DEUXIEME PARTIE
LA MAGNIFIQUE REVELATION DU SACRE-CŒUR
A PARAY-LE-MONIAL.
LE REGNE DU SACRE-CŒUR EST EN MARCHE DANS LES AMES, DANS LES FAMILLES ET DANS LES SOCIETES:
«DES ŒUVRES MULTIPLES, INSTITUTS RELIGIEUX
ET ASSOCIATIONS DIVERSES Y CONCOURENT».
UN DELUGE DE GRACES ACCOMPAGNERA
L'EXTENSION DE CE REGNE BENI.
Chapitre VI
La préparation prochaine
A. - Les initiateurs du XIIe siecle
Avant Saint Bernard, il y avait eu quelques témoignages timides de la dévotion au Sacré-Cœur, mais Saint Bernard en a été le grand initiateur. Il a été le théologien de cette dévotion et il l'a tirée tout entière de l'Ecriture Sainte. On pourrait le citer bien longuement, quelque passages suffiront.
Dans son Sermon 61, sur le Cantique des cantiques: «C'est avec confiance, affirme-t-il, que je prends dans les entrailles du Seigneur tout ce qui manque à ma faiblesse, parce qu'elles sont la source de la miséricorde, et il y a des passages par où elle se répand. Ils percèrent ses pieds et ses mains et ils ouvrirent son côté. Le fer transperça son âme et son Cœur s'est approché, afin de pouvoir compatir à mes infirmités. Les secrets de son Cœur me sont révélés par l'ouverture de son côté; le grand mystère de la piété nous est dévoilé; nos yeux contemplent les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, dans lesquelles il nous a visités».
Les leçons du 2e nocturne de l'office du Sacré-Cœur sont attribuées par le Bréviaire à Saint Bernard. La critique les restitue à Saint Bonaventure, mais on sait que le docteur séraphique s'inspirait beaucoup de Saint Bernard, dont les Sermons se copiaient à Paris.
Expliquant ce texte: «Il a regardé par les fentes de la pierre», et montrant que les fentes sont les plaies de Jésus-Christ, surtout celle du côté, à travers laquelle on voit son Cœur, le pieux auteur s'écrie:
«Qu'il est bon et agréable d'habiter dans le Cœur de Jésus! C'est un riche trésor, une perle précieuse, votre Cœur, ô bon Jésus!… qui rejettera cette perle? Je donnerai plutôt tout, j'échangerai mes pensées et les affections de mon cœur et j'achèterai cette perle, je jetterai toutes mes préoccupations dans le Cœur de Jésus et il prendra soin de moi.
A ce temple, à ce Saint des Saints, à cette arche du testament, j'adorerai en disant avec David: J'ai trouvé mon cœur pour prier mon Dieu.
J'ai trouvé le Cœur de mon Roi, de mon Frère, de mon bien-aimé Jésus.
Ne l'adorerai-je pas? Oui, je l'adorerai, car ce Cœur est à moi. Oui, j'ose le dire, si le Christ est mon chef ou ma tête, comment ce qui est de mon chef ne serait-il pas à moi?».
Le Sacré-Cœur de Jésus, source de miséricorde, trésor de la piété, asile et demeure de nos âmes, c'est bien là ce que Notre-Seigneur enseignera à Marguerite-Marie.
Saint Bonaventure. Les leçons du sixième jour de l'octave du Sacré-Cœur nous donnent une page de l'aiguillon d'amour (Stimulus amoris) attribué tantôt à Saint Bonaventure, tantôt à Saint Anselme ou à Eckleers, abbé de Schônau: «Il m'est bon d'être avec Jésus et je veux établir en lui trois tentes ou demeures, une dans ses mains, une dans ses pieds et une autre pour toujours dans son côté. C'est là que je veux reposer, dormir, vivre, boire, manger, lire, prier et traiter toutes mes affaires. Là je parlerai à son Cœur et j'obtiendrai de lui ce que je voudrai. En faisant ainsi, je suivrai les traces de ma très douce Mère, dont l'âme a été transpercée par le glaive de la passion de son Fils. Etant blessé avec Jésus je m'adresserai en toute sécurité à Marie et je l'inclinerai à ce que je voudrai. Et non seulement je me présenterai à elle, crucifié avec son Fils, mais revenant à la crèche avec lui je m'y ferai tout petit pour mériter de boire aux mamelles maternelles avec Jésus. Je mêlerai donc le lait de la Mère avec le Sang du Fils et je m'en ferai une douce potion».
Nous avons déjà cité le texte suivant de Saint Bonaventure: «S'il m'eût été possible d'être la lance du soldat qui perça le Cœur de Jésus, j'y serais demeuré, je n'aurais pu ni voulu m'en éloigner. J'aurais dit: C'est ici mon repos pour les siècles des siècles» (Off. du 7° jour de l'octave).
Le Cœur de Jésus, c'est la retraite où Saint Bonaventure veut demeurer, prier, méditer.
C'est la dévotion privée, telle que l'enseignera Notre-Seigneur à Paray.
B. - Les préliminaires immediats
Saint François de Sales (1567-1622). - Comme Sainte Jean-Baptiste fut l'ange qui prépara la voie au Messie, ainsi, disait Pie IX, Saint François de Sales fut l'ange qui prépara la manifestation du Sacré-Cœur.
C'est dans le Cœur de Jésus, qu'il faisait sa demeure habituelle; là il vivait dans une intime et amoureuse familiarité avec Dieu, au point de ne pas s'en laisser distraire par ses grandes occupations. Il aimait à redire: «Faites, Seigneur, que je demeure la nuit et le jour dans ce saint domicile. - Je vivrai et mourrai dans le Sacré-Cœur».
Cette dévotion s'exhale comme un parfum de ses lettres: «Je ne sais où vous serez ce Carême selon le corps, écrit-il à la baronne de Chantal, mais selon l'esprit j'espère que vous serez dans la caverne de la tourterelle, et au côté percé de notre cher Sauveur. Hier, je vous voyais; il me sembla que voyant le côté de Notre-Seigneur ouvert, vous vouliez prendre son Cœur pour le mettre dans le vôtre, comme un Roi dans un petit royaume, et bien que le sien soit plus grand que le nôtre, n'est-ce pas qu'il le raccourcirait pour s'en accommoder? Que le Seigneur est bon, ma chère fille, que son Cœur est aimable! Demeurons là, dans ce saint domicile, que ce cœur vive toujours dans nos cœurs!».
Il disait encore à Mme de Chantal: «Je présente votre cœur à Dieu en union avec celui de Jésus, notre Sauveur, en la sainte Messe. Il ne saurait le refuser, à cause de cette union en vertu de laquelle je fais l'offre».
Ecrivant à une personne sur la fête du Saint-Sacrement, il lui enseigne cette pratique envers le Sacré-Cœur: «Saluez souvent le Cœur de ce divin Sauveur qui, pour nous témoigner son amour, a voulu se couvrir des apparences du pain, afin de demeurer plus familièrement et plus intimement près de notre cœur».
Dans l'oraison dédicatoire qu'il a mise en tête de son beau traité de l'amour de Dieu, pour rendre ses prières plus efficaces, il prie par le Cœur de Jésus. Il s'adresse à la Sainte Vierge: «O Mère bien-aimée, je vous en conjure par ce Cœur de votre doux Jésus, qui est le Roi des cœurs, animez mon âme et celle de tous ceux qui liront cet écrit, de votre toute-puissante faveur».
Il est choisi, dans les desseins de la divine Providence, pour fonder l'Ordre de la Visitation, qui doit être comme la ruche et le sanctuaire du Sacré-Cœur, quand il fera ses grandes manifestations au monde. Il appellera les Religieuses de la Visitation les Filles du Sacré-Cœur; il les établira pour être les adoratrices et les imitatrices du Sacré-Cœur «où elles feront leur séjour, et qui sera leur raison d'être».
Le saint évêque voit sa petite Visitation «sortant du côté percé de Jésus-Christ» et appelée à l'honneur d'être «le sanctuaire de son Cœur adorable».
Le 10 juin 1611, le vendredi même après l'octave du Saint-Sacrement, jour qui sera choisi 64 ans après par Notre-Seigneur, pour être consacré au Sacré-Cœur, il écrivait à sa chère coopératrice: «Dieu m'a donné cette nuit la pensée que notre maison de la Visitation doit avoir ses armes, son blason, sa devise. J'ai pensé qu'il nous faut prendre pour armes un unique cœur, percé de deux flèches, enfermé dans une couronne d'épines, avec une croix qui le surmontera. Le Sauveur mourant nous a enfantés par l'ouverture de son Sacré-Cœur».
Au moment du départ de Mme de Chantal pour la fondation d'Annecy, Saint François de Sales lui écrit pour l'encourager: «M'est avis, ma fille, que désormais nous ne demeurerons plus en nous-même, mais que de cœur, d'intention et de confiance, nous nous logerons pour jamais dans le côté percé du Sauveur».
A ses filles réunies autour de lui dans ces premiers moments, il disait: «L'autre jour, en oraison, considérant le côté ouvert de Notre-Seigneur, et voyant son Cœur, il m'était avis que nos cœurs étaient tout à l'entour de lui, qui lui faisaient hommage, comme au souverain Roi de nos cœurs».
A l'une d'elles il écrit: «Mettez-le, votre cher cœur, dans le côté percé du Sauveur et l'unissez à ce Roi des cœurs qui y est comme en son trône royal et tient ainsi sa porte ouverte, afin que chacun puisse l'aborder et avoir audience».
A une autre, il dira: «Ma très chère fille, ne sommes-nous pas enfants et adorateurs du Cœur amoureux et paternel de notre Sauveur? N'est-ce pas sur ce fond que nous avons bâti nos espérances? Il est notre maître, notre roi, notre père, notre tout».
Le saint fondateur, dans ses règles et ses conseils, fait tout converger vers le Sacré-Cœur. Ainsi, parlant du prochain, il veut que ses filles ne le voient plus que «dans le Cœur de Jésus et comme à travers sa poitrine sacrée».
Enfin, il a réalisé le dessein conçu le 10 juin 1611. Il a donné pour armes et pour blason à son Institut le Cœur de Jésus couronné d'épines. Les Soeurs le porteront sur leur croix pectorale. Elles s'en inspireront dans toutes leurs actions. Les portes extérieures de leurs monastères le montreront au monde.
Sainte Chantal (1572-1641). - La dévotion au Sacré-Cœur animait toute la vie de Sainte Chantal, comme elle animait celle de Saint François de Sales.
Sous l'action du Sacré-Cœur, cette grande âme devint une des plus belles qui aient illustré l'Eglise. «Je ne sais si l'amour divin, disait un religieux, a jamais eu domination plus entière et plus absolue sur une âme, et s'il s'en pourrait trouver, en toute la terre, une plus abandonnée à l'amour divin». Saint François de Sales et Saint Vincent de Paul en tressaillaient d'admiration.
Peu après la mort de Saint François de Sales, sa sainte coopératrice recueillit avec une piété filiale tous les billets qu'elle avait reçus de son saint Directeur et les disposa en forme de méditations. Il en est une si explicite sur la dévotion au Sacré-Cœur, qu'on peut la regarder comme une prophétie. La Sainte y invite ses Sœurs à méditer sur l'honneur que Dieu leur fait de leur confier son Cœur.
«Cela est bien doux, dit-elle, que ce débonnaire Jésus nous ait choisies pour nous faire les Filles de son Cœur. Qu'avons-nous fait à votre bonté, ô mon Sauveur, pour nous avoir destiné ce bienfait de toute éternité?».
Secondant l'action de Saint François de Sales, Sainte Chantal donna par ses exemples et ses exhortations, une grande impulsion à la dévotion au Sacré-Cœur. Pendant les soixante années qui séparent sa fondation des révélations de Paray, on vit régner dans plusieurs monastères de la Visitation, un culte intime et profond du Sacré-Cœur, et Dieu l'encourageit par des faveurs extraordinaires.
Ainsi, à Annecy, une religieuse, qui voulait embrasser les pieds du crucifix, se voit attirée à la plaie du côté et dans le Cœur du Sauveur. A Turin, une Visitandine passe sa vie à adorer le Sacré-Cœur, à le prier. Elle entrevoit dans une lumière divine la vierge de Paray et annonce sa mission.
A Melun, une autre disait: «Ma demeure habituelle est dans la plaie du Cœur de mon Sauveur. Il me semble qu'il m'y tient renfermée et qu'il rend notre union toujours plus forte. Mon Jésus ne veut pas que mon cœur fasse sa demeure autre part que dans le sein de son Père ou dans son propre Cœur».
Ce n'était là toutefois qu'une dévotion privée, le culte public du Sacré-Cœur ne devait commencer qu'avec Marguerite-Marie.
Le P. Eudes et son temps (XVIIe siècle). - Le P. Eudes raconte que la Mère de la belle dilection a promis à un de ses serviteurs qu'elle enverra des étincelles du feu divin qui embrase son cœur virginal dans les cœurs de ceux qui célèbrent avec affection la fête de ce même cœur, afin de les réchauffer s'ils sont tièdes, et, s'ils sont enflammés, de les embraser de plus en plus en l'amour sacré (Le Doré, I, 45). - Les Annales de la Congrégation de Jésus et Marie disent que la Sœur Marie des Vallées eut une grande part par ses prières redoublées auprès de Dieu, pour obtenir le succès du dessein qui occupait l'esprit du P. Eudes, l'érection de sa Congrégation. Ayant prié cette Sœur de recommander cette affaire à Dieu, il en reçut cette réponse de Notre-Seigneur que l'établissement qu'il projetait lui était très agréable. La vie tout extraordinaire de la Sœur et ses voies surnaturelles furent examinées par un tribunal ecclésiastique présidé par Mgr Auvry, évêque de Coutances. Ce tribunal reconnut en la Sœur les marques d'une excellente vertu et il attesta qu'il y avait tout lieu de croire qu'elle avait été prévenue de grâces extraordinaires… Elle annonçait ainsi les grâces du Sacré-Cœur: «Spiritus Dei replevit orbem terrarum». Le Saint-Esprit mettra le feu de l'amour divin par toute la terre et fera son déluge. Car il y a trois déluges envoyés pour détruire le péché. Le premier, celui du Père, a été le déluge d'eau. Celui du Fils a été un déluge de sang. Celui du Saint-Esprit sera un déluge de feu. Il sera triste aussi parce qu'il trouvera beaucoup de résistance et quantité de bois vert difficile à brûler».
Le P. Eudes nous montre dans ce Cœur Sacré: Le sanctuaire et le centre des perfections divines; la règle et le modèle des vertus, notre trésor de grâces; un refuge pour les pécheurs; un modèle spécial d'humilité, mais sa charité surpasse tout. C'est une fournaise d'amour envers Dieu, envers sa divine Mère, envers la triple Eglise, envers chacun de nous.
Il nous manifeste son amour particulièrement dans les mystères de l'Incarnation, de la Passion et de l'Eucharistie (Cœur admirable, liv. XII. - Offices de 1672. - Circulaire sur la dévotion au Sacré-Cœur).
Le P. Eudes prêcha des missions aux châteaux de Versailles et de Saint-Germain devant Louis XIV et la reine Marie-Thérèse. Louis XIV lui fit remettre 2000 livres pour l'église du Sacré-Cœur à Caen.
La Sœur Mechtilde du Saint-Sacrement (Catherine de Bar), fondatrice des Bénédictines du Saint-Lac, rue du Bac, adoptait cette dévotion à l'instigation du P. Eudes et s'en faisait la propagatrice (1653). On y célébrait la fête du Sacré-Cœur de Marie. En 1661, la reine-mère, Anne d'Autriche, y assistait. Cet institut avait les plus hautes relations à la ville et à la cour. Il propagea la dévotion aux SS. Cœurs en France, en Italie, en Pologne.
Dans la vie de M. Boudon, on lit qu'il adopta avec ardeur la dévotion prêchée par le P. Eudes. Avec lui les premiers fondateurs de l'Œuvre des Missions étrangères se donnèrent à cette dévotion. Mgr de Montmorency-Laval s'y formait là avant de partir pour le Canada.
Les Bénédictines de l'abbaye de Montmartre avaient adopté la dévotion aux SS. Cœurs et signé un pacte d'union avec les Eudistes, le 25 mars 1661.
Tous les couvents de l'Ordre franciscain, les Carmélites, l'institut des Ursulines, la Congrégation des Religieuses de Notre-Dame l'embrassèrent avec ardeur.
Les Pères jésuites (Saint Jure et autres) l'adoptèrent. M. Olier (voir son Office de l'Intérieur de Jésus et de Marie) et Saint Vincent de Paul encouragèrent le P. Eudes.
Mgr Languet, archevêque de Sens et Mrg de Belzunce évêque de Marseille, devinrent les apôtres du Sacré-Cœur, l'un par la vie de Marguerite-Marie, l'autre par le voeu de 1722.
Les princes s'y unirent. Parmi les postulateurs on compta Marie, reine d'Angleterre; Auguste, roi de Pologne; Philippe, roi d'Espagne et Marie Leczinska, reine de France.
Objet de la Dévotion au Sacré-Cœur, d'après le P. Eudes
Lancea latus ejus aperuit et continuo exivit sanguines et aqua (S. Jean).
I. Préliminaires.
II. Objet sensible.
III. Objet spirituel.
I
L'objet adéquat et naturel de la dévotion envers Notre-Seigneur, c'est sa personne (S. Th. 3 p., q. 25 a. t).
Son Cœur est un objet spécial de notre dévotion, mais quel cœur? Le cœur, dans l'Ecriture Sainte, comme dans le langage vulgaire, est pris tantôt pour l'organe de la chair, tantôt pour l'intelligence, la volonté, tout l'intérieur de l'homme, mais surtout pour l'amour. Le P. Eudes donne des exemples de ces diverses acceptions dans son livre du Sacré-Cœur de Marie.
Dans la dévotion au Sacré-Cœur, l'acception du mot et par suite l'objet de la dévotion est double. C'est d'abord l'objet sensible ou le Cœur de chair. C'est en second lieu l'objet spirituel ou l'amour (S. Lig. - Vén. Eudes. - etc).
II
1° L'Objet sensible: le Cœur corporel.
1° Comme le corps de Jésus et mieux que les autres organes, parce qu'il est plus noble, le Cœur de Jésus est animé de l'âme adorable de Jésus; il a servi aux fonctions divines de l'âme déifiée du Fils de Dieu; il a été la victime immolée sur la croix:
«Ave cor, aula numinis, digna sedes Trinitatis, plenitudo deitatis».
2° Il est le principe de vie, le principe de toutes les fonctions corporelles et sensibles. Il est le calice précieux où se trouve le nectar qui enivre d'amour et qui fait de nous des dieux. «Calix inebrians, nectar deificans».
3° Il est l'organe, le siège des affections sensibles et des passions. C'est l'autel sur lequel le Souverain Prêtre offre continuellement diverses sortes de sacrifices: «norma patientiae, fornax amoris, altare dilectionis».
4° Il a été blessé pour nous. Il a été le centre des douleurs de Jésus; il a été blessé par la lance.
5° Il est le symbole et le siège de l'amour. Le Cœur corporel de Jésus est donc le premier objet du culte du Sacré-Cœur en soi et comme symbole (Ita Eudes, Nilles, Franciosi).
III
2° Objet: le Cœur spirituel et divin.
Le P. Eudes, Nilles, Grou distinguent encore le cœur spirituel (les facultés de l'âme et surtout l'amour) et le Cœur divin (l'amour incréé), Les docteurs et la liturgie nous disent que c'est surtout l'amour qui est honoré dans le Cœur spirituel de Jésus. Son amour a deux termes, son Père et les hommes, mais c'est son amour envers les hommes qui est le plus rappelé dans son culte. «Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes!».
Le Cœur divin de Jésus, c'est son amour incréé, qui est symbolisé comme l'amour créé par le cœur de chair. C'est l'amour incréé du Verbe; c'est aussi celui de la Sainte Trinité; c'est encore l'amour notionel, qui est le Saint-Esprit.
Le P. Eudes, Nilles, etc. disent que l'objet du culte du Sacré-Cœur est composé quoique indivisible. C'est ce triple Cœur qui ne fait qu'un seul cœur.
Item Croiset, Gallifet, Languet, quoiqu'ils donnent le Cœur spirituel
comme l'objet principal. En réalité c'est la personne qui est l'objet principal. Comme dignité, le cœur spirituel peut être considéré comme plus élevé que le cœur matériel.
La messe du P. Eudes est appelée la «Messe de feu». Son office est tout aussi ardent.
O cor amore saucium amore corda saucia amore nos inebria. (I Vesp). | O Christe, fornax cordium, immerge flammis supplices, amor, vorax amantium, fac nos amoris martyres. (II Vesp). |
La dévotion aux Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie est l'affirmation du dogme fondamental du catholicisme: Dieu est amour: Deus caritas est (S. Jean, IV, 16); c'est l'explication dernière de toute l'économie de l'Incarnation, de la Rédemption et de l'Eglise, «Sic Deus dilexit mundum» (Id. IV, 16); c'est tout l'esprit de l'Evangile: confiance, espérance et amour: «diliges ex toto corde tuo». Elle est Jésus aimant et aimé par Marie et avec Marie. «L'amour en est l'objet, l'amour en est le motif, l'amour en est la fin» (Mgr Languet, Vie de Marguerite-Marie).
Quelques personnes voulaient imprimer aux Congrégations fondées par le P. Eudes un cachet de pénitence et d'austérité que semblait réclamer le but même de l'œuvre (la réparation). Le P. Eudes s'y opposa énergiquement et il ne voulut d'autre modèle, d'autre esprit que celui de Saint Augustin, de Saint François de Sales et de la Visitation, c'est-à-dire un esprit de mansuétude et de miséricorde: sentiments qui prédominent dans le Cœur de Jésus et dans celui de sa Mère (Le Doré, 1, 65).
En 1641, dans l'octave de la Nativité de la Sainte Vierge, le P. Eudes forma le dessein de l'établissement de sa Congrégation. Et dans la même octave, ayant prié la Sœur Marie des Vallées de recommander cette affaire à Dieu, il en reçut cette réponse de Notre-Seigneur: «que l'établissement qu'il projetait lui était très agréable; que c'était lui-même qui le lui avait inspiré; qu'il le bâtirait sur trois fondements: la grâce, qui serait donnée à tous ceux qui y entreraient pour être du corps de sa Congrégation; sa divine volonté qui y voulait faire sa demeure; et la croix qui voulait y donner ses trésors». La Sœur Marie ajouta que «la Sainte Vierge y voulait aussi faire présent de trois de ses filles, qui étaient la sobriété, la chasteté et l'humilité». Dans la suite, la Sœur Marie des Vallées écrivit de nouveau et communiqua plusieurs fois au P. Eudes les desseins et les volontés de Dieu par rapport à cet institut (Annales de la Congrégation). Testament du P. Eudes, art. 10. «De toute l'étendue de ma volonté, je me donne à l'amour incompréhensible, par lequel mon Jésus et ma toute bonne Mère m'ont donné leur très aimable Cœur, d'une manière spéciale; et en union de ce même amour, je donne ce même Cœur comme une chose qui est à moi et dont je puis disposer pour la gloire de mon Dieu. Je le donne à la petite Congrégation de Jésus et Marie pour être le partage, le trésor, le patron principal, le cœur, la vie et la règle des vrais enfants de cette Congrégation, comme aussi je donne et je dédie cette même Congrégation à ce divin Cœur, pour être consacrée à son honneur et à sa louange, dans le temps et dans l'éternité, suppliant et conjurant tous mes bien-aimés frères de s'efforcer d'y rendre et faire rendre tout l'honneur qui leur sera possible, d'en célébrer les fêtes et les offices aux jours marqués dans notre propre avec la plus grande dévotion qu'ils pourront, et de faire quelques exhortations sur ce sujet dans toutes les missions; de s'étudier à imprimer dans tous leurs cœurs une image parfaite de ce très Saint Cœur, de le regarder et de le suivre comme la règle primitive de leur vie et de leurs déportements; et de se donner à Jésus et Marie dans toutes leurs actions et exercices, pour les faire dans l'humilité et dans toutes les autres dispositions du Cœur de Jésus et de Marie, afin que, par ce moyen, ils aiment et glorifient Dieu avec un cœur qui soit digne de Dieu: «Corde magno et animo volenti», et qu'ils soient selon le Cœur de Dieu et les vrais enfants du Cœur de Jésus et Marie.
Art. 15. - «S'ils sont fidèles à leur vocation, le Fils et la Mère les aimeront, protégeront, béniront en toutes manières…».
Dans les Saintes Ecritures le mot cœur a des sens bien divers; il représente tantôt le cœur charnel, tantôt la mémoire, l'entendement, la volonté; ailleurs le même mot désigne ce que Saint François de Sales appelle la fine pointe de l'esprit; tout l'intérieur de l'homme ou même la personne du Saint-Esprit ou celle du Fils de Dieu. - Le P. Eudes admet tous ces sens; mais, pour spécifier davantage, il distingue trois cœurs qui n'en font qu'un seul, les cœurs corporel, spirituel et divin.
Le Cœur corporel de Jésus est adorable comme son Corps sacré en vertu de l'union hypostatique. - Il a été formé du sang de Marie par l'opération du Saint-Esprit. - Il a été animé et vivifié par la sainte âme de Jésus et par sa divinité. - Il est devenu le Cœur du Verbe de Dieu. - Il a été uni au Verbe incarné dans tous ses actes et ses opérations. - Le cœur est le principe ou du moins l'organe principal de la vie et de toutes les fonctions du corps et des sens. - Il est la source d'où est sorti le sang qui nous a rachetés. - Il est l'autel où le feu du divin amour a brûlé pour Dieu et pour les hommes.
Le cœur spirituel, c'est toute la partie supérieure et intellectuelle dé l'âme, mais c'est plutôt la volonté et plus spécialement encore l'amour. Ses excellences sont la pureté infinie, les brillantes clartés de la nature et de la grâce qui l'ont élevé aux plus hauts sommets de la perfection.
C'est surtout son amour que Notre-Seigneur propose à notre culte et pour lequel il demande l'amour de retour et la reconnaissance.
Son Cœur divin, c'est son amour incréé. C'est sa divinité tout entière: «Dieu est amour». C'est aussi l'Esprit-Saint de qui il a été conçu, qui repose sur lui et qui est comme l'âme et le cœur de son cœur.
Ce triple Cœur, qui n'en fait qu'un, est l'objet de notre culte et de notre amour.
Tout cet enseignement du P. Eudes est bien conforme à celui de Marguerite-Marie, il en est comme la préface.
Chapitre VII
La révélation du Sacré-Cœur a Paray:
le culte public
La mission de Marguerite-Marie
C'est une grande mission, un tissu de merveilles, dont le nombre et la sublimité placent l'apôtre du Sacré-Cœur à l'un des premiers rangs parmi les extatiques de l'Eglise.
La sainte Sœur était effrayée d'un pareil flot de grâces: «Une fois, dit-elle, comme j'étais dans un abîme d'étonnement, de ce que tant de défauts et d'infidélités que je voyais en moi n'étaient pas capables de rebuter mon divin Maître, il me fit cette réponse: C'est que j'ai envie de te faire comme un composé de mon amour et de mes miséricordes».
Quel est l'objet de cette mission? Le règne du Sacré-Cœur. Comment arriver à ce règne?
1° par l'établissement du culte public du Sacré-Cœur;
2° par l'extension et l'intensification du culte privé.
Pendant vingt ans Notre-Seigneur prodigue ses lumières et ses grâces à Marguerite-Marie, mais tout tend à ce but que nous venons de résumer.
Notre-Seigneur veut régner par son divin Cœur.
Tout le but des œuvres divines dans le monde est le règne de Jésus-Christ. «Il faut qu'il règne!» comme le dit Saint Paul.
Malgré les efforts de l'enfer, malgré les défaillances de l'humanité, il régnera, il s'achemine vers son règne. Il ne va pas à la conquête de son royaume par les armes, comme fait Mahomet, c'est aux cœurs qu'il vise, il veut les gagner à son amour. Longtemps le signe de la croix y suffisait.
Comme le dit un pieux eucologe, Jésus se montrait partout, les bras ouverts pour nous recevoir, les pieds cloués pour nous attendre, la tête inclinée pour nous embrasser, et tous les peuples allaient à Celui qui est mort pour nous.
Mais, comme dit le P. Yenveux au XVIe et au XVIIe siècles, le protestantisme, le jansénisme, le philosophisme et les sociétés secrètes ayant affaibli parmi les peuples le prestige sacré de la Croix, on vit alors la désertion éclaircir les rangs de la milice du divin Crucifié et l'indifférence se glisser, comme un venin mortel dans le cœur du peuple chrétien. Pour rappeler à lui les déserteurs et pour ranimer la ferveur de ses serviteurs fidèles, Notre-Seigneur présenta alors au monde, comme un nouveau moyen de salut, son Cœur Sacré, ouvert par la lance, entouré par la couronne d'épines et surmonté par la Croix.
«Mon divin Sauveur, dit Marguerite-Marie, me fit connaître que: Cette dévotion était un dernier effort de son amour, qui voulait favoriser les chrétiens en ces derniers siècles, leur proposant en même temps un objet et un moyen si propres pour les engager à l'aimer, et à l'aimer solidement».
Notre-Seigneur veut donc dans les derniers siècles régner par son Cœur plein d'amour, comme dans les premiers il a régné par sa Croix. «Le Sacré-Cœur veut établir son règne, écrit Marguerite-Marie, et il m'a dit: je régnerai».
«Oui, le Sacré-Cœur régnera, ajoute-t-elle; il régnera malgré ses ennemis!». Il régnera, intérieurement dans les cœurs par l'amour, par la compassion et l'imitation; il régnera extérieurement dans les sociétés, par les hommages publics qui lui seront rendus.
Le règne privé du Cœur de Jésus a toujours existé à quelque degré dans le cœur des Saints, qui savaient pénétrer en esprit dans la blessure du côté de Jésus pour y trouver son Cœur et lui offrir leur amour. Mais ce culte privé devait se généraliser et devenir plus intense, en même temps que le culte public gagnerait toute l'Eglise et toutes les nations.
A. Quelles seraient donc les formes de ce culte public que Marguerite-Marie avait pour mission de demander au monde?
On Peut les ramener à dix.
Le culte est guidé par les images. L'Ancien Testament n'en avait pas parce que le Dieu créateur est pur esprit. Mais après la rédemption, il était opportun de voir l'image de notre Sauveur pour nous aider à l'aimer. La tradition nous le présenta d'abord sous la figure du Bon Pasteur. Après Constantin, l'Eglise arbora et honora partout le Crucifix. Maintenant que Jésus demande plus d'amour et de compassion, il nous montre son Cœur adorable, symbole de son amour et source du sang rédempteur.
Notre-Seigneur veut que l'image du Sacré-Cœur soit honorée partout. Il en propose le culte aux fidèles, aux nations, à l'Eglise tout entière. Il veut faire de cette image l'instrument et le signe de sa miséricorde sur le monde; il veut s'en servir pour le renouvellement religieux dé la société, la régénération des familles et la sanctification des âmes.
C'était le point de départ de la mission de Marguerite-Marie. Le culte de l'image préparait le reste. Elle y consacra tout son zèle, et sa caractéristique dans l'iconographie chrétienne est une image qu'elle tient à la main.
Notre-Seigneur dans ses diverses apparitions indiqua deux manières de représenter son divin Cœur: le Cœur seul ou le Cœur sur sa poitrine. Le Cœur sur la poitrine du Sauveur, c'est l'image pour nos sanctuaires, pour nos autels.
Le Cœur isolé, c'est un symbole héraldique pour les étendards et pour les armoiries.
Le Sacré-Cœur est toujours accompagné de signes ou d'emblèmes symboliques: la plaie, les flammes, la couronne d'épines et la croix. Rappelons seulement la plus belle des manifestations de NotreSeigneur relativement à cette image:
«Le jour de la fête de Saint Jean l'Evangéliste, écrit la Sainte, en 1674, après avoir reçu de mon divin Sauveur une grâce a peu près semblable à celle que reçut le soir de la Cène, ce disciple bien-aimé, mon divin Maître me fit connaître que le grand désir qu'il a d'être parfaitement aimé des hommes lui a fait former le dessein de leur manifester son Cœur et de leur ouvrir tous les trésors d'amour, de miséricorde, de grâce, de sanctification et de salut que ce Cœur contient, afin que tous ceux qui voudront lui rendre et lui procurer tout l'amour et tout l'honneur qu'il leur sera possible, soient enrichis avec profusion de ces trésors. Il m'assura qu'il prendrait un plaisir singulier d'être honoré sous la figure de ce Cœur de chair dont il veut qu'on fasse une image… ».
Et ce fut seulement dix ans plus tard que la Sainte parvint à faire rendre hommage par ses novices au nouveau Labarum sur l'autel du noviciat!
Mais depuis, où l'image bénie ne se trouve-t-elle pas? Elle a envahi le monde. Il n'y a plus guère une église où on ne la trouve pas. Elle est à tous les foyers. Elle sera partout le signe de bénédiction, comme la croix et avec la croix.
Notre-Seigneur voulait que l'image de son Sacré-Cœur fût honorée. La Sainte comprit qu'il fallait lui élever des autels et des sanctuaires. Oh! que ce fut long à réaliser!
Comme nous venons de le dire, une image du Sacré-Cœur fut honorée en 1685 sur l'autel du noviciat de Paray et, en 1686, sur l'autel de la communauté, dans le chœur des religieuses.
A la fin de l'année 1686, la chère Sœur obtint de ses supérieures et de l'évêché que l'on commençât la construction d'une modeste chapelle au Sacré-Cœur dans le jardin. La chapelle fut bénite solennement le 7 septembre 1688 avec le concours du clergé de Paray.
C'était un grand pas. Comprenant toute l'importance des autels et des chapelles pour l'extension du culte du Sacré-Cœur, et voulant répondre à l'un des ardents désirs de ce divin Cœur, la Sainte mit le plus grand zèle à multiplier ces oratoires. Elle eut la joie de voir sa pensée comprise et réalisée, non seulement dans les communautés de la Visitation de Saumur, de Moulins et de Dijon, mais aussi dans quelques paroisses.
Et maintenant, chaque grande ville a son église du Sacré-Cœur. Beaucoup de paroisses nouvelles et de missions sont dédiées au Sacré-Cœur. Les autels ne se comptent plus, presque chaque église a le sien. Et ce ne sont pas des sanctuaires muets et déserts que demandait Notre-Seigneur. Il voulait des églises vivantes et des autels entourés de fidèles. Il voulait le culte populaire des pèlerinages et des supplications publiques.
La Sainte Sœur l'a compris. Elle allait en pèlerinage au petit sanctuaire du jardin et elle y conviait ses Sœurs. C'était sa manière de solliciter des grâces.
En mars 1689, elle écrivait à la Sœur de la Barge: «J'ai fait pour vous un pèlerinage à notre chapelle du Sacré-Cœur».
Les pèlerinages! Comme ils se sont multipliés depuis quarante ans, surtout à Paray-le-Monial et à Montmartre, et comme ils étaient beaux à certains jours!
Notre-Seigneur voulait aussi que l'Eglise universelle rendît à son divin Cœur le bel hommage de la liturgie.
«Etant une fois devant le Saint-Sacrement, raconte la Sainte, un jour de son octave (juin 1675), je reçus de mon Dieu des grâces excessives de son amour, et me sentis touchée du désir de lui rendre amour pour amour. Il me dit: «Tu ne peux m'en rendre un plus grand qu'en faisant ce que je t'ai déjà souvent demandé.
En reconnaissance de l'amour que j'ai témoigné aux hommes, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges et par les froideurs et les mépris qu'ils ont pour moi dans ce sacrement d'amour. C'est pour cela que je te demande que le vendredi après l'octave du Saint-Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon Cœur».
Notre-Seigneur voulait une octave de réparation, après l'octave d'amour et de reconnaissance.
«Ce jour-là, dit-il, on honorera mon Cœur en communiant et en lui faisant réparation d'honneur par une amende honorable, pour réparer les indignités qu'il a reçues pendant le temps qu'il a été exposé sur les autels».
Il en coûta beaucoup à la Sainte Sœur pour réaliser ce désir de Notre-Seigneur. La prudence de l'Eglise amena des atermoiements, et le démon se mit à la traverse du projet.
En 1687, une supplique fut adressée à Rome par le monastère de Dijon, mais la requête fut ajournée. La réponse n'était cependant pas décourageante. Le Saint-Siège y disait qu'avant d'intervenir lui-même dans cette affaire, il convenait que, d'après les lois liturgiques alors en vigueur, les évêques commençassent par instituer dans leurs diocèses le culte public du Sacré-Cœur, et qu'ensuite, Rome pourrait examiner s'il est avantageux d'étendre la fête à l'Eglise universelle. C'est ce qui fut fait.
En 1689, Mgr l'évêque de Langres, duquel dépendait alors la ville de Dijon, autorisa la fête et l'office pour la Visitation de Dijon. On se servit de la messe et de l'office composés par la Sœur Joly avec la concours de M. Charolais, aumônier du couvent. La Sainte fut transportée de joie en apprenant la solennité donnée à la fête du Sacré-Cœur à Dijon.
Notre-Seigneur fit connaître à la Sainte que le roi Louis XIV pourrait intervenir efficacement à Rome, mais le roi n'en fit rien.
La Sainte Visitandine mourut en 1690.
Le premier acte pontifical fut un décret d'Innocent XII, qui accordait une indulgence plénière pour la fête du Sacré-Cœur aux églises de la Visitation autorisées par les Ordinaires à célébrer cette fête.
Ce fut seulement en 1765, à la suite de multiples sollicitations de beaucoup de princes et d'évêques que le Pape Clément XIII permit de célébrer la fête du Sacré-Cœur, avec messe et office propres, en Pologne, dans les églises où l'Archiconfrérie romaine du Sacré-Cœur était établie et dans celles qui en feraient la demande au Saint-Siège.
On sait le reste. Pie IX étendit cette fête à toute l'Eglise, en 1856, à la demande des évêques de France.
Le 28 juin 1888, Léon XIII éleva la fête au rite double de première classe.
Notre-Seigneur demande une fête mensuelle du Sacré-Cœur, le premier vendredi de chaque mois. Il demande pour ce jour-là trois pratiques spéciales:
La messe, dite ou entendue en l'honneur de ce divin Cœur.
La Communion réparatrice; «Une fois que le Saint-Sacrement était exposé, dit Marguerite-Marie, Notre-Seigneur Jésus-Christ se présenta à moi tout éclatant de gloire et me découvrant son tout aimable Cœur, il rue dit: Sois attentive à ce que je te demande: Tu communieras tous les premiers vendredis de chaque mois, pour réparer, autant qu'il t'est possible, les outrages que j'ai reçus au Très-Saint-Sacrement pendant le mois».
L'amende honorable unie à la consécration. La Sainte indique les circonstances où il convient de faire ces actes: A la fête du Sacré-Cœur, le premier vendredi du mois et chaque fois qu'on est témoin d'une offense faite à Dieu.
Notre-Seigneur demande en outre que chaque vendredi on honore d'une façon spéciale sa Sainte Passion.
«Un vendredi, pendant la sainte Messe, écrit la Sainte, je me sentis un grand désir d'honorer les souffrances de mon Epoux crucifié. Il me dit qu'il désirait que, tous lés vendredis, je vinsse l'adorer trente-trois fois sur l'arbre de la Croix, qui est le trône de sa miséricorde; me prosternant humblement à ses pieds et tâchant de me tenir en la même disposition où était la Sainte Vierge au temps de la Passion, offrant tout cela au Père éternel avec les souffrances de son divin Fils, pour lui demander la conversion des cœurs endurcis. Pour ceux qui se rendront fidèles à cette pratique, il leur sera favorable à la mort».
Une infinité de paroisses et de communautés répondent à ce désir du Sacré-Cœur.
Notre-Seigneur a demandé à plusieurs reprises notre consécration à son, divin Cœur. Il la demande à tous, à l'Eglise, aux nations, aux fidèles.
La consécration est l'acte par lequel nous nous soumettons librement
à la royauté du Cœur de Jésus.
La consécration doit être la donation complète de nous-mêmes à Notre-Seigneur, à son service et à son bon plaisir.
Elle doit se faire avec une certaine solennité, dans une retraite, ou le premier vendredi du mois, ou à quelque fête.
«Le Sacré-Cœur de Notre-Seigneur, dit la servante de Dieu, m'a fait connaître qu'il demande que ses amis lui donnent tout, car il veut tout ou rien. Il me presse de vous dire que vous ne craigniez pas de vous abandonner à lui sans réserve».
«Offrez-vous à lui, dit-elle, comme un esclave à son libérateur… Laissez-le faire tout ce qu'il voudra de vous. Il faut vous établir un règne de paix dans ce divin Cœur et vous laisser conduire par lui et en lui comme dans une barque assurée…
Il faut faire au Sacré-Cœur un entier sacrifice de votre cœur. Il prétend s'en rendre l'unique possesseur.
Un jour, dit-elle, que j'implorais ce divin Cœur pour un chrétien qu'on avait recommandé à mes prières, Notre-Seigneur me dit: Je ne retirerai jamais ma miséricorde de son âme, s'il se dévoue à rendre un hommage particulier à mon Cœur, et si tous les vendredis il entend une messe ou en fait dire une, pour se mettre, lui et tout ce qui lui appartient, sour la protection de ce Cœur, disant tous les jours l'acte de consécration».
Cette consécration, Notre-Seigneur la demande non seulement aux fidèles isolés, mais à tous les groupements, aux familles, aux paroisses, aux communautés religieuses.
La Sainte a laissé une formule pour ces consécrations collectives: «O Seigneur Jésus, saint et doux amour de nos âmes, qui avez promis de vous trouver là où deux ou trois seraient assemblés en votre nom et de tenir le milieu entre eux, voici, ô divin et très aimable Jésus, nos cœurs unis d'un même amour pour adorer, louer, aimer, bénir votre très Saint et Sacré Cœur et lui plaire. Nous lui dédions ensemble et consacrons, pour le temps et l'éternité, les nôtres: renonçant pour jamais à tout l'amour et à toutes les affections qui ne sont pas dans l'amour et l'affection de votre Cœur adorable; désirant que tous les désirs, souhaits et aspirations des nôtres soient toujours conformes au bon plaisir du vôtre, que nous désirons contenter autant que nous en sommes capables. Mais comme nous ne pouvons rien de bon de nous-mêmes, nous vous supplions, ô très adorable Jésus, par l'infinie bonté et douceur de votre Sacré-Cœur, de soutenir nos cœurs et les confirmer dans la résolution que vous leur faites faire pour votre amour et votre service…».
Ces consécrations collectives, combien elles se sont multipliées et généralisées! On les a faites dans les communautés religieuses, dans les familles, dans les paroisses, dans les diocèses.
Léon XIII a invité le monde entier à la faire au commencement du siècle et elle se renouvelle partout à la fête du Sacré-Cœur. Benoît XV a donné une impulsion puissante à la consécration des familles.
Toute la vie et tous les écrits de Marguerite-Marie indiquent les visites et les adorations eucharistiques comme un des hommages les plus importants que réclame le Sacré-Cœur. Jésus est là. Son Cœur est là pour nous témoigner son amour et nous offrir ses grâces, refuserons-nous d'aller à lui?
Marguerite-Marie passait tous ses temps libres devant le tabernacle. elle recommandait sans cesse les visites et les adorations et elle en donnait la méthode.
«Pendant les visites que nous ferons au Sacré-Cœur, au Saint-Sacrement, dit-elle, Notre-Seigneur Jésus-Christ désire que nous soyons la Sulamite, l'épouse bien-aimée, honorant la vie de consommation et d'amour de ce divin Cœur au Saint-Sacrement.
Il sera content de nous si nous nous tenons devant lui comme un cierge ardent, n'ayant d'autre désirs que de nous consumer en l'honorant et en vivant de cette vie d'amour…
Toutes les fois que nous visiterons le Saint-Sacrement, ajoutait-elle, nous lui ferons cinq pratiques de cette vie d'amour».
Ces pratiques, le P. Croiset les a ainsi résumées, en s'inspirant sans doute de la Sainte Visitandine:
a) Après avoir salué Notre-Seigneur avec tout le respect que demande sa présence réelle, on s'unit à lui et à toutes ses divines opérations dans la Sainte Eucharistie, où il ne cesse d'adorer, le louer et bénir son Père au nom de tous les hommes, en même temps qu'il intercède pour nous et qu'il répare nos fautes.
b) On offre au Père éternel Jésus-Christ, son Fils, comme la seule victime digne de lui, et par laquelle nous pouvons rendre hommage à son suprême domaine, reconnaître ses bienfaits, satisfaire à sa justice, et obliger sa miséricorde à nous secourir.
c) On s'offre soi-même à Dieu par Jésus-Christ.
d) On s'offre à Jésus-Christ pour s'unir étroitement à lui, le priant de nous faire entrer dans son esprit, dans ses sentiments, surtout dans son Sacré-Cœur pour n'en sortir jamais.
e) On finit par une communion spirituelle, accompagnée d'une consécration parfaite de toutes ses affections et de ses désirs au Sacré-Cœur. Ces adorations se sont organisées partout; dans ce courant de grâces, plusieurs congrégations adoratrices se sont fondées. Montmartre a son adoration du premier vendredi. La garde d'honneur et d'autres associations font régner l'adoration quotidienne. Ce n'est pas encore assez, mais l'appel de Notre-Seigneur n'est pas resté sans écho.
Parmi les principales pratiques de dévotion générale et publique demandées par Notre-Seigneur, il faut encore compter l'acte d'amende honorable et de réparation au Sacré-Cœur.
Notre-Seigneur dit un jour à Marguerite-Marie: «Je demande qu'on fasse à mon Cœur réparation d'honneur par une amende honorable pour réparer les indignités qu'il a reçues».
L'amende honorable se fait par la lecture d'une formule de réparation pour tous les outrages faits au Cœur de Jésus, soit par nous-mêmes, soit par les hommes, nos frères. «Il faut la faire, dit le P. Croiset, après la communion ou devant le Saint-Sacrement».
Dans beaucoup de paroisses et de communautés, on la fait au salut les premiers vendredis du mois, et dans les communautés réparatrices tous les jours au salut ou même deux fois par jour, matin et soir.
Les formules ne manquent pas, il y en a une de Sainte Marguerite-Marie, une du P. Croiset et d'autres encore qui sont approuvées par les évêques.
Ce sont ces demandes instantes de Notre-Seigneur qui ont suscité les associations et congrégations réparatrices et les diverses communautés de Victimes du Sacré-Cœur, celles de Marseille, de Villeneuve, de Saint-Quentin.
Aux pratiques de réparation, il faut joindre l'Heure Sainte, qui se fait le jeudi soir. Elle est devenue, dans beaucoup de communautés et dans quelques églises un exercice commun et public. L'Eglise y a attaché des indulgences.
Rappelons ce que doit être cet exercice: «Vers 1673, dit la Sainte, mon divin Maître me dit que toutes. les nuits du jeudi au vendredi, je me lèverais à l'heure qu'il me marquerait pour réciter cinq Pater et cinq Ave Maria, prosternée contre terre, avec cinq actes d'adoration qu'il m'avait appris, pour lui rendre hommage dans l'extrême agonie qu'il souffrit, la nuit de sa Passion».
«Une autre fois, ce Souverain de mon âme me commanda de veiller, durant une heure, toutes les nuits du jeudi au vendredi, tant pour apaiser la divine colère, en demandant miséricorde pour les pécheurs, que pour adoucir en quelque façon l'amertume qu'il ressentit de l'abandon de ses apôtres…».
La Sainte a compris, plutôt par impression que par révélation, qu'il fallait offrir au Sacré-Cœur des associations et confréries.
«Si l'on pouvait faire une association de la dévotion au Sacré-Cœur, écrivait-elle au P. Croiset, je pense que cela ferait un grand plaisir à ce divin Cœur».
Elle se mit à l'œuvre pour s'unir à quelques âmes ferventes dans le but d'honorer le Sacré-Cœur. Elle eut bientôt gagné ses novices, quelques Pères de la Compagnie de Jésus et plusieurs Sœurs de la Visitation de Dijon et de Moulins. Ses lettres témoignent de son zèle pour augmenter le nombre et entretenir la ferveur des associés. «Tâchons d'attirer autant de cœurs que nous pourrons à notre petite association, écrivait-elle à la Mère de Saumaise; demandons-en la grâce au Sacré-Cœur de Notre-Seigneur».
Le P. Eudes avait déjà fondé une association à Coutances, dans une chapelle dédiée aux Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie. La Sainte Visitandine s'empressa d'établir des associations partout où s'étendait son influence: à la Visitation de Paray, à la paroisse de Bois-Sainte-Marie, à la Visitation de Saumur, à celle de Moulins, à celle de Dijon. Cette dernière fonda une société d'Adorateurs perpétuels. qui compta bientôt des milliers d'associés. On s'y engageait à passer une heure chaque année devant le Saint-Sacrement ou devant le Crucifix, «pour méditer sur les sentiments du Cœur de Jésus. Cette association fut enrichie d'indulgences par Innocent XII.
Ses pratiques étaient:
a) Une heure d'adoration à un jour déterminé;
b) le rendez-vous quotidien, à 9 h. et à 4 h. pour offrir au Cœur de Jésus quelques hommages d'adoration, d'actions de grâces, de réparation et d'amour;
c) l'union aux neuf chœurs des anges.
La Sainte écrivait au P. Croiset: «Le divin Cœur désire que dans cette association on ait une particulière union aux saints Anges».
d) Les membres de l'Association de Paray se partageaient en trois séries: les âmes adoratrices, les réparatrices et les médiatrices. Cela nous indique les actes que nous devons faire dans nos visites au Sacré-Cœur;
e) les associés s'accordaient réciproquement la communion de mérites et de prières;
f) quelques associés ajoutaient une communion ou une messe le premier vendredi ou même chaque vendredi.
Après la mort de la Sainte, les associations se sont multipliées d'une manière merveilleuse.
L'apostolat de la prière, uni à la communion réparatrice, a des associés innombrables.
L'Archiconfrérie de l'Heure Sainte a son centre à la Visitation de Paray. L'Archiconfrérie romaine du Sacré-Cœur a des ramifications partout. Elle est si riche en faveurs et en indulgences! Elle demande la récitation quotidienne des prières Pater, Ave, Credo, avec l'invocation: «Doux Cœur de Jésus, faites que je vous aime toujours de plus en plus».
Celle de Moulins a les mêmes pratiques. Elle s'affilie aussi les confréries locales.
L'Archiconfrérie de Montmartre, pour la liberté du Pape et le salut de la société, a trois degrés: a) les simples associés, qui récitent chaque jour: Pater, Ave, Credo et l'invocation: «Cœur Sacré de Jésus, je me consacre entièrement à vous, protégez la Sainte Eglise contre ses ennemis, sanctifiez notre patrie et faites que je vous aime toujours davantage»; b) les adorateurs, qui ajoutent à ces pratiques une heure d'adoration à un jour déterminé, ou se partagent les semaines et les mois; c) les apôtres du Sacré-Cœur, qui s'engagent à propager cette dévotion.
Montmartre a une autre confrérie, celle de la prière et de la pénitence en union avec la Sacré-Cœur, demandée par Notre-Seigneur dans des circonstances merveilleuses. Les membres prennent l'engagement de faire chaque semaine ou chaque mois un jour de pénitence.
La Garde d'honneur, dont le centre est à Bourg et les groupements partout, a pour exercice fondamental l'heure de garde, qui se fait par la pensée et l'union à Notre-Seigneur au milieu même des occupations ordinaires.
L'Association du Cœur eucharistique de Jésus est plus récente et déjà nombreuse.
Les prêtres du Sacré-Cœur de Saint-Quentin ont une association réparatrice de prêtres et de fidèles, approuvée par un beau Bref pontifical. Les Sœurs Victimes du Sacré-Cœur de Namur, ont des associations de victimes.
Ce n'est pas tout, mais c'est assez pour montrer que cette demande de Notre-Seigneur a été entendue comme les autres.
Notre-Seigneur n'a pas demandé formellement des instituts religieux dédiés à son divin Cœur, mais quand il demandait des associations ne devait-il pas penser en même temps à ces associations d'élite qui portent l'esprit d'union bien plus haut que de simples confréries?
Il révéla à sa sainte disciple qu'il voulait se former une couronne de douze étoiles. Ces douze étoiles symbolisent sans doute les principaux apôtres de la dévotion, parmi lesquels des fondateurs, comme le P. Eudes, la Mère Barat, la Mère Marie de Jésus, la Mère Véronique, le P. Coudrin, le P. Garicoïts ont certainement leur place.
Les Congrégations sont venues répondre au désir du bon Maître: instituts d'hommes et instituts de femmes.
Citons: Les Pères des Sacrés-Cœurs de Picpus, fondés par le P. de Coudrin au temps de la Révolution.
Les Eudistes, qui existaient déjà.
Les Missionnaires des Sacrés-Cœurs du Vén. Gaetano Erriconi, fondés en 1838.
Les Prêtres auxiliaires du Sacré-Cœur de Bétharam, fondés par le Vén. Garicoïts en 1841.
Les Missionnaires du Sacré-Cœur d'Issoudun, fondés en 1854 par le P. Chevalier.
Les Missionnaires du Sacré-Cœur, institués par le Vén. P. Muard en 1850.
Les Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus, de Saint-Quentin. Les Fils du Sacré-Cœur, de Vérone.
Plusieurs instituts de Frères.
De nombreuses communautés de religieuses: Filles, Sœurs, Servantes, Victimes du Sacré-Cœur, etc.
Nous en oublions sûrement.
Depuis un siècle, beaucoup de sociétés ont pris le titre de Congrégation du Sacré-Cœur de Jésus ou des Saints Cœurs de Jésus et de Marie. On a senti combien il est bon pour une famille religieuse de pouvoir s'abriter dans le Cœur du Fils et dans celui de la Mère.
Le P. Eudes disait déjà: «C'est une grâce inexplicable que notre très aimable Sauveur nous a faite de nous donner dans notre Congrégation, le Cœur admirable de sa Très Sainte Mère; mais sa bonté, qui est sans bornes, ne s'arrêtant pas là, a passé bien plus outre, en nous donnant son propre Cœur, pour être, avec le Cœur de sa glorieuse Mère, le fondateur et le supérieur, le principe et la fin, le cœur et la vie de cette Congrégation… Ce sont deux trésors inestimables, qui comprennent une immensité de biens célestes et de richesses éternelles, dont il la rend dépositaire, pour ensuite la répandre par elle dans le cœur des fidèles…».
Le Cœur de Jésus veut un règne social et national.
Il veut avant tout, sans doute, régner dans les âmes: «car la fin principale de la dévotion au Sacré-Cœur est de convertir les âmes à l'amour de ce divin Cœur», nous dit Marguerite-Marie. Mais Notre-Seigneur ne veut pas se contenter de ce règne intérieur, ou même d'un règne extérieur dans l'Eglise et dans les familles. Le culte du Sacré-Cœur a une portée plus grande, il est destiné à rétablir dans le monde le règne social de Jésus-Christ, à qui toutes les nations ont été données en héritage.
Pendant de longs siècles, c'est par l'étendard de la Croix, donné à Constantin comme un signe de victoire, que Notre-Seigneur avait retenu la chrétienté sous ses lois bienfaisantes.
Au XVIe siècle elle commença à se désagréger et se vit ravager par les folies du protestantisme et de la Révolution, pour arriver au règne social de Satan par la franc-maçonnerie. Notre-Seigneur pouvait frapper et détruire les nations apostates, il préfère les reconquérir par son amour. Il leur montre son Cœur, il les appelle, il les sollicite en leur prodiguant ses promesses. Elles viendront à lui. «Je régnerai, a-t-il dit, malgré mes ennemis». La chrétienté se refera.
Il y a des aspirations spontanées vers le règne du Sacré-Cœur. Il y a les pacifistes qui sont fatigués des guerres homicides.
Il y a les amis du peuple, qui ont pitié des foules comme jadis le Cœur de Jésus: Misereor super turbam.
Tous comprendront un jour que ces nobles aspirations ne sont réalisables que par le règne du Sacré-Cœur, comme l'a proclamé Léon XIII. Notre-Seigneur a demandé ce règne clairement et positivement dans la grande révélation du 17 juin 1689.
Le Sacré-Cœur désire voir ce dessein s'accomplir en cette manière, dit la Sainte:
D'abord pour le Chef de l'Etat:
a) Il désire entrer avec pompe et magnificence dans la maison des princes et des rois.
b) Il veut établir son empire dans le cœur de notre grand monarque, par la consécration que celui-ci fera de lui-même, à ce divin Cœur. c) Il veut régner dans son palais.
d) Il l'a choisi pour relever, devant les hommes, les opprobres et les anéantissements que ce divin Cœur y a soufferts; ce qui se fera en lui rendant et lui procurant les honneurs, l'amour et la gloire qu'il attend…
e) Le Sacré-Cœur veut par son entremise gagner les cœurs des grands de la terre.
Notre-Seigneur s'adressait à Louis XIV pour que ce monarque entraînât les autres par son exemple.
Que demandait-il aux grands de la terre, à ceux qui ont une influence sociale?
a) «Le Sacré-Cœur, dit la Sainte, veut établir son empire dans les cœurs des grands de la terre».
b) «Il veut par cette dévotion entrer dans leurs palais, pour y être honoré et aimé autant qu'il a été outragé et méprisé en sa Passion, dans la maison des grands».
Que demande-t-il à la nation?
a) Il lui demande de faire un édifice où sera le tableau de ce divin Cœur.
b) Il veut y recevoir la consécration du roi et de toute sa cour.
c) Le Sacré-Cœur veut être peint dans les étendards du roi et gravé dans ses armes.
Ce sont là de grandes choses fort difficiles à réaliser. Que de pas cependant ont déjà été faits dans cette voie! Plusieurs princes au XVIIIe siècle, comme Philippe V d'Espagne, Auguste II de Pologne et Stanislas de Lorraine se sont fait gloire d'honorer le Sacré-Cœur et ont adressé à Rome des requêtes pressantes et réitérées pour obtenir l'institution de la fête du Sacré-Cœur.
En France, Louis XIV et Louis XV se montrèrent sourds à l'appel divin, mais la dévotion au Sacré-Cœur commença cependant à courir dans le palais du roi. Dès 1689, la reine Marie-Thérèse, fille de Philippe V d'Espagne, se fit inscrire dans les registres de l'Archiconfrérie du Sacré-Cœur de la Visitation de Chaillot.
Le Dauphin, de concert avec sa pieuse mère Marie Leczinska et avec sa Sœur, la Vénérable Louise de France, fit ériger dans le palais de Versailles une chapelle en l'honneur du Sacré-Cœur.
Louis XVI, au Temple, en 1792, dans un vœu mémorable, fit la promesse d'accomplir le désir du Sacré-Cœur.
En 1823, Notre-Seigneur rappela ses demandes à la Sœur Marie de Jésus, religieuse du Couvent des Oiseaux, à Paris: «La France est toujours bien chère à mon divin Cœur, lui dit-il. Je prépare toutes choses pour qu'elle lui soit consacrée; après quoi je lui réserve un déluge de grâces. La France sera consacrée à mon divin Cœur, et toute la terre se ressentira des bénédictions que je répandrai sur elle. La foi et la dévotion refleuriront en France par la bénédiction de mon divin Cœur».
Après la grande épreuve de 1870, de fervents catholiques se rappelèrent les demandes de Notre-Seigneur. Avec le pieux Cardinal Guibert, ils firent le vœu, au nom de la nation, d'élever à Montmartre le sanctuaire du Sacré-Cœur demandé par Notre-Seigneur. C'était au 18 janvier 1872.
L'Assemblée nationale, par une loi du 25 juillet 1873, déclara d'utilité publique le monument projeté.
Le culte national commença à Montmartre dans une chapelle provisoire. La basilique s'achève et toutes les pratiques demandées par Notre-Seigneur y sont observées: l'adoration eucharistique de jour et de nuit, les pèlerinages, l'Heure Sainte, la célébration du premier vendredi… C'est le règne du Sacré-Cœur.
Des milliers d'églises sont affiliées à Montmartre et font une journée d'adoration par an avec la consécration au Sacré-Cœur.
Il faut signaler encore en France comme un acte national le pèlerinage et la consécration de la nation au Sacré-Cœur par une grande partie des membres de l'Assemblée nationale à Paray-le-Monial et le dépôt d'un fac-similé du drapeau de Patay dans le sanctuaire, en 1873.
Il est bien manifeste qu'en France, malgré tout, le règne du Sacré-Cœur est en marche.
Jetons un regard rapide sur les autres nations.
Autriche. - Lors de la consécration du genre humain au Sacré-Cœur, en 1899, l'empereur tint à honneur de prendre une part directe à la cérémonie.
Au moment où il entra dans la cathédrale, escorté des membres de la famille impériale, l'assemblée entière entonna l'hymne national du cœur du Sauveur.
A la sortie du souverain, la foule émue, lui fit une ovation enthousiaste. Toute l'Autriche reçoit le Messager du Sacré-Cœur, qui s'imprime en allemand, en bohémien, en hongrois et en slave.
A Vienne, le premier vendredi du mois est célébré à la cathédrale comme une vraie fête.
En Hongrie, il y a cinq cents confréries du Sacré-Cœur, quarante mille associés à l'Apostolat de la prière. En une seule année on y a distribué trente mille scapulaires du Sacré-Cœur.
Le Tyrol se consacra solennement et officiellement au Sacré-Cœur en 1796. La diète entière souscrivit à cette «Alliance du Tyrol avec le divin Cœur», alliance qui assura le triomphe du peuple tyrolien. Cette consécration a été renouvelée à chaque crise politique, en 1809, 1848, 1859, 1866.
On vient d'élever à Botzen un temple national qui sera le Montmartre autrichien. C'est un bel édifice tout en porphyre. Il a été construit en deux ans. Les princes, la noblesse et le peuple ont souscrit pour l'église et pour l'achat d'un ostensoir d'une grande richesse.
Espagne. L'Espagne est une des contrées les plus dévouées au Sacré-Cœur, Déjà en 1726, le roi Philippe V était parmi les postulateurs qui s'adressèrent au Pape Innocent XIII pour obtenir la messe du Sacré-Cœur.
Cette dévotion est entretenue et stimulée de toutes manières par le zèle des évêques.
Le nombre des familles qui se consacrèrent au Sacré-Cœur, en 1875, dépassa trois millions.
Beaucoup de villes se sont consacrées solennellement au Sacré-Cœur. On y fait des processions extérieures le premier vendredi.
Beaucoup d'hôtels-de-ville sont ornés de la plaque du Sacré-Cœur comme les façades des maisons.
A Barcelone, au mois de juin, chaque jour du matin au soir un grand nombre de personnes se relèvent de demi-heure en demi-heure aux pieds de la statue du Sacré-Cœur.
Victoria, Burgos, Bilbao firent de grandes fêtes pour leur consécration.
Portugal. - Le Portugal, momentanément éprouvé par la révolution, est le royaume du Sacré-Cœur. Depuis le moyen-âge, les armoiries du Portugal portent cinq billettes qui représentent les cinq Plaies du Sauveur.
Le roi Ferdinand de Portugal avait placé dans ses propres armoiries le Cœur de Jésus et le sien.
En 1790, on célébra la dédicace de la basilique royale du Sacré-Cœur de Jésus, construite aux frais de la reine. L'anniversaire de cette dédicace est célébré dans tout le royaume.
Avant la révolution, la fête du Sacré-Cœur était chômée au Portugal. Le roi, la cour, les ministres assistaient ce jour-là à la messe pontificale. L'aumônier du roi portait en offrande au célébrant quelques pièces d'or en signe d'hommage au Sacré-Cœur.
Le Sacré-Cœur éprouve le Portugal pour le purifier. Il lui fera grâce. Italie. - Le Sacré-Cœur y a reçu bien des hommages.
Léon XIII consacra le monde entier au Sacré-Cœur pour l'ouverture du vingtième siècle.
Toutes les familles et les paroisses s'étaient consacrées au Sacré-Cœur à la demande de Pie IX. Tous les diocèses, toutes les régions de l'Italie ont fait leur consécration en 1899. Des monuments élevés de touts côtés en témoignent.
Rome veut une église votive au Sacré-Cœur, Bologne en a déjà une. On se rappelle encore à Bologne les fêtes de 1875. C'était, dit-on, un jour de paradis. Tous les fidèles dans les églises avaient un cierge à la main.
L'apostolat de la prière compte en Italie trois millions d'associés. Belgique. - La Belgique est par excellence le pays du Sacré-Cœur. Elle a un sanctuaire national à Anvers, la délicieuse chapelle de Berchem, elle en élève un autre à Bruxelles. Le Souverain a encouragé le projet par sa souscription.
Au commencement du siècle, le Cardinal-Primat renouvela la consécration de la nation au sanctuaire de Berchem. L'image du Sacré-Cœur ornait le drapeau national.
Le sanctuaire de Paray-le-Monial est plein des offrandes et des bannières de la Belgique.
Toutes les paroisses de la Belgique sont vraiment dédiées au Sacré-Cœur. Les communions du premier vendredi sont innombrables.
En Belgique, l'apostolat de la prière compte deux cent cinquante mille membres.
- Passons aux nations catholiques de l'Amérique.
Haïti. - En 1894, le gouvernement de Saint-Domingue décréta la consécration de la République au Sacré-Cœur, avec cette clause que chaque année, à la fête du Sacré-Cœur, les membres du Conseil renouvelleraient cette consécration.
Lors de la consécration des familles au divin Cœur, en 1889, la cathédrale à Port-au-Prince était insuffisante. Le Président et plusieurs milliers de personnes firent la sainte communion.
Equateur. - A l'Equateur, on sait la grande consécration faite en 1873 par Garcia Moreno, par le Sénat et le Parlement. En 1884, les Chambres votèrent la construction d'une basilique votive.
Il y a eu un recul ensuite, mais les évêques ont repris le projet et la basilique est élevée.
Pérou. - En 1887 eut lieu à Lima la dédicace d'une magnifique église, en l'honneur du Sacré-Cœur. Le Président de la République y assista et voulut être le parrain du nouveau sanctuaire.
Bolivie. - En Bolivie également une église votive au Sacré-Cœur fut inaugurée à La Plata, en 1894.
Les autorités civiles, le corps diplomatique, les députés, le conseil de ville, la cour suprême et l'université y assistèrent.
Chili. - Dans la ville de Conception il y a une superbe église du Sacré-Cœur, construite par souscription.
A Santiago, la consécration de la ville au Sacré-Cœur se fit devant une assistence de cinquante mille personnes.
- Passons maintenant aux pays dont le gouvernement n'est pas catholique.
Allemagne. - Les beaux diocèses catholiques de la province du Rhin et de la Westphalie ne le cèdent à aucun pays pour la dévotion au SacréCœur. L'Allemagne catholique se souvient qu'elle est le pays de Sainte Gertrude.
Les évêques d'Allemagne firent faire des prières publiques au Sacré-Cœur avant le Concile.
Ils firent de même à l'époque du Kulturkampf.
«Réfugiez-vous dans le divin Cœur, disait Mgr l'archevêque de Cologne en 1872, il est la source toujours ouverte de la grâce et de la consolation».
«Dans les tribulations qui fondent sur nous, disait Mgr l'évêque de Munster, réfugions-nous dans le très Saint Cœur de notre adorable Rédempteur pour tirer du trésor divin, aide, grâce et protection».
«Allons avec confiance nous abriter dans le Sacré-Cœur, disait Mgr l'évêque de Paderborn, c'est l'asile le plus sûr pour les affligés, le trésor de toutes les miséricordes».
La confiance des évêques et des fidèles ne fut pas déçue, et la persécution alla s'affaiblissant.
Angleterre et Irlande. - Marie Stuart, la reine détrônée, représentait sans doute encore l'Angleterre devant Dieu quand elle s'unit aux Visitandines, en 1696, pour demander au Saint-Siège l'approbation de l'office du Sacré-Cœur.
Le culte du Sacré-Cœur se répand merveilleusement en Angleterre. Le Messager y compte quarante mille lecteurs.
L'Irlande est toute vouée au Sacré-Cœur. Ses évêques en firent la consécration solennelle en 1873.
En 1879, l'Irlande comptait déjà cinq cent mille associés à l'apostolat. Tous les soirs, après le travail, ces associés se réunissent dans les églises pour prendre part à des pratiques de dévotion en l'honneur du SacréCœur.
Russie et Pologne. - Le roi Auguste de Pologne fut un des solliciteurs de l'office du Sacré-Cœur en 1726.
L'œuvre de l'apostolat de la prière couvre le pays. Elle y compte plus de quinze cent mille associés. Le «Messager» y est distribué au nombre de cent cinquante mille exemplaires, et dans beaucoup de villages les associés se réunissent chaque mois par groupes de quinze ou vingt pour en entendre la lecture.
De magnifiques églises en l'honneur du Sacré-Cœur ont été élevées en diverses parties de la Pologne.
- Ne peut-on pas dire après cela que le règne du Sacré-Cœur est en marche, et que les diverses nations ont répondu en grande partie aux demandes de Notre-Seigneur?
Chapitre VIII
La révélation du Sacré-Cœur a Paray:
le culte privé
Que demandait Notre-Seigneur pour le culte intime et privé du Sacré-Cœur? Il demandait qu'il fût généralisé, précisé et fortifié.
Nous l'avons vu en étudiant la tradition, les Pères de l'Eglise et les mystiques avaient su pénétrer dans la plaie du côté de Jésus et y pratiquer une tendre dévotion au Sacré-Cœur. Ils y faisaient leur demeure, ils y portaient leurs supplications, ils réchauffaient leurs cœurs aux battements de celui de Jésus.
Notre-Seigneur indique d'une manière plus précise et plus complète dans ses révélations à Marguerite-Marie ce qu'il attendait de nous.
C'est bien de se consacrer au Sacré-Cœur de Jésus, mais il ne faut pas que cette consécration soit un acte aussitôt oublié.
La Sainte explique à diverses reprises ce qu'il faut entendre par cette consécration. C'est un don complet de soi-même, c'est un dévouement sans réserve au service de ce divin Cœur.
«Le Sacré-Cœur de Notre-Seigneur, écrit la Sainte, veut que vous lui fassiez un entier sacrifice de tout ce que vous êtes, de toute votre être spirituel et corporel, pour ne plus vouloir vous en servir qu'à lui rendre et procurer tout l'honneur, la louange et l'amour qui seront en votre pouvoir.
Sacrifiez au Sacré-Cœur votre libre arbitre. Offrez-vous comme un esclave devant son libérateur, ne vous réservant plus d'autre liberté que celle de l'aimer.
Unissez-vous toujours à tous ses desseins sur vous et laissez-le faire tout ce qu'il voudra de vous. Il faut vous établir un règne de paix dans ce divin Cœur et vous laisser conduire par lui et en lui comme dans une barque assurée.
Vous lui offrirez un entier et parfait sacrifice de votre propre volonté, ne vous réservant que le désir de lui plaire et de l'aimer.
Il faut faire au Sacré-Cœur un entier sacrifice de votre cœur. Il prétend s'en rendre l'unique possesseur. Ne lui disputez donc plus si peu de chose, mais offrez-lui ce cœur, afin qu'il y règne absolument et qu'il vous apprenne à l'aimer parfaitement, à ne lui jamais déplaire volontairement et à porter la croix amoureusement.
Le Sacré-Cœur me presse encore de vous dire de lui donner tout votre temps et tous vos moyens, pour les employer à souffrir et à jouir selon son désir, sans vous mettre en peine de rien autre que de l'aimer et de le laisser faire.
En résumé, vous vous consacrerez tout au Sacré-Cœur pour vous employer à son service. Vous lui consacrerez votre corps, votre âme, votre cœur et tout ce que vous êtes pour ne plus vous en servir que pour son amour et sa gloire».
Les âmes ferventes doivent renouveler souvent cette offrande. «Vous entrerez dans ce Cœur Sacré trois fois le jour, dit la Sainte: le matin, à midi et le soir, pour y rendre vos hommages d'adoration et de sacrifice à ce divin Cœur, comme à votre souverain libérateur, auquel vous sacrifierez tout ce que vous ferez et souffrirez, et toutes les parties de votre être pour ne vous en servir que pour l'aimer et le glorifier».
Comment ferons-nous pour entretenir cette vie de consécration et de fidèle dévouement au Sacré-Cœur?
Des pratiques diverses nous y aideront, et Notre-Seigneur a bien voulu les indiquer lui-même à Marguerite-Marie.
Nous avons cité déjà la rénovation de notre offrande faite trois fois le jour. Voici d'autres pratiques:
La dévotion au Sacré-Cœur s'oriente principalement vers l'Eucharistie.
Notre-Seigneur recommande, par sa sainte messagère, l'assistance quotidienne à la messe et l'union habituelle au sacrifice eucharistique, la messe entendue en union avec le Sacré-Cœur, la messe de réparation, la messe de supplication.
Trouvant que c'est encore trop peu d'une messe quotidienne, la Sainte eût voulu entendre toutes les messes qui se disent chaque jour dans le monde entier. «Offrez à Jésus, disait-elle à ses novices, tous les saints sacrifices qui se célèbrent dans la Sainte Eglise. Vous prierez vos bons anges de les entendre et de les offrir à Dieu pour apaiser sa justice».
«Pour entendre la sainte messe, disait la Sainte, vous vous unirez aux intentions de cet aimable Cœur, en le priant de vous en appliquer le mérite selon ses vues sur vous».
Puis elle nous enseignait à mériter sur les quatre fins du sacrifice en union avec le Sacré-Cœur.
Les messes dites en l'honneur du Sacré-Cœur et spécialement les messes réparatrices ont une efficacité incomparable.
Comme la Sainte priait un jour pour un pécheur qui lui était recommandé, Notre-Seigneur lui dit: «S'il veut obtenir miséricorde, qu'il se dévoue à mon Cœur et que tous les premiers vendredis du mois il fasse dire une messe ou en entende une pour se mettre, lui et tout ce qui lui appartient, sous la protection de ce divin Cœur».
Notre-Seigneur ne recommandait pas moins la communion fréquente, la communion réparatrice, la communion spirituelle.
«Tu me recevras dans le Saint-Sacrement, autant que l'obéissance voudra te le permettre». - Heureuses les âmes ferventes qui communient souvent! «En suppléant autant qu'elles peuvent, dit la Sainte, à l'ingratitude des hommes, elles donnent à ce divin Cœur le plaisir qu'il attend, et comme il ne se laisse pas vaincre en générosité, il ouvrira tous les trésors de son amour en faveur de ceux qui lui procurent cette consolation».
Notre Seigneur demandait instamment des communions réparatrices. Il dit un jour à la Sainte: «Je t'ordonne de faire la communion tous les premiers vendredis de chaque mois, pour satisfaire à la divine justice par les mérites de mon Sacré-Cœur, en m'offrant à mon Père pour les fautes qui se commettent».
Il lui dit encore: «Lorsque je te ferai connaître que la divine justice est irritée contre les pécheurs, tu viendras me recevoir dans la sainte communion et tu m'offriras à mon Père pour apaiser sa juste colère et fléchir sa miséricorde».
La vie de la Sainte était comme une communion spirituelle incessante. Notre-Seigneur la louait de ces communions de désirs. «Je prends tant de plaisir, lui disait-il, d'être désiré dans ton cœur qu'autant de fois ton cœur forme ce désir, je le regarde amoureusement pour l'attirer à moi». La Sainte recommandait à ses novices ces communions spirituelles.
Les visites spirituelles peuvent se faire en tout temps, cependant deux moments sont spécialement recommandés pour cela: neuf heures du matin, en souvenir de l'entrée de Jésus dans la voie douloureuse, et quatre heures du soir, en mémoire du coup de lance qui nous a ouvert la poitrine du Sauveur. Cette pieuse coutume remonte à Marguerite-Marie.
Elle propagea elle-même le pieux opuscule écrit par la Sœur Joly sur ces divins Rendez-vous.
«Les associés de l'Adoration perpétuelle du Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, lisons-nous dans cet opuscule, sont invités à se trouver tous les jours ensemble, sur les neufs heures du matin et sur les quatre heures du soir, dans ce Sacré-Cœur, comme dans un divin Rendez-vous, pour y rendre leurs hommages, chacun selon son attrait et la mesure de sa grâce.
Les uns pleureront leurs péchés, d'autres brûleront de l'amour divin. Tous s'uniront à la Sainte Vierge, aux Anges et aux Saints, et prieront pour la Sainte Eglise et pour les pécheurs…».
«Tout cela doit se faire bien simplement, dit la Sainte, il n'est besoin que d'une élévation d'esprit et d'une union de cœur à celui de Jésus et en son amour; on s'unit aussi à tous ceux qui sont à lui et qui l'honorent».
Le zèle pour la visite au Saint-Sacrement doit être un des traits distinctifs des vrais serviteurs du Sacré-Cœur.
Marguerite-Marie ne trouvait de joie sur la terre qu'auprès du tabernacle. «Je ne me sens pas de plus grande consolation, écrivait-elle au P. Croiset, que de me voir oubliée des créatures, afin d'avoir plus de temps pour me consumer en la présence du Très-Saint-Sacrement, qui est le centre de mon cœur…».
«Dans les visites au Saint-Sacrement, dit le P. Croiset, on ne doit jamais oublier d'honorer d'une manière particulière et d'adorer le Sacré-Cœur de Jésus. Ces visites doivent être fréquentes, et il faut surtout que l'amour pour Notre-Seigneur Jésus-Christ en soit l'âme».
La Sainte indique les offices que l'on peut remplir pendant les visites et adorations.
L'âme peut se considérer comme une créature rebelle devant son Créateur et son juge - comme un enfant prodigue devant son père - comme une brebis auprès de son pasteur - un soldat devant son souverain - un ami devant son ami - un disciple devant son Maître et son directeur… Tous ces titres prêtent à des développements faciles.
La pratique des oraisons jaculatoires est une de celles que la Sainte recommandait le plus habituellement. Ses écrits en fournissent d'innombrables exemples.
Nous pouvons penser que Notre-Seigneur produit sans cesse dans l'Eucharistie et produira pendant toute l'éternité des actes de l'amour le plus pur. L'âme dévote, ne doit-elle pas tâcher de l'imiter?
«Il en est de l'amour divin, dit Sainte Thérèse, comme d'un grand feu, dans lequel il faut continuellement jeter du bois pour l'entretenir». «La charité se refroidit, dit Saint Augustin, dès que le cœur devient muet».
La Sainte écrivait à la Sœur de la Barge: «Vous vous unirez à ce divin Cœur en tout ce que vous ferez et vous rapporterez tout à sa gloire, disant dans chacune de vos actions:
«Mon Dieu, je veux faire ou souffrir cela dans le Sacré-Cœur de votre divin Fils au Très-Saint-Sacrement, et selon ses saintes intentions que je vous offre, pour réparer tout ce qu'il y a d'impur et d'imparfait dans les miennes»».
La Sainte recommande de varier ces pratiques et de les adapter aux circonstances.
La Sainte et le P. Croiset introduisirent la coutume de réciter chaque jour un chapelet ou couronne d'oraisons jaculatoires au Sacré-Cœur en les groupant par cinq dizaines pour se rappeler les mystères du Cœur de Jésus dans l'Incarnation, dans sa vie cachée ou apostolique, dans sa passion et dans l'Eucharistie.
Le Manuel de dévotion pratique au Sacré-Cœur par le P. Croiset en propose plusieurs. En se servant d'invocations indulgenciées, on aide les âmes du Purgatoire tout en honorant le Sacré-Cœur.
Ce sont là encore des moyens nécessaires pour entretenir la consécration et la rendre pratique.
Dans la pensée de la Sainte, c'est pour entretenir et renouveler notre consécration et notre union au Sacré-Cœur, que nous devons sanctifier tous les vendredis et particulièrement le premier vendredi du mois.
Le P. Croiset nous a laissé des méditations pour chaque vendredi du mois. Celle du premier vendredi a pour titre: «Méditation pour se renouveler dans la pratique de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus».
La Sainte aimait aussi et recommandait les Neuvaines en l'honneur du Sacré-Cœur. Les fidèles de Paray venaient faire des neuvaines à la Visitation et obtenaient les grâces qu'ils demandaient.
Le Mois du Sacré-Cœur n'a pas été formellement conseillé par la Sainte, c'est une pratique qui est née au XIXe siècle. Mais la Sainte y préludait en recommandant souvent d'honorer les trente-trois années de la vie de Notre-Seigneur. C'est pour répondre à son désir qu'on donne 33 jours au Mois du Sacré-Cœur.
La réparation est, avec la consécration, un des principaux éléments de la dévotion au Sacré-Cœur.
Notre-Seigneur a toujours présenté son Cœur comme aimant et souffrant. Il a les flammes de l'amour, mais il a aussi la croix et les épines de la passion.
C'est à son Cœur aimant et souffrant que Notre-Seigneur veut nous attirer, c'est à lui qu'il veut nous consacrer.
«Une des fins principales de la dévotion au Sacré-Cœur, dit Léon XIII, c'est la réparation, qui consiste à expier par nos hommages d'adoration, de piété et d'amour le crime d'ingratitude, si commun parmi les hommes et à apaiser la colère de Dieu par le Sacré-Cœur».
«Les personnes consacrées au Sacré-Cœur, dit la Sœur Joly, auxiliaire et interprète de la Sainte, doivent réparer autant qu'il leur est possible, par leurs adorations et leurs hommages, les opprobres et les mépris auxquels l'amour a exposé le Fils de Dieu durant sa sainte vie et sa passion et où il l'expose encore tous les jours au Saint Sacrement de l'autel».
Plusieurs fois Notre-Seigneur apparut à la Sainte sous l'aspect d'une victime sanglante. Il lui demandait réparation, pénitence, amende honorable et redoublement d'amour.
Il nous demande aussi tout cela.
Il lui a demandé l'Heure Sainte, il nous la demande également. Aux âmes consacrées, il demande la réparation pour le peuple choisi, dont l'ingratitude lui est particulièrement sensible.
Nous avons déjà rappelé tout cela à propos du culte public.
Pour assurer au Sacré-Cœur la continuité du culte d'amour et de réparation qu'il demande, rien n'est plus favorable que les associations. Une association est un lien, un engagement qui fait pratiquer tous les jours ce qui est inscrit à son règlement.
Notre Seigneur l'a fait comprendre à la Sainte et elle a de suite organisé l'association du Culte perpétuel au Sacré-Cœur.
Tout fidèle doit entrer dans quelque association du Sacré-Cœur et même dans plusieurs, s'il en a la dévotion.
La grâce du Sacré-Cœur appellera certaines âmes à ces associations plus intimes qu'on appelle les Congrégations religieuses. Là, elles pourront se livrer tout entières et sans retour au Sacré-Cœur de Jésus.
L'imitation est un des principaux hommages que nous demande le Sacré-Cœur.
«Pour honorer les anéantissements du Verbe incarné dans le sein de Marie, dit la Sainte, nous tiendrons les trois puissances de notre âme anéanties dans celles du Verbe. - Nous unirons notre esprit à celui de Jésus en retranchant toutes les connaissances inutiles, surtout en ce qui regarde le prochain. - Nous tiendrons notre mémoire anéantie en la sienne en ne nous souvenant que de lui et de ce qui nous porte à l'abjection de nous-mêmes. - Nous tiendrons notre volonté et nos affections anéanties dans les siennes en nous abandonnant à son bon plaisir et à l'obéissance suivant notre condition.
Pour nous conformer à sa vie d'humilité et de silence, nous aimerons à vivre inconnus et méprisés, nous retrancherons toute réflexion d'amour-propre; nous ferons des pratiques de silence extérieur et intérieur, en rejetant les pensées inutiles et en retranchant les paroles superflues».
«Pour vivre de la vie d'amour du Verbe incarné, nous présenterons nos cœurs à son divin Cœur trois fois le jour, et nous demanderons au Saint-Esprit la grâce de conserver dans nos cœurs cet esprit d'amour qui nous unit au Sauveur et nous transforme en lui».
Comment imiterons-nous l'amour souffrant du Cœur de Jésus? La Sainte nous le dit: «Il faut nous rendre conformes à lui en disant adieu aux plasirs de la vie. - Il faut vivre d'une vie toute crucifiée, ennemie de toutes satisfactions terrestres et humaines.
«Jésus-Christ a souffert et est mort de la mort de notre amour. Il faut donc tâcher de nous rendre les véritables copies de notre amour crucifié… Notre-Seigneur me fait bien des grâces, disait-elle, mais celle que je prise davantage, c'est la conformité qu'il me donne avec sa vie souffrante et humiliée».
La Sainte nous recommande tout particulièrement d'imiter le Cœur de Jésus dans sa vie eucharistique.
Notre-Seigneur ne lui avait-il pas dit un jour, en lui montrant son Cœur vivant dans le Saint-Sacrement: «Je veux te faire lire dans le livre où est contenue la science d'amour».
Quel inépuisable sujet le Cœur, dit le P. Croiset, pour y admirer tous les trésors de vertus et de grâces qu'il renferme. On y admire la plus profonde humilité qu'il soit possible d'imaginer - une patience héroïque à l'épreuve de tous les fâcheux accidents - une douceur excessive à l'égard de tout le monde - la douleur infinie de tous nos péchés dont il a voulu se charger; on y admire un amour infini pour la gloire de Dieu son Père - un amour immense pour tous les hommes - un soin, un zèle, un empressement extrême pour leur salut et pour chacun de nous en particulier… ».
Comment entretenir en nous ce souvenir des vertus du Sauveur dans l'Eucharistie? Par nos réflexions à la sainte messe et à l'action de grâces, par des lectures et méditations appropriées, par nos adorations et visites au Saint-Sacrement. Un manuel de dévotion au Sacré-Cœur nous aidera. Celui du P. Croiset est à recommander.
Cette vie d'union et d'amitié, c'est bien ce que le Sacré-Cœur demande le plus.
La première loi de la dévotion au Sacré-Cœur, c'est de rendre à ce divin Cœur amour pour amour.
Il a tant de droit à notre amour! Il est notre Créateur, notre Père, notre Pasteur, notre Roi, notre Ami, notre Sauveur, notre Médiateur et Bienfaiteur. Chacun de ces titres suffirait à nous attacher à lui.
C'est surtout pour gagner notre amour que Notre-Seigneur nous a manifesté son Cœur. «Un jour, dit la Sainte, il me fut montré un Cœur jetant des flammes de toutes parts, avec ces paroles; j'ai soif. Je brûle du désir d'être aimé».
Elle dit encore: «Mon très aimable Sauveur me fit voir: que cet ardent désir qu'il a d'être aimé lui avait fait former le dessein de manifester son Cœur aux hommes, avec tous les trésors d'amour, de miséricorde, de grâce, de sanctification et de salut qu'il contient. - qu'il faut honorer cet amour sous la figure de ce Cœur de chair et que cette dévotion est un dernier effort de l'amour divin, pour nous mettre sous la douce liberté de l'empire de cet amour, qu'il veut rétablir dans les cœurs de ceux qui voudront l'embrasser».
Mais cet amour que demande le Sacré-Cœur n'est pas un amour passager, c'est un amour d'union, un amour ardent, continu et toujours grandissant.
Notre-Seigneur veut un amour de préférence: «Si nous voulons, dit la Sainte, posséder Notre-Seigneur et habiter dans son Sacré-Cœur et nous y maintenir toujours, il faut l'aimer d'un amour de préférence, comme l'unique nécessaire à notre cœur».
Aucune créature ne doit nous éloigner de lui.
Il veut un amour de complaisance. «Le divin Cœur de Jésus, dit la Sainte, veut être l'objet de toutes nos complaisances et que nous prenions tout notre plaisir en lui, pour nous rendre digne qu'il prenne son plaisir en nous. Il est le seul vrai ami de nos cœurs, qui ne sont faits que pour lui».
Il veut un amour de reconnaissance: «Puisque le Sacré-Cœur nous a aimés et qu'il nous aime, dit la Sainte, ne l'oublions jamais; bénissons-le et remercions-le d'une si ardente charité».
Et ces différents amours doivent être fidèles, ardents, persévérants, dévoués jusqu'au sacrifice et confiants jusqu'au souverain abandon de nous-mêmes.
L'amour fidèle aboutit à l'union: l'union de pensée, l'union de cœur, l'union de volonté.
La dévotion au Sacré-Cœur doit réaliser le voeu de Notre-Seigneur: «Que tous soient un en nous comme Vous en moi et moi en Vous, disait Jésus à son Père».
L'amour pour le Sacré-Cœur doit être un amour crucifié.
«Il faut, dit la Sainte, que le pur amour soit le sacrificateur et le consommateur de notre cœur, comme il l'a été de celui de notre bon Maître; il faut que le Sacré-Cœur soit l'autel de nos sacrifices, et que tout ce qui est en nous, soit purifié par son amour crucifié, qui n'a de joie qu'en la souffrance pour se conformer à son Bien-Aimé. Il faut avancer de plus en plus dans les voies de cet amour, quoique crucifiantes à la nature».
Considérant l'Enfant-Dieu dans le sein de Marie ou sur les bras de sa Mère, la Sainte disait: «Le Verbe divin a choisi le Cœur de Marie pour l'autel de ses sacrifices, où il s'est immolé comme victime de la divine justice, et s'est sacrifié à ce qu'il y avait de plus douloureux, pauvre, vil et abject, pour nous mériter d'être les victimes de son amour. Pour nous conformer à ce Verbe divin, que l'amour tenait continuellement immolé sur l'autel du cœur de sa Sainte Mère, et honorer sa vie de sacrifice, nous ferons trois victimes des trois puissances de notre âme: de notre esprit, de notre mémoire, de notre volonté (en les lui consacrant).
Nous offrirons plusieurs fois le jour au Père Eternel, des sacrifices de ce qui nous coûtera le plus, soit en renonçant à ce qui nous contente, soit en faisant ce qui nous mortifie».
L'adorable victime du Calvaire a offert à la Majesté divine offensée une réparation surabondante; cependant, elle invite les âmes généreuses à s'offrir en victimes avec elle, pour appliquer au monde coupable les mérites infinis de la grande expiation du Golgotha. Marguerite-Marie fut une de ces victimes de choix.
Notre-Seigneur lui dit: «Je veux te donner mon Cœur, mais auparavant je cherche pour ce Cœur une victime, laquelle veuille se sacrifier à l'accomplissement de mes desseins, comme une hostie d'immolation». Et comme la Sainte lui présentait plusieurs saintes âmes, il reprit: «Non, je ne veux pas d'autre victime que toi, c'est pour cela que je t'ai choisie».
En même temps, une flamme ardente descendit du Cœur de Jésus dans le sien pour la fortifier.
Nous entrerons dans ces dispositions en offrant à Notre-Seigneur les actes généreux d'un amour constant qui va jusqu'au sacrifice et à l'immolation.
Tous les écrits de la Sainte se résument dans ces mots: «Il faut aimer et faire aimer le Sacré-Cœur. Qu'à jamais soient rendus l'amour et la louange au Cœur tout amour, tout aimant et tout aimable de notre aimable Sauveur! Que tout soit à la gloire de son divin cœur et pour son amour!».
L'apostolat, c'est toute la vie de la Sainte. Son cœur est un foyer ardent dont les flammes veulent se répandre et se propager.
«Mon Souverain, écrivait-elle au P. Croiset, m'a tellement faite et destinée pour son Cœur tout aimable, que lui seul fait toute ma joie, ma consolation, mon trésor et ma félicité; hors de lui, le reste ne m'est rien. Je ne trouve aucune consolation dans la vie que dans les heureux succès des intérêts de ce Cœur adorable».
La Sainte, par l'ardeur de son apostolat, a allumé dans l'Eglise un incendie, qui ira sans cesse en grandissant, jusqu'à ce que la terre entière en soit embrasée.
Sans doute, ses principaux moyens d'apostolat furent la prière et la souffrance, comme il convenait à une sainte religieuse vivant dans son cloître; mais néanmoins son action extérieure a été vraiment prodigieuse. Elle recourut à la parole, à la plume, à l'action. Parler du Sacré-Cœur, c'était tout son bonheur. «Je ne pourrais jamais me lasser de ce sujet», disait-elle.
Elle exerça l'apostolat du Sacré-Cœur par ses écrits. Elle est justement appelée l'Evangéliste du Sacré-Cœur.
Ses lettres, ses billets, ses notes sur sa vie, tout est empreint du zèle le plus ardent. Elle écrivait et faisait écrire. Elle stimulait le zèle du P. Croiset et du P. de Galiffet.
Non contente de parler et d'écrire, elle agissait. Elle faisait élever des
chapelles et des autels, elle répandait des images, elle créait des associations. Elle faisait passer le Messager du Sacré-Cœur jusqu'à la Cour. L'incendie de son zèle gagnait de proche en proche. Beaucoup de monastères de la Visitation acceptaient cette dévotion. Des jésuites, des Capucins, des Bénédictins, des Oratoriens, des Ursulines, des prêtres, des gens du monde s'en firent les apôtres zélés.
Elle vécut et mourut pour le règne du Sacré-Cœur. Examinons-nous et rougissons de notre tiédeur au service de ce divin Cœur.
Son zèle ne tend pas seulement à développer la dévotion au Sacré-Cœur, elle brûle aussi du désir de convertir les pécheurs et de délivrer les âmes souffrantes du Purgatoire pour consoler le divin Cœur.
Combien elle intercède pour les pécheurs! Elle prie, elle souffre pour eux. Notre-Seigneur vient lui demander de souffrir tantôt pour ramener une âme à Dieu, tantôt pour rétablir la ferveur dans une communauté. Elle est toujours prête.
Et pour les défunts! «Le Sacré-Cœur, dit-elle, donne souvent sa chétive victime aux âmes du Purgatoire pour les aider à satisfaire à la divine justice: c'est dans ce temps que je souffre une peine à peu près comme la leur, ne trouvant de repos ni jour ni nuit».
«Si vous saviez, dit-elle, avec combien d'ardeur ces pauvres âmes demandent ce remède nouveau de la dévotion au divin Cœur et particulièrement des messes en son honneur».
Le mot de ralliement des serviteurs du Sacré-Cœur est celui de l'apôtre Saint Paul: Oportet illum regnare: «Il faut qu'il règne!».
Et ce règne est certain et assuré. «Je régnerai, a dit Notre-Seigneur, malgré mes ennemis».
Heureuses les âmes qui auront contribué par leur zèle à ce règne béni!
Chapitre IX
Les promesses du Sacré-Cœur
A. - «Promesses generales de grâces»
«Ses trésors contiennent les grâces de sanctification et de salut nécessaires pour tirer les hommes de l'abîme de la perdition».
«Mon Cœur se dilatera pour répandre en abondance les influences de son divin amour».
«Il ne laissera périr aucun de ceux qui lui seront consacrés».
«Faites en sorte que les personnes religieuses embrassent cette dévotion, car elles en retireront tant de secours qu'il ne faudrait pas d'autre moyen pour faire monter au comble de la perfection les âmes qui s'y livreraient».
Sainte Mechtilde: «Cet aimable Sauveur me fit connaître que c'était de ce divin Cœur que sortaient toutes les grâces que Dieu répand sans cesse sur les hommes».
«Qui diligit me, diligetur a Patre meo, et ego diligam eum et manifestabo ei meipsum» (Jo., XIV).
Que n'a pas fait Notre-Seigneur pour Saint Jean? Il en fit en quelque sorte un autre lui-même, lui laissant les derniers et les plus touchants gages de son amour: sa divine Mère pour être la sienne, sa croix pour souvenir, son Cœur pour séjour.
Les privilèges de Saint Jean présageaient les grâces du Sacré-Cœur.
B. - Promesses determinées
On sait les promesses du Sacré-Cœur, on ne les rappellera jamais trop.
1° Pour ceux qui travaillent au salut des âmes. - «Mon divin Sauveur m'a fait entendre que ceux qui travaillent au salut des âmes auront l'art de toucher les cœurs les plus endurcis et travailleront avec un succès merveilleux, s'ils sont pénétrés eux-mêmes d'une tendre dévotion à son divin Cœur».
2° Pour les communautés. - «Il m'a promis qu'il répandra la suave odeur de son ardente charité sur toutes les communautés qui l'honoreront et se mettront sous sa spéciale protection; qu'il en détournera tous les coups de la divine justice pour les remettre en grâce, lorsqu'elles en seront déchues».
3° Pour les personnes séculières. - «Elles trouveront par le moyen de cette aimable dévotion tous les secours nécessaires à leur état: c'est-àdire, la paix dans leur famille, le soulagement dans leurs travaux, les bénédictions du ciel dans toutes leurs entreprises, la consolation dans leurs misères et le refuge à l'heure de la mort».
4° Pour les maisons où l'image du Sacré-Cœur sera exposée et honorée. - «Je répandrai avec abondance dans le cœur de tous ceux qui honoreront mon Sacré-Cœur tous les dons dont il est plein, et partout où cette image sera exposée pour y être singulièrement honorée, elle y attirera toutes sortes de bénédictions».
5° Promesses de grâces en faveur de ceux qui se dévoueront pour lui. - «Ce divin Cœur me découvre des trésors d'amour et de grâces pour les personnes qui se consacreront et se sacrifieront à lui rendre et procurer tout l'honneur, l'amour et la gloire qui sera en leur pouvoir».
6° Promesse de salut pour tous ceux qui lui auront été dévoués et consacrés. - «Il m'a confirmé que le plaisir qu'il prend à être aimé, connu et honoré de ses créatures et si grand que, si je ne me trompe, il m'a promis que tous ceux qui lui auront été dévoués et consacrés ne périront jamais».
7° Promesse d'une bonne mort pour ceux qui communieront neuf premiers vendredis du mois à la suite. - «Je te promets, dans l'excessive miséricorde de mon cœur, que son amour tout-puissant accordera à ceux qui communieront neuf premiers vendredis du mois à la suite la grâce finale de la pénitence; ils ne mourront pas sans recevoir les sacrements et mon divin Cœur se rendra leur asile assuré en ce dernier moment».
8° Promesse du règne du Sacré-Cœur. - «Ne crains rien, je régnerai malgré mes ennemis et tous ceux qui s'y voudront opposer. Ce Sacré-Cœur régnera malgré Satan et tous ceux qu'il suscite à s'y opposer. Le ciel et la terre passeront mais non mes paroles».
Mais en fait, ces promesses se réalisent-elles? Sans aucun doute. Toutes les revues périodiques publiées sur le Sacré-Cœur à Toulouse, à Montmartre, à Paray, rapportent une foule de grâces obtenues par le Sacré-Cœur: des conversions surtout, des guérisons, la paix dans les familles, une bonne mort, des vocations, etc.
Beaucoup de ces traits sont rapportés dans un volume de M. Millot: «Trésor d'histoires sur le Sacré-Cœur», chez Lethielleux.
Nous raconterons seulement un trait de protection personnelle due à l'image du Sacré-Cœur.
C'était le 29 décembre 1881. Notre cher collège de Saint Jean fut incendié. Une grande aile toute neuve fut brûlée d'une manière désastreuse. J'avais mis à la façade au second étage une statue de bronze du Sacré-Cœur. La statue fut épargnée. Pas une des vitres de la fenêtre où elle était ne fut atteinte. Toutes les autres vitres du bâtiment volèrent en éclats. Le Sacré-Cœur resta debout sur les ruines pour présider à la reconstruction.
On se mit à l'œuvre. Pas une journée de pluie ne vint nous déranger pendant trois mois d'hiver. Des élèves logèrent au premier sous un plafond qui n'était abrité par aucun toit. Le Sacré-Cœur manifesta sa protection d'une manière toute providentielle.
Chapitre X
Paray-le-Monial, sanctuaire et jardin mystique du Sacré-Cœur
J'eus plusieurs fois le bonheur de visiter Paray. J'aime son pieux sanctuaire de la Visitation, plus adapté à des pèlerinages privés qu'à de grandes foules.
Pourquoi Notre-Seigneur à-t-il choisi Paray? C'est le cœur de la France. C'est le diocèse d'Autun où repose Saint Lazare, l'ami du Sacré-Cœur.
Paray avait sa grande abbaye cistercienne, où les disciples de saint Bernard priaient le Sacré-Cœur et soupiraient après la venue de son règne.
Paray-le-Monial! C'est le nouveau Paradis terrestre où Notre-Seigneur descendait au jardin et s'entretenait avec sa servante, comme Dieu faisait avec Adam au Paradis de la Genèse.
C'est là que Notre-Seigneur demanda à Marguerite-Marie le culte de son Cœur adorable. Ils s'adressaient aussi à moi particulièrement ces discours divins, puisque je devais avoir la mission de fonder un institut d'adoration, de réparation et d'apostolat pour le règne du Sacré-Cœur. Il est donc juste que je passe là, que j'y séjourne, que je lise et que je médite toutes les paroles du bon Maître. Je le fais et j'en suis ému et troublé. Que ma mission est belle et qu'elle est sainte, et comme j'en suis indigne!
Grâce à la grande bienveillance du Cardinal Perraud, j'ai pu pénétrer dans la clôture et visiter le jardin témoin des mystérieuses familiarités de Notre-Seigneur, mais c'est d'abord le sanctuaire qui me retient.
C'est là qu'ont eu lieu presque toutes les apparitions du Sacré-Cœur à sa sainte disciple. C'est là que Notre-Seigneur a demandé la pratique de l'Heure Sainte, la communion réparatrice, la sanctification du premier vendredi de chaque mois et la fête annuelle du Sacré-Cœur. C'est là qu'il a demandé un sanctuaire national et la consécration au Sacré-Cœur de la France d'abord et de toutes les nations chrétiennes.
C'est là que devant le Saint-Sacrement exposé la Sainte commença la pratique, aujourd'hui si répandue, de l'adoration du Sacré-Cœur. Notre-Seigneur apparaissait sur le tabernacle, à l'endroit de l'endroit de l'exposition, et la pieuse voyante était agenouillée derrière la grille du chœur à peu de distance. Le rayon divin traversait le chœur et la grille et allait embraser l'âme et le cœur de la Sainte.
Quelles émotions j'éprouvais là!
Notre-Seigneur laissait entendre ce qu'il demandait de moi. Je me frappais la poitrine et je reconnaissais mon impuissance et mon indignité. J'essayais de prier. J'avais tant de grâces à solliciter pour moi, pour mon œuvre, pour tous les miens!
Après avoir célébré la sainte messe et adoré le Saint-Sacrement, je vénère l'image et le corps de la Sainte dans sa châsse richement ornée. Je l'invoque, je lui demande quelque chose de son esprit, dont j'ai besoin pour ma mission.
Elle ne peut pas être indifférente à ma prière: «Vierge bénie, obtenez-moi la grâce de connaître et de goûter les richesses infinies du Cœur de Jésus et de participer à votre zèle pour son règne».
La chapelle de gauche était dédiée au Sacré-Cœur au temps de la Sainte, elle est maintenant consacrée au Saint Cœur de Marie, depuis que le Sacré-Cœur a pris possession du maître-autel.
Parmi les bannières qui tapissent les murs, il y en a une qui attire particulièrement l'attention, c'est celle qu'y déposèrent les députés de l'assemblée constituante, en 1873.
Elle représente dans un ovale gothique Notre-Seigneur montrant son Cœur avec cette légende: «Cor Jesu in te sperantium salus: Cœur de Jésus, salut de ceux qui espèrent en vous». - Au revers, sont les tables de la loi avec ces mots: «Lex sancta, mandatum sanctum: Loi sainte! commandement sacré!». On y lit encore en latin cette dédicace: «Au Sacré-Cœur de Jésus, offert par 150 députés de l'Assemblée nationale».
L'étendard de Patay provenait de la Visitation de Paray, on en voit un fac-similé dans la chapelle.
Admis à pénétrer dans le monastère, je fus conduit par la Révérende Mère Supérieure aux divers souvenirs dont le jardin est si riche. A la porte du cloître, on me rappelle que la Sainte a passé là souvent pour se rendre à l'appel de son bien-aimé.
Au centre du préau se trouve la puits où elle fut victime d'un accident. Me voici au jardin.
A droit, c'est le bouquet de noisetiers où Notre-Seigneur se manifesta à sa chère disciple. J'aurai la faveur d'en emporter quelques feuilles. Un groupe représente Jésus regardant avec amour la vierge qu'il a choisie et lui offrant une couronne d'épines.
A ses pieds, Marguerite-Marie, ravie en extase, accepte la couronne. Les noisetiers sont toujours pleins de vigueur. Plus loin, dans le fond du jardin est la première chapelle du Sacré-Cœur, où la Sainte passa une fois trois heures dans le ravissement. Près de cette chapelle, au cimetière de la communauté, reposent plus de cinquante épouses et victimes du Sacré-Cœur. Je porte envie aux Soeurs qui reposent dans cette terre bénie.
On revient de là vers la petite cour des Séraphins, près de la chapelle du couvent. La Sainte travaillait là en priant, agenouillée sur une marche de pierre, quand les séraphins vinrent la surprendre en chantant: «L'amour triomphe, l'amour jouit, l'amour du Saint Cœur réjouit».
Le Sacré-Cœur lui apparaissait brillant comme un soleil, au milieu du chœur des esprits célestes.
Au premier étage, la Révérende Mère me fait voir l'ancienne infirmerie où la Sainte Sœur rendit le dernier soupir. C'est là que son âme s'envola vers son époux céleste. On y montre le manuscrit de sa vie, écrite par elle-même, avec son voile, ses instruments de pénitence et d'autres objets qui lui ont appartenu.
La chapelle du monastère est faite surtout pour la prière calme et recueillie.
Un bon moment pour y prier est l'heure de Vêpres où les voix timides et douces des bonnes Sœurs permettent de se représenter les prières de la Sainte, et l'heure du salut où la foi nous représente dans l'hostie exposée le Cœur adorable du Sauveur qui semble nous renouveler ses demandes, ses plaintes et ses promesses.
Après la Visitation, je visite à Paray le tombeau du Vénérable P. Claude de la Colombière, qui est aussi pour nous un modèle. Sa Retraite est une de nos lectures les plus fortifiantes et son acte d'oblation est devenu notre offrande quotidienne.
Chapitre XI
Autres hérauts de la dévotion au Sacré-Cœur
Bossuet et Fénelon
Il a pu connaître à Versailles par le P. de la Chaise les merveilles de Paray-le-Monial. Il nous découvre (dans le panégyrique de Saint Jean, 3e point) les beautés intérieures du Cœur de Jésus, cachées par Saint Jean sous le voile d'un texte mystérieux qui ne devait émettre que graduellement sa divine lumière. - «Il ne suffit pas au Sauveur, dit-il, de répandre ses dons sur Saint Jean; il veut lui donner jusqu'à la source. Tous les dons viennent de l'amour: il lui a donné son amour. C'est au cœur que l'amour prend son origine; il lui donne encore le cœur, et le met en possession du fonds dont il lui a déjà donné tous les fruits. Viens, dit-il, ô mon cher disciple, je t'ai choisi devant tous les temps pour être le docteur de la charité, viens la boire jusque dans sa source, viens y prendre ces paroles pleines d'onction par lesquelles tu attendriras mes fidèles; approche de ce Cœur qui ne respire que l'amour des hommes; et pour mieux parler de mon amour, viens sentir de près les ardeurs qui me consument…
«Tous les écrits de Saint Jean ne tendent qu'à expliquer le Cœur de Jésus. En ce Cœur est l'abrégé de tous les mystères du christianisme: mystères de charité dont l'origine est un cœur tout pétri d'amour…
Il remonte jusqu'au principe „In principio”, c'est pour venir à ce terme «„et habitavit”, il a habité parmi nous. Qui l'a fait ainsi habiter parmi nous? l'amour. „Sic Deus dilexit mundum”». C'est donc l'amour qui l'a fait descendre pour se revêtir de la nature humaine; mais que cœur aurait-il donné à cette nature humaine, sinon un Cœur tout pétri d'amour!
«Donnez-moi, a-t-il dit à son Père, tout ce qu'il y a de plus doux et humain; il faut faire un Sauveur qui ne puisse souffrir les misères sans être saisi de douleur; qui, voyant les brebis perdues, ne puisse supporter leur égarement. Il lui faut un amour qui le fasse courir au péril de sa vie, qui lui fasse baisser les épaules pour charger dessus sa brebis égarée, qui lui fasse crier: «Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, Venez à moi vous tous qui êtes fatigués. Venez, pécheurs, c'est vous que je cherche. Enfin, il lui faut un cœur qui lui fasse dire: „Je donne ma vie parce que je le veux” (Jo. X, 18). C'est moi qui ai un cœur amoureux, qui dévoue mon âme et mon corps à toutes sortes de tourments. Voilà quel est le Cœur de Jésus, voilà quel est le mystère du christianisme. C'est pourquoi l'abrégé de la foi est renfermé dans ces paroles: «Pour nous, nous avons cru à l'amour que Dieu a pour nous». „Nos credidimus caritati quam habet Deus in nobis”» (Jo., IV).
Dans l'oraison funèbre d'Anne de Clèves (1685), Bossuet nous montre comment c'est la puissance de cet amour de Jésus, si admirablement exposé par son apôtre, qui ramena la princesse Palatine des extrémités du scepticisme à la sainteté la plus éminente, et qui seul peut encore guérir toutes les âmes (Alliance, p. 46).
(Panégyrique de Saint Jean).
«O Jésus, je désire me reposer avec Jean sur votre poitrine et me nourrir d'amour en mettant mon cœur sur le vôtre. Je veux être, comme le disciple bien-aimé, instruit par votre amour.
Il disait ce disciple, pour l'avoir éprouvé, que „l'onction enseigne toutes choses”. - Unctio ejus docet vos de omnibus (I Jo., II, 27). - (Que n'apprendrait-on point sans raisonnement, sans science, si on ne consultait plus que le pur amour, qui veut tout pour lui, qui ne laisse rien à la créature que l'obéissance, et qui met seul la vérité du règne de Dieu dans le fond de l'âme? L'amour décide tous les cas et ne s'y trompe point; car il ne donne rien à l'homme et rapporte tout à Dieu seul. C'est un feu consumant, qui embrase tout, qui dévore tout, qui anéantit tout, qui fait de sa victime le parfait holocauste… O Jésus, je n'ai pas d'autre docteur que vous, d'autre livre que votre Cœur. Là, j'apprends tout, en ignorant tout et en m'anéantissant moi-même. Là, je vis de la même vie dont vous vivez dans le sein de votre Père. Je vis d'amour; l'amour fait tout en moi. C'est surtout pour l'amour que je suis créé; et je ne fais ce que Dieu a prétendu que je fisse en me créant qu'autant que j'aime».
Chapitre XII
Le Sacré-Cœur et la théologie
Le culte du Sacré-Cœur a enfin trouvé sa place dans les ouvrages modernes de théologie dogmatique. C'est dans les traités de l'Incarnation et de la Rédemption qu'on lui consacre une ou deux thèses. On y explique la légitimité du culte du Sacré-Cœur et l'objet propre de ce culte.
Toutes ces thèses se ressemblent. Le sulpicien Labauche, dans ses Leçons de théologie dogmatique, les résume ainsi:
I. Le Cœur du Christ, considéré comme uni hypostatiquement au Verbe, mérite le culte d'adoration. - Cette doctrine est dogmatiquement fixée par la condamnation du synode janséniste de Pistoie, qui avait reproché aux partisans du culte du Sacré-Cœur d'adorer le Cœur de chair du Christ en l'isolant de la divinité. - Quand les fidèles adorent le Cœur du Sauveur, disait le décret pontifical, ils ne l'isolent pas de la divinité, ils adorent le cœur de la personne du Verbe à laquelle il est inséparablement uni. -
Le culte est un honneur qui s'adresse à une personne directement ou indirectement. Par ailleurs, l'humanité du Christ, qu'on la considère dans son intégrité ou seulement dans son Cœur, appartient manifestement à la personne du Verbe. Le culte que l'on doit rendre à cette humanité, même partiellement considérée, est celui qui convient à la personne du Verbe, c'est le culte de l'adoration.
C'est le même argument qui justifie le culte du Précieux-Sang, celui des plaies du Sauveur, celui de sa Passion.
II. L'objet propre de la dévotion au Sacré-Cœur. - Le culte du Sacré-Cœur s'adresse au Cœur de chair de l'Homme-Dieu, à ce cœur matériel qui donna l'impulsion au sang précieux du Sauveur, mais ce culte est motivé et déterminé avant tout à l'amour du Christ dont le Cœur est le symbole.
L'objet de cette dévotion, écrivait sainte Marguerite-Marie, «est l'amour du Christ sous la figure de son Cœur de chair». Cette doctrine fut enseignée avec une clarté parfaite au moment de la reconnaissance officielle du culte. «Il existe une confusion chez plus d'un, est-il écrit dans la Réplique aux exceptions du promoteur de la foi. Ils regardent l'objet propre de la fête, le Cœur de Jésus, d'une façon toute matérielle, comme serait une relique d'un corps saint… C'est une grave erreur. Ce n'est pas du tout ainsi qu'il faut entendre la fête du Sacré-Cœur. Il faut considérer le Cœur de Jésus:
„1° Comme ne faisant qu'un (à cause de l'union étroite), avec son âme et sa divine personne”.
„2° Comme le symbole ou le siège naturel de toutes les vertus et de tous les sentiments intérieurs du Christ, et, en particulier, de l'immense amour qu'il a pour son Père et pour les hommes”.
„3° Comme le centre de toutes les peines intimes que le très aimant Rédempteur a subies toute sa vie et surtout dans sa passion, pour notre amour”.
„4° Sans oublier la blessure qu'il a reçue sur la croix, blessure causée non pas tant par la lance du soldat que par l'amour qui dirigeait le coup”.
Tout cela est propre au Cœur de Jésus, tout cela s'unit pour faire avec le Cœur lui-même l'objet de cette fête; d'où il suit, et c'est là un point très digne de considération, que cet objet ainsi conçu embrasse vraiment et réellement tout l'intime de Notre-Seigneur Jésus-Christ» (Voir Nilles, P. 145).
On objecte en vain que le cœur n'est pas le siège de l'amour sensible et que les expériences portent à croire que la source des sentiments affectifs est dans le cerveau; l'Eglise n'a pas fondé ce culte sur des considérations physiologiques, mais sur le fait universellement reconnu que le cœur est le symbole, l'emblème de l'amour. (Voir le beau livre du P. de Bainvel sur la Dévotion au Sacré-Cœur, p. 175).
Ce symbolisme vient de ce que le cœur est l'organe qui manifeste les impressions de l'âme.
Toute passion un peu vive retentit physiquement dans notre cœur; l'émotion de l'amour le saisit, l'étreint. précipite ses battements ou les arrête. C'est donc le Cœur du Christ uni à l'amour dont il est le symbole qui fait l'objet de la dévotion au Sacré-Cœur. C'est tout l'amour du Verbe incarné.
Pourtant l'amour humain du Sauveur est au premier plan dans cette dévotion, et sans exclure l'amour du Verbe incarné pour Dieu, son Père, nous considérons avant tout l'amour du Verbe incarné pour les hommes. En nous présentant son cœur, Notre-Seigneur n'a-t-il pas dit: «Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes!».
Telle est la thèse commune des théologiens modernes.
* * *
L'avenir réserve une plus grande place au Sacré-Cœur dans l'exposition du dogme catholique. Le Sacré-Cœur illuminera tout le dogme chrétien de sa lumière divine. Le signe du Sacré-Cœur ne doit-il pas rayonner sur la science théologique comme sur tout la vie chrétienne?
Au traité de Deo, Dieu est charité, Dieu est amour. Dieu aime nécessairement sa divinité et il aime ses créatures qui sont faites à son image et ressemblance. C'est la source première de l'amour du Sacré-Cœur pour Dieu et pour les hommes.
Au traité de la Sainte Trinité: le Saint-Esprit est comme le Cœur de Dieu, il est l'amour du Père et du Fils. C'est lui qui a formé l'humanité du Verbe et son Cœur dans le sein de Marie. Le Cœur de Jésus est le Cœur de Dieu fait homme, tout entier voué à l'amour du Père céleste et à l'amour des hommes qui sont les enfants de Dieu.
Dans le plan divin de la Création, Dieu avait en vue le Verbe et son Cœur pour être connu et aimé par Jésus et par nous; et il mettait dans toutes les créatures des images et des symboles du Cœur aimant, vivifiant et réparateur de Jésus.
La Rédemption est l'œuvre du Sacré-Cœur.
Les Saintes Ecritures en révèlent à chaque page les figures et les bienfaits.
Les Sacrements et surtout l'Eucharistie sont des dons du Cœur de Jésus.
La grâce divine en découle.
Si les Fins dernières nous conduisent dans le sein d'Abraham, elles nous conduisent aussi au Cœur de Jésus pour participer à ses joies et louer avec lui son Père céleste, à condition que nous marchions fidèlement dans la voie qu'il nous a tracée.
Tout ceci n'est qu'une esquisse, mais il est certain que la théologie va prendre cette direction pour répondre, comme il convient, au règne du Sacré-Cœur de Jésus.
Chapitre XIII
La liturgie
Prières et liturgie
Depuis la grande révélation du Sacré-Cœur, une floraison intense de prières, de litanies, de messes, d'offices a merveilleusement embelli le paradis de l'Eglise arrosé par cette source divine.
Le P. Nilles de la Compagnie de Jésus a fait une compilation ou une gerbe de ces fleurs liturgiques en deux gros volumes qui demanderaient chaque année un chapitre complémentaire1).
Quelle belle étude il y aurait à faire sur cette flore surnaturelle, où l'on verrait cette dévotion se présenter sous une infinité d'aspects, tous plus attrayants l'un que l'autre!
Je souhaite que l'un des nôtres la fasse un jour.
Commençons par jeter un coup d'œil sur les messes approuvées. Il y en a déjà sept ou huit.
Arrêtons-nous aux cinq principales.
A. La messe Gaudeamus, du P. Eudes.
Elle célèbre la royauté du Sacré-Cœur. L'introït rappelle le premier chapitre de l'Apocalypse où Saint Jean exalte le règne de l'Agneau immolé, cujus imperium manet in aeternum. «Jésus-Christ, dit Saint Jean, est le prince des rois de la terre, il nous a aimés, il a versé son sang pour nous. Tout le peuple verra celui qu'ils ont transpercé. A lui l'empire et la gloire dans les siècles des siècles» (Apoc., ch. 1, vers. 5, 6 et 7).
L'épître est d'Ezéchiel, chapitre 36. Dieu nous promet un cœur nouveau: le P. Eudes applique cela dans un sens accommodatrice au Sacré-Cœur.
Au graduel, avec des passages choisis de Saint Jean, de Saint Paul et des psaumes, le P. Eudes nous dit combien Jésus nous a aimés, combien nous devons l'aimer et l'imiter:
«Comme mon Père m'a aimé, je vous aime» (S. Jean 15). «Imitez les sentiments du Cœur de Jésus» (Aux Philip., 2). «Mon cœur est prêt, Seigneur» (Ps. 107).
Le Trait est plus complet, il rappelle l'ouverture du Cœur de Jésus (S. Jean, 19), la demande de réparation du psaume 68 et les allusions mystiques du Cantique des cantiques au séjour de la colombe dans le creux du rocher.
Mais cette belle messe est surtout remarquable par sa Séquence, qui est un cantique plein de poésie, un chant d'amour où sont rappelées toutes les gloires du Cœur de Jésus et toutes les merveilles de sa bonté. Il faudrait un poète pour la traduire.
«Le Cœur de Jésus est doux comme le miel, c'est une source d'amour… C'est le lien d'union entre le ciel et la terre, c'est le siège de la Trinité et la merveille de l'amour, c'est l'évangile de la charité, un nectar céleste et la manne du cœur. Il est le guide du clergé et le directeur des âmes; source de piété, maison d'or, tour des amants, loi de feu des âmes pieuses, trésor de sainteté, abîme d'humilité, trône de la volonté divine, siège de la miséricorde.
C'est le paradis des bienheureux, le consolateur des affligés, la paix et le pardon des pécheurs. Il est tout à tous.
O Jésus, ravisseur des cœurs, brûlant d'amour pour nous, vous attirez tous les cœurs. O Cœur divin, souveraine bonté, immense libéralité incompréhensible charité, vrai bonheur de nos cœurs, soyez vraiment ce Cœur pour nous!…».
Le P. Eudes a mis dans ce chant toute la théologie mystique du Sacré-Cœur.
Il donne comme évangile les effusions d'amour du Cœur de Jésus au chapitre quinzième de Saint Jean.
La préface est celle de l'Incarnation.
La communion nous rappelle que Jésus est mort d'amour pour nous quand son Cœur s'est brisé dans un élan d'amour et de douleur.
En résumé, c'est une messe d'amour au Sacré-Cœur, plutôt qu'une messe de réparation.
Il était bon qu'un institut adoptât cette messe. C'est celle des Sudistes.
B. La messe Venite, du P. de Gallifet, n'est plus l'extase d'un mystique et le chant de l'amour, c'est un essai de thèse ou de prière théologique, qui sera perfectionné dans la messe suivante.
L'Introït est emprunté à l'épître aux Colossiens. «En Jésus, dit Saint Paul, sont tous les trésors de la sagesse et de la science». Dans le Cœur de Jésus, dit le P. de Gallifet, sont tous les trésors de la sagesse et de la miséricorde.
L'épître est extraite d'Ezéchiel comme dans la messe précédente.
Le graduel et le trait rappellent l'ouverture du côté de Jésus, par la lance, l'appel de l'époux à sa fiancée, à la colombe du rocher et la blessure du Sauveur annoncée par Isaïe.
L'Evangile est tiré du chapitre 19 de Saint Jean, qui rapporte le coup de lance du centurion.
La communion de cette messe demande des réparateurs et des consolateurs.
C. La messe Miserebitur qui est celle du bréviaire romain est la plus théologique. Elle réunit l'amour et la réparation.
L'Introït est tiré des lamentations de Jérémie et du psaume 88. Il rappelle les miséricordes infinies du Sauveur.
L'épître est le chapitre douzième d'Isaïe, la vraie prophétie du Sacré-Cœur. «Vous puiserez aux sources du Sauveur». Tout le symbolisme du Sacré-Cœur est là: la source centrale du paradis terrestre, la fontaine de Moïse, le fleuve mystique du ciel qui descend du trône de l'Agneau.
Le graduel résume les trois grands mystères du Sacré-Cœur : douceur et humilité dans la vie cachée, dans l'Eucharistie, mais ils ne sont pas placés dans l'ordre.
Le Trait relate les appels de David à la réparation dans les psaumes 68 et 71.
L'évangile est le chapitre 19 de Saint Jean, avec l'ouverture du côté de Jésus.
Cette messe est bien celle qui convenait pour l'Eglise universelle et aussi pour une congrégation dont le but est la vie d'amour et de réparation au Sacré-Cœur.
D. La messe Egredimini est toute d'amour et de tendre compassion au Sacré-Cœur.
Elle convient à une communauté religieuse de pieuses épouses du Sacré-Cœur.
Egredimini, sortez, venez, filles de Sion, voyez votre Sauveur avec la couronne (d'épines, dont sa mère (la synagogue) l'a couronné au jour (sanglant) de ses noces, où il porte joyeusement sa croix pour sauver les âmes et en faire ses épouses.
C'est une explication accommodatrice du Cantique des cantiques. L'épître donne la belle page de Saint Paul aux Ephésiens sur la charité du Christ.
Le graduel rappelle la douceur du Cœur de Jésus et sa passion: il omet l'Eucharistie.
L'Evangile est tiré du chapitre 15 de Saint Jean où le Sauveur épanche son Cœur après la Cène et nous invite à demeurer dans son amour.
E. Une autre messe Gaudeamus, également approuvée, peut être appelée la messe de la vie intérieure.
L'introït rappelle les noces de l'Agneau, au chapitre 19 de l'Apocalypse et le psaume Quam dilecta, où il voit l'image du Sacré-Cœur dans le tabernacle du Seigneur.
L'épître est tirée du chapitre 55 d'Isaïe: «Vous tous qui avez soif, venez boire aux sources du Sauveur».
Au graduel, deux appels du Sauveur: «Je suis la porte… Venez à moi, vous qui êtes dans la peine»; et le conseil de Saint Paul: «imitez les sentiments du Cœur de Jésus, Hoc sentite in vobis».
L'Evangile de Saint Mathieu: «Apprenez de moi que je suis doux et humble de Cœur».
A l'offertoire et à la communion, accommodation symbolique: Je demande à Dieu la grâce de visiter son Temple et d'habiter en sa demeure (Ps. 26). - Bienheureux, Seigneur, ceux qui habitent en votre maison (Ps. 83).
Le Sacré-Cœur n'est-il pas le vrai Temple du Seigneur et la demeure intime de la Sainte Trinité et de toutes les âmes saintes?
Cette messe convient à une communauté contemplative.
* * *
Les litanies variées écrites par Marguerite-Marie expriment délicieusement les diverses aspects du culte privé au Sacré-Cœur.
* * *
On peut consulter pour la liturgie, le volume du P. Nix: Cultus SS. Cordis Jesu (chez Herder, à Fribourg).
Le chant du Vidi aquam.
Les fidèles se doutent-ils du beau symbolisme de ce chant que l'Eglise a adopté pour l'aspersion de l'eau bénite au temps pascal?
C'est une allusion au chapitre 47 d'Ezéchiel qui rappelle le mystère du Sacré-Cœur. «Les eaux sortaient du Temple à l'orient et elles descendaient au côté droit au midi de l'autel. Ces eaux devenaient un torrent et sur leur chemin elles portaient la fertilité et guérissaient toute infirmité…».
Ce sont bien là les sacrements et de toutes les grâces. - C'est ainsi que l'ont compris les Pères et les exégètes. C'est le sentiment de Saint Jean Damascène, de Guillaume Durant dans son Rational, de Ludolphe de Chartreux.
Ainsi, pendant le temps pascal, après que le Cœur de Jésus a été ouvert dans le mystère de la Passion, l'Eglise nous donne dans l'aspersion dominicale un beau symbole de la distribution abondante des grâces du Sacré-Cœur.
Chapitre XIV
Attente de grâces
par le règne du Sacré-Cœur
Cette attente universelle de grâces spéciales par la protection du Sacré-Cœur, donnons-en le témoignage par le langage des Papes, par les déclarations des évêques, par le sentiment unanime des pieux fidèles.
A. - Attente de grâces
Pie IX et Léon XIII
I
Pie IX fut choisi de Dieu pour établir au moment opportun dans toute l'Eglise la fête du Sacré-Cœur (1856); puis, pour élever Marguerite-Marie sur les autels (1864)…
Il disait lui-même avec conviction: «L'Eglise et la société n'ont plus d'espoir que dans le Cœur de Jésus; c'est lui qui guérira tous nos maux: prêchez partout cette dévotion, elle doit être le salut du monde».
Puis, à la demande de l'Apostolat de la prière, dont le Directeur général avait obtenu, pendant le Concile du Vatican, la signature de plus de 500 évêques au bas de sa supplique, le grand Pape fournissait à tous les fidèles une formule solennelle de Consécration, afin de les exciter à se consacrer au divin Cœur pour le deux-centième anniversaire de la plus importante des révélations de Paray-le-Monial (16 juin 1875).
II
Léon XIII, lui aussi, peu après son élévation sur la chaire de Saint-Pierre, dans un discours aux pèlerins de l'Apostolat de la prière, nous assurait que cette dévotion providentielle est «le remède efficace des maux qui affligent le monde»; et il nous pressait, en conséquence, de nous dévouer avec charité et avec zèle, «pour que la dévotion sincère au Sacré-Cœur de Jésus se propage et se répande sur toute la terre».
Il ajoutait: «Le Cœur de Jésus est un modèle très parfait des vertus les plus sublimes; c'est la source inépuisable des plus riches trésors du ciel. Tous trouvent en lui la paix du cœur, le soulagement dans les épreuves, la bénédiction dans leurs entreprises, un doux refuge dans le cours de la vie et surtout à l'heure de la mort.
Ainsi nous le dit et nous l'assure l'héroïne du Sacré-Cœur, Sainte Marguerite-Marie… La charité du Cœur de Jésus a voulu par ce moyen (en manifestant cette dévotion) rappeler à lui le monde errant, le réconcilier avec Dieu et lui faire goûter en abondance les fruits de la Rédemption. Ce dessein de Notre-Seigneur accroît notre confiance».
Léon XIII continuait en se réjouissant de l'accroissement de l'Apostolat de la prière et en exprimant son intention de promouvoir dans toute l'Eglise la dévotion au divin Cœur.
Un évêque appelait ce discours un Mot d'ordre que nous devions recevoir avec vénération et suivre avec toute l'énergie de notre zèle.
En 1891, écrivant au Cardinal Richard à propos de la bénédiction de l'église de Montmartre, Léon XIII nous redisait les promesses de bénédictions divines faites par le Sacré-Cœur. Il écrivait:
«C'est une grande joie pour Nous, cher Fils, que de voir s'élever ainsi dans votre pays, en un lieu si célèbre, ce temple votif, monument insigne attestant la foi et la piété de la nation française dont l'attachement à la religion de ses pères s'est de tout temps affirmé par d'illustres exemples. C'est pour Nous une joie qu'au sein du même peuple où rayonnèrent les vertus de la bienheureuse habitante du ciel, disciple du divin Cœur et propagatrice de sa gloire, cette très pieuse dévotion prenne de nouveaux accroissements et se recommande à la postérité par l'exécution d'une si grande œuvre. Et ce qui augmente encore cette joie, ce sont les fruits de salut que promet une telle œuvre, c'est la ferme confiance où Nous sommes de voir le Christ Notre-Seigneur prendre de pareils adorateurs de son Cœur sous sa divine protection et sa perpétuelle sauvegarde… ».
B. - Autres témoignages
Lettre du Cardinal Richard adressant un nouvel appel à la charité des souscripteurs. Ces lignes s'adressent non seulement aux fidèles de Paris, mais encore à toute la France catholique.
«Nos très chers frères»,
Il nous tardait de vous exprimer le sentiment de profonde reconnaissance que nous conservons au fond de l'âme pour les témoignages de piété filiale que le clergé et les fidèles nous ont donnés à l'occasion de notre jubilé sacerdotal. Ce qui nous a vivement touché c'est que nous avons reconnu dans ces témoignages l'inspiration de votre foi. C'est bien Notre-Seigneur, le divin Pasteur de nos âmes, que vous honoriez dans l'infirmité de notre personne; c'est bien lui que vous aimiez, que j'aime avec vous et que je voudrais aimer davantage pour être encore davantage pasteur au milieu de vous, suivant la parole adressée par le Sauveur lui-même à son Vicaire: „Simon Joannis, diligis me?… pasce agnos meos: Pierre, si vous m'aimez, paissez mes agneaux”. Il n'est point, en effet, de meilleur témoignage d'amour donné à Notre-Seigneur que de dépenser sa vie pour les âmes qu'il nous a confiées.
C'est dans cette pensée de foi qui nous était commune à vous et à moi, N. T. C. F., que je vous ai exprimé le désir de voir vos pieuses offrandes destinées, non à me laisser un souvenir personnel de mes noces d'or, mais à procurer la construction de l'autel du Sacré-Cœur dans la basilique du Voeu National à Montmartre.
A peine avons-nous eu besoin d'émettre cette pensée; vous l'avez admirablement comprise; les dons de nos paroisses, de nos communautés, la généreuse offrande du riche et l'obole du pauvre se sont confondues dans un même trésor, et nous avons eu la joie d'offrir au Cœur adorable du Sauveur 150.000 francs, don filial et spontané de votre foi et de votre piété.
Mais, N. T. C. F., pendant que nous écrivions ces lignes, la rigueur prolongée de l'hiver multipliait les souffrances de nos pauvres. La charité de Notre-Seigneur nous a pressé de leur faire une large part dans vos pieuses largesses. Le Cœur Sacré du Sauveur sera ainsi doublement consolé, et par l'hommage de votre amour, et par le soulagement des pauvres qui sont toujours l'objet de sa divine compassion.
Que pouvons-nous faire maintenant sinon répéter la parole de Saint Paul quand il remerciait les Corinthiens de leur générosité: „Gratias Deo super inenarrabili dono Ejus: Grâces soient rendues à Dieu pour son ineffable bienfait”.
En vous invitant, N. T. C. F., à porter vers la basilique de Montmartre l'élan de vos cœurs, nous ne faisions que répondre au sentiment intime et profond qui entraîne depuis vingt-cinq ans la France entière vers l'église du Voeu national. Il nous semblait entendre la voix du vénérable cardinal Guibert qui nous disait à son lit de mort: Les chrétiens ont la conviction que cet hommage national offert au Divin Cœur de Jésus sera le salut de la France. Il avait posé et béni la première pierre de l'édifice sacré, le 16 juin 1875, et fait descendre du haut de la montagne de nos martyrs, sur la capitale de la France, la parole du Sauveur nous révélant dans les Béatitudes évangéliques les conditions de la paix intellectuelle et de l'union des volontés: «Bienheureux les pauvres, parce que le royaume des cieux leur appartient; bienheureux ceux qui sont doux, parce qu'ils posséderont la terre; bienheureux les miséricordieux, parce qu'ils obtiendront miséricorde; bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu; bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés». La dernière parole du vénérable cardinal mourant était la consécration de ces enseignements, de ces espérances, de ces promesses de salut pour la France.
Dieu fait son œuvre dans notre société contemporaine. Ne sentons-nous pas dans les âmes une secrète inquiétude, une aspiration vers la vérité qui nous délivrera des déceptions d'une science orgueilleuse et impie? Le monde est inquiet, parce qu'il n'a pas Dieu, et que la société, comme les individus, ne peut avoir le repos qu'en venant à Dieu et à Jésus-Christ son Fils.
Or, N. T. C. F., que fait la France depuis vingt ans en bâtissant l'église de Montmartre? Elle vient à Dieu, repentante de ses égarements et pleine d'espérance pour l'avenir, parce qu'elle se dévoue à la propagation de la vérité et de la charité, que le Sauveur a apportées au monde. Ce serait avoir une courte vue que de ne voir dans l'édification de la basilique du Sacré-Cœur qu'un acte de dévotion accompli par de pieux fidèles. Souvenons-nous que l'église du Sacré-Cœur est l'église du Vœu National, vœu sorti du cœur de la France dans les angoisses douloureuses de 1870 et 1871, poursuivi avec persévérance pendant vingt-cinq années. C'est donc faire acte de chrétien et de Français que de hâter l'achèvement de l'édifice sacré et de mettre le couronnement à notre vœu national.
Telle est, N. T. C. F., la pensée intime qui nous a porté à diriger vers ce but les dons de votre piété filiale, et nous remercions Dieu du plus profond de notre cœur de ce que vous avez compris les desseins miséricordieux de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur notre Patrie tant aimée. Hâtons, N. T. C. F., hâtons l'accomplissement de notre vœu national. À la fin de l'année prochaine, l'éminent cardinal de Reims célébrera le quatorze-centième anniversaire du baptême de Clovis et de la naissance de la nation française à la vie chrétienne. Puissions-nous, l'année suivante, voir les enfants de la France s'unir pour consacrer notre Patrie au Sacré-Cœur! Ce serait répondre a l'appel de notre grand Pontife Léon XIII, dans sa Lettre pastorale aux princes et aux peuples de l'univers: „Le siècle dernier laissa l'Europe fatiguée de ses désastres, tremblante encore des convulsions qui l'avaient agitée. Ce siècle, qui marche à sa fin, ne pourrait-il pas en retour transmettre comme un heritage au genre humain quelque gage de concorde, et l'espérance des grands bienfaits que promet l'unité de la foi chrétienne?”».
«A l'œuvre donc, N. T. C. F.,! Poursuivons notre tâche de chrétiens et de Français; APPORTONS LES DERNIERES PIERRES pour élever le dôme majestueux qui doit couronner la Basilique et dont la construction commencera dans quelques semaines. „Que Dieu, dirons-nous encore avec Léon XIII, daigne exaucer nos vœux, ce Dieu riche en miséricorde qui tient en sa puissance les temps et les heures propices, et que, dans son infinie bonté, il hâte l'accomplissement de cette promesse de Jésus-Christ: Il n'y aura qu'un seul bercail et qu'un seul Pasteur: Fiet unum ovile et unus Pastor„».
Lettre d'un Vicaire-Général au Supérieur des chapelains de Montmartre.
Venite ad Sanctuartum ejus.
2 Paral. XXX, 8.
«Mon très révérend Père,
L'accueil trop bienveillant que vous avez fait à ma lettre, il y a un mois, me décide à vous communiquer, ainsi que vous avez bien voulu m'y engager, la suite des réflexions que m'inspire l'œuvre de la noble croisade du pèlerinage national à Montmartre, que le grand Pape régnant a prêchée le premier et qu'il vous a exhorté à prêcher à votre tour du haut de la sainte montagne que le Sacré-Cœur a choisie. Je dirai donc plein de confiance avec le Psalmiste: J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé. Credidi, propter quod locutus sum.
Si, après la parole du Saint-Père qui se confond pour vous avec celle de votre éminent Archevêque et qui, en justifiant hautement, à elle seule, votre entreprise, en assure d'avance le succès, vous aviez besoin, vous et vos zélés collaborateurs, d'un exemple authentique et tout à fait hors de pair pour ajouter encore à votre foi et à votre confiance en votre mission, vous n'auriez qu'à vous souvenir de ce que nous lisons dans la Sainte Ecriture, au second livre des paralipomènes. Là se trouve comme représentée en six chapitres, dans l'histoire de l'impie Achaz et de son fils, le saint roi Ezéchias, celle des iniquités de notre patrie durant tout un siècle et des malheurs qui en furent la punition, ainsi que l'image consolante de notre retour à Dieu et du prélude de notre relèvement social et moral par le Sacré-Cœur.
Notre patrie trop longtemps, hélas! a suivi les égarements d'Achaz. Elle aussi avait sacrifié à de vaines idoles, je veux dire, à toutes les erreurs du rationalisme et de la philosophie séparée. Elle avait offert, dans ces derniers temps, un encens coupable à deux renégats impies, en élevant à l'un déjà mort, à Voltaire, une statue triomphante, à l'autre encore vivant alors, à Renan, une chaire d'éclat. La nation n'avait pas assez protesté soit en paroles soit en actes contre cette apostasie, et l'on avait abandonné à leurs ennemis Dieu, Jésus-Christ, l'Eglise, le Pape. Tant d'ingratitude sacrilège devait faire déborder la coupe de la vengeance divine.
Mais, si la France s'est perdue en suivant les exemples de l'impie Achaz, il faut que, pour se sauver et recouvrer son ancienne prospérité, elle imite la profonde religion et la piété du saint roi Ezéchias, car la politique de Dieu ne change pas: toujours „il renverse les superbes et élève les humbles”. D'ailleurs ces faits de l'Ancien Testament n'ont été en général si gigantesques que pour pouvoir servir d'instruction à toute la postérité.
„A peine monté sur le trône, Ezéchias résolut de venger Dieu et de réparer tout le mal qu'avait fait son malheureux père”. Ici laissons parler la Bible. „Dès le premier mois de la première année de son règne, il fit rouvrir les portes du temple que son père avait fermées, et, assemblant les prêtres et les lévites, il leur dit: Sanctifiez-vous, purifiez la maison du Seigneur… Nos pères ont péché et ont commis le mal en sa présence… ils n'ont plus brûlé d'encens ni offert d'holocauste dans le sanctuaire au Dieu d'Israël. Aussi la colère de Jéhovah s'est enflammée contre Juda et contre Jérusalem. Il les a livrés au trouble et à la mort… Nos fils, nos filles et nos épouses ont été emmenés captifs à cause de nos iniquités. C'est pourquoi je désire que nous renouvelions l'alliance avec le Seigneur, Dieu d'Israël, et il détournera de nous sa colère”. Ainsi parla le saint roi.
Quand les prêtres et les lévites eurent purifié le temple et précipité dans le torrent du Cédron tout ce qui le souillait, il s'y rendit escorté des princes et de l'élite des habitants de Jérusalem, et la restauration du culte sacré se fit avec une grande pompe, en présence de toute la multitude, tandis qu'on immolait de nombreuses victimes et que l'on chantait les louanges du Seigneur au son des cymbales et des trompettes, mêlé à la douce symphonie des harpes et des cithares».
„Ezéchias fit donc dans tout Juda ce que nous venons de dire, et, cherchant Dieu de tout son cœur, il accomplit ce qui était bon, droit et vrai devant le Seigneur. Il le fit et il prospéra. Fecitque et prosperatus est”. - Il prospéra en effet magnifiquement: Dieu, outre la protection sensible dont il l'entoura constamment lui et son peuple, opéra, deux prodiges des plus extraordinaires. Le premier fut pour lui accorder une faveur personnelle en le guérissant d'une maladie mortelle, faveur dont il lui donna, sur sa demande, l'assurance par la bouche du prophète Isaïe, en faisant rétrograder instantanément l'ombre de dix lignes sur le cadran de l'horloge d'Achaz. Le second fut plus extraordinaire encore et tout à fait exceptionnel: Sennachérib, le grand ravageur de royaumes, qui avait déjà triomphé, avec une ostentation insolente à Lachis, ainsi qu'il est représenté dans un bas-relief assyrien connu, était venu, en défiant Jéhovah par d'horribles blasphèmes, mettre le siège devant Jérusalem qu'il menaçait d'une ruine complète. Ses immenses préparatifs étaient finis et, la veille de l'attaque, il se reposait pour la commencer le lendemain au premier lever de l'aurore. C'est là que Dieu l'attendait; une nuit plus épouvantable que celle du massacre des premiers nés d'Egypte par l'ange exterminateur commençait. Le lendemain, ô désastre inouï. que les historiens profanes, entre autres le chaldéen Bérose, ont été obligés d'enregistrer, cent quatre-vingt-cinq mille cadavres jonchaient la terre, et Sennachérib, hors de lui-même et désespéré, s'enfuyait honteusement pour aller périr à Ninive de la main de ses enfants. C'est ainsi que le Seigneur avait récompensé le saint roi Ezéchias de son zèle à rétablir le culte divin et les Israélites de leur empressement à se rendre à cet appel qu'il leur avait fait: „Venez tous à son sanctuaire. Venite ad Sanctuarium ejus”. - „Ne craignez point le roi des Assyriens, leur avait-il dit en apprenant son approche, car il y a beaucoup plus de monde avec nous qu'avec lui. Tout ce qui est avec lui n'est qu'un bras de chair, mais nous avons, nous, le Seigneur qui nous protège et qui combattra pour nous”. Puisse la France être autorisée à dire bientôt aussi avec une nouvelle et pleine confiance: „Nous avons avec nous le Sacré-Cœur qui nous protège et qui combattra pour nous!”. Pour cela qu'elle achève ce monument expiatoire qu'elle a si bien commencé et continué jusqu'à l'heure présente sans interruption; qu'elle réponde en même temps à l'invitation qui lui est faite au nom du Sacré-Cœur par cette bouche auguste qui ne s'ouvre qu'aux oracles du ciel: „Venez à son sanctuaire. Venite ad Sanctuarium ejus”. Oui, venez tous, Français, justes et pécheurs, riches et pauvres; un père n'est jamais plus heureux que quand il se voit entouré de ses enfants, surtout lorsqu'ils sont accourus de bien loin pour le voir. S'il faisait entre eux quelque différence, ce ne pourrait être qu'en faveur des plus malheureux et des plus déchus, et qui d'entre eux alors serait assez dénaturé et assez peu généreux pour s'en plaindre? Nous savons d'ailleurs quelle est la manière de procéder du Sacré-Cœur. Elle éclate d'une manière touchante dans l'histoire de Zachée: Jésus a vu et distingué Zachée avant d'en être vu lui-même, suspiciens Jésus. Il ne lui demande l'hospitalité que pour lui apporter honneur et bonheur et lui communiquer les trésors du Ciel dans la même mesure qu'il se dépouillera de ceux de la terre en faveur des pauvres. Qui n'accourrait donc à Montmartre avec d'autant plus d'allégresse qu'il vient de plus loin, sûr de faire la joie du Sacré-Cœur et d'en être vu, tendrement accueilli et consolé et de s'en retourner converti comme Zachée ou affermi dans la sainte persévérance. - Nous avons la confiance que pas un seul de ceux qui entendront cet appel du Sacré-Cœur et du Pape: „Venez à Montmartre, Venite ad Sanctuarium ejus”, ne voudra y rester sourd. Il sera entendu particulièrement, nous ne saurions en douter, de ces populations religieuses du centre de la France qui tiennent à honneur d'avoir été évangélisées par Zachée, devenu apôtre, et par saint Martial, ces deux amis du Sacré-Cœur, et, pour ne citer qu'un nom, les intrépides et infatigables pèlerins du Quercy que l'on a vus tant de fois à Lourdes, ne seront pas, l'on peut en être sûr, les derniers au rendez-vous. Que le divin Cœur bénisse d'avance tous ceux qui viendront de loin ou de près, en attendant qu'il leur fasse entendre dans son sanctuaire et à sa table cette ineffable parole: „Je veux descendre aujourd'hui de la manière la plus intime dans la maison de votre cœur” et qu'il leur rende à tous ce précieux témoignage, devant ses anges et devant son Père: „Le salut a été fait aujourd'hui à cette âme, parce qu'elle est véritablement la fille et la servante dévouée de mon Sacré-Cœur”.
„Veuillez agréer, mon très révérend Père, l'expression de mon bien respectueux dévouement en N.-S.”».
L'abbé M…, vic. gén.
Craintes et espérances
(Lettre pastorale de Mgr Mathieu, évêque d'Angers, vers 1895)
«Nous espérons beaucoup dans un avenir prochain, et nous voudrions dissiper ce pessimisme qui est une disposition très fâcheuse chez les chrétiens, dont la guerre contre le mal est la constante vocation. Comment se battre avec courage, quand on se bat sans espoir?
La vérité, c'est que l'Eglise, catholique, seule éternelle parmi les bouleversements politiques, seule immuable au milieu du conflit des idées, reste debout devant les ruines intellectuelles et morales accumulées par notre siècle, comme l'unique force organisée, capable d'unir les esprits, d'apaiser les cœurs et de grouper les volontés».
Mgr Mathieu est devenu ensuite archevêque de Toulouse, puis cardinale de curie, +1908.
Le dr Didiot
Théologie: Préface, p. XV '
«Ah! qu'il faut bénir Dieu de nous avoir envoyé, après des pontifes dont le rôle en ce siècle rappela celui des anciens Pères, après un concile oecuménique analogue en bien des points à celui de Nicée, un Pape qui est à la fois le restaurateur et le continuateur de la philosophie, de la théologie et du droit de l'Ecole. Obéir à ses ordres, suivre ses indications, faire l'œuvre de ses préférences, c'est là notre tâche. En dépit de nos craintes et de nos médiocrités, nous l'accomplirons avec la grâce de Dieu. D'autres viendront, plus robustes, plus savants, plus sûrs d'eux-mêmes: et la régénération voulue par Léon XIII préparera le triomphe universel et prochain du Christ et de la vérité2)».
Que sera l'avenir?
Prédiction faite par Joseph de Maistre, en 1819, sur l'avenir commun de l'Eglise et de la France
«Il est infiniment probable que les Français nous donneront encore une tragédie; mais que ce spectacle ait ou n'ait pas lieu, voici ce qui est certain, mon cher chevalier.
L'esprit religieux, qui n'est pas du tout éteint en France, fera un effort proportionné à la compression qu'il éprouve, suivant la nature de tous les fluides élastiques.
Il soulèvera des montagnes, il fera des miracles. Le Souverain Pontife et le sacerdoce français s'embrasseront, et, dans cet embrassement sacré, ils étoufferont les maximes gallicanes.
Alors, le clergé français commencera une nouvelle ère et reconstruira la France - et la France prêchera la religion à l'Europe - et jamais on n'aura rien vu d'égal à cette propagande. Si l'émancipation des catholiques est prononcée en Angleterre, ce qui est possible et même probable, et que la religion catholique parle en Europe français et anglais, souvenez-vous bien de ce que je vous dis, il n'y a rien que vous ne puissiez attendre.
Et si l'on vous disait que dans le courant du siècle on dira la messe à St-Pierre de Genève et à Sainte-Sophie de Constantinople, il faudrait dire: - Pourquoi pas?».
- Cette prédication est en partie réalisée. jamais le clergé français n'a embrassé plus étroitement la chaire de S. Pierre: les maximes gallicanes sont définitivement enterrées; enfin, le catholicisme fait en Angleterre des progrès merveilleux.
Le ferment de cette régénération est dans la dévotion au Sacré-Cœur propagée surtout par la France.
C. - Attente de grâces nouvelles.
Le sentiment unanime des fidèles
I. C'est là un fait immense qui se manifeste de toutes parts.
Sous l'impulsion des Souverains Pontifes, tous nos évêques, les prêtres, les supérieurs de communautés, les directeurs d'œuvres, revendiquent un spécial dévouement au Cœur de Jésus comme le plus solide fondement de leurs espérances.
De là, | les consécrations, les pèlerinages, |
les sanctuaires nouveaux, | |
les statues et autels, | |
les associations et confréries, | |
la diffusion universelle de l'apostolat de la prière, | |
le succès du voeu national. |
Tous ces signes attestent clairement que la nécessité providentielle de la dévotion à ce divin Cœur devient de plus en plus l'objet d'un sentiment unanime.
II. Or, d'après l'enseignement de la théologie, ce sentiment commun des fidèles, fidelium communis sensus, ne peut affirmer que la vérité, car il ne peut venir que du Saint-Esprit qui les anime et les dirige…
Ce sentiment s'exprime en France particulièrement par le cantique vraiment national:
Dieu de clémence,
O Dieu vainqueur,
Sauvez Rome et la France
Par votre Sacré-Cœur!
D. - Attente de grâces spéciales
pour les prêtres dévoues au Sacré-Cœur
I. Saint Vincent Ferrier dépeint les Apôtres à venir: ces hommes pauvres, simples, doux, humbles, vils à leurs propres yeux, s'aimant entre eux d'une ardente charité, ne pensant, ne goûtant et n'ayant sur les levres que J.-C., et Jésus crucifié… (Voir II, 85).
N.-S. annonçait à Elisabeth Canori Mora des prêtres zélés, remplis de l'Esprit-Saint et qui renouvelleraient la face de la terre et de saints religieux qui posséderont l'esprit de son fils bien-aimé, Ignace de Loyola (II, 305).
Le B. Grignon de Mon fort appelait aussi de ses vœux et de ses prières des prêtres renouvelés par une grâce plus forte: «Ils se donneront à Marie sans partage, pour être à J.-C. de même. Ils seront un feu brûlant, des ministres du Seigneur qui mettront le feu de l'amour divin partout. Ce seront des lévites bien purifiés par la tribulation et unis bien intimement à Dieu, qui porteront l'or de l'amour dans le cœur, l'encens de l'oraison dans l'esprit et la myrrhe de la mortification dans le corps, et qui seront partout la bonne odeur de J.-C., aux pauvres et aux petits» (II, 135). Sainte Gertrude (liv. IV): «Aux derniers temps était réservée la grâce d'entendre la voix éloquente du Cœur de Jésus. A cette voix, le monde vieilli rajeunira; il sortira de sa torpeur et la chaleur de l'amour divin l'enflammera encore».
Le B. Joachi, de Florès. (Supra Apoc., parte 4, disp. 7): «Dans l'image de celui qui nous apparaît assis sur un nuage blanc et semblable au Fils de l'homme, il nous semble reconnaître une société de saints personnages (ordinem justorum) ayant comme but spécial la parfaite imitation de la vie du Fils de l'homme et de celle de saint Jean l'Evangéliste. Ils ont reçu en partage une langue bien douée pour annoncer l'Evangile du règne de Dieu et le temps de la dernière moisson à recueillir dans le grenier du Seigneur. Leur vie est comme un feu brûlant d'amour pour Dieu et de zèle pour sa gloire…».
(Ceci peut s'entendre des prêtres et religieux des derniers temps en général).
La SrMechtilde de Magdebourg (+1293) a entrevu aussi les Frères des derniers temps, qui seront particulièrement embrasés du St-Esprit. Le B. Grignon de Montfort dit encore, dans sa prière embrasée: «Saint-Esprit, souvenez-vous de produire et de former ces enfants de Dieu, avec votre divine et fidèle épouse Marie… Le règne spécial de Dieu le Père a duré jusqu'au déluge et a été terminé par un déluge d'eau; le règne de J.-C. a été terminé par un déluge de sang; mais votre règne, Esprit du Père et du Fils, continue à présent et sera terminé par un déluge de feu, d'amour et de justice… Quand sera-ce que viendra ce déluge de feu du pur amour, que vous devez allumer sur toute la terre d'une manière si douce et si véhémente, que toutes les nations en brûleront… Memento congregationis tuae… Ego elegi eos de mundo… C'est un tropeau d'agneaux paisibles que vous devez ramasser parmi tant de loups; une compagnie de chastes colombes et d'aigles royaux parmi tant de corbeaux; un essaim de mouches à miel parmi tant de frelons; un troupeau de cerfs agiles parmi tant tortues; un bataillon de lions courageux parmi tant de lièvres timides…
Vous avez prédit, Seigneur, cette compagnie d'élite et il cite le ps. 67, v. 10-17. Pluviam voluntariam segregabis Deus haereditati tuae… ils n'auront d'autre but que de donner à Dieu toute la gloire des dépouilles remportées sur l'ennemi. Rex virtutum, dilecti, dilecti, et speciei domus dividere spolia et pour cela Dieu mettra en eux ses complaisances.
Pennae columbae deargentatae, les plumes argentées de la colombe; c'est la pureté de la doctrine et des moeurs. Posteriora dorsi in pallore auri. Les ailes dorées, c'est la charité envers le prochain et un grand amour de Jésus pour porter sa croix… Mons pinguis, mons coagulatus, la montagne sainte et féconde, c'est Marie».
II. Sainte Marguerite-Marie
Elle écrivait à la Mère Greyfié: «Si vous saviez combien je me sens pressée d'honorer le Sacré-Cœur de N.-S. J.-C! … Il m'a confirmé le plaisir extrême qu'il prend d'être connu, aimé et honoré des créatures. Il m'a promis que tous ceux qui lui sont dévoués et consacrés ne périront jamais. Comme il est la source de toutes bénédictions, il les répandra avec abondance dans tous les lieux où sera posée et honorée l'image de son divin Cœur… Il répandra la suave onction de son ardente charité dans toutes les communautés qui l'honoreront et se mettront sous sa spéciale protection. Il en détournera tous les coups de la divin justice, pour les remettre en grâce lorsqu'elles en seront déchues…».
L'année suivante, 1686, elle écrit à la même: «Je ne puis me dispenser de vous dire ce mot de la fête de notre saint fondateur, lequel me fit connaître qu'il n'y avait point de plus efficace moyen de réparer les déchets de son Institut que d'y introduire la dévotion du Sacré-Cœur, et qu'il désirait que ce remède y fût employé».
En 1689, elle écrivait au P. Rolin:
«Je ne sache pas qu'il y ait nul exercice de dévotion dans la vie spirituelle qui soit plus propre pour élever en peu de temps une âme à la plus haute sainteté, et pour lui faire goûter les véritables douceurs qu'on trouve au service de Dieu. Faites en sorte que les personnes religieuses embrassent cette dévotion, car elles en retireront tant de secours, qu'il ne faudrait pas d'autre moyen pour rétablir la première ferveur et la plus exacte régularité dans les communautés les moins bien réglées, et pour porter au comble de la sainteté celles qui vivent dans la plus exacte régularité. Mon divin Sauveur m'a fait entendre que ceux qui travaillent au salut des âmes auront l'art de toucher les cœurs les plus endurcis, et travailleront avec un succès merveilleux s'ils sont pénétrés eux mêmes d'une tendre dévotion au divin Cœur…
A la mère de Saumaise: «Notre-Seigneur m'a découvert des trésors d'amour et de grâces pour les personnes qui se sacrifieront et se consacreront toutes à lui rendre et procurer l'honneur, l'amour et la gloire qui seront en leur pouvoir, mais des trésors si grands, qu'il m'est impossible de m'en exprimer… ».
En 1689, elle écrit encore: «N.-S. m'a fait voir la dévotion à son divin Cœur comme un bel arbre, qu'il avait destiné de toute éternité pour prendre son germe et ses racines au milieu de notre institut… Il veut que les Filles de la Visitation distribuent les fruits de cet arbre sacré avec abondance à tous ceux qui désiront d'en manger, sans crainte qu'ils leur manquent; parce qu'il prétend de redonner par ce moyen la vie à plusieurs en les retirant du chemin de la perdition, en ruinant l'empire de Satan dans les âmes pour y établir celui de son amour, qui n'en laissera périr aucune de celles qui lui seront consacrées… Mais il ne veut pas s'en arrêter là. Il a encore de plus grands desseins qui ne peuvent être exécutés que par sa toute-puissance, qui peut tout ce qu'elle veut».
Voir encore: Anne de Rémusat et la Sr Marie de Jésus Dubourg
III. La Mère Marie-Thérèse, fondatrice des Sœurs de l'Adoration réparatrice.
Etant à la messe, elle eut une vision qu'elle raconta ainsi à son confesseur:
«Je vis surgir un peuple nouveau au milieu des chrétiens… Ce que je voyais surtout, c'était la gloire qu'ils rendaient à Dieu en répandant la vie de N.-S. J.-C., au très Saint Sacrement. Je voyais ce peuple toujours prosterné aux pieds du trône eucharistique, et les prêtres de cet ordre propageant l'amour divin dans tous les cœurs. Je voyais ces nouveaux apôtres de la charité de Jésus vivre au milieu du monde dans un état si angélique, si plein de dignité et de simplicité, en un mot si conforme à J.-C. même, et la société entière imiter si parfaitement la Sainte Famille à Nazareth, que je ne pus supporter l'excès de mon bonheur: je crus mourir de joie…» (1880).
M. d'Hulst dit à ce sujet: «Sans doute, et malgré ce qui a été commencé de plusieurs côtés par de saints et vénérables prêtres, nous ne voyons rien encore autour de nous qui réponde à ce qu'elle crut apercevoir dans l'avenir. Mais les traits saillants de cette vision rappellent d'une façon trop frappante ce qui fut montré à plusieurs grands serviteurs de Dieu, pour ne pas attirer toute notre attention» (Et il cite la prophétie du B. Grignon de Montfort).
En 1853, la Mère Marie-Thérèse écrivait: «Le divin Esprit m'a donné une grâce de prière pour les Prêtres du Saint Sacrement. Depuis deux ans je les appelle du plus profond de mon âme. Mes souffrances, mes sacrifices, j'ai tout offert pour obtenir que ce grand privilège qui nous a été donné soit remis entre les mains de ceux qui seuls sont dignes de cette sublime vocation… J'attends le jour de la manifestation de la gloire eucharistique… Cette œuvre demande la sublimité du ministère sacerdotal. Il faut les vrais sacrificateurs pour tenir élevée de terre la victime sacrée». En 1854, elle disait: «Je souffre beaucoup à cause de la branche des hommes. Je la désire. Il me paraît dans toutes mes oraisons que Dieu la veut, que notre œuvre ne peut s'établir solidement et se développer qu'avec les apôtres de la vie de Jésus au Saint Sacrement… J'ai la convinction que les apôtres de l'Œuvre eucharistique recevront, par quelque signe divin, l'appel nécessaire pour cette sublime mission. Pour moi, je dois m'humilier et me taire, n'étant pas digne de baiser la poussière de leurs pieds».
En 1855, elle crut à la réalisation de ses vœux.
Mgr Luquet avait adopté son idée, et s'était constitué maître des novices du Nazareth des hommes, à Paris, rue des Ursulines. La naissante communauté se composait du P. Juilliard, du F. François et de deux jeunes laïques. Mais l'année suivante ce petit groupe se dispersa. Le F. François seul devenu prêtre, revint se mettre à la disposition de la Mère Marie-Thérèse. Il devait être un jour, selon l'expression de Marie-Thérèse, sacrificateur des âmes réparatrices. Il devait en faire ce que le prêtre fait de l'hostie, les offrir, les briser, les bénir. Quand son espérance fut détruite, elle dit de lui: «Le courageux Frère François me paraît plutôt précurseur que fondateur».
Dans l'ardeur de ses désirs, elle s'écriait: «Mon Dieu, mon Dieu, vous savez combien je trouve les pauvres femmes insuffisantes pour soutenir les sublimités de cette vocation!… D'autres viendront, dont nous ne sommes pas dignes de dénouer la chaussure; car N.-S. a confié son Corps adorable à ceux-là seuls qui le consacrent…
… Pardonnez-moi, mon divin Maître, mais j'ai trop souvent partagé la tristesse de votre Cœur dans vos délaissements, pour ne pas sentir profondément que vous voulez, que vous appelez ce peuple nouveau, réservé par votre amour pour réveiller la foi dans ce siècle. Vous m'avez montré l'éclat de ces âmes parmi les astres de votre Eglise, vous ne tromperez pas la foi de votre pauvre servante…».
Dieu exauce à sa manière la prière de ses Saints, dit M. d'Hulst, et cette manière n'est pas toujours celle que les Saints avaient rêvée.
IV. Paroles de la Sainte Vierge (dans le secret de la Salette):
«J'adresse un pressant appel à la terre. J'appelle les vrais disciples du Dieu vivant et régnant dans les cieux. J'appelle les vrais imitateurs du Christ fait homme, le seul vrai Sauveur des hommes. J'appelle mes enfants, mes vrais dévots, ceux qui se sont donnés à moi pour que je les conduise à mon divin Fils, ceux que je porte, pour ainsi dire dans mes bras, ceux qui ont vécu de mon esprit. Enfin, j'appelle les apôtres des derniers temps, les disciples de J.-C., qui ont vécu dans le mépris du monde et d'eux-mêmes, dans l'oraison et la mortification, dans la chasteté et l'union avec Dieu, dans la souffrance et inconnus au monde. Il est temps qu'ils sortent et viennent éclairer la terre…
Allez et montrez-vous comme mes enfants chéris. Je suis avec vous et en vous, pourvu que votre foi soit la lumière qui vous éclaire dans ces jours de malheur, et que votre zèle vous rende comme des affamés pour la gloire et l'honneur du Dieu Très-Haut…».
(Nous n'attachons pas au secret de La Salette d'autre importance que celle que l'Eglise voudra bien lui attribuer).
La Mère Marie de Jésus du Bourg, fondatrice des Filles du Sauveur, entendit souvent N.-S. lui exprimer ses tristesses et ses désirs. N.-S. se plaignait de la corruption des mœurs, de la fureur qu'on met à chercher le plaisir, du luxe des parures, de l'indécence des fêtes. «Les peuples, comme toujours, ont imité les mauvais exemples des grands: l'autorité divine est méconnue; les hommes méprisent les lois de Dieu et les enfants celles de la famille: aussi l'ordre n'est que factice, la crainte et la force seules le maintiennent encore». La Sœur appelait de tous ses vœux des prêtres voués au Cœur du Sauveur, des prêtres réparateurs, qui unissent l'adoration à l'action, des prêtres qui consolent le Sauveur par leur amour, leur fidélité, l'amour de la croix et la méditation assidue des mystères du Sauveur…
La Mère Marie dé Jésus, du Couvent des Oiseaux, à Paris (1797-1854). (Voir notice sur sa vie à la suite de la vie de la Mère Marie-Anne de la Fruglaye, Paris, chez Enault).
Elle voyait clairement, écrit le P. Ronsin, les désirs du Cœur adorable de Jésus, tout embrasé d'amour pour les hommes et les desseins particuliers de sa miséricorde sur la France. Il lui fut dit souvent par J.-C. même dans ses extases que le vœu de consécration de la France au Sacré-Cœur de Louis XVI était bien de lui et qu'il désirait ardemment que ce vœu fût exécuté et que la France fût consacrée au Sacré-Cœur comme elle l'a été à la Sainte Vierge par Louis XIII.
N.-S. lui dit un jour: «Je veux que tu sois une victime continuellement offerte par l'amour et prête à être immolée en la manière qu'il me plaira, surtout par l'humilité la plus profonde et par la plus parfaite simplicité».
Il lui dit souvent: «Je prépare à la France un déluge de grâces lorsqu'elle sera consacrée à mon divin Cœur… et toute la terre se ressentira des bénédictions que je répandrai sur elle».
E. Promesses de régénération et de prospérité sociale
(Baruteil, 167).
Le don de ce divin Cœur est le dernier effort de la miséricordieuse bonté du Sauveur pour nous et le moyen providentiel du salut du monde en ces derniers temps. N.-S. l'a répété plusieurs fois à Marguerite-Marie.
Notre retour de dilection envers ce divin Cœur qui nous a tant aimés et la réparation des outrages qu'il reçoit surtout dans le SaintSacrement, est le moyen le plus riche en divines et surnaturelles promesses, et la pratique la plus sûre et la plus efficace pour le bonheur temporel et éternel des particuliers et des familles, non moins que la garantie la plus infaillible de régénération et de prospérité sociale pour tous les peuples et en particulier pour la France.
Pour les particuliers, on connaît la promesse faite pour les communions des neuf premiers vendredis.
Rappelons maintenant la grande promesse nationale pour la France. Le 23 février 1681, Marguerite-Marie écrit à la Mère de Saumaise, son ancienne Supérieure: «Ah! que de bonheur pour vous et pour ceux qui continuent à glorifier l'aimable Cœur de Jésus!! Non seulement ils s'attirent ses amitiés et ses bénédictions éternelles, mais ils gagnent un puissant patron à notre patrie… Il n'en fallait pas un moins puissant pour détourner la juste colère de Dieu».
Le 17 juin de la même année, la Sainte écrivait encore: «Le divin Cœur désire entrer avec magnificence dans la maison des princes et des rois pour y être honoré autant qu'il a été outragé, méprisé et humilié en sa Passion. Il faut qu'il ait autant de plaisir à voir les grands de la terre humiliés devant lui, qu'il a senti d'amertume à se voir anéanti à leurs pieds. - Et voici les paroles que j'entendis à ce sujet: «Fais savoir au fils bien-aimé de mon Sacré-Cœur (Louis XIV), que comme sa naissance temporelle a été obtenue par la dévotion aux mérites de ma sainte Enfance, de même, il obtiendra sa naissance de gloire éternelle par sa consécration à mon Cœur adorable. Il veut triompher du sien, et par son entremise, de celui des grands de la terre. Il veut régner dans son palais, être peint dans ses étendards et gravé dans ses armes, pour les rendre victorieuses de tous ses ennemis et de tous les ennemis de la Sainte Eglise».
Enfin le P. Ronsin, confesseur de la grande servante de Dieu, Marie de Jésus, de la Congrégation de Notre-Dame (Maison des Oiseaux), nous a transmis les communications de Notre-Seigneur à cette religieuse. Le 21 juin 1823, N.-S. lui dit en termes formels:
«La France est toujours bien chère à mon divin Cœur, et elle lui sera consacrée. Mais il faut que ce soit le roi (c'était alors Louis XVIII) qui consacre lui-même sa personne, sa famille et tout son royaume à mon divin Cœur. Il faut qu'il lui fasse élever un autel, ainsi qu'on en a élevé un, au nom de la France, en l'honneur de la Sainte Vierge. Je prépare à la France un déluge de grâces lorsqu'elle sera consacrée à mon divin Cœur et toute la terre se ressentira des bénédictions que je répandrai sur elle».
La plupart des conditions demandées par N.-S., pour la gloire de son divin Cœur ont déjà été remplies. Un temple national lui est élevé avec l'autorisation du pouvoir souverain dans l'ordre civil. Tous nos évêques lui ont consacré leurs diocèses. - Deux choses manquent encore: la consécration par le chef de la nation, de sa famille, de sa personne et de la France, et l'exposition de l'image du Sacré-Cœur sur le drapeau et les armes de la France.
Appelons de nos vœux l'heure bénie où le Sacré-Cœur, satisfait de notre bonne volonté, pourra répandre ses bénédictions sur nous et sur notre patrie et par elle sur tous les peuples. N.-S. répète sans cesse ses promesses.
Par l'intermédiaire de la Sœur Marie du divin Cœur (Droste-Vishering) du Bon Pasteur d'Angers, il fit faire à Léon XIII la consécration du monde entier au Sacré-Cœur, et il révéla à cette Sœur que cette consécration serait le prélude des grandes grâces de son divin Cœur.
La Vénérable Sœur Philomène de Ste-Colombe vit les épreuves actuelles de l'Eglise et son triomphe par le Sacré-Cœur.
Elle voyait les trois quarts du monde en proie à la désolation et aux bouleversements. Une grande nation rentrerait dans le sein de l'Eglise catholique, et du Cœur de Jésus sortirait un torrent de grâces - 1868.
Sœur Gertrude Marie, de la Congrégation de Saint Charles d'Angers, écrivait, en 1907: «J'ai vu, dans un avenir prochain, le triomphe de l'Eglise. Oh! qu'il sera beau! Comme il y aura des Saints! Mais auparavant il faut des victimes. Ce sera alors le règne du Sacré-Cœur».
N.-S. lui montra aussi qu'il se choisissait douze victimes pour pouvoir pardonner à la France et la sauver.
Il est bien entendu que nous réservons le jugement de l'Eglise sur toutes ces manifestations surnaturelles.
Chapitre XV
Le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ
et en particulier le règne du Sacré-Cœur
A. - Règne de N.-S. Jésus-Christ
I. Dieu règne sur l'humanité en J.-C. et par J.-C.
N.-S. est en sa personne le Roi de l'humanité. La nature divine possède essentiellement la souveraineté. La nature divine possède essentiellement la souveraineté universelle.
La nature humaine de N.-S. l'a reçue par communication: «toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre» (Mat., 28, 18).
Mais l'autorité et l'exercice de l'autorité appartiennent à la personne. Absolue est donc l'autorité du Fils de l'homme, comme celle du Fils de Dieu. Ce sont deux noms de la même personne.
N.-S. est de droit divin le «Roi des rois et le Maître des puissants» (I Tim., 6, 15). - Apoc., 19, 16), le Roi immortel des siècles (I Tim., 1, 17). La conquête qu'il a faite de nos âmes sur les puissances infernales rend cette autorité plus sacrée.
L'autorité de N.-S. se confond avec celle de la Très Sainte Trinité. Dieu nous parle désormais, nous rachète, nous gouverne par J. -C. C'est le médiateur universel.
Il peut déléguer une partie de son autorité à des pouvoirs humains, tant spirituels que temporels.
II. J. -C. règne publiquement et officiellement en l'Eglise et par l'Eglise.
Le Verbe incarné, souverain de l'humanité, a fondé une société universelle pour le salut des hommes. Il lui a donné un chef, son délégué immédiat, investi du double privilège d'inerrance doctrinale perpétuelle et de spéciale assistance de l'Esprit de sagesse et d'amour.
Cette société est immortelle comme J.-C. et durera éternellement. Les autres sociétés ne sont que des groupements accidentels et d'une durée limitée. Leur utilité est relative et bornée aux besoins de la vie présente.
Hors de la famille, hors de la patrie, pas de honneur terrestre; hors de l'Eglise, pas de bonheur éternel.
L'Eglise a un chef: «Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux. Tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux (Mat., 16, 18). - Allez, enseignez toutes les nations, apprenez-leur à garder les commandements» (Mat., 28, 19).
César a des droits, mais ces droits même sont délégués de Dieu pour le bien temporel des sociétés. Jésus dit à Pilate: «Vous n'auriez aucun pouvoir sur moi, s'il ne vous eût été donné d'en-haut» (Jean, 19, 10).
L'Eglise s'abstient de commander aux hommes en matière temporelle, dès que la moralité humaine n'est pas en jeu. Jésus lui a donné l'exemple. «Maître, lui disait un homme, dites à mon frère qu'il partage l'héritage avec moi. - Homme, répond Jésus, qui m'a constitué juge ou arbitre entre ton frère et toi?» (Luc, 13, 13). Jésus avait tout pouvoir, mais il voulait laisser les choses temporelles au pouvoir civil.
L'Eglise, dans la hiérarchie des autorités, occupe la première place.
1° Elle gouverne directement, tant dans l'ordre spirituel que dans l'ordre matériel qui lui est connexe, la société universelle, dont la fin propre est d'assujettir au divin Roi, par la persuasion et au besoin par des peines, les hommes, soit isolés, soit groupés, de telle sorte qu'ils atteignent la béatitude éternelle.
2° Elle relie indirectement les sociétés passagères (nations, familles, associations) à J.-C., Souverain de l'humanité, en leur dictant les devoirs qu'elles ont vis-à-vis de lui, devoirs dont l'accomplissement donnera la prospérité a ces collectivités, tout en sanctifiant leurs membres.
Mais en déléguant l'Eglise au gouvernement des âmes, l'HommeDieu n'a pas renoncé à l'exercice personnel de son autorité.
III. J.-C. règne personnellement sur les individus.
1° Par les grâces intérieures qu'il confère, employant ou n'employant pas les moyens officiels qu'il a établis dans l'Eglise.
2° Par le miracle proprement dit.
Depuis l'Incarnation, la Providence, c'est J.-C. «Sachant que le Père a tout remis entre ses mains», dit S. Jean (13, 3).
4° J.-C. règne en l'Eucharistie et par elle.
C'est le Roi qui est là rachetant son peuple. Regnavit a ligno Deus. Là le Roi reçoit les hommages des fidèles sur l'autel et il distribue ses dons royaux surtout dans la sainte communion.
IV. J.-C. règne sur les sociétés. - Les âges chrétiens n'ont pas mis en doute cette royauté, contestée aujourd'hui par le libéralisme et le laïcisme.
Aujourd'hui l'Eglise est obligée de revendiquer les droits du règne social de J.-C. C'est ce qu'a fait en particulier Mgr Pie.
Au Congrès eucharistique de Fribourg, le 12 nov. 1885, les évêques de Suisse, celui de Cagliari et Mgr Koppes, évêque de Luxembourg, adoptent cette formule d'hommage: «Vive j -C., hostie, je jure fidélité à son règne social».
Le 21 fév. 1886, c'est à Quito. Même hommage au règne social de J.-C.
Peu d'années après, au Chili, l'abbé Villafuerte publie: Le règne pratique de J.-C..
En sept. 1894, à Turin, les cardinaux, les évêques, et le peuple rendent hommage à Jésus sacramenté, Notre-Seigneur et notre Roi.
En France, l'hommage est inauguré dans une chapelle, par Mgr Dabert, évêque de Périgueux.
Il est prononcé dans des congres en présence des évêques de Limoges, Valence, Vannes. Il est juré solennellement dans la cathédrale de Blois, par l'évêque diocésain, Mgr Laborde, le premier dimanche de l'Avent 1894.
Il ressort de l'Encyclique de Léon XIII, sur la constitution chrétienne des Etats.
V. La thèse: Le règne social de J. -C.
C'est la formule nécessaire de l'heure actuelle, parce qu'elle est la négation catégorique de l'erreur sociale qui domine la société contemporaine. «Le salut du monde, disait Mgr Gaudenti, évêque de Vigevano (Lettre pastorale, 1889), réside en J.-C., dans la reconnaissance de sa domination, dans ce fait que les individus et surtout les nations se reconnaissent comme ses sujets et obéissent à sa loi…».
Pour le libéralisme, J.-C. peut conquérir les individus, mais les nations l'ignorent, il doit rester en dehors de la société civile.
C'est l'apostasie sociale.
J.-C. doit régner sur les sociétés d'abord par l'Eglise chargée d'enseigner pratiquement les nations, avec le pouvoir général de lier et de délier (Mat., 28, 19. - 18, 18). C'est à l'Eglise de décider l'étendue de son droit.
J.-C. règne aussi personnellement sur les sociétés comme sur les individus.
1° Par ses grâces et inspirations aux chefs des sociétés, dans l'intérêt des sociétés elles-mêmes (Conf. les prières de Moïse et de Salomon pour le peuple hébreu». S. Paul parle de la prière pour les rois et les autorités «afin qu'ils soient bien inspirés et nous dirigent dans la paix» (I Tim, II).
2° Par les événements providentiels.
3° Par le miracle: victoires miraculeuses, guérisons en masse. Ex.: Le pont Milvius, Tolbiac, Jeanne d'Arc; guérison des pestiférés de Rome, sous saint Grégoire le Grand; guérison du mal des Ardents à Paris.
Les gouvernants, pour le bien commun, doivent s'inspirer de l'esprit chrétien, honorer l'Homme-Dieu dans l'Eucharistie, Marie, sa Mère, ses Saints, l'Eglise, la papauté, les ministres de Dieu et les âmes consacrées.
VI. Le règne eucharistique de J. -C. - «La grande question, la question vitale du siècle, c'est le rétablissement public et social du règne eucharistique de N.-S. J.-C.», disait Mgr Ordonez, archevêque de Quito, au Congrès eucharistique de l'Equateur, le 1886).
En 1894, le card. Sancha, archevêque de Valence, développait la même thèse.
Le 6 sept. 1894, au Congrès de Turin, Mgr l'évêque de Verceil prononçait l'hommage suivant: «Oui, Notre-Seigneur sacramenté, nous proclamons hautement qu'à vous appartiennent le trône, le sceptre et l'empire du monde entier. Vous êtes la vie des nations catholiques, leur gloire, leur source unique de grandeur et de félicité… que votre règne arrive dans tout l'univers!».
L'Evangile ne suffit pas. Sans l'Eucharistie, il ne réalise pas tout le plan de l'union de Dieu avec nous, l'Emmanuel.
C'est une doctrine incomplète et teintée de rationalisme, celle des chrétiens faibles dans la foi qui veulent bien admettre une certaine influence de l'Evangile, voire même de l'Eglise et du prêtre dans la vie sociale, mais qui déclarent que l'Eucharistie est un mystère d'ordre purement spirituel dont la société civile n'a pas à s'occuper.
L'Eglise convoque les nations à l'adoration du Christ-Roi. «Christum Regem adoremus dominantem gentibus qui se manducantibus dat spiritus pinguedinem».
Napoléon I l'a compris quand, en s'occupant de la restauration sociale, il régla les honneurs militaires dus à l'Eucharistie.
Une société qui ne se prosterne pas devant l'Eucharistie n'est pas une société vivante parce qu'elle n'acclame pas son Souverain sur le trône qu'il s'est choisi pour distribuer la vie.
VII. En quoi consiste le règne social de l'Eucharistie?
1° L'Eucharistie, canal principal des inspirations divines pour les individus, l'est également pour les chefs chrétiens des Etats.
Est-ce que tous les saints rois qui ont fait le bonheur de leurs peuples, tous les libérateurs chrétiens, de Pélage à Jeanne d'Arc, et de Jeanne d'Arc à Garcia Moreno, n'ont pas demandé leur sagesse, leur intrépidité et leur constance à l'Eucharistie?
Sous le chêne de Guernica, durant des siècles, les députés basques commençaient leurs sessions par la messe entendue sous l'arbre vénéré et celui qui n'avait pas communié était privé du droit de vote.
Dans le sacre des empereurs et des rois, dans l'armement des chevaliers, la messe et la communion n'apparaissaient-elles pas comme la sanction des devoirs sociaux acceptés, comme le secours avec lequel ils seraient remplis?
2° Est-ce que l'histoire, la vraie histoire, n'est pas pleine de grâces sociales, notamment de victoires obtenues de J.-C., imploré dans l'Eucharistie, par la prise de l'épée sur l'autel, par la célébration de la messe avant l'action, par la communion sacramentelle ou spirituelle?
Est-ce que la seule Espagne ne montre pas en quatre de ses sanctuarires les tabernacles ambulants de ces chars eucharistiques qui longtemps portèrent Jésus-Eucharistie en tête des armées, en témoignage d'une confiance que le divin Roi récompensa souvent par son intervention providentielle.
3° Est-ce que dans les miracles eucharistiques, opérés au cours des siècles, il ne s'en rencontre pas dont la portée sociale est manifeste pour ceux qui savent les étudier comme a fait le card. Sancha pour l'Espagne, comme saint François de Sales le proclamait pour Favernay?
VIII. Portée sociale de l'Eucharistie: le sacrifice.
Plus une société est fidèle à son Souverain immortel qui est immolé pour tous sur les autels, plus elle reçoit de bénédictions divines, plus la vertu y fleurit, plus le vice y est rare, plus elle est paisible, forte et prospère.
L'inverse a lieu quand le trône eucharistique est délaissé et renversé. L'histoire raconte les effroyables calamités qui, en Angleterre, en Suisse, en Norvège, en Allemagne ont suivi au XVIe siècle, le renversement de ce trône par Luther et ses émules. En France, l'abolition momentanée du sacrifice eucharistique, à la fin du XVIIIe siècle, n'a pas produit de moindres désastres.
Quelle n'es pas la portée sociale de la messe de paroisse, réunissant chaque dimanche une population autour de son souverain, humble et doux, et accréditant, par sa charitable visite, la parole de son prêtre qui, devant lui, prêche à son peuple la vertu, l'union et le mutuel dévouement.
Durant la messe, N.-S. nous enseigne pratiquement le sacrifice et nous fortifie pour tous ces sacrifices de détail, dont l'ensemble produit l'ordre et la paix sociale.
La vie sociale des païens reposait sur le sacrifice. La vie sociale des nations régénérées repose, elle aussi, sur le sacrifice qui obtient les bénédictions divines.
L'esprit chrétien ne s'y est jamais trompé. De là, ces messes célébrées officiellement pour les besoins sociaux aux heures où princes et peuples sentent plus vivement le besoin de voir s'étendre sur la patrie le sceptre bienfaisant de l'Homme-Dieu. Le dernier vestige officiel de la sujétion de la France à J.-C. sous l'administration athée que la maçonnerie lui inflige momentanément, c'est une messe officielle, la messe de la rentrée des grands corps judiciaires, dite la messe rouge.
IX. La communion. - J.-C. règne aussi sur les sociétés par la Table Sainte. La communion fait germer les vertus sociales, notamment ces grands dévouements aux petits, aux pauvres, aux souffrants, aux déshérités de toute catégorie, si nécessaires à toute société.
Les pieux chrétiens qui communient fréquemment ont la vie avec abondance. La communion les met à la hauteur des plus généreux sacrifices.
Saint Louis, qui aimait tant l'Eucharistie, ne vivait que pour le bonheur de ses sujets.
X. L'Hôtel du tabernacle. - La présence de Jésus au tabernacle a aussi son influence sociale.
Durant des siècles Jésus-Hostie a présidé aux serments de toutes les autorités sociales.
Durant de longs siècles aussi l'Hostie était portée au front des armées. Les fêtes du Saint Sacrement ont été demandées par N.-S. lui-même comme un hommage social.
Dans nos tabernacles, comment le Roi des nations ne s'occuperait-il pas des nations?
En la basilique nationale de Montmartre, par ex., N.-S. n'intercéderait-il que pour des besoins individuels? Qui le croira?
Un auteur protestant, dans les Lettres d'Athènes, au commencement de
ce siècle, découvrait dans l'Eucharistie la sanction de tout l'ordre social. «La vertu, la justice, la morale, disait-il, doivent servir de base à tous les gouvernements», (par conséquent à toutes les sociétés).
«Il est impossible d'établir la vertu, la justice, la morale, sur des bases solides, sans le tribunal de la pénitence».
«Il est impossible d'établir le tribunal de la pénitence sans la croyance à la présence réelle».
XI. Conclusion. - Sub rege Christo, sous la royauté de Jésus-Christ, disait la république de Florence, aux jours de sa plus éclatante prospérité. Sub rege Christo doit répéter le XXe siècle démocratique.
Mais comment y arriver? Il faut faire aimer N.-S. C'est par le cœur que l'on gagnera le peuple plus encore que par les idées. Pour cela, il faut que tous les apôtres du Christ prêchent sa bonté et son amour, son Eucharistie et son Cœur. Il faut aussi que les ministres du Sauveur se revêtent de sa charité en allant au peuple et en favorisant toutes les œuvres qui peuvent soulager le peuple dans ses souffrances et relever sa situation.
Le peuple gagné à J.-C. par la charité sera facile à conduire aux pieds du Sacré-Cœur, vivant et régnant dans l'Eucharistie, pour lui rendre l'hommage qui lui est dû.
B. - Le règne du Sacré-Cœur
Le règne de N.-S. J.-C. a toujours été un règne d'amour. C'est par sa croix et par l'Eucharistie qu'il a voulu conquérir le monde.
Mais plus que jamais il veut en faire un règne d'amour et de miséricorde, et c'est pour cela qu'il est venu nous manifester son Cœur, son Cœur brûlant d'amour, son Cœur blessé pour nous et sollicitant notre amour.
Dans les adorables et éternels desseins de la Providence, toutes les œuvres divines n'ont dans le monde qu'une seule fin: Faire regner Notre-Seigneur Jésus-Christ. Au contraire, tous les efforts de l'enfer ne tendent qu'à empêcher l'avènement de ce règne et à entraîner les hommes dans les rangs des anges rebelles. Le mot de ralliement des soldats
de Jésus-Christ est celui de l'apôtre saint Paul: «Oportet Illum regnare», Il faut qu'il règne (I Cor., 15, 25), et le cri des ennemis de ce divin Roi est: «Nolumus hunc regnare super nos» (S. Luc, XIX, 14), Nous ne voulons pas qu'il règne sur nous.
Le combat acharné que ces deux camps opposés se livrent en ce monde doit se terminer par le triomphe final de Jésus-Christ, triomphe si assuré que Notre-Seigneur le regarde comme déjà obtenu: «Confidite, ego vici mundum» (S. Jean, XVI, 33), Ayez confiance, dit-il, j'ai vaincu le monde.
Cependant, la lutte soutenue pour la cause du divin Maître a des alternatives de victoires et de défaites partielles; mais, quand les ennemis semblent sur le point de l'emporter et que le camp des amis de Jésus-Christ faiblit, Dieu alors suscite un moyen providentiel pour rétablir le combat, et ramener la victoire sous l'étendard de celui qui se nomme: Le lion vainqueur de la tribu de Juda: Vicit leo de tribu Juda (Apoc., 5, 5).
Les moyens surnaturels choisis par Dieu dans ce but sont ordinairement des dévotions nouvelles: dévotion à la Croix, au saint Nom de Jésus, au Saint Sacrement, à la Sainte Vierge, etc. Telle est de nos jours la dévotion au Sacré-Cœur.
Notre-Seigneur l'a demandée quand le protestantisme, le jansénisme, le philosophisme et les sociétés secrètes commençaient, avec une audace infernale, à saper par la base son trône divin. C'est pour répondre à la haine de ces sectaires que la bienheureuse Marguerite-Marie fit entendre ce cri de ralliement: Jésus-Christ régnera malgré ses ennemis, et il régnera par son Cœur.
Notre-Seigneur veut avant tout se servir de la dévotion à son Cœur sacré pour régner dans les âmes: «Car, ajoute la bienheureuse, la principale fin de la dévotion au Sacré-Cœur, c'est de convertir les âmes à son amour et de rendre ce divin Cœur le maître et le possesseur de nos cœurs» (58e let). Mais ce serait un erreur de croire qu'il se contente de ce règne intérieur. Dans le plan divin, la dévotion au Sacré-Cœur a une portée beaucoup plus étendue qu'on ne le pense communément. Notre-Seigneur veut s'en servir pour rétablir dans chaque nation son règne social. Solennellement reconnu par Constantin, quand le premier empereur chrétien arbora officiellement l'étendard de la croix, ce règne est ébranlé depuis plusieurs siècles par l'inauguration de la politique antichrétienne.
Pour maintenir les nations sous le joug de son Evangile, Notre-Seigneur aurait pu se servir de son bras vengeur; mais, dans sa miséricordieuse bonté, ce Roi plein de douceur ne voulut se servir que des attraits de son Cœur adorable, dont il offrit l'image comme un nouveau labarum destiné à sauver la société: In hoc signo vinces.
Il est d'usage, dans une famille, que le père communique d'abord ses desseins à l'aîné de ses fils et qu'il se serve de lui pour l'aider à les exécuter à l'égard de tous ses autres enfants. C'est ce que Notre-Seigneur a fait pour la dévotion à son divin Cœur: c'est à la France, fille aînée de son Eglise, qu'il a confié ce qu'on peut appeler la charte divine du règne social de ce Cœur adorable dans un Message adressé à Louis XIV, en 1689. Pour montrer qu'il destine ce divin mandat à tous les peuples, il y donne à ce roi le nom de Fils aîné du Sacré-Cœur, indiquant par là que toutes les autres nations, à la suite de la France, sont appelées à devenir les filles chéries de ce divin Cœur.
I. Dans les âmes. - Le Sacré-Cœur de Jésus s'impose à nos âmes par l'amour.
Il aime, il est aimé: quem diligebat Jésus… qui supra pectus Dni… Saint Jean est le modèle de l'ami du Sacré-Cœur.
Comme saint Jean, l'ami du Sacré-Cœur aime Jésus, il aime Marie et lui est uni; il aime aussi l'Eucharistie.
L'amitié engendre la confiance et l'abandon.
L'amitié rend les amis semblables: amicos similes invenit vel facit.
L'ami du Sacré-Cœur sera doux et charitable comme Jésus.
Il sera humble et détaché des créatures.
Il aimera la pureté et la conservera avec une extrême délicatesse.
Il aimera la vie intérieure et la prière comme Jésus.
Il aura un zèle ardent: zelus domus tuae comedit me.
Il aura l'esprit de réparation et de sacrifice, comme l'Agneau divin.
II. Dans la société civile.
Le règne du Sacré-Cœur se manifestera dans le sanctuaire national, dans l'étendard national…
Dans l'art, dans la poésie.
Il inspirera la législation nationale. L'Eglise aura une situation privilégiée.
L'amour des petits se manifestera par des lois sociales qui favoriseront le relèvement et l'aisance des travailleurs.
III. Dans l'Eglise.
Multiplication des églises et des autels du Sacré-Cœur.
Pratiques multiples: adoration, amende honorable.
Œuvres eucharistiques: Congrès, communions…
Amour des pauvres: œuvres diverses.
Amour des enfants: Sinite parvulos.
Zèle pour les missions et pour le règne de Jésus-Christ.
Paray-le-Monial, la cité du Cœur de Jésus, a toujours eu des pèlerins depuis le XVIIIe siècle, mais de nos jours le mouvement des pèlerinages est devenu un acte national.
En 1865, dans les trois jours de fête durant lesquels on célébra la béatification de Marguerite-Marie, plus de cent mille personnes accoururent au sanctuaire du Sacré-Cœur.
Après les désastres de 1870, les pèlerinages prirent un grand essor. Ceux du mois de juin 1873 sont fameux entre tous. Tous les jours de ce mois béni furent une fête permanente. Le récit en a été écrit dans un livre émouvant par mon ami le P. Dugas. C'est un courant immense qui se déverse de toutes le parties de la France.
En certains jours, la petite ville compte de 30 à 40.000 pèlerins.
Le 20 juin, un groupe de députés consacre la France au Sacré-Cœur, au nom du parlement et de toute la nation. On dépose au sanctuaire un drapeau national, orné du Sacré-Cœur, semblable au drapeau de Patay.
Au mois d'octobre 1890, deuxième centenaire de la mort de la Sainte, on vit à Paray les mêmes foules. Soixante prélats français se rendirent alors à la ville du Sacré-Cœur.
Les ex-voto, les bannières et les lampes votives s'y multiplièrent.
Pendant la guerre de 1870, deux pieux chrétiens réfugiés à Poitiers, eurent la pensée d'un temple national à élever au Sacré-Cœur. Ils reçurent les encouragements de Mgr Pie. Le cardinal Guibert adopta leur projet et choisit Montmartre comme emplacement.
L'Assemblée national reconnut le projet d'utilité publique, le 25 juillet 1873, avec une majorité de 224 voix.
Autour du chœur rayonne l'inscription qui résume le caractère votif du monument: Sacratissimo Cordi Jesu Christi Gallia poenitens et devota.
C'est bien une œuvre nationale. «Depuis vingt-deux ans, écrivait le sceptique Sarcey, en 1896, l'argent n'a point cessé d'affluer, tantôt à gros bouillons, tantôt par une foule de petits ruisseaux, formant une grande rivière. Cette rivière a coulé à flots ininterrompus depuis un quart de siècle. Tous les jours, sans un moment d'arrêt, ont été suscitées. dans les chaumières comme dans les châteaux, des libéralités propres aux facultés de chacun; les petits sous de l'enfant ont été entassés sur les billets de mille de la douairière…».
La première pierre a été posée le 16 juin 1875. Le 5 juin 1891, la basilique était bénite par le cardinal Richard, entouré de seize évêques. La souscription atteint aujourd'hui cinquante millions.
Parmi les innombrables ex-voto, on remarque les épées de l'amiral de Cuverville, le pacificateur du Dahomey, de l'amiral Courbert, le vainqueur de la Chine, de l'amiral Bienaimé, le conquérant de Madagascar.
Le sanctuaire de Montmartre est un foyer de grâces par ses adorations diurnes et nocturnes, il rayonne partout par ses innombrables associations.
Chapitre XVI
Conséquences et formes diverses
du culte du Sacré-Cœur
Sanctuaires.
Images.
Médailles.
Chapelets.
Scapulaires.
Sauvegardes.
Etendards.
Livres.
Les Sanctuaires
«On vient de découvrir, au Brésil, une église dédiée au Sacré-Cœur de Jésus en 1585. C'est la plus ancienne que l'on connaisse et sans doute la première qui ait été consacrée au Cœur divin. Voici, d'après le Messager brésilien, l'histoire de cette découverte.
Très au courant et sans cesse à l'affût de tout ce qui concerne la dévotion au Sacré-Cœur, d'ailleurs avantageusement connu par ses travaux sur ce sujet, le vénéré Père de Franciosi écrivait, l'an dernier, au Père Gallanti, S. J., au Brésil: «… Des documents que je possède me portent à croire qu'il existe au Brésil un trésor des plus précieux pour la Compagnie de Jésus, et je vous demande de vouloir bien vous intéresser à sa découverte. Les recherches doivent se faire dans la région de Espirito-Santo, car c'est là que le vénérable Père Anchieta a bâti une église sous le vocable du Sacré-Cœur. J'en suis moralement sûr. Cette église ne serait-elle qu'une masure, vous comprenez l'intérêt qu'il y a pour la Compagnie à retrouver un sanctuaire consacré au Sacré-Cœur plus d'un siècle avant les apparitions à sainte Marguerite-Marie…».
Le P. Gallanti s'empressa de demander des renseignements à l'évêque de Espirito-Santo, à plusieurs prêtres, aux conseils municipaux, aux archivistes. Pendant un long mois, aucune réponse ne vint, et le Père était presque découragé quand il reçut une lettre de l'évêque, le 4 août 1905. «Conformément à votre demande, j'ai ordonné des recherches et, grâce à Dieu, j'ai enfin réussi à découvrir la date exacte et l'existence de l'église que notre apôtre et thaumaturge, le vénérable Père Joseph Anchieta, a élevée au Sacré-Cœur, en 1585, dans notre diocèse de Espirito-Santo. Ci-joint une copie du document relatant les résultats de l'enquête ordonnée par moi. je me ferai un plaisir de vous communiquer tout ce que je pourrai découvrir sur la personne et les grandes oeuvres de notre apôtre de Espirito-Santo…»
Voici la teneur de la pièce épiscopale: «Diocèse de Espirito-Santo. Co-pie exacte et fidèle du document renfermé dans les archives du district ecclésiastique d'Itapemirim, diocèse de Esprito-Santo. - Eglise paroissiale. - L'église bâtie en 1667 par le fondateur Francisco Gil de Araujo, et dédiée à l'Immaculée Conception de Notre-Dame, a servi d'église à la paroisse de Guarapary, jusqu'à la fin de l'année 1878. A cette époque, elle était tombée dans un tel état de délabrement que le président de la province, par un décret du 22 octobre de la même année, ordonna de la démolir. En même temps il nomma une commission chargée de restaurer l'église de l'ancien couvent des jésuites, laquelle église avait été bâtie par Anchieta, en 1585, et consacrée au Sacré-Cœur de Jésus. (Suivent les noms des membres de la Commission et la provenance de la somme employée à ce travail).
«Par sa solide construction, par sa beauté et sa position, cette église est une des plus remarquables du district d'Itapemirim. Elle a trois portes, trois fenêtres de façade et un joli frontispice. La longueur de la nef est de 12 m. 14, la largeur de 6 m., la hauteur de 8 m. 02. Le chœur mesure 6 m. de longueur, 3 m. 05 de largeur, 6 m. de hauteur. Le clocher atteint 11 m. 02 et la tribune a 3 m. 06 de hauteur.
La restauration de cette église achevée en mai 1880, la consécration fut faite avec une grande solennité, le 21 août de la même année. - C'est donc bien l'église bâtie par le vénérable père Anchieta qui sert aujourd'hui d'église paroissiale.
+ Francisco, Evêque de Espirito-Santo».
«Je demandai, ajoute le P. Gallanti, à un de mes amis, A. Renier, qui avait affaire dans les environs de Victoria, de vouloir bien aller visiter cette église. Il m'envoya le plan de la façade et une copie des peintures et des emblèmes qui ont été respectés par les travaux de restauration. Malgré d'importantes réparations au frontispice, m'écrit cet ami, apparaît une peinture du Sacré-Cœur qui n'a rien de moderne et qui remonte sûrement à plusieurs siècles. Elle représente un calice et, au-dessus, un Cœur surmonté d'une croix. A l'intérieur de l'église, au milieu de l'arcade du choeur, se trouve une autre image du Sacré-Cœur, légèrement effacée. Sur l'autel latéral de gauche j'ai remarqué le monogramme I. H. S., et au-dessus, une autre représentation du Cœur de Jésus, portant, dans sa blessure, une croix, au lieu du glaive et de la lance; point de couronne d'épines autour du Cœur. L'autel de gauche porte le monogramme de la sainte Vierge. Le maître-autel est tout neuf; aucune des anciennes peintures du chœur n'a été conservée. On les a remplacées par l'image de la patronne de Guarapary, l'Immaculée Conception, qu'on a transférée de la paroisse primitive».
Faut-il s'étonner que le Brésil, ce premier ne du Sacré-Cœur, se distingue aujourd'hui par sa piété envers ce Cœur adorable? Longtemps cette dévotion y est restée assoupie et comme morte. Mais elle s'est réveillée dans les âmes, surtout en ces derniers temps; les centres de l'Apostolat de la Prière dépassent le chiffre de huit cents, et, affirme le Messager brésilien, le Sacré-Cœur y multiplie des merveilles de grâces et de conversions».
(Messager du Cœur de Jésus)
Lorsque, pendant l'année terrible, M. Legentil formula le Vœu au Sacré-Cœur qui est devenu le Vœur National, la situation paraissait désespérée; quelques jours après l'armistice était signé! C'est qu'en même temps que ce Vœu répondait au besoin des Cœurs qui aspiraient au secours d'En-Haut, il satisfaisait aux désirs divins dont Marguerite-Marie avait été l'humble messagère, désirs que, malheureusement, n'avaient pas écoutés nos Rois, si ce n'est trop tard, Louis XVI au Temple.
Si, avec l'Evangile, nous devons juger de l'arbre par ses fruits, il nous faut admettre que, lorsqu'il formulait son engagement, le fervent auteur du Voeu au Sacré-Cœur allait au-devant des désirs de Dieu; les résultats obtenus, et, en particulier, l'immense diffusion de la dévotion au Sacré-Cœur qui est partie de Montmartre, sont, en effet, la preuve indéniable que Dieu l'inspirait.
Rappelons les origines du Voeu national.
M. Legentfl,
Le P. Ramière,
M. Baudon,
M. Rohault de Fleury,
M. Beluze.
Le 10 octobre 1870, au Mans, à la Visitation, le P. de Boylesve rappelait la demande de consécration au Sacré-Cœur, faite par N.-S. à la Sr Marie de Jésus, des Oiseaux.
On lui parla de la demande du Sanctuaire, faite à Marguerite-Marie. Rentré à Toulouse, il publia une petite feuille: «Le salut de la France par le Sacré-Cœur», qui tomba sous les yeux de M. Legentil, à Poitiers, et l'impressionna vivement. Il se mit en rapports avec le P. Ramière. La pensée du Vœu national devint pour lui une inspiration pressante.
Il consulta ses amis, M. Baudon, à Paris; M. Beluze, à Lyon; M. Rohault de Fleury.
Le projet fut soumis à Mgr Guibert, qui l'approuva en janvier 1872. Le P. Monsabre le lança à Notre-Dame en avril 1872.
Le grand projet est devenu la magnifique réalité que l'on sait, et ce sera le salut de la France.
Les Images
N.-S. avait demandé un culte pour l'image de son Cœur.
Les premiers hommages furent rendus à une petite image, dessinée à l'encre par la pieuse visitandine elle-même.
Marguerite-Marie s'efforça de propager ce culte malgré toutes les oppositions.
La Mère Greyfie, Supérieure de la Visitation de Semur, fut bientôt gagnée.
Elle fit faire un tableau du Sacré-Cœur et en envoya la copie en miniature à plusieurs Visitations.
La Supérieure de Paray, d'abord opposante, fit faire un tableau pour la chapelle de l'enclos.
Les couvents de Semur, Dijon, Paray, Moulins devinrent autant d'ateliers de peinture d'où les petits tableaux se répandaient en grand nombre.
Enfin un dessin de la Sœur Joly fut gravé en tailledouce par les soins de la Visitation de Paris.
Mais maintenant l'image du Sacré-Cœur est partout, tantôt artistique et fine, tantôt commune et populaire…
C'est seulement en 1726, dans le livre du P. de Gallifet et en 1729, dans la Vie de la Sainte, par Mgr Languet, que N.-S. est représenté lui-même, présentant son Cœur, qu'il tient à la main.
En 1731 et 1750, d'autres estampes représentent N.-S. avec son Cœur suspendu devant sa poitrine. C'est le type qui restera.
Le tableau le plus important du XVIIIe siècle fut celui du peintre romain Batoni, exécuté pour la reine de Portugal. Il est postérieur à 1777, date du règne de Marie de Bragance. C'est encore le Sacré-Cœur isolé, séparé de la personne de N.-S., mais avec des personnages représentant la Religion, la Charité et les quatre parties du monde.
Vers la même date, Amédée Batoni représenta pour l'église du Gesù, à Rome, le Christ au Sacré-Cœur qui est devenu si populaire. Il est pieux et gracieux mais il manque un peu de virilité.
Le tableau de Batoni inspira pendant un siècle les représentations du Sacré-Cœur.
Depuis cinquante ans, de belles représentations du Sacré-Cœur se sont multipliées, inspirées par les types classiques du Sauveur, d'après Fra Angelico, Perugin, Raphaël, Overbeek (Voir Grimouard de StLaurent: Images du Sacré-Cœur).
A signaler les illustrations du livre du P. de Franciosi, par Imlé; un tableau de Frédéric Ittenbach; les gravures de Halley; la statue de Bouassieux; le tableau de Lafon.
Plusieurs oeuvres d'ensemble ont une grande importance:
1 ° Les tableaux de Paray en l'honneur de Marguerite-Marie;
2° La verrière de Saint-Quentin, par Claudius Lavergne, «une des oeuvres d'art les plus importantes qui aient été consacrées à honorer le Sacré-Cœur» (Grimouard, p. 207).
3° Le monument de N.-D. de Chambéry;
4° Les tableaux de M. Germain Cazer, qui ornent la chapelle du Sacré-Cœur à la Trinité de Paris;
5° Les illustrations faites par M. Imle au livre du P. de Franciosi;
6° Les vignettes de M. Halley, pour la Neuvaine au Sacré-Cœur;
7° Une composition du P. Vasseur, pour son oeuvre des missions;
8° Des litanies du Sacré-Cœur, illustrées par le P. François Hattler, du collège de Kalksburg, près de Vienne.
«La verrière de Saint-Quentin qui a été détruite, hélas, par la grande guerre, était assurément une des oeuvres d'art les plus importantes qui aient été consacrées à honorer le Sacré-Cœur.
«La fenêtre, en style du XVe siècle, divisée en quatre baies, est surmontée d'une rose. Dans la rose, le Sacré-Cœur était représenté isolément entouré d'anges adorateurs. Dans les vides laissés par les meneaux, de chaque côté de la rose, apparaissaient deux des Saints qui anciennement ont eu le plus de dévotion au Sacré-Cœur, saint Bernard et saint Bonaventure. Le premier avec cette inscription: Ego inveni Cor regis, fratris et amici benigni Jesu: „J'ai trouvé le Cœur de mon Roi, de mon frère, de mon ami, le doux Jésus”. Le second avec celui-ci Ibi loquor ad Cor ejus: „Ici, je parle à son Cœur”.
Chacune des quatre baies étant divisée en quatre compartiments, elles offraient ainsi ensemble quatre rangées de scènes superposées. Dans la rangée superieure, les deux baies centrales étant consacrées à l'apparition de Notre-Seigneur à Marguerite-Marie, le Sauveur occupait un compartiment, sa fidèle servante, le compartiment correspondant. Dans les deux baies latérales, étaient représentés, d'une part, saint François d'Assise, montrant ses stigmates, de l'autre saint François de Sales, une marguerite à la main.
La deuxième rangée rapprochait les quatre mystères de la vie de Notre-Seigneur qui se rapportent le plus à la dévotion au Sacré-Cœur: 1 ° la Cène; 2° Longin perçant le côté de Notre-Seigneur; 3° l'apparition de N.-S. à sainte Madeleine, le Noli me tangere; 4° le témoignage de saint Thomas: l'apôtre est à genoux.
La troisième rangée opposait les jugements décisifs rendus en faveur de la dévotion au Sacré-Cœur aux arrêts qui ont été portés abusivement contre elle. Les deux baies du milieu étaient consacrées aux premiers, les baies latérales aux seconds. On voyait d'une part, le pape Clément XIII qui accorde à l'Ordre de la Visitation et au royaume de Pologne l'autorisation de célébrer la fête du Sacré-Cœur avec une messe et un office propre; il était accompagné de trois évêques qui furent les principaux promoteurs de cette dévotion: Constantin Sozinouski, évêque de Cracovie, saint Alphonse de Liguori et Jean Joseph Languet, successivement évêque de Soissons et archevêque de Sens. On voyait, d'autre part, Pie IX, proclamant la béatification de Marguerite-Marie. Puis d'un côté le Parlement, qui prononça des arrêts contre la dévotion au Sacré-Cœur, était confondu par un ange qui déployait la constitution Unigenitus, et de l'autre côté, le conciliabule de Pistoie était de même confondu par un ange qui présentait la bulle Auctorem fidei.
La rangée inférieure offrait dans les deux baies centrales les armoiries des pontifes et des princes qui ont le plus fait pour le Sacré-Cœur, et dans les deux baies latérales, les ennemis vaincus, en compagnie d'un démon: d'une part Jansenius, Saint-Cyran, Arnauld et Quesnel; de l'autre Scipion de Ricci, Petter, Grégoire, l'évêque constitutionnel de Blois et Veillura» (Grimouard de St-Laurent: Les images du Sacré-Cœur).
Cette verrière et l'autel du Sacré-Cœur ont été offerts par les paroissiens de St-Quentin, à l'instigation de M. Mathieu, vicaire zélé et restaurateur de la basilique. Saint-Quentin a toujours été une des villes de France les plus dévouées au Sacré-Cœur.
Le Sacré-Cœur l'a choisie pour y fonder l'oeuvre de ses Prêtres.
Moyens auxiliaires
Médailles - Chapelets
Les médailles du Sacré-Cœur se sont multipliées à l'infini. Cela devait arriver, c'est une forme du culte de l'image du Sacré-Cœur. Souvent la médaille unit les deux images du Cœur de Jésus et du Cœur de Marie. Les deux Saints Cœurs se trouvent sur la médaille miraculeuse, qui est si populaire et si répandue.
Des médailles qui remplacent les scapulaires représentent aussi ordinairement le Sacré-Cœur sur une face et le Saint Cœur de Marie sur l'autre.
M. Millot, dans son volume d'Histoires sur le Sacré-Cœur, rapporte des traits touchants de grâces dues à la médaille du Sacré-Cœur, des conversions et des guérisons (Pages 155-169).
Marguerite-Marie commença à propager une petite couronne d'invocations au Sacré-Cœur. Il y en a plusieurs. Celle que récitent les Prêtres du Sacré-Cœur et qui a été bénite par le Curé d'Ars est peut-être la plus répandue.
Le P. Olivaint, martyr de la Commune, était un ardent propagateur du Chapelet du Sacré-Cœur.
Les Scapulaires
Marguerite-Marie écrivait: «Mon divin Maître exige qu'on fasse une petite image du Sacré-Cœur, afin que ceux qui voudraient l'honorer puissent la porter sur eux». Aussi envoya-t-elle souvent des images du Sacré-Cœur pour qu'on les plaçât sur son Cœur. «Le divin Rédempteur désire vivement, disait-elle, que ses amis portent sur leur Cœur l'image de son Cœur Sacré. Il m'a promis d'imprimer son amour dans les Cœurs qui portent cette image et de détruire en eux tous les mouvements déréglés».
Toutefois cette image recommandée par la Sainte n'était pas un vrai scapulaire. Ce qu'on appelait le petit scapulaire du Sacré-Cœur, n'était qu'une image en laine qu'on portait suspendue par un cordon ou cousue sur les vêtements de dessous.
Pendant deux siècles, il n'y eut pas de scapulaire proprement dit du Sacré-Cœur, mais ces petits scapulaires s'étaient répandus par millions. Les Polonais les portaient pendant les guerres pour leur indépendance; beaucoup de victimes de la Révolution française les portaient aussi. En Vendée, en Bretagne, à Paris, les amis de la religion portaient le petit scapulaire. C'est l'image qui les trahissait. Ils mourraient martyrs du Sacré-Cœur.
Que de traits impressionnants on pourrait citer!
La découverte d'un scapulaire du Sacré-Cœur motivait la condamnation de toute une famille. Les archives révolutionnaires en gardent l'incontestable témoignage.
«Un jour, entre autres (7 mars 1794), on vit une mère, courageuse comme la mère des Macchabees, faire passer devant elle, sur la sinistre guillotine, ses deux filles, dont la beauté attendrissait les bourreaux; or, c'est en brodant des scapulaires dans leur paisible retraite, que Mme et Mlle Leloup de la Biliais avaient acquis leur droit à la mort.
Les scapulaires vendéens étaient généralement faits de drap noir. Celui que portait le brave Stofflet, lors de son arrestation (15 février 1796) était fort grand, avec les deux Saints Cœurs brodés au-dessous du crucifix.
Ces scapulaires, consacrés par le sang, existent encore; les collectionneurs les ont achetés aux bourreaux».
Le Messager du Sacré-Cœur a donné le récit attendrissant de Mme Victoire de St-Luc, martyre du Sacré-Cœur avec une soixantaine de ses compagnons. Arrêtée à Quimper, elle y passa six mois en prison où elle continuait à dessiner et à propager l'image du Sacré-Cœur.
Pourquoi, lui dirent les juges, faites-vous ces emblèmes de la superstition, en signes de la rébellion et du fanatisme?».
Transférée à Paris, elle fut enfermée à la Conciergerie, sur l'ordre de Fouquier-Tinville. Son crime était d'être religieuse et propagatrice d'images de piété. Le 19 juillet 1794, dix jours avant la mort de Robespierre, elle périt sur l'échafaud, avec ses parents, des prêtres et d'autres victimes du Sacré-Cœur.
Marie-Antoniette avait l'image du Sacré-Cœur. Les prêtres et les religieux, massacrés aux 2 et 3 septembre, portaient presque tous le scapulaire du Sacré-Cœur.
Laroche-Jacquelein, Lescure, Stofflet et leurs soldats l'avaient ostensiblement sur leur poitrine.
Dans un village de la Vendée, quatre-vingt cinq habitants furent un jour égougés. Naguère leurs ossements ont été découverts avec des scapulaires du Sacré-Cœur.
Dès qu'avait commencé à gronder l'orage révolutionnaire, les multitudes avaient sollicité de toutes parts des scapulaires du Sacré-Cœur pour s'en couvrir. En quelques mois, à Paris, un couvent en distribua cent vint-cinq mille, et tous en distribuaient. On écrivit de Bar-le-Duc: «La dévotion au Sacré-Cœur est devenue un torrent qui franchit tout. Dans toute la Lorraine, villes et villages veulent des Sacrés-Cœurs. Tout le monde s'unit aux Clarisses pour en peindre. Le nombre des Cœurs déjà distribués est immense, et il semble qu'on ne fait que commencer». On mandait de Bordeaux: «On dit que les Sœurs de Tulle ont fait un million d'images. De notre côté, nous avons fait faire une planche d'où nous en tirons tous les jours en quantité». De Paray: «Les images du Sacré-Cœur, travaillées dans l'étoffe, eurent à peine paru, que tout le monde en voulait. Toutes les Sœurs en état de travailler s'y appliquent. Même les démocrates nous en font demander en sous-main».
D'Avignon: «Il y a peu d'honnêtes gens à qui nous n'ayons fourni de ces images. Nous en avons donné même aux prisonniers».
Elles seraient nombreuses les pages édifiantes que l'on pourrait écrire sur le culte du Sacré-Cœur pendant la Révolution.
L'Apostolat de la prière adopta à son tour une image-scapulaire et la répandit par millions.
Dans une de ces dernières années, plus de trois cent mille de ces scapulaires ont été envoyés de Toulouse. En 1891, un aumônier militaire écrivait: «J'avais quatre mille scapulaires; je suis à sec. Veuillez m'en envoyer encore deux mille, ce ne sera pas, je l'espère, ma dernière demande».
C'est dans tous les pays que ce scapulaire a été l'objet du même enthousiasme.
Cependant ce n'était pas encore là un véritable scapulaire du Sacré-Cœur.
Ce n'est qu'en 1876, à Pellevoisin, qu'a commencé la dévotion au scapulaire proprement dit du Sacré-Cœur, à la suite d'une révélation de la Sainte vierge. Ce scapulaire fut approuvé, le 28 juillet 1877, par Mgr de la Tour d'Auvergne, archevêque de Bourges. De Pellevoisin sont partis de nombreaux scapulaires, portant d'un côté l'image du Sacré-Cœur et de l'autre celle de la Mère miséricordieuse.
Nous ne raconterons pas l'apparition de la Sainte Vierge à Estelle Faguette et la guérison de la voyante.
Le scapulaire, légèrement modifié, a été approuvé par la Congrégation des Rites, le 4 avril 1900.
A la même date était approuvé le Scapulaire du Cœur agonisant de Jésus et du Cœur compatissant de Marie, à la requête des Filles du Cœur de Jésus de Marseille.
M. Millot relate des traits intéressants de guérisons et conversions obtenues par le Scapulaire du Sacré-Cœur (Chez Tequi, rue Bonaparte).
Les sauvegardes et les plaques
Les sauvegardes sont des images du Sacré-Cœur qui portent une apostrophe au démon et à tous les fléaux qu'il suscite: «Arrête! Le Cœur de Jésus est là!».
On en a répandu des millions, et souvent ce fut l'occasion de grâces providentielles. On en peut lire maints traits édifiants dans le livre de M. Millot: Un incendie arrêté; le torrent détourné de son cours dans la catastrophe de Saint-Gervais, etc.
De Montmartre s'est répandu l'usage des plaques du Sacré-Cœur, appelées plaques d'assurance, à l'instar des sauvegardes du Sacré-Cœur placées sur les maisons de Marseille à l'époque du grand fléau et qui préservèrent ces maisons.
Plusieurs diocèses en sont tout constellés; certaines paroisses en ont sur toutes leurs maisons. Elles font l'ornement de beaucoup de navires, à l'avant et au grand mât. En deux ans, plus de dix mille de ces plaques ont été distribuées dans le diocèse de Montpellier. C'est par centaines de mille qu'elles sont expédiées de Montmartre. Certaines âmes dévouées en font l'objet de leur apostolat.
L'usage de ces plaques, c'est, comme dit le Supérieur de Montmartre, non seulement une sauvegarde contre les malheurs et les accidents, mais un acte d'adoration: c'est reconnaître Jésus-Christ, Roi et Maître, c'est un acte de réparation: la plaque du Sacré-Cœur crie pitié et miséricorde pour les pécheurs; c'est un acte d'apostolat: toutes les personnes qui passent donnent un souvenir au Sacré-Cœur; c'est un signe de bénédiction: N.-S. l'a promis.
Les étendards Ecussons et bannières
Selon les écrits de la Sainte et la tradition de Paray-le-Monial, N.-S. a demandé à la France, comme gage de bénédiction, outre l'érection d'un sanctuaire national au Sacré-Cœur et sa consécration officielle à ce Cœur adorable, l'apposition sur ses drapeaux de l'image sacrée de ce Cœur lui-même.
Il n'a pas encore été répondu officiellement à cette demande, mais depuis plusieurs années un large faisceau de ces étendards sacrés a couvert la France et s'est étendu de toutes parts.
Nous nous rappelons le drapeau du Sacré-Cœur déployé à Loigny où il reçut le baptême du sang; celui de l'amiral Bienaimé, à Madagascar. A Quimper, en 1892, devant trois cents soldats, un étendard aux couleurs nationales, orné du Cœur du Sauveur et portant comme le drapeau officiel le numéro et l'inscription solennelle. Peu après, à Orléans, Mgr Coullié bénissait lui-même un drapeau identique et après avoir prononcé les paroles liturgiques, donnait l'accolade à l'étendard sacré.
Le drapeau du Sacré-Cœur s'est montré à la tête de tous les pèlerinages.
On le voit entrer à Ste-Anne d'Auray, gravir la sainte montagne de la Salette.
A Montmartre, en 1897, au vingt-cinquième anniversaire du Vœu national, tous les départements de la France sont représentés par un étendard tricolore aux armoiries du Sacré-Cœur.
En 1893, trois cent cinquante Français sont à Rome, aux pieds du Souverain Pontife. Au milieu d'eux se dresse le drapeau de la France illuminé du Sacré-Cœur. Léon XIII s'arrête devant le porte-étendard; son visage s'épanouit. «Le Sacré-Cœur», murmure-t-il. Puis il lève les yeux au ciel, comme s'il adressait à Dieu une prière. On lui demande d'accorder une bénédiction spéciale à ce drapeau qui doit être déposé à Montmartre. Radieux, il dit: «J'accorde cette bénédiction de tout mon Cœur». Et sa main se pose avec force sur le drapeau. Dernièrement, en vertu d'une mission expresse de Sa Sainteté, le Préfet de la Congrégation des Rites louait le drapeau français au Cœur de Jésus et en reconnaissait l'usage.
C'est à l'ombre de ce drapeau que sont prononcées les consécrations des paroisses au Sacré-Cœur. Les cercles et patronages se sont abrités sous ses plis. Dans certaines villes, tous les corps de métier ont voulu marcher sous cette bannière. Dans beaucoup de lieux, on a vu, ici les conscrits, là les premiers communiants, se cotiser pour faire don à leur église de cet étendard sacré.
En 1896, le Président de la République était à Brest. Il reçoit les associations de la ville. Le comité démocrate chrétien est là avec son drapeau aux armoiries du Sacré-Cœur. Il passe sans fanfaronnade, mais sans timidité, devant le Chef de l'Etat; et pendant qu'une brève allocution est adressée à cette phalange, son étendard flotte à la brise de la mer, objet du respect des autorités officielles (M. Millot).
Un signe sacré sur un drapeau, n'est-ce pas une chose insolite? Mais non. Qu'était-ce donc que le labarum adopté par Constantin, sinon le signe de notre rédemption?
La croix ou le croissant n'ornent-ils pas la plupart des drapeaux. Ceux d'Italie et de Suisse ont la croix. Certains signaux de marine de la France et d'ailleurs ont gardé la croix.
Le drapeau du Portugal a cinq billettes qui représentent les cinq Plaies, le Sacré-Cœur y est donc déjà au centre. Les couronnes des souverains chrétiens ne portent-elles pas la croix? Et nos décorations?
Le drapeau du Sacré-Cœur deviendra facilement officiel, avec un gouvernement chrétien.
Les armoiries ont des rapports avec le drapeau. Beaucoup d'évêques ont mis le Sacré-Cœur dans leurs armes. Beaucoup d'oeuvres, à la suite des cercles catholiques d'ouvriers ont mis le Sacré-Cœur sur leurs écussons.
Laissons faire le temps, les âmes chrétiennes aspirent vers le drapeau du Sacré-Cœur.
On sait quel développement les drapeaux et insignes du Sacré-Cœur ont pris pendant la grande guerre. Ils étaient partout et ils ont bien contribué à donner confiance aux combattants.
Du jour où le général Foch eut consacré son armée au Sacré-Cœur, il ne connut plus que des succès.
La Belgique et la France ont attribué au Sacré-Cœur l'heureuse issue de la guerre.
Les livres
Bibliographie
Aux images du Sacré-Cœur propagées par la Sainte, il fallait une légende, une explication. Il fallait y joindre une consécration, une amende honorable, des prières, etc…
On vit bientôt éclore une quantité d'opuscules. Le premier est dû à la Mère Madeleine Joly, de Dijon. En 1687, la Mère de Bourdeilles, de Dijon, en composait un second. En 1689, le livre de Dijon était remanié par le P. Croiset et publié à Lyon.
La retraite du P. de la Colombière aida aussi à la diffusion de cette dévotion.
Depuis lors la littérature du Sacré-Cœur forme une bibliothèque énorme dans toutes les langues.
On en trouve le catalogue assez complet dans l'ouvrage du P. Nilles. J'en citerai une douzaine, cela suffira.
Les livres du P. Croiset et du P. de Gallifet (chez Téqui) sont fondamentaux.
Les mois du Sacré-Cœur, A.M.D.G., par la Mère St Jérôme et celui du P. Lefèvre sont les plus répandus.
On peut lire: Thomas, Théorie de la dévotion au Sacré-Cœur, chez Desclée.
Terrien, La dévotion au Sacré-Cœur, d'après la théologie, chez Lethielleux.
Ramière, Le règne social du Cœur de Jésus, à Toulouse.
Letierce, Le Sacré-Cœur, ses apôtres, ses sanctuaires, chez Le Chevallier.
Lejeune, Le Sacré-Cœur et la vie chrétienne, chez Lethielleux. Alet et Lejeune, Le Sacré-Cœur et la France, chez Lethielleux.
Nous recommandons particulièrement: Bainvel, La dévotion au SacréCœur, doctrine, histoire, chez Beauchesne.
Yanveux, Le Règne du Cœur de Jésus, 5 vol., au sanctuaire de Montmartre.
Chapitre XVII
La réparation dans l'Ancien Testament
Dans l'Ancien Testament, tout était figure et préparation du Nouveau.
Dieu distribuait ses grâces en vue des mérites de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Dieu était offensé par de grands coupables et par des populations entières. Il suscitait des âmes réparatrices, qu'il animait de cet esprit, en vue des mérites du Cœur de Jésus, organe principal de la réparation.
On peut faire dans les pages de l'Ancien Testament une cueillette ou un bouquet de ces fleurs au parfum de myrrhe.
Abel est un réparateur. Caïn offrait des sacrifices dérisoires et impies en apportant au Seigneur ses plus pauvres fruits. Dieu en était offensé et irrité. Abel offrait des victimes choisies. Dieu y prenait sa complaisance. Abel est réparateur par ses sacrifices pieux. Il le fut aussi par sa mort e par son sang, image et figure de la grande réparation du Calvaire (Gen., chap. 4).
Hénoch fut un réparateur. Il vivait saintement. Il plaisait à Dieu et Dieu l'enleva au paradis pour en faire un apôtre de la réparation à la fin du monde (Gen., chap. 5 - Eccle., chap. 44).
Noé fut un réparateur. Son nom même veut dire «repos ou réparation». Lamech, son père, le nomma Noé en disant: «Celui-ci nous soulagera parmi nos travaux, et il nous consolera sur cette terre que Dieu a maudite». Lamech prophétisait ainsi le rôle réparateur de Noé.
Quand vint le déluge vengeur, Noé trouva grâce devant le Seigneur, parce que sa vie pure et pieuse était une vie réparatrice.
Noé figura le Sauveur du monde, et son arche figura l'Eglise.
Dieu se complut en Noé et lui dit: «Il n'y a que vous de juste à mes yeux dans cette génération». Après la sortie de l'arche, Noé continue son rôle de réparateur en offrant des sacrifices qui plaisent à Dieu (Gen., chap. 6,7 et 8).
Abraham est un réparateur. La race humaine s'était pervertie, même dans la vallée hautement civilisée de l'Euphrate. Dieu se choisit une famille réparatrice de laquelle naîtrait le Sauveur. Abraham fut comme le premier anneau de cette chaîne. Dieu le prend en Chaldée et l'envoie en Palestine pour préparer la réparation future. Abraham élève des autels réparateurs à Sichem et à Bethel.
La famine oblige Abraham à passer en Egypte, c'est une épreuve réparatrice.
Abraham doit lutter contre les rois corrompus de la Vallée du Jourdain. Dans une vision où les ténèbres représentaient le péché, Abraham prévoit les épreuves réparatrices de sa race en Palestine et en Egypte.
Isaac est un réparateur, qui conservera la race rédemptrice en face de la famille brutale et impie d'Ismaël. Sur le mont Moria, Isaac sera la belle figure de l'Agneau réparateur.
Jacob aussi était un réparateur, en face d'Esaü, chez les Iduméens, qui combattirent souvent le peuple de Juda.
Quel magnifique réparateur fut Joseph, fils de Jacob, qui souffrit comme le Christ pour sauver sa famille et son peuple! Joseph fut en maintes circonstances de sa vie la figure très caractéristique du grand Réparateur.
Moïse aussi fut un réparateur. Sans lui, le peuple d'Israël eût été à plusieurs reprises abandonné de Dieu. Moïse sauva son peuple par la réparation et il était en cela la figure du divin Rédempteur.
Samuel est un réparateur. Son innocence et sa piété ont touché le Cœur de Dieu. Il prêche le peuple d'Israël et lui persuade de détruire les idoles. Le peuple jeûne et se purifie. C'est toute une nation qui pratique la réparation sous la direction du prophète, et Dieu pardonne à son peuple (Les Rois, liv. 1, chap. 6).
David semble être le principal réparateur de l'Ancienne Loi. Il est si uni au Sauveur!
Notre-Seigneur affectionne particulièrement le titre de Fils de David. Le Cœur de David se rapproche tellement de celui du Sauveur que leurs épanchements se confondent. Maintes fois dans les psaumes David parle au Nom du Sauveur. Jésus reprend les réparations de David. Il les élève, les perfectionne et les divinise. C'est une esquisse dont il nous donne la véritable réalisation.
David fut un ami et un consolateur pour son Dieu. «Il fut un serviteur aimant, dit l'Ecclésiastique. En toutes choses il confessa sa foi en Dieu, de tout son Cœur il loua Dieu et l'aima…» (Chap. 47).
Il faut encore compter les Macchabées parmi les réparateurs de l'Ancienne Loi. Ils souffraient de l'infidélité et de la corruption d'Israël. Ils entreprirent la lutte et les combats pour relever le culte de Dieu et son royaume. Ils sont morts victimes de leur zèle et de leur esprit de réparation.
Les prophètes aussi ont été des réparateurs. Comme le rappelle saint Paul, «Ils ont été cruellement tourmentés, ne voulant point racheter leur vie présente par une apostasie; ils ont souffert les moqueries et les fouets, les chaînes et les prisons. Ils ont été lapidés ou déchirés par la scie. Ils ont subi l'exil et la persécution. Le monde n'était pas digne d'eux» (Aux Heb. chap. 11).
Il y eut toujours des réparations parmi les pieux Israélites et surtout parmi les prêtres. Les prophètes les y exhortaient. «J'ai cherché, dit le Seigneur, un homme qui s'interposât entre moi et la terre pour arrêter mon bras» (Ezéch., 22).
«Les Prêtres du Seigneur, dit Joël, pleureront entre le vestibule et l'autel et diront: Pardonnez, Seigneur, épargnez votre peuple» (Joël, ch. 2).
Dans l'Evangile, signalons seulement les plus remarquables réparateurs, nos admirables modèles.
Marie est éminemment réparatrice de la gloire de Dieu et consolatrice du Cœur de Jésus.
Elle adore Jésus dans son sein: Ecce ancilla Domini. - Elle pleure quand elle l'a perdu: dolentes quaerebamus te. - Elle est au pied de la croix pour le consoler: Stabat juxta crucem.
Saint Joseph a consolé Jésus par ses soins affectueux pendant trente ans. Saint Jean, et sainte Madeleine sont des amis de Cœur pour Notre-Seigneur.
Saint Jean est assidu auprès de Jésus, il repose sur son Cœur, il est fidèle jusqu'au Calvaire!
Sainte Madeleine se tient avec un tendre amour et une inexprimable compassion aux pieds de Jésus.
Marthe et Lazare sont des consolateurs. Ils accueillent Jésus fatigué et persécuté. Ils l'aiment et sont aimés de lui.
Jean-Baptiste est essentiellement réparateur par la grande pénitence qu'il pratique et qu'il prêche.
Véronique essuie la face de Jésus.
Tous les Saints du Nouveau Testament sont des réparateurs, mais quelques-uns plus spécialement, comme les martyrs, les pénitents et les Saints du Sacré-Cœur.
Chapitre XVIII
Œuvres contemporaines pour le règne du Sacre-Cœur et la réparation
Le Vén. Père Muard et les Bénédictins du Sacré-Cœur 1809-1854
Le Vén. P. Muard a fondé la Société des Pères de Pontivy et les Benedictins du Sacré-Cœur de la Pierre qui vire. Il regardait le Sacré-Cœur comme l'arche sainte de sa communauté.
En chaire, au confessionnal, dans ses conversations et ses lettres, il recommandait avec instance la dévotion au Sacré-Cœur. «Je ressens une affection particulière, disait-il, pour les âmes dévouées au Sacré-Cœur de Jésus».
Le Sacré-Cœur devait être le sujet le plus habituel des prédications de ses missionnaires. «Quand vous irez au peuple, leur disait-il, vous precherez, vous prêcherez encore le Sacré-Cœur».
Les jesuites
Le P. Ramière fut, comme le disait le P. Regnault en annonçant sa mort, «l'apôtre passionné du Sacré-Cœur».
Aimer le Sacré-Cœur, le faire aimer, populariser par tous les moyens en son pouvoir la dévotion à ce divin Cœur, telle fut la vie du P. Ramière. Le P. Gautrelet avait tenté de fonder l'Association de «l'Apostolat de la Prière». Il invita le P. Ramière à développer son oeuvre. Pour répondre à cet appel, celui-ci composa son beau livre «l'Apostolat de la Prière». Il voua toute l'œuvre au Sacré-Cœur.
Les associés promettent leur dévouement au Cœur de Jésus. Ils ont la mission de propager la dévotion au Sacré-Cœur.
C'est une ligue sainte, une ligue de zèle et de prières en union avec le Cœur de Jésus.
Les associés consacrent chaque matin leur journée au Cœur de Jésus. «Ils offrent les prières, les oeuvres et les souffrances de la journée aux intentions pour lesquelles N.-S. s'offre lui-même sur l'autel, et particulièrement aux intentions recommandées par le Souverain Pontifie pour le mois présent».
Il y en a qui offrent chaque semaine ou chaque mois une communion réparatrice pour consoler le Cœur de Jésus et détourner les fléaux de la justice divine.
Cette armée sainte compte vingt millions de fidèles et soixante mille paroisses ou communautés.
Elle a pour organe le Messager du Cœur de Jésus.
Le P. Lyonnard, qui fit son noviciat avec le P. Ramière, fut de son côté, sous une autre forme, un apôtre du Sacré-Cœur.
Dès le commencement de sa vie religieuse, par l'amour pour le divin Cœur, il s'offrit pour être victime. «O Marie, dit-il, obtenez-moi la faveur de marcher toute la vie par le chemin des peines intérieures. O jesus, mon cher Maître, chargez-vous envers moi de l'office de sacrificateur comme votre Père céleste l'a exercé envers vous. Le Cœur surtout est à immoler par les angoisses, les ennuis, les tribulations, les agonies, comme fut immolé le Cœur de mon Sauveur Jésus».
N.-S. accepta cette généreuse offrande de son serviteur pour la réparation des iniquités du monde et le salut des âmes. Pendant quarante quatre ans les peines intérieures furent le pain quotidien du P. Lyonnard. Il y eût succombé si le Sauveur «n'eût pas répandu dans son Cœur des flots d'amour», selon ses propres paroles.
Il engageait les âmes à marcher comme lui dans la voie de l'immolation, soit qu'elle fût spontanément acceptée, soit qu'elle fût généreusement sollicitée; c'est le but de nombreuses feuilles libéralement répandues et du beau livre de «L'Apostolat de la Souffrance», qui a suscité tant d'héroïsme pour les intérêts du Cœur de Jésus.
Le Rev. Père fonda l'œuvre si touchante du salut des mourants par le Cœur agonisant de Jésus. Pie IX l'approuva bientôt. Il composa la prière que tant de pieuses âmes ont depuis récitée en faveur des quatre-vingt mille mourants de chaque jour, et qui d'après une révélation, a sauvé une multitude de pécheurs.
Rappelons cette prière:
«O très miséricordieux Jésus, qui brûlez d'un amour si ardent pour les
âmes, je vous en conjure par l'agonie de votre très Saint Cœur, et par les douleurs de votre Mère immaculée, purifiez dans votre sang tous les pécheurs de la terre qui sont à l'agonie et qui aujourd'hui même doivent mourir. Cœur agonisant de Jésus, ayez pitié des mourants. Ainsi soit-il!».
Le P. Drevon a beaucoup travaillé en France pour le règne du Sacré-Cœur, mais l'objet principal de son apostolat fut l'œuvre de la Communion Réparatrice.
Par cette association, une section de sept personnes par semaine ou de trente par mois assure au moins une communion réparatrice chaque jour. .
Ces communions ont pour but de répondre aux demandes de N.-S. à Marguerite-Marie: «Du moins, lui disait-il, donne-moi cette consolation de suppléer à l'ingratitude des hommes en me recevant dans l'Eucharistie autant que l'obéissance te le permettra», et encore: «Je viens dans le Cœur que je t'ai donné, afin que, par ton ardeur, tu répares les injures que j'ai reçues des Cœurs tièdes et lâches qui me déshonorent dans le Saint-Sacrement».
Le P. Drevon se livra tout entier à l'apostolat de la Communion Réparatrice, et c'est par millions qu'il faut compter les réparations de ce genre dont son zèle a été le principe.
Après les Souverains Pontifes, Pie IX et Léon XIII, tous les évêques ont loué et recommandé cette oeuvre.
Marseille seule compte 13.000 associés dont les noms sont écrits dans un grand Cœur déposé à Paray. Ce groupe offre au Cœur de Jésus 330.000 communions par an.
Dunkerque, St-Quentin, St-Omer comptent parmi les villes que l'on peut appeler «les cités du Sacré-Cœur» (Fastes du Sacré-Cœur, par un pretre de Coutances, p. 350).
Les pères du Sacré-Cœur
En 1794, de jeunes ecclésiastiques du Séminaire St-Sulpice, obligés d'émigrer, fondèrent la pieuse société des Pères du Sacré-Cœur. Ils prirent pour Supérieur le P. Tournély, qui se sentit pressé de vouer toute la petite société au culte du Sacré-Cœur. Il écrivit de son sang cette consécration: «Je me consacre au Cœur de Jésus et à celui de Marie. Je fais en conséquence le vœu d'employer ma vie à propager la dévotion au Sacré-Cœur et à l'Immaculée-Conception de Marie. Je m'engage à renouveler ce voeu deux fois l'an».
C'est lui qui prépara la fondation des Dames du Sacré-Cœur.
Le P. Varin succéda au Père Tournely comme Supérieur de la petite Congrégation des Pères du Sacré-Cœur, qui prirent le nom de Pères de la Foi, en attendant la restauration de l'Ordre des Jésuites, où ils furent incorporés.
Sa grande oeuvre fut la fondation, en 1800, de la Société des Dames du Sacré-Cœur! «Après Dieu, dira Mme Barat, la Société doit son existence au Père Varin». Il voulut que le Sacré-Cœur fût le pivot de tout dans cette Congrégation, aussi bien pour l'éducation des élèves que pour la vie intérieure. «La première fin de votre institut, disait-il, n'est pas l'éducation proprement dite, c'est la dévotion au Sacré-Cœur».
Les pères des Sacres-Cœurs
Cet institut a été fondé au temps de la grande Révolution. Il a de belles missions en Océanie.
Le P. Damien, victime de son dévouement aux lépreux, a montré quelle générosité peut inspirer l'amour du Sacré-Cœur.
Les Pères de Picpus ont eu des martyrs à la Commune, en 1871.
Ils font chaque jour une heure d'adoration au Sacré-Cœur présent dans le tabernacle.
Un autre institut s'est fondé dans le même esprit, c'est celui des Pères des SS. Cœurs de Naples.
Les missionnaires du Sacré-Cœur
En 1854, par une intervention admirable de la Providence, fut fondée à Issoudun la Société des Missionnaires du Sacré-Cœur ou de Notre Dame du Sacré-Cœur. Elle a pour but de faire vivre ses membres de la vie du Sacré-Cœur par l'entremise de la Sainte Vierge et de les consacrer à la conquête des âmes, dont a soif le Cœur de Jésus.
L'invocation «Aimé soit partout le Cœur de Jésus» est leur mot d'ordre.
Le Rév. P. Chevalier, leur fondateur, a mis tout son dévouement et tout son Cœur à construire à Issoudun une basilique au Sacré-Cœur. Dans les autels les vitraux, les peintures, sont représentés les prophètes qui ont annoncé le Sacré-Cœur, ses figures et symboles et les Saints qui l'ont glorifié.
Le P. Chevalier a aussi écrit un livre considérable sur le Sacré-Cœur où il montre bien dans le Sacré-Cœur le centre où tout converge dans l'Ancien et le Nouveau Testament, l'âme de l'Eglise, le salut du monde, le remède à tous nos maux.
Avec lui, le P. Jandel a fondé la «Petite Oeuvre du Sacré-Cœur» qui aide ces Pères à entretenir quatre cents élèves dans leurs écoles apostoliques.
Ils ont de belles missions en Océanie.
====La Bienh. Mère Barat (Sophie), fondatrice des Dames du Sacré-Cœur 1779-1865==== Sophie Barat est née à Joigny en 1779. Elle acheva son éducation à Paris au quartier du Marais auprès de son frère, l'abbé Barat, dans un petit cénacle de personnes pieuses qui se cachaient pendant la Révolution.
C'était une âme très cultivée et fortement trempée.
Par son frère, elle fut mise en rapports avec le P. Varin, Supérieur des Pères du Sacré-Cœur, qui cherchait comme le P. Tournely à fonder une Société de Religieuses enseignantes analogue à l'institut des jésuites. On avait essayé avec la princesse Louise de Condé et avec l'archiduchesse Marie-Anne, mais ces nobles chrétiennes n'avaient pas abouti. Le P. Varin crut trouver l'instrument de la Providence dans la Sœur de l'abbé Barat; il réussit.
Un premier pensionnat fut fondé à Amiens. Mme Barat rencontra bientôt de vaillantes auxiliaires comme Mme Duchesne et Mme Geoffroy.
L'œuvre se développa, mais elle passa par des épreuves, comme toutes les oeuvres nouvelles, notamment de 1839 à 1843. Elle a triomphé de toutes les difficultés. Elle est aujourd'hui répandue dans les deux mondes.
Elle a 6.500 religieuses, 140 maisons, des milliers d'enfants dans ses pensionnats et ses écoles, des centaines de mille d'anciennes élèves.
Le but de Mme Barat fut de servir et faire aimer Dieu, son moyen la dévotion au Sacré-Cœur, son oeuvre, l'éducation des jeunes filles.
Elle a toujours voulu unir la vie intérieure à l'apostolat. Elle écrivait en 1828: «Un ordre qui unit la vie contemplative à la vie active possède une existence de grâce qui soutient admirablement l'action… c'est ce que je me sens poussée d'établir dans notre société».
Sa vie a été écrite par la Mère Cahier, par Mgr Baunard, par M. Geoffroy de Grandmaison.
Ses religieuses ont les trois vœux ordinaires, auxquels elles ajoutent celui de se dévouer à l'éducation de la jeunesse. Elles donnent une bonne part à la piété: une heure d'oraison le matin, une demi-heure le soir; chaque jour une lecture spirituelle et deux examens de conscience.
Chez elles, la dévotion au Sacré-Cœur est «le pivot sur lequel tout se meut, le terme auquel tout aboutit».
La Bienheureuse avait l'esprit de réparation.
Elle parlait souvent «des ravages du mal dans tout l'univers, des douleurs dont le Cœur de Jésus était abreuvé, démontrant la nécessité de réparer ces outrages, d'opposer une digue au torrent de l'impiété…».
Elle redoutait une trop grande activité extérieure: «On doit partout porter le recueillement, disait-elle, au moins par une tendance de Cœur qui ne coûte aucun effort. C'est le tournesol, qui suit naturellement le mouvement de l'astre qui l'attire, l'éclaire et le vivifie».
Elle avait composé une courte oraison, qu'elle répétait à satiété, comme le résumé de sa pensée:
«Cœur sacré de Jésus, ô ma lumière, mon amour et ma vie, faites que je ne connaisse que vous, que je n'aime que vous, que je ne vive que de vous, en vous et par vous».
Elle alla au ciel en la fête de l'Ascension, en 1865.
C'est en 1867 que cet institut fut fondé à Strasbourg par la Sœur Marie du Sacré-Cœur, née Oliva Uhlrich.
Le but de ces Sœurs est de réaliser en elles l'immolation complète par amour et d'offrir leur vie pour la réparation et pour le règne du Sacré-Cœur.
Déjà plus d'une centaine de ces pieuses victimes ont été agréées par le
Sacré-Cœur et sont mortes saintement, souvent dans la fleur de la jeunesse.
L'œuvre a passé par des épreuves providentielles, mais elle en est sortie plus vivante.
La Maison-Mère était à St-Quentin avant la guerre; il y a plusieurs maisons en Alsace-Lorraine, une en Hollande, une en Belgique.
Elles ont quelques oeuvres de charité, mais leur but principal est la vie d'adoration réparatrice et de supplication au Cœur de Jésus dans l'Eucharistie pour les besoins de l'Eglise et le salut des âmes.
La vie de la Sœur Marie de Jésus, publiée chez Desclée, fera bien connaître cet institut.
====Sœur Marie Véronique et les Sœurs Victimes du Sacré-Cœur de Jésus de Grenoble 1825-1883==== C'est en 1867 que Catherine Lioger fonda son oeuvre à Gênas près Grenoble et prit le nom de Sœur Véronique du Cœur de Jésus. «Victime du Cœur de Jésus! C'est bien le caractère particulier de cette grande âme, dit Mgr l'évêque de Namur; c'est le cachet spécial de sa sainteté; c'est ce qui fait l'éclatante beauté d'une vie où resplendissent toutes les vertus».
«Cette vénérable Fondatrice, dit Mgr l'évêque d'Evreux, connut toute la profondeur des humiliations, toutes les amertumes de la douleur, toutes les rigueurs des infirmités et des souffrances. Parce qu'elle voulut vivre en victime et qu'elle a aimé les ignominies de la croix en union avec le Sacré-Cœur délaissé, sa vie fut une longue agonie, une longue humiliation».
L'institut a été approuvé par le Saint-Siège en 1908.
La vie des Sœurs victimes du Sacré-Cœur de Jésus est contemplative. Elles gardent la clôture et récitent l'office canonial.
«Les Sœurs de l'Institut se consacrent à l'expiation; elles offrent à Dieu leurs prières, leurs actions et leurs vies même, pour la réparation des offenses faites à Dieu, l'exaltation de la Sainte Eglise, la conversion des pécheurs, la sanctification croissante des âmes justes et particulièrement des âmes consacrées et l'accomplissement de tous les desseins du Sacré-Cœur de Jésus.
La Maison-Mère a dû se transporter de Villeneuve-lez-Avignon, à Namur, l'année fatale des expulsions.
Lire la Vie de la Mère Véronique, par le P. André Prévot, chez Vic et Amat (Lyon et Paris).
====Sœur Marie de Jésus, Marie Deluil-Martiny, fondatrice des Filles du Cœur de Jésus 1844-1884==== Ce fut comme zélatrice de la garde d'honneur que Marie Deluil-Martiny commença son apostolat du Sacré-Cœur.
Le P. Calage, son pieux directeur, lui avait prédit qu'elle serait appelée à une plus haute mission.
«Vous serez victime, lui disait-il, vous serez sacrifiée et immolée, tenez-vous prête». Elle se sentait destinée à une oeuvre où l'on s'immolerait spécialement en réparation des outrages eucharistiques. Son directeur approuvait ses desseins. «J'emporte votre âme, lui disait-il, et je l'offrirai à Dieu. Mon intention formelle est que vous vous donniez au Cœur de Jésus irrévocablement en qualité de victime. Je vous offrirai à la messe, N.-S. fera le reste».
En 1873, elle commença l'œuvre désirée et prédite, la Congrégation des Filles du Cœur de Jésus.
S'offrir en victime, c'est le but de son institut. Voici comment elle le résume: «Offrir sans cesse à Dieu, par les mains de Marie qui a été prêtre et victime avec Notre-Seigneur, l'Hostie Sainte qui s'immole d'autel en autel et d'heure en heure par les mains de tous les prêtres; l'adorer sans interruption perpétuellement sur son trône; s'offrir soi-même avec elle, victime volontaire, en se remettant corps et âme à la disposition de N.-S., afin de lui procurer le moyen de souffrir réellement en ses membres mystiques et d'achever ainsi ce qu'il lui plaît encore d'ajouter à sa Passion, et cela en expiation des sacrilèges eucharistiques et pour les intérêts généraux de l'Eglise et notamment du sacerdoce».
C'est à Anvers que l'oeuvre prit naissance. En 1880, elle ouvrit un second monastère dans la maison de famille de la Sœur Marie de Jésus, et c'est là que la fondatrice périt frappée par un anarchiste, le 27 février 1884, comme le P. Calage l'avait entrevu prophétiquement.
====La Mère Marie de Jésus, fondatrice de la Cong. de Marie Réparatrice 1818-1878==== Cette Congrégation est aussi une oeuvre réparatrice. Les Soeurs de cet Institut joignent à leurs oeuvres l'adoration réparatrice au Saint Sacrement. Elles s'inspirent de la dévotion au Sacré-Cœur.
Elles ont été fondées par Emilie d'Oultremont, baronne de Hooghworst.
Elle était mariée et vivait pieusement à Rome. N.-S. se manifesta à elle en 1843. «Mon Maître bien-aimé m'apparut, dit-elle, avec une physionomie de tendresse indicible, en me montrant son Cœur. Il me semblait profondément triste, et il vint à moi avec deux couronnes en mains, l'une de roses, l'autre d'épines. Même avant d'entendre une parole de la bouche divine, je saisis la couronne d'épines, avec tout l'amour de mon Cœur, et depuis la couronne d'épines me fut bien chère».
Cette pieuse âme commença une vie de réparation. Son mari mourut pieusement. Le 8 décembre 1854, jour où fut proclamé le dogme de l'Immaculée-Conception, comme elle était en adoration, il lui sembla voir Marie et l'entendre lui dire que son Cœur de mère souffrait de n'être plus sur la terre «pour entourer et faire entourer l'autel d'adoration, de respect, de tendresse et d'amour, et guérir les blessures faites à Jésus du tabernacle», et qu'elle désirait que des âmes dévouées voulussent bien tenir sa place.
L'œuvre réparatrice par Marie fut bientôt fondée. elle a pris une extension rapide. La Congrégation compte plus de vingt maisons, à Paris, Londres, Rome, Liège, Séville, Jérusalem, etc.
Ces Sœurs offrent toutes leurs oeuvres à Marie pour qu'elle les purifie et les offre à Jésus, afin de disposer son Cœur à la miséricorde.
====Sœur Marie-Thésèse Dubouchet, fondatrice de la Cong. de l’Adoration réparatrice==== Les religieuses de l'Adoration réparatrice sont aussi toutes dévouées au Sacré-Cœur.
Elles ne se contentent pas de vivre du Saint Sacrement et auprès du Saint Sacrement, et de déposer entre les mains de Marie leurs adorations et leurs hommages eucharistiques, trois fois par jour elles célèbrent les bontés et les merveilles du Cœur même de Jésus, priant Marie de faire agréer leurs louanges et leurs réparations à son divin Fils, et chacune d'elles aime à se dire, comme leur sainte fondatrice, «une enfant du Sacré-Cœur pour l'éternité».
Le berceau de l'œuvre fut la chapelle des Carmélites, rue St Jacques, à Paris.
L'exemple des Sœurs de l'Adoration réparatrice donna à quelques pieux fidèles la pensée de fonder l'Association de l'Adoration nocturne.
C'est en 1863 que l'œuvre de la garde d'honneur commença à Bourg. Elle a pour but de consoler N.-S. de l'ingratitude des hommes, par l'offrande d'une heure de prière ou de travail sanctifié chaque jour. Marie Deluil-Martiny, de Marseille, fut une des principales zélatrices. En deux ans quatre vingt mille associées se firent inscrire. Le Pape et les évêques voulurent en être.
Pie IX connaissait la pieuse zélatrice de Marseille. «Oh! je la bénis de tout Cœur», disait-il un jour. Il revendiquait, comme le fit ensuite Léon XIII, le titre de «Premier garde-d'honneur du Sacré-Cœur».
Un pieux sanctuaire s'élève à Bourg pour centraliser la garde d'honneur.
====La Mère Saint Jérôme, du Couvent des Oiseaux, et le Mois du Sacré-Cœur 1810-1868==== La Mère Saint Jérôme avait pour directeur le P. Ronsin qui lui inspira la dévotion au Sacré-Cœur.
C'est elle qui rendit populaire le mois du Sacré-Cœur. Elle contribua beaucoup à en faire adopter la pratique publique par Mgr de Quelen, archevêque de Paris.
Elle composa son Mois du Sacré-Cœur, qui fut longtemps le seul, et qui est écrit avec autant d'onction que le doctrine. Elle joignit bientôt à cet ouvrage La Pratique de l'amour envers le Sacré-Cœur de Jésus, et plus tard les Trente-trois considérations sur le Sacré-Cœur de Jésus, vrais trésors spirituels. - Elle inspirait à ses élèves le zèle de cette dévotion, et par sa correspondance elle exerçait un apostolat incessant.
«Demandez tous les jours la dévotion au Sacré-Cœur, disait-elle, c'est le moyen le plus doux et le plus efficace pour avancer dans la religion. C'est le commencement, le milieu et la fin, pour les parfaits comme pour les imparfaits».
Elle faisait sa demeure dans le Cœur de Jésus.
La consécration de la France au Sacré-Cœur la préoccupait constamment. «Le vœu de Louis XVI s'accomplira, disait-elle, ce doit être l'objet de nos prières et de notre zèle».
Elle croyait d'ailleurs au règne général du Cœur de Jésus et à son triomphe.
La Mère Marie de Jésus du Couvent des Oiseaux et les promesses renouvelées
C'était le 21 juin 1823, à la fête de saint Louis de Gonzague.
N.-S. renouvela les promesses qu'il a faites à Marguerite-Marie. Il dit
à la Sœur Marie de Jésus: «La France est toujours bien chère à mon Cœur et elle lui sera consacrée.
(Je prépare toutes choses: la France sera consacrée à mon Divin Cœur et toute la terre se ressentira des bénédictions que je répandrai sur elle. La foi et la religion refleuriront en France par la dévotion à mon divin Cœur».
(Messager du Cœur de Jésus, janvier 1871).
La Sœur Marie de Saint-Pierre, du Carmel de Tours, a fondé avec M. Dupont l'oeuvre de la Sainte Face, mais son but intime était bien la réparation au Sacré-Cœur.
Sa demeure spirituelle était le Sacré-Cœur de Jésus: c'est dans cette fournaise ardente qu'elle a puisé tant de lumières pour elle-même et pour les autres.
Jésus lui communiqua souvent les plus intimes secrets de son Cœur adorable. Dès l'année 1843, N.-S. lui accorda des faveurs extraordinaires et lui annonça que sa justice était irritée à cause des péchés des hommes.
C'est la même année que N.-S. s'adressa à la fondatrice de la Congrégation de Marie Réparatrice. C'est en 1846 que la Sainte Vierge apparut à La Salette.
Pressée par la grâce, Sœur Saint-Pierre s'offrit à N.-S. en victime. Il lui inspira l'établissement d'une association réparatrice. Elle vit dans le Sacré-Cœur de Jésus le désir qu'il a de faire miséricorde, n'y mettant pour condition que la réparation des outrages faits à son divin Père. Elle reçut de vives lumières sur la Face adorable de N.-S. qui devait être l'objet sensible de la réparation.
Un jour à la sainte messe, N.-S. lui donna l'ordre de dire et faire dire le plus souvent possible l'invocation suivante: «Qu'à jamais soit loué, béni, aimé, adoré, glorifié, le très saint, très sacré, très adorable, inconnu, inexprimable Nom de Dieu, au ciel, sur la terre, dans les enfers, par toutes les créatures sorties des mains de Dieu et par le Sacré-Cœur de Jésus au Très Saint Sacrement de l'autel».
====Victimes du Sacré-Cœur, de Marseille. Le P. Jean et Mlle de Gérin 1813-1882==== M. d'Arbaumont, en religion le P. Jean du Sacré-Cœur, fut appelé par Mgr l'évêque de Marseille, «le trésor de son diocèse», et par le peuple, «son paratonnerre».
Cette grande âme s'était vouée en victime pour la gloire du Sacré-Cœur.
Il sut en 1840 qu'un institut de Sœurs Victimes du Sacré-Cœur avait été fondé à Marseille par Mlle de Gérin. Il voulut s'y unir en devenant leur aumônier et en fondant une Association de Victimes.
Cela ne lui suffit pas et bientôt, il commença avec quelques prêtres dévoués un institut de Prêtres victimes.
«Toujours souffrir, toujours aimer», c'était sa devise. Il s'appliqua à faire souffrir à son corps sans relâche, tout ce que l'imagination la plus féconde peut inventer.
«Il faudrait, disait-il, que les rapports avec le bon Jésus prissent de plus en plus un caractère de compassion, de douleur, de sainte tristesse; que les âmes fussent sans cesse avec lui au jardin des Olives et sur la croix».
Il passa aussi par de grandes épreuves. Une terrible maladie compléta son martyre et il rendit son âme à Dieu, un vendredi, jour consacré au Sacré-Cœur.
Ses compagnons étaient morts avant lui. Son oeuvre de prêtres n'eut pas de suite, mais les Sœurs Victimes continuent leur oeuvre.
M. Allemand fut un grand ami du Sacré-Cœur et un apôtre de la jeunesse.
Ce digne prêtre du diocèse de Marseille consacra toute sa vie à l'Oeuvre dite de Jeunesse. Aucune difficulté ne le rebuta. La source de son courage se trouvait dans la tendre dévotion qu'il professa toujours pour le SacréCœur de Jésus. C'est au Sacré-Cœur qu'il rapportait tout le succès de son oeuvre. «On loue notre oeuvre de jeunesse, disait-il, mais à Dieu ne plaise que nous cherchions à nous en glorifier! Toutes les grâces que Dieu verse sur nous, c'est au Sacré-Cœur que nous les devons». Il ajoutait: «Nous avons été fondés par le Sacré-Cœur». Il récitait chaque jour le petit office du Sacré-Cœur.
Il aimait cette oraison jaculatoire: «Cœur Sacré de Jésus, ayez pitié de nous», et il avait habitué ses jeunes gens à s'en servir pour se saluer mutuellement. Il ne parlait du Sacré-Cœur de Jésus qu'avec des transports d'amour.
Un dimanche, à la bénédiction du Saint Sacrement, en lisant l'oraison
du Sacré-Cœur où l'on déplore les injures faites à ce divin Cœur par des hommes ingrats, il fondit en larmes et ne put continuer.
Ses dernières paroles furent un acte de confiance au Sacré-Cœur.
Il laissa pour continuer son oeuvre une Société de Prêtres du SacreCœur.
==Apparition du 3 mai 1910 à la Visitation de Paris, rue Denfert-Rochereau.== La Sœur Marie-Antoniette, âgée de 35 ans, souffrait d'une énorme tumeur du foie. Le 3 mai 1910, à 3 heures du matin, la Sœur qui la gardait la vit se soulever subitement sur son lit et rester immobile dans l'extase. - Après quelques minutes la malade, revenue à elle, lui dit:
- Vous n'avez donc pas vu? Et sur sa réponse négative:
- Mais N.-S. était là, et ma Sœur Millon (morte il y avait trois mois) y était aussi!
Puis, fondant en larmes:
- Ils sont partis et ils ne m'ont pas emmenée.
Elle était guérie. Voici ce qu'elle raconte: Elle vit N.-S. se présenter à elle, couronné d'épines, triste et majestueux, mais la bonté dominait tout. Il lui dit un mot pour elle seule. Puis toute sa vie lui apparut en un instant, comme au moment du jugement sans doute. Elle vit clairement ses fautes passées et ce qu'elle devait faire à l'avenir. Et N.-S. ajouta:
- Surtout, aime-moi, j'ai tant besoin d'amour! J'en trouve si peu, même auprès des Cœurs qui me sont consacrés. Je suis l'Epoux fidèle, en moi il n'y a pas de déception.
Puis N.-S. étendant la main lui découvrit son Cœur tout brûlant de flammes. Un rayon s'en détacha et vint la guérir.
La Sœur Millon la bénit et lui dit:
- Maintenant, il ne faut plus être à Dieu à moitié…
Léon XIII, dans une audience à quelques personnages qui lui exprimaient leurs souhaits à la fin de l'année 1889, leur exprima la crainte d'un grand châtiment dont la société serait menacée.
«N.-S. disait-il, viendra, non plus avec un visage doux et paisible, mais avec un visage irrité, pour frapper et pour purifier son Eglise. Car, ajoutait-il, il y a beaucoup de lâches même parmi les justes, et parmi ceux qui devraient être les meilleurs, il y a des membres pourris». Le Saint Père reconnaît qu'on prie et que beaucoup prient: «Mais cela ne suffit pas, disait-il, pour apaiser Dieu, et cela pour des raisons chachées dans son Cœur Sacré».
(Cité par L'Univers).
Mgr Gay écrit dans une lettre au P. Deschamps, du 3 septembre 1883 (Alliance, préface): «Que votre règne arrive!…».
Nous en sommes aux extrémités. «La vie et la mort sont devant nous». Il faut se convertir ou périr. Le mal nous presse de toutes parts, mais «la charité de Jésus nous presse» bien plus encore. Il est temps de secouer le sommeil et de vaquer aux oeuvres divines. Il est temps de briser avec l'esprit du monde et présentant à Dieu «de dignes fruits de pénitence» de se retremper aux sources évangéliques «pour cheminer ostensiblement comme des fils de lumière». Il est temps que «le jugement commence» si nous voulons éviter d'être terriblement jugés, et comme saint Pierre le demande, «Il faut que ce jugement commence par la maison de Dieu», «cette maison qui est nous-mêmes», dit saint Paul, nous évêques, nous prêtres, nous religieux et religieuses, nous consacrés, nous baptisés.
Chapitre XIX
Le Sacré-Cœur et la vie religieuse
Le Sacré-Cœur et le clergé
Le Sacré-Cœur et la Vie religieuse
Tous les couvents de France liront avec édification cette lettre circulaire adressée par la Supérieure générale d'une de nos plus belles congrégations à ses chères filles en Notre-Seigneur. Puisse cet exemple être suivi par toutes les communautés!
«Mes très chères Sœurs,
L'invitation qui a été faite à toutes les communautés de France, de prendre part à l'Union de prières et d'adoration établie à Montmartre, en l'honneur du Sacré-Cœur de Jésus, doit recevoir un accueil aussi empressé que reconnaissant dans notre chère Congrégation, spécialement consacrée à ce divin Cœur depuis le 1er juin 1874.
Comment ne pas entrer dans ce pieux mouvement, après avoir été l'objet d'une protection si touchante! Oh! oui, nous pouvons bien nous appliquer ces paroles de Marguerite-Marie: «Je ne puis assez admirer les bontés et les libéralités du Sacré-Cœur pour vous… Vous lui êtes bien redevables».
I. - Embrassons, mes chères Sœurs, avec une ferveur toujours croissante, la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus. Dans les desseins de Notre-Seigneur, elle est un moyen puissant et extraordinaire pour embraser les âmes religieuses de la divine charité, qui est le „lien de la perfection”, pour faire, par conséquent, de chacune de nous, une parfaite Sœur de la Charité.
Ecoutons la Bienheureuse confidente du divin Maître: „Je ne sais si vous compredrez ce que c'est que la dévotion au Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ dont je vous parle; elle fait un grand fruit et un grand changement en tous ceux qui s'y consacrent et adonnent avec ferveur. Si vous désirez arriver à la perfection que l'adorable Cœur de Jésus désire de vous, il faut faire à son Sacré-Cœur un entier sacrifice de vous-mêmes, et vivre tout pour lui. Vous ne sauriez croire les bons effets que cela produit dans les âmes qui ont le bonheur de le connaître. C'est ce qui a élevé le Père de la Colombière à une si haute perfection en si peu de temps”.
„Pour vous, mes chères Soeurs (c'est toujours la Bienheureuse qui parle), je ne saurais m'empêcher de croire que, si Notre-Seigneur vous fait persévérer dans les bons désirs qu'il vous donne d'aimer et d'honorer son Sacré-Cœur, vous y serez placées très avant, et il prendra soin de vous perfectionner autant que vous en aurez à lui témoigner votre amour par conformité à ses vertus. Si nous sommes lâches, froids, impurs et imparfaits, n'est-il pas une fournaise ardente où il faut nous perfectionner et purifier comme l'or dans le creuset? Il réparera ce qu'il pourrait y avoir d'imparfait dans nos actions, et sanctifiera les bonnes”.
Mes chères enfants, dit-elle ailleurs à ses novices, vous savez tout ce qu'il faut pour devenir de grandes saintes, ce que j'espère que vous ferez avec le secours de la grâce et de votre fidélité. Il faut pour cela mettre toute votre confiance au Sacré-Cœur de Notre-Seigneur, y avoir tout votre recours en toute nécessité, lui découvrant toutes vos peines, comme un enfant à son père, car il vous a enfantées sur l'arbre de la Croix. Oui, je vous le dis, la grâce que le Seigneur a commencé à vous faire, vous élèvera à une haute perfection, pourvu que vous lui donniez le cours par une fidèle correspondance de votre part».
Nous ne pouvons mieux faire, mes chères Sœurs, que de nous approprier ces exhortations et ces promesses, que le divin Cœur de Jésus nous a fait tenir par sa sainte servante.
Toutes les vertus religieuses, nous les trouverons donc dans le Sacré-Cœur de Jésus, qui en est le parfait modèle et la source intarissable. C'est en lui que nous puiserons la grâce de pratiquer nos saints vœux de religion, de nous séparer parfaitement d'un monde dans lequel nous devons nous dévouer, mais auquel nous avons généreusement renoncé, de vivre fidèles à la régularité religieuse selon nos saintes constitutions. C'est le Sacré-Cœur de Jésus qui nous redira comme à ses disciples: „Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur”. En un mot, mes chères Sœurs, la connaissance du Sacré-Cœur, la pratique fidèle à sa dévotion nous amènera, par une voie courte et rapide, à la plus solide perfection. Mais il y a plus: au milieu des circonstances critiques que nous traversons, des dangers qui menacent les associations religieuses, je me suis sentie pressée d'élever, sur notre chère Congrégation un paratonnerre divin, et d'assurer, à tous nos établissements, un refuge assuré, où nous n'aurons rien à craindre. Or, écoutons encore les paroles que Notre-Seigneur nous a transmises par la sainte voyante:
„Le Sacré-Cœur de Jésus répandra la suave onction de son ardente charité sur toutes les communautés où il sera honoré, et qui se mettront sous sa particulière protection.
Il a promis qu'il en tiendra tous les Cœurs unis pour n'en faire qu'un seul avec lui. Je crois (et je ne saurais m'empêcher de le dire) qu'il y aura une protection spéciale d'amour et d'union sur les Communautés qui lui rendront quelques hommages particuliers. Il a promis qu'il en détournera tous les coups de la divine justice, pour remettre ces Communautés en grâce lorsqu'elles en seront déchues.
Notre-Seigneur Jésus-Christ m'a encore montré un trésor de grâces et de salut pour elles, à cause du grand plaisir qu'il prend à l'honneur qu'on rend à son Sacré-Cœur.
Je ne peux vous exprimer la joie que je sens du plaisir que je pense que cet aimable Cœur de notre bon Maître prend à l'honneur que votre Maison lui rend. Il aura toujours une protection particulière pour votre Communauté, que je regarde comme l'objet des complaisances de ce Cœur aimable, et il en aura soin, comme je l'espère de son amoureuse bonté. Continuez donc à aimer ce divin Cœur, et à le faire aimer, et ne craignez pas qu'il oublie rien de ce que vous faites pour lui.
Il veut être le maître absolu de votre Cœur, afin que, par le zèle ardent que vous avez, vous le faissiez connaître, honorer, glorifier dans votre Communauté sur laquelle, par ce moyen, il prétend verser avec plus d'abondance ses grâces et ses bénédictions d'amour et d'union dans vos Cœurs, et de sanctification dans vos âmes”.
Comme toutes ces paroles doivent nous encourager à la confiance la plus entière au Sacré-Cœur de Jésus. Non, mes chères Sœurs, si nous l'aimons, si nous le contentons par notre zèle à faire en tout sa sainte volonté, si nous l'invoquons avec ferveur, il ne nous délaissera pas. Le démon aura beau conjurer notre perte, le Sacré-Cœur de Jésus nous prendra sous sa puissante protection.
II. - Mais le Sacré-Cœur de Jésus a daigné, en ces derniers temps, choisir un trône magnifique, où il veut être adoré „en esprit et en vérité”, et vers lequel il veut que toutes les âmes se tournent dans un même élan de foi, de confiance, d'amour, de reconnaissance et de réparation. Montmartre! O Montagne la plus sacrée de notre patrie, foyer divin d'où s'échappent des flammes pour embraser les Cœurs, source toujours ouverte pour répandre des torrents de bénédictions, vous avez été choisie pour être le centre de toutes les âmes religieuses!
Je ne saurais vous dire, mes chères Sœurs, combien de fois mes regards se sont tournés „vers cette montagne d'où vient le secours”, et combien de grâces sont sorties de cette fontaine toujours jaillissante, pour notre chère famille religieuse. Je crois pouvoir dire, en toute vérité, que nous avons été adoptées comme les Filles du Sacré-Cœur de Montmartre.
Aussi, c'est de tout Cœur que j'adhère, et que je vous prie d'adhérer aux demandes qui ont été faites par le Vénéré Supérieur des Chapelains de Montmartre, concernant:
1° L'union de nos communautés à l'Adoration perpétuelle et universelle du Sacré-Cœur de Jésus.
2° La pratique dite du Signal Sacré du Sacré-Cœur, à 9 heures et à 4 heures.
3° La diffusion de la dévotion au Sacré-Cœur dans nos Pensionnats, nos Ecoles, nos Hospices, partout où nos oeuvres nous appellent. En conséquence, voici, mes chères Sœurs, les pratiques auxquelles vous voudrez bien vous unir fidèlement:
1° Pour ce qui regarde l'Adoration: Le jour d'Adoration au Sacré-Cœur est fixé, pour toutes les Maisons de la Congrégation, au 10 mai. Ce jour-la, à la Maison-Mère, on se conformera au Manuel de l'Adoration en union avec Montmartre. Il y aura, la veille au soir, à 6 heures, ouverture de l'Adoration solennelle, adoration la nuit et adoration le jour. La clôture se fera le soir, à 6 heures, par un Salut, toujours en suivant, autant que possible, les indications du Manuel.
Dans les Etablissements particuliers, il n'y aura aucune solennité, et les Sœurs ne suspendront point leurs occupations journalières. Toutefois, la veille au soir, elles se réserveront, si faire se peut, au moins une heure à passer devant le Très Saint Sacrement; et, tout en s'acquittant de leurs exercices de règle, s'uniront à Montmartre et à la Communauté. Le jour de la fête, elles se souviendront, à l'oraison et à la sainte Messe, où elles s'efforceront de faire une communion fervente, qu'elles doivent s'unir à nos adorations et à nos réparations. Elles offriront, dans le même esprit, leur travail du jour. Si elles le peuvent, avant midi, elles iront encore passer une heure ou une demi-heure devant le Très Saint Sacrement. Enfin, le soir, elles tâcheront de se réserver encore un peu de temps pour s'unir à la clôture de l'Adoration, en récitant ensemble les prières du Manuel.
Dans les Maisons ayant une Chapelle, il pourra y avoir, toute la journée une personne en adoration, soit religieuse ou autre, si toutefois le personnel le permet3).
2° Pour le Signal Sacré, pratique qui date de l'aurore de la dévotion au Sacré-Cœur, on donnera un coup de cloche, chaque jour, à partir du 10 mai prochain, à 9 heures et à 4 heures. A ce moment, toutes ensemble, nous tournerons nos Cœurs vers Montmartre, et nous réciterons la priere suivante:
„O Cœur de Jésus vivant dans le Très Saint Sacrement, prosternée en esprit devant vous dans le sanctuaire de Montmartre, en union avec tous vos adorateurs au ciel et sur la terre, je vous offre les prières, les actions et les peines de cette journée. Daignez les accepter comme autant d'actes d'adoration, d'action de grâces, de réparation, de supplication et d'amour, pour vous consoler et pour attirer vos bénédictions sur ma personne et ma famille, sur l'Eglise, le Clergé, les Communautés religieuses. Ainsi soit-il”.
3° Enfin nous deviendrons de plus en plus les Apôtres du Sacré-Cœur, surtout auprès de nos enfants, de nos malades et des personnes qui nous sont confiées. Nous les engagerons à faire leur consécration au Sacré-Cœur, à se faire inscrire dans l'Archiconfrérie du Sacré-Cœur, et à envoyer leurs noms à Montmartre (31, rue de la Barre).
Puissions-nous, mes chères Sœurs, attirer toujours plus abondantes les bénédictions du Sacré-Cœur de Jésus sur notre chère Congrégation! Nous pouvons d'autant mieux les espérer que Monseigneur l'Evêque de Laval, notre vénéré Supérieur, a daigné encourager et bénir notre projet.
Oui, ô Cœur Sacré de Jésus, nous nous vouons toutes à votre divin amour. A vous, tous nos Cœurs, régnez sur nous! A vous, tous nos biens, gardez-les! A vous, notre vie tout entière, pour vous servir! Puissent toutes les Religieuses de la Charité de Notre-Dame d'Evron persévérer jusqu'à la fin dans votre saint amour!
Je suis, dans la charité du divin Cœur de Jésus. Mes très chères Sœurs,
Votre bien affectionnée,
Sœur A. C.,
Supérieure Générale».
I. N.-S. a souvent montré à Marguerite-Marie combien il est offensé et attristé par les fautes des âmes consacrées.
Vers novembre 1673, il lui dit: «Le Seigneur se lasse d'attendre, il veut entrer dans ses greniers pour cribler son froment et séparer le bon grain d'avec le chétif… Mon peuple choisi me persécute secrètement et ils ont irrité ma justice! Mais je manifesterai ces péchés secrets par des châtiments visibles…». Découvrant ensuite son Cœur amoureux, tout déchiré et transpercé de coups: «Voilà, disait-il, les blessures que je reçois de mon peuple choisi. Les autres se contentent de frapper sur mon corps; ceux-ci attaquent mon Cœur, qui n'a jamais cessé de les aimer. Mais mon amour cédera enfin à ma juste colère pour châtier ces orgueilleux attachés à la terre, qui me méprisent et n'affectionnent que ce qui m'est contraire, me quittant pour les créatures, fuyant l'humilité pour ne chercher que l'estime d'eux-mêmes. Et leurs Cœurs étant vides de charité, il ne leur reste plus que le nom de religieux» (T. II, p. 85 s).
Un autre jour, N.-S. se présenta à elle tout couvert de plaies, ayant son corps tout sanglant et son Cœur tout déchiré de douleur, il était comme tout lassé. Il lui dit: «Voilà où me réduit mon peuple choisi, que j'avais destiné pour apaiser ma justice, et il me persécute secrètement. S'il ne s'amende, je le châtierai sévèrement…».
Après la sainte Communion, il se présenta à elle comme un Ecce homo, tout déchiré et défiguré, disant: «Si tu savais qui m'a mis en cet état, ta douleur serait bien plus grande… cinq âmes consacrées à mon service m'ont ainsi traité, car j'ai été tiré à force de cordes dans des lieux fort étroits, garnis de tous côtés de pointes, de clous et d'épines, qui m'ont réduit de la sorte».
Il lui fit comprendre que ces lieux étroits étaient des Cœurs mal disposés; et ces pointes, l'esprit d'orgueil. Dans ses lassitudes il se présentait à elle, lui disant de baiser ses plaies pour en adoucir la douleur.
Une autre fois encore il se présenta à elle couronné d'épines par les péchés d'orgueil d'une épouse infidèle.
Un soir elle le vit chargé d'un pesant fardeau. Il lui dit: «Veux-tu supporter le poids de ma sainteté de justice, qui est prêt à s'appesantir sur cette religieuse de nom que voilà?». Elle consentit et reçut sur ses épaules un poids si accablant et en tout son corps un feu si brûlant qu'elle en fit une grande maladie.
Plus tard, ce sont cinq Cœurs tièdes qui laissent échapper les grâces qu'ils reçoivent (P. 313 et p. 89).
II. A la Salette4), la très Sainte Vierge s'est plainte des religieux et des prêtres. Elle a signalé chez un certain nombre l'irrévérence et le sacrilège dans la célébration du Saint Sacrifice, l'amour de l'argent, des honneurs, des plaisirs, l'impureté, le manque de zèle et l'oubli de la prière (Voir le secret publié à Nîmes avec l'imprimatur de Mgr l'évêque de Lecce).
A propos de la publication de ce secret de la Salette, Mgr de Lecce écrivait: «Les plaintes de notre très miséricordieuse Mère et les reproches adressés aux pasteurs et aux ministres de l'autel ne sont pas sans raison; et ce n'est pas la première fois que le ciel adresse au clergé de semblables reproches destinés à devenir publics.
Nous en trouvons dans les psaumes, dans Jérémie, dans Ezéchiel, dans Michée, etc. ;
dans les oeuvres des Pères et des docteurs de l'Eglise: saint Jérôme, saint Grégoire de Grand, saint Bernard, etc. ;
Dans les sermons des évêques et des docteurs sacrés;
dans plusieurs révélations qui ont été faites dans ces derniers temps à des Saints et des Saintes;
dans les lettres de sainte Catherine de Sienne;
dans les écrits de sainte Hildegarde, de sainte Brigitte, de sainte Marguerite-Marie, de la Sœur Nativité, de l'extatique de Niederbronn, Elisabeth Eppinger, de Sœur Marie Lataste, de la servante de Dieu Elisabeth Canori Mora, etc. - Je passe sous silence les révélations de sainte Thérèse, de sainte Catherine de Gênes, de Marie d'Agréda, de Catherine Emmerich, de la vénérable Anna-Maria Taigi et de plusieurs autres».
Beaucoup d'interprètes de la Sainte Ecriture appliquent aux prêtres les passages de l'Apocalypse relatifs aux étoiles du ciel qui tomberont, entraînées par la queue du dragon au sixième âge de l'Eglise (Chap. VI et XII).
III. Témoignages de quelques saintes âmes
Saint Labre. Plusieurs fois il raconta à son confesseur, l'abbé Marconi, qu'il voyait le prêtre et le Saint Sacrement couverts d'immondices. Les larmes lui coulaient des yeux et il terminait toujours en disant: «La pénitence seule peut désarmer la colère de Dieu».
Il voulait parler, dit son confesseur, des prêtres en général dont quelques-uns ont dévié du droit sentier, tandis que beaucoup d'autres, restés fidèles, sont maltraités et persécutés (Sa vie, par Desnoyer, t. 2).
Catherine Emmerich entrevit les combats et les victoires de l'Eglise de notre temps. Son guide céleste l'avertit de prier et de faire prier pour les prêtres infidèles. Elle vit des ecclésiastiques, parmi ceux qui la reconstruisaient, bien des prêtres travaillaient avec une mollesse pitoyable.
La Sœur de la Nativité a dit aussi (2e éd. 1879, t. I, p. 271): «Les crimes dont N.-S. paraissait le plus touché et qu'il pleurait avec le plus d'amertume, étaient les infidélités, les prévarications et les scandales des mauvais prêtres et de tous les ecclésiastiques qui par leur dérèglements, déshonorent son sacerdoce, et font blasphémer son Saint Nom. Combien de ministres de mes autels, disait-il, nuisent plus qu'ils ne servent au salut des âmes que j'ai rachetées!
Ma fille, disait-il encore, il s'est trouvé dans mon Eglise des judas qui m'ont trahi et vendu. J'ai été abandonné. j'ai été renié de nouveau; on a délivré Barabbas et on m'a condamné à mort; j'ai été cruellement flagellé et couronné d'épines; on m'a couvert de honte et d'opprobres; on m'a conduit au supplice pour être crucifié une seconde fois (P. 273).
Elisabeth Canori Mora, (Sa vie, chez Sarlat).
Un jour elle vit l'enfant Jésus couché dans sa crèche et nageant dans son sang. Il lui marquait en cela combien l'affligent les offenses soit de ses ministres et des religieux infidèles à leurs obligations, soit des pères et mères ou de toutes autres personnes qui, chargées de l'éducation chrétienne des enfants, s'acquittent négligemment de leurs devoirs. Trois anges étaient sur le point de tirer vengeance de ces offenses, mais la divine Mère, ayant prié pour qu'on fît grâce aux coupables, l'Enfant Jésus leva la main en disant: arrêtez, arrêtez! - Un autre jour où l'on célébrait la Purification, la très Sainte Vierge lui montra son divin Fils baigné de son sang et lui dit: «Ma fille, vois comme il est blessé, cache-le dans ton Cœur!». Pour lui faire obtenir le salut des âmes auxquelles elle s'intéressait, Marie lui ordonna d'offrir le sang de son divin Fils au Père éternel et ajouta: «Joins à cette offrande celle de tes douleurs et de tes afflictions, ainsi que l'amour dont ton Cœur est pénétré». Elisabeth fit là prière que Marie lui avait ordonnée, mais elle ne fut pas certaine d'avoir été exaucée, tant étaient excessifs les péchés et la malice des hommes. Voir aussi Agnès Steiner.
La Sœur Thérèse de Jésus de Lavaur5).
«A peine étais-je à genoux pour commencer mon oraison, que mon bien-aimé Jésus me fit entendre ces paroles: Viens, ma fille, auprès de mon Cœur pour me consoler des outrages et de l'indifférence qu'il reçoit dans le sacrement de son amour! - J'ai senti et compris quelque chose des souffrances intimes qu'il endure de la part de tant d'âmes, même de celles qui lui sont consacrées… Plusieurs s'occupent de lui un instant au moment de la prière, puis elles l'oublient et n'y pensent que faiblement; tout autre chose semble les intéresser davantage. Cette vue m'a fait mal et je disais: «O aimable Jésus, ô beauté ravissante, ô bonté souveraine, pourquoi donc êtes-vous si peu aimé?… Faites-vous donc connaître et on vous aimera!» Il m'a fait comprendre alors la grande difficulté qu'éprouvent les âmes pour s'oublier elles-mêmes et être tout à lui» (I, 165).
Elle ne cessait de prier et de pleurer à la pensée des âmes qui communient dans la tiédeur; elle pleurait bien plus encore sur les âmes religieuses qui ne tendent pas énergiquement à la haute sainteté à laquelle elles sont appelées; mais plus que toutes les autres l'âme du prêtre en général l'attirait: elle offrait habituellement pour les âmes sacerdotales toutes ses souffrances, toutes ses mortifications, toutes ses prières (I, 172).
Un jour, N.-S. lui montra un magnifique parterre, orné de mille fleurs diverses et il lui dit: «C'est mon Eglise… le jardin de l'Epoux. Toutes ces fleurs représentent les âmes, plus ou moins belles à mes yeux, mais les âmes sacerdotales et religieuses sont les plus belles et les plus chères fleurs de ce parterre béni; celles-là, je les ai plantées et je les garde auprès de moi».
Elle ajoute: «Pendant que Jésus me parlait ainsi, je contemplais sa divine beauté, et son air de tristesse me préoccupait… J'ai bien vite compris pourquoi mon Jésus paraissait si triste: parmi ces fleurs qui devraient être si belles à cause de la bonne terre où elles sont plantées et de leur bonne exposition, j'en ai vu plusieurs qui semblaient se flétrir peu à peu. Ces fleurs préférées, qui auraient dû naturellement être tournées vers Jésus, le divin Soleil pour être vivifiées par ses rayons bienfaisants, me paraissaient à ce moment recourbées sur leur tige, à demi desséchées et tournées vers l'ombre, de manière que le Cœur de ces fleurs ne pouvait plus recevoir un rayon de soleil… j'ai cru comprendre que c'était là l'image des âmes sacerdotales qui ne sont pas fidèles à demeurer tournées vers Jésus, leur divin soleil, et ne peuvent ainsi, fixant la terre, ressentir la douceur ineffable du doux regard de Jésus… Oh! pourtant, quand cet inexprimable regard de Jésus tombe sur une âme, que ne lui fait-il pas éprouver!_ . .
«Je souffrais et j'aurais voulu pouvoir dédommager mon Jésus. Dans mon impuissance, je regardais autour de moi pour voir si, parmi les fleurs de ce parterre, il n'y en aurait pas au moins quelques-unes, que je puisse lui présenter. Alors mon Bien-aimé m'a montré plusieurs de ces fleurs qui, bien que mêlées avec celles qui se desséchaient, avaient conservé la pureté et la vivacité de leurs couleurs.
«Le Sauveur Jésus regardait ces âmes fidèles avec une tendre complaisance et elles étaient réchauffées et vivifiées par cet ineffable rayon de chaleur et de vie divine…» (1, 211).
«En pensant à la mission que les prêtres ont reçue de faire connaître notre doux Jésus, j'ai entendu sa voix me dire avec un accent de grande tristesse: Je souffre bien de ce que tant de prêtres n'emploient pas le temps assez sérieusement et en perdent une trop grande partie en des choses qui sans être mauvaises en elles-mêmes, sont bien inutiles pour des hommes uniquement employés à mon service et dont la vie devrait être différente de celle des autres hommes… N'étant pas assez pénétrés de ce qu'ils doivent aux âmes, ils les privent, sans s'en douter, d'une nourriture dont elles ont besoin» (1, 224).
«Jésus m'a fait comprendre encore combien les âmes affligent son tendre Cœur en ne le visitant pas dans le saint Tabernacle… en ne venant pas l'y consoler… C'est surtout le prêtre qui devrait le faire, mieux que personne. C'est lui qui a la charge toute spéciale de garder Jésus… de lui tenir fidèle compagnie… Lui qui, par sa parole puissante, au divin sacrifice, l'a fait descendre du ciel… C'est lui qui l'a renfermé dans le sacré Tabernacle… sous clef, comme un criminel… Prisonnier volontaire pour notre amour!… Le prêtre le sait bien; il devrait donc aussi plus que les autres venir fréquemment visiter Jésus dans sa prison d'amour! afin de le consoler, de le dédommager, de lui demander grâce pour tous ceux qui l'offensent… car c'est là sa mission. N'est-il pas bien coupable lorsqu'il néglige son divin Prisonnier pour passer son temps en des visites inutiles qui n'ont pas pour but spécial la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes» (1, 230).
«La vie, la vérité, la lumière sont captives dans l'âme consacrée en qui ne vit pas l'esprit sacerdotal, qui a laissé s'éteindre ou s'affaiblir la grâce de sa consécration.
Et d'abord la grâce sacerdotale est une source de vie. Le prêtre ne reçoit pas avec mesure et selon sa capacité personnelle la vie du Christ, mais il la reçoit tout entière avec toutes ses richesses de grâce, de vertus, de perfections… il la reçoit à un titre unique et tout spécial qui la fait entrer en participation de la paternité divine par le pouvoir, le droit, le devoir qu'elle a de donner, de communiquer aux âmes la vie divine dont elle possède la source et de les engendrer au Christ… Si cette grâce vient à être négligée, il en résulte nécessairement une sorte de captivité de la vie divine… C'est par le prêtre que Dieu a coutume de se révéler, de se communiquer aux âmes, de les attirer à sa connaissance, à son amour, d'en faire des créatures nouvelles… Le prêtre est à Jésus son bras d'action, l'instrument visible de ses opérations invisibles et divines, le continuateur de ses oeuvres, le canal régulier de l'émanation de sa grâce, de sa vie, de son amour dans les âmes. C'est la tige-mère à l'égard des âmes: et de même qu'un obstacle dans la tige-mère de la plante empêche la circulation de la sève nutritive dans les autres parties, de même aussi l'âme sacerdotale qui ne garderait pas sa pureté et le trésor de ses grâces se poserait comme un obstacle à l'émanation de la vie, de la grâce de jesus dans les âmes et les laisserait, par sa faute, s'étioler et languir.
«La vérité du divin Maître peut subir une pareille captivité, car le prêtre est le messager, l'organe de Jésus pour faire arriver aux âmes les rayons de son éternelle vérité, pour leur rompre le pain substantiel de sa divine parole… Jésus lui a confié, comme à un dispensateur fidèle, le dépôt sacré de sa vérité, le trésor caché de sa divine parole, le champ fertile des saintes Ecritures, afin que, les cultivant et les travaillant sans cesse, les âmes soient nourries par lui des fruits de grâce et de vie qu'ils renferment… Le prêtre a reçu aussi l'Auteur de toute lumière, l'Esprit-Saint qui lui donne la clef du trésor caché et lui en ouvre l'entrée, lui en révèle les richesses. Pour que cette vérité et cette lumière ne soient pas captives, il faut que le prêtre coopère à l'action de l'Esprit-Saint, qu'il s'applique à sa tâche, qu'il ne s'y épargne en rien, s'oubliant lui-même, se souvenant sans cesse que sa vie est à Jésus et aux âmes…» (11, 140).
L'effusion de la lumière et de la grâce retenues captives cause à l'âme de Jésus une de ses plus amères tristesses…
(Nous ne donnons ces Vues de la Sœur Thérèse de Jésus de Lavaur qu'avec toutes les réserves que l'Eglise demande).
En 1887. Il y a des prêtres qui ne sont pas bons, il faut y remédier. En 1888. Le salut de la France dépend de la sainteté des prêtres. S'ils ne deviennent meilleurs, ce ne. sera pas de sitôt que la France sera sauvée. Il y en a bien et dans tous les rangs qui perdent les âmes.
En 1889. Il faut que la France revienne à mon Evangile, cesse de m'offenser et d'enseigner à m'offenser par ses écrits. Il faut que les prêtres y travaillent sérieusement et changent de vie. J'ai pour eux des grâces de conversion, je souffre d'un immense désir de les leur donner; et ils n'en veulent pas et on ne les demande pas pour eux… consacre ta vie au salut des prêtres pour le salut de la France et de l'Eglise; souffre, écris, parle, agis!
En 1889 encore. Les âmes se damnent plus que jamais par la faute des prêtres. Dans tous les rangs du clergé, beaucoup sont occupés de leurs affaires personnelles et de leur avenir selon le monde et ils n'ont aucun souci des âmes. Leur relâchement et leur indifférence pour les intérêts de leur Dieu sont la principale cause des malheurs de la France…
«Il faut dire aux âmes de bonne volonté de s'unir pour la sanctification des prêtres, sans laquelle on ne peut sanctifier les peuples. Tous les efforts des bonnes âmes doivent tendre à ce que les prêtres futurs soient mieux formés et à réformer la plus grande partie de ceux d'aujourd'hui. Oh! les prêtres, s'ils étaient bons, pieux et zélés, quelle belle France ils me donneraient! Mon Cœur est si douloureusement froissé de voir des âmes que j'avais choisies mépriser l'héritage que je leur destinais!…».
Chapitre XX
Quelques notes sur l'œuvre des prêtres
du Sacré-Cœur
I. - Une méthode de vie intérieure
Le Cœur de Jésus est notre demeure, notre lumière, notre amour, notre autel et notre victime.
Nous adoptons ce qu'il a dit à Marguerite-Marie la veille de sa profession religieuse, le 5 novembre 1672, après la communion: «Voici la plaie de mon côté pour y faire ta demeure actuelle et perpétuelle; c'est là que tu pourras conserver la robe d'innocence dont j'ai revêtu ton âme, et vivre désormais de la vie d'un Homme-Dieu» (Vie par les Contemp., p. 38).
Par cette union, Jésus vit en nous et tout nous est facilité: «Pourquoi crains-tu, disait le Sauveur à Marguerite-Marie, puisque je t'ai donné pour asile le lieu où tout est rendu facile?» (Ibid., p. 48).
Cette union est préparée par nos efforts: purification, recueillement, pensée assidue à Notre-Seigneur et à son divin Cœur. Mais elle doit être scellée par l'amour réciproque de Notre-Seigneur: «Je sais bien, ô mon Dieu, disait la Sainte, que cette divine union ne se peut que par votre amour».
La Sainte décrit ces fiançailles: «Notre-Seigneur me fit voir son beau Cœur, plus éclatant que le soleil et d'une infinie grandeur. Mon pauvre Cœur me fut montré comme un petit point, un atome tout noir et défiguré; il faisait ses efforts pour s'approcher de cette belle lumière, mais c'est en vain. Ce Cœur amoureux l'attira lui-même en disant: «Abîme-toi dans ma grandeur et prends garde de n'en jamais sortir» (Ibid., p. 48). Faisons tous nos efforts, et N.-S. nous unira à son Cœur.
Nous y trouvons la lumière pour guider nos pas, nous y lisons sa bonté pour exciter notre amour.
Disons à tout instant: Cœur de Jésus, que voulez-vous que je fasse? Cor Jesu, quid me vis facere? Cœur de Jésus, qui aimerais-je si ce n'est vous!
C'est la règle que N.-S. a donnée à Marguerite-Marie après sa profession.
Comme elle éprouvait un trouble surnaturel, elle s'adressa avec confiance à N.-S.: «Unique amour de mon âme, faites-moi connaître ce qui m'inquiète». - Aussitôt qu'elle fut à l'oraison, N.-S. se présenta à elle avec ses plaies, lui disant de regarder l'ouverture de son sacré Côté, qui était un abîme sans fond, creusé par la flèche de l'amour; que si elle voulait éviter l'abîme dont la crainte la troublait, elle devait se perdre dans celui-ci, par lequel on évite tous les autres; que c'était la demeure de ceux qui l'aiment; qu'ils y rencontreraient deux vies: l'une pour l'âme et l'autre pour le Cœur. L'âme y rencontre la source des eaux vives pour se purifier et recevoir en même temps la vie de la grâce et la lumière pour se conduire; le Cœur y trouve une fournaise d'amour. L'âme s'y sanctifie et le Cœur s'y consume, et comme l'ouverture est fort étroite, il faut être petit et dénué de toutes choses pour y pouvoir entrer» (Ibid., p. 52).
Lumière et amour: notre âme trouvera là, dans l'union habituelle, tous les éléments de sa sanctification.
====3° Le Cœur de Jésus est notre autel et notre victime. Per ipsum, cum ipso et in ipso==== Avec sainte Gertrude, sainte Mechtilde, sainte Catherine de Sienne, le Vén. P. Eudes, sainte Marguerite-Marie, nous empruntons le Cœur de Jésus pour bien aimer Dieu et Marie, pour prier Dieu, l'honorer et payer la dette de nos péchés.
C'est avec le Cœur de Jésus et par le Cœur de Jésus que nous offrons nos sacrifices, nos hommages et nos réparations à son Père.
N.-S. lui-même a fréquemment recommandé cette méthode à Marguerite-Marie.
En 1673, dans une oraison sur l'agonie, N.-S. lui dit: lorsque tu sentiras que ma justice est prête à lancer ses coups sur les pécheurs, tu élèveras ton Cœur et tes mains au ciel par prières et bonnes oeuvres, me présentant continuellement à mon Père, comme une victime d'amour immolée et offerte pour les péchés de tout le monde, me mettant comme un rempart et un fort assuré entre sa justice et les pécheurs afin d'obtenir miséricorde. Lorsque tu sentiras que je fais grâce à quelqu'un de ces pécheurs, tu dois alors m'offrir à mon Père, comme l'unique objet de ses amoureuses complaisances, en actions de grâces de la miséricorde qu'il exerce envers les pécheurs… (P. 84).
Un jour, N.-S. lui montra son Cœur déchiré par les blessures que lui fait son peuple choisi, qui manque d'humilité et de charité. «Pendant ce temps-là, dit-elle, je ne cessais de demander à mon Dieu une véritable conversion pour toutes ces âmes, lui offrant les mérites de la vie, mort et passion de son divin Fils, mon Sauveur, pour satisfaction des injures qu'il avait reçues de nous; m'offrant moi-même à sa divine bonté pour souffrir les peines qu'il lui plairait de m'envoyer» (P. 86).
Une autre fois N.-S. lui dit: «Ton Cœur est comme un autel sacré, je l'ai choisi pour offrir à mon Père éternel des sacrifices ardents, pour apaiser sa justice et lui rendre une gloire infinie, par l'offrande que tu lui feras de moi-même dans ces sacrifices, y unissant celui de ton être pour honorer le mien» (P. 96).
En mai 1682, au jubilé, N.-S. lui indiqua trois prières qu'elle devait faire:
La première était d'offrir au Père éternel les amples satisfactions qu'il a faites à sa justice pour les pécheurs sur l'arbre de la croix, en le priant de rendre efficace le mérite de son sang précieux à toutes les âmes criminelles à qui le péché a donné la mort; et que, les ressuscitant à la grâce, elles le glorifient éternellement.
La seconde, de lui offrir les ardeurs de son divin Cœur pour satisfaire à la tiédeur et lâcheté de son peuple choisi, en lui demandant que par l'amour ardent qui lui a fait souffrir la mort, il lui plaise réchauffer leurs Cœurs tièdes à son service et les embraser de son amour afin qu'il en soit aimé éternellement.
La troisième, d'offrir la soumission de sa volonté à son Père éternel, lui demandant par ses mérites la consommation de toutes ses grâces et l'accomplissement de toutes ses volontés (P. 189).
C'est la pratique constante de saint Gertrude. N.-S. la lui avait enseignée lui-même.
Il lui avait appris à dire: «O mon Jésus, suppléez à ce qui manque à mon amour et offrez pour moi à votre Père l'amour de votre Cœur». Elle faisait de même pour la louange, pour l'action de grâces, pour la réparation. L'offrande de la Passion lui était très familière (Prières, p. 149). Il en était de même de sainte Mechtilde (Ibid., p. 145).
Le Vén. P. Eudes aussi aimait à offrir à Dieu l'amour du Cœur de Jésus pour suppléer à la tiédeur des hommes, pour réparer les injures des pécheurs, pour procurer à Dieu la gloire à laquelle il a droit.
(Les SS. Cœurs et le P. Eudes, par le Doré, t. II, P. 176).
Le Vén. Louis de Blois (bénédictin) disait: «Offrez vos bonnes oeuvres et vos exercices au très doux et très Sacré-Cœur de Jésus, afin qu'il les purifie et les perfectionne. Ce Cœur plein de tendresse se plaît à ce travail divin; et toujours il désire rendre parfait en nous ce qu'il y trouve d'imparfait et de défectueux».
Cette union directe et constante avec le Sacré-Cœur ne prive-t-elle pas la Sainte Vierge de notre dépendance filiale? C'était le scrupule de sainte Mechtilde, mais N.-S. la rassura à deux reprises différentes.
La sainte bénédictine priait N.-S. de lui accorder la grâce de servir dorénavant sa glorieuse Mère avec diligence et ferveur, sans que pour cela elle sentît aucun empêchement à la charité qui l'unissait à lui.
Elle vit aussitôt N.-S. la recommander à sa Sainte Mère. La bienheureuse Vierge la présenta alors à son divin Fils, et le Seigneur la recevant avec une douceur ineffable, lui fit appliquer la bouche contre son divin Cœur, en disant: «A l'avenir, vous prendrez là tout ce que vous désirez offrir à ma Mère».
Allons habituellement au Cœur de Jésus; il nous guidera dans notre culte envers sa Mère et ses Saints, dans nos devoirs de charité envers les vivants et les morts.
II. - Les oeuvres extérieures les plus chères au Cœur de Jésus: les enfants - les ouvriers - les missions
=====A. – La pitié du Cœur de Jésus B. – L’exemple de Marguerite-Marie
A
L'amour mis en contact avec le malheur, c'est la pitié, pitié débordante quand elle est la vie d'un grand Cœur en face d'une immense misère. En N.-S., elle devient l'un des mobiles habituels de tous ses actes.
Nous ne voulons pas parler seulement de cette pitié première et d'ensemble qui a déterminé l'Incarnation.
Le divin Maître a fait l'aumône ravissante de sa pitié à toutes les misères qui désolaient le monde et qu'il voulait soulager.
Il a pleuré sur Jérusalem, la cité déicide, rebelle à toutes les sollicitations de son amour.
Il a eu pitié des enfants qui sont la faiblesse même et il leur a plusieurs fois marqué son intérêt.
Il a délivré les possédés de l'épouvantable tyrannie du démon.
Il a guéri les aveugles, les boiteux, les lépreux et toutes les victimes des maux avant-coureurs de la mort depuis que le péché est entré dans le monde.
Il a eu pitié de ces pères et de ces mères de famille dont la douleur était sans limite, en face de la maladie ou de la mort de leurs enfants: quels trophées de la pitié du Sauveur que la fille de la cananéenne, la fille de Jaïre, le fils de la veuve de Naïm, Lazare et tant d'autres!
Il a eu pitié des pauvres pécheurs, pour lesquels son Cœur a des battements si douloureux: la Samaritaine, la Madeleine, le bon larron… Enfin, il a eu pitié de tout ce peuple, de cette foule qui lui faisait l'effet d'un troupeau sans pasteur, de ces âmes, pressées comme les épis d'une immense moisson, pour laquelle il gémissait de n'avoir pas assez d'apôtres.
Il a eu compassion de ces humbles travailleurs qui sont souvent opprimés par toutes sortes d'injustices: (Quoniam erant vexati).
Ce sont là les manifestations les plus touchantes du Cœur de Jésus. Il agit: il prêche, il guérit, il console.
Il demande qu'on agisse: il désire des ouvriers apostoliques.
B
Le Sacré-Cœur a inspiré le même esprit à ses amis et notamment à Marguerite-Marie.
Ayant demandé un jour à N.-S. ce qu'il désirait d'elle, il lui donna une si grande tendresse d'amour pour les pauvres, qu'elle ne souhaitait de conversation qu'avec eux, ressentant une telle compassion de leurs misères, que, si elle avait été sa maîtresse, elle ne se serait rien réservé (Vie, I, 49).
Elle prenait soin de recueillir les petits enfants pauvres pour les instruire et leur apprendre à connaître et à servir Dieu.
Elle a été plusieurs fois (en 1660, 1667, etc.) maîtresse des pensionnaires et elle en était fort aimée. Elle tâchait de s'insinuer dans leurs esprit et de gagner leur amitié, pour les porter à aimer plus ardemment le Sacré-Cœur de Jésus. Elle n'oubliait rien pour leur éducation, tâchant de leur donner de bons principes, de leur inspirer l'horreur du vice et l'amour de la vertu (P. 74).
Sa charité à l'égard du prochain était universelle. Elle avait pour tous un Cœur doux, tendre et compatissant. Elle était prête à tout souffrir pour soulager le prochain, quelque peine qui lui en dût arriver… (P. 75).
Les missions lointaines, les missions populaires, l'éducation des enfants, les oeuvres de relèvement pour les déshérités de ce monde, quel beau programme de zèle et de charité en union avec le Cœur de Jésus!
Mais il faut toujours que nous réservions le temps de nos adorations quotidiennes. La garde royale va au combat, mais elle ne néglige pas le service personnel du Souverain.
III. - L'Adoration réparatrice
=====A. – Exemples B. – Moyens
Les Pères du Saint Sacrement: à Paris, Rome, Bruxelles, Montréal… Les Soeurs de l'Adoration réparatrice: à Paris, Lyon, Lille, Reims. Les Filles du Cœur de Jésus: à Anvers, Marseille, Turin.
Les Sœurs de Marie Réparatrice: Rome, Paris, N.-D. de Liesse…
Les Servantes du Saint Sacrement: à Paris, Angers, Lyon (P. Eymard). Les Victimes du Sacré-Cœur: à Marseille.
Les Bénédictines du Saint Sacrement: à Paris.
Les Sœurs adoratrices perpétuelles du Saint Sacrement: à Rome, Naples, Turin, Milan, Insbruck, Wigh (Esp).
Les Dames de l'Adoration perpétuelle: à Bruxelles, Gand, Liège, Anvers, Rotterdam, Londres, Rome.
Les Consolatrices du Cœur de Jésus: à Boussu-lez-Mons.
Les Sœurs adoratrices: Avila, Barcelone, Burgos, Grenade, Madrid,
Pampelune, Salamanque, Santander, Saragosse, Valence.
Les Sœurs des SS. Cœurs de Jésus et Marie (Picpus): Paris, Louvain, Rennes.
Les Sœurs irlandaises de l'Adoration du Saint Sacrement: à Wexford.
Les Servantes du Cœur de Jésus: St-Quentin, Chazelles, Alsace, Hollande, Belgique.
Les Prêtres du Cœur de Jésus: St Quentin, Sittard, Bruxelles, Rome et diverses missions lointaines…
Les Religieuses du Saint Sacrement, fondées à Marseille, en 1643, par la Vén. Marie-Anne Négrel (1re communauté adoratrice).
Les Pères de Picpus, (M. Coudrin), 40 maisons.
Les Victimes du Cœur de Jésus: à Villeneuve, à Namur, à Bruxelles.
Adoration - de jour et de nuit. - Agregés, unis à nos adorations et prières. Soin du culte: liturgie, ornements, vases sacrés…
-
Le dimanche. | - | Pour les blasphèmes. Pour la violation du dimanche. Pour l'incrédulité. Pour l'idolâtrie.\\ |
Le Lundi. | - | Pour l'isolement où Jésus est laissé. Pour l'indifférence dont il est l'objet. Pour l'ingratitude de tant d'âmes. Pour la tiédeur de beaucoup. |
Le mardi. | - | Pour les refus fréquents du Saint Viatique. Le transport de Jésus sans honneur. L'omission de la communion par respect humain. Les railleries dont le Saint Sacrement est l'objet. |
Le mercredi. | - | Pour ceux qui n'assistent jamais au Saint Sacrifice. Pour les âmes chrétiennes qui négligent d'y assister en semaine. Pour tant d'âmes qui se dissipent dans les églises. Pour ceux qui nient et méprisent nos mystères. |
Le jeudi. | - | Pour les communions sacrilèges. Pour les communions tièdes. Pour les communions omises par indifférence. Pour les communions spirituelles négligées. |
Le vendredi. | - | Pour les fautes du sanctuaire et l'infidélité des amis. Pour les profanations du Saint Sacrement. Pour la violation des tabernacles. Pour les outrages infligés à Jésus dans les Loges. |
Le samedi. | - | Pour sa propre indignité. Pour la dissipation de son esprit. Pour la froideur de son Cœur. Pour ses infidélités aux grâces dont Jésus-Hostie avait comblé notre âme. |
A. Au temps de l'apogée de la foi (XIIIe s.).
B. Au temps des grandes hérésies.
C. En face de la tiédeur.
D. De nos jours, au temps de l'apostasie des nations.
A
La Bienheureuse Angèle de Foligno vit dans l'Eucharistie Jésus comme un beau jeune homme, assis sur un trône et tenant en main le sceptre du monde. - A cette époque l'Hostie recevait les hommages des rois et des peuples. On lui élevait nos belles églises, comme des palais dignes de la recevoir. Les trônes étaient occupés par saint Louis, sainte Elisabeth, etc… Saint Thomas composait son bel office du Saint Sacrement.
B
Au temps des grandes hérésies de l'Orient (Nestoriens, Monophysites, etc.), saint Arsene raconte que trois saints vieillards au désert virent l'Enfant Jésus dans l'Hostie, avec ses membres coupés et baignant dans son sang…
C
Witikind, prisonnier, assistait à la messe au camp de Charlemagne. Les soldats communiaient. Le Saxon voyait dans l'Hostie un enfant qui souriait aux uns et montrait aux autres un visage sévère et témoignait de la répugnance à se donner à eux. - Jésus-Hostie n'aime pas les âmes tièdes et s'attriste à leur vue.
D
De nos jours, ou du moins à notre époque, depuis deux cents ans, la royauté de Jésus est niée ou diminuée par le protestantisme, l'absolutisme gallican (1682), le jansénisme révolté contre le Pape, l'athéisme social, l'apostasie des nations, les laïcisme.
Aussi Jésus se montrait à Marguerite-Marie le plus souvent comme un Ecce homo, placé sur un trône de dérision, avec la couronne d'épines, le roseau et le manteau de pourpre et il était tout blessé et ensanglanté.
C'est sur le théâtre même de la Passion divine qu'apparaissent les trois types de la réparation chrétienne, Madeleine, Jean et Marie, ou la satisfaction de la pénitence, la compensation de la charité, et la communauté de la douleur.
Cette triple réparation fait comme le fond des Exercices de saint Ignace.
I. - Jésus-Christ venait de dire dans la voie douloureuse aux Filles de Sion: «Ne pleurez pas sur moi mais sur vous». Que peut faire Madeleine? Elle pleure et sur son Dieu et sur elle-même, sur les plaies de son Dieu et sur les plaies de son âme. Mêlées avec le sang divin, ses larmes effacent ses péchés, et sa douleur adoucit les blessures du Sauveur. Madeleine, pénitente, consolait Jésus souffrant.
Saint Ignace nous enseigne cette réparation de la pénitence. Il nous donne les moyens de la contrition: la méditation et la prière; les règles de l'expiation dans la dixième addition, et les motifs de la componction dans le prélude de l'Incarnation.
II. - Pierre avait dit: Etiamsi omnes, ego non. Jean dit: Parce que tous vous ont abandonné… je vous serai particulièrement fidèle et dévoué: c'est de l'amour.
Comme il voit que Jésus n'est point aimé, il veut se surpasser et se multiplier, l'aimer et le faire aimer davantage par compensation. Ainsi firent sainte Thérèse et saint François-Xavier.
Ce sentiment ressort de la contemplation des deux étendards. Hélas! la foule court au démon; que les rares amis se pressent autour de la croix, s'affectionnent au bon Maître délaissé et se signalent à son service méconnu.
III. - Marie était au pied de la croix: elle était sur la croix.
Toute sa vie elle porta dans son Cœur le deuil de son Fils, compatissante à toutes ses douleurs et associée à toutes ses épreuves.
Saint Ignace nous forme à la compassion affective et surtout effective. La première est bien naturelle; c'est une consolation pour nous plus que pour Jésus. La deuxième est amère, indépendante du sentiment; elle demande des efforts parce qu'elle rencontre des répugnances et comporte des sacrifices.
IV. L'union aux mystères du Sacré-Cœur
La dévotion au Sacré-Cœur honore tous les mystères du Cœur de Jésus.
Ainsi faisait Marguerite-Marie.
De son temps ou peu après et conformément à son esprit les Visitandines avaient des litanies:
au Cœur de Jésus-Enfant;
au Cœur de Jésus conversant avec les hommes;
au Cœur de Jésus solitaire;
au Cœur de Jésus souffrant, mourant, ressuscité;
au Cœur de Jésus au Saint Sacrement.
C'est cependant la dévotion au Cœur de Jésus souffrant qui domine chez Marguerite-Marie et c'est celle que l'Eglise a adoptée en plaçant la fête au vendredi, en rédigeant la messe et l'office dans cet esprit, en donnant à la messe la préface de la croix; en encourageant la communion réparatrice, l'amende honorable, l'heure sainte. Décrets de 1765 et 1821.
Le P. Eudes nous montre le Sacré-Cœur tantôt au Calvaire (ch. 5 et 10);
tantôt au tabernacle (ch. 9);
tantôt au ciel (ch. 12).
Selon le P. Eudes la fête du Sacré-Cœur résume tous les mystères de Jésus, c'est la fête des fêtes.
Imitons:
Le matin: le pieux entrain de Nazareth;
L'après-midi: la patience du Calvaire;
Le soir: la pénitence de l'agonie.
L'union aux mystères du Sacré-Cœur (suite)
A. - Son fondement
B. - Ses avantages
A
Les trois grands bienfaits du Sacré-Cœur sont:
1° la délivrance de maux infinis et l'effusion des biens les plus inconcevables qui nous sont accordés par l'Incarnation et par la Rédemption;
2° la Sainte Passion du Sauveur;
3° et enfin l'institution du sacrement de l'Eucharistie.
Ce sont là précisément les trois manifestations de l'amour du Sauveur, indiquées par les décrets de 1765 et de 1821. Ce sont celles qu'énumèrent les théologiens. Elles nous sont rappelées dans les trois antiennes du premier nocturne de notre Office du Sacré-Cœur.
A Laudes, après une exclamation d'admiration et d'amour: O altitudo divitiarum charitatis Jesu!!… nous sommes invités de nouveau à considérer les trois mêmes mystères: 1 ° l'Incarnation et la vie temporelle de Jésus; 2° sa Passion et sa mort; 3° l'institution de la Sainte Eucharistie (Voir le P. Eudes: Le Cœur admirable de Marie, liv. XII, c. VIII, IX, X).
Cet ensemble des trois manifestations principales de l'amour de Jésus formait la base de la dévotion du Vén. P. Eudes au Sacré-Cœur. Il devait cette lumière à une révélation ou lumière d'oraison de la Sœur Mar•° des Vallées, de l'année 1641. N.-S. avait dit à cette Sœur qu'il a comme trois Cœurs qui n'en font qu'un: le premier est l'amour qui l'a fait descendre du ciel en son Incarnation; le second est sa Passion; le troisième est son Eucharistie.
Il les distribue diversement: il donne aux uns plus abondamment l'expansion de l'amour; aux autres, les souffrances; aux autres, les consolations (Vie du P. Eudes, par Le Doré, p. 49). Sœur Marie des Vallées résume ainsi le culte du Sacré-Cœur: 1° aimer; 2° compatir et souffrir; 3° se complaire et jouir.
B
Pour nous affermir dans l'amour du Sacré-Cœur et dans l'esprit d'immolation, nous prenons pour sujet habituel de nos méditations les trois grandes manifestations de l'amour du Sauveur. Nous les distribuons entre les dizaines d'un rosaire ou d'une triple couronne.
Le rosaire de Marie nous rappelle les principales vertus de la vie chrétienne, la couronne du Sacré-Cœur nous prêche surtout l'amour, la compassion et l'immolation. Il correspond parfaitement à notre vocation.
V. - La vie d'immolation
«Prêtre, uniquement et totalement prêtre, dès le premier instant de son existence, Jésus n'agit qu'en vue de son sacrifice. Toute sa vie est orientée vers l'autel.
Dans cette vie la religion n'est pas tant une vertu distinctive que l'attitude de toutes les vertus et de l'âme elle-même. Dès le premier instant Jésus s'est offert pour l'immolation; déjà il est immolé par les dispositions de son âme: Jugis amor sine caede mactat.
Bien plus, s'étant revêtu de notre mortalité, et s'acheminant librement vers la mort, lui, le Fils de Dieu vivant, l'Eternel par nature, il nous paraît répandre pour ainsi dire goutte à goutte, en une libation prolongée, la vie qu'un jour il sacrifiera tout entière… La vraie physionomie de Jésus ne ressort jamais mieux que dans le rayonnement du nimbe victimal» (Père Grimal, Le Sacerdoce et le Sacrifice de N -S. - Planus, le prêtre).
«Notre vie à nous aussi doit être un tissu de mérites. Mais leur couronnnement nécessaire, et d'où dépend leur valeur ultime, est l'acceptation religieuse de la mort, le sacrifice de la vie. Celui-ci ne peut être préparé et assuré avec trop de soin. Il ne s'accomplira qu'une fois.
Répétons donc sans cesse: Ecce venio, me voici, Seigneur, dès maintenant, aujourd'hui, demain, à toute heure, j'accepte de mourir et de mourir comme vous le voulez, Quotidie morior. Le sens de la vie est d'apprendre à bien mourir» (J. Blanc: L'Agneau de Dieu, p. 65).
«Notre immolation peut s'opérer dans l'acuité des souffrances, dans le secret d'une épreuve inconnue des hommes, dans la générosité qui nous fait pratiquer des mortifications de notre choix, dans la banalité apparente d'une vie commune invariablement conforme au devoir. N'attachons pas à ces conditions extérieures de notre sacrifice plus d'importance qu'elles n'en ont. Que l'acuité ne nous irrite pas; que l'obscurité ne nous lasse point. Soyons sans orgueil de notre générosité, sans inquiétude d'être maintenus dans les sentiers battus de la vie. Notre immolation, grâce à notre union à Jésus, participe d'un caractère religieux qui lui donne son prix sans dépendre des choses du dehors» (J. Blanc: L'Agneau de Dieu).
En 1859 le R. P. Lyonnard fonda l'Institut des Religieuses du Cœur agonisant, et il eut pour coopératrice de son oeuvre la mère Marie-Madeleine (Madame Trapadoux). C'est un ordre de Victimes volontaires vouées au salut des pauvres moribonds. «Le siècle où nous vivons, écrivait le P. Lyonnard, a beaucoup péché. Il entre dans les desseins de la Providence que ce siècle lui-même fournisse les éléments se sa réparation. Ces éléments, ce sont les âmes dévouées, les victimes volontaires qui, unissant leur sacrifice à celui du Réparateur unique qui est Jésus-Christ, demanderont, et, il faut l'espérer, obtiendront grâce pour cette malheureuse génération…» (Messager du Cœur de Jésus, déc. 1892).
Ad Coloss. «Adimpleo ea quae désuni… ».
«Le christianisme repose tout entier sur le dogme de l'expiation, de la rédemption par la douleur. Le Sauveur des hommes a peu agi et beaucoup souffert; l'Evangile est concis sur sa vie, prolixe sur sa passion. Sa grande oeuvre ça été de mourir: c'est par sa mort qu'il a vivifié le monde» (Mgr Pie).
«Or cette rédemption du monde par ses souffrances et sa mort, Jésus-Christ l'a laissée inachevée, en ce sens que ses disciples sont appelés à y fournir leur appoint. C'est J.-C. qui souffre dans les membres de son corps, et qui achève ainsi son oeuvre de rédemption» (Ibid).
On voit donc que la source des grâces les plus insignes, les plus décisives, se trouve dans le sacrifice qu'on offre de tout soi-même, en union avec la divine Victime. On pourra faire (pour son institut) de grandes choses, entreprendre d'immenses travaux, mais s'offrir à Dieu en victime pour lui et se vouer à la souffrance, voilà ce qui l'emportera encore sur les plus magnanimes efforts, et il est très vrai que dans la balance de Dieu, pour le salut des peuples, un martyr pèse plus qu'un héros» (Ibid).
«Puisque c'est par le sacrifice que J.-C. nous a sauvés, nous ne saurions par une autre voie contribuer aussi efficacement au salut de nos frères» (P. Lyonnard).
Ste Gertrude a reçu cette révélation importante: «Toutes les fois qu'une âme aimante se tourne vers Dieu, d'une pleine et entière volonté, souhaitant, s'il lui était possible, de le dédommager des crimes qui le déshonorent, et que, s'enflammant dans la ferveur de son oraison, elle prodigue au Seigneur les louanges et les caresses, cette âme l'apaise si efficacement, qu'il épargne quelquefois le monde et se réconcilie avec lui en sa faveur; car une âme aimante a plus de pouvoir sur Dieu pour le salut des pécheurs et des âmes du purgatoire que douze mille âmes qui prient sans amour».
Le P. Lyonnard cite des faits admirables de sacrifices offerts ainsi pour une grande cause. Une jeune pensionnaire de la Visitation à Rome au temps de la peste s'offrit pour que le Pape, Alexandre VII, fût épargné.
En 1645, la Bienheureuse Marianne de Parédés offrit sa vie pour délivrer Quito de l'épidémie et des tremblements de terre. Sainte Marie-Madeleine de Pazzi, saint Louis de Gonzague, sainte Catherine de Sienne, sainte Rose de Lima furent aussi des victimes qui obtinrent le salut d'un grand nombre d'âmes. De nos jours l'Esprit-Saint a incliné bien des âmes à s'offrir ainsi pour la société en péril, pour la sanctification des prêtres, pour l'âme des enfants et pour d'autres grandes causes.
Dieu, dans sa bonté, voudrait nous sauver, mais nous avons à sa justice des obligations dont rien ne dispense, et si on ne lui offre une véritable satisfaction, quoi qu'on fasse, la Miséricorde reste enchaînée. «Sine sanguinis effusione non fit remissio» (Heb. IX).
Le moyen à prendre est de joindre à l'oblation de Jésus celle de soimême avec ses travaux, peines et pénitences en esprit de réparation.
Léon XIII, dans son Encyclique de 1884 à la France, exhorte ceux surtout qui vivent dans les monastères, à s'efforcer d'apaiser la colère de Dieu par une humble prière, la pénitence volontaire et l'offrande d'euxmêmes.
Pratiques: faire dans la journée quelques actes positifs de mortification et surtout ne point refuser à Dieu les sacrifices qu'il demande de nous.
La mortification se rapporte à l'imagination, aux passions, au caractère, à la mémoire, à l'esprit, au Cœur, à la volonté propre - à la langue - aux sens, à la nourriture, au sommeil, aux vêtements - aux instruments de pénitence.
Pénitence pour le peuple.
«Nisi poenitentiam egeritis, omnes si militer peribitis». (Luc XIII).
«Inter vestibulum et altare plorabunt sacerdotes».
«SS. Cordi Jesu Gallia poenitens».
«Qui facit peccatum servus est peccati» (Joan. VIII).
Celui qui commet le péché devient l'esclave du péché, c'est-à-dire de la dette que tout péché entraîne envers la justice de Dieu, et du démon, ministre de cette justice, chargé par elle d'exécuter les coupables.
Chaque péché vient d'une dette qu'on ne paye pas, puisque c'est un devoir qu'on n'accomplit pas. Une dette ne cesse pas d'être due parce qu'elle n'est pas payée: aussi la dette du péché sera payée sous une forme ou sous une autre.
Quand donc un peuple a péché comme le nôtre, il a donné sur lui de véritables droits au démon, et le démon ne peut manquer d'en user, dès que la permission lui en est laissée. Aussitôt le délai miséricordieux expiré, l'action de la justice ou plutôt du démon et de ses suppôts commence.
Pour châtier les coupables selon leurs mérites, le démon use de trois moyens: 1° les lois de la nature qu'il dirige vers leur châtiment; 2° la méchanceté des hommes qu'il suscite et encourage; 3° la privation des grâces surnaturelles, en éloignant les âmes de ce qu'il faudrait faire pour les mériter.
L'histoire nous montre le démon suscitant l'homme ou le groupe d'hommes dont il a besoin, lui ménageant des succès qu'il serait difficile d'expliquer humainement. Tels sont: Arius, Photius, Mahomet, Luther, Jansénius, Voltaire, La Révolution, la Franc-Maçonnerie, le Socialisme.
De même que Dieu a ses hommes providentiels, instruments de sa miséricorde, apôtres de la vérité, régénérateurs de la société, guides des fidèles vers une perfection plus sublime, de même le démon a ses hommes, dévoués à l'esprit du mal. Dieu les laisse dominer sur les peuples qui se sont révoltés contre lui. C'est le péché qui fait tout le secret de leur force et de leur puissance, et cette puissance s'exerce pour le malheur des hommes et des nations.
Il n'y a pas à chercher d'autre moyen de salut que d'apaiser la divine justice, en cessant le péché et en payant les dettes contractées par les péchés passés. Tant que le péché reste avec ses dettes, il constitue un obstacle insurmontable à la réconciliation avec Dieu, à l'affranchissement, au bonheur.
Il faut enlever la cause pour détruire l'effet. Voilà pourquoi la pénitence est indispensable. Le salut social, la paix, le bonheur viendront à mesure que la pénitence produira ses heureux effets.
N.-S. disait à Marguerite-Marie:
«Je cherche une victime, laquelle se veuille sacrifier à l'accomplissement de mes desseins. - Toi du moins, donne-moi ce plaisir de suppléer à l'ingratitude des hommes autant que tu pourras en être capable. - Me veux-tu bien donner ton Cœur pour faire reposer mon amour souffrant que tout le monde méprise?… Je t'ai choisie comme un sanctuaire où le feu de mon divin amour brûle continuellement, pour offrir à mon Père des sacrifices ardents… par l'offrande que tu lui feras de moi-même dans ces sacrifices, y unissant celui de ton être pour honorer le mien».
Les actes d'amour sont les premiers en valeur pour la réparation. - «Celui de tous qui sert le mieux l'Eglise, dit Mgr Gay, c'est en somme celui qui aime le mieux». - «L'amour de Dieu, dit saint François de Sales, est la fin, la perfection et l'excellence de l'Univers».
La pratique de la pénitence suppose deux actes principaux: la haine du péché et la réparation du péché: la pénitence affective et la pénitence afflictive.
Comprendre le péché, sa malice à l'égard de Dieu, sa profonde laideur en lui-même, ses conséquences pour la vie et pour l'éternité, connaître l'immensité du mal que la longue suite de nos crimes a produit dans le monde: quoi de plus capable de jeter une âme généreuse dans une immense douleur?
Jésus a porté ce sentiment intime de douleur et cette haine du péché, toute sa vie; il s'y est surtout livré dans son agonie.
Cette douleur doit être continuelle en nous, comme dans notre Sauveur; elle peut se traduire par des gémissements et par des larmes; mais il faut surtout qu'elle règne dans le Cœur et règle notre vie.
Pleurons d'abord nos propres péchés pour nous aider à déplorer ceux du prochain, comme dit le P. Faber, «il est très regrettable que nous n'entretenions pas cette douleur habituelle, car elle est la source des plus grands biens». Le Curé d'Ars passait parfois une partie de la nuit à pleurer «ses pauvres péchés».
Pleurons nos péchés et les péchés du monde. Associons notre douleur à celle de Jésus.
Pourquoi les prêtres, pourquoi les âmes pieuses ne profitent-elles pas davantage de l'ineffable doctrine de la substitution basée sur le mystère de la Rédemption et qui unit dans un embrassement divin la justice et la miséricorde? Quel honneur pour une âme que Jésus veut s'associer plus intimement dans ses souffrances pour le genre humain! Y a-t-il une vocation plus belle?
Tout peut servir à cette pénitence effective: le travail, la fatigue, les peines de la vie, les sacrifices si nombreux qu'elle impose. Il faut savoir y joindre des pénitences volontaires, et d'abord celles que l'Eglise commande par l'abstinence et le jeûne. Réagissons par tout l'ensemble de notre conduite contre le courant qui entraîne la société entière vers.le luxe, les caprices, le besoin de confortable, tout cela est la négation de la pénitence.
Saint Vincent de Paul à une époque de calamité disait à ses prêtres: «Voici le temps de la pénitence, puisque Dieu afflige son peuple; n'est-ce pas à nous autres prêtres d'être au pied des autels pour leurs péchés? Mais de plus ne devons-nous pas retrancher quelque chose de notre ordinaire?». Et durant plusieurs années il fit donner à sa communauté du pain bis.
Ne craignons pas de recourir aux instruments de pénitence comme l'ont fait dans tous les temps tous les chrétiens zélés. - Utilisons les maux qui affligent la société… Acceptons ces épreuves par amour pour Dieu et en haine du péché.
Cherchons partout de quoi payer plus promptement la justice de Dieu.
Approprions-nous les mérites de tous les hommes de bien, des pénitents de tous les temps; faisons une gerbe de tous les maux qui accablent l'humanité; donnons une âme à toutes ces offrandes par notre vive contrition, notre haine souveraine du péché, et enfin faisons parvenir nos réparations à Dieu par Marie et par Jésus: elles obtiendront alors le maximum de leur puissance.
Le Cœur de Jésus, c'est toujours le Sauveur, le Fils de Dieu incarné pour nous, mais son incarnation visait spécialement aux actes de son Cœur, à l'amour pur, l'amour parfait, la haine et la douleur de tout ce qui met obstacle à la perfection de cet amour.
Faisons pénitence, payons pour le péché avec tous les Saints qui ont fait pénitence en tous temps; offrons à Dieu les réparations si précieuses du Cœur de Marie et les réparations infinies du Cœur de Jésus.
«J'ai connu plusieurs personnes qui, dans leur pénitence, ont défiguré leur visage à force de pleurer, qui ont creusé leurs joues par la continuité de leurs larmes… et que le jeûne avait rendues si pâles et si faibles qu'elles présentaient dans un corps vivant l'image même de la mort… Les pénitents doivent renoncer au monde et se priver d'une partie du sommeil que la nature demande; il faut qu'ils interrompent leur repos par des soupirs et des gémissements; qu'ils donnent une partie de la nuit à la prière; qu'ils vivent comme s'ils étaient morts à l'usage de la vie, en un mot qu'ils renoncent à eux-mêmes et qu'un changement entier annonce leur conversion…
«J'ai trouvé plus de personnes qui aient conservé l'innocence que je n'en ai vu qui aient fait pénitence après l'avoir perdue.
Voulez-vous être justifié? Confessez votre crime. Une humble confession délivre des liens du péché… Pourquoi auriez-vous honte de confesser vos péchés à l'Eglise? Il n'y a de honte qu'à ne pas les confesser, puisque nous sommes tous pécheurs; le plus humble n'est-il pas le plus recommandable? Et celui qui est le plus petit à ses propres yeux n'est-il pas le plus juste?» (S. Amb. de poenit).
VI. - Le concours des pieuses communautés
=====I. – Marie, mère du prêtre II. – Elle continue sa maternité
I
Marie prélude à sa maternité envers Jésus et envers les prêtres par ses prières et son Fiat.
Elle priait: Vienne le Messie. «Veniat desideratus cunctis gentibus» (Aggée).
«Impleatur prophetia et ungatur sanctus sanctorum» (Dan.). - Que le Sauveur vienne avec son sacerdoce et ses auxiliaires (les religieux).
L'ange lui annonce qu'elle sera la Mère de l'Agneau victime et rédempteur: «Ecce concipies et paries filium… ».
Elle répond: «Fiat». Elle devient Mère de Jésus et des prêtres.
A la Présentation, elle présente Jésus et les prêtres.
Au Calvaire, elle immole, elle offre Jésus et avec lui elle offre les immolations de ses prêtres. Les apôtres sont tellement unis avec Jésus!
«Sicut misit me Pater et ego mitto vos».
«Qui vos audit, me audit».
«Qui vos accipit, me accipit».
«Sacerdos, alter Christus» (S. Aug.).
«Ecce filius tuus».
II
Marie exerce sa maternité vis-à-vis de saint Jean et des apôtres. C'est par elle que le Saint-Esprit descend sur eux à la Pentecôte. Elle prie pour eux, elle les conseille.
Elle aime les prêtres d'un amour de religion - de devoir et d'obéissance - de reconnaissance pour le bien qu'ils font - de mère adoptive: «Ecce mater tua, ecce filius tuus».
III
Elle continue sa maternité par les âmes qui, imitant sa virginité et son zèle, prient et s'immolent pour les prêtres.
Sainte Thérèse disait à ses filles: «Lorsque vous ne rapportez pas vos oraisons, vos disciplines, vos jeûnes à cette fin qui est la sanctification des prêtres et la bénédiction de leur ministère, vous ne faites point ce que N.-S. demande» (Chemin de la perf., c. 1, 3).
Le P. de Condren voyant cet esprit de sainte Thérèse et d'autres âmes, disait: «C'est cette bénédiction singulière de la vie d'union du prêtre avec Marie que Dieu a dessein de donner au monde par cette phalange d'âmes allant jusqu'aux extrémités de l'amour par l'immolation».
La Sœur Marie de Jésus, la pieuse fondatrice des Filles du Cœur de Jésus, résumait ainsi sa vocation: «offrir N.-S. et m'offrir avec lui pour les âmes sacerdotales et consacrées». Frappée par le fer d'un assassin, elle s'offrait encore en mourant.
La Sœur Thérèse de Jésus (Xavérine de Maistre), disait: «Plus je serai hostie, plus ils seront prêtres» (Sa vie, par Mgr d'Hulst).
La Sœur Thérèse de Jésus de Lavaur, auteur des «Vues sur le sacerdoce», se proposait et proposait à ses filles et à ses associés de «prier et s'immoler pour que les prêtres correspondent à leur grâce».
====De la mission des Sœurs qui s’appliquent par vocation à prier particulièrement pour les prêtres==== Le but des Filles du Cœur de Jésus est de faire au Cœur de N.-S. dans la Sainte Eucharistie une perpétuelle réparation pour les outrages horribles faits en ces malheureux temps à la Majesté divine et à notre sainte religion. Elles s'attachent à lui rendre une continuelle action de grâces pour ses bienfaits méconnus et à offrir sans cesse à la très Sainte Trinité le sang précieux de N.-S. J.-C. avec d'instantes supplications pour obtenir le triomphe de l'Église, la ferveur toujours croissante du sacerdoce catholique et des Ordres religieux. Elles sollicitent pour eux les secours célestes qui leur sont nécessaires, afin que, combattant les bons combats du Seigneur, ils triomphent de la persécution, et enfin les plus abondantes bénédictions de Dieu sur leurs travaux…
A cette fin et pour arriver au Cœur de Jésus, par le Cœur de la très Sainte Vierge Marie, ces religieuses qui s'offrent à Dieu comme des victimes d'expiation, honorent d'un culte spécial l'union de la très Sainte Vierge au sacrifice de son divin Fils, et la partie de sa vie mortelle où elle a achevé en elle d'une manière plus admirable qu'aucune créature ce qui reste à souffrir à J.-C.: «pour la formation de son corps qui est l'Église» (Coloss., 1, 24) et où elle a été le plus visiblement l'auxiliatrice de cette Sainte Eglise, à laquelle Jésus l'avait laissée comme un secours caché, mais d'une incomparable efficacité, c'est-à-dire le temps qui s'écoula de la Passion du Sauveur à la morte de Marie. Elles demandent à la très Sainte Vierge de renouveler en nos temps malheureux les bénédictions de ces temps apostoliques où elle donnait une si puissante assistance à l'Eglise de J.-C. (Gard. Deschamps).
Les Sœurs Servantes du Sauveur, à Bruges (Notices, p. 32). Elles sont contemplatives. Comme les saintes Femmes qui suivaient le Sauveur et l'aidaient selon la mesure de leur pouvoir, la mission des Servantes du Sauveur est d'aider les prêtres dans leur saint ministère de zèle…
On lit dans L'Alliance du Cœur de Jésus, par le P. Deschamps (Préf., p. XXIII): «En présence de Mme la Marquise di Rende, qui nous prêta son maternel concours, nous admirions une fois de plus comment notre aimable Sauveur, qui a voulu puiser le sang de son Cœur Sacré dans le Cœur d'une Mère, en accorder la révélation à une vierge, à Marguerite-Marie, et réclamer seulement les apostoliques efforts du Vén. P. de la Colombière, maintient fixement tous ces rôles pour l'avènement du règne de ce Cœur adorable. Partout, en effet, où se propage cette dévotion sanctifiante qui doit régénérer le monde, nous trouvons avec la bénédiction indispensable des Pontifes et la bonne volonté des Prêtres ou des zélateurs, la coopération féconde des vierges et des mères chrétiennes. C'est à ce triple concours que la dévotion à ce divin Cœur doit sa diffusion».
La Sœur Marie des Vallées avait reçu du ciel plusieurs manifestations touchant les instituts et les oeuvres du Vén. P. Eudes. (Annales de la Cong. de Jésus et Marie). elle fut chargée de lui transmettre les volontés de Dieu au sujet de la dévotion aux Saints Cœurs, comme il arriva plus tard à Marguerite-Marie pour le P. de la Colombière.
Le P. Eudes dit dans son Mémorial: «En cette année 1641, Dieu me fit une des plus grandes faveurs que j'ai jamais reçues de son infinie bonté, en me faisant connaître la Sœur Marie des Vallées, par laquelle sa divine Majesté m'a fait un très grand nombre de grâces signalées. Après Dieu j'ai l'obligation de cette faveur à la très Sainte Vierge Marie».
Les Annales disent aussi que Marie des Vallées eut une grande part, par ses prières redoublées auprès de Dieu, pour obtenir le succès du dessein qui occupait l'esprit du Vén. P. Eudes.
Ayant prié la Sœur de recommander cette affaire à Dieu, il en reçut cette réponse de N.-S.: que l'établissement qu'il projetait lui était très agréable.
Les Servantes du Cœur de Jésus, de St-Quentin et les Victimes du Cœur de Jésus, de Villeneuve-Namur, ont le même but: vivre de la vie de victime pour le triomphe de l'Eglise et la sanctification du clergé.
Ces deux communautés ont donné un puissant concours à notre oeuvre des Prêtres du Sacré-Cœur de St-Quentin.
Leur vie de prière est incessante. Elles adorent Jésus-Hostie le jour et la nuit, et s'offrent chaque jour au Sacré-Cœur.
Ces pieuses communautés sont les paratonnerres de l'Eglise et de la société. Elles préparent l'avènement du règne du Sacré-Cœur.
VII. - Les écoles apostoliques
Ce sont nos premières oeuvres. Dès les premières années, nous fondions celles de Fayet, de Sittard, de Clairefontaine.
Le Sacré-Cœur de Jésus aimait les enfants, il nous a inspiré la même affection pour eux.
A. - Nous avons voulu offrir aux enfants des oasis, au milieu de ce désert desséché du monde où le démon et les tentations me rappellent les chacals et les bédouins du désert d'Arabie.
Les oasis ont des palmiers qui les abritent et les protègent et une source qui les féconde. Marie et Joseph sont les palmiers mystiques qui protègent nos écoles: le Cœur de Jésus en est la source salutaire.
Nous voulons abriter là de gracieuses légions d'âmes innocentes, aimantes et généreuses.
Ce sont aussi des asiles (asulé: lieu sans péril), où le souffle de l'Esprit-Saint rassemble des régions les plus diverses de jeunes enfants, âmes d'élite, Cœurs d'apôtres, qui n'ont d'autre fortune que leur désir de se vouer à aimer et à faire aimer le divin Ami des âmes pures, le Dieu aimant de leur première communion…
B. - Nous voulons offrir à Jésus un nouveau Nazareth, où nos enfants seront ses jeunes compagnons d'étude et de récréation. Saint Joseph veillera sur eux, comme il a veillé sur Jésus. Il leur fournira le vêtement pour les couvrir et le pain pour les nourrir.
Un nouveau Capharnaüm où Jésus dira encore: «Laissez venir à moi les petits enfants».
Un nouveau Béthanie où Jésus trouvera des amis qui le dédommageront par leur pieux amour de toutes les ingratitudes du monde.
C. - Nous voulons offrir à l'Eglise des foyers d'où le feu se communiquera au monde entier. Je me rappelle la scène du feu sacré au Samedi Saint à Jérusalem. Quelques hommes enthousiastes s'empressent d'allumer leurs cierges au cierge bénit, et transmettent le feu sacré à toute l'assistance. Ainsi nos enfants porteront partout le feu sacré du saint amour allumé au Cœur même de Jésus.
Nos écoles sont des ruches, demeures de l'autorité, de la discipline et du travail.
Les jeunes avettes y grandissent. Plus tard, elles sortiront. Elles feront entendre le doux murmure de leurs chants et de leurs prières au noviciat. Elles s'exerceront à cueillir le miel de la doctrine au scolasticat, puis elles formeront les essaims qui iront fonder partout de nouvelles ruches d'apôtres, en Afrique, en Amérique et sous tous les climats.
Le maître-autel serait consacré au Sacré-Cœur et à l'Eucharistie. Il faut tenir compte de ces mystères pour la statue, pour les retables de l'autel et pour les vitraux.
A l'autel latéral du côté de l'Evangile, on pourrait représenter les mystères de la vie cachée, V. G.: la crèche, l'oblation de N.-S. au temple, la sainte famille à Nazareth.
A l'autel latéral du côté de l'Epître, ce seraient les mystères de la Passion, V. G.: le Calvaire, ou l'Ecce homo, la déposition de la croix. Au Calvaire, Marie et Jean, Madeleine et le centurion…
Sans être exclusif, je préfère le style gothique, qui est un fruit de la foi. Le gothique anglais est moins coûteux que celui du XIIIe siècle, mais moins artistique.
La Basilique votive à Rome sera dans le style de la Renaissance du XVIIe siècle. C'est le style qui régnait au temps de Marguerite-Marie.
Chapitre XXI
Associations diverses
en l'honneur du Sacré-Cœur
N.-S. a désiré et demandé des Associations en l'honneur du Sacré-Cœur.
Marguerite-Marie écrivait au P. Croiset, le 10 août 1689: «Si l'on pouvait faire une Association de cette dévotion, où les associés participeraient au bien spirituel les uns des autres, je pense que cela ferait un grand plaisir à ce divin Cœur».
La Sainte groupa elle-même quelques associés. Mais l'Esprit-Saint et l'Eglise ont donné à cette demande une réponse digne de N.-S. De nombreuses confréries du Sacré-Cœur couvrent le monde.
Les unes se rattachent aux archiconfréries de Rome, de Moulins ou de Montmartre, les autres ont été approuvées directement par le Saint-Siège.
Après les trois grandes Archiconfréries, les associations les plus répandues sont: l'Apostolat de la Prière et la Garde d'Honneur.
Toutes ont pour but la louange, l'amour et la réparation au Sacré-Cœur. Elles ont généralement plusieurs degrés; elles demandent aux âmes les plus généreuses l'offrande d'elles-mêmes en victimes de réparation et d'amour.
L'Archiconfrérie Romaine demande peu à ses associés: une prière quotidienne: Pater, Ave, Credo, avec une invocation au Sacré-Cœur. C'est une consécration sommaire et journalière au Sacré-Cœur de Jésus.
On y joint ordinairement le Culte perpétuel qui exige une heure d'adoration par semaine ou par mois.
Les Associations de Montmartre sont multiples.
Les simples associés récitent comme ceux de Rome les prières, Pater, Ave et Credo avec l'invocation: «Cœur Sacré de Jésus, je me consacre entièrement à vous, protégez la Sainte Eglise contre ses ennemis, ayez pitié de notre patrie et faites que je vous aime toujours davantage».
Au second degré, les Adorateurs promettent de faire chaque semaine ou chaque mois une heure d'adoration devant le Saint Sacrement.
Les apôtres ou zélateurs s'appliquent à propager la dévotion au Sacré-Cœur.
Cette Archiconfrérie a pris pour but spécial de ses prières la liberté du Pape et le salut de la société.
Montmartre a de plus centralisé l'Association de prière et de pénitence qui avait été commencée à Dijon.
Le but de cette association est de réparer par la prière et la pénitence, unies aux prières et aux souffrances du Cœur de Jésus, les crimes des hommes, les outrages commis contre la religion et contre les droits de l'Eglise et du Saint-Siège.
Les associés choisissent un jour spécial de prière et de pénitence par semaine, par quinzaine ou par mois. Ce jour-là ils offrent à Dieu, en union avec le Sacré-Cœur de Jésus et en esprit de réparation la journée toute entière avec ses prières, ses travaux et ses souffrances. Ils ajoutent à cette offrande une pénitence de leur choix.
Les associés de l'Apostolat de la Prière s'unissent pour offrir chaque matin toutes leurs prières, actions et souffrances, aux intentions du Cœur de Jésus. Cette belle association est très répandue, elle a des bulletins intéressants, elle s'est adjoint l'œuvre de la Communion Réparatrice, qui répond bien aussi aux désirs de N.-S. L'Apostolat est l'œuvre de la Compagnie de Jésus.
Dans certaines régions, en Amérique surtout, l'Apostolat devient une société de zélateurs qui a ses réunions et qui exerce son zèle en union avec le clergé. Ces groupements apportent un grand élément de vitalité aux paroisses. Ils devraient être créés partout.
La Garde d'Honneur est née à la Visitation de Bourg; elle y a son siège. Elle a maintenant des sections dans toutes les bonnes paroisses. Elle a . pour objet formel le Cœur de Jésus perpétuellement blessé: 1° dans sa paternité, par l'ingratitude des hommes; 2° dans sa royauté, par l'apostasie des peuples; 3° dans son sacerdoce par la profanation de son Sacrement d'amour.
Les associés offrent au Sacré-Cœur une heure d'adoration chaque jour, chaque semaine ou chaque mois. Elle peut se faire effectivement devant le Saint Sacrement ou mentalement par l'offrande d'une heure de travail.
Les plus généreux ont leurs jours de pénitence, ils vont même jusqu'à
l'offrande d'eux-mêmes en victimes, spécialement pour l'Eglise et le clergé. Rappelons plus brièvement les autres associations.
Il y a la belle Archiconfrérie du Cœur eucharistique de Jésus, propagée par les Pères Rédemptoristes, elle est très riche en indulgences.
Notre Association sacerdotale du Sacré-Cœur, approuvée par un beau bref de Pie X.
L'Association sacerdotale du P. Reimsbach, à Bar-le-Duc.
La Confrérie de la Compassion aux douleurs du Cœur de Jésus. érigée, en 1864, à Henrichemont (Cher).
L'Union anti-maçonnique, consacrée au Sacré-Cœur de Jésus, dont le centre est à Notre-Dame des Victoires.
Les Victimes du Cœur dé Jésus, en union avec les Sœurs Victimes de Namur.
Cœur Sacré de Jésus,
que votre règne arrive!
(300 j. d'ind. - Pie X, 1906).