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LA DEVOTION AU SACRÉ-CŒUR DE JÉSUS

MONSEIGNEUR, MES FRERES

Un souvenir de l'ancienne loi me servira à fixer votre imagination et me fournira le thème ou la trame de ce discours.

Tous les rites du temple de Jérusalem étaient figuratifs et symboli­ques. L'un des plus saillants de ces rites, était ce feu sacré demandé par Dieu à Moïse, allumé et entretenu par les prêtres et brûlant perpétuelle­ment sur l'autel.

Ce feu matériel n'importait pas plus à Dieu que le sang des victimes; ce qui lui importait, c'était le culte perpétuel d'amour que représentait ce feu et qui devait s'élever de la terre vers le ciel, déjà sous l'ancienne loi, mais mieux encore sous la loi de l' Evangile.

La signification du symbole ici n'est pas douteuse, les interprètes sa­crés sont unanimes.

Tout le culte rendu à Dieu par la terre a son sommet en Notre-­Seigneur, qui est le pontife par excellence, en même temps que l'autel principal et la victime parfaite.

Le feu sacré du temple représentait principalement le culte d'amour rendu par Notre-Seigneur à son Père, le feu sacré du Cœur de Jésus, mais il représentait aussi l'amour et l'immolation de nos cœurs, le culte d'amour de la loi nouvelle dans laquelle Dieu veut être adoré en esprit et en vérité. Ce feu spirituel de l'amour et de l'immolation qui doit brûler sans interruption sur l'autel de nos cœurs, doit être entretenu par le sa­cerdoce de la loi nouvelle, mais ce sacerdoce à pour chef Notre-Seigneur lui-même.

Qui dira le zèle du Pontife suprême pour l'entretien de ce feu sacré qui rayonne dans son propre Cœur?

Il a trouvé presque éteint sur la terre ce feu de la charité que son Père avait allumé par le bienfait de la création et par toutes les interventions

divines de l'ancienne loi… Ce feu, comme celui du temple au temps de la captivité, était changé en une eau boueuse par la corruption de nos cœurs. Il l'a rallumé par le don de lui-même, par les grâces indicibles de l'Incarnation, de la Rédemption et de l'Eucharistie.

Il a laissé aux continuateurs de son sacerdoce, aux pontifes et aux prê­tres de sa sainte Eglise, des moyens ordinaires d'entretenir ce feu, la grâ­ce, les sacrements, la parole divine.

Quand cela est nécessaire, il intervient par quelque moyen extraordi­naire, spécialement en suscitant, soit par l'action du Saint-Esprit, soit par des faits providentiels, soit par une manifestation miraculeuse, quel­que dévotion puissante qui remue, gagne et entraîne les cœurs.

C'est ce qu'il a fait ces derniers siècles pour la dévotion au Sacré­-Cœur, et je n'ai pas d'autre but, mes frères, que de vous rappeler en ce discours comment la dévotion au Sacré-Cœur est le don de notre temps, don précieux, auquel nous ne pouvons pas demeurer indifférents. Je vous rappellerai, en second lieu, comment elle est plus spécialement le don de la France. Enfin je m'efforcerai d'établir que cette dévotion pré­cieuse n'est pas seulement un besoin spécial, mais qu'elle est aussi un don tout particulier de ce beau diocèse de Soissons et Laon, et de cette chère ville de Saint-Quentin, don qui nous impose des devoirs en même temps qu'il nous offre des espérances.

Le Sacre-Cœur de Jésus est le don de notre temps

Considérons, mes frères, l'action du Pontife divin dans l' Eglise. Elle est multiple, variée, toujours féconde, inépuisable. Dire tout ce qu'il a fait depuis dix-huit siècles pour entretenir le feu sacré de l'amour divin sur la terre, serait sans limite. Son intervention est de chaque jour. Il ne sommeille pas, il veille, il agit. Il a des auxiliaires, sa sainte Mère, les an­ges, les saints du ciel et ceux de la terre. Mais dans cette action multiple, il y a une harmonie cachée, un ordre divin, une unité mystérieuse dans la variété, un à-propos surnaturel. Le Pontife divin donne à chaque pé­riode de la vie de l' Eglise une grâce dominante qui se manifeste par une dévotion principale, et il se trouve qu'il distribue ainsi, selon son plaisir divin, à travers les siècles, les grâces diverses qu'il nous a méritées et préparées. Essayons, mes frères, de comprendre cette sublime action du Christ. Interrogeons les grandes traditions de la piété dans l'Eglise. Quel a été d'abord l'attrait vainqueur des âmes pendant la première période, qui va des temps apostoliques à la paix de l'Eglise? Sous quel aspect Notre-Seigneur se présentait-il aux âmes pour les gagner? Quelle grâce spéciale leur appliqua-t-il d'abord? Interrogeons l'histoire, les monu­ments. Je ne trouve dans cette période qu'une dévotion vivante, qu'un aspect saillant de la vie mystique de Notre-Seigneur. Si je suis les traces de la vie chrétienne dans les catacombes, et dans les mille souvenirs des musées chrétiens de Rome, je suis frappé d'un fait qui est manifeste, éclatant; la dévotion dominante des premiers siècles était la dévotion au Bon Pasteur. C'est sous cet aspect que Notre-Seigneur séduisait les âmes. La pensée qui touchait les cœurs, c'était celle du Dieu venu sur la terre pour rechercher ses brebis égarées, et pour faire des deux peuples, juif et gentil, un seul bercail sous la conduite du Pasteur divin. Ce sym­bole est pour les fidèles de ce temps le mémorial de l'Incarnation. C'est sous cette gracieuse figure que les apôtres lui ont présenté le Sauveur: «Nunc conversi estis ad pastorem animarum vestrarum»1). C'est ainsi que le Christ lui-même s'était présenté à eux: J'ai encore, avait-il dit à ses disci­ples, des brebis qui ne sont pas de ce troupeau; il faut qu'elles entrent dans le ber­cail»2. Le fait est général, il est incontestable.

La figure du Bon Pasteur est le sujet favori de l'art et du symbolisme chrétiens des premiers siècles.

Elle paraît à la place d'honneur sur les murailles et sur les voûtes des chapelles chrétiennes des catacombes.. On ne peut visiter aucune partie des catacombes, ou feuilleter aucune collection de dessins d'après les monuments chrétiens primitifs, sans la rencontrer à chaque instant. Nous savons par Tertullien qu'elle était souvent gravée sur les calices. Nous la trouvons peinte à fresque dans les chambres sépulcrales, grossiè­rement dessinée sur des «loculi», sculptée avec plus d'art aux flancs des sarcophages.

Elle était tracée en or au fond des coupes de .verre, moulée sur l'argile des lampes, gravée sur les anneaux, ciselée sur les médailles, représen­tée, en un mot sur toute espèce de monument appartenant au premier âge chrétien.

Les médailles de dévotion des premiers chrétiens ne portent guère que la figure du Bon Pasteur, et sur une dizaine de monuments qui nous re­stent de la statuaire chrétienne des quatre premiers siècles, huit repro­duisent le même symbole. Il n'y a plus de place pour le doute: c'était la dévotion, c'était la grâce des premiers siècles. Cette image présentait des aspects variés. Souvent le Bon Pasteur est représenté seul au milieu de ses brebis; parfois il est entouré de ses apôtres, auprès desquels les brebis se pressent. Tantôt il se tient au milieu de son troupeau, tantôt il caresse une brebis isolée; le plus souvent il porte sur ses épaules la brebis retrou­vée, qui figure principalement le peuple gentil. Il a divers attributs, la houlette, le vase de lait; ses brebis prennent des attitudes différentes: el­les le regardent, elles écoutent le pasteur, elles reçoivent son enseigne­ment et ses grâces symbolisées par une pluie fécondante, au milieu de ruisseaux abondants. Quel pèlerin de Rome peut se rappeler sans une pieuse émotion les suaves peintures du cimetière de Callixte et de la crypte de Lucine?

Le sens de ce symbole n'est pas douteux. Le Fils de Dieu, en se faisant homme et chef de l'Eglise, a pris personnellement le rôle de pasteur des âmes, dans lequel il sera assisté par ses apôtres.

Quittant son trône céleste, il est descendu dans les déserts de ce mon­de, pour y chercher les enfants égarés de la race humaine. C'est la dévo­tion de la reconnaissance pour le Dieu incarné.

Notre-Seigneur se manifestait sous ce symbole si doux et si encoura­geant aux premiers chrétiens, qui avaient tant à souffrir des persécu­tions, et la force mystérieuse de cette douce image ravissait le cœur des chrétiens et provoquait leur amour et leur dévouement, qui n'avaient pas d'autre limite que la mort.

Mais, après la paix de l'Eglise, le courant de la grâce change tout à coup.

Notre-Seigneur arbore un autre symbole. Ce n'est plus la douce ima­ge du Pasteur, c'est la croix. Son intention est manifeste; il lève cet éten­dard royal à l'orient et à l'occident, il fait briller le Labarum au bord du Tibre, et il fait sortir de terre, à Jérusalem, le bois miraculeux de la croix. Le courant est créé, l'art le révèle. La croix n'a presque pas paru aux catacombes; on ne verra plus qu'elle depuis le sol des sanctuaires, dont elle marque le plan, jusqu'aux mosaïques des absides; sur tous les autels, sur les vêtements sacrés, sur la couronne des rois, aux portes des villes, aux carrefours des chemins, sur les monnaies, sur les bannières. Elle sera partout, jusqu'au jour où, soulevant le monde chrétien tout en­tier, rois et peuples, prêtres et guerriers, elle les marquera tous de son si­gne sacré, leur donnera son nom en en faisant des croisés, et les conduira à la conquête du rocher où elle a été plantée.

La croix était le besoin de cette période. La société chrétienne de Ro­me se serait affadie dans la paix sans les grandes leçons de la croix. Les peuples barbares n'eussent pas été saisis assez fortement par le souvenir de l'Incarnation, si le drame du Calvaire ne leur avait été remis tous les jours sous les yeux.

Mais à peine la dévotion à la croix a-t-elle atteint son apogée, alors que saint Louis fait de la Sainte-Chapelle le reliquaire de la vraie Croix, et en distribue des parcelles que reçoivent quelques églises privilégiées, comme cette basilique, qu'une autre dévotion surgit pour régner en maîtresse pendant plusieurs siècles. La dévotion à la croix restera, com­me la dévotion au Bon Pasteur est restée, mais une autre primera et pas­sionnera plus fortement les cœurs, c'est la dévotion à l'Eucharistie.

Ou plutôt, elles ont toujours existé toutes les trois à quelque degré, mais elles ont eu tour à tour, selon l'économie divine, une puissance principale de séduction sur les cœurs.

Notre-Seigneur a parlé à une humble Vierge, sainte Julienne. Le pape Urbain IV répond au désir divin. Il institue la fête du Saint-Sacrement. Notre-Seigneur voulait donner ce nouvel aliment au foyer d'amour des cœurs chrétiens. «Non seulement, je suis venu sur la terre, leur disait-il, comme un pasteur au milieu de son troupeau; non seulement j'ai donné ma vie pour ceux que j'aimais, mais encore j'ai voulu demeurer avec vous pour être votre victime quotidienne, votre compagnon et votre pain de vie».

Les peuples répondent dignement à cette nouvelle manifestation d'amour du Pontife divin; ils offrent à l'hostie divine tous les chefs-d'œuvre, de l'art, et en particulier ces temples qui ne semblent pas être de la terre, tant ils sont beaux, ces splendides églises des douzième, treizième et quatorzième siècles.

Pouvait-il y avoir de trop magnifiques palais pour le Dieu d'amour demeurant avec nous? C'était aussi le besoin de ces temps, riches, ai­mants, artistiques, mystiques.

Cette dévotion influa sur toute la vie de l'Eglise, bien plus que nous n'avons le loisir de l'expliquer. Elle gagna tous les cœurs; elle inclina toute la nature devant le Dieu d'amour triomphant. Il sortit de ses tem­ples, comme pour parcourir la terre éprise de Lui. Il a tout conquis. Quel triomphe! Ses pontifes et ses prêtres s'avancent couverts d'or et de soie. Il foulent les tapis et les fleurs. Les villes sont parées de toutes leurs richesses en son honneur. Les bannières, les statues des saints le précè­dent. Ce ne sont plus que trônes, autels et arcs de triomphe. Tout ce que la terre a de beau est là, l'art, les fleurs, les parfums, l'harmonie, les en­fants, les vierges, les prêtres, le peuple et les grands, les magistrats, les guerriers et les rois.

Y a-t-il place encore pour une autre dévotion qui puisse aspirer plus haut?

Oui, il en est une qui résumera toutes les autres, et qui rappellera à la fois tout l'amour du Verbe incarné, du Rédempteur et de l'Eucharistie. Notre-Seigneur la révèle encore à une vierge du cloître, c'est la dévo­tion à son Cœur adorable.

Il l'a dit: «C'est le dernier effort de son amour, pour les hommes». Son but est de nous rappeler sans cesse son immense amour pour provoquer le nôtre.

Cet amour divin est l'objet même de cette dévotion avec le cœur de chair qui en est le foyer. Le symbole ou l'image du Sacré-Cœur est le moyen propre à nous rappeler cet amour infini, qui s'est manifesté sur­tout par les grands mystères de l'Incarnation, de la Rédemption et de l'Eucharistie.

La pratique de cette salutaire dévotion résume tout ce qu'il y a de plus affectueux et de plus généreux dans notre sainte religion; c'est l'amour reconnaissant et fidèle envers Notre-Seigneur, c'est la compassion et la réparation pour les offenses qu'il reçoit, c'est le zèle pour sa gloire, c'est l'abandon sans réserve à sa divine volonté.

Les fruits que Notre-Seigneur lui a promis sont merveilleux: c'est pour les pécheurs un océan de miséricorde; pour les âmes tièdes une source de ferveur; pour les âmes pieuses des progrès rapides dans la per­fection; une bénédiction pour les maisons et les familles où l'image sa­crée sera honorée; la cessation des fléaux publics, et, pour ceux qui pro­pageront cette dévotion, la promesse que leur nom sera gravé dans ce di­vin Cœur.

Cette dévotion se levait comme un soleil d'été prêt à féconder la terre et à mûrir ses fruits.

C'est ainsi que Notre-Seigneur l'annonçait et que la Bienheureuse Marguerite-Marie la faisait connaître.

Bientôt elle passionna les âmes généreuses, plus tard elle devint popu­laire. Le mouvement grandit, rien ne pourrait plus l'arrêter. C'est com­me le ferment de la parabole.

Bientôt le Sacré-Cœur sera partout. Tout chrétien dira de lui ce que saint Bernard disait du nom de Jésus: «Tout m'est insipide si je n'y trou­ve le Sacré-Cœur de Jésus».

Nous voulons voir le Cœur de Jésus partout. Les saints ont leur caractéristique déterminée par la tradition et par les traits saillants de leur vie. Notre-Seigneur s'est choisi la sienne, c'est son Cœur-Sacré. Nous le voulons voir marqué partout. Toutes les âmes sont fascinées par son in­fluence victorieuse.

Notre-Seigneur l'a dit à Marguerite-Marie «Mon Cœur régnera malgré ses ennemis».

Il étend chaque jour son règne; Rome, Vienne, Paris, ont leur église votive du Sacré-Cœur. Toutes les églises de la terre vont être conquises par ce signe sacré. L'art est à son service. Il a reçu les plus beaux témoi­gnages de l'éloquence. Il veut gagner encore les peuples et leurs chefs, il les aura. Déjà nous avons vu un des peuples de l'Amérique, humble de­vant Dieu autant que fier de sa liberté, se consacrer à cette dévotion su­blime. Il règne mystérieusement, bien plus qu'il ne paraît, dans le mon­de des âmes. Toutes les oeuvres nouvelles de prière, de réparation et de charité de notre temps, sont écloses sous les rayons de ce soleil d'amour. Les oeuvres anciennes en sont revivifiées. La prière et la réparation c'est la victoire sur Dieu même; la charité, c'est la victoire sur les âmes.

Le Sacré-Cœur conduit l'Eglise à un triomphe plus grand que celui qui a couronné les périodes vouées aux autres grandes dévotions, au IVe, au XVe et au XVIIe siècle.

Je l'espère, et il me semble que l'Eglise elle-même a cette confiance qui se manifeste par les efforts constants qu'elle fait pour répondre aux désirs du Sacré-Cœur de Jésus. N'avons-nous pas vu, dans ces derniè­res années, la béatification de Marguerite-Marie par Pie IX, l'extension à toute l'Eglise de la fête du Sacré-Cœur, la consécration au Sacré­-Cœur proposée à tous les fidèles par Pie IX, la dévotion de Léon XIII au Sacré-Cœur, et l'érection à Rome d'une église votive?

L'Eglise fera plus encore. Il ne nous appartient pas de prévoir ce qu'elle fera, mais elle tirera les dernières conséquences de cette parole si connue de Pie IX: «L'Eglise et la société n'ont d'espérance que dans le Cœur de Jésus; c'est lui qui guérira tous nos maux. Prêchez partout cet­te dévotion, elle doit être le salut du monde»; - et de ces paroles de Léon XIII: «Nous désirons de toute l'ardeur de notre âme que la dévo­tion au Sacré-Cœur de Jésus se propage et se répande sur toute la terre. Nous nourrissons la douce et ferme espérance que de grands biens ne manqueront pas d'émaner de ce divin Cœur, et qu'ils seront le remède efficace des maux qui affligent le monde» (Aux délégués de la Ligue du Sacré-Cœur, annales de Saint-Paul).

Ces paroles nous présagent de nouveaux actes et de nouveaux encoura­gements. Déjà le Souverain-Pontife Pie IX, sollicité par des millions de si­gnatures, présentées par des évêques au concile et renouvelées ensuite, pro­posa en 1875 une consécration générale qui se fit dans toutes les paroisses du monde, avec quel enthousiasme, vous vous en souvenez. - Ces hum­bles sollicitations demandaient plus. Elles demandaient la consécration offi­cielle de l'Eglise au divin Cœur et l'élévation de sa fête au rite le plus élevé. Gardons l'espoir de voir cette grâce nouvelle. Il faut que ce siècle puisse être spécialement béni de Dieu, et devienne le siècle du Sacré-Cœur.

Le Sacre-Cœur, grace de la france

Le Sacré-Cœur est le don de notre temps, mais il est plus spéciale­ment le don de la France.

Notre-Seigneur a aimé la France d'un amour de prédilection. Nous pouvons le dire sans orgueil. L'Eglise n'appelle-t-elle pas cette nation privilégiée sa fille aînée? Nous avons mérité, il est vrai, par notre ingrati­tude de perdre cette faveur, mais la miséricorde du Cœur de Jésus nous sauvera.

Notre-Seigneur a préludé à ce don merveilleux qu'il voulait faire à la France par d'autres faveurs qu'il lui a départies dans les siècles précédents. Il lui a donné d'abord les amis intimes de son Cœur: Lazare, Made­leine et Marthe, avec quelques-uns des disciples qu'il a le plus aimés, comme Maximin et Martial. Lazare apportait avec lui le présage de ce grand don. Marseille, où il a vécu, et Autun, où repose son corps, ne sont-ils pas les sièges des deux diocèses privilégiés du Sacré-Cœur, le diocèse des apparitions et celui où le Sacré-Cœur a été le plus honoré et a le plus fait éclater sa puissance par la cessation du grand fléau de la pe­ste en 1720?

Notre-Seigneur n'a-t-il pas donné la France à l'Eglise, comme il avait donné saint Jean à sa Mère, pour la protéger?

La France n'est-elle pas aussi le royaume de Marie? N'est-ce pas en­core en France, aujourd'hui, que l'on vient de tous les pays pour y trou­ver la Mère Immaculée de Jésus, en proclamant par là qu'elle est spécia­lement présente en nos sanctuaires? - Je laisse les autres faits qui ont préludé au don spécial du Sacré-Cœur, pour nous rappeler de suite le don lui-même. C'est au centre de notre France que Notre-Seigneur a ré­vélé cette dévotion, c'est à l'humble vierge de Paray.

Nul au monde ne nous conteste ce témoignage de l'amour du Sau­veur, c'est la France qui a reçu ce don. C'est elle qui a la première prati­qué et répandu cette dévotion.

Toutes les églises l'ont reçue de la France. Toutes lui rendent ce té­moignage. Les fidèles, les prélats du monde entier qui veulent témoigner au Sacré-Cœur leur reconnaissance de ce grand don, viennent à Paray, attirés par les souvenirs vivants et vivifiants de l'apparition. D'ailleurs, ce témoignage universel a son expression constante dans le sanctuaire de Paray. Ce sanctuaire, n'est-il pas, en effet, orné des bannières de toutes les nations?

Notre-Seigneur n'a-t-il pas dit lui-même qu'il voulait une union spé­ciale de la France avec son divin Cœur? Il lui a demandé la consécration spéciale de la France à son Cœur. Il lui a demandé une alliance spéciale marquée par un sanctuaire votif et rappelée même par les étendards de la nation.

Dites-moi, n'est-ce pas un touchant spectacle de voir, depuis deux siè­cles, cette dévotion occupée à faire le siège de la France? Il y a là un de ces grands mouvements de l'histoire qui échappent aux yeux des profa­nes. Le divin amant veut être aimé de cette nation qu'il aime.

C'est de 1675 que date la grande révélation de Paray. En 1689 déjà, bien des confréries sont érigées, et la Bienheureuse Marguerite-Marie essaie de faire parvenir au roi Louis XIV l'expression des voeux de Notre-Seigneur qui demande la consécration spéciale de la France au Sacré-Cœur. Mais de si grandes grâces sont ordinairement achetées par la souffrance.

En 1720, Marseille est ravagée par la peste; le Sacré-Cœur la délivre à la prière de son saint évêque. Marseille et les villes voisines se consa­crent au Sacré-Cœur.

En 1765, l'assemblée du clergé de France, sollicitée par la pieuse reine Marie Leczinska, demande au Saint-Siège l'établissement de la fête du Sacré-Cœur dans tous les diocèses de France. Le pieux dauphin obtient l'érection d'un autel au Sacré-Cœur à la chapelle royale de Versailles.

En 1792, l'épreuve rapproche encore la France du Sacré-Cœur, sans que le but soit pleinement atteint. Louis XVI prononce une consécration admirable au Sacré-Cœur, mais il n'est plus qu'un prisonnier. Les hé­ros de la Vendée portent l'image du Sacré-Cœur sur leur poitrine; ce n'est pas encore la nation.

En 1834, la belle dévotion du mois du Sacré-Cœur prend naissance en France. En 1848, le Cœur du bon Maître fait un nouvel appel secret au cœur de sa nation aimée.

Un nouveau mouvement national se produit, et dans une période de quatre années, cinquante-deux diocèses de la France se consacrent au Sacré-Cœur.

En 1856, les évêques de la France, réunis à Paris à l'occasion d'un baptême princier, sollicitent du Saint-Siège que la fête du Sacré-Cœur soit étendue au monde entier.

En 1869, pendant le concile, les membres de l'épiscopat français pro­voquent une demande au Souverain-Pontife, pour que l' Eglise entière soit solennellement consacrée au Sacré-Cœur et que la fête du Sacre­-Cœur soit élevée au plus haut rang de la liturgie. Ils n'obtiennent pas leur demande, mais leur pieux désir sera un jour exaucé.

A l'heure de nos épreuves nationales, toute la France catholique se tourne avec un élan nouveau vers le Cœur de Jésus. Ses demandes à la France et ses promesses de bénédiction reviennent à la pensée de tous. La consécration nationale, l'étendard, l'église votive, on eût voulu tout offrir à la fois au Sacré-Cœur pour attirer sa miséricorde.

On vit un bataillon d'élite arborer l'étendard sacré, faire des prodiges de valeur et donner un des plus beaux exemples du courage et de l'hon­neur français. C'était au premier vendredi de décembre 1870 qu'il ac­complissait à Patay son plus glorieux fait d'armes.

La pensée du Vœu national fermentait partout. Elle prit sa forme définitive après la paix, et fut bénie par Pie IX le 26 avril 1871.

L'année 1873 fut la grande année du Sacré-Cœur. Le monastère de Paray fut ouvert aux pèlerins.

Le mois de juin, à Paray, fut un mois d'enthousiasme lyrique. Tous les diocèses, toutes les grandes villes arrivaient en pèlerinage. Tous les grands orateurs sacrés se succédaient. Les catholiques s'efforçaient d'être là, comme s'ils étaient toute la France. Ils voulaient faire ce que le Sacré­-Cœur attend de la France. Le 20 juin, en face d'une foule immense réu­nie dans l'avenue de Charolles, Monseigneur l'évêque d'Autun lisait de­vant le Saint-Sacrement la consécration de la France au Sacré-Cœur de Jésus. Toute la foule répondit par ses acclamations. Le 23, l'Assemblée nationale semblait là toute présente. En son nom, le groupe des catholi­ques de l'Assemblée consacrait aussi la France au Sacré-Cœur.

Ce n'est pas tout, Monseigneur l'Archevêque de Paris se mettait à la tête de l'œuvre du Vœu national. Il demandait le concours de tout l'épi­scopat. Il faisait choix de la colline de Montmartre, prédestinée pour ce­la par la Providence, et demandait la consécration de ce choix par une loi qui était votée le 24 juillet.

C'était presque tout ce que Notre-Seigneur demandait, et cependant tout n'y était pas, mais ayons patience et confiance. Ce qui manque viendra; et il faut que cela vienne.

Notre-Seigneur l'a dit: «Mon Cœur régnera».

Il y a eu depuis un ralentissement au moins apparent dans notre élan. Cependant nous ne sommes pas inactifs. La basilique de Montmartre se construit. Sa première pierre a été posée le 16 juin 1873, au 200e anni­versaire de la grande apparition. Elle est vraiment nationale. Chaque année, la France catholique lui offre un concours d'un million de francs. Il se fait là comme un secret plébiscite national et une oeuvre mystérieu­se de salut. Chaque pierre de ce monument parle au Sacré-Cœur; un grand nombre de paroisses, de communautés, de familles de France ap­portent leur pierre à l'édifice. Les grands corps de l'Etat y ont leurs cha­pelles, fruit de leurs souscriptions, l'armée, la magistrature, les assem­blées, la marine, l'enseignement, le clergé.

Le vœu national s'accomplit.

La consécration nationale aussi, presque atteinte déjà tant de fois, s'est encore rapprochée de son accomplissement par la consécration de­venue complète dans nos diocèses.

Les diocèses qui étaient en retard se sont consacrés au Sacré-Cœur depuis 1870. Plusieurs ont renouvelé d'anciennes consécrations. Enfin le dernier, celui de Rouen, vient de faire la plus solennelle des consécra­tions ces jours derniers, à la suite d'un mandement, dans lequel Monsei­gneur l'Archevêque de Rouen résumait magnifiquement les espérances de cette belle dévotion. Ayons confiance, mes frères, il faut que la France devienne la France du Sacré-Cœur. Notre espérance s'appuie sur les promesses de Notre-Seigneur et sur le mystérieux froment de prière, de réparation et de pénitence dont Montmartre est le centre. Les adorations réparatrices ne cessent plus, là, ni la nuit ni le jour; et par les associa­tions bien des âmes s'y unissent de toute la France. La France sera bénie dans le Sacré-Cœur. La basilique qui s'achève nous laisse espérer l'ac­complissement de tout ce que la France doit au Sacré-Cœur. Je crois être vraiment patriote en désirant que la France, ma patrie, qui doit être religieuse, comme tout peuple doit l'être, au jugement même des philo­sophes, se consacre, quelle que soit la forme de son gouvernement, au Cœur de son Dieu pour obtenir sa miséricorde et sa bénédiction. Il faut que la France soit bénie dans le Sacré-Cœur.

Le Sacre-Cœur, grace de ce diocese

Je veux ajouter: il faut que chacun de nos diocèses soit béni dans le Sacré-Cœur. Tous nos diocèses se sont consacrés déjà l'un après l'autre au Sacré-Cœur. Cette consécration doit produire peu à peu tous ses fruits et le Sacré-Cœur doit régner effectivement dans nos diocèses. Chacun d'eux, ravivant ses traditions, doit se rappeler tous les témoi­gnages d'amour qu'il a reçu de Notre-Seigneur et lui manifester sa re­connaissance en honorant le divin Cœur avec tout le zèle dont il est ca­pable. Ce retour sur le passé, ce regard sur les dons si généreux du Cœur de Jésus, je ne puis le proposer ici que pour le diocèse de Soissons, qui est le nôtre, laissant à d'autres le soin de le faire pour les autres dio­cèses dé France. Il a toujours été cher à Notre-Seigneur, ce beau diocèse de Soissons et Laon.

Il a été évangélisé par les envoyés de saint Pierre, Sixte et Sinice, en même temps que les Eglises de Reims et de Trèves.

Il a eu les plus glorieux martyrs au IVe siècle, Quentin, Crépin et Crepinien. Soissons fut la capitale de Clovis et de Clotilde, et plus tard l'une des capitales de Charlemagne.

Les deux sièges de Soissons et Laon ont eu toute une série de saints pontifes. Quand l'ordre bénédictin couvrit l'Europe de ses plus belles fondations, si fécondes pour la civilisation chrétienne, notre diocèse eut une belle part. Citons aux VIe et VIIe siècles: les abbayes de Saint­-Crépin-le Grand, Saint-Medard et Notre-Dame à Soissons, Saint-­Vincent et Saint Jean à Laon, Homblières auprès de nous Aux IXe, Xe et XIe siècles: Coincy (dans le Soissonnais). Corbeny, Nogent, Saint­-Nicolas-au-Bois (dans le Laonnois), l'abbaye d'Isle, Saint-Prix, Origny, Ribemont auprès de nous, Saint-Michel et Fesmy en Thiérache.

Mais c'est surtout au XIIe, au XIIIe et au XIVe siècle que ce cher diocè­se devint un des plus beaux de la France et par conséquent un des plus beaux du monde.

Quel spectacle merveilleux, et que nous sommes petits devant ces âges de foi!

Alors s'élevèrent les cathédrales de Soissons et Laon, les collégiales de Saint-Quentin, de Saint-Vaast, de Mont-Notre-Dame, de Bazoches et tant d'autres.

Les grandes abbayes cisterciennes: Vauclair et le Sauvoir dans le Laonnois; Fervaques en Vermandois; Bohéries, Foigny, Montreuil en Thiérache; Longpont dont les grandes ruines nous aident à faire revivre ces temps merveilleux.

Les chartreuses si grandioses du Val-Saint-Pierre et de Bourg­-Fontaine; Cerfroid, source de l'ordre des Trinitaires, qui racheta plus de 90.000 esclaves chrétiens. - Les maisons si vivantes des chanoines ré­guliers: Prémontré, mère de quatorze maisons dans notre seul diocèse; Saint- Jean des Vignes de Soissons, Saint-Crépin, saint-Léger, Essom­mes, Saint-Martin de Laon, Braine, Chauny; le Mont-Saint-Matin, Bu­cilly, Clairfontaine, Thenailles; puis, les maisons des ordres mendiants, des Dominicains et des Franciscains; et nos collèges de Laon, de Sois­sons, de Saint-Quentin et autres; et les Hôtels-Dieu et les maladreries. Ce qui reste de ces grandes fondations nous révèle une prodigieuse acti­vité religieuse, et l'histoire de ce temps nous montre la part que tous y prirent dans la région, et les évêques de Soissons et Laon, et les sei­gneurs du Vermandois, de Coucy, de Guise, de Soissons, et toute l'ari­stocratie dont les fils et les filles entraient dans les cloîtres pendant que les chefs de familles contribuaient aux fondations; et les bourgeois des communes et les artisans et le peuple. Quelle belle époque que celle où tant de magnifiques églises offraient à Dieu ce culte majestueux! où deux ou trois cents religieux 'ou chanoines chantaient les louanges de Dieu dans ces sanctuaires resplendissants de fraîcheur et de jeunesse, où l' ari­stocratie donnait de tels exemples, où les corporations d'artisans étaient aussi pieuses que prospères!

L'effroyable guerre de Cent ans et les guerres de religion ruinèrent tout matériellement et moralement dans la région aux XIVe, XVe, XVIe et XVIIe siècles. Le XVIIe siècle vit une véritable résurrection. Les cloîtres se reformèrent et se relevèrent de leurs ruines.

La corruption et l'impiété du XVIIIe siècle ont amené les ruines nou­velles de la Révolution pendant que le jansénisme desséchait les cœurs. Maintenant ce beau diocèse se relève; il faut qu'il se relève davantage, et c'est par le Cœur de Jésus qu'il y arrivera. Notre-Seigneur nous en a donné le gage déjà, en nous donnant des pasteurs dévoués au Sacré­-Cœur.

Monseigneur Languet, contemporain de Marguerite-Marie, fut le premier évêque qui la comprit et qui approuva la dévotion au Sacré-­Cœur. Il inaugura cette dévotion à Soissons. Il sauva la cathédrale d'un incendie, par un vœu au Sacré-Cœur, et fonda, pour l'exécution de son vœu, la chapelle du Sacré-Cœur de la cathédrale, une des premières qui aient été érigées.

Il écrivit la vie de Marguerite-Marie, et il eut la gloire de souffrir pour cette dévotion, car il vit son mandement sur le Sacré-Cœur condamné par le jansénisme de Paris, et brûlé par le bourreau sur la place de Grève.

Monseigneur de Garsignies donna la plus grande solennité à la consé­cration de son diocèse au Sacré-Cœur, et vous, Monseigneur, vous ve­nez d'obtenir du Saint-Siège l'élévation de la fête du Sacré-Cœur au rite double de deuxième classe pour votre diocèse, et nous savons combien cette dévotion vous est chère.

Le Sacré-Cœur est le besoin de notre diocèse. Lui seul peut nous don­ner, à nous prêtres, un zèle brûlant et l'esprit de sacrifice. Lui seul peut gagner les âmes à la piété, à la fréquente communion, à l'esprit de répa­ration. Qui pourrait dire ce que cette dévotion a fait déjà de bien, ici à Saint-Quentin, où elle est si florissante, grâce surtout au zèle de Mon­sieur l'Archiprêtre; ce qu'elle fait de bien sur la surface de la France en­tière, dans tant de grandes et de petites cités, dont le clergé, entraîné par une noble et sainte émulation, semble rivaliser d'ardeur pour annoncer et glorifier le Sacré-Cœur?

Le Sacré-Cœur est le foyer de toutes vos oeuvres, mes frères; Notre­Seigneur, d'ailleurs, doit être content de vous. Vous avez, mes frères, l'honneur de posséder un des plus beaux monuments de l'art qui aient été produits en l'honneur du Sacré-Cœur; c'est votre splendide vitrail. Quand toutes les églises du diocèse, quand toutes les églises de France auront-elles un autel, une statue du Sacré-Cœur avec une confrérie, les adorations et les communions du premier vendredi du mois? Ce sera là le sel de la piété pour nos diocèses. La dévotion au Sacré-Cœur est le principe caché de toutes les oeuvres de charité et de zèle et la source du renouvellement de la foi. Pourquoi encore chaque diocèse n'aurait-il pas comme quelques-uns l'ont déjà, comme celui de Bourges, comme celui de Moulins, ceux de Bordeaux, de Cambrai, d'Arras, une église au Sacré-Cœur, qui soit un foyer local de cette dévotion?

Pour notre part, nous avons déjà les beaux pèlerinages de Notre­-Dame de Liesse, de Saint-Quentin, de la Saint-Face. Puissions-nous avoir aussi celui du Sacré-Cœur!

Notre-Seigneur, qui aime tant ce diocèse, le voudra, je l'espère. Mes frères, il faut que notre siècle soit le siècle du Sacré-Cœur. Il faut que la France soit la nation du Sacré-Cœur.

Il faut que notre diocèse soit spécialement béni du Sacré-Cœur.

Ou plutôt, ne parlons plus de notre diocèse en particulier. Pourquoi chaque diocèse n'aurait-il pas la noble ambition de surpasser tous les au­tres en amour et en dévouement et d'être la terre promise du Sacré-­Cœur? Et pourquoi chaque paroisse ne voudrait-elle pas à son tour l'emporter sur les autres en s'efforçant d'aimer davantage et de mieux servir le Cœur de Jésus? Emulation bénie, sainte jalousie, qui ravirait les Anges, sanctifierait le peuple chrétien, ferait violence à Dieu même et fléchirait sa justice, prête à frapper peut-être bientôt!

De même que, sur les hauteurs de Montmartre, au centre même de la ville incroyante et corruptrice, s'allume un grand foyer lumineux et ar­dent dont la France entière sentira les rayons, il faut que d'autres foyers partiels, allumés, partout, réchauffent au loin autour d'eux chaque pro­vince, chaque région, chaque diocèse: là surtout où l'iniquité a abondé, il faut que surabondent, avec le Cœur de Jésus, la rédemption, la misé­ricorde et l'amour.

Il faut, et Dieu veut que nous allions jusque-là, que l'image du Cœur de Jésus -pénètre dans chaque maison; qu'elle y soit placée avec hon­neur, qu'elle règne au foyer domestique, qu'elle le protège et le bénisse; il faut que la famille entière, réunie tous les jours devant ce signe sacré, y retrouve les vieilles traditions de religion et de prière qui avaient fait la France si grande, si belle, et tant aimée de Dieu.

Ce jour-là, la France aura reconquis les faveurs divines. Elle entraînera l'Europe et le monde entier dans cette voie de salut. Elle est une nation essentiellement apostolique: elle a été trop longtemps, par qulques-uns du moins de ses enfants égarés, l'apôtre de la Révolution, il faut qu'elle soit maintenant l'apôtre de la réparation par le Sacré-Cœur!

Connaisez-vous la touchante image qui représente la France sous les traits d'une vierge humiliée et découronnée fléchissant le genoux devant le Christ? D'une main elle se voile la face pour cacher ses larmes, de l'autre elle présente à son Dieu le Vœu National, la basilique de Mont­martre. Marie est à ses côtés, Marie qui aime tant la France et qui est tant aimée d'elle; avec une ravissante bonté, elle l'encourage et la pré­sente à son Fils; et Jésus, dont on voit resplendir et comme battre le Cœur sacré, s'approche, avec quel empressement et quel amour! pour recevoir le repentir de celle qui avait prévariqué, mais qui revient à son

Père et à son Epoux, de la France pénitente et dévouée au Sacré-Cœur de Jésus: Sacratissimo Cordi Jesu Gallia poenitens et devota, car ce seront les mots gravés sur le temple national pour perpétuer, à travers les âges, le solennel témoignage du repentir et de l'amour de la France.

Ce sera sa devise. Puisse son drapeau être celui qui a été consacré par le sang des martyrs de Patay et de Lojgny, le drapeau du Sacré-Cœur! Quelles espérances, mes frères! Verrons-nous des jours si beaux? Ah! travaillons tous à les préparer et à les hâter. A l'œuvre donc, vous tous qui sentez battre dans votre poitrine un cœur d'apôtre, un cœur capable de sacrifice et d'amour; pourquoi donc rester oisifs tout le jour pendant que les épis blanchissent pour la moisson, et que les ouvriers ne suffisent pas au travail? Soyez les apôtres du Sacré-Cœur dans le champ d'action que la providence vous a mesuré. Et si l'antique devise de vos ancêtres était: «Pour Dieu et la Patrie: Pro Deo et Patria, » la vôtre, votre cri de ralliement sera: Pour le Sacré-Cœur et la France!

Oui, c'est la volonté de Dieu. Le Pontife divin est venu apporter à la terre, à la France en particulier, cet aliment pour le feu sacré de la chari­té, et il veut que ce feu s'allume et brûle ardemment. Vos cœurs sont l'autel de ce feu sacré. Laissez bien ce feu s'y allumer. Oui, soyez les au­xiliaires de vos pasteurs pour cet apostolat. Travaillez à propager cette dévotion. Pratiquez-la avec amour. Qu'elle pénètre toute votre vie, pour l'embaumer de son parfum, la consacrer et la bénir. Puisse la bénédic­tion du Sacré-Cœur descendre sur vous, mes frères, par les mains de Monseigneur, et vous confirmer dans ces résolutions.

1)
1 Pet., 11, 25. Joan., X, 16.