PREMIERE PARTIE
PRELIMINAIRE
I
De la retraite spéciale de vie intérieure
et d'union au Sacré-Cœur
I. DIVERSES SORTES DE RETRAITES. - Il y a des retraites diverses: des retraites ouvertes ou missions et des retraites fermées, des retraites de première conversion, des retraites de formation spéciale pour les ordinations, pour la vêture ou la profession religieuses, des retraites de rénovation chrétienne ou religieuse.
Il n'est pas téméraire de dire que Notre Seigneur a institué les retraites, et qu'il en a indiqué les conditions et les formes diverses dans l'Evangile.
Avant sa vie publique, il nous donne l'exemple d'une grande retraite de quarante jours au désert. C'est qu'il allait entreprendre la grande œuvre de la rédemption du monde et de la fondation de l'Eglise.
Il commence à prêcher le règne de Dieu en Galilée. C'est un retraite populaire, une mission. (S. Mat., ch. IV). Il va de synagogue en synagogue_ Les populations le suivent. La mission se conclut à la Montagne des Béatitudes. Notre Seigneur résume là tout ce qu'il a dit les jours précédents. Ce n'est pas un seul discours que S. Mathieu nous rapporte en ses chapitres V, VI et VII, c'est tout un résumé de retraite. Et cette retraite se termine par une communion symbolique, la multiplication des pains.
Notre Seigneur dirigeait en même temps la première retraite de ses disciples privilégiés, avant leur appel définitif à l'apostolat. Il les a appelés un à un et les a pris à sa suite. Ils assistent à ses discours populaires, mais il a aussi pour eux des entretiens particuliers. Il les instruit à part au sommet de la colline avant de descendre vers la foule (S. Mat., ch. V, 1).
C'est par une retraite que Notre Seigneur se prépare lui-même à sa transfiguration. Jusque-là, il avait prêché, enseigné et guéri les malades tous les jours; mais pendant six jours, disent S. Mathieu et S. Marc, après environ huit jours depuis ses dernières prédications, dit S. Luc, le bon Maître prit avec lui Pierre, Jacques et Jean et les conduisit sur une montagne pour prier. (S. Luc, IX, 28).
Pendant les huit derniers jours de sa vie, Notre Seigneur mène de front deux grandes retraites, une pour le peuple et une autre pour ses apôtres. Il habite Béthanie pendant ces jours-là. Il prêche tous les jours au temple, pour préparer le peuple aux grands mystères de sa mort et de sa résurrection. Il a des entretiens particuliers avec ses apôtres sur le chemin de Jérusalem et le soir à Gethsémani: Locutus est ad turbas et ad discipulos suos. (S. Mat., ch. XXIII, 1).
Pour ses apôtres, c'est la retraite de leur première communion et de leur ordination sacerdotale. Dans ces grands jours, Notre Seigneur parle de la mort et de l'autre vie, il s'étend longuement sur le jugement dernier (S. Mat., ch. XXIV).
Ses causeries avant et après la Cène sont des instructions spéciales sur l'Eucharistie et ses fruits. S. Jean l'a mieux compris que les autres et nous redit ses paroles (Ch. XIII et XIV).
En descendant à Gethsémani, Jésus prêche la vie intérieure, l'union avec lui dans une connexité semblable à celle de la branche avec la vigne. Il promet la venue du Saint-Esprit et sa vie en nous pour nous instruire, nous consoler, nous fortifier. Dans ce colloque, Jésus prépare la retraite du Cénacle, qu'il va prescrire bientôt à ses apôtres pour les disposer à la Pentecôte. C'est comme le thème d'une retraite pour la vie intérieure et spirituelle. Nous y puiserons bien souvent pour cette retraite spéciale (S. Jean, ch. XV, XVI et XVII).
Certains apôtres ont reçu une formation spéciale. S. Pierre est appelé le premier. Il est le chef du groupe et la pierre fondamentale. Jésus monte sur sa barque pour prêcher et pour apaiser la tempête; il lui fait faire la pêche miraculeuse. Il lui fait faire une confession spéciale de sa foi et une confession réparatrice de son amour. Il lui apparaît en particulier (S. Luc. ch. XIV).
S. Jean est un privilégié. Il est au Thabor et à Gethsémani. Son repos sur le Cœur de Jésus vaut une retraite. Lui seul a bien compris les entretiens de Jésus après la Cène, qui enseignaient la vie intérieure et la vie d'amour; lui seul a entendu les sept paroles du Calvaire, qui prêchaient le sacrifice et la réparation. C'était sa formation d'apôtre du Sacré-Cœur.
S. Paul a été formé spécialement à la vie d'apostolat et de sacrifice. Notre Seigneur l'a lui montrerai, disait-il, tout ce qu'il doit souffrir pour la gloire de mon nom (Act., ch. IX, 17).
Sous les auspices de S. Jean, faison une retraite spéciale de vie intérieure et d'union au Sacré-Cœur.
II. IMPORTANCE DE CETTE RETRAITE. - Si la retraite est une formation spéciale ou une rénovation de l'âme, il faut évidemment qu'elle ait une action profonde sur tout notre être.
Il faut qu'elle fasse de nous des hommes nouveaux. Il faut qu'elle detruise des habitudes, des manières de voir et de faire et qu'elle en produise d'autres.
C'est dans la retraite que doit se faire le travail souvent indiqué par S. Paul: «Dépouillez-vous du vieil homme, de ses actes et de ses habitudes, et revêtez-vous du nouveau» (Aux Coloss., 111, 9).
«Vous étiez des hommes charnels, devenez des hommes spirituels» (I aux Cor., III).
«Vous étiez des hommes terrestres, devenez des hommes célestes» (I aux Cor., XV).
«Renouvelez vos sentiments et vos âmes» (Aux Eph., IV). «Renouvelez les grâces spéciales que vous avez reçues» (II Tim., I, 6). La retraite aura cet effet que Samuël prédisait à Saül pour son sacre: «L'Esprit de Dieu viendra en toi et tu seras changé en un homme nouveau: Insiliet in te Spiritus Domini… et mutaberis in virum alium» (I Liv. des Rois, X, 6).
Si la retraite est si importante, craignons de la manquer. L'abus des grâces est le plus grand des maux. Qui manque la retraite perd son âme. «N'attristez pas le S. Esprit» (Aux Eph., IV, 30).
«Celui qui résiste à Dieu aura-t-il la paix?» (Job, IX, 4).
«Je vous en prie, dit S. Paul, ne recevez pas sans profit les grâces de Dieu. (II aux Cor., 6).
«C'est le temps favorable, ce sont des jours de salut» (Ibid).
III. LES CONDITIONS D'UNE BONNE RETRAITE
«Je conduirai l'âme dans la solitude et je parlerai à son cœur», dit le Seigneur (Osée, II, 14).
«Venez à l'écart», disait Notre Seigneur à ses apôtres. Lui-même se retirait pour prier sur les montagnes ou au désert.
Il prescrivit aux apôtres dix jours de retraite au Cénacle, pour se préparer à la Pentecôte.
«Dieu ne parle pas dans le bruit, dit Elie, il parle doucement comme le souffle d'une brise légère» (III Rois, XIX).
Jésus nous a appris à dire à son Père: «Donnez-nous aujourd'hui notre pain supersubstantiel» (S. Mat., VI, 11).
«Demandez et on vous donnera», nous a-t-il dit (S. Mat., VII, 7). «Demandez à mon Père en mon nom, dit-il encore, et vous recevrez et votre joie sera pleine» (S. Jean, XVI, 24). N'est-ce pas cette joie pleine que nous cherchons?
«Vous demandez, dit S. Jacques, et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal» (S. Jac., IV, 3).
Nos prières pendant la retraite devront donc être recueillies, calmes, attentives, cordiales et saintes.
Nous pouvons appliquer à la retraite ce que Dieu disait à Jérémie: «Je te charge de défricher et de planter, de détruire et de bâtir» (Jér., I). «Cherchez et vous trouverez», dit Notre Seigneur.
C'est un travail à trois: le prédicateur sème, Dieu arrose et le retraitant prépare et cultive le terrain.
Dieu travaille avec nous. Nous ne pouvons rien sans lui (S. Jean, XV), parce que l'œuvre à faire est surnaturelle; il ne peut rien sans nous, parce que nous sommes libres.
Si ces conditions de recueillement, de prière et de travail spirituel s'imposent à toute retraite, combien plus doivent-elles être remplies délicatement par une âme qui aspire à la vie intérieure, à la vie d'union à Notre Seigneur et à son divin Cœur!
Toute cette retraite doit être déjà un exercice de vie intérieure, de recueillement paisible et d'union à Notre Seigneur.
II
Le but de cette retraite:
la vie intérieure ou spirituelle
I. LE BUT DE CETTE RETRAITE. - Ce n'est pas de nous préparer à la première conversion, mais de nous élever à la vie de grâce intense, vie spirituelle, vie intérieure, vie d'union, vie parfaite.
Nous ne faisons pas la première semaine de S. Ignace, nous la supposons faite.
Nous pouvons dire comme S. Paul aux Hébreux (ch. VI): «Nous omettons les instructions des commençants pour nous élever plus haut: quapropter intermittentes inchoationis Christi sermonem, ad perfectiora feramur, nous ne vous prêcherons pas la première conversion, le catéchisme du baptême, de la confirmation, la mort, le jugement, les fins dernières: non rursum, jacientes fundamentum poenitentiae ab operibus mortuis et fidei ad Deum, baptismatum doctrinae, impositionisque manuum ac resurrectionis mortuorum et judicii aeterni; mais nous élevant plus haut, avec l'aide de la grâce divine, nous vous présenterons les conseils de perfection».
Dans sa lettre aux Ephesiens, qui est comme un traité de vie spirituelle, S. Paul dit également que son but est de faire d'eux des hommes intérieurs et unis à Notre Seigneur par une éminente charité: «Je me prosterne, dit-il, devant Dieu, le Père de Notre Seigneur, pour qu'il vous fasse part des richesses de sa gloire, qu'il fortifie en vous l'homme intérieur par l'action de l'Esprit-Saint; que le Christ habite en vos cœurs par la vie de foi; que vous soyez fondés et enracinés dans la charité; que vous en compreniez toute l'ampleur, avec tous les Saints, et que possédant cette charité, qui surpasse toute science, vous soyez remplis de Dieu» (Aux Eph., ch. III).
II. IL Y A TROIS VIES DANS L'HOMME. - Il y a 1° la vie naturelle, toute livrée au péché depuis la déchéance de nos premiers parents; 2° la vie de la grâce ou la vie chrétienne; 3° la vie parfaite, vie intérieure, vie d'union.
Le plus souvent, l'Evangile, les apôtres, les Pères ne parlent que de deux vies, parce qu'ils s'adressent aux simples chrétiens, qu'ils veulent détacher de la vie charnelle et élever à la vie spirituelle et aussi parce que la vie d'union n'est que la vie de la grâce à un degré intense.
«Ce qui est ne de la chair est chair, dit Notre Seigneur à Nicodème, et ce qui est né de l'esprit est esprit» (S. Jean, III, 6).
S. Paul oppose l'homme spirituel à l'homme charnel (Rom., VII, 14. - II aux Cor., I, 12); l'homme intérieur à l'homme extérieur (Rom., VII, 22. - Eph., IV, 22); l'homme nouveau au vieil homme (Eph., IV, 24. - Col., III, 10); l'homme céleste à l'homme terrestre (I Cor., XV, 47).
«Ceux qui sont selon la chair, dit-il, goûtent ce qui est de la chair; mais ceux qui sont selon l'esprit, sentent ce qui est de l'esprit» (Aux Rom., VIII).
«Il y a deux vies, dit S. Bernard, celle du corps et celle de l'âme; et de même que l'âme est la vie du corps, Dieu est la vie de l'âme: Sicut vita corporis est anima, i ta vita animae est Deus» (Sur le ps. LXX).
De même S. Augustin: «D'où vient, dit-il, la vie de votre corps? de l'âme; et la vie de votre âme? de Dieu» (Serm. 10 sur le ps. Qui habitat).
S. Paul décrit plusieurs fois dans ses épîtres la vie nouvelle, la vie chrétienne, notamment aux Corinthiens (ép. I, ch. IX); aux Galates (ch. V); aux Colossiens (ch. III).
L'homme spirituel vit de la foi, de la confiance et de l'amour de Dieu. Il pratique les vertus chrétiennes décrites par Notre Seigneur au Sermon sur la montagne et qui sont le perfectionnement des vertus morales connues par la raison.
L'homme spirituel aime Dieu plus que toutes choses; il préfère les choses intérieures aux extérieures, les célestes aux terrestres, les éternelles aux temporelles;
il tient son corps en sujétion; il le châtie comme un serviteur rebelle; il lui refuse beaucoup de choses qu'il désire; il lui en donne d'autres qu'il ne veut pas;
il méprise les richesses, il les regarde comme un piège opposé au salut; il ne recherche point les honneurs, les louanges; il estime et il aime les opprobres et la croix.
C'est là l'esprit de l'Evangile: esprit de foi, de tempérance, de sacrifice, de patience, de détachement, de charité, d'humilité et de douceur.
III. LA TROISIEME VIE, OU LA VIE INTERIEURE ET SPIRITUELLE: SA NOTION, SES SOURCES, SES LOIS ET SES MAITRES. - Il y a une troisième vie, qui n'est que la perfection de la deuxième.
C'est la vie chrétienne intense; on l'appelle la vie spirituelle par excellence;
la vie intérieure;
la vie parfaite;
la vie d'union à Dieu.
«Si vous voulez être parfait, dit Notre Seigneur, vendez tout ce que vous avez, donnez-le aux pauvres et suivez-moi» (S. Jean, VI).
«Il y a une sagesse supérieure, dit S. Paul, dont nous ne parlons que dans les réunions des parfaits: Sapientia, loquimur inter perfectos. (Aux Héb., III, 16).
La source de toute vie surnaturelle, ordinaire ou parfaite, est le Christ Jésus, ses mérites, son amour, son Cœur, son action en nous par la grâce. Jésus, le Verbe incarné, nous a mérité toute grâce. Il est le médiateur, l'auteur et le ministre de notre sanctification.
Nos premiers parents étaient unis avec Dieu, ils avaient des entretiens fréquents avec lui.
Le péché a brisé cette union.
Dans l'Ancien Testament, la grâce était moins abondante et l'union avec Dieu moins facile. L'homme connaissait Dieu surtout dans le miroir des créatures, dans la loi rigoureuse du Sinaï et dans les promesses prophétiques.
Mais le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous. Et nous avons vu sa gloire, la gloire du Fils de Dieu, plein de grâce et de vérité (S. Jean, I).
Il s'est fait l'Emmanuel, le Dieu avec nous.
Il est venu rétablir notre intimité avec Dieu. Il demeure avec nous: «Je suis avec vous, dit-il, jusqu'à la fin des siècles» (S. Mat., XXVIII, 70). Il est notre vie: Christus vita vestra (Aus Col., III, 4).
Il est devenu notre pain de vie: «Le pain de Dieu, dit-il, est descendu du ciel et il donne la vie au monde» (S. Jean, VI).
Il nous donne la vie par la foi, par l'union avec lui, par l'Eucharistie: Qui venit ad me non esuriet, qui credit in me non sitiet; qui manducat me et ipse vivet propter me» (S. Jean, VI).
Il est la source de la vie chrétienne commune et de la vie parfaite: «Je suis venu, dit-il, pour que les hommes aient la vie et qu'ils l'aient en abondance: Ut vitam habeant et abundantius habeant» (S. Jean, X, 10).
Toutefois, c'est par son Esprit que Jésus nous vivifie et nous sanctifie. L'Esprit de Jésus est la forme de notre vie spirituelle.
Jésus nous a mérité l'Esprit-Saint et sa grâce; il nous envoie, il nous donne l'Esprit-Saint.
Jésus est la racine: l'Esprit-Saint et sa grâce sont la sève qui circule en nous.
«Le Christ, dit Billot, comme souverain médiateur entre Dieu et l'homme, verse en nous par la vertu de son sang tous les dons qui se rapportent à l'union avec Dieu: ad amicabilem cum Deo societatem, soit dans le présent par la grâce, soit dans la vie future, par la gloire» (De Deo redemptore).
C'est le Christ qui donne le Saint-Esprit: Hic est qui baptizat in Spiritu Sancto et igne. (S. Mat. III, 11).
Le Saint-Esprit reçoit du Christ ce qu'il nous donne: Ille de meo accipiet et annuntiabit vobis. (S. Jean, XVI, 14).
L'Esprit de Jésus vit en nous. Il est le principe de notre vie spirituelle par la grâce habituelle. Il met en œuvre cette vie spirituelle par les graces actuelles incessantes.
Il pense, il aime, il prie, il agit en nous.
Il opère en nous la vie parfaite, la vie d'union par ses grâces de choix, par ses dons, par le don d'union.
Cette grâce supérieure est une nécessité pour les prêtres. pour les religieux,
pour les âmes vouées au Sacré-Cœur; nécessité de vocation, de fonction.
Cette troisième vie a ses lois et ses maîtres. - Sa loi principale, c'est l'union avec Notre Seigneur, cette union que Notre Seigneur décrit lui-même dans les chapitres VI, XIV, XV et XVII de S. Jean. Cette union se nourrit de la foi, de l'obéissance fidèle à Notre Seigneur et de l'Eucharistie.
Cette union est celle de la vigne aux branches, union vitale, union féconde.
Ces chapitres pleins de mystères peuvent s'entendre pour les simples fidèles de l'union ordinaire par la grâce habituelle; ils ont pour les parfaits un sens plus profond: ils s'entendent de l'union ascétique et mystique, par les dons de l'Esprit-Saint, par le don spécial de l'union.
Cette union a ses règles et ses maîtres.
Elle a deux grandes règles, qui nous guident dans toute cette retraite: la purification de l'âme et l'union pratique. Notre Seigneur a résumé ces règles quand il a dit: «Renoncez à vous-mêmes, détachez-vous des biens terrestres et suivez-moi».
J'ai cité l'Evangile de S. Jean, chap. VI-XIV-XV-XVII. Ajoutons la Première épître de S. Jean, ch. II et III.
S. Paul aux Ephésiens, chap. I-II-III-IV.
L'Imitation de Jésus-Christ, liv. II, chap. I-VII-VIII-IX. Ibid., liv. III, chap. I-II-V-XI-XV.
S. Augustin: Manuel, Méditations.
S. Bernard: De la considération; Sermon sur la Passion; Sur le Cantique des cantiques.
S. Bonaventure: De l'arbre de vie: la Vigne mystique.
S. François de Sales: Entretiens spirituels; quelques chapitres de la Vie dévote; Traité de l'amour de Dieu, Liv. VI et VII.
Le Vén. Olier: Catéchisme de la vie intérieure. Le Vén. Libermann: Ecrits spirituels.
Le P. Saint Jure: L'homme spirituel.
Le P. Grou: L'intérieur de Jésus et de Marie,
Le P. Grou: Retraite spirituelle sur l'amour de Dieu. Le P. Lallemant: Doctrine spirituelle.
Mgr Gay: Vertus chrétiennes, tome III, traités 12 et 14. Sauvé: Dieu intime, Jésus intime, le Culte du Sacré-Cœur.
- Comme traités didactiques, on peut citer: Bellamy: La vie surnaturelle.
Mgr Lanneau: De deificatione sanctorum.
Schram: Institutiones theologiae mysticae.
Scaramelli: Directorium mysticum.
Le R. P. Poulain: Traité de théologie mystique, et bien d'autres.
Schram et Scaramelli donnent des listes plus complètes.
III
Confirmation de la méditation précédente: vie et règne de Jésus
et de son divin Cœur en nous
I. LA VIE INTERIEURE, C'EST L'UNION AVEC NOTRE SEIGNEUR, C'EST LA VIE DE JÉSUS EN NOUS. - L'amour, dit S. Thomas, de deux cœurs n'en fait qu'un. Il unit les pensées, les affections, les volontés. Nos premiers parents avaient cette union avec Dieu au paradis terrestre, elle faisait leur bonheur. Le péché a brisé cette union.
Mais Dieu, ému de compassion pour sa créature égarée, a envoyé son Fils pour nous rendre son amitié, pour rétablir cette union et nous rendre la vie surnaturelle que nous avions perdue.
Mais c'est avec Jésus que cette union doit se faire désormais. Nous étions à son Père, mais son Père nous a donnés à lui: Tui erant et eos mihi dedisti. (S. Jean, XVII, 6).
C'est maintenant le Sauveur qui est tout en tous: Omnia et in omnibus Christus (Coloss., III, 11). Dieu lui a tout remis: Omnia ei subjecit (Heb., II, 8). C'est Jésus lui-même qui est notre vie surnaturelle. Il nous communique cette vie par la grâce: «Je suis la vie, dit-il, et je suis venu pour répandre la vie dans vos âmes: Ego veni ut vitam habeant» (S. Jean, X, 10). - «Je vis et vous vivez de ma propre vie: Quia ego vivo et vos vivetis» (S. Jean,, XIV, 19). - «Celui qui a le Fils de Dieu en soi a la vie et celui qui ne l'a pas, n'a pas la vie» (S. Jean, V, 12).
C'est par son Cœur Sacré que Notre Seigneur nous communique sa vie divine.
Son Cœur de chair a donné son sang pour nous mériter la vie.
Son Cœur spirituel, c'est-à-dire son âme sainte, principe de toutes ses saintes pensées, affections et volontés, est aussi le principe de la vie spirituelle et surnaturelle de tous les enfants de Dieu. Cette vie est comme une expansion, un épanouissement de la vie du Sauveur. La vie du chef descend dans le membres.
Quand nous sommes en état de grâce, Jésus habite en nous. Nous sommes vraiment, selon l'expression de S. Ignace d'Antioche, Deiferi, Christiferi, des porte-Christ.
«Si quelqu'un m'aime, dit Jésus, mon Père l'aimera, et nous viendrons en lui et nous ferons en lui notre demeure» (S. Jean. XIV, 23). - «Demeurez en moi et moi en vous» (S. Jean, XV, 4). - L'homme demeure en Dieu, dit saint Thomas (in Joan), en croyant, en obéissant, en persévérant; le Christ demeure dans l'homme en illuminant, en aidant, en donnant la persévérance. - En ce jour-là, dit Jésus, vous connaîtrez que je suis en mon Père, et vous en moi et moi en vous» (S. Jean, XIV, 20).
Vingt fois dans ses épîtres, S. Paul revient sur cet enseignement, qui est le grand secret de la vie spirituelle.
«Jésus-Christ vit en moi», dit-il (Aux Gal., II, 20). - «Jésus-Christ est notre vie» (Coloss., III, 4). «Il faut que la vie de Jésus brille même dans nos corps: Ut vita Jesu manifestetur in corporibus nostris» (II Cor., IV, 10). - «Ignorez-vous donc qui vous êtes et ne savez-vous pas que Jésus-Christ vit en vous, à moins que vous ne soyez des réprouvés?» (II Cor., XIII). - «Le Christ, Fils de Dieu, est dans sa maison, et cette maison, c'est nous-mêmes: Quae domus sumus nos» (Heb., III, 6).
Jésus-Christ habite donc en nous par la grâce, à des degrés divers, et son Cœur s'unit à notre cœur pour y devenir le principe vivant de notre vie spirituelle et divine.
II. TEMOIGNAGES DE L'Imitation, DES SAINTS ET DES AUTEURS ASCETIQUE. - L'Imitation: liv. II, chap. 1, vers 1-2-7. - 1. Le royaume de Dieu est au-dedans de nous, dit le Seigneur. (S. Luc, XVII, 21). Revenez à Dieu de tout votre cœur, laissez là ce misérable monde, et votre âme trouvera le repos. Apprenez à mépriser les choses extérieures et à vous donner aux intérieures, et vous verrez le royaume de Dieu venir en vous. Le royaume de Dieu est paix et joie dans l'Esprit-Saint. Jésus viendra à vous et il vous remplira de ses consolations, si vous lui préparez au-dedans de vous une demeure digne de lui… Il visite souvent l'homme intérieur et ses entretiens sont doux, ses consolations ravissantes; sa paix est imperturbable et sa familiarité surprenante.
2. Ame fidèle, hâtez-vous donc de préparer votre cœur pour l'époux.
7. L'homme intérieur n'est point troublé par les travaux extérieurs et les occupations nécessaires…
Toute l'Imitation nous conduit à cette vie d'union.
Nous vivons de Notre Seigneur, dit S. François de Sales, nous puisons incessamment aux sources du Sauveur, comme l'enfant au sein de sa mère.
Il est là en nous, présent et caché, dit S. Antoine de Padoue, il est là au centre de notre âme, comme notre vie, comme notre cœur, et c'est de ce centre qu'il nous dispense la vie de la grâce.
La vie chrétienne, dit le B. Père Eudes, est une continuation de la vie et des actions de Jésus-Christ. C'est pour cela qu'il vit en nous et qu'il nous a donné le Saint-Esprit, qui est son Cœur divin (Royaume de Jésus).
Notre cœur est uni au Cœur de Jésus comme le rameau est uni au cep. La sève du Cœur de Jésus, c'est l'Esprit-Saint, l'Esprit de grâce et d'amour.
Ainsi vivant et présent en notre âme par la grâce, le Cœur de Jésus lui est uni, comme le cœur d'un époux à son épouse; il l'aime comme sa chère fille; il la garde et la protège comme sa propriété; il la vivifie comme son membre. Comme chef, il la dirige; comme principe de vie, il se développe en elle; comme pasteur, il la nourrit; comme rédempteur, il la purifie. C'est du fond de ce sanctuaire qu'il pardonne nos fautes et qu'il plaide notre cause auprès de son Père, qui est notre Père (P. Eudes).
Le Vén. M. Olier, dans son chapitre sur le caractère de la vie intérieure, nous dit: «Que Dieu habite en nous autrement que par la communion et à tous les moments de notre vie; S. Paul le dit par ces paroles: Christum habitare per fidem in cordibus nostris (Eph., 111, 17). Jésus-Christ habite en nous, en nos âmes, il y opère la vie divine, qui est toute comprise sous le nom de foi. Il n'habite pas seulement en nous comme Verbe par son immensité; mais il habite comme Christ par sa grâce, pour nous rendre participants de son onction et de sa vie divine».
«Il est en nous pour nous sanctifier en nous-mêmes et en nos œuvres, et pour remplir de lui toutes nos facultés. Il veut être la lumière de nos esprits, la ferveur de nos âmes, la force et la vertu de toutes nos puissances» (Catéchisme de la vie intérieure).
Le P. Lallemant: (La doctrine spirituelle, p. 310). Nécessité de la vie intérieure. - Si nous ne sommes pas des hommes intérieurs en tous nos emplois, nous sommes misérables, portant le poids du travail extérieur sans en goûter l'onction et la douceur intérieures: ce qui fait que nous tombons souvent en des fautes notables, au lieu que par le moyen du recueillement et de l'oraison, nous ferions davantage dans nos fonctions avec moins de peines, d'ennui et de danger, avec plus de perfection pour nous, de profit pour le prochain et de gloire pour Dieu.
Sans la vie intérieure, les dons du Saint-Esprit sont en nous sans effets, et les grâces sacramentelles si nombreuses demeurent inutiles. Avec la vie intérieure, nous parvenons à la conduite du Saint-Esprit et à une grande connaissance de nous-mêmes et des âmes.
Par la vigilance et l'attention sur notre intérieur, nous faisons d'excellents actes de vertu et nous avançons merveilleusement dans la perfection.
Rien n'est si dangereux que de négliger le soin de son intérieur, on va aveuglément du péché véniel au mortel.
Le Ven. P. Libermann: Fruits de la vie intérieure (Ecrits spirituels, p. 273: petit traité de la vie intérieure en 10 pages).
Biens qui résultent de la vie intérieure. Bonheur surnaturel au milieu des souffrances et des contradictions; une vie pure, la haine du moindre péché; de grandes assurances pour son salut; des œuvres remplies de grâces et de mérites; une grande force pour exécuter ce que Dieu demande de nous;
le perfectionnement même de nos facultés naturelles;
des lumières sur les mystères de Notre Seigneur et sur la vie chrétienne;
nous apprenons à bien conduire les âmes à Dieu;
nous recevons avec profit les dons du Saint-Esprit.
III. LE REGNE DE JÉSUS EN NOUS. - Cette vie de Jésus en nous a bien des degrés. Elle s'établit par l'état de grâce, elle devient plus intense par la pratique des vertus et surtout de la charité.
Cette vie devient le règne de Jésus et de son Cœur, quand notre amour-propre est mort et que nous sommes tout donnés, consacrés a Jé-sus et tout dociles à sa volonté et à sa conduite.
Jésus nous y invite: Venez, ma bien-aimée, et je mettrai en vous mon trône: Veni electa mea et pona, in te thronum meum (Ps. XLIV, 12).
C'est la sainteté, - c'est la noblesse suprême, - c'est le bonheur, - c'est la gage de la félicité éternelle.
Cette vie a pour condition l'état de grâce: «Celui qui ne demeure pas en moi, dit le Sauveur, sera rejeté comme un rameau desséché, on le ramassera pour le jeter au feu où il sera consumé» (S. Jean, XV).
Elle se conserve par la vie de foi et les vertus chrétiennes. Elle se consomme par la charité.
L'Euchatistie y aide puissamment.
Mais quelle est bien cette présence et cette action de Jésus? On ne peut pas dire que ce soit son corps humain, qui est en nous. Il est au ciel et dans l'Eucharistie.
Ce n'est cependant pas seulement le Verbe, c'est le Christ, c'est tout Jésus, qui vit en nous par son action divine, par son Cœur divin qui est l'Esprit-Saint.
Le Christ nous ayant mérité la grâce est chargé par son Père de l'appliquer à nos âmes.
Il vit en nous par le Saint-Esprit.
Il y vit d'une manière intense, si nous avons la vie intérieure1).
IV
Les appels divins a la vie d'union
dans l'évangile
L'Evangile nous décrit les appels divins sous plusieurs formes. Il y a des appels personnels; il y a des appels généraux, ou des offres de grâces à ceux qui ont bonne volonté; il y a des invitations présentées sous forme de paraboles.
I. APPELS PERSONNELS. - Notre Seigneur en appelant ses apôtres à la vie apostolique, les appelait aussi à la vie intérieure. Ils l'ont bien compris. Ils quittent tout pour le suivre, ce sont les dispositions parfaites à la vie d'union. - «Venez avec moi, dit-il à Pierre et à André, et je vous ferai pêcheurs d'hommes», - et tous deux quittent leur barque et s'attachent à lui (S. Mat., IV, 19).
Il appelle ensuite Jacques et Jean, eux aussi quittent leur père et leurs filets et ils s'attachent au Sauveur. La vie commune avec le divin Maître symbolise et produit chez eux la vie d'union intérieure.
Il y a ce disciple qui demande un répit jusqu'à la mort de son père, mais Jésus lui dit: «Suis-moi et laisse les morts ensevelir leurs morts» (S. Mat., VIII, 22).
Il y a aussi ce jeune homme qui vient demander au Sauveur ce qu'il faut faire pour avoir la vie éternelle. Jésus lui dit: «Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu as, donne le prix aux pauvres et suis-moi» (S. Mat., XIX, 21).
C'était un appel formel au détachement et à la vie intérieure, à la vie d'union avec Notre Seigneur, mais ce jeune homme manqua de courage. Avons-nous entendu cet appel personnel? Oui, si dans notre vie se rencontrent les signes d'une vocation à la vie apostolique, à la vie religieuse, à la vie dévote.
II. APPEL GENERAL. - Notre Seigneur offre souvent le don d'union, le don de vie intérieure aux âmes de bonne volonté. - «Si quelqu'un veut venir après moi, dit-il, qu'il se renonce soi-même, qu'il porte sa croix de chaque jour et qu'il me suive» (S. Mat., XVI, 24).
Quitter les créatures, se quitter soi-même, sa volonté propre et la recherche des joies terrestres pour suivre Jésus, n'est-ce pas tout le programme de la vie intérieure?
«Je suis le pain de vie, nous dit encore le Sauveur, celui qui vient à moi n'aura plus faim et celui qui croit en moi n'aura plus soif» (S. Jean, VI, 35). - Celui qui va a Jésus et qui le suit dans la vie de foi, reçoit de lui l'aliment mystique de la vie intérieure.
«Celui qui mange ma chair, vivra en moi et moi en lui». - «Celui qui mange mon corps vivra pour moi» (S. Jean, ch. VI).
Ici Notre Seigneur nous promet la vie intérieure comme fruit de la communion bien faite.
Au chapitre huitième de S. Jean, Notre Seigneur nous dit: «Je suis la lumière du monde, celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière vivifiante: lumen vitae» (S. Jean., VIII, 12).
Tous ces textes, dans leur sens intégral, demandent aux fidèles de suivre Notre Seigneur de près, c'est-à-dire de vivre unis à lui.
Le discours après la Cène développe ces invitations à l'union et il en indique les conditions. - «Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera, et moi aussi je l'aimerai et je me manifesterai à lui; et nous viendrons à lui et nous établirons en lui notre demeure». - «Si vous m'aimez, gardez mes commandements, et je prierai mon Père, et il vous donnera un autre consolateur, pour qu'il demeure en vous, et vous reconnaîtrez qu'il demeure en vous et qu'il est en vous». - «Demeurez en moi et moi en vous». - Si vous demeurez en moi et si vous observez mes paroles, vos prières seront exaucées; vous porterez des fruits, vous serez mes disciples. Comme mon Père m'a aimé, je vous aime. Demeurez dans mon amour» (S. Jean, ch. XIV et XV).
Toutes ces conditions de l'union avec Notre Seigneur peuvent se résumer en deux mots: Mettre en pratique ses paroles et vivre dans son amour. - Ses paroles, c'est l'ensemble de ses prédications, c'est la pénitence, le détachement et toutes les vertus chrétiennes résumées dans les huit béatitudes. - Vivre dans son amour, c'est nous tenir unis à lui par une foi vive, par une attention amoureuse et aussi par l'Eucharistie.
Toutes ces invitations ont un sens plus large pour la vie chrétienne vulgaire, et un sens plus précis et plus profond pour la vie intérieure. Toute la tradition chrétienne leur donne cette double signification.
En S. Luc, Notre Seigneur exprime d'une autre façon ses conseils de perfection et d'union. Il s'adresse particulièrement au petit troupeau choisi des disciples intimes: «Ne vous mettez pas trop en peine des choses temporelles, leur dit-il; cherchez avant tout Dieu et sa justice, et le reste viendra par surcroît. - Ne craignez pas, petit troupeau, votre Père céleste veut vous donner le royaume de Dieu. Vendez vos biens et donnez-les aux pauvres. Mettez votre trésor au ciel, et que votre cœur soit là aussi» (S. Luc. XII). - C'est la même invitation sous une forme un peu variée. Le royaume de Dieu sur terre, c'est la vie intérieure.
III. LES INVITATIONS SOUS FORME DE PARABOLES. - S. Mat., chap. XXII: Le roi invite aux noces de son fils.
Les noces préparatoires, ce sont les épousailles de la vie intérieure, de la vie d'union avec Notre Seigneur.
Quelles joies Notre Seigneur nous promet dans cette union: «Venez, dit-il, mon festin est prêt, toutes les viandes sont préparées, venez aux noces!». - Beaucoup refusent, ils sont séduits par le monde. Des pauvres viennent, trop heureux d'être invités aux noces, mais l'un d'eux n'a pas le vêtement blanc, l'habit nuptial. Il a négligé sa préparation, on le jette dehors. Quelle leçon!
Nous sommes invités par cette retraite. Nous allons nous purifier et nous revêtir du vêtement nuptial des premiers jours. Y a-t-il quelqu'un de nous qui négligera sa préparation, sa formation et qui se fera rejeter?
S. Mat., chap. XXV: il y a là une autre belle parabole, celle des vierges. Dix vierges ont été invitées. L'époux s'est fait attendre. Toutes sommeillèrent ou dormirent: Dormitaverunt omnes et dormierunt. Cinq cependant ne se négligèrent pas. Leurs cœurs veillaient, elles gardaient une provision d'huile. L'Epoux vint, elles ornèrent leurs lampes et entrèrent aux noces.
Il y a plusieurs visites de l'Epoux. Il y aura la dernière visite qui décidera de notre éternité; mais il y a des visites préparatoires, comme dans les retraites; et les vierges sages y sont admises au banquet de la vie intérieure.
Au chap. XII de S. Luc, après l'encouragement donné au petit troupeau, Notre Seigneur ajoute aussi sous forme de parabole: «Soyez prêts. Ayez une ceinture aux reins et un flambeau à la main. Attendez le Maître, il revient d'autres noces. Si vous êtes prêts, il se ceindra, il vous fera asseoir et vous servira tour à tour. Bienheureux ceux qu'il trouvera prêts!».
Oh oui! ils seront heureux. Le Bon Maître promet de leur servir lui-même le festin de la vie intérieure, en attendant les noces finales. Quelle bonté!
V
Notre appel personnel
I. RAPPELONS-NOUS D'ABORDE QU'IL Y A UNE VIE INTERIEURE MEME DANS L'ORDRE NATUREL. - L'homme est un être raisonnable et responsable, qui doit consulter habituellement sa conscience et en suivre les préceptes.
La lumière de la raison éclaire notre âme avant la lumière de la foi: Erat lux vera quae illuminat omnem venientem in hunc mundum (S. Jean, 1, 9). Cette lumière de la conscience était la règle de vie de l'humanité avant l'Evangile. La révélation mosaïque en avait précisé et formulé les préceptes. «Les nations qui n'ont pas la loi d'Israël, dit S. Paul, en connaissent cependant les préceptes par la raison et la conscience. Ces hommes ont la loi en eux-mêmes: Ipsi sibi sunt lex» (Rom., il, 14).
Mais pour lire cette loi dans leur conscience, il leur fallait une habitude de réflexion et de recueillement, qu'on peut déjà appeler une vie intérieure.
«Connais-toi toi-même», disait la sagesse antique. Et les écoles que tenaient les sages avaient pour but de former leurs disciples à la réflexion, à la connaissance des lois de la conscience et à leur observation.
C'était aussi l'objet de toute éducation.
Mais en pratique, la légèreté et la vanité l'emportaient sur la sagesse et la réflexion. C'était l'objet des plaintes fréquentes de la Sainte Ecriture.
II. LE VERBE INCARNE EST VENU NOUS APPORTER UNE LUMIERE NOUVELLE. - Il vivait en nous par la raison et le monde ne le connaissait pas: Mundus eum non cognovit. Mais il est venu se manifester à nous. Il a fait enfants de Dieu ceux qui ont bien voulu croire à sa mission. «Nous avons tous reçu de sa plénitude, car la loi avait été donnée par Jésus-Christ» (S. Jean, 1, 16).
La grâce, comme la raison, parle à notre âme et dirige notre conscience; mais elle parle une autre langue, la langue de la foi.
Il fallait une certaine vie intérieure pour écouter et consulter la raison; il en faut une autre pour consulter la foi, pour écouter ses dictées. Le baptême nous impose donc un certain degré de vie intérieure.
Par le baptême, nous sommes faits enfants de Dieu. Nous recevons en notre âme l'Esprit-Saint et la grâce qui sont les instruments ou les organes du Sauveur pour nous diriger et nous sanctifier.
La grâce élève notre âme à une vie surnaturelle. L'Esprit-Saint parle, il conseille, il dirige, il devient comme l'âme.
Un adulte non baptisé devait écouter sa raison; un adulte baptisé doit écouter le Saint-Esprit, qui vit en lui et qui lui parle le langage de la foi. C'est une conscience nouvelle, qui commande les vertus théologales et les vertus morales chrétiennes. Notre Seigneur nous a dit: «Le Saint Esprit vous enseignera tout ce que je vous ai commandé» (S. Jean, XIV, 26).
Un baptisé doit donc être habituellement attentif à sa condition d'enfant de Dieu et aux préceptes de l'Evangile. L'Esprit-Saint l'aidera à comprendre, à vouloir, à agir.
Cette attention indispensable et habituelle est déjà une vie intérieure, qui est nécessaire, à un certain degré, à tous les chrétiens.
C'est ce qu'exprime S. Paul en rappelant à toutes les Eglises, dans ses épîtres, que le juste vit de la foi. Le juste, ici, c'est le chrétien, c'est le baptisé, fidèle à la grâce qu'il a reçue. (Aux Heb., X, 38. - Aux Gal., III, 11. - Aux Rom., I, 17, etc).
Mais si nous voulons tirer de notre baptême tout le fruit qu'il nous offre, nous devrons être des hommes de foi intense, des hommes sérieusement intérieurs, qui s'inspirent des pensées de foi, qui vivent en la présence de Dieu, en union avec Notre Seigneur et dans la pratique des vertus chrétiennes.
Le chrétien qui a reçu le sacrement de Confirmation est obligé d'une manière bien plus pressante encore à la vie intérieure.
Le Saint-Esprit est venu lui apporter ses dons et les fruits de sa présence. Mais ces dons sont tout intérieurs. Ils se répandent dans l'âme qui s'y dispose par la vie de foi.
La Sagesse, qui est le goût de Dieu et des choses de Dieu, vient informer l'âme réfléchie, l'âme contemplative, qui médite les perfections divines, les mystères de Notre Seigneur et ses grâces.
L'Intelligence, qui aide à comprendre les choses sacrées, ne peut agir que dans les âmes qui étudient les choses de la foi en enfants de Dieu, avec la paix de l'âme et des sens.
Il en est de même de la Science, qui nous aide à rapporter à Dieu l'étude de la nature et les connaissances profanes.
Le don de Conseil dirige et éclaire ceux qu'il trouve sur le chemin de la vie de foi.
La Force chrétienne naît de l'amour. Les martyrs étaient forts parce qu'ils espéraient le ciel et qu'ils aimaient le Sauveur. Le don de Force n'animera que ceux qu'il trouvera dans la pratique habitulle des sentiments de foi, d'espérance et d'amour.
La Piété, qui est la religion du cœur, sera le don de ceux qui vivent habituellement dans la pensée des mystères de Notre Seigneur, de la Passion, de l'Eucharistie, de la Vierge Marie et des Saints.
Les douze fruits du Saint-Esprit sont des conséquences de la charité ardente. C'est l'âme aimante pour Dieu, qui est paisible, joyeuse, patiente, etc. Mais cette charité ardente ne peut être versée par le Saint-Esprit que dans les âmes qui s'y disposent par le détachement des créatures et par l'union avec Dieu.
Il est donc bien évident que le caractère de la confirmation exige, pour développer son efficacité dans les âmes, que ces âmes se maintiennent dans la vie intérieure.
Il en est de même pour toute grâce sacramentelle. Le sacrement de pénitence, par exemple, ne procure pas seulement la rémission des péchés, il donne une grâce sacramentelle de contrition, de regret et de haine du péché. Comment cette grâce se conservera-t-elle, si l'âme pénitente ne reste pas recueillie?
La communion eucharistique surtout a pour but d'accroître notre union spirituelle avec Notre Seigneur. - «Si quelqu'un mange ma chair et boit mon sang, il a la vie en lui; il demeure en moi et moi en lui» (S. Jean, VI). Ces paroles de Notre Seigneur nous disent formellement que l'Eucharistie est l'aliment de la vie intérieure.
Toute chrétien doit avoir une vie intérieure habituelle, et le grand mal du monde actuel vient de la négligence ou de la désertion de cette source unique de vie divine. - En beaucoup d'âmes chrétiennes, les dons du Saint-Esprit sont comme des livres qui ne sont pas lus, comme des instruments de musique dont on ne joue pas.
III. MAIS IL Y A DES VOCATIONS QUI EXIGENT PARTICULIEREMENT UNE VIE INTERIEURE INTENSE. - Telles sont la vocation à la pratique des conseils de perfection, la cléricature, la vie religieuse, la dévotion au Sacré-Cœur.
Notre Seigneur met au cœur de quelques-uns le zèle de la perfection: Si vis esse perfectus… Ceux-là sont invités à suivre Notre Seigneur de plus près, à l'imiter plus fidèlement, à vivre davantage de son esprit. Comment le feront-ils, s'ils n'écoutent pas habituellement l'interprète de Notre Seigneur, le Saint-Esprit qui veut les éclairer, les guider, les stimuler?
Les conseils de perfection peuvent se pratiquer dans le monde, mais la vie religieuse est leur terrain naturel. Là tout est organisé pour favoriser la perfection et pour en régler la pratique. C'est dire que le religieux doit vivre assidûment de la vie intérieure.
Les prêtres sont les hommes de Dieu (Ep. ad Tim). Ils sont les ministres de Dieu, ses représentants sur la terre. Ils doivent vivre de l'esprit de Dieu. Ils reçoivent d'ailleurs des grâces spéciales pour cela dans les ordinations. Un prêtre, un clerc, n'aura pas l'esprit de son état, s'il ne vit pas de la vie intérieure pour s'unir aux sentiments de Notre Seigneur.
Les amis du Sacré-Cœur doivent aussi évidemment vivre de la vie intérieure. Le Sacré-Cœur, c'est l'intérieur de Notre Seigneur. C'est l'ensemble de ses sentiments, de ses affections, de ses sacrifices. Comment serions-nous unis au Sacré-Cœur, sans la vie de recueillement, de foi vive, de docilité à la grâce et de contemplation?
VI
La vie intérieure et spirituelle est une terre promise a conquérir: notre Josué
Note. - Cette méditation est un sursum corda, un stimulant, un défi, comme les méditations de S. Ignace sur le règne, sur les deux étendards, sur les trois classes d'hommes.
I. LA TERRE PROMISE ETAIT LA FIGURE DE L'EGLISE, MAIS PLUS SPECIALEMENT DE CE QU'IL Y A DE PLUS EXCELLENT DANS L'EGLISE: LA GRACE INTENSE, LA VIE INTERIEURE, L'UNION AVEC DIEU, L'ESPERANCE D'UN TRONE DE CHOIX AU CIEL. - Nous voulons entrer dans cette terre promise de la vie intérieure. Dieu nous appelle. N'ayons pas un cœur de pierre comme les Israélites au désert: Nolite obdurare corda vestra. Quel sujet de méditation: un peuple de 500.000 âmes qui a manqué la terre promise, par suite de ses murmures, de sa sensualité, de son manque de foi!
Moïse et Aaron eux-mêmes ont manqué de foi et de simplicité. Ils n'entrent pas dans la terre promise.
Dieu donne à son peuple deux chefs nouveaux pour cette conquête: Josué et Eléazar.
Josué, c'est Jésus: ce mot veut dire: Dieu sauveur, ou sauveur envoyé par Dieu. Josué était la figure de notre Jésus, le vrai Sauveur.
Eléazar, fils d'Aaron, c'est le prêtre. Ce nom veut dire: Secours de Dieu, Dei adjutorium. Le prêtre complète l'action divine. C'est par lui que Dieu nous guide.
Avant toute entreprise, dit le Seigneur à Moïse (Nombres, XXVII), le prêtre Eléazar consultera le Seigneur. Eléazar prendra les ordres de Dieu, et le peuple fera ce qu'Eléazar lui dira.
Telle doit être notre règle de vie: prier notre directeur de consulter Dieu et faire ce qu'il nous dira.
Moïse et Aaron avaient un peu manqué de foi relativement aux promesses du Seigneur pour l'eau miraculeuse et les viandes qui devaient nourrir le peuple. - Ne manquons-nous pas constamment de foi pratique vis-à-vis des eaux de la grâce et de l'aliment eucharistique?
La terre promise, c'était la région où coulent le lait et le miel, le lait qui nourrit et fortifie, le miel. qui réjouit. La vie intérieure est la terre idéale de la croissance spirituelle et des saintes joies.
II. PREPARATION ET PASSAGE DU JOURDAIN. - Le jour de l'entrée dans la terre promise approche. Dieu prépare lui-même Josué: «Lève-toi, tu vas passer le Jourdain avec tout ton peuple. Prends courage et sois vaillant. Observe toute la loi mosaïque. Médite-la jour et nuit. Ne crains rien, le Seigneur est avec toi». Trois fois le Seigneur lui répète: Prends courage et sois vaillant: Confortare et esto robustus.
Josué transmet à tout le peuple l'avertissement du Seigneur par leurs chefs respectifs. «Encore trois jours, disait Josué au peuple, et vous passerez le Jourdain. Préparez-vous des aliments».
Les trois jours se passent au bord du Jourdain. On prie, on s'exerce à la confiance, on s'encourage à la lutte, on prépare des aliments pour la route et pour les jours de combat.
Ce sont les jours de retraite. Il en faudra sortir plein de vaillance et avec des provisions spirituelles.
Ces trois jours sont la retraite de purification, il y aura six autres jours de prière et de recueillement avant l'assaut de Jéricho.
Après trois jours, tout le peuple passe le Jourdain sous la protection de l'Arche.
Il fallait réparer toutes les négligences passées, pour avancer dans la terre promise. Josué ordonna de pratiquer la circoncision qui avait été négligée au désert. Il fit célébrer la pâque, qu'on avait aussi abandonnée.
Au commencement de la retraite, renouvelons les promesses de notre baptême, faisons pénitence, préparons-nous à une bonne communion.
III. LE COMBAT. - Jéricho, la ville forte, c'est le défaut dominant: chez nous, la tiédeur.
Six jours de préparation avant l'assaut. Procession chaque jour avec l'arche et les trompettes sacrées. C'est ainsi que notre retraite se fait auprès du tabernacle. Nous gardons le silence, et la voix du prédicateur retentit comme les trompettes d'Israël.
Le septième jour, c'est l'effort suprême. La prière est plus longue et plus fervente, la procession fait sept fois le tour de la ville; puis le peuple pousse un cri suprême: c'est un anathème à la ville païenne, avec promesse de consacrer au Seigneur tout ce qu'on y trouvera. Cela indique quelles devront être nos dernières dispositions.
A l'heure de l'assaut, Dieu aide, les murailles tombent, la ville est prise. Josué prononce l'anathème à qui relèvera la ville de Jéricho.
Le principal obstacle à la conquête est renversé, c'est beaucoup, mais il reste d'autres villes fortes à conquérir.
On va à l'assaut de la ville de Haï, qui paraissait peu importante. Les Israélites sont vaincus: Josué est tenté de découragement.
C'est qu'il y a eu un parjure. Un Israélite, Achan, a gardé du butin à Jéricho. Il a caché des vases d'argent et des étoffes de pourpre, On le découvre en tirant au sort les tribus et les familles. Il est puni de mort. Alors Haï est prise facilement.
Quelle leçon de solidarité! Qu'il n'y ait pas un Achan parmi nous! Trente-et-un rois sont ensuite exterminés facilement, et la terre promise est conquise. Nous vaincrons facilement tous nos défauts, si nous commençons par le défaut dominant.
Josué avait vu l'archange Michel combattre en tête du peuple de Dieu. Invoquons nos saints patrons, ils nous aideront.
«Confiance, avait dit le Seigneur à Josué, toute la terre des Héthéens sera pour vous, même les géants, les Enacim, les Raphaïm». Confiance, mais comme Josué, soyons vaillants, gardons toute la loi, méditons-la jour et nuit.
VII
Des dispositions ou préparations de l'âme
à la contemplation;
et en résumé, de deux pas a faire:
la purification et l'union pratique
Quoique la contemplation, ou la grâce d'union à Dieu, soit un don absolument libre et gratuit de Dieu et que l'on ne peut pas mériter strictement, de condigno, il n'est pas douteux que Dieu l'accorde plutôt aux âmes disposées qu'à celles qui ne le sont pas.
Il y a deux sortes de dispositions, les dispositions naturelles et les dispositions morales.
Les premières viennent du caractère et du tempérament. Elles consistent dans la quiétude, la placidité, la tranquillité, la docilité et la flexibilité d'une bonne âme.
C'est un don de la nature, mais le travail sur soi-même y peut suppléer. Une âme inquiète et agitée, dit S. Grégoire le Grand (IXe livre de sa morale, ch. XVII), ne peut pas tendre directement à la contemplation, et une âme calme et tranquille ne doit pas s'agiter sous prétexte de zèle.
Les dispositions morales sont les vertus qui doivent être élevées par la contemplation à une plus grande perfection.
Scaramelli en énumère six.
La première est la pureté du cœur et la purification de la conscience, non seulement de toute faute grave, mais de toute faute vénielle et de tout défaut volontaire. C'est pourquoi l'âme qui désire être élevée à la contemplation et à l'union avec Notre Seigneur doit surveiller sans répit toutes ses opérations et tous les mouvements de son cœur, pour n'admettre aucun acte qui puisse obscurcir sa candeur. Celui qui n'est pas dans ces dispositions, dit S. Bernard (pr. cant. serm. 32), ne doit pas rechercher les embrassements de l'Epoux céleste, mais il doit demander les remèdes au médecin de son âme.
La seconde disposition est l'extirpation des défauts et des appétits dépravés. Il ne suffit pas en effet d'effacer les fautes, il faut détruire les défauts qui en sont les racines. Il faut pour cela une mortification intérieure continuelle pour aller contre toutes les inclinations mauvaises que nous nous connaissons (Cassien, Conf. 20, ch. VIII). Il faut aussi quelque mortification corporelle fréquente, pour garder notre maîtrise sur tous ses mouvements et appétits (Schram. Théol. myst., § 98 et suiv).
La troisième disposition est un détachement généreux de tout ce qui est terrestre et superflu. «Celui qui veut vaquer à la contemplation, dit Hugues de S. Victor (De anima, lib. III, cap. XLIX), doit s'abstenir non seulement des œuvres mauvaises, mais aussi des pensées superflues». Celui dont l'imagination divague ne mérite pas de voir et de goûter combien le Seigneur est doux à ceux qui ont le cœur droit (S. Bern., De interiori domo, cap. LXX). - Le souci des choses temporelles, dit S. Bonaventure, est un lien et un joug, il faut s'en détacher comme Moïse a ôté ses chaussures pour aller à Dieu. (De sept. itin. aetern., Itin. III, dist. II).
La quatrième disposition est le mépris de l'honneur mondain et de la gloire mondaine. - Dieu résiste aux orgueilleux et donne sa grâce aux humbles. - L'âme, dit S. Grégoire, doit être purifiée de toute passion de la gloire temporelle et de la concupiscence charnelle pour s'élever au sommet de la contemplation (V. Morale., c. XVII).
La cinquième disposition est la solitude, la retraite, la garde des sens et la modération dans les œuvres extérieures. - Ces dispositions écartent mille sensations qui retarderaient le vol de l'âme vers Dieu. - On ne doit pas cependant, par le désir de la contemplation, chercher une solitude qui ne convient pas à son état, ni omettre les actes obligatoires ou convenables à notre condition, autrement nous manquerions à la fois la contemplation et nos devoirs d'état. Nos devoirs d'état voulus par Dieu ne peuvent pas être un obstacle à la perfection et à l'oraison.
Il y a une double espèce de pieuse et sainte solitude. La première consiste en ce que l'homme, après l'accomplissement de ses devoirs d'état, ne se dissipe pas en conversations inutiles et ne s'abandonne pas à des récréations plus conformes à ses inclinations naturelles qu'à la vertu, mais se retourne vers Dieu par des prières vocales, des lectures pieuses et de saintes méditations. - La seconde consiste en ce que l'homme, avant de se donner aux occupations extérieures et à la conversation avec le prochain, ne perde pas Dieu de vue, mais que, dans la pure intention de lui plaire, il lui rapporte toutes ses actions et même qu'en agissant, il garde autant que possible la présence de Dieu. De cette manière les œuvres extérieures ne nuiront pas à la solitude nécessaire pour la contemplation. - L'âme, dit S. Laurent Justinien (lib. De casto connubio, c. XII) s'occupe d'elle-même quand elle peut, mais quand la charité le demande, elle se dévoue au prochain en aspirant toutefois à revenir dans l'intimité du céleste Epoux, dont la charité fraternelle l'a fait sortir. Tant qu'elle est dehors, elle garde les portes de son cœur pour qu'il ne contracte pas quelque souillure qui pourrait déplaire au céleste Epoux; quand elle revient à la vie intérieure, elle est remplie de joie, elle éprouve une douce jouissance, son affection grandit, ses lumières augmentent, elle languit de tendresse: Sollicita ad se redit, sic in Verbi amplexus jucundissime ruit, dulci gustu repletur, perfunditur gaudio, exultat affectu, lumine coruscat et dilectione languescit.
La sixième disposition est le souvenir habituel de la présence de Dieu et le zèle incessant pour la prière vocale et mentale. - C'est un travail constant, où l'on rencontre de la fatigue et de l'aridité, jusqu'à ce qu'il plaise à Dieu de nous envoyer un rayon de la contemplation et de nous élever à l'union divine. A la présence divine il faut unir l'exercice de toutes les vertus, à l'exemple du Sauveur.
1. Il est clair que plusieurs de ces dispositions, surtout les dernières, peuvent être subdivisées. - La cinquième comprend la solitude, la retraite, la garde des sens, la modération dans l'action extérieure. La sixième comprend la présence de Dieu, l'oraison vocale et mentale, les oraisons jaculatoires, la pratique des vertus à l'exemple du Bon Maître, la docilité à la conduite du Saint-Esprit, etc.
2. Pour recevoir le don de contemplation et d'union avec Notre Seigneur, il n'est pas nécessaire que l'âme possède dans la perfection toutes ces dispositions, mais il faut qu'elle y tende et y progresse.
3. Les premiers sujets de méditation pour une âme qui veut commencer le travail de sa sanctification, sont les quatre fins dernières et les grandes vérités: la fin de l'homme, le salut, le péché, la mort, le jugement, l'enfer, le paradis, l'éternité. L'âme, purifiée de ses péchés graves et délivrée des tentations les plus dangereuses, méditera alors les mystères de la vie et de la Passion de Notre Seigneur.
4. Dans la méditation des mystères de Notre Seigneur, les commençants s'aident surtout de l'imagination; ceux qui avancent, proficientes, accordent plus à l'intelligence; les parfaits; se servent peu de l'imagination, parce qu'ils ont davantage les dons d'intelligence, de sagesse et de piété, qui s'adressent surtout aux facultés intellectuelles et affectives.
5. C'est un bon exercice, même en dehors de l'oraison, de se représenter la personne du Christ auprès de nous, non pas cependant jusqu'à se fatiguer la tête. L'humanité de Notre Seigneur est au ciel et dans l'Eucharistie. Son action spirituelle s'exerce en nos cœurs par le Saint-Esprit.
6. Il reste toujours bon de s'aider un peu de l'imagination, au moins au commencement de la méditation. La proposition contraire a été condamnée par Innocent XI.
7. Il ne faut cependant pas abuser de l'imagination et s'y appliquer d'une manière trop intense.
Le démon pourrait en profiter pour nous illusionner et nous faire croire à des visions. - Il faut donc user de l'imagination avec modération, lui fixer un objet pieux pour l'empêcher de s'égarer, et s'aider de ses représentations pour mieux comprendre les mystères de N. S. et pour nous en émouvoir davantage.
8. Il est clair que pour écouter et suivre les conseils du St-Esprit, qui éclaire et guide notre conscience, il n'y a guère de part à donner à l'imagination, notre intelligence et notre volonté étant alors principalement en jeu.
Les six dispositions de Scaramelli peuvent se subdiviser en un grand nombre; elles peuvent aussi se grouper sous deux grands chefs:
La purification de l'âme; L'union pratique avec N. S.
C'est ainsi que N. S. nous présente ordinairement les conditions de l'union avec lui:
1° La purification;
2° L'union pratique.
«Si quelqu'un, dit-il, veut venir après moi, qu'il se renonce et qu'il me suive».
La première série de nos méditations aura donc pour objet la purification ou le détachement, et la deuxième série, l'union pratique avec N. S. Toute la retraite développera ces deux étapes, en les divisant chacune en plusieurs pas à franchir.
Ire SERIE: La purification ou le détachement
Nous verrons qu'il faut renoncer surtout au péché, même véniel,
à la tiédeur, à la négligence, à nos passions,
à nos défauts naturels,
à l'agitation et l'empressement…
2e SERIE: L'union pratique
Il faut suivre Jésus, mais comment?
Par la pratique de la foi vive,
par le souvenir de la présence divine, par la confiance filiale,
par la charité sous toutes ses formes, par la docilité à l'Esprit-Saint,
par la vie toujours plus intense de N. S. en nous,
par l'avancement dans les degrés de la contemplation.
Pour avoir toujours présent cet ensemble de dispositions, pensons aux deux grandes étapes, aux deux grands pas à faire:
Se purifier,
pour s'unir.
Non pas que ces étapes doivent être absolument séparées et successives, mais la purification domine au commencement pour préparer l'union, qu'elle devra toujours accompagner, - et l'union s'essaie dès le commencement pour devenir toujours plus intense.
DEUXIEME PARTIE
LA PURIFICATION
VIII
La méditation des fins dernières
et spécialement de la mort
Nous pouvions placer ici plusieurs méditations sur les fins dernières, comme un stimulant pour nous purifier du péché mortel et nous en éloigner définitivement; mais comme on les trouve partout, nous les résumerons ici en une seule, pour marquer leur place dans cette retraite.
«Souvenez-vous de vos fins dernières et vous ne pécherez pas», c'est le conseil de nos Saints Livres (Eccli. VII, 40).
Les fins dernières de notre vie, toujours très courte, c'est la mort, le jugement, le paradis ou l'enfer. Quiconque y pense sérieusement fuira le péché.
I. NOUS SOMMES DES CONDAMNES A MORT. - Statutum est hominibus semel mort. C'est jugé, dit S. Paul aux Hébreux, tous les hommes mourront une fois. C'est une condamnation universelle.
Dieu avait porté une loi, il avait dit à Adam: «Tu ne mangeras pas de ce fruit, ou bien tu mourras» (Gen., il, 17).
Mais Adam a désobéi. Il est condamné à mort avec toute sa descendance: «Parce que tu as mangé du fruit défendu, lui dit le Seigneur, tu mangeras ton pain à la sueur de ton front, jusqu'à ce que tu retournes dans la poussière d'où tu es sorti» (Gen., III, 11).
C'est ce que S. Paul appelle un jugement définitif: statutum est hominibus semel mort. Il n'y a pas de peut-être; quiconque est ne doit mourir. Nos aïeux sont morts, nous mourrons.
Y pensons-nous assez?
Représentons-nous les angoisses du condamné à mort dans sa prison? Il est enfiévré, il attend l'heure de l'appel définitif pour quitter la vie et paraître au jugement de Dieu.
Il se prépare, il reçoit l'absolution du prêtre, il demande pardon aux hommes.
Et nous, que faisons-nous pour nous préparer? Cependant l'heure
sonnera peut-être cette nuit ou demain.
Que faisait le bon larron sur la croix? Il se préparait, il s'humiliait, il confessait ses fautes. L'autre était insouciant, lequel imitons-nous?
II. LA PENSEE DE LA MORT. - Souvenez-vous de vos fins dernières, dit l'Ecclésiastique (ch. XXXVIII). Puis le livre sacré fait parler le mort que nous pleurons et qui nous dit: «Pensez au jugement, hier c'était mon tour, aujourd'hui ce sera le vôtre».
Bien des fois N. S. a prêché à ses disciples la crainte du jugement et la pensée de la mort: «Veillez, leur disait-il, parce que vous ne savez ni le jour ni l'heure de votre jugement… je viendrai à l'improviste comme un voleur» (S. Mat., XXV).
A l'occasion de la parabole du riche, il nous dit: «Vous ne savez pas si le Maître viendra à la seconde ou à la troisième veillée de la nuit», et encore: «Insensés, vous thésaurisez pour l'avenir, et cette nuit même vous perdrez la vie… Soyez donc toujours prêts: ayez la ceinture aux reins et la lanterne à la main» (S. Luc, XII).
L'Eglise veut que nous pensions souvent à nos fins dernières. Au commencement du Carême, elle nous rappelle la condamnation portée par Dieu: «Homme, souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière». - A la fin de l'année liturgique, elle nous invite à la prière pour les morts et nous fait lire l'Evangile du jugement.
Les saints, les hommes pieux entretiennent ce souvenir. Baronius avait fait graver sur son anneau, ces mots: Souviens-toi que tu mourras: Memento quod morieris.
Le soin que nous donnons à nos cimetières est une prédication. Parfois des tombes portent cette épigraphe bien choisie: Hodie mihi, cras tibi: demain, ce sera ton tour.
III. APRES LA MORT. - Parcourons nos cimetières. Qu'y a-t-il dans toutes ces tombes? Des ossements desséchés et de la pourriture. Mais les âmes, où sont-elles?
Elles ont subi le jugement, elles ont rendu compte de tous les actes de leur vie.
Plusieurs sans doute sont encore en purgatoire, prions pour elles en passant.
Mais la plupart sont déjà entrées dans leur séjour définitif„ l'enfer ou le ciel. N. S. nous montre le contraste dans la parabole du mauvais riche (Au chap. XVI de S. Luc).
Le pauvre Lazare était un juste. A sa mort, les anges le portèrent dans le sein d'Abraham, où il trouva le repos et la joie pour toujours. Le mauvais riche, qui lui refusait l'aumône, mourut aussi et il tomba dans les tourments et les flammes de l'enfer. C'est en vain qu'il sollicitait une goutte d'eau et qu'il priait Dieu et les Saints d'aller convertir ses cinq frères pour qu'ils ne finissent pas comme lui.
Les supplices de l'enfer sont éternels.
Plus tard viendra pour ces âmes le second jugement, le jugement général qui confirmera pour toutes les âmes la sentence déjà prononcée à leur mort. N. S. nous a décrit longuement ce jugement dans ses derniers discours (S. Mat., XXIV). Il a voulu laisser tous ses disciples sous cette impression pour nous montrer qu'il n'y a rien de plus urgent à retenir, rien de plus important à méditer.
Les apôtres, impressionnés par les paroles du Sauveur, nous répètent ses enseignements et veulent que nous considérions le jugement comme prochain et imminent. - «Le Seigneur viendra bientôt et à l'improviste, dit S. Pierre. Il vous laisse le temps de la pénitence, profitez-en. Vivez dans la pureté et la sainteté pour être toujours prêts au jugement» (IIe ep., chap. III).
«L'attente ne sera pas longue, dit S. Paul aux Corinthiens, le temps est court, soyez toujours prêts» (I Cor., VII, 29).
«Faisons le bien, dit-il aux Galates, pendant que nous en avons le temps, ce ne sera pas long» (Gal., VI, 10).
En résumé, la mort et le jugement nous menacent. Nous ne sommes pas sûrs du lendemain. Et l'enjeu du jugement, c'est le paradis bu l'enfer.
Est-il étonnant de voir que les Saints tremblaient à cette pensée; qu'ils l'avaient toujours présente, qu'ils ne redoutaient rien tant que le péché et ne voulaient pas le souffrir un seul instant dans leur âme?
Si un S. Paul craignait d'être damné, que dirons-nous de nousmêmes?
Si tous les saints étaient avides de pénitence, ne mettrons-nous pas au moins notre conscience en ordre?
Nous purifier du péché, c'est le premier pas dans la préparation à la vie intérieure.
IX
Le péché véniel
Le but de notre retraite n'est pas seulement notre salut à préparer, mais l'union avec Dieu ou la vie spirituelle, qui devient d'ailleurs un moyen de salut pour ceux qui y sont particulierement appelés et qui risqueraient fort de se perdre en dehors de leur vocation spéciale.
Mais qui ne voit que l'union à Dieu exclut même le péché véniel? Comment une âme souillée pourrait-elle prétendre à l'étreinte divine, aux embrassements divins?
I. MALICE DU PECHE VENIEL. - Le péché est toujours une offense faite à Dieu.
Il renferme en soi:
Un oubli ou un mépris de la majesté divine; une résistance à la volonté de Dieu;
une injure à ses perfections…
C'est l'offense d'une majesté infinie par une vile créature et pour un vil motif.
«O Dieu, dit S. François de Sales, que c'est une chose redoutable que le péché, pour petit et léger qu'il soit! Il vaut mieux mourir que de le commettre volontairement».
Ce serait un grand mal sans doute que l'anéantissement et surtout la damnation du genre humain; et toutefois il ne serait pas permis, si on en avait la puissance, d'arracher le genre humain au néant ou à l'enfer au prix d'un seul péché véniel.
C'est un mal si grand que, pour le comprendre, pour le haïr comme il le mérite, et pour le réparer dignement, il ne faut rien moins que l'intelligence, la volonté et les satisfactions d'un Dieu.
II. EFFETS DU PECHE VENIEL. - Il ne détruit pas en nous, il est vrai, la grâce habituelle, mais néanmoins ses effets sont déplorables.
Il imprime à l'âme une souillure qui détruit sa beauté; il est à l'âme ce
qu'un ulcère est au corps; - il affaiblit en elle les lumières de l'esprit et la force de la volonté, de là des langueurs dans la prière, dans l'usage des sacrements, dans la pratique des vertus chrétiennes; - il la prive des grâces de choix que Dieu n'accorde qu'à la pureté de cœur: beati mundo corde…, il la prive d'une degré de grâce et de gloire: de là, un Dieu éternellement moins connu, moins aimé, moins glorifié.
Il conduit au péché mortel, comme la maladie conduit à la mort, car sa répétition endurcit la conscience, crée les attachements et les habitudes, prête une nouvelle force aux passions et aux tentations.
De là cet oracle du St-Esprit: Celui qui méprise les petites choses, tombera insensiblement, qui spernit modica, paulatim decidet (Eccli., XIX, 1).
III. CHATIMENTS DU PECHE VENIEL. - Dès cette vie Dieu a souvent infligé au péché véniel la plus rigoureuse punition.
Moïse et Aaron furent exclus de la terre promise en punition d'une légère défiance; les Bethsamites furent frappés de mort en punition d'un regard indiscret sur l'Arche d'alliance; Ananie et Saphire tombèrent morts aux pieds de S. Pierre pour un mensonge.
Mais c'est surtout dans l'autre vie que le péché véniel est puni avec une effrayante rigueur. Entrez en esprit dans la prison ténébreuse du purgatoire et voyez ce que les âmes y souffrent:
1° la privation de Dieu, mal plus grand que tous les maux temporels, dit S. Thomas. Pour le comprendre, il faudrait concevoir avec quelle véhémence une âme qui a entrevu Dieu est pressée de le posséder;
2° la peine du feu, et d'un feu qui est semblable à celui de l'enfer, disent S. Thomas d'Aquin et S. Cyrille de Jérusalem.
Considérons aussi la Passion de N. S. - Si son agonie et sa mort ont expié nos péchés mortels, on peut dire que la flagellation, les soufflets, les crachats, les injures expiaient plutôt les péchés véniels de vanité, de sensualité, de critique, d'amour-propre…
Rappelons-nous N. S. apparaissant à Ste-Gertrude, à Marguerite Marie et à d'autres, dans l'attitude de l'Ecce homo, à cause de certaines fautes vénielles: manques de charité, communions tièdes, etc.
«Un jour, après la sainte communion, raconte la bienheureuse, mon Sauveur se présenta à moi tout déchiré et défiguré. Et il me dit: J'ai été tiré à force de corde dans des lieux fort étroits, garnis de tous côtés de pointes, de clous et d'épines qui m'ont réduit de la sorte».
- Je sentis un vif désir de savoir l'explication de ces paroles; alors N.
S. me fit entendre: que la corde est la promesse qu'il nous a faite de se donner à nous; la force est son amour; les lieux étroits sont les cœurs mal disposés; et ces pointes l'esprit d'orgueil».
Réfléchissons à cette vision. Combien nous avons blessé N. S., non seulement par des sentiments d'orgueil, mais par une infinité de fautes que nous pouvons nous rappeler sommairement!
Jetons-nous aux pieds de N. S. comme Ste Madeleine, déplorons toutes nos fautes et demandons le pardon du bon Maître…
Conclusion avec S. François de Sales: «Tâchez, disait-il, de donner à votre âme une vive douleur de ses fautes, si petites qu'elles soient, car c'est toujours trop de mal d'avoir déplu à la souveraine bonté de N. S., qui nous fait journellement tant de miséricordes».
- O Cœur de Jésus, source vive de compassion et de douceur, ayez pitié de votre misérable serviteur. Non, jamais plus, moyennant votre sainte grâce, je ne veux commettre le péché; c'est vous que j'aime et que j'embrasse, je veux vivre et mourir pour vous.
X
La tiédeur. ses causes et ses dangers
Triste et important sujet. C'est le point malade, le point sensible.
I. UNE PREMIERE SOURCE DE LA TIEDEUR EST LA FAIBLESSE DE LA VIE DE FOI. - Oubli de la présence de Dieu, négligence du recueillement, de l'union à Dieu.
Dieu ne veut pas empêcher que nous soyons tentés, parce qu'il se complaît dans les victoires de notre foi et de notre amour.
«Si nous tenions notre foi en éveil, dit saint François de Sales, elle saurait discerner entre les vrais biens qu'il faut rechercher et les faux biens qu'il faut fuir».
La foi vive est attentive au devoir, elle est la sentinelle avancée de la charité, elle lui donne avis du mal qui s'approche sous l'apparence du bien…
Mais comme nous tenons ordinairement notre foi endormie ou moins attentive qu'il ne faudrait, nous sommes surpris par la tentation qui séduit nos sens, et notre raison cède à l'entraînement de la partie inférieure de notre âme. - Vigilate et orate ut non intretis in tentationem.
II. UNE DEUXIEME SOURCE DE LA TIEDEUR EST LA FAIBLESSE DE NOTRE CHARITE. - Nous n'aimons pas Dieu sans intermission. Notre charité reste en nous à l'état d'habitude latente et non en acte. Or une habitude doit être entretenue par des actes répétés, ou bien elle se perd.
Elle est alors remplacée peu à peu par des habitudes différentes ou opposées.
Toute vie doit être conservée et renouvelée par des aliments, par des repas pris en temps opportun.
Tout foyer doit être alimenté par du combustible nouveau, ou bien il se refroidit et s'éteint.
Mais quand nous n'usons pas de la charité qui est en nous, quand
nous n'employons pas notre esprit et notre cœur aux exercices de l'amour sacré, que nous les tenons divertis à quelque autre occupation, ou paresseux en eux-mêmes et négligents, alors quelque objet mauvais nous touche et nous entraîne.
Notre cœur est alors comme un camp qui n'est pas défendu, l'ennemi y entre comme il veut.
Le plus souvent, c'est petit à petit, et en commençant par de petites choses que la nature et le démon nous tentent et nous entraînent toujours plus bas.
III. QUELS EXEMPLES SAISISSANTS NOUS TROUVONS DANS L'APOCALYPSE! - Ils nous montrent la fréquence de la tiédeur et ses dangers. Il y a sept évêques en Asie Mineure, choisis et nommés par les apôtres, or, un seul est irréprochable, lé saint vieillard Polycarpe de Smyrne: «Tu es pauvre en apparence, lui dit N. S., mais tu es riche spirituellement; sois fidèle jusqu'à la mort». Et le saint vieillard mourut dans un héroïque martyre.
L'évêque de Philadelphie reçoit peu de reproches, cependant sa vertu paraît faible: modicam habes virtutem; et il est averti de veiller pour ne pas perdre sa couronne: Tene quod habes, ut nemo accipiat coronam tuam.
L'évêque de Sardes est en état de péché grave: Tu passes pour vivant et tu es mort, tes œuvres sont vides devant Dieu: Nomen habes quod vinas et mortuus es.
Les quatre autres sont plus ou moins tièdes. Ceux de Pergame et de Thyatire doivent faire pénitence. N. S. dit à l'évêque de Thyatire: «J'ai quelque chose contre toi, c'est que tu laisses une fausse prophétesse séduire mes serviteurs».
A l'évêque de Pergame: «Tu tolères des hérétiques nicolaïtes, fais pénitence, sinon je reviendrai bientôt pour te demander compte». Ces deux évêques manquent de zèle et de fermeté.
Pour celui d'Ephèse, N. S. est plus explicite: «Tu as perdu ta ferveur d'autrefois. Souviens-toi d'où tu es tombé, fais pénitence, autrement je viendrai et je renverserai ton flambeau, movebo candelabrum tuum».
Il est sévère pour celui de Laodicée: «Je te vois â l'œuvre, tu n'es ni chaud, ni froid; tu es tiède et tu me donnes des nausées. Mieux vaudrait que tu fusses chaud ou froid! Tu te crois riche, et tu ne vois pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu. Achète-moi de la bonne monnaie, de l'or pur et marqué au bon coin; mets du collyre sur tes yeux pour voir clair; revêts un vêtement blanc pour cacher ta nudité»: le collyre, c'est la foi, la méditation, la réflexion; le vêtement blanc, c'est l'absolution dans une vraie et sincère confession; l'or pur et marqué au bon coin, c'est l'amour pur de N. S.
Comme N. S. est bon cependant pour cet évêque de Laodicée! Il essaie de le ramener à la ferveur par des menaces, par des amitiés, par des promesses: «Ceux que j'aime, lui dit-il, je les réprimande et je les punis. Reprends courage et fais pénitence. Je suis à la porte de ton cœur, je frappe: si quelqu'un entend ma voix et m'ouvre la porte, j'entrerai chez lui et nous souperons ensemble. - Celui qui sera vainqueur, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône, comme mon Père, après ma victoire, m'a fait asseoir à sa droite…».
N. S. daigne se servir des affectueux appels de l'Epoux à l'épouse du Cantique: «Je me tiens à la porte, ouvre-moi».
Resterons-nous insensibles à une si extrême bonté?
Je suis confus d'être tombé dans la tiédeur. Je veux me relever.
Je connais les moyens: la pratique de la foi vive et de la charité ardente.
Pour la foi vive, me tenir en présence de N. S., lui offrir toutes mes actions…
Pour la charité ardente, méditer les mystères de N. S., être fidèle à mes rendez-vous de 9 heures et de 3 heures; bien faire l'action de grâces, la visite au S. Sacrement; faire quatre ou cinq fois la communion spirituelle dans la journée.
N. S. m'attend sans cesse, ne répondrai je pas à sa tendresse, à ses avances?
XI
Examen sur le péché véniel
Beaucoup d'âmes n'ont pas une connaissance suffisante des péchés véniels.
Parcourons les dix commandements du décalogue, en y rattachant les commandements de l'Eglise, les péchés capitaux et les voeux, suivant la connexion qu'ils ont avec eux.
I. LES TROIS PREMIERS COMMANDEMENTS, OU LA PREMIERE TABLE DE LA LOI. - 1er Commandement: les vertus théologales.
La foi intègre: ne pas repousser vivement les doutes sur la foi; accepter trop facilement des opinions modernes dangereuses.
La foi vive: Justus ex fide niait: négliger la présence de Dieu, la pureté d'intention, l'esprit surnaturel, l'accomplissement de la volonté divine en tout.
- La confiance en Dieu: manquer d'une confiance ferme en Dieu, entretenir des impressions de découragement, des pensées tristes et pusillanimes. des sollicitudes troublantes au sujet de l'avenir.
- Gaudete semper; nolite solliciti esse (S. Mat., VI).
- La charité ardente: ne pas s'exercer à la charité; rester un temps notable sans en faire des actes; entretenir trop d'affection pour des créatures, des personnes, des biens, des plaisirs passionnants.
- Ajouter ici les péchés d'orgueil, l'orgueil étant comme le culte de soi-même aux dépens de celui de Dieu:
se complaire vainement en soi-même;
désirer avec passion la louange, l'estime, le succès;
se croire meilleur que les autres;
parler de soi et des siens avec ostentation;
agir par respect humain, par hypocrisie, pour se faire estimer.
2e Commandement: manquer de respect pour le sanctuaire, pour les choses saintes et bénites (celles même que l'on porte sur soi); pour la Sainte Ecriture, pour ses textes ou ses assertions; parler légèrement des Saints, des reliques, des usages chrétiens, des traditions chrétiennes.
Pour les religieux: négliger de tendre à la perfection, négliger les constitutions et les règles (Les vœux se rattachent à d'autres commandements).
3e Commandement: souffrir des distractions volontaires à la prière, à l'office, à la messe;
faire ses prières avec précipitation, dans une tenue nonchalante;
recevoir sans piété les sacrements, en faire négligemment la préparation et l'action de grâces.
- A ce commandement se rattache le jeûne, l'abstinence: n'y pas attacher l'importance qu'ils ont.
La paresse: perdre le temps à des riens;
négliger ses devoirs d'état;
se montrer indolent dans les études, dans les pratiques de piété.
II. LA SECONDE TABLE DE LA LOI. - 4e Commandement: - Admettre un dépit contre un supérieur;
le mépriser dans son cœur;
le juger légèrement;
- murmurer contre lui, s'en plaindre;
écouter avec plaisir les murmures et les plaintes des autres;
- attrister les supérieurs en n'obéissant pas généreusement;
les contredire par des paroles dures;
exécuter leurs ordres avec dépit et chagrin.
Tout cela est particulièrement opposé à l'obéissance religieuse: Tenentur religiosi ad explendas dispositiones constitutionum et superiorum Const., LXIII).
5e Commandement: admettre de l'aversion contre le prochain;
le blesser par ses paroles;
- entretenir des désunions;
causer un dommage au prochain;
lui refuser un acte de charité; le maledifier;
- ne pas demander pardon à ceux qu'on a offensés;
se laisser aller à l'envie, à la jalousie.
6e et 9e Commandements: conserver des affections trop naturelles;
s'exposer aux tentations par curiosité, regards, lectures, etc.;
- gourmandise: manger avec avidité;
murmurer contre la nourriture;
satisfaire la sensualité en fumant trop.
- Ne pas faire diversion aux tentations; ne pas s'en éloigner assez vite.
7e et 10e Commandements: contre le vœu de pauvreté:
garder de l'argent sur soi;
accepter une chose, même de peu de valeur, sans permission;
la dépenser, l'employer pour soi-même ou pour d'autres;
- être trop attaché à quelque objet;
se mêler à des affaires temporelles extérieures;
- en gâtant des objets par négligence, on peut blesser la justice et la pauvreté.
8e Commandement: admettre sans raison suffisante un soupçon;
mal juger, mal interpréter les actions des autres;
communiquer ses soupçons à d'autres;
- aimer à entendre la médisance;
répéter à quelqu'un ce qu'on a dit de lui;
affaiblir ainsi la charité et la confiance mutuelle.
III. CIRCONSTANCES AGGRAVANTES: - commettre ces fautes en pleine connaissance;
s'en faire une habitude;
les commettre avec scandale;
malgré les avertissements;
les justifier et les défendre.
Moyens d'acquérir la pureté de cœur:
foi vive, présence de Dieu;
s'exciter à la crainte de Dieu Memorare novissima,
haine du péché: souvenir de la Passion;
- s'exercer à la charité: union à N. S.
réparer de suite sa faute par le repentir;
recourir souvent et saintement à la confession.
XII
Les passions et les tentations
Effacer les péchés passés ne suffit pas, il faut remonter à la source et combattre nos passions et nos tentations.
I. LES TROIS GRANDES PASSIONS. - L'homme a trois grandes passions qui le dominent et le tourmentent depuis sa déchéance, c'est l'orgueil, la cupidité et la sensualité.
Etre honoré, posséder, jouir, c'est tout l'idéal de la mauvaise nature. Ces trois passions troublent la raison, la dominent, l'empêchent d'agir librement.
Ce sont comme des fièvres de l'âme, dit S. Grégoire.
Jamais la volonté de l'homme ne sera vivement enflammée du désir des choses éternelles, ni son entendement bien ouvert pour les contempler, dit Richard de St-Victor, s'il ne quitte souvent et courageusement le soin de son corps, même dans les choses permises et nécessaires (De extermin, malitia, cap. VI).
La nature se porte d'une manière violente et déraisonnable vers ces jouissances: l'honneur humain, la cupidité, la sensualité.
II. LES LEÇONS DE LA SAGESSE PAIENNE. - La sagesse profane a compris cette opposition des passions et de la Vertu. Platon en parle admirablement, spécialement dans ses dialogues: Phoedon ou l'âme - le Banquet ou l'amour.
«Dieu, dit-il dans le Phoedon, a donné deux ailes à notre âme, c'est-à-dire deux inclinations vers les choses célestes et divines: celle de l'entendement pour voler vers la vérité suprême; celle de la volonté pour prendre l'essor vers la bonté souveraine. Mais ces ailes sont froissées et liées par la trop grande affection que nous avons à notre chair. - L'homme qui veut être sage et heureux, dit-il encore, doit mourir tous les jours aux soins désordonnés de son corps».
«Nous avons, dit-il dans le Banquet, deux amours contraires, dont l'un nous porte en haut et l'autre en bas». Ces tendances sont favorisées par le bon et le mauvais génie (Calodaemon, Cacodémon - Eros et Anteros).
Les légendes mythologiques étaient des symboles: Hercule était le génie bienfaisant et sauveur qui brisa le géant Antée, dont toute la force venait du contact avec la terre. Comme Hercule, détachons notre âme de la terre et élevons-la vers le ciel pour pouvoir la maîtriser.
Pythagore fut le promoteur d'une vie d'austérité et de détachement: «La mortification de la chair, disait-il, est le commencement de la vie spirituelle».
Homère prêchait la sagesse par les caractères et les épisodes de ses épopées.
Ulysse et ses compagnons, en face de Circé et des nymphes, c'est la lutte des âmes contre les passions et les tentations.
Les compagnons d'Ulysse, faibles, imprudents et inexpérimentés sont tous vaincus. Le sage et prudent Ulysse s'est muni contre les tentations, il s'est fait bander les yeux et boucher les oreilles, il s'est attaché au mât du navire et il passe ainsi impunément devant le promontoire de Circe. Il est protégé par Minerve. Ses compagnons sont changés en pourceaux. C'est un sujet de méditations pour les jeunes lecteurs de l'épopée homérique.
III. LES SAINTES LETTRES. - Mais nous aimons mieux méditer les saintes Lettres.
Le déluge est le châtiment divin pour la corruption de la chair: «Mon esprit se retirera de l'homme pour toujours, dit le Seigneur au temps de Noé, parce qu'il n'est que chair: Non permanebit spiritus meus in homine in aeternum, quia caro est» (Gen., VI).
Il en est de même du châtiment de Sodome.
Il y a un symbole saisissant de l'opposition entre la chair et l'esprit, c'est l'épisode de Sara et d'Agar.
Agar et Ismaël, son fils, luttent contre Sara et Isaac. Ismaël corrompt Isaac, il lui enseigne l'idolâtrie et la sensualité. Sara demande l'expulsion d'Agar. Abraham hésite, mais un ange vient l'encourager: Chasse la servante et son fils, lui dit-il.
Chassons Agar et Ismaël, c'est-à-dire, les tentations et les passions. Abraham ne donne à Agar qu'un pain et un vase d'eau. C'est symbolique. Mortifions notre corps et ses passions.
Le livre de la Sagesse (chap. IX) explique la lutte: Le corps, source de corruption appesantit l'âme et la vie terrestre empêche l'âme de s'élever. Ce que S. François de Sales commente ainsi: Les plaisirs et délectations du corps, que l'on prend à manger, à boire, à dormir, rendent l'âme lourde et pesante, l'empêchent d'avancer dans le chemin de sa perfection, rendent les exercices de piété et l'oraison difficiles et la dévotion presque impossible.
La chair et le sang, dit S. Paul aux Corinthiens (chap, VII, 14 et chap. XV, 50), ne peuvent pas posséder le royaume de Dieu. L'homme animal ne perçoit pas ce qui est de l'esprit de Dieu.
Se défier des passions, surtout de la sensualité; consulter la raison et la foi.
Prendre occasion des tentations pour se rejeter vers N. S. et vers Marie, comme l'enfant, en face d'un danger, se jette dans les bras de sa mère. Le démon sera joué et ses attaques nous deviendront autant d'occasions de vertu et d'union à N. S.
XIII
La croix ou la mortification
est le grand remède aux passions
C'est ici la seconde étape de la vie tracée par N. S. pour nous purifier et pour nous préparer à l'union avec lui.
Il avait dit: Détachez-vous du péché et du monde: abneget semetipsum. Il ajoute: Mortifiez-vous, prenez la croix: tollat crucem suam. C'est le moyen d'atteindre les passions jusqu'à la racine et de combattre efficacement les inclinations mauvaises, surtout la sensualité.
La croix, c'est la patience, c'est le sacrifice, c'est la pénitence.
La mortification doit combattre toutes les passions, mais surtout la sensualité, qui est la plus violente.
I. AIMONS LA CROIX ET PORTONS-LA AVEC PATIENCE. - Contemplons Jésus notre modèle, c'est avec joie qu'il porte la croix, parce qu'elle procure la gloire de son Père et le salut de notre âme: Per patientiam curramus, aspicientes in auctorem fidei Jesum, qui proposito sibi gaudio sustinuit crucem, aeterna redemptione inventa (Heb., XII).
N'est-ce pas un bien inestimable pour l'homme de posséder son âme? Comment la conduira-t-il à l'union divine, s'il ne la possède pas, s'il n'en est pas le maître? Or, les épreuves nous troublent, mais la patience nous remet en possession de nous-mêmes: In patientia vestra possidebitis animas vestras (S. Luc., XXI).
Celui qui peut conserver la patience dans les souffrances et la paix dans le tracas des affaires est presque parfait. Il y a peu d'âmes qui atteignent ce degré, même en religion, cependant il faut y tendre: Patientia opus perfectum habet (S. Jac., I).
La patience du Sauveur dans ses souffrances a été pour nous le moyen de salut. C'est en souffrant avec patience et douceur que nous nous appliquons le plus abondamment les mérites du Sauveur.
C'est par la patience que nous ressemblons le plus à N. S. et que nous lui témoignons le mieux notre amour: In his omnibus superamus propter eum qui dilexit nos (Rom., VIII, 37).
N. S. n'est jamais aussi proche de nous que lorsque nous souffrons avec patience pour son amour, dit S. François de Sales.
Porter sa croix, c'est supporter patiemment et chrétiennement toutes les traverses de la vie.
La croix du Sauveur symbolise et résume nos croix: elle a quatre branches et son centre.
Le haut de la croix, ou la branche supérieure, représente toutes les humiliations et toutes les croix de l'esprit, tout ce qui vient à la traverse de notre esprit, de notre raison, de notre honneur: les difficultés de la foi, les ignorances de l'esprit, les doutes, les scrupules, les froissements de l'amour-propre, les hontes, les déshonneurs.
Le pied de la croix, ou la branche du bas, représente les croix de la chair: les combats de la chasteté, les maladies, la mortification, les fatigues, l'agonie et la mort.
La branche de droite représente la pauvreté et toutes les croix de la bourse: les privations, les pertes, les difficultés…
La branche de gauche, les croix de la volonté. l'obéissance, la soumission à tous les supérieurs, les contrariétés et contradictions.
Le centre de la croix symbolise toutes les croix du cœur: les souffrances saintes qui découlent de l'amour de Jésus, la douleur de nos péchés, les aridités, la souffrance de voir régner le mal, la perte de nos proches, tous les brisements de cœur. - Les croix les plus lourdes sont celles qui nous viennent des gens de bien.
Le précepte nous oblige à porter la croix avec patience, le conseil nous invite à la porter même avec amour et avec joie, à l'exemple de N. S.
II. LES PETITS SACRIFICES. - C'est la monnaie pour acheter la grâce. Sachons refuser à la nature ce qu'elle demande sans raison.
Réveil. Elle vous demande quelques minutes de grâce après le réveil, refusez-lui jusqu'à une seconde.
Oraison. Elle vous suggère d'abréger l'oraison, n'en faites rien. Si vous le pouvez, prolongez-la un peu.
Travail. Elle vous conseille de prendre vos aises, ne l'écoutez pas. Repas. Il y a un morceau qui vous sourit dans les mets qu'on vous sert, faites-en un holocauste à Jésus, qui s'est immolé pour vous. Si l'appétit vous presse, attendez un peu, mangez lentement.
Humeur. Etes-vous triste? souriez. - Etes-vous fâché? montrez-vous doux et patient.
Conversation. Vous êtes tenté de faire mauvaise mine à cette personne, montrez-lui de la bonté;
- d'en dire du mal, dites-en du bien ou taisez-vous;
- d'éviter sa rencontre, allez au devant d'elle;
- de lui parler durement, parlez-lui charitablement. Agitation. Tout vous impatiente, soyez d'une humeur égale.
- Vous avez envie de vous satisfaire, de parler ou d'agir dans une forte émotion? Attendez, laissez passer l'orage.
- De marcher vite, de réciter vite vos prières, de presser un travail? Allez plus lentement.
Satisfactions naturelles. On dit autour de vous des choses curieuses, n'y prêtez pas l'oreille.
- Vous rencontrez un objet intéressant à voir, ne le regardez pas.
- Vous auriez bonne envie de cueillir ou de flairer cette fleur, abstenez-vous-en.
- Vous auriez du plaisir à manger de ce fruit, à goûter de ce bonbon, sacrifiez-le.
- Vous voudriez vous chauffer sans en avoir trop besoin, renoncez-y.
- Il vous tarde de lire une lettre reçue, attendez une heure pour l'ouvrir…
Souffrir quelque chose pour N. S. Vous êtes porté à vous plaindre quand vous souffrez, acceptez plutôt la croix que Jésus partage avec vous.
- Dans l'humiliation ou la contrariété, dites de bon cœur: Tant mieux, Amen!
- Vous êtes porté à vous excuser, accusez-vous ou gardez le silence…
- Si le froid, le chaud ou la pluie vous porte à vous plaindre, dites avec le prophète: Froid et chaleur, bénissez le Seigneur: Frigus et aestus, benedicite Dominum.
- Si vous vous êtes heurté et fait un peu de mal, dites encore: Tant mieux!
Il n'y a rien de petit quand c'est à Dieu qu'on le sacrifie et qu'on le sacrifie par amour (Marg. Marie).
III. LA PENITENCE ET LA MORTIFICATION. - Le bon Maître, sans en avoir besoin, a fait pénitence au nom de l'humanité.
Il a accepté le baptême de la pénitence au Jourdain. Il a pleuré nos péchés à Gethsemani.
«Faites pénitence, nous dit le bon Maître, c'est la préparation au royaume de Dieu: Agite paenitentiam, appropinquavit enim regnum Dei».
La vrai pénitence est toute imprégnée de confiance et d'amour. Elle s'exprime en épanchements affectueux: «Ayez pitié de moi, Seigneur, selon votre grande miséricorde… Seigneur, vous ne rejetterez pas un cœur contrit et humilié…». Soyons pénitents comme l'étaient Ste Madeleine et S. Pierre.
La pénitence nous ouvre le ciel. Il n'est rempli que de pénitents. Les martyrs ont été lavés dans leur sang comme dans un bain de pénitence..
Les confesseurs et les vierges ne sont entrés au ciel qu'après s'être reconnus comme pécheurs et avoir fait pénitence.
L'esprit de pénitence appelle la mortification volontaire. La mortification est la victoire sur les sens et leurs mauvaises inclinations.
Notre corps doit apprendre qu'il n'est pas le maître. Les Saints le lui faisaient sentir par les disciplines, les cilices et les veilles.
Quelques pratiques de mortification nous sont nécessaires pour avancer vers la vie intérieure. Lesquelles choisissons-nous? Il n'y a pas à hésiter, Jésus nous presse: «Il faut, dit-il, prendre sa croix quotidienne» (S. Luc, XXIV).
La croix est la préparation prochaine à l'union: tollat crucem suam et sequatur me.
XIV
Les défauts de caractère
Les défauts naturels sont ordinairement en rapports avec le tempérament.
Ils sont un grand obstacle à la vie intérieure. On peut toujours les atténuer et les corriger.
Ils sont nombreux, nous signalerons seulement les plus communs.
I. LES DEFAUTS LES PLUS PREQUENTS ET LEURS REMEDES - 1° La légèreté qui a pour corollaire l'inconstance.
Elle nous fait agir sans réflexion, sans peser nos paroles et nos décisions, en ne songeant qu'à des satisfactions momentanées et puériles. Elle répond ordinairement au tempérament sanguin.
Le sanguin est prompt, superficiel, changeant. Sa sensibilité est vive, mais sans consistance. - Il est affectif et enclin à aimer, mais il change facilement d'objet. - Son intelligence est prompte et facile, mais il n'approfondit pas.
Il est gai, exubérant, mais il manque de volonté et d'effort soutenu. Il faut le conduire avec douceur, lui apprendre à se dominer, à gouverner sa vie, à purifier et à surnaturaliser ses sentiments.
La légèreté est le défaut le plus directement opposé à la vie intérieure. Pour le vaincre, il faut s'appliquer résolument à l'exercice de la présence de Dieu et méditer pendant un temps assez long sur les fins dernières. Rien n'est plus propre à nous faire réfléchir et à nous donner de la gravité.
2° L'entêtement est le partage des bilieux; il s'allie à l'orgueil et à l'amour-propre.
Il se manifeste par l'attachement aveugle à ses idées, à ses jugements. Il est opposé à l'humilité, à la bénignité, à l'obéissance.
Les bilieux sont des impulsifs, des passionnés, des volontaires. - Ils se laissent emporter par le travail. Quand ils peuvent étudier, ils accumulent des connaissances.
Ils seraient des sujets très utiles, s'ils savaient se rendre maîtres d'eux-mêmes.
Le remède est la méditation de l'incarnation et du mystère de Bethléem.
Le Sauveur s'est humilié, il s'est anéanti pour expier notre orgueil. Le dénuement de l'enfant de Bethléem et son état d'abandon et de soumission nous permettent-ils l'amour-propre et l'indépendance?
3° La mollesse et la sensualité; c'est le partage des lymphatiques. Ce défaut se témoigne par le manque d'énergie morale, la paresse, les affections naturelles, l'amour des aises.
Les flegmatiques ou lymphatiques sont souvent apathiques, paresseux, amorphes..
Certains peuvent être des sujets utiles. Ils sont judicieux, leur langage est clair, positif, juste.
Le cœur est bon mais paraît froid. L'activité est calme et mesurée.
Ils tournent les obstacles plutôt que de les briser. Ils devront s'exciter, se stimuler à l'action.
Le remède est la méditation fréquente de la Passion. Ecce homo! Voilà celui qui a surmonté toute mollesse, qui a désiré la flagellation, les outrages et la couronne d'épines, qui a couru avec joie vers le calvaire pour s'y livrer à la crucifixion. Suivre les instincts de nos sens, c'est le crucifier de nouveau moralement.
4° La vivacité et le caprice. C'est le partage des nerveux. C'est l'opposé du calme, de la douceur, de la bonté.
Le nerveux ou mélancolique a des tendances à l'humeur noire, il manque d'énergie musculaire. Son action est fébrile.
La sensibilité est moins prompte chez lui que chez le sanguin, mais elle est plus profonde.
Il garde le souvenir des injures.
Il mûrit ses idées, mais le travail le fatigue. Il s'attache, mais il n'est pas expansif.
Il est facilement blessé.
Sa volonté est intermittente.
Il a un caractère variable, défiant.
Il faut lui faire comprendre que ses dépressions et tristesses viennent de la faiblesse de ses organes.
Le repos le remontera.
Le remède est dans la méditation des mystères de Nazareth. La vie de
Nazareth, c'est la vie paisible par excellence, et cette paix surnaturelle résulte de la soumission à Dieu et de la douceur pour le prochain. «Apprenez de moi, dit le Sauveur, que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez la paix dans vos âmes».
Le cours ordinaire de nos méditations sur les fins dernières et sur les mystères de N. S. est donc bien propre à nous aider à corriger nos défauts de caractère.
II. UN PRECIEUX CONCOURS. - Un concours précieux est celui de la direction. - On peut dire que la direction est utile surtout à trois choses: corriger nos défauts, nous guider dans l'étude et la pratique des vertus, et contrôler nos voies intérieures.
Mais son premier fruit est de corriger nos défauts. Il faut pour cela, évidemment, que nous soyons confiants et ouverts vis-à-vis de notre directeur.
En confession, il suffit de dire nos péchés; en direction, il faut appeler l'attention de notre directeur sur nos défauts. Nous les connaissons facilement par les fautes qu'ils nous font commettre et qui reviennent en toutes nos confessions.
Demandons quelques conseils pour nous corriger. Le directeur a de l'expérience et il a grâce d'état.
Notre humilité nous méritera lumière et force pour arriver au but.
III. LE REMEDE GENERAL. - C'est l'imitation de N. S. - C'est la direction que S. Paul donne dans toutes ses lettres.
«La grâce de notre Dieu Sauveur nous a apparu, dit-il à Tite, nous enseignant à quitter l'impiété et les passions pour vivre dans la sobriété, la justice et la piété» (Ad Tit., II, 7).
Mais dans son épître aux Colossiens, S. Paul est bien plus explicite. «Il faut, dit-il, dépouiller le vieil homme avec tous les actes qui résultent de ses tendances désordonnées, cum omnibus actibus suis». C'est le combat contre nos passions et nos défauts.
Ces tendances et ces actes mauvais, il les cite, non pas cependant d'une manière didactique, mais sous deux chefs principaux: les défauts de la chair d'abord: «Mortifiez l'impureté, la passion, la concupiscence mauvaise» (Coloss., III, 5). Puis les défauts de l'esprit: «Mettez fin à la colère, à l'indignation, à la malice». (Coloss., III, 8).
C'est le résumé des passions et des défauts naturels que nous avons énumérés.
S. Paul indique ensuite quelles vertus il faut mettre à leur place: «Revêtez-vous du nouvel homme, pratiquez la miséricorde, la bénignité, l'humilité, la modestie, la patience et surtout la charité» (Coloss., III, 12).
Et encore: «Que vos conversations soient marquées au coin de la sagesse et de l'esprit chrétien, - faites toutes vos actions au nom de N. S. Jésus-Christ» (Coloss., III, vers 16 et 17).
C'est notre programme: combattre nos passions et nos défauts en vivant en présence de Dieu et dans l'esprit des mystères de N. S.
XV
L'empressement et l'agitation
C'est là un défaut naturel assez complexe et qui résulte de plusieurs autres déjà étudiés, comme la légèreté, la vivacité, l'amour-propre. Ce défaut mérite une considération spéciale, parce qu'il est directement opposé au recueillement qui est la première condition de la vie intérieure.
Notre modèle, c'est l'Agneau de Dieu, toujours doux et paisible; c'est le bon Pasteur, qui conduit doucement son troupeau.
«Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur», dit le Sauveur.
«Voici, dit le prophète, que votre roi vient à vous plein de douceur» (Jer., II. - S. Mat., XXI).
I. LA PAIX DANS L'ACTION, dans toute action, intellectuelle ou matérielle.
La paix de l'âme, dit S. François de Sales, permet le soin dans l'action et non l'empressement.
«Le soin et la diligence que nous devons avoir dans nos affaires, dit-il, sont choses bien différentes de la sollicitude et de l'empressement. Les anges gardiens ont soin de notre salut, mais ils ne connaissent pas le souci et le trouble. Le soin appartient à leur charité, le souci et l'epressement seraient contraires à leur félicité. Le soin peut être accompagné de la tranquillité et de la paix de l'esprit, mais non l'empressement. - Qui festinus est pedibus offendet: il faut dépêcher tout bellement. - Qui porte un vase avec soin et diligence arrive au but, qui le porte avec empressement le laisse choir. -Jamais besogne faite avec impétuosité et empressement ne fut bien faite. - Les bourdons font plus de bruit que les abeilles et sont plus empressés, mais ils ne font pas de miel» (Vie dévote).
Dieu en son activité n'a aucune émotion. Nous devons nous rapprocher de cette perfection.
Ne nous agitons pas pour N. S., car il a dit à Marthe qu'il ne le voulait pas, ou du moins qu'il trouvait meilleur qu'on n'eût pas d'empressement, même à bien faire.
Une bonne œuvre faite avec tranquillité d'esprit vaut mieux que plusieurs faites avec empressement.
La très sainte Vierge ne perd pas de temps pour aller en Judée (abiit cum festinatione), cependant son cœur reste calme et chante doucement le Magnificat.
II. LA PAIX DANS LA CONFIANCE ET L'ABANDON A DIEU. - C'est la paix du cœur. Elle s'appuie sur la bonté et la providence de Dieu. Isaïe a un chapitre que l'on peut appeler le chapitre de la confiance ou le chapitre du Sacré-Cœur: «Voici mon Dieu et mon Sauveur, j'agirai avec lui en toute confiance et sans crainte. Il est ma force, ma consolation et mon salut. Puisons avec joue aux sources du Sauveur» (Chap. XII). David est le chantre de la confiance: «Quand j'ai prié, dit-il, Dieu m'a exaucé. Je me repose dans le sein de Dieu et j'y dors en paix: - Cum invocarem, exaudivit de Deus… in pace, in idipsum, dormiam et requiescam» (Ps. IV).
Jésus nous dit: «Vous êtes en moi et moi en vous». Que peut craindre un enfant dans les bras d'un tel père?
Soyons bien les enfants de Dieu. Les enfants n'ont pas de soucis, il ne pensent pas à beaucoup de choses, il savent que leur père y pense pur eux. Paix aux hommes de bonne volonté! Ayons le désir de faire la volonté de notre Père et nos âmes seront dans la paix.
Confiance toujours, même après nos défaillances, Jésus est si miséricordieux! Il a été si bon pour Madeleine, pour les pécheurs, pour le bon larron. Il est le père de l'enfant prodigue.
III. LA PAIX DANS L'INDIFFERENCE A L'EGARD DES CREATURES. - Cette paix s'appuie sur la foi qui nous enseigne que tout peut concourir à notre bien (Rom., VIII).
Les pensées qui nous agitent ou nous troublent ne viennent pas de Dieu, elles viennent de la nature ou du démon.
Il faut en tout et partout garder la paix. S'il nous vient une peine, il faut la recevoir paisiblement, et de même si c'est une joie. Dieu sait ce qui nous convient (S. Mat., VI).
S'il faut fuir le mal, que ce soit paisiblement, sans nous troubler. En fuyant précipitamment, nous pourrions tomber.
Faut-il faire le bien, faisons-le paisiblement.
La vie intérieure exige la paix. Le S. Esprit ne parle que si les créatures font silence.
On connaît l'épisode d'Elie, fuyant Jézabel et se réfugiant au mont Horeb. Il entend une voix divine qui lui dit: «Tiens-toi devant Jéhovah, car Jéhovah va passer».
Aussitôt s'élève un vent violent qui déchire les montagnes et brise les rochers; mais Dieu ne parle pas dans la tempête.
C'est ensuite une secousse violente su sol, mais Dieu ne parle pas dans cette commotion.
Puis viennent les éclairs, mais Dieu ne parle pas dans les flammes.
Alors se lève une brise légère et rafraîchissante, Elie sort de sa caverne et évoute l'esprit de Dieu.
Il y a des hommes paisibles par tempérament; soyons paisibles par notre bonne volonté avec le secours de la grâce, sous le regard de N. S .
TROISIEME PARTIE
L'UNION PRATIQUE
XVI
De l'union en général;
Jésus est notre vie, le chef de l'église
et le dispensateur de la grâce
I. JÉSUS EST NOTRE VIE. - «Suivez-moi». - C'est l'appel constant de Jésus. Suivons-le, il est la source de la vie.
Il est le rocher qui donne l'eau miraculeuse, l'eau vivifiante du désert. «Le rocher, dit S. Paul, c'était le Christ, et tous buvaient de l'eau surnaturelle de cette pierre» (I Cor., X, 4).
Il est le pasteur qui donne le lait de la grâce et de l'Eucharistie, c'est le symbole souvent représenté aux catacombes.
«Je suis la vie», nous dit-il (S. Jean, XIV, 6).
«Je suis venu pour que mes disciples aient la vie et qu'ils l'aient abondamment» (I Cor., XV, 45).
Jésus nous donne la vie comme le cep de vigne donne la sève aux branches. «De même, nous dit-il, que le pampre de la vigne ne peut donner de fruits s'il ne reste attaché au tronc, vous-mêmes vous ne donnez pas de fruits, si vous ne restez pas unis à moi» (S. Jean, XV).
Jésus nous vivifie, comme la tête envoie ses effluves de vie dans tout le corps (Eph., IV, 15); comme le cœur distribue le sang à tous les membres: nous sommes les membres du corps de Jésus, nous sommes comme sa chair et ses os (Eph., V, 30).
Il demeure avec nous et en nous pour nous vivifier: «Je ne vous laisserai pas orphelins, nous a-t-il dit, je viendrai à vous. Encore un peu de temps et le monde ne me verra plus; mais vous, vous me verrez, parce que je vis et vous vivrez. Vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, et vous en moi et moi en vous» (S. Jean, XIV).
II. JÉSUS EST NOTRE CHEF. - Dieu nous a donnés au Christ comme à un Roi dont nous sommes les sujets, à un Pasteur dont nous sommes les ouailles, à un chef de famille, à un Pontife qui préside à notre culte.
Parlant de ses disciples, le Christ dit à son Père: «Ils étaient à vous et vous me les avez donnés» (S. Jean, XVII, 6).
Et encore: «Mon Père a tout remis entre mes mains» (S. Mat., XI, 27). Il est notre Roi: Rex ego sum (S. Jean, XVIII).
«Remercions Dieu le Père, dit S. Paul, qui nous a arrachés à la puissance des ténèbres et nous a mis sous la royauté de son Fils bien-aimé dont il a fait le Chef de l'Eglise et le maître de tout».
Il vit en nous comme le maître en sa maison: tanquam filius in domo sua, quae domus sumus nos (Heb., III, 6).
Il est le bon Pasteur. ego sum Pastor bonus (S. Jean, X). Il conduit ses ouailles aux pâturages vivifiants.
Mieux que cela, il est le chef ou la tête du corps mystique dont nous sommes les membres.
S. Paul dit aux Ephésiens: (I, 20). «Nous croyons que Dieu dans sa puissance divine a ressuscité le Christ, qu'il l'a placé à sa droite au ciel au-dessus de toute puissance créée et qu'il a mis tout sous ses pieds en faisant de lui le chef de toute l'Eglise qui est son corps et qui reçoit la vie de sa plénitude».
Et ce règne de Jésus-Christ durera jusqu'au dernier jugement, puis il remettra tous les élus aux mains de son Père: Cum autem subjecta fuerint illi omnia, tunc et ipse Filius subjectus erit ei qui subjecit sibi omnia, ut sit Deus omnia in omnibus (I Cor., XIV).
III. LE VERBE INCARNE, LE CHRIST, COMME SAUVEUR ET CHEF DE L'HUMANITE REGENEREE, EST LE DISPENSATEUR OU DISTRIBUTEUR DE LA GRACE. - Dieu, remarque le P. Billot (de Verbo incarnato, p. 132, note 2), aurait pu faire autrement et rester personnellement le distributeur de la grâce méritée par le Christ, mais il voulut en confier la distribution au Christ lui-même, parce que si l'humanité du Sauveur a été l'organe de la rédemption, il convenait que le Verbe incarné fût le distributeur de la grâce et des biens surnaturels qu'il avait mérités2).
S. Thomas a posé encore ailleurs le même principe en disant: «Le salut de l'homme appartient encore au Christ en tant qu'il est le chef de l'Eglise. La tête, en effet, est la source de la force et du mouvement pour tous les membres; et en réalité le Christ a le pouvoir de faire descendre la grâce dans tous les membres de l'Eglise, selon le mot de S. Jean: «Nous avons tous reçu de sa plénitude»3).
S. Thomas connaissait notre double système nerveux qui préside au sensations et au mouvement.
Son expression introeundi, faire entrer la grâce, est caractéristique.
S. Paul exprime souvent la même doctrine: «Nous avons un seul Dieu, le Père, de qui vient tout et à qui nous appartenons; un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes choses et nous sommes par lui» (I Cor., VIII, 6).
Le Christ est devenu le chef de notre vie spirituelle. Il nous donne la vie spirituelle dont il est devenu la source pas ses mérites, le distributeur par sa mission: «Toutes les créatures sont pour vous, vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu» (I Cor., III, 23).
Il est cause efficiente conjointe de la grâce, cause ministérielle: administer, cujus est dispensatio et effectio (Billot).
Les âmes seront donc d'autant plus riches en grâces, qu'elles seront plus unies à N. S.
XVII
Vie de foi et présence de Dieu
N. S. recommande souvent la foi, il lui promet les bénédictions divines et la vie éternelle.
Il veut parler de la vie de foi, de la foi pratique et agissante: Celui qui croit en moi, dit-il, a la vie éternelle (S. Jean, IV). Il s'agit de celui qui vit de la vie de foi.
S. Paul nous répète souvent que le juste vit de la foi: Sans la foi, dit-il, il est impossible de plaire à Dieu (Heb., X, 38 et XI, 6).
C'est une grande misère, dit le P. Lallemand, que, même en religion, beaucoup ne se conduisent que par la raison humaine et la prudence naturelle. La raison humaine sans la foi est cependant bien faible en matière de perfection morale. A quoi a-t-elle conduit les sages de l'antiquité et les nations païennes? que de vanité et de corruption dans leurs vertus les meilleures!
I. LA VIE DE FOI SE NOURRIT PAR LES MAXIME CHRETIENNES. - Dans tout le Sermon sur la montagne, N. S. met en opposition la vie de foi et la sagesse des pharisiens et des païens.
Aimer ceux qui nous font du bien dit-il, c'est facile, les publicains et les païens le font bien; mais aimer ceux qui nous sont désagréables, aimer nos ennemis pour leur faire du bien et pour le bon plaisir de Dieu, c'est la vie de foi.
L'esprit pharisaïque, dit-il encore, aime ou permet la colère, la vengeance: oeil pour oeil, dent pour dent; mais l'esprit de foi, l'esprit nouveau ordonne de pardonner et de rendre le bien pour le mal.
S. François de Sales dit, avec son style imagé: aimer les personnes bienveillantes, les chiens et les chats le font bien. - Aimer ceux qui vous admirent, c'est agir comme les paons.
Mais se réjouir dans la persécution, c'est la vie de foi, c'est l'esprit des apôtres, qui s'en allaient joyeux d'avoir été jugés dignes de souffrir pour le Christ (Act., V, 41).
II. LA VIE DE FOI S'ENTRETIENT PAR LA PRESENCE DE DIEU. - Dieu est partout présent. Nous vivons en lui: In ipso vivimus, movemur et sumus (Act., XVII).
N. S. nous contemple partout, même de ses yeux humains qui ne connaissent pas l'obstacle de la distance.
Presque tous nos manquements viennent de l'oubli de la présence de Dieu.
Ce souvenir est le gardien de la pureté et de l'innocence.
Le Psaume 138 est une magnifique méditation sur la présence de Dieu: «Seigneur, vous m'avez sondé et vous me connaissez; vous savez quand je m'assieds et quand je me lève.
«Vous avez discerné de loin mes pensées; vous avez remarqué mon sentier et mes démarches, et vous avez prévu toutes mes voies, et avant qu'une parole soit sur ma langue, vous la savez… où irai-je pour me dérober à votre esprit, et où m'enfuirai-je de devant votre face?… Les tenèbres n'ont pas d'obscurité pour vous…».
Et le chapitre XVII de l'Ecclésiastique: «Les sentiers des hommes sont toujours devant Dieu, et toutes leurs œuvres sont comme le soleil en sa présence et ses yeux scrutent sans cesse leurs œuvres».
III. LA VIE DE FOI S'ENTRETIENT ENCORE PAR LES PENSEES DE LA FOI. - La sainteté de Dieu et sa puissance, qui inspirent le respect; sa bonté, ses bienfaits, qui inspirent la reconnaissance, la piété;
sa justice qui inspire la crainte, le repentir.
Le souvenir de Nazareth enseigne l'humilité et la douceur, l'obéissance et le travail.
La passion nous enseigne la patience et l'esprit de réparation. L'Eucharistie enseigne la charité, la vie intérieure, la reconnaissance. Le souvenir du Sacré-Cœur nous passionne d'amour pour Jésus.
Le souvenir de Marie nous rend confiants; celui du bon ange nous rend vigilants.
S. François de Sales disait: Je suis toujours prêt à dire la sainte messe, parce que je vis toujours en présence de Dieu. Je marche devant lui, je fais sa volonté en tout. Je porte la même disposition à l'autel, au lit, partout.
Le culte du Sacré-Cœur facilite en nous la vie de foi. Il nous porte à croire à l'amour et à croire avec amour.
Nous, dit S. Jean, nous croyons à l'amour que Dieu a eu pour nous (S. Jean, IV, 16).
XVIII
La pureté d'intention et la vie de prière
I. «CHERCHEZ DIEU DANS LA SIMPLICITE DE VOTRE CŒUR», dit le livre de la Sagesse (chap. I).
N. S. dit dans S. Mathieu: «Si votre oeil est simple, tout votre corps sera lumineux» (Chap. VI). Cela veut dire: si votre intention est pure, toutes vos actions seront agréables à Dieu.
Et encore: «Vous ne pouvez pas servir deux maîtres: Dieu et Mammon» (S. Mat., VI).
«Soyez simples comme des colombes» (S. Mat., X).
L'époux du Cantique disait: «Tu as blessé mon cœur par un de tes regards» (Chap. IV).
S. François de Sales assure que N. S. avait coutume de dire aux siens: «Soyez bons monnayeurs». Il fait allusion à la lettre à l'évêque de Laodicée. Si l'écu n'est pas de bon or, s'il n'a pas son poids et sa marque légitime, on le rejette comme non recevable: si une œuvre n'est de bonne espèce, si elle n'est pas ornée de charité, si l'intention n'est pas surnaturelle, elle ne sera pas reçue entre les bonnes œuvres.
La pureté d'intention ou la simplicité consiste à n'avoir qu'une intention, qui est de servir Dieu et de lui plaire.
C'est rendre les actions fort grandes que de les faire avec un grand désir de plaire à Dieu.
«Tout ce que vous faites, en paroles et en œuvres, dit S. Paul, faites-le au nom de N. S. Jésus-Christ. - Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, faites tout pour la gloire de Dieu» (Coloss., III, 17. - I Cor., X, 31).
Il faut tout rapporter à Dieu. Le monde entier le loue par l'homme qui lui sert de procureur, et l'homme par le Christ, qui est le divin mediateur. - Tout est à vous, dit S. Paul, et vous au Christ, et le Christ à Dieu (I Cor., III, 23).
Et comme c'est Dieu qui nous dirige par nos supérieurs, S. Paul nous demande la même simplicité vis-à-vis d'eux: «Obéissez-leur, dit-il, dans la simplicité de votre cœur comme au Christ» (Eph., VI).
II. LA VIE DE PRIERE ET LES ORAISONS JACULATOIRES. - «Il faut toujours prier, nous dit le Sauveur et prier sans défaillir» (S. Luc, XVIII).
Il semble faire allusion au conseil de l'Ecclésiastique: Rien ne doit vous empêcher de prier toujours (Ch. XVIII).
David avait dit: «Seigneur, j'ai crié vers vous pendant toute la journée, j'ai crié vers vous nuit et jour».
S. Paul répète: «Priez sans interruption» (I Thess., V, 17).
Il faut faire parmi la journée, dit S. François de Sales, plusieurs élancements de cœur et des oraisons jaculatoires, par lesquelles le feu de la charité s'enflamme de plus en plus et brûle comme en holocauste toutes nos actions à la gloire de Dieu.
Appliquons, dit-il, cent et cent fois le jour notre âme au divin amour, par la pratique des oraisons jaculatoires, élévations de cœur et retraites spirituelles. Ces saints exercices, jetant nos esprit en Dieu, y portent ensuite nos actions.
En cet exercice gît la grande œuvre de la dévotion (Vie dévote). Sans lui, on ne saurait faire la vie contemplative et on fait mal la vie active. L'habitude de cette pratique, c'est la vie de prière, qui nous devient comme naturelle si nous faisons bien nos exercices quotidiens. Celui qui prie bien quand c'est l'heure, à la méditation, à l'office, aux divers exercices de la journée, prend goût à la prière. Il en ressent toute la douceur et il en constate l'efficacité. Il aime la prière, il y est porté, il la formule en oraisons jaculatoires.
III. FACILITE ET PRATIQUE DE CET EXERCICE. - Ce n'est pas un exercice malaisé, dit S. François de Sales. Il se peut entrelacer en toutes nos affaires et occupations sans les incommoder. On n'y fait que de courts divertissements qui ne nuisent pas aux affaires et souvent même y aident.
Le pèlerin qui prend un peu de vin pour réjouir son cœur et rafraîchir sa bouche, bien qu'il s'arrête un peu pour cela, ne rompt pas son voyage, mais il prend des forces pur l'achever plus aisément.
Nulle compagnie ou occupation ne peut nous empêcher de parler souvent avec N. S.
Le bon Maître avait ainsi des moments de recueillement tout en marchant avec ses apôtres. «Comme il allaient à Césarée, dit S. Luc (IX, 18), Jésus allait priant et cependant ses apôtres étaient avec lui».
S. François de Sales, comme Ste Gertrude, aimait à emprunter à la
Sainte Ecriture ses oraisons jaculatoires. En voici quelques exemples:
Tuus sum ego: Je suis à vous, Seigneur (Ps. CXVIII).
Non nobis, Domine, sed nomini tuo da gloriam: Rien pour nous, tout pour votre gloire (Ps. CXIII).
- Mon bien-aimé est à moi et je suis à lui (Gant.). - Mihi vivere Christus est. Ma vie c'est le Christ (Phil).
En ces derniers temps, les souverains Pontifes ont indulgencié beaucoup d'oraisons jaculatoires:
Tout pour votre amour, ô Cœur de Jésus (300j). Cœur de Jésus, j'ai espéré en vous (id).
Aimé soit partout le Sacré-Cœur de Jésus (id).
XIX
La confiance en Dieu
La confiance dérive de la foi.
J'ai confiance en Dieu, parce que la foi me fait connaître sa bonté et sa miséricorde.
I. LA BONTE DE DIEU EST INFINIE. - Il désire que nous honorions sa bonté en nous confiant entièrement à lui. Laissera-t-il dans le besoin et la peine ceux qui lui témoignent cette confiance? «Seigneur, disait David, j'ai espéré en vous, je ne serai jamais confondu» (Ps. XXX).
Qu'est-ce qui peut nuire aux enfants de Dieu qui ont confiance en sa bonté?
- Dieu est miséricordieux.
Dieu est bon surtout pour ceux qui sont dans la misère, s'ils recourent à lui: Dives misericordiae omnibus invocatibus eum (Ps. 85).
Plus de trente psaumes chantent la miséricorde de Dieu et ils renchérissent tous les uns sur les autres:
J'ai toujours votre miséricorde devant les yeux, dit le psaume XXV: Misericordia tua ante oculos meos est.
Votre miséricorde s'élève jusqu'au ciel, dit le psaume LVI: Magnificata est usque ad coelum.
Elle est plus haute que le ciel, dit le psaume CVII: Magna est super coelos. Si un homme riche et bon a des mendiants à sa porte, quels sont ceux qu'il secourra les premiers? N'est-ce pas les plus pauvres, les plus misérables, les plus besogneux? Son regard s'arrêtera sur eux. Son cœur le conduira vers eux, il semblera oublier les autres. Dieu ne fait pas autrement.
Parce que je suis le plus misérable, j'aurai donc une confiance inébranlable. Madeleine n'avait-elle pas confiance, malgré la profondeur de sa misère?
David est éloquent dans sa confiance: «Pour le bon renom de votre miséricorde, dit-il, Seigneur, vous aurez pitié de mes péchés, qui sont énormes: Propter nomen tuum, Domine, propitiaberis peccato meo, multum est enim» (Ps. XXIV).
II. DIEU EST NOTRE PERE. - Autrement, il ne nous commanderait pas de dire: Notre Père qui êtes aux cieux. - Et qu'avez-vous à craindre, dit S. François de Sales, vous qui êtes fils d'un tel Père, sans la providence duquel pas un cheveu de votre tête ne tombera jamais? C'est une merveille qu'étant fils d'un tel Père, nous puissions avoir d'autre souci que de le bien servir et aimer.
Ayez le soin qu'il veut que vous ayez en votre personne et en votre famille et pas plus; et vous verrez qu'il aura soin de vous.
«Votre Père céleste sait ce qu'il vous faut, nous a dit N. S.: Scit Pater vester quid vobis opus sit, antequam petatis» (S. Mat., VI).
«Pense à moi, dit N. S. à Ste Catherine de Sienne, et je penserai à toi».
Un enfant qui vit auprès de son père et de sa mère n'a pas de souci de ses besoins, il sait qu'ils en auront pour lui.
III. LES MERITES DE N. S. ET LA TENDRESSE DE SON CŒUR. - La miséricorde de Dieu s'est accrue, s'il est possible, par les mérites de N. S. - Que peut-il refuser à ceux pour lesquels N. S. a offert tous ses mérites? Toutes les plaies de N. S. crient miséricorde, surtout la plaie de son Cœur.
C'est un nouvel appui pour notre confiance.
Nous avions pour base de notre confiance la bonté de Dieu. Les justes de l'Ancien Testament n'avaient que ce motif, et déjà leur confiance était admirable. Les psaumes et les prophéties chantent la miséricorde divine, que serait-ce si David et les prophètes avaient connu clairement les mérites de Jésus-Christ, qui nous donnent droit à toutes les grâces de Dieu; s'il avaient connu le Sacré-Cœur!
Dieu nous disait dans Isaïe: «Vous serez portés à la mamelle, caressés sur les genoux. Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai» (Ch. LXVI, 12).
N. S. nous a dit lui-même sa sollicitude pour les besogneux: «Ce ne sont pas, a-t-il dit, les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades: Non est opus medicus valentibus sed male habentibus» (S. Mat., IX, 12). In te, Cor Jesu, speravi4)!
Cœur de Jésus, j'ai confiance en vous! (300 j).
XX
La charité: ses formes
Il faut aller à Jésus dans la charité. Il demande nos cœurs.
S. François de Sales nous dit: L'amour divin vivant dans le Cœur de Jésus, comme en un trône royal, regarde par la fente de son côté percé tous les cœurs des enfants des hommes; car ce Cœur, étant le roi des cœurs, tient toujours les yeux sur les cœurs.
On distingue habituellement l'amour affectif, l'amour effectif et l'amour passif.
I. L'AMOUR AFFECTIF. - L'amour affectif est dans le cœur plus que dans les œuvres. On l'appelle aussi l'amour de complaisance.
L'âme aimante se complaît auprès de Dieu qui est la beauté infinie et qui nous a tant aimés; auprès de N. S. qui est si aimable! - Elle dit avec l'épouse du cantique: Mon bien-aimé est à moi et je suis à lui; - avec David: Le Seigneur est ma portion et mon héritage; c'est le Dieu de mon cœur (Ps. XV et LXXII).
David s'épanche en ces termes: Mon Dieu, dès l'aurore je suis à vous; mon âme a soif de vous et mon corps tressaille pour vous (Ps. LXII). - Et encore: «Que vos tabernacles sont aimables, Seigneur! Mon âme soupire et languit après les parvis du Seigneur. Mon cœur et ma chair tressaillent d'amour pour le Dieu vivant. Car le passereau trouve une maison et la tourterelle un nid pour y placer ses petits; vos autels sont pour moi ce nid, Seigneur tout-puissant, mon roi et mon Dieu». Un seul jour passé dans vos tabernacles vaut mieux que mille. - «J'aime mieux être le dernier dans la maison du Seigneur que d'habiter sous la tente des pécheurs» (Ps. LXXIII).
Quels admirables exemples d'amour affectif que celui de S. Jean sur la poitrine de Jésus et au Calvaire!
Sainte Madeleine aux pieds du Sauveur!
S. François s'écriant dans les rues d'Assise: L'amour n'est pas aimé!
L'amour affectif se livre à la louange du bien-aimé. Beaucoup de psaumes sont des cris de louange: Benedicam Domino… Confitebor Domino… Confitemini Domino… Exaltabo te, Deus… Exultate Deo… Laudate Dominum…
Sainte Gertrude est comme la Chérubin de la louange, elle exalte sans cesse son bien-aimé.
L'amour de complaisance et de louange conduit à l'amour de conformité. L'âme veut ressembler à son ami divin, qu'elle admire, qu'elle exalte et qu'elle regarde comme le modèle de toute beauté, de toute bonté, de toute perfection.
L'amour affectif est aussi un amour de désir. Il voudrait que N. S. fût partout aimé, loué, consolé. Il aspire après son règne universel.
Il se livre à la confiance, il s'épanche devant Dieu, avoue ses fautes et sa froideur, expose ses peines et ses épreuves.
Il est reconnaissant. Dieu nous a tant aimés! N. S. nous dit lui-même que son Père a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique pour le sauver (S. Jean, III, 16).
Il nous a aimés le premier, dit S. Jean, et il a envoyé son Fils en propitiation pour que nous vivions par lui (S. Jean, IV, 19).
Jésus nous a tant aimés!
Il m'a aimé et il s'est livré pour moi, dit S. Paul (Gal., il, 20). Comme il aimait les siens qui étaient dans le monde, il les a aimés jusqu'à la fin, dit S. Jean (S. Jean, XIII, 1).
Personne n'aime mieux que celui qui donne sa vie pour ses amis, dit encore N. S. (S. Jean, XV, 13).
Quand l'ami souffre, l'amour affectif devient la condoléance. L'âme aimante pleure ses péchés et ceux du monde, qui ont causé les souffrances du Sauveur.
Dans l'Eglise, les modèles de l'amour affectif sont, avec Marie et Joseph, avec S. Jean et les apôtres, les vierges, les anachorètes, les contemplatifs, les amis du S. Cœur, les réparateurs.
II. L'AMOUR EFFECTIF OU DE BIENVEILLANCE - se traduit davantage par l'action.
L'amour effectif nous détache de plus en plus de nous-mêmes, des créatures, des affections naturelles, des biens de la terre.
Je me donnerai et je donnerai tout, dit S. Paul: Impendam et superimpendar ipse.
L'amour effectif est généreux. Rien ne coûte à celui qui aime, dit le
Cantique: Si un homme donne tout son avoir par amour, il regarde cela comme rien.
Qui nous séparera de l'amour du Christ? dit S. Paul, Sera-ce la tribulation, l'angoisse, la faim? Nous vaincrons toutes ces difficultés pour l'amour de celui qui nous a tant aimés.
Sacrifice, labeur, zèle, ce sont les formes de l'amour effectif.
Pour l'amour de Dieu, Abraham est prêt à sacrifier Isaac, - Moïse entreprend les travaux les plus rudes. - S. Paul traverse le monde en bravant les persécutions, la flagellation, les prisons, les naufrages.
S. François-Xavier surmonte toutes les fatigues et brave tous les dangers.
Quels admirables modèles de l'amour effectif que les apôtres, les missionnaires, les hommes apostoliques!
L'âme aimante se donne à Jésus dans l'obéissance et dans l'abandon, pour qu'il fasse d'elle tout ce qu'il voudra.
Les modèles de l'amour d'obéissance et d'abandon sont les martyrs, les religieux, les âmes victimes.
III. Il y a un autre amour, l'AMOUR PASSIF. - C'est un don de Dieu, un don gratuit. Nous y reviendrons.
C'est le don d'union, le don de contemplation, le don de présence de Dieu, le don de sagesse et de piété. Il se manifeste par les fruits les meilleurs du S. Esprit, la charité, la paix et la joie.
C'est là que nous voudrions arriver. C'est le but de toute cette retraite.
Mais il ne faut jamais oublier que c'est un don gratuit. Nous pouvons et devons nous y disposer. Nous pouvons soupirer après ce don tout céleste.
Aspirez aux dons les meilleurs, dit S. Paul: Aemulamini charismata meliora. Allons jusqu'à la porte. Frappons, comme l'époux du cantique frappait à la porte de l'épouse. Demandons à entrer: Sponsus et sponsa dicunt: Veni.
XXI
Suivre Jésus en l'imitant:
Bethléem et Nazareth
Sequere me. Suivez-moi en méditant ma vie, en communiant à mes mystères.
Cette étape vers la vie d'union est appelée communément la vie illuminative.
C'est la marche vers l'union à la lumière des mystères et des exemples de N. S..
C'est à cette lumière que le beau livre de l'Imitation nous conduit à l'union avec N. S.
C'était aussi pour Marie le grand moyen de sanctification. Elle conservait soigneusement en son cœur et méditait pieusement tous les mystères de la vie du Sauveur: Maria autem conservabat omnia verba haec conferens in corde suo.
I. L'INCARNATION. - C'est le mystère de l'humilité et du sacrifice. - Oubliant sa gloire divine, dit S. Paul, le Christ s'est anéanti lui-même en prenant la forme et la nature de serviteur et en se rendant semblable aux hommes (Philip., II, 7), en attendant qu'il s'humilie davantage encore en se faisant obéissant jusqu'à la mort de la croix.
Notre orgueil demandait cette réparation.
Comment pouvons-nous après cela nous laisser aller encore à tante de fautes d'amour-propre, d'orgueil et de vanité?
Ne faites donc rien, dit S. Paul, par un esprit de contention ou de vaine gloire; mais que chacun, par humilité, croie les autres au-dessus de soi… et soyez ainsi dans les mêmes dispositions et les mêmes sentiments où a été le Christ (Ibid).
L'union du Verbe à la nature humaine dans l'incarnation divinise l'humanité. Elle est la source et le symbole de notre union à Jésus par la grâce: Consortes divinae naturae. Nous devenons ainsi participants de la nature divine par notre élévation surnaturelle. Quelle dignité! Quel privilège!
Le Cœur de Jésus enfant devient le temple de Dieu. Il est rempli d'une immensité de grâces, c'est pour les répandre sur nous: De plenitudine ejus omnes accepimus (S. Jean, 1, 16).
Dès son incarnation, Jésus commence la vie intérieure. Il aspire déjà au grand acte de notre salut, il désire le baptême de son sang. «En entrant au monde, il dit à son Père: Vous n'avez plus voulu des sacrifices et des holocaustes, alors j'ai dit: Voici que je viens pour faire votre volonté et votre loi est inscrite en mon cœur» (Ps. XXXIX). Cette loi, c'est de mourir à la place des agneaux symboliques, pour le salut du peuple.
L'occupation de Jésus dans le sein de Marie, c'est donc de s'offrir pour les quatre fins du sacrifice. - Telle devrait être aussi la pensée dominante de notre cœur.
II. NAISSANCE ET ENFANCE DU SAUVEUR. - Bethléem nous enseigne surtout le détachement et la pauvreté. «Il n'y a pas de place à l'hôtellerie». Jésus vient visiter les siens et personne ne le reçoit.
Jésus est sans paroles «infantem», il nous enseigne l'amour du silence, il continue la vie intérieure.
Il est déposé sur la paille de la crèche, il se réjouit de la pauvreté et des mépris.
Il fait appeler auprès de lui les pauvres bergers, qui reçoivent ses premières bénédictions.
Il veut cependant que sa royauté soit bientôt proclamée par les Mages. Quel contraste: c'est en apparence un petit agneau, c'est au fond le Maître du monde.
Il reçoit le beau nom de Jésus, mais il l'achète en donnant son sang à la Circoncision.
Bientôt, c'est la persécution, il faut fuir en Egypte. Les petits martyrs de Bethléem montrent quel sera le caractère historique de l'Eglise.
En Egypte, c'est la pauvreté extrême, les rebuts encore, la mendicité. La Sainte Famille est étrangère, elle n'a pas de travail, il faut solliciter des aumônes et accepter des restes.
C'est toujours le silence et la vie intérieure. C'est la docilité à la Providence.
III. NAZARETH. LA VIE CACHEE. - Jésus a six ans quand il revient à Nazareth.
C'est bien le petit agneau, doux et obéissant. Ecce agnus Dei.
Isaïe avait dit: Envoyez, Seigneur, votre Agneau pour dominer la terre (16).
Jésus nous dit: Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. Jésus est le modèle de l'esprit d'enfant, de l'esprit de docilité et de simplicité. Il nous dira plus tard: «Si vous ne devenez pas comme des petits enfants, vous n'entrerez pas au royaume des cieux» (S. Mat., XVIII). A Nazareth, c'est l'esprit de prière: prière habituelle dans la vie intérieure, prière en famille, prière à la synagogue.
A douze ans, Jésus manifeste sa sagesse au Temple. Il écoute, il interroge, il répond. Il est le modèle des écoliers, des étudiants, il leur prépare des grâces.
De 12 à 30 ans, c'est la vie cachée, vie de prière, vie de travail, vie d'obéissance.
S. Paul admire la bonne grâce du Sauveur: Apparuit gratia Dei Salvatoris nostri (Ad Tit., 2, 11). Il nous enseigne, dit-il, par son exemple à pratiquer la sobriété, la piété, la justice.
Jésus à Nazareth est un modèle pour toutes les carrières, pour toutes les conditions.
Adolescent, il grandit en âge et en sainteté.
Il travaille, il prie, il obéit: Erat subditus illis.
C'est un humble ouvrier: faber et fabei filius.
Nazareth est pour lui comme une école, un noviciat, un scolasticat.
C'est surtout une longue période de vie intérieure. Qui pourra dire la perfection de son oraison, de son union à son Père, des actes de sa vie intérieure? Mais toutes ses dispositions intérieures peuvent se résumer dans l'immolation. Il s'offre constamment à son Père pour les quatre fins du sacrifice.
Adorer, remercier, réparer et prier, c'est tout Jésus, c'est tout son cœur.
Il attend l'heure de son Père pour la consommation du sacrifice. Il s'abandonne sans réserve: «Je ne fais pas ma volonté, dit-il, mais la volonté de celui qui m'a envoyé» (S. Jean, IV, 34).
XXII
Jésus dans sa vie publique
I. LA VIE INTERIEURE - TOUJOURS. - La vie publique du Sauveur commence au Jourdain. Il demande le baptême de pénitence à Jean-Baptiste et il prie.
«Jésus priait et recevait le baptême, dit S. Luc (III, 21), et le ciel s'ouvrit et on entendit la voix du Père».
Jésus passe 40 jours à prier au désert. Il renouvelle là son oblation selon les quatre fins du sacrifice: il adore, il rend grâces, il intercède, il répare, pour tous les hommes, pour tous les siècles. Il prie particulièrement pour ses apôtres, qu'il va choisir; pour l'Eglise dont il va préparer l'institution.
Il prie toujours:
Il se retire seul sur la montagne pour prier, dit S. Mathieu (XIV, 23), et il prie jusqu'au soir.
Il monta sur une montagne pour prier seul, dit S. Luc (IX, 29) (Id., vi, 12).
Il priait toute la nuit, dit encore S. Luc (VI, 12).
Il se retirait dans un lieu désert pour prier, dit S. Marc (I, 35) et S. Luc (V, 16).
Il prie même en marchant, pendant que ses disciples le suivent (S. Luc, IX, 18)…
Ses disciples le regardent prier avec respect et ils attendent qu'il ait fini pour l'interroger (S. Luc, XI, 1).
Il prie seul, il prie avec ses disciples, il prie dans le jour et dans la nuit, dans la solitude et au Temple.
Il prie toujours. - Son Cœur est le temple où il revient sans cesse. Il conseille la prière:
S. Mat. (VI, 6). - Quand vous priez, entrez dans votre chambre et enfermez-vous pour prier votre Père en secret.
S. Marc (VI, 31). - Venez au désert pour vous reposer.
S. Luc (XVIII, 1). - Il faut toujours prier et ne pas défaillir.
S. Luc (XXI, 36). - Veillez et priez en tout temps. Il prie avant ses actions:
S. Jean (VI, 11). - Après avoir prié, il distribua le pain aux disciples. S. Mat. (XXVI, 26). - Il prie avant l'institution de l'Eucharistie.
Il prie après ses actions. Après la Cène, il formule son admirable prière d'action de grâces et d'intercession pour l'Eglise.
A la transfiguration, il prie jusqu'à l'extase.
Les quatre apôtres privilégiés représentent les religieux, les contemplatifs. Jésus les prend souvent à part pour prier.
II. ZELE ET CHARITE. - Le centre de la vie de Jésus est la vie intérieure, l'intimité avec son Père. Il y revient toujours et s'y complaît. De ce colloque intime, il va aux œuvres. - Sa prédication est puissante, parce qu'elle est l'écho de ses entretiens avec son Père. - Il porte partout la sainteté de ses exemples et la puissance de ses œuvres, parce qu'il puise toujours sa force dans son union avec son Père.
Ainsi devons-nous partir de Dieu pour aller aux choses extérieures suivant sa volonté et revenir à lui.
Quelle bonté il manifeste pour tous! Il se dévoue aux pauvres, aux enfants, aux malades.
Il a pitié de la foule. «C'est, dit-il, comme un troupeau sans pasteur». Il leur distribue le pain et les poissons.
Il a pitié des pécheurs. Il pardonne à Madeleine, à la femme adultère. Il se fatigue pour gagner la Samaritaine.
Pour porter partout ses consolations, pour multiplier les guérisons et les miracles, il parcourt la Judée, la Samarie, la Galilée, la Pérée. Il oublie ses fatigues et ses privations, il n'a pas une pierre où reposer sa tête.
III. DOUCEUR ET PATIENCE. - A Nazareth, on veut le mettre à mort, il s'échappe doucement.
A Samarie, il reproche à ses disciples leur sévérité: Vous ne savez pas, dit-il, de quel esprit vous êtes.
Pendant trois ans, il forme ses disciples, avec quelle patience et quelle condescendance!
Pendant toute une année, il supporte les critiques, les intrigues et les complots des Pharisiens.
Sa patience est comme son zèle le fruit de sa prière et de sa vie intérieure. Quand le sacrifice à accomplir est plus lourd, il prie plus longtemps pour s'y disposer. Nous le verrons à Gethsémani.
Il prie jusqu'à ce que son Cœur, ému par le désir de notre rédemption le porte à prendre sa croix avec joie, ce qu'il exprime en disant à ses apôtres: «Levez-vous et allons au-devant du traître».
XXIII
Jésus dans sa passion
I. LA CENS. - Comme Jésus avait aimé les siens, il les aima jusqu'à la fin, dit S. Jean: In finem dilexit eos.
Au Cénacle, c'est d'abord la pâque légale. Le Sauveur prie avec les apôtres. On récitait ou chantait le Psaume CXII, Laudate pueri Dominum avant le repas, avec la première partie du psaume In exitu, et le reste de ce psaume après le repas. Mais tout cela a pour lui un sens infiniment plus profond que pour les siens. Il considère la grande immolation du véritable Agneau qui va s'accomplir et la délivrance de la servitude par la rédemption.
Après la pâque, c'est le Lavement des pieds, qui prépare au festin eucharistique.
Le Cœur de Jésus est tout absorbé par ces grands mystères, que les apôtres ne comprennent pas.
Quelle humilité il témoigne en purifiant les pieds de ses apôtres!
Il prie encore avant l'institution de l'Eucharistie. Il élève ses yeux et son Cœur vers son Père et il prie.
Souvent il élevait ainsi ses regards vers le ciel pour prier rapidement (S. Jean, XI, 41 - XVII, 1).
Et pendant que saint Jean est sur son Cœur, Jésus n'a-t-il pas aussi un moment de recueillement et d'action de grâces?
Jésus institue l'Eucharistie, la communion et le S. Sacrifice. «Faites cela en mémoire de moi». Cette parole est un océan de charité. En la prononçant, Jésus fait un acte d'amour pour nous sans mesure. Pour réprandre ses grâces et les appliquer à toutes les âmes de bonne volonté, il se livre à tous et s'expose à tout.
Il obéira à tous les prêtres qui l'appelleront sur nos autels, il se donnera à tous les communiants, il demeurera dans tous nos tabernacles, il s'exposera à toutes les profanations. Il a accepté tout cela au Cénacle. Quelle bonté incompréhensible!
Après la Cène, il prie encore avec ses apôtres «hymno dicto», puis il adresse à son Père sa grande prière pour ses apôtres et pour l'Eglise:
«Mon Père, conservez-les.
Sacrifiez-les véritablement.
Je ne vous prie pas seulement pour eux, mais pour tous ceux qui croiront.
Qu'ils soient un entre eux!
Qu'ils soient un avec moi et qu'ils partagent un jour ma gloire!».
Quel contraste avec notre amour-propre et notre égoïsme!
II. GETHSEMANI. - Après cela, c'est la grande Heure Sainte. Jésus prie avec toute l'intensité possible et il demande à ses apôtres de prier avec lui.
Il prie, il prie encore, il prie trois fois longuement: Oravit secundo, oravit tertio.
Il s'offre pour le grand sacrifice. Il considère toutes les iniquités à expier et toutes les douleurs à supporter. C'est un océan de souffrances. Il accepte tout, les mépris, l'abandon, la flagellation, le crucifiement.
Il veut nous montrer que la prière est la source de toutes les énergies. Il invite ses apôtres à prier et son invitation s'adresse aussi à nous. «Veillez et priez, leur dit-il» (S. Marc, XIII, 33).
«Priez pour que vous ne succombiez pas aux tentations» (S. Luc, XXII).
Au commun des disciples, il demande moins, il les laisse se reposer: «Asseyez-vous, leur dit-il, et moi j'irai prier plus loin».
Mais à ses privilégiés, à ceux qui représentent les religieux et les contemplatifs, il demande de faire l'Heure Sainte avec lui: «Demeurez éveillés ici et priez avec moi» (S. Marc, XIV, 34).
Saurons-nous entendre son appel et résister au sommeil et à la tiédeur?
III. DOUCEUR, CHARITE, IMMOLATION. - Jésus surabonde de douceur. Il accueille doucement judas: «Ami, que venez-vous faire?». Il empêche ses apôtres de prendre sa défense; il guérit Malchus.
Au tribunal, il se tait.
Il pardonne à saint Pierre.
Au Calvaire, il prie pour ses bourreaux.
Il remet doucement son âme à son Père pour nous. C'est le grand sacrifice, le seul digne de Dieu, celui qui donnera de la valeur à tous les sacrifices figuratifs de l'ancienne loi, à tous les sacrifices eucharistiques et personnels du présent et de l'avenir.
Les paroles du Christ sur la croix sont charité et sacrifice: J'ai soif… de mourir pour vous.
A Marie: Voilà votre fils.
A S. Jean: Voilà votre mère.
Au sujet de ses bourreaux: Mon Père, pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font.
Au bon Larron: Aujourd'hui, tu seras avec moi dans le paradis. A son Père: Pourquoi m'avez-vous abandonné?
- Tout est consommé. - Je remets mon âme entre vos mains. Il aime, il expie, c'est la rédemption.
Pour nous, contemplons plus particulièrement l'ouverture du côté du Sauveur.
N. S. prépare là toute la dévotion du Sacré-Cœur. Il en réalise les figures.
- C'est la vraie source du Paradis, qui s'ouvre. C'est la porte de l'Arche qui est le refuge de ceux que Dieu veut sauver.
C'est la fente de la muraille où se retire la colombe.
C'est l'ouverture du rocher d'où Moïse fit jaillir l'eau miraculeuse. Ce coup de lance est donc un des grands mystères de la rédemption. Dieu attendait ce grand moment. Il a tout créé pour avoir le Cœur de Jésus, l'amour de Jésus et l'amour des amis du Sacré-Cœur: Hic est filius meus dilectus in quo mihi bene complacui.
XXIV
Jésus dans l'eucharistie et dans le ciel
I. LES VERTUS EUCHARISTIQUES. - On est convenu d'appeler vertus eucharistiques, certains états, certaines dispositions où le bon Maître s'est mis dans la sainte Eucharistie.
Il est certain que la vie de Jésus dans l'hostie est une vie de silence, de recueillement, d'humilité et d'obéissance.
Silence et recueillement: Jésus-hostie ne parle pas extérieurement. Il ne parle qu'à l'âme recueillie avec lui dans la vie surnaturelle. Il aime la solitude du tabernacle, il l'a voulue. Il aime le recueillement dans l'hostie et il s'y entretient avec son Père.
Humilité. elle est extrême. Jésus est encore plus anéanti dans l'hostie qu'il ne l'était dans la crèche de Bethléem. Et quelle pauvreté! Pour vêtement, l'apparence du pain; pour demeure, le pauvre tabernacle de bois de la campagne ou des missions. Avec cela, le péril de la profanation, volontaire ou accidentelle… Jésus a tout accepté par avance.
Obéissance: elle est parfaite. Le prêtre parle et Jésus descend du ciel. Dès lors, il est comme la chose du prêtre. Il se laisse porter, ranger, distribuer. Il obéit toujours. Il obéit même au profanateur qui va le ravir au tabernacle et le livrer à la profanation.
II. L'HOSTIE VIVANTE. - Cor,Jesu, hostia vivens. C'est surtout l'immolation, la vie de sacrifice qui absorbe le Cœur de Jésus dans l'hostie. Jésus est là comme victime, il y mène la vie de victime. Il s'offre à son Père pour les quatre fins du sacrifice.
Il est là, comme il est au ciel «l'Agneau immolé dès le commencement du monde».
Il renouvelle l'offrande de tous ses mystères: Memoriam fecit mirabilium suorum.
1° Cor Jesu infinite amans: Jésus-hostie est tout amour.
Il est victime d'holocauste, victime d'adoration et d'amour, tout consumé d'amour pour son Père et pour nous. Il aime son Père pour tous ceux qui ne l'aiment pas. Il nous aime sans mesure. Il nous prêche l'amour de Dieu et de notre prochain.
2° Cor Jesu semper vivens ad interpellandum pro nobis: Le Cœur eucharistique de Jésus est tout occupé à prier pour nous.
Il prie pour l'Eglise. C'est sa prière qui soutient toute la vie de l'Eglise, toute sa hiérarchie, toute son action sur les âmes. Il prie pour les vivants et pour les morts; pour les justes et pour les pécheurs;
Il prie particulièrement pour ses prêtres; Il prie pour chacun de nous.
Il nous enseigne à prier par l'exemple de sa prière continuelle.
3° Cor Jesu ab ingratis hominibus in Smo amoris sacramento dilaceratum; Le Cœur de Jésus a d'avance accepté les outrages qu'il reçoit dans l'Eucharistie, comme une passion continue et une réparation offerte quotidiennement à son Père. Il continue la grande expiation du Calvaire; il s'est soumis à toutes les humiliations, à toutes les irrévérences, à tous les outrages.
Faisons-lui réparation à notre tour. Offrons-lui nos messes réparatrices, nos communions, nos adorations réparatrices. Faisons-lui amende honorable.
Et avec lui offrons réparation à son Père. Devenons des âmes vraiment réparatrices, dans la patience, la mortification et l'immolation quotidienne.
4° Cordi Jesu et cum Corde Jesu in Eucharistia Deo Patri gratias referamus. Rendons grâces au Cœur de Jésus et avec lui à son Père. - L'action de grâces n'est pas le moindre des soucis du Cœur de Jésus dans l'Eucharistie. Il est si reconnaissant envers son Père! Il rend grâces pour lui et pour nous. - Rendons-lui grâces pour le grand don de la Rédemption, et avec lui rendons grâces à son Père.
III. DANS LE CIEL. - Au ciel, Jésus présente son sacrifice à son Père. - Comme le Grand Prêtre, dit S. Paul, portait le sang de l'agneau dans le sanctuaire, ainsi Jésus est entré au ciel pour présenter son sang a son Père (Heb., IX).
L'Agneau divin se présente toujours au ciel comme une victime sacrifiée: Vidi Agnum stantem tanquam occisum (Apoc., V).
L'Agneau conduit les choeurs de louange et d'action de grâces à son Père.
Il prie et il répare. Il plaide notre cause: Advocatum habemus (I Joan., II). Vivons autant que possible de cette vie eucharistique et céleste qui est celle du Sauveur. «Si vous êtes ressuscités avec le Christ, dit S. Paul, inquiétez-vous des choses du ciel, goûtez les choses du ciel et méprisez celles de la terre. Vous êtes morts par le baptême aux choses de la terre, votre vraie vie est cachée au ciel avec celle du Christ» (Coloss., 111, 2).
Ce qui se passe au ciel a pour nous plus d'intérêt que ce qui se passe sur la terré. C'est là-haut qu'est notre chef, notre vie, notre avocat et notre tout.
XXV
Jésus vit en nous par le Saint-Esprit
Jésus vit en nous comme dispensateur de la grâce qu'il nous a méritée. L'intermédiaire de son action en nous est le Saint-Esprit.
Il vient en nous par l'Esprit-Saint, il nous le donne, il agit en nous par lui.
L'Esprit-Saint vient demeurer en nous avec la grâce habituelle. Il vient nous visiter souvent avec la grâce actuelle et spécialement avec les grâces sacramentelles.
I. TEMOIGNAGES DE LA SAINTE ECRITURE. - S. Jean-Baptiste marque ce caractère de l'action du Sauveur: «Celui-là, dit-il, vous baptisera dans le Saint-Esprit» (S. Marc, VIII).
N. S. nous promet cette union avec l'Esprit-Saint: «Je ne vous laisserai pas orphelins… Je prierai mon Père et il vous donnera un autre consolateur, qui demeurera avec vous, l'Esprit de Vérité, que le monde ne connaît pas» (S. Jean, XIV).
- «Il me glorifiera, il vous transmettra mes enseignements, il vous suggérera ce qui est à faire, il sera mon intermédiaire auprès de vous» (S. Jean, XV, XVI).
«Nous reconnaîtrons, dit S. Jean, que nous sommes en N. S. et lui en nous, par son Esprit que nous avons reçu» (S. Jean, III, 24. - Idem, IV, 13).
Quand N. S. complète les pouvoirs sacerdotaux de ses apôtres, il leur dit: «Recevez le Saint-Esprit, les péchés seront remis à ceux à qui vous le remettrez…» (S. Jean, XX, 22).
C'est bien manifeste, c'est bien par le Saint-Esprit que N. S. vient en nous, soit dans la grâce habituelle, soit dans les grâces actuelles et sacramentelles.
C'est Jésus, c'est le Verbe incarné qui nous sanctifie, mais comme son humanité n'est pas présente en nous, c'est la divinité qui nous sanctifie et cette œuvre divine est attribuée au Saint-Esprit.
II. CARACTERE DE CETTE UNION DE NOTRE AME AVEC L'ESPRIT DE N. S. - Le Saint-Esprit devient comme la forme de notre âme, comme la vie surnaturelle de notre âme.
«L'Esprit Saint, dit S. Thomas, agit sur l'âme à la manière d'une cause formelle» (1a 2a, q. 110).
Les Pères grecs ont même des expressions qu'il faut interpréter avec discrétion. «Le chrétien, disent S. Cyrille d'Alexandrie et S. Macaire, est un composé du corps, de l'âme et du Saint-Esprit». Le Saint-Esprit devient notre vie, notre entendement, notre volonté.
Il y a en nous comme un mélange de vie divine et humaine, analogue au mélange du calice. La liturgie y fait allusion dans la prière «Deus qui humanae substantiae…». Nous demandons à Dieu de nous rendre participants de la nature divine, comme l'eau entre en participation de la nature du vin.
Il se fait, dit S. Paul, comme une diffusion de la grâce en nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous est donné (Rom., V. 5).
L'Esprit Saint s'insinue dans notre âme et la pénètre comme un ferment, dit le théologien Hurter.
C'est une onction spirituelle de nos âmes et de nos sens, un sceau divin imprimé sur nos facultés.
Nous avons été oints par Dieu et marqués du sceau de l'Esprit Saint en nos cœurs, dit S. Paul, (S. Paul aux Corinthiens, I, 13).
Vous avez reçu l'onction de l'Esprit Saint, dit S. Jean (I Joan., II, 20), gardez cette onction que vous avez reçue, et vous n'aurez pas besoin que quelqu'un vous enseigne, car cette onction vous enseignera toutes choses.
Notre privilège est donc bien grand: le Saint-Esprit est comme l'âme de notre âme, la lumière de notre intelligence, la guide de nos affections et la force de notre volonté.
III. FRUITS DE L'ONCTION DU SAINT-ESPRIT: L'ADOPTION DIVINE ET LA GRACE. - L'adoption divine n'est pas une simple adoption extérieure et légale, dit le P. Billot; c'est une adoption spéciale et une sorte de génération spirituelle. C'est un acte quasi générateur, qui nous élève au-dessus de la nature, qui nous confère la ressemblance avec Dieu et l'esprit des enfants de Dieu.
«Le Verbe incarné, dit S. Jean, a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu à ceux qui sont nés de Dieu» (S. Jean, ch. 1).
N. S. enseigne à Nicodème qu'il faut naître de nouveau (S. Jean, III, 4). Nous sommes les frères du Sauveur et les enfants de Marie.
L'onction de l'Esprit Saint, c'est la grâce. Nous la recevons par le baptême pour la 1re fois. - C'est une qualité inhérente à l'âme. Elle met en nous les vertus infuses: les trois vertus théologales qui nous attachent à Dieu, et les vertus chrétiennes qui perfectionnent les vertus naturelles, comme l'humilité, la douceur, le détachement, la modestie, la patience, la charité.
La grâce habituelle est nécessaire pour élever notre âme à l'état surnaturel et rendre nos actions méritoires.
L'Esprit Saint vient aussi constamment par la grâce actuelle, qui est toujours nécessaire pour mouvoir notre intelligence et notre volonté vers le bien.
Il vient par les grâces sacramentelles.
Celle du baptême: grâce de vie nouvelle que nous pouvons toujours mettre en œuvre avec le concours de la grâce actuelle et qui nous donne droit à recevoir des lumières et des inspirations pour mener une vie surnaturelle.
Celle de la pénitence: grâce de repentir et de conversion.
Celle de la confirmation: grâces de force et de constance, dons précieux du Saint-Esprit.
Celle de la communion: grâces d'union et de ferveur.
Celle de l'ordre: grâces pour le service de Dieu et l'édification des âmes.
Réflexions: Notre part est d'adhérer aux impressions de la grâce. L'absence de chez nous, le manque de recueillement, les troubles intérieurs et la nonchalance à régler notre intérieur sont cause que nous n'en recevons presque rien.
Nous oublions aussi d'entretenir et de nous appliquer les grâces sacramentelles.
Ps. XXIV. Docebit mites ai as suas; diriget mansuetos: Dieu enseigne et dirige ceux qui se tiennent dans le calme et la douceur.
XXVI
Les dons et les fruits du Saint-Esprit
I. LE DON SUPREME DU SAINT-ESPRIT, C'EST LA CHARITE - qu'il met en nos cœurs comme il l'a mise au Cœur de Jésus: Diffusa est chantas in cordibus nostris per Spiritum Sanctum, qui datus est nobis (Rom).
Le Saint-Esprit est amour: nécessairement en se donnant à l'âme, il y verse l'amour.
C'est une vraie amitié, une amitié filiale qu'il nous donne pour Dieu, non une amitié intéressée: In quo clamamus: Abba, Pater. (Gal., IV, 6). Nous aimons Dieu comme notre Père, et en considération de sa bonté, infiniment aimable. Nous aimons Jésus comme notre frère: Fratres mei sunt hi qui Verbum Dei audiunt et faciunt (S. Luc, VIII).
C'est une amitié réciproque: Diligentes me diligo (Prov., VIII). Une amitié déclarée: Comme mon Père m'a aimé, dit N. S., je vous aime, demeurez dans mon amour (S. Jean, XV, 9).
C'est une amitié active, agissante. Nous sommes toujours en communication avec N. S. et son Esprit. Il parle à nos cœurs par ses inspirations et par de pieux mouvements, surtout dans l'oraison, mais autant de fois que nous sommes attentifs. Il ne cesse de nous faire du bien par sa Providence, par l'Eucharistie et les sacrements. Nous lui marquons notre amour de retour par la louange, par le zèle, par l'amende honorable.
C'est un amour suprême et qui dépasse tous les autres en nos cœurs: Dilectus meus electus inter millia (Cant). C'est un amour de préférence souveraine et surnaturelle de Dieu, qui doit nous animer et nous diriger en toutes choses.
II. LES DONS. - Les dons de l'Esprit Saint ont pour but et pour effet de perfectionner en nous la charité.
La Sagesse, c'est l'amour qui savoure et goûte combien Dieu est suave, combien tout ce qui est de Dieu est aimable et bon.
L'Intelligence est l'amour attentif à pénétrer les beautés de la foi et de la Sainte Ecriture, pour mieux connaître Dieu en lui-même et en ses œuvres.
La Science, c'est le même amour qui nous tient attentifs à nous connaître nous-mêmes et les créatures pour nous faire remonter à leur auteur et mieux connaître le service que nous devons à Dieu.
Le Conseil, c'est le même amour qui nous rend soigneux et habiles pour bien choisir les moyens propres à servir Dieu saintement.
La Force, c'est l'amour qui anime le cœur pour exécuter ce que le Conseil a déterminé.
La Piété est l'amour filial qui adoucit le travail et nous fait faire volontiers et cordialement les œuvres qui plaisent à notre Père.
Trois dons perfectionnent notre entendement spéculatif ou pratique: l'Intelligence, la Science et le Conseil.
Deux dirigent la volonté: la Force qui l'aide à faire le bien et la Crainte qui la retient de faire le mal.
Deux animent le cœur: la Sagesse et la Piété, qui nous font aimer et goûter Dieu et son service.
La charité résume tous les dons comme tous les fruits.
Nous avons droit à ces dons particulièrement par le sacrement de Confirmation.
Toujours les dons de Sagesse, d'Intelligence et de Piété sont à notre disposition, pour nous former à la vie intérieure, dans l'oraison, la prière, l'office, la messe…
Le Conseil s'offre à nous dans les examens, les résolutions, l'offrande de nos actions… la Force dans les tentations et les travaux… la Science dans l'étude…
III. LES FRUITS DU SAINT-ESPRIT. - (Ad Gal., V, 22). - La charité les résume tous. S. Paul ne dit pas: «Les fruits sont la charité, etc.», mais «le fruit est la charité, etc».
Comme dans les dons du Saint-Esprit, les premiers sont les meilleurs. C'est une progression descendante.
Les quatre premiers se rapportent plus spécialement à la vie unitive: la charité, la joie, la paix, la patience.
C'est l'état d'une âme unie, qui vit dans la charité, dans la paix surnaturelle, dans l'immolation par amour.
Les quatre qui suivent se rapportent plutôt à la vie illuminative: la bénignité, la bonté, la longanimité, la mansuétude. Ce sont les vertus du Sauveur, qu'il faut contempler dans les mystères de sa vie.
Les quatre derniers se rapportent à la vie de purification: la foi, la modestie, la continence, la chasteté. Ces dispositions ramènent à Dieu le corps et l'esprit, qui s'étaient attachés aux créatures. Elles correspondent aux méditations sur les grandes vérités.
Laissons vivre en nous les dons du Cœur de Jésus. Ils nous conduisent à l'union la plus intime avec lui.
XXVII
L'action du Saint-Esprit en nous
I. L'ESPRIT-SAINT ELEVE ET DIRIGE NOS PENSEES, NOS INTENTIONS, NOS AFFECTIONS, NOS ACTIONS. - Il les rend surnaturelles et méritoires.
Tel est son but.
N. S. nous l'a promis: «Il vous enseignera et vous suggérera toutes choses» (S. Jean, XVI, 23).
Il enseigne, mais comme organe du Père et du Fils: non enim loquetur a semetipso (S. Jean, XVIII, 26).
Il inspire les résolutions à prendre.
Il nous prévient, il nous conduit par sa grâce: Deus est enim qui Opratur in aobis et celle et perficere (Philip., II, 13).
Il nous enseigne à prier: l'Esprit Saint, dit S. Paul, aide notre infirmité: car nous ne savons pas prier comme il faut; mais lui-même prie pour nous avec des gémissements inénarrables (Rom., VIII, 26).
Il nous apprend à aimer: c'est en lui que nous crions: Mon Père, mon Père. (Rom., VIII, 15).
Il nous apprend à agir: Il vous suggérera toutes choses (S. Jean, XVI, 23). Il opere en vous la volonté et l'action: Operatur in aobis et celle et perficere (Philip., II, 13).
II. SES MOYENS D'ACTION. - Son action comprend des lumières, des attraits, des reproches.
A. Des lumières ou connaissances.
Lumière intérieure: c'est comme une projection électrique, qui éclaire un point obscur.
Une vérité se manifeste: un mystère s'illumine avec son sens mystique et ses applications.
Ex.: S. Augustin, lisant la vie de S. Antoine, comprend d'une manière saisissante l'importance de la sanctification et la honte de sa vie.
S. François d'Assise, entendant prêcher ces paroles: Vends ce que tu as et donne-le aux pauvres, comprend la beauté surnaturelle du détachement et de la pauvreté.
S. François-Xavier, entendant répéter cette parole: Que sert à l'homme de gagner l'Univers? comprend la vanité des biens de ce monde. Ces lumières se rapportent ou à une vérité spéculative, ou à une direction pratique.
B. Des attraits, ou motions,
pour nous exciter à la vertu, aux bonnes résolutions, à l'amour de N. S..
L'épouse du Cantique s'écrie: Mon âme s'est liquéfiée quand mon bien-aimé a parlé (Gant., V).
Les disciples d'Emmaüs disaient: Notre cœur était brûlant pendant qu'il nous parlait (S. Luc, XXIV).
Les apôtres sont gagnés par un regard, par un mot de N. S.: Sequere me. Leur cœur recevait en même temps un attrait surnaturel. Il en est de même de Zachée et des disciples.
C. Des remords ou reproches.
Rappelons-nous le colloque de N. S. avec la Samaritaine; elle recevait en même temps une grâce de remords, pendant qu'il lui rappelait ses fautes. Il en fut de même des entretiens de N. S. avec Madeleine, de son regard à Zachée et à saint Pierre.
III. SES PROCEDES ET SES PROGRES. - Comme l'époux du Cantique, N. S. vient le plus souvent à l'âme qui est calme, paisible et recueillie: «Je dors, mais mon cœur veille», dit l'épouse. Ces paroles indiquent son calme et sa prière.
L'époux vient, il frappe doucement à la porte, il parle: «Ouvre-moi, ma soeur, ma chevelure est toute humide de rosée. - Viens dans mon jardin…». Il sollicite, il encourage, il promet: «Mon âme, dit l'épouse, se liquéfiait ou s'attendrissait, pendant qu'il parlait».
L'action du Saint-Esprit a trois degrés, comme celle du démon: l'inspiration, la délectation et le consentement.
N. S. interprète dans ce sens le passage du Cantique, dans la lettre de l'Apocalypse à l'évêque de Laodicée: «Je suis à la porte, dit-il, je frappe; si quelqu'un écoute ma voix, s'il m'ouvre, j'entrerai, je souperai avec lui et lui avec moi». Ce sont les degrés de la grâce et les étapes de la coopération.
Parfois, c'est un coup violent, un coup de grâce, comme la conversion de S. Paul à Damas.
Le plus souvent, le Saint-Esprit procède doucement et progressivement, comme l'ange Raphaël auprès de Tobie. Il propose, il accompagne, il instruit, il préserve des périls du chemin, il ramène, il console, il guérit…
Les âmes simples comme Tobie correspondent à la grâce. Mais combien restent sourdes aux sollicitations de l'époux!
Il faut du recueillement, de la vigilance, de la docilité. - Il faut commencer par faire ce qui nous est connu, pour recevoir de nouvelles inspirations.
J'écouterai, dit David, ce que le Seigneur dit en moi: Audiam quid loquatur in me Dominus. Ps. LXXXIV.
Seigneur, inclinez mon cœur à la docilité: Inclina cor meum in testimonia tua. Ps. CXVIII.
XXVIII
La conduite du Saint-Esprit
I. NATURE DE CETTE CONDUITE. - Le Saint-Esprit est en nous comme l'âme de notre âme, le principe inspirateur de toutes nos bonnes pensées, l'excitateur de tous nos bons désirs, l'exécuteur avec nous de toutes nos bonnes œuvres.
C'est ce que nous demandons à N. S. par la prière si connue: Actiones nostras, quaesumus Domine, aspirando praeveni et adjuvando prosequere ut cuncta nostra oratio et operatio a te semper incipiat et per te caepta finiatur: Donneznous, Seigneur, pour toutes nos actions, votre grâce prévenante et concomitante (Litanies des Saints).
N. S. nous a laissé le Saint-Esprit comme guide, comme précepteur, comme auxiliaire divin.
Nous ne pouvons rien sans lui: Personne ne peut dire avec piété: «Seigneur, Jésus», sinon dans le Saint-Esprit (I Cor., XII, 3).
Il est notre lumière dans les doutes, notre force dans les tentations et dans l'action, notre consolation dans nos peines, notre inspiration dans la prière.
Suggeret vobis omnia (S. Jean, XIV). Qui spiritu Dei aguntur, ii sunt filii Dei (Rom., VIII, 14).
Quand une âme s'est abandonnée à la conduite du Saint-Esprit, il l'élève peu à peu et la gouverne. Au commencement, elle ne sait où elle va, mais peu à peu la lumière intérieure l'éclaire et lui fait voir toutes ses actions; de sorte qu'elle n'a presque pas autre chose à faire que de laisser faire Dieu en elle et par elle ce qu'il lui plaît: ainsi elle avance merveilleusement (P. Lallemant).
II. UTILITE, NECESSITE. - Credo in Spiritum sanctum vivificantem: Je crois au Saint-Esprit qui donne la vie.
L'Esprit Saint, c'est la vie. La conduite de l'Esprit Saint, c'est la vie féconde, c'est la sécurité du salut, c'est la voie de la perfection, c'est l'union à Jésus.
Suivre l'Esprit Saint, c'est suivre Jésus.
La direction de l'Esprit Saint féconde toutes nos œuvres.
«Ne soyez pas imprudents, dit S. Paul, mais appliquez-vous à comprendre la volonté de Dieu. Soyez remplis de l'Esprit Saint: Implemint Spiritu Sancto» (Eph., V).
Nous devons tendre à être totalement possédés et gouvernés par le Saint-Esprit, pour que Jésus seul vive en nous: «Les fils de Dieu sont conduits par l'Esprit de Dieu» (Rom., VIII). «Si nous vivons de l'Esprit, marchons dans les voies de l'Esprit: Spiritu et ambulemus» (Gal., V, 25).
Peu de personnes parviennent aux grâces que Dieu leur avait destinées, pare qu'elles ne suivent pas cette conduite.
Combien nous avons encore de vie personnelle: désirs naturels, amertumes sensibles, attaches, négligences; cela retarde l'établissement du règne de J. C. en nous. «N'attristez pas l'Esprit Saint» (Eph., IV, 30). «N'éteignez pas l'Esprit de Dieu» (I Thess., V, 19).
De deux personnes qui commencent ensemble, si l'une se donne toute entière aux bonnes œuvres, et l'autre s'applique à purifier son cœur et à retrancher ce qui s'oppose à la grâce, celle-ci arrivera deux fois plus vite à la perfection.
Il y a peu d'âmes parfaites parce qu'il y en a peu qui suivent la conduite du Saint-Esprit. Même la plupart des religieux, dit le P. Lallemant, ne prennent conseil ordinairement que de la raison et du bon sens. Cette règle ne suffit pas, la sagesse naturelle est imparfaite.
Objection: Plusieurs se plaignent qu'ils n'ont pas cette conduite et ne la peuvent connaître.
Réponse. Les lumières et inspirations qui sont nécessaires pour faire le bien et pour éviter le mal ne manquent jamais.
Ceux qui se plaignent ainsi ne sont pas recueillis. Ils ne prient pas bien. Ils sont agités, dissipés et ne connaissent pas même leurs péchés intérieurs.
Le sage disait: «J'ai désiré, j'ai prié et l'intelligence m'a été donnée. Optavi et datus est mihi sensus» (Sap., VII, 7).
Dieu a dit par le prophète Zacharie: «Au temps du Rédempteur je verserai sur les hommes l'esprit de grâce et de prière» (XII).
III. DE LA DOCILITE A LA CONDUITE DU SAINT-ESPRIT. - 1re règle: Obéir fidèlement aux volontés de Dieu déjà connues, Dieu nous aidera à nous élever plus haut.
2e Désirer les lumières du Saint-Esprit, les demander dans la prière, les chercher paisiblement en tous nos exercices, oraisons, lectures, etc. Veni Sancte Spiritus…
3e Nous lier et nous tenir attachés au Saint-Esprit, comme S. Paul, qui disait aux prêtres d'Ephèse: «Etant lié per le Saint-Esprit, je vais à Jérusalem».
4e Si nous n'avons pas de nouvelles lumières, continuons à faire ce que nous avons coutume de faire.
5e Observer les mouvements de notre âme, pour reconnaître ce qui est de Dieu et ce qui n'en est pas.
1. Le bon esprit propose tout ce qui détourne du péché, les pensées de foi, la présence de Dieu, le souvenir des fins dernières, le repentir.
2. Il encourage, il console, il s'annonce par la douceur et la paix dans une âme qui tend à devenir meilleure.
3. On appelle consolation toute joie qui nous affectionne à l'oraison, à la prière; tout accroissement de foi, d'espérance et de charité; tout ce qui nous fait aimer Dieu et N. S. et sa Sainte Mère.
4. Le bon esprit, c'est ce que S. Paul appelle l'esprit nouveau, le sens nouveau, par opposition à l'esprit charnel et terrestre.
«Nous avons le sens du Christ, dit-il aux Corinthiens: Nos autem sensum Christi habemus» (I Cor., II, 16).
«Ceux qui vivent selon l'esprit, sentent ce qui est de l'esprit, dit-il aux Romains» (VIII, 8), et encore: «Vivez selon le sens nouveau que vous avez reçu: Renovamini in novitate sensus vestri» (XII).
XXIX
La vie de Jésus en nous s'accroît
par l'exercice de la foi et de la charité
et spécialement par l'eucharistie
I. L'HOMME SPIRITUEL DOIT CROITRE EN NOUS. - Il naît en nous par le baptême;
il respire par la prière;
il est vêtu par l'Esprit Saint qui le revêt des vertus de J. C.;
il se nourrit par la vie de foi, par l'exercice de la charité et par l'Eucharistie.
Les apôtres nous exhortent à rechercher cette croissance, ils la demandent pour nous à Dieu.
«Croissons de toute manière, dit S. Paul, en celui qui est notre chef, le Christ» (Eph., IV, 17).
«Je prie Dieu, le Père de J. C., dit-il, et votre père, pour qu'il vous fasse croître dans la vertu et dans la vie intérieure par l'Esprit Saint, pour que le Christ habite par la foi dans vos cœurs et que vous soyez remplis en toute plénitude de Dieu» (Eph., III, 14).
«Vous êtes bâtis sur la pierre angulaire Jésus-Christ, sur lequel doit s'élever tout le temple spirituel, et vous, élevez-vous aussi comme la maison de Dieu dans l'Esprit Saint» (Eph., II, 22).
«Grandissons en nous avançant vers la perfection: donec occurramus in virum perfectum» (Eph., IV, 13).
«Que la grâce et la paix se multiplient en vous», dit S. Pierre (I Pet., I, 2). «Que la grâce et la paix vous remplissent de la connaissance de Dieu et de N. S.» (II. Pet., I).
«Croissez en grâce et dans la plénitude de Dieu» (II Pet., III, 18). L'apôtre S. Jacques nous fait le même souhait: «Que la miséricorde, la paix et la charité croissent en vous jusqu'à la plénitude» (S. Jacques, I). Jésus veut croître en nous, en son corps mystique, comme il croissait dans sa vie mortelle: Jésus proficiebat aetate et sapientia et gratia, apud Deum, et homines (S. Luc, II, 12).
II. CETTE VIE DE JÉSUS EN NOUS S'ACCROIT PAR LA VIE DE FOI, PAR L'EXERCICE DE LA CHARITE ET PAR LES ŒUVRES.
«Je suis le pain de vie, dit Jésus, celui qui croit en moi a la vie éternelle» (S. Jean, IV, 47).
«Je suis venu pour qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient de plus en plus abondante», dit-il (S. Jean, X).
«Celui qui s'exerce à la foi, arrivera à une source débordante comme une source d'eau vive: flumina de ventre ejus fluent aquae vive» (S. Jean, VII, 38). «Je demande à Dieu que le Christ habite en vos cœurs par la foi» (Eph., III, 14).
Nous excitons notre foi par le recueillement, par la présence de Dieu, par l'oraison, par toutes les pensées de la foi.
«Celui qui s'applique à mes commandements et qui les observe, dit N. S., c'est celui-là qui m'aime. Parce qu'il m'aime, il observera ma parole, et mon Père l'aimera, et nous viendrons demeurer en lui: apud eum veniemus» (S. Jean, XIV, 21).
En pratique, tâchons d'établir la tendance habituelle de toutes les puissances de notre âme vers Dieu; de former en nous une habitude d'esprit de foi et de charité pures, et d'adhérer pratiquement à tout ce qui est agréable à Dieu.
Combien la dévotion au Sacré-Cœur y aidera!
III. L'HOMME SPIRITUELLE S'ACCROIT EN NOUS SPECIALEMENT PAR L'EUCHARISTIE. - Chaque sacrement opere ce qu'il signifie.
Le baptême a pour signe la purification par l'eau, il lave nos âmes de leurs fautes.
La confirmation a deux signes: l'onction des athlètes, signe de force et la transmission du Saint-Esprit par l'imposition des mains.
La pénitence est un jugement d'acquittement.
L'extrême-onction, c'est l'onction du malade pour le fortifier et le guérir.
Le mariage est un contrat d'union.
L'ordre est une transmission de grâces et de pouvoirs par l'imposition des mains et la tradition des objets sacrés.
La communion a deux significations: alimentation et union. - C'est un repas spirituel pour développer en nous la vie «jusqu'à l'homme parfait». - Elle augmente en nous la vie. Jésus nous a dit: «Je suis le pain de vie; le pain qui est descendu du ciel donne la vie au monde» (S. Jean, VI).
L'âme devient plus forte.
Tel Elie, fuyant Jézabel, après avoir mangé d'un pain mystérieux qui symbolisait l'Eucharistie, marcha 40 jours et 40 nuits sans autre nourriture, jusqu'au mont Horeb.
Tels les martyrs avant les supplices.
On leur donnait l'Eucharistie pour les soutenir. Le jeune Tharcis y puisait son admirable héroïsme. S. Ignace d'Antioche était tout de flamme pour être broyé par les lions comme un froment eucharistique.
L'âme fortifiée par l'Eucharistie a plus de lumières. L'Evangile dit que les disciples d'Emmaüs eurent les yeux ouverts après qu'ils eurent communié à la fraction du pain.
Elle a plus de ferveur. Que de Saints ont donné des signes extraordinaires de leur ferveur après la communion.
S. Philippe de Néri a ses côtes soulevées. S. Paul de la Croix également.
S. Alphonse de Liguori a des extases à l'autel. S. Louis de Gonzague a le visage rayonnant.
Ste Catherine de Sienne est toute haletante du désir de communier. Elle vit de la seule communion pendant des années; de notre temps, les mêmes faits se sont reproduits dans la vie de certaines âmes privilégiées. L'Eucharistie est vraiment le grand don du Cœur de Jésus.
La communion spirituelle avec Jésus, par l'adoration, la visite, ou même le souvenir de l'Eucharistie est un aliment spirituel qui nourrit en nous la vie spirituelle.
XXX
Le Cœur de Jésus est la source et le lieu
de notre union avec lui
Le Cœur de Jésus peut s'entendre:
1) De son cœur de chair. En ce sens, il nous a donné par son sang la grâce de l'union et il nous la transmet par l'Eucharistie.
2) De son cœur moral, c'est-à-dire de ses affections, divines et humaines. En ce sens, le Cœur de Jésus est, par ses mérites, la source du salut; et par sa volonté, le dispensateur de la grâce… Et il est le lieu de son union avec nous, puisque c'est en ce divin Cœur que nous pouvons considérer ses pensées, ses affections, ses intentions, ses vertus, ses joies et ses douleurs, pour nous y unir. C'est là qu'est le trésor des hommages, mérites et satisfactions que nous pouvons offrir à son Père. C'est là qu'est le tribunal de grâce où nous pouvons porter nos suppliques.
I. LE CŒUR DE JÉSUS, SOURCE DE VIE ET D'UNION DANS LE SYMBOLE DE LA VIGNE. - «Je suis la vigne et vous êtes les branches», a dit N. S. C'est vraiment un symbole du Sacré-Cœur en nous. La plante a une sorte de cœur, le nœud de la racine; c'est par là qu'elle puise la sève dans le sol et qu'elle l'envoie dans les branches.
Le cœur de la plante est comme la source de la vie, il distribue la sève qui fait croître les fleurs et mûrir les fruits.
Mais la condition de cette vie végétale, c'est l'union. «Demeurez en moi et moi en vous, dit Jésus. Comme le rameau ne peut pas donner de fruits par lui-même, s'il n'est pas uni à la vigne, ainsi vous ne pouvez pas donner de fruits, si vous n'êtes pas unis à moi».
Nous devons être unis au Cœur de Jésus, c'est la source de notre fécondité en vertus et en bonnes œuvres.
II. LE CŒUR DE JÉSUS SOURCE D'UNION, d'après les enseignements de S. Paul sur le corps mystique du Sauveur.
Dans le corps mystique de l'Eglise, S. Paul nous dit que le Christ est la
tête de l'homme, Dieu est la tête du Christ» (I Cor., XI, 3).
«L'homme est la tête de la femme, comme le Christ est la tête de l'Eglise» (Eph., V, 23).
«Le Fils est la tête du corps de l'Eglise» (Col., I, 18). «Dieu l'a donné pour tête à toute l'Eglise» (Eph., I, 23).
«Le Christ est la tête, de laquelle vient tout accroissement au corps de l'Eglise qui lui est uni par toutes ses jointures» (Eph., IV, 16). «Croissons dans le Christ qui est notre tête» (Eph., IV, 5).
En tous ces textes, la tête est un symbole, c'est l'âme, le cœur spirituel, l'intérieur de Jésus: ses pensées, ses grâces, ses mérites, ses volontés. Et quand S. Paul nous dit que le corps s'accroît par l'influence de la tête, il faut entendre par là le cœur moral de Jésus, qui fait croître en nous l'union avec lui par ses mérites et par ses grâces.
Le Concile de Trente confirme cette interprétation en unissant les deux symboles de la tête et de la vigne: «Le Christ Jésus, comme la tête dans les membres et comme la vigne dans les branches, répand sans cesse sa vertu dans les justes: in justificatos Jugiter virtutem influit» (Sess. VI, chap. XVI).
Expliquons la doctrine de S. Paul par quelques témoignages de S. Augustin, de S. Thomas, du P. Saint Jure, du P. Jean-Eudes.
«Le corps du Christ, dit S. Augustin, ne peut vivre que de l'esprit du Christ. Admirez: nous sommes devenus le Christ, puisqu'il est devenu la tête et nous les membres. Lui et nous ne formons donc qu'un corps ou qu'un homme: totus ille homo et nos» (Traité 26 in Joan).
«La tête, dit S. Thomas d'Aquin, parlant du texte de S. Paul, est la source de la force vitale et du mouvement des autres membres: Caput est virtus et motus caeterorum membrorum».
«L'Eglise étant un corps vivant, dit le Père Saint Jure, il faut qu'elle ait une âme qui la fasse vivre, laquelle ne peut être que J. C. et son esprit».
«Le Cœur de Jésus, dit le P. Jean-Eudes, est le principe de la vie de l'homme-Dieu, soit en lui-même, soit en son corps mystique qui est l'Eglise. - De son Cœur matériel comme d'une source vivifiante, se répand dans tout son corps le sang qui le vivifie».
Son Cœur spirituel, c'est-à-dire son âme sainte, unie personnellement au verbe et conduite par l'Esprit Saint, est le principe de sa vie spirituelle et morale, la source de toutes ses saintes pensées, affections et volontés.
Il est aussi le principe de la vie spirituelle et surnaturelle de tous les enfants de Dieu, de tout le corps mystique du Sauveur.
Cette vie est comme une expansion, un épanouissement de la vie du Sauveur. La vie du chef descend dans les membres. Le Cœur spirituel de Jésus est le principe de tout ce qu'il y a en nous de bonnes pensées, de bons sentiments et d'actions méritoires.
III. LE LIEU DE NOTRE UNION AVEC N. S. - C'est le Cœur de Jésus qui est le lieu le plus favorable à l'union avec N. S.
C'est en son Cœur que nous lisons ses sentiments, ses dispositions, ses actes intérieurs, ses vertus. C'est là que nous trouvons ses mérites et ses sacrifices pour les offrir à son Père. - S. Paul disait: Formez en vous les sentiments du Christ Jésus (Phil., II, 5).
S. Augustin nous invitait à entrer dans le Cœur de Jésus ouvert par la lance.
S. Bernard et S. Bonaventure nous invitent à y vivre, à y établir notre demeure.
Mais sainte Gertrude et Marguerite-Marie surtout nous font vivre en ce Cœur comme dans un sanctuaire, pour prier et offrir nos sacrifices; comme dans un lieu de refuge, pour échapper aux tentations et recevoir des encouragements; dans l'école du pur amour et de toutes les vertus, pour nous instruire et pour agir.
L'Imitation de J. C. nous donne les mêmes conseils (liv. II, ch. I, vers 4-6). «Que sans cesse votre pensée monte vers le Très-Haut et votre prière vers J. C.
«Si vous ne savez pas encore vous élever en contemplations célestes, reponez-vous dans la passion du Sauveur, et aimez à demeurer dans ses plaies sacrées. - Car si vous vous réfugiez avec amour dans ces plaies et ces précieux stigmates, vous sentirez une grande force au temps de la tribulation; vous vous inquiéterez peu du mépris des hommes (et des autres épreuves). Souffrez avec J. C. et pour J. C., si vous voulez régner avec J. C. - Si une seule fois vous étiez allé bien avant dans le Cœur de Jésus, et que vous eussiez ressenti quelque mouvement de son amour, que vous auriez peu de souci de ce qui peut vous contrarier ou vous plaire sur la terre… Celui qui aime Jésus et qui est vraiment intérieur et dégagé de toute affection déréglée, peut librement s'approcher de Dieu et s'élevant en esprit au-dessus de soi-même, se reposer en lui par une jouissance anticipée…».
Le Cœur de Jésus est donc un lieu de refuge, une source de force et d'amour; un livre où s'enseigne la vertu, la patience, le sacrifice; un lieu de consolation et de joie et comme un paradis anticipé.
XXXI
Alliance de la vie active
et de la vie contemplative
N. S. nous a lui-même enseigné la nécessité de l'union avec lui pour porter des fruits de vertu et d'apostolat: «Sans moi, vous ne pouvez rien faire» (S. Jean, XV).
- Je suis la vigne et vous êtes les branches. Celui qui demeure en moi et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruits (Ib).
- Si vous demeurez en moi et si mes paroles demeurent en vous, tout ce que vous désirerez et demanderez, vous l'obtiendrez (Ib). Demandons le commentaire de ces paroles à quelques maîtres de la vie spirituelle, au P. Lallemant, à l'Imitation au Ven. P. Libermann.
I. LE P. LALLEMANT, S. J. - La contemplation est nécessaire pour la vie apostolique, bien loin de lui être opposée.
La contemplation n'empêche pas le zèle des âmes, au contraire elle l'augmente par trois considérations qu'elle fait vivement pénétrer.
La première est le prix des âmes et leur dignité: Les âmes sont capables de posséder Dieu, et en cette vue il n'y en a pas une qui ne soit incomparablement plus précieuse que le ciel et la terre avec leur grandeurs et leurs richesses.
La seconde est le désir qu'a N. S. de gagner les âmes. - Les âmes appartiennent au Fils de Dieu; il a donné sa vie pour les racheter, il les a lavées dans son sang. Ces âmes étant son héritage et son royaume, il n'y a pas de travaux qu'il ne faille entreprendre, ni de peines qu'il ne faille souffrir pour leur salut et pour leur avancement.
La troisième est l'état d'une âme dans le péché: combien cette âme est malheureuse et proche de l'enfer!
Ces considérations faisaient souhaiter à Saint Paul d'être anathème pour ses frères, et à plusieurs Saints de souffrir ce que Dieu voudrait pour le salut des âmes: c'étaient là les sentiments de sainte Catherine de Sienne, de Marguerite-Marie.
- Sans la contemplation, on n'avancera jamais beaucoup dans la vertu et l'on ne sera jamais bien propre à y faire avancer les autres. - On ne sortira jamais de ses faiblesses et de ses imperfections. On sera toujours attaché à la terre et on ne s'élèvera jamais beaucoup audessus des sentiments de la nature. Jamais on ne pourra rendre à Dieu un service parfait. - Mais avec elle, on fera plus pour soi et pour les autres en un mois, qu'on ne ferait sans elle en dix ans. Elle produit des actes excellents et dégagés des impuretés de la nature, des actes d'amour de Dieu très sublimes, qu'on ne fait que très rarement sans ce don, et enfin elle perfectionne la foi et toutes les vertus, les élevant au plus haut degré où elles peuvent monter…
On obtient tout de Dieu et on a une grande action sur les âmes. L'âme contemplative, dit le Psaume Ier, celle qui médite jour et nuit, est comme un arbre planté le long des eaux, qui donne des fruits en son temps.
II. TEMOIGNAGE DE L'IMITATION. - Conditions de l'union (Liv. 2, chap. I, vers 7).
Un homme intérieur se recueille facilement, parce qu'il ne se répand jamais tout entier au dehors. Les travaux extérieurs, les travaux nécessaires en certains temps ne le troublent pas; mais il se prête aux choses selon qu'elles arrivent. l'on n'a de distractions et d'obstacles qu'autant que l'on s'en crée soi-même.
Il faut d'ailleurs au commencement de cet état n'aller aux œuvres que prudemment, selon l'obéissance, l'esprit étant encore occupé à se purifier et à régler ses voies pour marcher toujours devant Dieu.
Encore l'Imitation: Liv. 1, ch. XV.
Aucune œuvre extérieure ne sert sans la charité; mais tout ce qui se fait par la charité, quelque petit ou quelque vil qu'il soit, produit des fruits abondants. Car Dieu regarde moins à l'action qu'au motif qui fait agir. Celui-là fait beaucoup qui aime beaucoup. Celui-là fait beaucoup qui fait bien ce qu'il fait.
III. TEMOIGNAGE DU P. LIBERMANN. - Ecrits spirituels, p. 114. Une âme unie à Dieu dans ses habitudes pratiques, reçoit avec abondance les grâces qui conviennent à son état, et les dons spéciaux du Saint Esprit dans l'ordre de sa vocation, suivant les desseins de Dieu sur elle. - «Je suis venu apporter le feu sur la terre». - Voulant produire cet incendie, Dieu mettra nécessairement des torches ardentes dans les mains de ceux qu'il charge de l'allumer.
«Dans la méditation le feu s'allume» (Ps. XXXVIII).
Pourquoi donc y a-t-il si peu de ces saints incendiaires? C'est qu'il y a peu de Saints, peu d'âmes unies à Dieu dans les habitudes pratiques de la vie. Leurs torches sont donc condamnées à rester éteintes; elles produisent à peine une lueur passagère. C'est-à-dire que ceux qui sont choisis pour être les hommes de Dieu, les apôtres de J. C., restant amateurs d'eux-mêmes, hommes de la terre, obéissant à leur orgueil, à leurs sens, à leurs faiblesses et à leurs défauts, la grâce sanctifiante reçue dans le sacerdoce ne se développe pas en eux; les dons du Saint-Esprit leur sont nécessairement refusés; les desseins de Dieu sont avortés; les peuples restent dans les ténèbres et l'esclavage, les démons se réjouissent, et N. S. est dans la tristesse…
Quel bonheur ce serait, pour les âmes qui nous sont confiées, si les missionnaires étaient unis à Dieu!
XXXII
Les divers modes d'union avec N. S.: l'inhabitation
Il ne s'agit pas ici de l'omniprésence de Dieu, mais d'une habitation spéciale, l'habitation de grâce.
Après que l'âme s'est appliquée assez long-temps à la pureté du cœur, quand Dieu vient à entrer en elle et à s'y montrer ouvertement par le don de sa sainte présence, qui est le commencement de ses dons surnaturels et le commencement de la contemplation, l'âme se trouve si charmée de ce nouvel état, qu'il lui semble qu'elle n'avait encore jamais connu ni aimé Dieu. Elle s'étonne de l'aveuglement et de la stupidité des hommes; elle déplore les pertes qu'elle a faites par sa lâcheté; elle estime qu'elle ne fait que commencer à vivre.
(P. Lallemant).
I. DIEU OU LA SAINTE TRINITE EN NOUS. - Promesse de N. S.: si quelqu'un m'aime et garde ma parole, mon Père l'aimera et nous viendrons à lui et nous demeurerons en lui (S. Jean, XIV, 23). Enseignements de S. Jean.
(S. Jean, IV, 15). Celui qui confesse que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui et lui en Dieu. Ire condition: la vie de foi.
(S. Jean, IV, 16). Celui qui demeure dans la charité, demeure en Dieu et Dieu en lui.
Deuxième condition: l'exercice de la charité.
(S. Jean, IV, 12). Si nous nous aimons mutuellement, Dieu demeure en nous.
Troisième condition: la charité pour le prochain, le zèle pour les âmes.
S. Paul dit à son tour: Ignorez-vous que vous êtes le temple saint du Dieu vivant? (I Cor., III, 16).
Dans notre cœur qui est ce temple, Dieu veut un culte d'adoration, de prière, de réparation.
II. LE CHRIST EN NOUS. - Jésus nous veut présents avec lui en nos cœurs: «Demeurez en moi et moi en vous» (S. Jean XVII).
A cette condition, dit-il, vous porterez des fruits.
Il demeure en nous pour nous guider, nous diriger. Il n'est pas une idole muette, il est en nous un précepteur, un chef, il est notre vie. Il est bien clair cependant que la Divinité seule est en nous, mais le Christ dirige son action, comme chef et médiateur de l'Eglise.
Le Christ habite en vous par la vie de foi, dit S. Paul (Eph., III, 14). Celui qui observe les commandements du Christ, dit S. Jean, demeure dans le Christ et le Christ en lui (S. Jean, III, 24).
C'est bien le Christ qui vit en nous, qui nous sanctifie, qui nous guide, mais par l'action de la divinité, et l'œuvre de notre sanctification est attribuée au Saint-Esprit, bien que l'action divine soit une.
III. LE SAINT-ESPRIT EN NOUS. - N. S. l'a promis: Je prierai mon Père et il vous donnera un autre consolateur pour qu'il demeure en vous pour toujours… il sera en vous et il y demeurera (S. Jean, XIV, 16). Enseignements de S. Paul.
«Ne savez-vous pas que l'Esprit de Dieu habite en vous?» (I Cor., III, 16).
«Vos membres sont le temple du Saint-Esprit» (I Cor., VIII, 19).
«Si l'Esprit Saint habite en vous, il vivifiera même vos corps» (Rom., VIII, 11).
«Vous n'êtes pas des hôtes et des étrangers, mais les concitoyens des Saints et les familiers de Dieu, fondés sur la pierre angulaire qui est le Christ, dans le quel vous êtes devenus la maison de Dieu dans le Saint-Esprit» (Eph., III, 22). Ce texte nous montre la source de la grâce qui est le Christ, et l'habitation de Dieu en nous avec l'action spéciale du Saint-Esprit.
«L'Esprit Saint, dit S. Jacques, habite en vous comme un maître jaloux, il ne veut pas de partage: Ad invidiam concupiscit Spiritus qui habitat in vobis» (S. Jac., IV, 5).
Bernardin de Picquigny nous dicte nos résolutions en commentant le chap. III aux Ephésiens.
Apprenez qui est l'homme vraiment spirituel et intérieur. C'est celui dont l'âme est le Saint-Esprit; dont la lumière est une foi vive; dont le cœur et la vie sont la charité, dont le Christ est l'hôte, dont Dieu est le Père.
Apprenez à désirer et à prier que Dieu vous donne la grâce d'être fortifié intérieurement par une foi vive, par une charité opérante, par la venue du Saint-Esprit, par l'union continuelle avec le Christ, par l'inhabitation et la demeure de toute la divinité en votre âme.
Notre corps même et nos membres doivent porter l'empreinte de Dieu par la modestie et la pureté.
XXXIII
L'amitié avec N. S.
I. IL Y A UNE AMITIÉ GENERALE DE DIEU POUR LES AMES JUSTES ET CHRÉTIENNES. - La Sagesse divine exprime déjà cette amitié dans l'ancien Testament:
«Mes délices sont d'être avec les enfants des hommes» (Prov., VIII, 31). - J'aime ceux qui m'aiment, et ceux qui veillent à ma recherche dès le matin me trouveront» (Prov., VIII, 17).
Cette union de la Sagesse et de l'âme doit même s'entendre, au sens intégral, du don de sagesse et de l'union contemplative.
Le Christ est venu faciliter cette amitié par la rédemption.
Il nous rappelle lui-même l'amitié de son Père et la sienne pour nous. «Dieu a tant aimé le monde, dit-il, qu'il a donné son Fils unique pour lui» (S. Jean, III, 16).
«Comme mon Père m'a aimé, dit-il encore, je vous aime, demeurez dans mon amitié» (S. Jean, XV, 9).
S. Paul nous redit cette amitié:
«A cause de sa charité et de sa grande amitié pour nous, dit-il, le Saveur nous a rendu la vie, alors que nous étions morts par le péché» (Eph., II, 4).
«Marchez dans l'amitié du Christ, comme lui-même vous a aimés et s'est livré pour vous» (Eph., V, 2).
«Ambulate in dilectione: Marchez et vivez dans l'amitié divine». C'est bien la vie d'amitié que Dieu nous demande et qu'il veut nous donner. N. S. est venu sur la terre pour faire de nous ses frères et les enfants de son Père. C'est sa mission. Il est venu nous donner la faculté d'être les enfants de Dieu: Dedit eis potestatem filios Dei fieri (S. Jean, I).
Il prie avec nous et nous fait dire à son Père: Notre Père.
Frères et amis de Jésus, fils et amis de Dieu notre Père, telle est notre belle vocation. «Mes frères, dit-il, sont ceux qui suivent ma loi» (S. Luc, VIII, 21).
II. AMITIE SPECIALE. - Le Sauveur a une amitié spéciale pour ses apôtres et pour les âmes privilégiées qu'il enrichit du don de charité. Il a aussi une amitié spéciale pour tous ceux qu'il appelle à une vocation de choix. Tel ce jeune homme de l'Evangile, qui venait affectueusement demander au bon Maître ce qu'il fallait faire. Le Sauveur le regarda d'un regard d'amitié et l'appela aux conseils de perfection (S. Marc, X, 2 1).
«Pour vous, dit N. S., vous êtes mes amis. Je ne vous appelle pas mes serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas les secrets du maître. Je vous appelle mes amis, parce que tout ce que j'ai su de mon Père, je vous l'ai communiqué» (S. Jean, XV, 14).
Il les appelle d'un terme de tendresse, ses petits enfants, filioli. «Mes petits enfants, il est difficile aux riches d'entrer dans le royaume des cieux. - Mes petits enfants, je ne suis plus pour longtemps avec vous» (S. Marc, X, 24. - S. Jean, XIII, 33).
Il les appelle aussi les fils de l'époux. On lui demande pourquoi ses disciples ne jeûnent pas. - Est-ce que les fils de l'époux peuvent pleurer, dit-il, tant que l'époux est avec eux? (S. Mat., IX, 15).
Le Concile de Trente (Sess. VI, chap. VII), dit qu'en recevant la grâce et les dons, notamment la charité, nous devenons les enfants et les amis de Dieu. C'est la grâce qui nous fait ses enfants et la charité ses amis. Par la réception volontaire de la grâce et des dons, l'homme d'injuste qu'il était devient juste et d'ennemi devient ami.
Il y a un don spécial de charité, qui nous fait les amis privilégiés du Sauveur, c'est la grâce d'union, la grâce de contemplation.
Dans l'Evangile, considérons Madeleine aux pieds du Sauveur, elle a choisi la meilleure part, la contemplation.
Quatre apôtres, Pierre, Jacques, Jean et André, sont particulièrement unis à N. S., surtout les trois premiers. Il les prend avec lui plus fréquemment que les autres et dans les circonstances les plus graves, comme à l'agonie et à la transfiguration. Ce sont les contemplatifs. S. Jean surtout est un privilégié. Nous le voyons à la Cène et au Calvaire.
III. LES CARACTERES DE L'AMITIE. - L'amitié suppose trois choses, dit S. Thomas:
1° Une sorte d'égalité ou de proportion entre ceux qu'elle unit; 2° un amour de bienveillance réciproque; 3° l'échange plus ou moins parfait des biens que les amis possèdent (2. 2, q. XXIII, art. 2).
Reprenons: 1° L'amitié trouve les amis égaux ou les rend tels, dit Senèque: Amicitia pares invenit aut facit.
Dieu réalise cette égalité, dit S. Augustin. Il est descendu jusqu'à nous et il nous élève jusqu'à lui (Ep., 140, ch. IV). Il est descendu par l'incarnation, il nous élève par la grâce.
Au Ier livre des Maccabées (X, 20), nous voyons que le roi de Syrie, Alexandre, envoie à Jonathas la pourpre et la couronne pour en faire son ami. Ainsi Dieu nous donne l'habit royal et le diadème de la grâce pour faire de nous ses amis.
Il élève surtout ses prêtres par la dignité sacerdotale et ses religieux par leur vie angélique et toute dégagée des choses de la terre.
2° Bienveillance réciproque.
De la part de Dieu, quelles marques de bonté! l'incarnation, la rédemption. «Voyez, dit Saint Jean, quel amour Dieu le Père a eu pour nous, en nous donnant le titre et la qualité d'enfants de Dieu!» (S. Jean, III, 1).
N. S. marque une bienveillance spéciale pour les âmes contemplatives en leur accordant un commerce d'amitié avec lui dans l'oraison.
De notre part, nous cherchons à donner à Dieu la charité parfaite et le pur amour.
3° Communication des biens.
L'ami divin a voulu tout révéler et tout donner à ceux qu'il aimait: Omnia quae audivi a Padre meo, nota feci vobis ((S. Jean, XV, 15).
Son Cœur est toujours ouvert pour répandre sur ses amis les brûlantes effusions de son amour, particulièrement dans l'Eucharistie, et les ineffables richesses de sa grâce dans tous les sacrements inventés par son amour.
En nous donnant son Fils et en le livrant pour nous, dit S. Paul, Dieu le Père nous a tout donné avec lui (Rom., VIII, 31).
Qu'est-ce que l'homme peut donner à Dieu en retour? Il lui donne la gloire extérieure; il sanctifie son nom; il travaille à l'avènement de son règne; il accomplit sa sainte volonté.
N. S. n'a pas voulu tout faire lui-même pour le salut du monde, il nous a laissé le soin de lui témoigner notre amour en travaillant pour son Eglise, pour ses frères.
L'ami généreux donne tout, il se dépouille de tout, il se dépense. Impendam et superimpendar ipse (II Cor., XII, 15).
Il se donne entièrement, soit dans la vie intérieure, soit dans l'apostolat.
XXXIV
Union de dépendance et d'obéissance
Notre union de grâce avec N. S. est une imitation de l'union hypostatique de la sainte humanité de N. S. avec sa divinité, pour comprendre quelle doit être notre union avec lui.
I. UNION DE N. S. A SON PERE ET DEPENDANCE DE SON HUMANITE ENVERS SA DIVINITE. - N. S. est uni à son Père par l'omniprésence divine et par la dépendance commune à toutes les créatures. Il n'y a rien en cela de particulier. Mais il lui est uni spécialement par l'union hypostatique et par une union morale entière, qui découle de l'union hypostatique.
L'union hypostatique est substantielle: l'humanité unie à la divinité du Verbe ne fait avec lui qu'une seule personne.
L'union morale est accidentelle, elle se fait par les pensées, les affections, les actes intérieurs et extérieurs des vertus.
La divinité de N. S. excitait comme premier mobile son humanité, elle la conduisait en tous ses mouvements et toutes ses actions et par ce moyen elle leur donnait une excellence et une valeur infinies.
«Mon Père demeurant en moi, dit N. S., y fait tout ce que je fais: Pater in me manens ipse facit opera» (S. Jean, XIV, 17).
N. S. appelle ses œuvres les œuvres de son Père: «Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne croyez pas en moi» (S. Jean, X, 37).
Mais si ses œuvres sont siennes, comment sont-elles les œuvres de son Père? Il en donne la raison: «Parce que mon Père est en moi et moi en lui» (Ibid).
Après le colloque qu'il eut avec la Samaritaine, ses disciples le pressent de manger. Il leur dit: «Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et de faire ou d'achever son œuvre: Meus cibus est ut faciam voluntatem ejus qui mi sit me et ut perficiam opus ejus», (S. Jean, IV, 34).
N. S. voulait et faisait toujours ce que voulait et faisait son Père… Comme Dieu, il voulait et faisait les choses par un même acte que son Père; comme homme, il voulait et agissait par un acte distinct et créé, qui émanait de son âme, et qui était toujours très conforme à celui de la divinité, comme à son modèle et à sa règle.
Ecoutons l'enseignement de S. Paul, il dit que la divinité est la tête de J. C.: Caput Christi Deus (I Cor., XI); et ailleurs: «Tout ce qui est dans le monde est pour vous, et vous pour le Christ et le Christ pour Dieu» (I Cor., III, 23).
En effet, la divinité ne sanctifiait et ne déifiait pas seulement l'humanité de N. S. en sa substance, c'est-à-dire son corps et son âme, mais encore toutes ses opérations, toutes ses pensées, toutes ses paroles, toutes ses affections, tous ses mouvements, qu'elle réglait et conduisait, de sorte que N. S. n'en forma jamais que par le principe et la direction de sa divinité.
Pour les miracles et conversions, l'action divine domine, l'humanité n'est qu'un instrument. Pour les vertus, ce sont des actions humaines, régies et conduites par la divinité.
Lorsque deux causes coordonnées, dit S. Thomas, concourent pour produire un effet, celle qui est dépendante reçoit le mouvement de l'autre: ainsi la plume de l'écrivain, le pinceau du peintre. - Ainsi la nature divine emploie la nature humaine et son opération comme son instrument (3, q. XIX, a. 1).
II. OBEISSANCE PARFAITE DE L'HUMANITE DE N. S. AUX MOUVEMENTS DE SA DIVINITE. - L'humanité de N. S. a toujours fait et exécuté tout ce que la divinité demandait d'elle.
«En vérité, dit N. S., le Fils ne fait rien de son chef: il fait ce qu'il voit faire à son Père; tout ce que fait le Père, le Fils le fait aussi» (S. Jean, V, 19).
Et plus loin: «Je ne puis rien faire de moi-même: comme j'entends juger mon Père, je juge à mon tour: Non possum ego a meipso facere quidquam sicut audio, Judico» (S. Jean, V, 30).
- «Celui qui m'a envoyé, est véridique; et ce que j'ai entendu de lui, je le dis dans le monde» (S. Jean, VIII).
- «De moi-même, je ne fais rien, mais comme m'a enseigné mon Père, je parle, et celui qui m'a envoyé est avec moi; il ne m'a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui plaît» (Id., VIII, 28).
- «Je n'ai pas parlé de moi-même, mais mon Père qui m'a envoyé, m'a commandé ce que je devais dire et je dis ce qu'il m'a dit» (S. Jean, xii, 49).
Après cela, N. S. peut nous dire que sa propre nourriture est de faire la volonté de son Père. C'était d'ailleurs le but de toute sa vie: «Ecce venio, voici que je viens: en tête du livre, il est écrit de moi que je ferai votre volonté, ô mon Dieu; je le veux et votre loi est au fond de mon cœur» (Heb., X, 5).
III. COMMENT NOUS DEVONS IMITER N. S. - Nous n'avons pas l'union hypostatique, mais nous avons une union mystique avec N. S. Il est le chef de l'Eglise, nous sommes ses membres. Il est la vigne, nous sommes les branches. Nous sommes unis à lui par les liens de la foi, du baptême, de la grâce et de la communion.
Nous ne formons avec lui qu'un corps mystique: nous sommes ses membres.
Nous sommes ses disciples, ses frères, il est l'époux de nos âmes. C'est pour cela qu'il nous dit: «Je suis en mon Père et vous êtes en moi et moi en vous: Ego sum in Patre et vos in me et ego in vobis» (S. Jean, XIV). N. S. en sa qualité de chef opère en nous, qui sommes ses membres, de la même manière que sa divinité opérait en son humanité. Celle-ci ne faisait rien, ne disait pas une parole, ne formait pas une pensée, sans le mouvement et la conduite de la divinité. N. S. opère de même dans le vrai chrétien. En effet, c'est à la tête qu'il appartient de mouvoir et de gouverner les membres.
N. S. a dit à ses disciples qu'il serait avec eux et avec tous les fidèles jusqu'à la fin des siècles, ce n'est pas seulement pour les protéger extérieurement, c'est pour leur communiquer la vie de la grâce, éclairer leur entendement, diriger leur volonté…
Il est avec nous comme un roi, comme un père, bien plus comme le soleil qui vivifie et féconde, comme l'âme qui anime et dirige.
S. Paul dit aux Philippiens: «C'est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire» (II, 13).
Aux Thessaloniciens: «C'est Dieu qui opère en vous qui êtes croyants: Deus operatur in vobis qui credidistis» (I Thess., II, 13).
Aux Corinthiens: «Il y a une variété de grâces et de ministères, mais un seul Dieu, un seul Esprit qui opère tout en tous: operatur omnia in omnibus» (I Cor., XII, 6). Et S. Hilaire ajoute: «C'est comme une âme qui anime tout ce corps».
De là vient que S. Paul dit aux Galates, qu'il ne vit pas, que c'est N. S. qui vit, qui parle et qui voit en lui (111 2).
N. S. avait dit lui-même: «Ce n'est pas vous qui parlez, mais l'esprit de votre Père qui parle en vous» (S. Mat., X, 30).
S. Paul dit encore: «Nous ne savons pas comment prier, mais le Saint-Esprit prie en nous par des gémissements ineffables» (Rom., VIII, 26). Nous devons nous tenir toujours envers N. S. dans la dépendance qu'il a lui-même observée envers la divinité, et rendre ainsi nos actions théandriques, au moins quant à leur principe et leur fin.
«Je ne fais rien de moi-même, dit N. S., mais mon Père qui habite en moi fait lui-même les œuvres. -je ne parle pas de moi-même, mais je parle les paroles que me suggère mon Père» (S. Jean, VIII, 28 - XII, 29 - XIV, 10).
J. C. doit être le principe de nos actions. Suivons en tout son mouvement et son esprit.
Nous devons aussi tendre aux fins pour lesquelles N. S. fait ces actions avec nous.
Nous devons attribuer à N. S. la gloire de tout ce que nous faisons de bien. C'est ainsi que les vieillards de l'Apocalypse mettent à ses pieds leurs couronnes.
Il faut que nous apportions de l'indifférence et de l'obéissance à ses mouvements.
Indifférence vis-à-vis de sa conduite providentielle pour les biens et les avantages terrestres: pour la richesse ou la pauvreté, l'honneur ou le mépris, la santé ou la maladie. - Que votre volonté se fasse, ô mon Père, et non la mienne! Non sicut ego volo, sed sicut tu (S. Mat., XXVI, 39).
Il faut aussi l'obéissance pour l'exécution. Les membres accomplissent les actes que la tête leur commande. Admirons et imitons l'obéissance si prompte et si parfaite que l'humanité de N. S. a rendue à la divinité qui était en lui.
Isaïe l'avait prophétisé: «Le Seigneur Dieu m'a ouvert l'oreille pour entendre le commandement qu'il m'a fait de racheter les hommes, je l'ai entendu sans y contredire et sans reculer: Dominus Deus aperuit mihi aurem; ego auteur non contradico, retrorsum no abii» (I, 5). Et encore: «J'ai livré mon corps à ceux qui me frappaient et mes joues à ceux qui me souffletaient: je n'ai pas détourné mon visage des injures et des crachats» (Ibid).
Nous devons nous laisser conduire aussi: «Ceux qui sont conduits par l'esprit de Dieu, sont les vrais fils de Dieu» (Rom., VIII, 14).
- «L'homme spirituel, dit S. Thomas, ne fait pas ses actions poussé principalement par sa propre volonté, mais par le Saint-Esprit. Ce n'est pas qu'il ne les fasse librement, mais parce que le Saint-Esprit entre dans l'action de son libre arbitre, y concourt et le sanctifie, selon cette parole de S. Paul: c'est Dieu qui opère en nous le vouloir et le faire» (3 p. IX, 19).
Réflexion: - Si pour être chrétienne, une action doit être faite suivant les ordres de N. S. et animée de son esprit, combien peu de nos actions sont chrétiennes! La plupart des hommes sont comme des bêtes (sicut equus et mulus, Ps. XXXI), parce qu'ils n'agissent que par passion. Quelquefois ils se conduisent par la raison et sont alors des hommes, mais combien peu sont vraiment chrétiens, parce qu'ils n'opèrent presque jamais par le mouvement et par l'esprit de J. C.
XXXV
La communauté de vie,
ou la vie de N. S. en nous
«Je suis la vie», dit N. S. (S. Jean, XIV).
«Sans moi, vous ne pouvez rien faire» (S. Jean, XV). «Je suis la vigne et vous êtes les branches».
Les branches vivent de la vie du tronc, elles n'ont pas de vie propre. «Le Christ est l'olivier, dit S. Paul, et nous sommes ses rameaux naturels ou greffés» (Heb., XI).
«Le Christ est votre vie», dit encore S. Paul (Col., III). «Ma vie, c'est Jésus» (Philip., I).
«Celui qui n'a pas le Fils, n'a pas la vie en lui» (I Joan, V, 12). «Dieu a envoyé son Fils dans le monde pour que nous vivions par lui» (I Joan., IV, 9).
«Par les dons du Christ, vous devenez participants de la nature divine» (II Pet., I, 3).
I. COMMUNAUTE DE VIE. - Nous sommes le corps mystique de Jésus.
Nous ne sommes tous qu'un même corps dans le Christ, dit S. Paul: Multi unum corpus sumus in Christo (Rom., XII, 5).
Un corps et un esprit: unum corpus et unus spiritus (Eph., IV). Croissons en celui qui est notre tête, le Christ, duquel découle l'accroissement de tous les membres par toutes les jointures pour former l'édifice de la charité (Eph., IV, 16).
Chaque membre a sa grâce. Les âmes de vie intérieure reçoivent plus abondamment la vie du Christ: in mensuram uniuscujusque membri.
Il y a, dit le P. Surin, une union qui est commune à tous les amis de Dieu et qui a pour fondement la grâce sanctifiante; mais il y a aussi une union plus particulière, qui est le fruit de la solide dévotion et de la ferveur. Celle-ci a plusieurs degrés: moins parfaite (oraison affective), elle tient l'esprit et le cœur élevés vers J. C., et porte l'âme à suivre autant qu'elle le peut les mouvements de la grâce; plus parfaite (vie unitive), elle va jusqu'à une liaison si étroite et une si grande familiarité, qu'il semble que l'homme extérieur, aussi bien que l'homme intérieur, n'ait plus d'autre vie que celle de J. C.: «Je vis, ou plutôt ce n'est pas moi qui vis, c'est J. C. qui vit en moi».
Ce qui plaît le plus à l'Epoux céleste, dit Bossuet, c'est la forte et constante résolution de l'âme de le laisser vivre pleinement et agir seul en elle. Plus elle s'anéantit, plus elle se renonce, plus elle s'abandonne à lui, plus il l'aide, plus il la comble de grâces et plus elle fait de progrès dans le pur amour de Dieu.
«La grâce est donnée à chacun selon la mesure des desseins du Christ» (Eph., IV, 7).
II. JÉSUS PREND POSSESSION DE NOTRE INTERIEUR ET GOUVERNE NOTRE VIE. - «Dans le Christ, vous êtes une nouvelle crêature», dit S. Paul (II Cor., V).
«Regardez-vous, dit-il encore, comme morts au péché et vivants pour Dieu dans le Christ» (Rom., VIII, 2).
Il semble alors aux âmes que J. C. se répand en elles, et qu'elles n'agissent plus que par lui, comme par le principe de leurs opérations: de sorte que leurs paroles, leurs prières, leurs actions même naturelles, leur paraissent venir de ce principe (P. Surin).
«Quand Jésus, dit le P. Lallemant, a une fois pris possession de l'intérieur et qu'il y a établi sa demeure, de là il gouverne tout l'intérieur et l'extérieur, l'esprit, le cœur, l'imagination, les yeux, la langue, tous les sens. Plus J. C. est au dedans, plus il paraît au dehors, l'extérieur étant conduit par l'intérieur».
«Je crois, dit Marguerite-Marie, que vous contenterez beaucoup le Sacré-Cœur de Jésus, quand vous vous abandonnerez tellement à lui, qu'il sera le regard de vos yeux, l'ouïe de vos oreilles, la lumière de votre entendement, les affections de votre volonté, tout le souvenir de votre mémoire et tout l'amour de votre cœur».
«Le Christ, dit S. Paul, est en vous comme le Fils de famille dans sa maison» (Heb., III, 6) c'est-à-dire qu'il commande et dirige.
«Comme vous avez reçu Jésus-Christ, dit-il encore, marchez en lui, enracinés en lui» (Coloss., Il, 6).
«Le Christ est tout en tous: Omnia in omnibus Christus» (Col., III, 9).
III. UNION SPIRITUELLE PAR LA COMMUNICATION DES AMES. - «Celui qui adhère à Dieu, dit S. Paul, n'est qu'un esprit avec lui» (I Cor, VI).
«Si quelqu'un n'a pas l'esprit du Christ, il n'est pas du Christ» (Rom., III, 9).
«L'union spirituelle de l'âme chrétienne avec celle de J. C., dit le P. Surin, se fait par une espèce d'application des deux âmes, et par une liaison étroite entre leurs puissances, par le moyen de laquelle les biens renfermés dans la mémoire, dans l'entendement et dans la volonté de J. C., sont communiqués à la mémoire, à l'entendement et à la volonté de l'homme, de la manière que l'explique Ste Gertrude lorsqu'elle dit que l'âme de J. C. fut imprimée sur la sienne comme un cachet de cire».
Cette communication de biens à la mémoire se fait par une connaissance expérimentale qui ne permet pas à l'âme de douter que J. C. ne réveille ses idées dans le besoin, et ne lui suggère à propos tout ce qui lui est nécessaire, quand il s'agit de prier, de travailler ou de parler pour sa gloire.
La communication d'entendement à entendement se fait par une participation d'intelligence, l'homme éprouvant qu'il se fait dans son esprit comme une effusion de lumière, de discernement et de connaissance, même pour les sciences naturelles…
La volonté entre en participation de richesses avec la volonté de J. C. par la liaison qui existe entre ces deux volontés, et par l'écoulement perpétuel de l'amour de J. C. dans la volonté de l'homme. Ce ne sont que douceurs, que désirs ardents de procurer la gloire de Dieu; et on connaît que ces richesses sont communiquées par J. C., qui se rend présent à l'âme et qui la remplit de telle sorte qu'elle ne voit que lui en tout.
Ces faveurs sont le partage des personnes qui s'y préparent par une entière purification et abnégation.
La pratique. Quatre choses sont nécessaires pour que N. S. vive bien en nous.
1° Une grande modération et une grande tranquillité dans nos actions, dans nos paroles, dans nos mouvements, dans notre intérieur, dans notre extérieur, afin que l'esprit de J. C., qui est un esprit paisible, puisse agir sur nous, se faire sentir, nous exciter et nous conduire, car l'agitation, l'empressement et le trouble apportent trop d'obstacles à son action: «Sa demeure est la paix, et Sion est son habitation: Facta est in Pace locus ejus et habitatio ejus in Sion» (PS. LXXV).
2° L'indifférence à tout ce qui n'est pas voulu de Dieu; afin que l'âme ne s'attache ni ne s'affectionne trop ni à une chose, ni à une personne, ni à un lieu ni à une charge.
Il est bon de se remettre souvent dans cet esprit et de redire avec David: «Je suis à vous, Seigneur, Tuus sum ego» (Ps. CXVIII, 94). - «Seigneur, je suis votre serviteur, vous avez brisé mes liens de servitude, je vivrai pour vous louer» (Ps. CXV, 7).
Disons avec S. Paul: «Mon Dieu, je suis prêt à vous obéir: Domine, quid me vis facere?».
Quand nous serons dépouillés de notre propre volonté et de la disposition de nous-mêmes, N. S. nous gouvernera et agira en nous avec un profit, un honneur et un contentement incomparablement plus grands que si nous disposions de nous-mêmes.
3° Une attention intérieure et une grande application d'esprit aux inspirations et aux mouvements de N. S. pour faire ce qu'il demande de nous.
N. S., qui est physiquement et moralement en nous, n'y est pas oisif et sans rien faire: il y est éclairant nos esprits de ses lumières, - excitant et poussant nos volontés au bien, - comme le chef dans ses membres pour les mouvoir et s'en servir selon ses desseins.
Comme les mouvements que N. S. donne à l'âme se font à petit bruit, un esprit négligent ou dissipé n'y prend pas garde et les laisse sans effet. «J'écouterai ce que Dieu dit en moi: Audiam quid loquatur in me Dominus Deus» (Ps. LXXXIV, 9). - Il faut souvent nous remettre en communication avec N. S.
4° Il faut demander continuellement à N. S. qu'il nous anime de son esprit, qu'il opère en nos âmes et en nos corps, et qu'il nous conduise en tout.
«Conduisez-moi, Seigneur, dans vos voies: Deduc me, Domine, in via tua» (Ps. LXI, 35).
«Envoyez votre lumière et votre vérité et elles me conduiront à la montagne sainte et à vos tabernacles» (Ps. XLII).
Les psaumes sont remplis de ces belles invocations,, surtout le ps. CXVIII.
«Cœur de Jésus, que voulez-vous que je fasse? Cor Jesu, quid me vis facere?». C'est la disposition qui répond le mieux à notre vocation.
O quam bonus et suavis est, Domine, spiritus tuus! - Que votre direction est douce, Signeur! (Sap., XII).
XXXVI
Les épousailles de Jésus et de l'âme
I. JÉSUS EST L'EPOUX DE NOS AMES, soit dans l'union ordinaire de la grâce, soit dans l'union mystique de la contemplation.
C'est une grande vérité qui illumine toute la science ascétique et mystique.
Dieu l'avait en vue quand il institua le mariage, dont il fit un symbole de cette union du Christ et de l'âme.
S. Paul nous révèle ce mystère quand il dit du mariage: «Ce sacrement est grand dans le Christ et dans l'Eglise» (Eph., V).
Le mariage est un grand mystère, parce qu'il symbolise l'union du Christ et de l'Eglise, l'union du Christ et des âmes.
La Sainte Ecriture a célébré cette union par deux chants de noces, qui comptent parmi ses plus belles pages.
Il y a le Cantique des cantiques, qui nous dépeint toute l'union du Christ et de l'âme, symbolisée par le mariage de Salomon avec la fille de Pharaon. Toute l'exégèse catholique l'interprète dans ce sens. S. Bernard surtout en a donné une explication pleine de lumières et d'édification.
Il y a un autre chant de noces, le psaume XLIV, qui décrit aussi les noces de Salomon et que la liturgie applique sans cesse à l'union de J. C. avec les âmes vierges: Eructavit cor meum Verbum bonum. dico ego opera mea Regi…
Ces cantiques s'appliquent surtout à l'union intime du Sauveur avec les âmes dans la vie contemplative.
L'Evangile aussi nous présente souvent cette union.
S. Jean, III, 29. - S. Jean-Baptiste est le prophète des grandes et claires visions. En deux mots, il dépeint le Christ: c'est l'Agneau et c'est l'Epoux.
C'est l'Agneau du sacrifice, l'agneau victime, l'agneau de la rédemption.
C'est l'Epoux des âmes et de l'Eglise, l'Epoux qui introduit les âmes au festin nuptial de la grâce, en attendant qu'il les introduise au festin nuptial du ciel.
«Le Christ est l'Epoux, dit S. Jean-Baptiste. Moi, je suis la voix qui crie au désert… C'est celui qui a l'épouse qui est l'Epoux».
Le Précurseur ajoute qu'il n'est lui-même que l'ami de l'Epoux: «L'ami de l'Epoux, dit-il, qui est là et qui entend, se réjouit d'entendre la voix de l'Epoux» (S. Jean, III, 23).
S. Paul revient souvent à cette lumineuse doctrine. - «L'homme, ditil, est le chef de la femme comme le Christ est le chef de l'Eglise. - Le mariage est un grand mystère qui symbolise l'union du Christ et de l'Eglise» (Eph., V). - Aux Corinthiens: «J'ai promis de vous unir au Christ comme de chastes fiancées» (II Cor., XI, 2).
S. Jean fait souvent allusion aussi à cette union dans l'Apocalypse. Il nous montre les noces de l'âme et de l'Agneau commencées dans la grace et achetées dans le ciel. - (XIX, 7). «Les noces de l'Agneau sont venues, et l'épouse s'est préparée et il lui a été donné de se revêtir d'un lin pur et brillant. Ce vêtement, ce sont les œuvres des Saints. Bienheureux les invités aux noces de l'Agneau».
(Apoc., XXII, 17). «L'esprit et l'épouse disent: Venez. Que celui qui entend dise aussi: Venez. Que celui qui a soif, vienne; que celui qui veut vienne et reçoive gratis l'eau de la vie». L'épouse ici se prépare en recevant l'eau de la grâce.
II. N. S. AIMAIT A PRESENTER LA VIE DE LA GRACE ET DE LA GLOIRE CELESTE SOUS LE SYMBOLE D'UN FESTIN NUPTIAL. - S. Mathieu, et S. Luc nous présentent les noces du Fils du Roi.
S. Mathieu a aussi la parabole des Vierges. Résumons brièvement ces pages.
(S. Mat., XXII). Le Roi envoie ses serviteurs appeler les invités aux noces de son Fils. Ils ne répondent pas. Il insiste. Il envoie d'autres serviteurs leur dire: Le repas est prêt, toutes les viandes sont apprêtées, venez aux noces.
Ils résistent: l'un va à sa campagne, à son plaisir; l'autre à ses affaires, à ses intérêts; d'autres insultent les messagers.
Il fait alors inviter des âmes simples. Elles viennent, mais un de ces invités n'a pas la robe nuptiale, il est jeté dehors.
Cela s'entend des noces du baptême et de celles du ciel, mais aussi des noces de la vie d'union, pour laquelle la préoccupation des plaisirs et des intérêts est un obstacle.
S. Luc (chap. XIV) a une parabole analogue, ou la même avec d'autres détails.
Les invités s'excusent. Ils ont leurs villas à visiter, leur culture à suivre, leur famille à satisfaire. - Le bon Maître conclut sévèrement en disant: «Personne de ces invités n'aura part à mon festin».
Appliquons cela à la vie intérieure.
S. Mathieu, chap. XXV, la parabole des Vierges.
Dix vierges sont invitées aux noces royales, aux noces de la grâce et aux noces du ciel, cinq sont prudentes, cinq sont folles ou vaines. Cellesci ne tiennent pas l'huile prête et la lampe allumée. L'Epoux vient, elles veulent emprunter de l'huile, il est trop tard. L'Epoux leur dit: «Je ne vous connais pas».
N. S. ajoute: «Veillez donc, parce que vous ne savez ni le jour ni l'heure». Les visites de la grâce sont imprévues comme celles de la mort, il faut être toujours prêt.
Il y a plusieurs festins par jour: l'oraison, l'action de grâces, la lecture spirituelle et quelques moments heureux de l'union habituelle.
Et combien ne goûtent rien! Ils n'entrent pas aux noces.
III. UN GRAND ACTE, QUI EST A LA FOIS LA SOURCE ET LE SYMBOLE DE L'UNION, C'EST LA CENE EUCHARISTIQUE. - Il y a plusieurs préparations.
Les disciples dirent au bon Maître: «Où voulez-vous que nous vous préparions la Pâque?» (S. Mat., XXVI). - Jésus envoya deux de ses disciples et leur dit: «Allez à la ville, vous rencontrerez un homme portant une cruche d'eau, vous le suivrez. Son maître vous montrera une salle grande et ornée, préparez-y la pâque». - (S. Marc, XIV). - Il faut donc un lieu purifié et orné, c'est le symbole de l'âme où doit se faire l'union.
La dernière préparation, c'est le lavement des pieds (S. Jean, XIII). Jésus ôte sa tunique, prend une serviette, s'en fait une ceinture; Il met de l'eau dans un bassin et commence à laver les pieds de ses disciples et à les essuyer… Il dit à Pierre: «Si je ne te lave pas, tu n'auras pas de part avec moi.
Il faut cette préparation délicate, symbole de pureté et d'humilité, pour le festin eucharistique, elle n'est pas moins nécessaire pour le festin des épousailles, qui devient habituel pour l'âme fervente.
Bossuet montre dans l'Eucharistie le symbole et le noeud du lien matrimonial qui nous attache ici-bas au Verbe incarné. Il fait allusion à ce texte de la Ire épître aux Corinthiens (VII, 4): «L'homme n'est pas maître de son corps, mais la femme».
«Dans la communion, le corps de J. C. n'est pas à lui, mais à nous; notre corps n'est pas à nous, mais à J. C. - C'est le mystère de la jouissance, le mystère de l'épouse du Sauveur, âme chrétienne qui l'avez choisi pour votre époux avec des promesses mutuelles, le voyez-vous le corps sacré de votre époux, sur la sainte Table où on vient de le consacrer? Il n'est plus en sa puissance, mais en la vôtre. Prenez, dit-il, il est à vous; c'est mon corps livré pour vous. Vous avez sur lui un droit réel; mais aussi votre corps n'est pas à vous, Jésus veut le posséder. Ainsi vous serez unis, corps à corps, et vous serez deux dans une chair. C'est l'accomplissement parfait de ce chaste et divin mariage».
(Méditations sur l'Evangile de la Cène, 24° jour).
S. Thomas d'Aquin compare aussi l'union de la grâce au mariage. «L'union de la grâce, dit-il, surpasse l'union matrimoniale ordinaire: elle a plus d'amour, plus de fidélité, plus de fécondité» (Opusc., IX).
La Vén. Sœur Marie du divin Cœur (Ctesse Droste Vischering) dit que N. S. veut l'union avec son divin Cœur plus encore que le culte extêrieur du S. Cœur (Sa Vie, ch. VIII).
Ne pas garder l'union avec J. C., dit Cassien dans ses conférences (1, ch. XIII), c'est comme une fornication: Fornicationem mens judicet, vel momentaneum a Christi contemplatione discessum.
XXXVII
L'ordre et les degrés de la vie spirituelle
L'habitude de la méditation doit nous conduire à l'esprit d'oraison et au don d'oraison.
Ce don est un trésor qui donne le mépris de tout le reste. Nous ne l'obtiendrons qu'après une période de purification, après avoir anéanti les idées du passé, les images et souvenirs d'une foule d'objets qui nourrissent inutilement notre amour-propre.
«Le royaume des cieux, dit N. S., est semblable à un trésor caché dans un champ. Celui qui le trouve vend tout ce qu'il a pour acheter ce champ» (S. Mat., XIII). - Vendons tout pour acheter le trésor de l'oraison.
I. IL Y A TROIS SORTES D'ORAISON, ou trois degrés dans l'oraison: 1° la méditation ou oraison discursive; 2° l'oraison affective; 3° l'oraison contemplative.
La méditation, ou oraison de discours, convient aux commençants qui sont dans la vie purgative.
Il faut s'y bien préparer, disposer ses puissances: l'imagination par la composition du lieu; la mémoire par la distribution du sujet; l'entendement et la volonté en prévoyant quelque chose en particulier qu'on se propose comme but, comme de se bien pénétrer d'une vérité, de s'affectionner à une vertu, de combattre quelque vice…
Il est bon, dit S. François de Sales, de commencer par un moment de silence, comme pour écouter Dieu.
L'usage d'exercer successivement nos trois facultés, la mémoire, la réflexion, la volonté, sur chacun des points de l'oraison, facilite la méditation.
Les comparaisons nous aident beaucoup: V. g. Si Dieu a puni telles fautes, il punira aussi les miennes… Si N. S. a pratiqué telle vertu, je dois la pratiquer aussi… Si N. S. m'a aimé à ce point, je dois l'aimer aussi.
Il est bien entendu que la méditation n'est pas un travail mathématique mais moral. Si un point nous suffit, contentons-nous-en. Si quelque lumière ou affection nous retient, arrêtons-nous-y. Finissons toujours par une ou deux résolutions.
II. DANS L'ORAISON AFFECTIVE, on donne plus aux affections du cœur et de la volonté qu'aux considérations de l'entendement. On doit cependant toujours commencer par la méthode ordinaire.
Cette oraison convient à ceux qui avancent et qui sont dans la vie illuminative.
On doit alors méditer de préférence les mystères de N. S.
Sur un mystère, une sentence de l'Ecriture, etc., on fait des actes de foi, de confiance, d'amour, d'admiration, de contrition… On loue Dieu, on demande sa grâce et on s'arrête à l'affection dont on est le plus touché.
Les lettres du mot Ardor sont un moyen mnémotechnique, elles indiquent les actes d'adoration, de reconnaissance, de désir, d'offrande, de réparation.
L'oraison affective devient un état d'âme qui se manifeste dans toute la journée, dans la prière surtout et dans les exercices spirituels.
III. LA CONTEMPLATION, Ou l'oraison d'union est pour ceux qui sont dans la vie unitive. C'est un état surnaturel et passif. Dieu nous met, quand il lui plaît, dans l'état de vie d'union ou de vie contemplative. Nous pouvons en approcher, nous ne pouvons pas y entrer de nous-mêmes.
Il y en a de deux sortes: l'ordinaire et l'extraordinaire. Celle-ci comprend les visions et révélations et d'autres faveurs qui accompagnent parfois la vie d'union. Il faut bien se garder de désirer ces faveurs qui peuvent nous tenter d'orgueil.
La contemplation ordinaire est une habitude surnaturelle, par laquelle Dieu élève les puissances de notre âme à des vues de foi, à de grands sentiments et des goûts spirituels très prononcés, quand il ne trouve plus dans nos âmes de péchés, de passions, d'affections naturelles, de soins, qui empêchent les communications qu'il veut nous faire.
Les premiers pas dans cette voie surnaturelle étant le recueillement passif de nos facultés et la quiétude de notre volonté, il est clair que pour nous y préparer ou disposer, autant qu'il est en nous, nous devons, en outre de la purification de notre âme, nous tenir habituellement, surtout à l'oraison, dans le recueillement, dans le calme, en nous tenant devant Dieu pour l'écouter.
Cette oraison où le recueillement et la quiétude dominent l'action et la modèrent, est l'oraison du simple regard ou de simplicité.
L'âme s'y portera volontiers après une période d'oraison affective. Dans cette oraison, l'intuition remplace en grande partie les raisonnements; les affections et résolutions sont peu variées et traduites en peu de paroles (R. P. Poulain: Des grâces d'oraison).
XXXVIII
Les degrés de la contemplation
Est-il bon de faire cette étude?
Oui, il peut plaire à Dieu de nous élever au-dessus des grâces communes; il faut connaître un peu les chemins par lesquels il peut nous faire passer.
Si nous sommes prêtres, religieux, âmes réparatrices et dévotes au Sacré-Cœur, nous ne devons pas nous contenter d'une piété ordinaire. Ambitionnons les grâces les meilleures, comme nous y exhorte S. Paul: Aemulamini charismala meliora (I Cor., XII, 31).
«Dieu est si grand et si bon, Jésus est si aimable et vous a tant aimés; les âmes de vos frères, pour qui vous vous sanctifiez et priez, sont si précieuses; la vie est si courte, l'éternité est si longue, le ciel est si beau! Courage et en avant» (Ch. Sauvé).
Aspirons aux sommets.
La contemplation a trois phases principales:
1° la préparation ou l'oraison de quiétude;
2° l'union ou l'ivresse d'amour;
3° la consommation ou les épousailles.
Mais ces trois phases se subdivisent, si bien que plusieurs auteurs, et des meilleurs, comme Scaramelli, le P. Nouet, le P. Verhaege comptent dix degrés de la contemplation. Ils en mettent trois dans la préparation, quatre dans l'union ou ivresse d'amour et trois dans la consommation.
Quand les autres auteurs, comme Richard de S. Victor, S. François de Sales, le P. Faber, le P. Poulain, M. Sauvé ou d'autres, réduisent tout à quatre ou cinq degrés, c'est qu'ils omettent quelques sousdivisions.
Ainsi, Richard de S. Victor et le P. Faber ne parlent que des quatre degrés de l'union proprement dite.
Le P. Poulain subdivise le 2° degré en union semi-extatique et union extatique.
I. LA QUIETUDE, OU LES TROIS DEGRES DE LA PREPARATION. - L'entrée dans la contemplation se fait par le don de présence de Dieu ou de quiétude.
Plusieurs auteurs avec Scaramelli partagent en trois degrés cette oraison de quiétude.
C'est d'abord l'oraison de recueillement. Il ne s'agit pas ici du recueillement facile où nous nous mettons nous-mêmes, mais d'un recueillement passif, subit et doux que Dieu imprime lui-même à toutes nos puissances. - Dieu nous saisit à deux titres: premièrement comme objet de notre contemplation; c'est ainsi que le jeu passionne le joueur, que le sein maternel passionne et retient l'enfant, dit S. François de Sales (Vie de l'Amour de Dieu, liv. 7, ch. I et III). - Deuxièmement par son action dominante sur nos facultés; nous étions dans la nuit des sens, mais Dieu était là et tout à coup il se fait sentir.
Le 2e degré est le silence spirituel. C'est un silence admiratif, dans lequel les âmes sont tout interdites en présence de Dieu et sous l'action de Dieu.
Le 3e degré est la divine quiétude, ou le repos en Dieu. L'âme est remplie de paix et de douceur par la présence sensible de la divinité. C'est le repos acquis. « L'âme est enchaînée par le divin objet qui la captive», dit Ste Thérèse.
Dans cet état, la volonté seule est prise par Dieu. Les autres facultés gardent leurs mouvements et peuvent importuner la volonté.
Celle-ci reste libre et active dans l'amour divin. «Elle paraît sommeiller, dit Ste Thérèse, n'étant ni bien endormie ni bien éveillée». Mais dans l'union qui va suivre, elle sera vraiment endormie à toutes les choses de la terre et à elle-même, en restant éveillée seulement du côté de Dieu.
II. 2e PHASE: L'IVRESSE D'AMOUR. - La quiétude n'était qu'un vestibule; ici commence la vraie union contemplative.
Cette seconde étape a quatre degrés dont la description classique a été donnée par Richard de S. Victor dès le XIIe siècle.
La plupart des auteurs l'ont reproduite. Quelques-uns l'ont abrégée. En voici le résumé:
1° les blessures d'amour (caritas vulnerans). Après qu'on s'est appliqué quelque temps à la garde du cœur et à l'amour de N. S. en demeurant constamment fidèle à Dieu, on reçoit du ciel des lumières plus abondantes, qui font connaître à l'âme son état et ses misères; que ce qu'elle a fait pour Dieu jusqu'à présent n'est rien; qu'il mérite que tous les cœurs brûlent de son amour et se consument à son service. Elle se confond, elle s'anime, elle se livre à l'amour, qui lui perce le cœur de ses traits embrasés. C'est le commencement de ce que Ste Thérèse appelle l'ivresse d'amour.
2° La captivité d'amour (Caritas ligans). Le cœur étant ainsi gagné, l'esprit ne peut plus penser qu'à l'objet qu'on aime. L'amour lie les pensées, les ramenant de leur égarement parmi les créatures pour les attacher à Dieu. Tout amour est dédaigné pour celui du Sauveur; tout ce qui n'a pas rapport à lui est oublié, de sorte qu'il possède notre âme tout entière et que c'est moins nous qui vivons que lui qui vit en nous.
3° Les langueurs d'amour (Caritas languens). L'âme déjà blessée et captive, recevant sans cesse de nouvelles impressions de l'amour divin, ne fait plus que languir et devient incapable d'aucune action qui ne soit ou de Dieu ou pour Dieu. - Dans les deux degrés précédents, l'amour se rend maître des actions, n'en permettant que de divines, celles qui ont Dieu pour principe ou pour fin.
4° Les défaillances d'amour (Caritas deficiens). L'âme ainsi possédée de Dieu, n'est jamais satisfaite, quoi qu'elle fasse pour lui.
Elle désire toujours faire et souffrir davantage. C'est à ce degré que viennent souvent des épreuves providentielles et de vives souffrances qui achèvent de purifier l'âme pour la préparer à la consommation de l'union.
III. LA TROISIENIE PHASE EST LA CONSOMMATION DE L'UNION. - On lui donne ordinairement trois degrés.
1° L'union extatique. Dans l'extase, l'âme est si appliquée à Dieu, qu'elle laisse le corps sans action ni sentiment.
Il est comme inanimé, et ce n'est pas sans souffrance que les fonctions se rétablissent après l'extase. L'âme en extase est toute enivrée de l'amour de Dieu.
2° Le ravissement ou les fiançailles. Dans le ravissement, le corps lui-même a quelque part à la félicité de l'âme ravie par la beauté divine. Les traits même du visage en reçoivent une grâce spéciale. Il arrive même que le corps s'élève au-dessus du sol.
«Pourquoi s'étonnera-t-on que l'infinie Beauté, qui est en même temps l'infinie puissance, puisse ainsi recueillir et pacifier, enivrer, extasier nos facultés et attirer vers elle notre corps lui-même?» (Ch. Sauvé).
3° Le mariage spirituel. C'est le sommet des ascensions mystiques. On l'appelle le Carmel ou le Thabor: le Carmel, en souvenir de l'école des prophètes; le Thabor, à cause de la transfiguration de N. S.
C'est une fusion morale, aussi parfaite qu'elle peut l'être ici-bas, entre la vie de Dieu et celle de l'âme. C'est un état de très parfaite lumière. Dieu s'empare de l'âme comme un objet qui le ravit à fond.
Des lumières supérieures lui révèlent l'auguste Trinité, non pas en elle-même et face-à-face, mais par des idées infuses très parfaites.
Elle voit aussi en elle-même Jésus dans son humanité, non pas dans une présence réelle comme au tabernacle, mais par une présence de rayonnement, d'influence, de communication de lumière et de vie (Ste Thérèse, œuvres, 1, 3).
En même temps, l'âme reçoit des rayonnements très puissants de la grâce, des vertus et des dons de l'Esprit-Saint. C'est l'évolution parfaite du baptême, de la confirmation et surtout du don de Sagesse.
Les âmes unies à Dieu par le mariage spirituel sont insatiables de lui, elles le servent et l'aiment avec un amour profond. Elles ne sont pas empêchées d'aller aux œuvres, mais elle les accomplissent dans une union parfaite avec Dieu.
- Autour de la vie mystique. Telles sont les phases ordinaires de la vie mystique, mais ces phases sont souvent accompagnées ou coupées d'incidents de trois sortes: des lumières, des faveurs, des épreuves.
Nous n'en dirons qu'un mot.
Ces lumières peuvent être des révélations, des visions, des paroles divines.
Ces faveurs sont des dons miraculeux, comme la science et l'éloquence infuse, la nutrition par l'Eucharistie seule, la dispense du sommeil, un parfum surnaturel, l'affranchissement des lois de la pesanteur et de la distance, le don des miracles, la participation aux souffrances du Calvaire, les stigmates.
Ces épreuves sont des purifications divines qui peuvent venir des hommes par les persécutions; du démon par l'obsession; de Dieu lui-même par son action sur l'âme, dans l'aridité, le sentiment de notre misère et dans l'excès même de la lumière et de l'amour.
Il n'y a pas place dans ce petit traité pour développer l'exposé de ces interventions divines.
- Conclusion. Que faut-il retenir de cette étude?
En pratique, ne cherchons pas les dons extraordinaires, qui nous apporteraient des tentations d'orgueil. - Désirons d'avancer dans l'union avec Dieu, qui est la grâce suprême.
Avançons-nous vers cette union par les chemins les plus sûrs: 1° en
purifiant toujours davantage notre conscience et notre vie; 2° en nous excitant à l'amour croissant de N. S. par la méditation de ses mystères, de sa vie, de sa Passion, de son Cœur Sacré; 3° en nous dévouant à l'immolation et au sacrifice pour les intérêts de Jésus, dans la conformité à la volonté de Dieu et dans l'accomplissement parfait de tous nos devoirs.
4° N'oublions jamais que l'union n'est pas autre chose que la perfection des vertus théologales de foi, d'espérance et d'amour.
S. Jean de la Croix décrit deux nuits de l'âme. - La première nuit, ou nuit des sens, est une oraison de simplicité, mais avec un caractère spécial: un état d'aridité, soit doux et tranquille, soit plus souvent amer et douloureux. C'est le prélude de la contemplation avec un souvenir de Dieu simple et confus et un besoin douloureux et persistant d'une union plus intime avec Dieu. - La seconde nuit de l'âme est l'ensemble des états mystiques inférieurs au mariage spirituel, mais considérés en tant que renfermant de l'obscurité et même des souffrances.
La partie active des deux premières purifications (lutte contre les passions et les habitudes) se trouve exposée principalement dans la Montée du Carmel. La partie passive est surtout décrite dans la Nuit obscure. - Les deux autres traités, la Vive flamme et le Cantique, chantent le bonheur d'une âme arrivée au mariage spirituel.
XXXIX
Conclusion
L'union à N. S. et spécialement à son divin Cœur est le moyen le plus favorable pour avancer dans la perfection.
(Saint Jure: L'homme spirituel, 2e p., ch. IV).
I. IL EST BON DE N'AVOIR QU'UNE PRATIQUE DOMINANTE, ET LA MEILLEURE EST L'UNION AVEC N. S. - Prenons l'exercice de l'union avec N. S., de préférence à tous les autres, pour en faire le point capital de notre dévotion.
Il arrive trop souvent que plusieurs, en la vie spirituelle, partagent leur esprit en beaucoup de petites pratiques, qui divisent et affaiblissent leur attention. C'est un procédé embarrassant, plus propre à faire reculer une âme qu'à la faire avancer.
Pour une bonne conduite spirituelle, il faut se réduire à l'unité et s'arrêter à peu de choses, mais à des choses grandes et solides qui en embrassent plusieurs autres.
Nous n'avons pas d'ailleurs assez d'esprit pour bien entendre, ni assez de mémoire pour retenir tant de choses et tant d'exercices de piété; et notre volonté même saurait difficilement les bien goûter. Il vaut donc mieux s'arrêter à un seul exercice qui comprenne et unisse tous les autres, si c'est possible.
Or, l'exercice qui renferme tous ces avantages, c'est l'union avec N. S., c'est pourquoi nous devons l'entreprendre et l'embrasser de toute notre affection, sans nous soucier beaucoup des autres, et en nous efforçant de resserrer chaque jour cette union.
Après tout, N. S. est la cause unique de notre prédestination, de notre salut et de notre bien, de sorte que nous participerons à ces avantages selon la liaison et l'union que nous aurons avec lui.
Et comme il connaît mieux que nous en quoi consiste notre salut et ce qui peut nous y conduire, et qu'il le désire encore plus ardemment que nous, il ne manquera pas de nous le donner, si nous nous mettons sous sa conduite.
II. LA PRATIQUE DE CET EXERCICE. - Il faut donc employer tous nos soins et faire tous nos efforts pour nous unir intimement à N. S., sans nous inquiéter de tout le reste. Il saura bien lui-même nous appliquer ensuite et sans que nous y prenions garde, à tout le détail de notre salut, et particulièrement à quatre choses auxquelles se réduit toute l'économie de la conduite spirituelle:
Aux mystères de sa vie et de sa mort;
à ses vertus et à l'exercice des bonnes œuvres;
à toutes choses selon qu'elles nous viendront;
quatrièmement, enfin, à Dieu lui-même.
De même que dans notre corps, les membres ne se portent pas d'eux-mêmes à leurs opérations, mais y sont portés par le mouvement et par la direction de la tête, à laquelle ils sont bien unis, ainsi devons-nous rester bien unis à N. S., qui nous conduira à tout ce qu'il faudra, par sa bonté, sa sagesse et sa puissance infinie.
1° Et d'abord à ses mystères, par les connaissances et les affections qui leur sont propres, par la communication de leur esprit et de leurs grâces spéciales. C'est pour cela que l'Eglise a institué le cycle de la liturgie, pour nous nourrir des mystères de N. S..
2° Il nous appliquera à ses vertus, à son humilité, à sa patience, à sa mansuétude, à son obéissance, à ses intentions, à son oraison, à son amour envers Dieu et envers les hommes, à sa conversation, à son mépris de toutes les choses de ce monde; nous fournissant la grâce en temps et lieux pour connaître ces vertus, les estimer, les aimer, et pour nous résoudre à les exercer dans l'occasion.
Par exemple en nous appliquant à son humilité, il nous donnera la connaissance des humbles pensées qu'il avait, des abaissements et des anéantissements qu'il pratiquait en tant qu'homme devant la divinité, et de l'amour qu'il avait pour cette vertu; ensuite il nous donnera le mouvement et la force pour la pratiquer dans nos pensées, dans nos jugements, nos affections, nos paroles et toutes nos actions.
Quand nous serons offensés en notre honneur, en nos biens, en notre corps, en notre esprit, il sera notre guide et notre appui.
Comme l'aiguille marine ne se tourne pas d'elle-même vers le pôle, si elle n'a pas été frottée à la pierre d'aimant, ainsi notre volonté ne se portera pas d'elle-même à l'humilité et aux mépris, si elle n'est premièrement touchée de l'humilité de N. S., qui lui communiquera son impression et sa vertu…
3° En troisième lieu, N. S. nous appliquera à toutes les choses qui se présenteront, à tous les accidents qui nous arriveront, à la faim, à la soif, au chaud, au froid, aux richesses, à la pauvreté, à la santé, à la maladie, à la vie et à la mort, afin que nous en usions selon lui, d'une manière toute spirituelle, que nous les prenions comme des moyens de salut, de sanctification et d'union. Il nous en a mérité la grâce.
4° Enfin, il nous unira à Dieu, par proportion, comme il était lui-même uni et appliqué à la divinité. Il nous appliquera et nous unira à Dieu, comme à notre premier principe et à notre dernière fin, comme à la souveraine bonté, à la sagesse infinie, à la toute-puissance, à la beauté première et aux autres perfections divines, en nous inspirant les affections correspondantes. Par ce moyen, il nous ouvrira la porte de la vie unitive; il nous en fera exercer les actes et savourer les délices, selon le degré d'union que nous aurons avec lui.
III. CONCLUSION. - Ne pensons et ne travaillons qu'à acquérir cette union. - «Marthe, pourquoi vous agiter et vous troubler, une seule chose est nécessaire».
Nous nous répandons en plusieurs exercices de dévotion avec quelque trouble et agitation, mais il y en a un qui est nécessaire par-dessus tous les autres, c'est de nous bien unir à Notre-Seigneur, qui est l'unique source du salut et de la perfection:
Les ministres de Dieu ont spécialement besoin de ce conseil, parce que les âmes appartiennent à Notre-Seigneur; il a des desseins sur elles et c'est de lui que les apôtres doivent recevoir la grâce de les aider.
Oh! qu'il est aisé à N. S. de convertir les âmes quand il veut, et comme il en connaît bien les moyens! S'il donnait aux chefs d'Etats le zèle de saint Louis, aux évêques et aux prêtres le dévouement des apôtres, les nations seraient bientôt transformées. - Que n'a-t-il pas fait avec de faibles instruments, comme sainte Catherine de Sienne, Jeanne d'Arc, Ste Thérèse?
Une âme bien unie à N. S. contribue puissamment au salut du genre humain, même dans la solitude.
«Ceux qui sont unis à Dieu, dit Louis de Blois, et qui lui donnent plein pouvoir d'opérer en eux, ce qui lui plaît, lui sont très agréables et apportent plus de profit à l'Eglise et au salut des âmes en une heure que d'autres en plusieurs années».
Mettons donc tous nos soins à nous unir à N. S. et à perfectionner cette union. Demandons instamment cette grâce au divin Cœur de Jésus. Si nous sommes unis à N. S., n'ayons peur de rien, il pourvoira à tous
nos intérêts.
«Le Dieu de toute grâce, qui nous a appelées à sa gloire éternelle dans le Christ Jésus, lui-même nous perfectionnera, affermira et consolidera. A lui la gloire et l'empire dans les siècles des siècles. Amen» (I Pet., V, 10).
- Dans cette union à N. S., tenons compte de la grâce du temps présent: unissons-nous au Sacré-Cœur de Jésus, à ses dispositions, à ses vertus, à tous ses actes.
Ce sont là les trois étapes de notre grande retraite de vie intérieure. Ce ne sont pas cependant des étapes absolument distinctes et successives. Il faut toujours se purifier, toujours s'éclairer et toujours s'unir. Mais le travail de purification domine au commencement; et l'union, qui commence avec la voie illuminative, domine de plus en plus et devient le repos et l'état habituel de l'âme.
I. SE PURIFIER. - C'est l'œuvre principale du commencement; l'œuvre de la première retraite, de la retraite de conversion.
Elle s'opère par la méditation des grandes vérités, des fins dernières, du péché, de la mort et du jugement; par la confession générale, par la rénovation des promesses du baptême, par la résolution de changer de vie et de se donner à Dieu.
Mais en cette pauvre vie, rien n'est fixe et durable. A peine purifiés, nous nous souillons de nouveau. Il faut renouveler notre purification. Nous la renouvelons tous les ans par la retraite annuelle, tous les mois par la retraite du mois, toutes les jours par nos examens et nos actes de contrition.
Nous la perfectionnons par la vigilance constante et la correction de nos défauts, par la réforme même de nos imperfections naturelles et surtout de notre agitation et de notre activité trop empressée.
Dieu se plaît avec les âmes pures, calmes, attentives, recueillies.
II. S'ECLAIRER. - C'est l'œuvre de toute la vie. Elle s'opère surtout par la méditation quotidienne de la vie, des vertus et des mystères de N. S.; par l'étude des enseignements de la foi, théologie, catéchisme, livres ascétiques; par la lecture spirituelle quotidienne dans la Sainte Ecriture, dans la vie et les écrits des Saints; par l'attention à la sainte liturgie, à la sainte messe, au saint office.
N. S. prend ordinairement occasion de ces diverses circonstances pour nous éclairer, mais il se complaît aussi parfois à nous instruire spontanément, en éveillant notre mémoire et notre intelligence sur des vérités surnaturelles, et en nous appliquant ses dons précieux d'Intelligence, de Science et de Conseil.
Heureuses les âmes pures, qui sont habituellement recueillies, dociles, attentives aux lumières et aux enseignements du bon Maître.
III. S'UNIR. - C'est aussi l'œuvre de toute la vie. Elle commence avec la voie illuminative, mais elle doit s'accentuer de plus en plus. Ses lumières provoquent les affections. La méditation discursive conduit bientôt à l'oraison affective. C'est là que l'âme doit se montrer généreuse, fidèle et forte, pour ne pas se laisser choir et retomber dans l'affection désordonnée des créatures. Elle doit être fidèle à l'union pratique et active, la seule qui soit en son pouvoir, et attendre qu'il plaise à N. S. de l'élever plus haut.
L'union pratique, c'est la fidélité à tous nos exercices et à tous nos devoirs d'état. C'est la vie en présence de Dieu, c'est la patience dans la peine; c'est l'offrande et la sanctification de toutes nos actions. C'est l'amour de la prière et de l'Eucharistie; c'est la préférence donnée au calme et au recueillement, sans refuser toutefois d'aller aux œuvres et aux relations nécessaires.
«Seigneur, combien j'aime vos tabernacles! disait David. - je suis toujours avec vous, vous me conduisez par la main. - Vous êtes le Dieu de mon cœur et mon partage pour toujours. -je pense à vous, c'est ma joie, et mon cœur défaille d'amour pour vous» (Ps. LXXII-LXXVI-LXXXIII).
Divin Cœur de Jésus, soyez ma retraite pour toujours. En vous je trouverai toute lumière, toute force et toute consolation.
C'est en vous que je m'unis à mon Dieu, à mon Sauveur, à mon modèle, à mon Père, à mon Frère, à mon ami, à mon tout. Auprès de vous, je suis à la source de toute grâce, de toute vertu, de toute suavité.