l'assurance contre la maladie; en 1884, celle contre les accidents du travail; en 1889, celle contre l'invali­dité et la vieillesse.

L'Allemagne compte douze millions d'ouvriers. Sept millions sont as­surés contre la maladie par des associations corporatives ou communa­les. Onze millions sont déjà assurés contre la vieillesse. Pour cette assu­rance, l'Etat vient en aide aux patrons et aux ouvriers.

Faisons un peu moins de politique et cherchons davantage le règne de la justice et de la charité.

Suisse. - En Suisse aussi la prière publique est encore de mode. Le Conseil d'Etat invite les Confédérés à un jeûne annuel pour remercier Dieu de ses bienfaits. Cela se fait aussi aux Etats-Unis.

Heureux les peuples qui ont échappé à la propagande de l'infâme Vol­taire.

Les Indes. - L'Angleterre vient de faire le recensement de son em­pire des Indes. La population s'est accrue de trente et un millions d'âmes en dix ans. L'Inde compte aujourd'hui deux cent quatre-vingt­sept millions d'habitants, dont deux cent onze millions de Brahmanistes, soixante-quinze millions de Musulmans, et deux millions et demi seule­ment de chrétiens.

Quelle menace pour le règne du Christ que ces populations asiatiques qui pullulent si rapidement! et comme Léon XIII est plus clairvoyant que les gouvernements d'Europe quand il nous invite à prendre le tau­reau par les cornes et à porter l'Evangile en Asie en établissant particu­lièrement des séminaires indigènes dans toutes les provinces de l'Inde. Que Dieu nous garde longtemps encore un chef si habile et si vaillant!

1)
Discours de M. Cambon.
2)
Nous serions heureux si nos lecteurs nous en faisaient connaître d’autres, en nous écrivant à Saint-Quentin.
3)
On peut demander des notices et des médailles à M. le Curé de Dole (Jura).