CORRESPONDANCE DU PERE DEHON: ANNEE 1874
14. 01. 1874. B 18/11. 2. 47 (inv. 221. 47). Ses parents
Bien chers parents,
Il y a plusieurs jours que je désire vous écrire et je n'en trouve pas le moment. Aujourd'hui je le prends, pour ne pas vous laisser plus longtemps sans nouvelles.
Les premiers jours de janvier, avec les visites à recevoir et à rendre, m'ont apporté un surcroît de besogne. Mes oeuvres grandissent tous les jours et me donnent les plus grandes joies. J'ai maintenant, outre mes deux cents apprentis, cinquante jeunes gens au Cercle. Je suis à la recherche d'un second billard. J'ai loué hier une maison attenante pour agrandir le local. J'ai trouvé comme ressources depuis quinze jours dix sept cents francs. C'est une oeuvre bénie par le bon Dieu et qui prendra encore de l'accroissement.
Ma santé est du reste excellente.
Je ne connaissais pas la nomination de Vandelet et je suis heureux de l'apprendre. Il trouvera là un jeune avocat d'une des premières familles de St Quentin, Mr Desjardins, marié à la fille d'un magistrat de la cour de Douai. La mère de ce jeune homme est une des bienfaitrices du Patronage.
Je voudrais comme vous savoir où en sont les affaires de mon oncle de Paris. Marie devrait avoir plus de confiance et vous tenir au courant.
Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Amélie. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon.
Début janvier 1874 ( ?). B 107/5 (inv. 116440)
(4. A1. 51, p. 18). Sa nièce Marthe (Texte original : M. Robert Malézieux-Dehon)
Ma chère petite Marthe,
Je te remercie de tes bons souhaits et j'espère que le bon Dieu les réalisera. Prie bien pour cela. Les prières des enfants sont très agréables à Dieu.
Tu liras avec soin ton livre d'étrennes. Tu y trouveras la vie des Saints de notre temps et tu prendras la résolution de les imiter.
Tu seras obligée de lire aussi celui d'Amélie. Tu lui en feras la lecture en famille tous les soirs, puisque cette petite paresseuse ne sait pas encore lire toute seule. Quand j'irai te voir, je te questionnerai sur l'histoire sainte pour voir si tu l'as bien lu.
Embrasse Amélie pour moi et dis-lui que si elle ne se dépêche pas d'apprendre à lire, je lui reprendrai son beau livre.
Je t'embrasse de tout mon coeur. Ton oncle dévoué. L. Dehon.
28. 01. 1874. B 18/11. 2. 48 (inv. 221. 48).Ses parents
Bien chers parents,
Je n'ai pas rencontré aujourd'hui Jules Demont qui m'aurait donné de vos nouvelles. Je suppose qu'il m'en apporte de bonnes.
Je suis très heureux ici de la marche de mes oeuvres. Le Patronage a fait un grand pas depuis quelques jours. J'ai organisé un comité protecteur, composé d'une trentaine de messieurs les plus influents de la ville, le sous-préfet, le procureur, plusieurs magistrats, les principaux industriels, Messieurs Lehoult, Eug. Lebée, Basquin, etc.
Je vais réunir ces messieurs samedi prochain au local de l'oeuvre. Ils la prendront sous leur protection, s'y réuniront de temps en temps et aviseront aux moyens de grandir l'oeuvre et de lui trouver des ressources.
Le bon Dieu bénit nos efforts. J'espère que cette oeuvre produira ici un très grand bien.
Mes occupations sont maintenant bien nombreuses. Il faut que j'attende que les circonstances amènent quelque changement au vicariat pour être déchargé d'une partie de ma besogne.
Du reste ma santé est excellente et je suffis à tout en réglant bien l'emploi de mon temps. Les visites du nouvel an et l'organisation de ce comité, qui m'ont pris tout ce mois de janvier, sont maintenant terminées, et j'aurai plus de liberté.
Jules Demont m'a fait remettre un paquet de bas qui me seront bien utiles. Pour mon linge, j'attendrai bien encore un mois.
Embrassez pour moi Henri, Laure, Maman Dehon et Amélie. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon.
04. 02. 1874. B 18/11. 2. 49 (inv. 221. 49). Ses parents
Bien chers parents,
La réunion que je vous avais annoncée a répondu pleinement à mes espérances. Nous avons constitué un comité protecteur de nos oeuvres ouvrières. Monsieur Hector Basquin a été nommé président. Nous aurons une réunion nouvelle dans un mois. Tous ces messieurs vont nous chercher des membres fondateurs qui nous donneront 200 francs, des bienfaiteurs qui donneront 50 francs et des membres honoraires qui donneront 10 francs par an.
Je suis heureux des nouvelles que vous me donnez de Paris. Deux mois seront vite passés et nous n'aurons plus à craindre les difficultés que nous redoutions en cas de mort de maman Dehon.
J'ai vu hier ici monsieur Lenain-Proyart. Il s'intéresse à la fondation d'un journal conservateur et religieux que nous essayons de faire aboutir à St Quentin. Nous cherchons des actionnaires. Le clergé encourage ce projet, sans y être mêlé directement. Vous pourriez peut-être nous trouver à La Capelle une action de 500 francs. Ce ne serait pas tant une spéculation qu'une bonne oeuvre. Cependant l'éditeur qui entreprendrait l'affaire la regarde comme bonne, car il mettrait lui-même 25.000 francs, c'est-à-dire la moitié de ce qui est nécessaire. Vous me répondrez à ce sujet.
J'ai reçu la somme que vous aviez remise à Jules Demont.
Je suis heureux que vous ayez lu avec intérêt les pèlerinages de Paray-le-Monial. Je vous engage à prendre maintenant Fabiola. Certains chapitres vous intéresseront extrêmement. Je vous trouverai ensuite autre chose.
Je prends note de votre promesse de venir me voir à la fin de mars.
Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Amélie. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
28. 02. 1874. B 18/11. 2. 50 (inv. 221. 50). Ses parents
Bien chers parents,
J'ai reçu de vos nouvelles plusieurs fois indirectement et je suis heureux d'apprendre que vous êtes décidés à venir me voir à la fin de mars. C'est une vieille promesse et je vois avec plaisir que vous ne l'avez pas oubliée.
Je suis toujours content de la marche de mes oeuvres ici. Le Patronage et le Cercle grandissent, et le comité protecteur nous procurera certainement des ressources.
Méricourt m'a dit que vous alliez enfin avoir une religieuse comme vous le désiriez. C'était bien nécessaire pour Marthe et Amélie. Il me semble que c'est lui aussi qui m'a dit que l'on demandait un vicaire à La Capelle. Je ne crois pas que vous l'obteniez facilement.
Vous recevrez probablement lundi ou mardi la visite d'un jeune homme très estimable de Saint-Quentin, Mr Pichon, contrôleur ou vérificateur de l'enregistrement. Il passera à La Capelle pour son service. Je l'ai engagé à vous voir pour vous donner de mes nouvelles.
Mademoiselle Fiévet m'a dit que maman souffrait d'un mal d'oreilles. J'espère que ce mal n'aura pas de suite.
Ne me laissez pas trop longtemps sans nouvelles. Vous êtes moins occupés que moi et vous êtes plusieurs pour écrire, vous pouvez donc m'écrire assez souvent.
Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et les enfants.
Je vous embrasse de tout coeur Votre dévoué fils L. Dehon
Je crois que je ne vous avais pas envoyé le programme de notre dernière fête. Je le joins à ma lettre.
09. 03. 1874. B 18/11. 2. 51 (inv. 221. 51). Ses parents
Bien chers parents,
Une personne de la Haye Mobecq nommée Emilie Cercelier, qui est domestique ici, me prie de vous demander un service. Elle a entendu dire que la maison de Wathier le garde, auprès de votre propriété, était à vendre. Cette maison provient de sa famille, elle voudrait la racheter. Elle croit qu'il vous serait plus facile qu'à elle de négocier cette affaire-là. Elle y mettrait volontiers deux mille francs et même plus s'il le faut. Elle pourrait payer comptant. Elle louerait cette maison et irait plus tard s'y retirer, quand elle ne serait plus à servir. Vous me direz dans votre prochaine lettre ce que vous en pensez.
Je suis heureux que maman ait vu monsieur Pichon, vérificateur de l'enregistrement. C'est un homme très honorable que vous ferez bien d'inviter une fois pendant son prochain séjour à La Capelle. Il est venu aussitôt son retour me donner de vos nouvelles.
Je compte sur votre visite à la fin de mars. Arrangez-vous de façon à rester deux ou trois jours. Jules Demont vous recevra bien volontiers. Si vous pouviez passer ici un dimanche vous verriez peut-être avec intérêt les beaux offices de la paroisse et notre oeuvre ouvrière.
Le comité protecteur de cette oeuvre se réunit ce soir. Il se compose de quarante des messieurs les plus influents de la ville. Ce sera un puissant appui pour l'oeuvre et une assurance poiur son avenir. Ces messieurs nous aideront à trouver des ressources pécuniaires, bien que je ne les voie pas disposés à de grandes largesses actuelles, à cause du triste état du commerce et des oeuvres nombreuses qui sollicitent ici la charité.
Madame Grouselle se rappelle au souvenir de maman qu'elle a connue dans son enfance. Madame Veuve Lemaire Dufour s'informe souvent de maman Dehon, qui doit aussi la connaître.
Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Amélie. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
14. 03. 1874. B 18/11. 2. 52 (inv. 221. 52). Ses parents
Bien chers parents,
Je suis encore chargé d'une commission auprès de vous. Il est question d'un mariage entre un jeune homme qui est brasseur à St Quentin et mademoiselle Parent de La Capelle. Ce jeune homme me demande des renseignements. Il désire savoir ce qu'est la demoiselle, quel est son caractère, où elle a été élevée, si elle a des principes religieux.
Je sais que vous êtes très à même de me donner ces renseignements et les autres que vous jugerez utiles.
Vous savez combien les jeunes gens sont impatients et vous ne me ferez pas attendre votre réponse.
J'ai été content de la dernière réunion du comité du Cercle ouvrier. Ces messieurs ont décidé qu'ils chercheraient pendant un mois quelques souscriptions de 200 ou de 50 francs correspondant aux titres de Fondateurs et Bienfaiteurs. Après cela, ils s'efforceront de trouver un grand nombre de membres honoraires payant 10f par an, pour assurer l'entretien de l'oeuvre.
La question du journal conservateur avance. Il manque encore quelques milliers de francs, j'espère qu'on finira par les trouver. Je regrette que vous n'ayez pas pu trouver une action à La Capelle.
Madame Demont est assez souffrante d'une bronchite. On a dû lui mettre aujourd'hui un vésicatoire. J'espère qu'elle ira bientôt mieux.
Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Amélie. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
27. 03. 1874. B 109/2 (inv. 1169.25). Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)
+ Saint-Quentin – Le 27 mars 1874.
Mon bien cher ami,
Je pense plus à vous que je ne puis vous le dire, mes occupations m'obligent à négliger toutes mes correspondances.
Votre long silence est-il aussi le résultat de votre besogne, ou bien serait-il l'indice d'une petite rancune ? M'en voudriez-vous de vous négliger si longtemps ? Je ne le pense pas.
Je vous suppose très affairé comme moi. Vous devez être aussi chargé d'œuvres, outre vos fonctions de vicaire.
Peut-être même avez-vous entrepris de prêcher le carême quelque part ?
Quoiqu'il en soit, je me fais une fête de vous revoir bientôt. Je compte assister au moins à quelques séances de l'assemblée générale des Cercles catholiques d'ouvriers, les 13, 14 et 15 avril.
Faites vous inscrire aussi pour cette assemblée, au comité 17 quai Voltaire.
Nous aurons bien des choses à nous dire et pour ma part, je me promets de passer avec vous quelques bons moments.
Je voudrais aussi savoir si votre activité a trouvé une suffisante expansion dans le ministère paroissial, et si vos projets de vie religieuse sont tout à fait abandonnés.
Je vais tâcher d'écrire au bon p. Freyd, pour avoir, s'il me répond de suite, des nouvelles fraîches à vous en donner.
Envoyez-moi quelques mots prochainement.
Serrez la main au bon père Duponchel.
Je vous embrasse de tout cœur et vous suis tout dévoué en Notre-Seigneur.
L. Dehon, vic.
Mars 1874. B 18/11. 2. 53 (inv. 221. 53). Ses parents
Bien chers parents,
Le jeune homme dont je vous ai parlé me demande quel est au juste l'âge de Melle Parent et si elle est chez ses parents. Il pense qu'elle a 18 ou 19 ans. Ayez la bonté de me répondre exactement à ces deux questions, le plus tôt que vous pourrez.
C'est Madame Demont la mère qui est malade. Elle va un peu mieux. Jules Demont compte que vous descendrez cher lui. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon.
04. 04. 1874. B. 18/11. 2. 54 (inv. 221. 54). Ses parents
Bien chers parents,
Votre visite m'a fait le plus grand plaisir, bien qu'elle ait été courte. J'ai passé quelques bons moments avec vous. Je les renouvellerai aussitôt qu'il me sera possible.
Pour le moment, j'ai un autre projet de voyage. Il y aura à Paris du 12 au 26 courant une assemblée générale des comités de Cercles ouvriers. Je compte bien y aller. Faites-moi connaître d'ici là vos commissions pour Paris.
Il ne me sera pas facile de voir Mr Boca, comme papa le désire.
Les peignes de Laure ne sont pas terminés, je ne pourrai les lui envoyer que dans huit jours avec ma caisse de linge.
Madame Demont continue à aller mieux.
J'ai vu Gaston un petit instant et je n'ai pas eu le temps de lui rendre ma visite pendant son court séjour.
Je serai bien heureux d'avoir le portrait de Mr Vitel. Si j'avais l'adresse de sa soeur, je lui écrirais pour la remercier.
Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et les enfants.
Je vous embrasse de tout coeur Votre dévoué fils L. Dehon.
14. 04. 1874 (de Paris) B 18/11. 2. 55 (inv. 221. 55). Ses parents
Bien chers parents,
J'aurais voulu avant mon départ de St Quentin vous écrire et souhaiter à papa une bonne fête. Ma besogne ne me l'a pas permis. C'était fête au Patronage. Mes bons enfants s'étaient mis en frais pour la Saint-Léon. Nos salles étaient magnifiquement décorées. Il y eut des diapos, des choeurs, un feu d'artifice, beaucoup de joie et de bonne volonté.
Dimanche nous avions une comédie que l'on donnera encore vendredi prochain pour le public.
Je suis venu ici lundi matin avec Mr Hector Basquin et Mr Charles Lecot. Ce Congrès nous enchante. Nous nous proposons de développer encore nos oeuvres de St Quentin.
Je suis allé à Montmartre. Marie avait la migraine et on ne m'a pas ouvert. Le concierge m'a dit que Mr Dehon était absent depuis longtemps et qu'il avait écrit qu'il rentrerait jeudi 16. J'ai l'intention de rester jusque vendredi pour voir mon oncle et vous donner de ses nouvelles.
J'ai reçu avant mon départ de St Quentin une demi pièce de vin.
Je suis descendu chez l'abbé Désaire, avenue d'Orléans 52. Vous pourriez encore m'y écrire si vous le désirez, par retour du courrier.
Je vous embrasse de tout coeur. Votre dévoué fils L. Dehon.
10. 05. 1874. B 18/11. 2. 56 (inv. 221. 56). Ses parents
Bien chers parents,
Je suis heureux que vos affaires de famille se soient arrangées sans aucune difficulté. J'aurais voulu être avec vous pendant que vous étiez tous réunis, mais ma présence était nécessaire ici. Nos réunions se sont très bien passées.
Mon court séjour à La Capelle m'a reposé, en faisant diversion à mes occupations habituelles. Je me trouve maintenant très dispos pour m'occuper de mes oeuvres et des premières communions qui approchent.
Je remercie le bon Dieu d'avoir pu rendre les derniers devoirs à maman Dehon. Bien qu'elle ait reçu tous les secours de la religion, il ne faut pas négliger de prier pour elle. J'ai dit plusieurs fois la sainte messe à son intention.
Vous ferez bien de m'envoyer quelques lettres de faire-part pour les vicaires. Ernest Fiévet était ici il y a quelques jours. Il est maintenant à Amiens.
Embrassez pour moi Henri, Laure et les enfants. Je vous embrasse de tout coeur
Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
10. 05. 1874. B 109/2 (inv. 1169. 26). Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)
+ Saint-Quentin - Le 10 mai 1874
Mon bien cher ami,
Je vous dois mille remerciements pour l'aimable hospitalité que vous m'avez offerte, avec vos excellents confrères et amis.
Vous étiez trop heureux dans votre petite communauté. Il fallait passer par quelques épreuves. J'ai appris par les journaux votre dispersion. Vous trouverez à Saint-Ambroise beaucoup de bien à faire, mais je crains bien que votre isolement ne vous pèse beaucoup. Je suis sûr que mille projets vont repasser dans votre esprit, et je prends une vive part aux ennuis que vous allez éprouver.
Vous me donnerez bientôt des nouvelles de votre situation. Ce sera pour vous une distraction de m'écrire.
Vous devez encore voir quelquefois le p. Deponchel et le bon abbé Blanc. Remerciez-les du bon accueil que j'ai reçu chez eux, et dites-moi comment ils supportent leur exil.
Je suis allé dans ma famille dernièrement dans des circonstances pénibles. Ma grand-mère, que vous y avez rencontrée, est morte il y a quelques jours, laissant un grand vide dans la maison où elle vivait avec mes parents. Elle avait quatre vingt sept ans.
Mes œuvres ici marchent bien. Nous avons cependant une peine inouïe à organiser le Journal. Aidez-nous de vos prières.
Quand vous ayrez des loisirs, venez passer quelques jours avec nous.
Au revoir, mon cher ami, tout à vous en Notre-Seigneur.
L. Dehon, vic.
(Au dos d'une feuille, ces mots : Mardi 9 à Charenton)
26. 05. 1874. B 36/2d.17 (inv. 629.17). P. Freyd [B 36/2a. 17 (inv. 626. 17). (copie dactylographiée)]
Mon révérend Père,
Cette lettre est à l'ordre du jour de mes travaux depuis cinq mois, mais ma besogne est tellement absorbante, que je finis par négliger toute ma correspondance. Mon poste modeste de sixième vicaire me donne beaucoup de travail matériel. Mais ce qui ne m'occupe pas moins, ce sont les oeuvres ouvrières que j'ai fondées, un Patronage, un Cercle, et un comité de patrons, qui suffiraient à l'activité d'un prêtre zélé.
Le succès de ces oeuvres me console un peu de mes fatigues.
Mes Franciscaines alsaciennes s'organisent. Elles sont quatorze et elles ont déjà vingt deux orphelines et une petite école. Je voudrais qu'elles puissent créer un ouvroir important. Leur situation financière s'est un peu améliorée, grâce à la protection de saint Joseph.
La petite association sacerdotale dont je vous ai parlé me paraît appelée à s'affermir et à faire du bien dans le diocèse. Cependant elle ne sera bien vivante que lorsqu'elle aura un centre de vie commune où les membres isolés pourront aller de temps en temps se retremper. Nous sommes déjà huit ou neuf associés avec un excellent doyen pour supérieur. Nous lui adressons tous les mois le petit bulletin dont je vous envoie un spécimen. C'est une solide garantie de régularité et un stimulant efficace.
J'avais essayé aussi depuis quelques mois de pousser à la création d'un journal catholique. On a déjà réuni dans ce but une somme de trente mille francs, mais les dernières difficultés et l'état des esprits effrayent les actionnaires qui doutent du succès et l'entreprise est sur le point d'échouer au port. Tout ce que l'on fait pour le salut politique de la France paraît frappé partout d'impuissance. Le bon Dieu nous ménage sans doute d'autres épreuves.
Voilà, mon révérend Père, les occupations de votre enfant. Elles ont leur utilité dans une sphère restreinte. Je les continuerai tant qu'il plaira à Dieu.
Au milieu de tout cela, mon âme se conserve assez bien et ma santé est suffisante.
Je serais heureux d'avoir bientôt de vous un mot d'encouragement, avec des nouvelles de Rome et de Sainte Claire.
Le privilège du Cercle de Montparnasse qui a obtenu de Rome un corps de martyr me rend jaloux. Ne pourrais-je pas, par votre entremise, obtenir pour la chapelle de mon oeuvre ouvrière qui compte déjà trois cents membres, quelque relique insigne d'un martyr des cartacombes?
En vous exprimant de nouveau, mon révérend Père, ma vive reconnaissance pour vos inappréciables bontés, je me recommande à vos prières, ainsi que mes oeuvres et vous prie d'offrir mes affectueux respects au R. P. Brichet et au R. P. Daum.
Votre dévoué fils en N. S. L. Dehon.
29. 05. 1874. B 18/11. 2. 57 (inv. 221. 57). Ses parents
Bien chers parents,
La préparation des premières communions me donne pas mal de besogne. C'est seulement le 17 juin qu'elles auront lieu. Il faudra jusque là faire des catéchismes tous les jours.
Je ne suis pas mécontent de la marche de mes oeuvres. Les membres de notre comité ont commencé une souscription pour le Patronage. Je vais obtenir par là cinq ou six mille francs, et une liste de membres honoraires, qui assureront à l'oeuvre environ deux mille francs de revenu.
Parmi les personnes que vous connaissez, Mr Boca a déjà souscrit pour 200 francs et Mr Férouelle pour 50f.
Les jeunes gens du Cercle ont commencé l'organisation d'une fanfare.
Monseigneur a promis de visiter l'oeuvre. Nous lui demanderons probablement de bénir un chemin de croix qui vient de nous être donné pour notre petit sanctuaire.
Les Franciscaines ont trouvé encore quelques resources. Le Ministère de l'intérieur vient de
leur attribuer cinq cents francs, sur les fonds destinés aux Alsaciens-Lorrains.
Je goûte fort votre projet de faire en bas votre chambre à coucher. Ce sera pour maman un moyen de monter en haut peut-être dix fois moins par jour, et elle ne s'en portera que mieux. Avec un parquet et une bonne cheminée votre chambre à coucher sera très saine.
La chambre toute en boiserie ne fera pas mauvais effet. Mais il ne faudrait pas peindre ces boiseries en chêne. Il faudra les faire mettre en gris. Au château de Leschelle, les beaux appartements de Madame la Comtesse sont en boiseries peintes en gris. C'est toujours plus riche que du papier.
Siméon a dû vous faire part de la naissance de sa petite fille, et Mr Camille Gardelle de la mort de sa seconde femme.
Je vous enverrai demain ma caisse de linge.
Embrassez pour moi Henri, Laure et les enfants. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
08. 06. 1874. B 18/11. 2. 58 (inv. 221. 58). Ses parents
Bien chers parents,
J'attends de vos nouvelles depuis quelques jours. Je pensais que vous me raconteriez le passage de Monseigneur à La Capelle. Il a dû y rester plusieurs jours. Papa a peut-être eu la bonne pensée de lui faire une visite.
Nous l'attendons ici pour jeudi prochain. Cependant la confirmation à la Collégiale n'aura lieu que le 17. Vendredi prochain nous aurons une prise d'habit chez les Franciscaines, présidée par Mr Dours.
Papa a-t-il encore le projet d'aller à Paris, et doit-il passer par St Quentin? S'il passait par ici je le prierais de m'apporter un peu d'argent. J'aurai besoin pour le 15 de trois cents francs. Tâchez de m'en envoyer au moins deux cents. Cependant si vous êtes gênés, j'attendrai bien quelques jours.
Je ne prévois pas de changement prochain dans le personnel du vicariat. Si Monseigneur nous annonce quelque chose, je me hâterai de vous l'écrire.
Je vous embrasse de tout coeur et vous prie d'embrasser pour moi Henri, Laure et les enfants.
Votre dévoué fils L. Dehon
17. 06. 1874. B 18/11. 2. 59 (inv. 221. 59). Ses parents
Bien chers parents,
Je ne puis pas attendre plus longtemps pour vous donner des nouvelles, et surtout pour vous accuser réception des 300 francs que maman m'a envoyés.
Nous avons été très occupés depuis quelques jours. Nous préparions la première communion et la confirmation qui ont eu lieu aujourd'hui.
Monseigneur est heureux de pouvoir rentrer demain à Soissons pour se reposer.
Il ne nous annonce aucun changement prochain dans le clergé de Saint Quentin.
Il a eu la bonté, malgré sa fatigue, de visiter dimanche dernier le Patronage. Nos jeunes gens avaient orné leur maison de guirlandes et de tentures et ils ont reçu Monseigneur aussi bien que possible.
Nous allons nous reposer jusqu'au mois de novembre de la besogne des catéchismes.
La cérémonie des Franciscaines, dont Mr Dours vous avait parlé, a été fort belle. Quatre jeunes personnes ont pris le voile et deux novices ont fait leurs voeux. J'espère que cette maison grandira et fera du bien à la classe ouvrière.
Mme Demont va bien maintenant. Elle souffre cependant encore un peu de la goutte.
Jules Demont n'a pas encore payé les photographies qu'il a fait faire pour Laure.
Embrassez pour moi Henri, Laure et les enfants. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
21. 07. 1874. B 18/11. 2. 60 (inv. 221. 60). Ses parents
Bien chers parents,
J'espère que le temps va enfin se mettre à la pluie et que vous serez tirés d'embarras. Depuis mon retour, le soleil me fait chaque jour penser à vos ennuis. Madame Demont me dit qu'on se plaint au Nouvion comme à La Capelle. Ici on a commencé à couper les blés, et on ne se plaint guère de la sécheresse.
J'ai reçu la statue de saint Joseph. Elle est intacte. Elle a été emballée de mains de maître. Les enfants sont ravis de l'avoir. Dites à Mr le doyen qu'elle est arrivée à bon port.
Je compte aller la semaine prochaine faire quatre jours de retraite à St Vincent de Laon.
Mr Chédaille est décidé à faire avec Mr Mignot, ancien vicaire, le voyage de Palestine. Ils vont partir dans huit jours. Ils seront absents deux mois.
Je vais préparer une fête au Patronage pour le dimanche 9 août. Nous aurons une pièce de comédie et de la musique. La fanfare joue déjà quelques morceaux. Le Cercle augmente toujours.
Embrassez pour moi Henri, Laure et les enfants. Votre dévoué fils L. Dehon.
05. 08. 1874. B. 18/11. 2. 61 (inv. 221. 61). Ses parents
Bien chers parents,
Il y a longtemps que vous ne m'avez donné de vos nouvelles.
J'ai passé la semaine dernière quelques jours de délicieuse retraite à Saint Vincent de Laon. Quel séjour favorable au repos de l'âme et aux pensées sérieuses. On y trouve le calme, le recueillement, une belle nature, de grands horizons. Cette retraite m'a fait le plus grand bien. C'était une salutaire diversion aux occupations absorbantes qui me poursuivent ici.
Nous préparons pour dimanche une grande fête au Patronage. Le programme en est attrayant. Je regrette que vous n'y soyez pas. Les pluies beinfaisantes qui sont tombées depuis quelques jours ont dû vous rendre la gaieté et vous mettre en humeur d'assister à une fête.
J'apprends que Jules Demont ira vous voir en famille à la fin de la semaine.
Mon départ pour le Congrès de Lyon est fixé au 20. Je reviendrai le 29. Vous pourriez profiter du voyage de Jules Demont, s'il ne tarde pas trop, pour m'envoyer de l'argent. J'aimerais bien d'avoir pour mon voyage les 300f du mois d'août et ce qui reste de juillet en déduisant le prix de la statue et du vin.
Embrassez pour moi Henri, Laure et les enfants. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
08. 08. 1874. B 18/11. 2. 62 (inv. 221. 62). Ses parents
Bien cher parents,
J'ai reçu votre lettre avec 500 francs, et ma caisse de linge.
Jules Demont devait être parti hier matin avant que je n'aie lu votre lettre, qui m'a été remise à midi. La maladie de Marthe a abrégé son séjour à La Capelle.
J'avais appris que papa avait eu recours aux moyens extrêmes. Je regrette qu'il n'ait pas attendu la pluie en donnant des tourteaux. Il a fait pour le mieux. Il faut en prendre son parti et ne pas s'en tourmenter.
Donnez-moi bientôt des nouvelles de tous vos malades. Embrassez pour moi Henri, Laure et Amélie (Je suppose qu'on s'abstient pour le moment d'embrasser Marthe).
Je vous embrasse de tout coeur Votre décvoué fils L. Dehon, vic.
18. 08. 1874. B 18/11. 2. 63 (inv. 221. 63). Ses parents
Bien chers parents,
Je pars demain pour Lyon avec l'abbé Geispitz. Nous nous arrêterons quelques heures jeudi, fête de saint Bernard, à Fontaine-les-Dijon, au lieu de naissance de ce grand saint. Nous passerons la journée de vendredi à la Grande Chartreuse et celle de dimanche à La Salette. Le Congrès s'ouvrira lundi soir.
J'y assisterai comme délégué de Monseigneur et comme représentant du Bureau diocésain des oeuvres ouvrières que nous venons de créer à St Quentin.
Je rencontrerai là Monsieur Demiselle et plusieurs autres personnes de Soissons et de Laon. Je serai de retour ici le 30.
Nos petites fêtes du 9 et du 16 au Patronage ont très bien réussi. Le Préfet n'a pas pu y assister. Il nous a promis d'y venir une autre fois.
Je suppose que vos Courses ont répondu à votre attente. Le beau temps vous a favorisé.
Jules Demont a remis à plus tard son voyage à La Capelle.
Je vous embrasse de tout coeur et vous prie d'embrasser pour moi Henri, Laure et les enfants.
Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
23. 08. 1874. B 18/11. 2. 64 (inv. 221. 64). Ses parents
Chers parents,
Mon voyage réussit à souhait. Jeudi matin, je me trouvais à Fontaine-les-Dijon, lieu de naissance de St Bernard. C'était la fête du Saint. Il y avait un grand concours de pèlerins. L'évêque de Dijon officiait.
Vendredi j'ai visité la Grande Chartreuse, merveilleuse solitude toute remplie des souvenirs de St Bruno, au milieu de la plus splendide nature.
Hier je suis monté à La Salette. C'est un rude voyage qui exige dix heures de voiture et deux heures de mulet. Mais comme on est bien payé de sa peine pour les touchnates impressions que l'on y éprouve! C'est le pèlerinage le plus saisissant. J'ai pu causer avec Maximin, le berger de l'apparition. Je suis redescendu aujourd'hui à Grenoble.
Demain commence le Congrès de Lyon. J'y passerai toute la semaine et samedi je rentrerai à St Quentin. Je ne vous oublie pas dans les sanctuaires que je visite.
Je ne quitterai Lyon que le 28 au soir. Vous pourriez jusqu'au 26 m'y écrire au Grand Séminaire. Je vous embrasse de tout coeur. Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
30. 08. 1874. B 18/11. 2. 65 (inv. 218. 65). Ses parents
Bien chers parents,
Me voici de retour de mon heureux voyage. Le Congrès de Lyon m'a ravi comme celui de Nantes. Il y a là des hommes providentiels, dont le talent et les oeuvres produisent des merveilles.
J'ai appris à Lyon que le P. Freyd de Rome était à Paris. Je me suis hâté de le rejoindre à la fin du Congrès. Je l'ai amené ici vendredi et hier samedi je l'ai accompagné jusqu'à Cambrai où je l'ai laissé avec le cardinal.
J'avais bien besoin de ses conseils pour une affaire importante. On me demandait à Lille comme professeur à l'Université catholique qui va inaugurer quelques cours en novembre, sans attendre la loi sur l'enseignement supérieur. Nous avons bien pesé le pour et le contre et nous avons décidé que je resterai ici pour le moment.
Je vous envoie aujourd'hui ma caisse de linge avec les cordons de sonnettes que je vous avais déjà expédiés il y a quinze jours. La messagère les avait confiés à un commissionnaire qui s'est trompé et ils m'étaient revenus par le chemin de fer pendant mon absence.
Ne tardez pas à me donner des nouvelles de tous vos malades. Embrassez pour moi Henri, Laure et les enfants. Je vous embrasse de tout coeur. Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
07. 09. 1874. B 21/7. 2 (inv. 431. 10). P. Hautcoeur
Mon bien cher confrère,
Je sens que je ne dois pas retarder plus longtemps vos combinaisons en vous faisant attendre ma décision.
Malheureusement je ne puis donner, à mon grand regret, qu'une réponse négative. J'ai pesé de nouveau le pour et le contre, et j'en suis revenu à ma décision première qui sera définitive. Je resterai ici pour le moment, afin d'asseoir plus solidement toutes les oeuvres que j'ai entreprises et si dans un an vous avez encore besoin de moi, je pourrai sans doute me mettre à votre disposition.
Il me semble que vous suffirez amplement à la tâche avec les prêtres ou religieux qui seront chargés des cours de philosophie. Vous trouverez facilement un professeur de droit naturel et vous avez une solide garantie de succès dans la valeur des hommes qui vous sont acquis et dont vous m'avez parlé.
En vous renouvelant l'expression de mon regret, je vous prie d'agréer l'assurance de mon affectueux dévouement. L. Dehon.
09. 09. 1874. B 18/11. 2. 66 (inv. 221. 66). Ses parents
(En-tête ajouté: Original cédé au St Siège sur requête de Mgre Macchi)
Bien chers parents,
Je vous ai peu parlé du Congrès de Lyon, c'est qu'il faudrait un volume pour le décrire. C'était l'élite des hommes de dévouement de toute la France. Quelques-uns surtout comme Mr Léon Harmel, M. de La Tour du Pin, Mr Féron-Vrau de Lille et autres nous ont enthousiasmés par l'ardeur de leur zèle et de leur foi, et par l'élévation de leurs pensées. Il résulte de ce Congrès que nos oeuvres progressent et se multiplient et que les associations catholiques commencent à faire contrepoids aux associations révolutionnaires.
J'entretiens avec le P. Freyd une correspondance suivie et je m'en rapporte entièrement à sa sage direction. D'après son avis j'ai refusé formellement d'aller à Lille cette année, malgré les nouvelles instances qui ont été faites.
Je n'ai pas vu aujourd'hui comme vous me l'annonciez Mr le curé de Buironfosse. Il aura sans doute été empêché de venir.
Je destinais à maman et à Laure les petites statuettes en os de N. D. de La Salette. Les médailles et les statuettes qui sont dans les étuis sont pour papa, pour Henri et pour les enfants. Je pourrai vous envoyer encore deux ou trois statuettes dans des étuis et des petites croix.
La nappe que j'ai renvoyée est assez grande.
J'aurai besoin d'argent pour le 15. Si vous ne pouvez pas me donner les 300 francs du mois, tâchez de m'envoyer cent ou deux cents francs.
J'irai probablement vous voir un peu au mois d'octobre. Je vous embrasse tous de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon.
16. 09. 1874. B 18/11. 2. 67 (inv. 221. 67). Ses parents
Bien chers parents,
Après de nouvelles instances de Mr le chanoine Hautcoeur de Cambrai et de Mr Proyart, vicaire général d'Arras, j'ai cru devoir me rendre à Soissons pour m'entretenir avec Monseigneur de ces projets de Lille. J'ai trouvé Monseigneur et son frère très opposés à mon acceptation. Ils tiennent absolument à me garder à St Quentin. Mr. Demiselle et Mr Guyart inclinaient plutôt dans le sens contraire. On discutera cette question au conseil épiscopal et on me donnera dans peu de jours une solution qui me retiendra très probablement à St Quentin.
Je crois d'ailleurs que le plus sage est d'attendre un an pour voir comment les choses s'organiseront à Lille.
Je suis descendu chez Mr Demiselle. Il a été un peu souffrant depuis son voyage de Lyon.
Vous apprendrez par les journaux que nous devons recevoir solennellement le Maréchal-Président vendredi prochain à la Collégiale. Nous ne savons pas encore si Monseigneur pourra y venir.
J'ai reçu les 200 francs que vous m'avez envoyés. J'espère qu'ils me suffiront jusqu'en octobre. Si j'étais gêné à la fin du mois, je vous l'écrirais.
Je regrette comme vous qu'Henri n'ait pas pu faire partie du pèlerinage de Liesse.
Embrassez pour moi Henri, Laure et les enfants. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
16. 09. 1874. B 21/7. 2 (inv. 431. 11). Chanoine Hautcoeur
Monsieur et cher confrère,
Après votre dernière lettre et les instances de Mr Proyart, j'ai cru devoir me rendre à Soissons pour connaître la pensée de mon évêque au sujet de l'affaire qui nous occupe. Il a été un peu étonné que toute cette négociation ait été conduite en dehors de lui.
J'ai prié les vicaires généraux et les membres du conseil de peser le pour et le contre et de ne pas considérer seulement les intérêts du diocèse, mais aussi ceux de l'université qui est une oeuvre capitale. On me donnera une solution sous peu de jours. Je prévois qu'on me retiendra ici. Il faut voir là la volonté de Dieu manifestée par mes Supérieurs.
D'ici un an bien des événements peuvent changer la situation et amener une décision contraire.
L'abbé Désaire a entendu dire par un professeur de Strasbourg que Mr Didiot allait se joindre à vous. Je souhaite que cette nouvelle soit vraie. Il vous serait d'un grand secours.
Voici les noms que je vous ai donnés: Mr Fleurichard, vérificateur de l'enregistrement à Etampes, aimerait à enseigner le droit. Mr Thomas, curé de Quemigny-sur-Seine, canton d'Aignay (Côte d'or), se prépare à l'enseignement de la théologie.
Votre oeuvre grandira malgré les épreuves et les contradictions. Le bon Dieu ne manquera pas de vous soutenir et de vous donner la force nécessaire pour mener tout à bonne fin.
Agréez, mon cher confrère, l'assurance de mon affectueux dévouement. L. Dehon, vic.
21. 09. 1874. B 109/2 (inv. 1169.27). Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)
+ Saint-Quentin - Le 21 Sept. 1874
Mon cher ami,
Je me félicite comme vous de mon entrevue avec le p. Freyd. J'ai passé avec lui deux délicieuses journées. C'est un conseiller bien précieux pour nous et un guide bien dévoué.
J'ai éprouvé comme vous quelque défiance au sujet de son jugement sur l'entreprise de Lille. Cependant j'ai cru devoir suivre son avis et prendre un an de réflexion. Voici les raisons qui m'ont déterminé. D'abord le p. Freyd avait vu plus juste que nous au sujet de Nîmes, et il peut en être de même cette fois. En second lieu il me croit plus d'aptitude et de vocation pour l'administration que pour l'enseignement. Enfin l'affaire de Lille peut laisser quelques doutes dans l'esprit des hommes sérieux. C'est l'entreprise presque personnelle de Mr Hautcoeur. On s'en soucie peu à Cambrai et le cardinal semble n'y attacher qu'un intérêt secondaire.
D'ici un an bien des difficultés seront aplanies. La loi sur l'enseignement supérieur sera peut-être votée et nous verrons mieux ce qu'il y a à faire.
J'ai parlé de vous à Mr Hautcoeur et il vous a mis dans ses papiers, mais comme je lui ai fait connaître votre désir de ne pas quitter de suite Saint-Ambroise, il n'a pas eu à vous écrire cette année.
Ne vous inquiétez pas de ce que le p. Freyd vous a dit à votre sujet. Il vous engage à faire le plus de bien possible comme vicaire. N'est-ce pas ce qu'il y a de mieux pour le moment ? Vous verrez plus tard avec lui où le bon Dieu vous appellera.
Ce que vous me dites de Mr Didiot ne doit pas être exact. Il a demandé aussi un an de réflexion.
J'ai vu à Lyon tous les gros bonnets de l'Assomption. Je ne me suis guère entretenu avec eux. J'ai cependant embrassé le p. d'Alzon après qu'il eut eu quelque difficulté à me reconnaître.
Ce bon père a paru à beaucoup un grand faiseur et surtout un grand parleur, plein de confiance en lui-même et porté à tout mener à la baguette.
J'ai béni le bon Dieu de n'être pas sous sa griffe.
Viendrez-vous nous voir à Saint-Quentin ?
Si vous connaissiez un homme capable de venir prendre la rédaction de notre journal catholique, écrivez-moi de suite.
Tout vôtre en Notre-Seigneur.
L. Dehon, vic.
24. 09. 1874. B 18/11. 2. 68 (inv. 221. 68). Ses parents
Bien chers parents,
Ne vous inquiétez pas à mon sujet. Je n'ai pris une décision qu'après avoir mûrement réfléchi et pris conseil de personnes sages et prudentes. Nous verrons dans un an s'il y a lieu d'aller à Lille. D'ici là bien des événements peuvent éclaircir la situation. Si le P. Freyd juge plus tard qu'il y a lieu pour moi de quitter St Quentin, il me trouvera facilement ailleurs une position où je puisse faire beaucoup de bien.
Je m'occuperai demain seulement des bouches de chaleur et du garde-étincelles et si je le puis je vous les enverrai samedi.
Jules Demont ne compte plus aller vous voir cette année. Il devait y aller du Nouvion. Comme la maladie des enfants s'y est opposée, il a remis cette visite à l'année prochaine. Mme Dumont la mère va maintenant très bien.
Ne comptez pas sur moi avant le milieu d'octobre. Diverses occupations me retiendront ici jusque là.
Vous avez lu dans les journaux les détails de la visite du Maréchal Mac-Mahon à St Quentin. Il a reçu le clergé à la sous-préfecture où nous lui avons brièvement présenté nos hommages immédiatement après les députés. Mr Dours et Mr Gobaille ont déjeuné avec lui.
Il a assisté à la Collégiale à un salut en musique. Quelques jeunes gens du Patronage ont pris part aux chants qui étaient très beaux. Malheureusement quelques braillards soudoyés ont assommé le Maréchal toute la journée par les cris de Vive la république.
J'ai causé longuement avec Mr Dours. Monseigneur fera tout ce qu'il pourra pour me retenir dans le diocèse et pour m'être aussi agréable que possible.
Embrassez pour moi Henri, Laure et les enfants. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
08. 10. 1874. B 109/2 (inv. 1169. 28). Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)
+ Saint-Quentin - Le 8 octobre 1874
Mon cher ami,
J'ai besoin que vous me rendiez un grand service et je compte sur votre amitié pour faire toutes les diligences nécessaires dans ce but.
Voici le fait : vous savez l'extension qu'a prise mon œuvre. Je ne puis plus la mener de front avec le vicariat. Il faut donc que j'y installe un aumônier que j'aiderai encore de mon mieux. J'ai trouvé des ressources pour cela. Cet aumônier en se chargeant d'une petite classe de latin à la maîtrise et de la messe militaire qui va s'organiser pour notre petite garnison de 200 hommes, se ferait un traitement très sortable.
Deux mille francs au moins avec le logement, l'éclairage et quelques autres avangtages au Patronage. Il aura deux pièces fort convenables. Les concierges se chargeront de son service et de sa nourriture.
Il faut que vous me trouviez un bon prêtre qui accepte cette position-là, quelqu'un de sérieux et de sûr pour les mœurs. Ces œuvres-là sont très goûtées aujourd'hui. Vous devrez trouver facilement quelqu'un qui aime à s'y dévouer.
Je suis obligé de recourir à vous à cause de la pénurie de prêtres dans notre diocèse.
Cherchez d'abord parmi les évadés de Nîmes et ensuite parmi les autres bons prêtres que vous connaissez.
Vous me rendriez bien service en me procurant cet aide qui allégerait pour le présent ma besogne devenue trop lourde et qui me rendrait plus libre pour l'avenir.
Le p. Freyd m'écrit qu'il est heureux de m'avoir éloigné de Lille. J'accepte sa décision tout en pensant qu'il a trop peur des facultés de théologie.
Je n'ai plus de nouvelles de Mr Hautcoeur. Je le crois fort embarassé.
J'attends une réponse prompte et favorable et je vous prie de croire à ma sincère amitié.
L. Dehon, Vic.
14. 10. 1874. B 109/2 (inv. 1169.29). Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)
+ Saint-Quentin - Le 14 Octobre 1874.
Mon cher ami,
Monseigneur notre évêque me presse de lui trouver un prêtre pour le Patronage et l'aumônerie militaire. Je compte sur vous pour cela. C'est seulement à Paris qu'il se trouve de bons prêtres sans liens avec leur diocèse. La position à prendre ici est en somme très honorable et assez avantageuse. Les œuvres ouvrières sont les œuvres du jour. Leurs directeurs sont très estimés partout.
Je resterai ici l'aide dévoué de l'aumônier. La position que Monseigneur veut me faire à Saint-Quentin me donnera l'influence nécessaire pour faire prospérer encore cette œuvre. Si j'avais là un prêtre capable, ce serait peut-être plus tard un élément pour une association diocésaine et pour une maison d'éducation.
Dites-moi de suite où vous en êtes de vos recherches et trouvez-moi bientôt un homme.
J'attends votre réponse et vous prie de croire à mon inaltérable amitié.
L. Dehon, Vic.
16. 10. 1874. B 109/2 (inv. 1169.30). Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)
+ Saint-Quentin - Le 16 octobre 1874.
Mon cher ami,
Je vous remercie de l'empressement que vous mettez à me seconder. Je comptais du reste sur votre dévouement.
Les dernières lignes de votre lettre m'engagent à vous exposer un projet dont je me suis entretenu avec Mr Mathieu et qui nous paraît réalisable. Le voici : si j'avais un aumônier de votre valeur au Patronage, nous pourrions créer ici bientôt une maison de missionnaires diocésains. Le diocèse en a besoin. Monseigneur le désire.
Notre petit institut diocésain dont je vous ai parlé leur fournirait une règle. Il suffirait d'en faire venir deux avec vous, ce qui serait facile. Vous formeriez une petite communauté à trois. Vous en auriez la direction. Outre les ressources dont je vous ai parlé et les messes des deux autres qui donneraient encore environ 1200 francs, on obtiendrait de l'évêché une autre somme de 1200 francs pour missionner dans les paroisses pauvres. Il y aurait ensuite un traitement éventuel formé par les honoraires des sermons et stations qui se donneraient dans les villes et bourgades.
J'ajoute que cet institut serait probablement l'occasion de la création prochaine d'une maison d'éducation et de la rénovation de la ville et du diocèse.
Si Monseigneur et notre archiprêtre entraient dans ces idées et promettaient de nous aider pour la création prochaine de cette petite maison de missionnaires, pensez-vous qu'il n'y aurait pas là pour vous une belle vocation ?
Je voudrais que vous écriviez à ce sujet au p. Freyd pour avoir son avis. Ce projet mérite d'être mûrement examiné. Priez et faites prier pour arriver à une solution.
Poursuivez en même temps les négociations que vous avez entamées, afin qu'à votre défaut je trouve un autre aumônier qui vienne m'aider à poursuivre mon œuvre.
Posez bien la question à Rome et demandez une réponse assez prompte.
Dieu veuille que nous soyons rapprochés pour nous aider à nous sanctifier.
Tout vôtre in Christo.
L. Dehon, Vic.
09. 11. 1874. B 109/2 (inv. 1169. 31). Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)
+ Saint-Quentin - Le 9 novembre 1874.
Mon cher ami,
Vous ne me tenez pas assez au courant de vos négociations. Avez-vous écrit au p. Freyd ? Vous a-t-il répondu ? Le vicaire d'Albertville et le prêtre alsacien nous refusent-ils leur concours ? Il faut que vous me trouviez au moins un aumônier.
Quant à la combinaison qui nous donnerait trois prêtres missionnaires, elle me sourirait beaucoup si vous en étiez, et j'ai bien la confiance que nous réussirions ici.
Il y a beaucoup de bien à faire dans notre diocèse. Quelques hommes d'actions y obtiendraient rapidement de grands résultats.
Ecrivez-moi demain quelques mots pour me dire où vous en êtes.
Je suis étonné de ne plus entendre parler de l'université de Lille qui devait ouvrir au commencement de novembre. On a sans doute rencontré des difficultés imprévues.
Priez pour moi.
Tout vôtre en Notre-Seigneur.
L. Dehon
14. 11. 1874. B 18/11. 2. 69 (inv. 221. 69). Ses parents
Bien chers parents,
J'espère que vous me donnerez de bonnes nouvelles du voyage d'Henri à Liesse.
Ici les faits les plus intéressants sont l'apparition de notre journal qui commencera demain et la création d'un comité conservateur pour les élections. Les rouges se remuent et veulent arriver à chasser nos Frères des écoles et nos Soeurs de charité.
Nous ne comptons pas sur un succès complet mais nous estimons heureux d'avoir fait sortir les gens de bien de leur apathie en les réunissant et en les amenant à proposer une liste.
Donnez-moi dans votre prochaine lettre les noms des personnes de nos pays que vous croyez susceptibles de s'abonner au „Conservateur”. Nous leur enverrons des numéros spécimens.
J'ai beaucoup de peine à trouver un prêtre qui accepte la charge du Patronage. Je fais de nouvelles démarches, qui finiront, j'espère, par aboutir. L'oeuvre, du reste, prospère toujours.
Embrassez pour moi Henri, Laure et les enfants. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
17. 11. 1874. B 18/11. 2. 70 (inv. 221. 70). Ses parents
Bien chers parents,
Je suis obligé de vous écrire à nouveau pour vous prier de m'envoyer de l'argent. Maman m'avait promis d'y penser pour le 15 et elle l'a oublié. J'avais compté sur son exactitude et je me trouve gêné.
Notre comité conservateur a bien de la peine à faire une liste pour les élections municipales. Les gens sont généralement peureux. Nous ne comptons pas d'ailleurs sur le succès. Il est plus que probable que la liste rouge passera. Nous voudrions cependant que notre liste ait au moins une minorité honorable, afin que le Préfet y trouve les éléments d'une commission municipale dans le cas où le conseil ferait assez de sottises pour être dissous.
Je vous embrasse de tout coeur Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
25. 11. 1874. B 18/11. 2. 71 (inv. 221. 71). Ses parents
Bien chers parents,
J'espère que l'indisposition de papa n'aura pas de suites. C'était sans doute un rhume causé par les premiers froids. Ne tardez pas à m'en donner des nouvelles.
Vous ne m'avez pas dit si Henri avait eu le courage de remplir son devoir à Liesse.
J'aurais dû vous accuser plus tôt réception des trois cents francs. Je les ai reçus bien exactement.
Le jour où Madame Demont est venue pour me voir, j'étais allé avec Monsieur Mathieu dîner chez un curé voisin.
Nous sommes contents des commencements de notre journal. Il a reçu déjà environ trois cents nouveaux abonnements. Ceux même qui n'en partagent pas les idées sont obligés de louer le style, la rédaction et l'intérêt.
Voici les renseignements que maman me demande: j'ai ici en tout neuf paires de bas, dont six en laine et trois en soie et laine.
J'aimerais de connaître le résultat des élections à La Capelle. Donnez-moi les noms des conseillers qui ont été élus au premier tour. Recevez-vous exactement le „Conservateur”? Il vous tiendra au courant de ce qui se passe à St Quentin.
Embrassez pour moi Henri, Laure et les enfants. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon
28. 11. 1874. B 36/2d.18 (inv. 629.18). P. Freyd [B 36/2a. 10 18 (inv. 626. 18). (copie dactylographiée)]]
Mon révérend Père,
Depuis votre bonne visite, qui m'a fait tant de bien, la situation n'a guère varié ici. Nos oeuvres progressent régulièrement. Nous avons depuis quinze jours un journal catholique (et royaliste). Il m'est toujours pénible d'être entièrement absorbé par le ministère extérieur.Je n'ai presque pas étudié depuis trois ans. Vous pouvez supposer combien cela me pèse. Les projets de Monseigneur se réaliseront quand il plaira à Dieu. Rien ne paraît prochain.
J'ai tenté cent démarches pour trouver un prêtre ou des religieux pour mon oeuvre ouvrière. Je n'ai encore trouvé personne. Les Frères de St Vincent de Paul n'auront de sujets disponibles avant deux ou trois ans.
Je me suis adressé même aux Pères de l'Assomption, dans la pensée qu'ils pourraient peut-être après avoir commencé l'oeuvre ouvrière, nous créer ici plus tard une maison d'enseignement. Ils ne peuvent pas non plus accepter. Le refus du P. Picard n'est pas absolu, mais je n'ai pas le courage d'insister auprès d'eux, parce que leur congrégation n'est pas assez bien assise.
Donnez-moi votre avis et indiquez-moi, si vous le pouvez, un bon prêtre ou une congrégation. Nous lui ferons des conditions matérielles acceptables.
Il m'en coûte d'avoir peu l'occasion de tirer parti de mes études passées. Cependant je fais ma besogne en attendant la manifestation de la volonté de Dieu.
J'ai eu gros coeur en apprenant par les journaux que le R.P. Cochard avait pris ma place à Lille. L'enseignement supérieur me paraît être le grand moyen pour refaire une société chrétienne. Dans nos villes nous sauvons quelques âmes, mais dans l'ensemble nous sommes dominés par le courant et l'éducation universitaire fait chaque jour plus de mal que nous ne faisons du bien. Nous n'avons plus d'hommes ni de caractères. C'est un déluge de passions et des moins nobles.
Pour moi en particulier je regrette les mille imperfections et défauts auxquels j'aurais échappé dans un ordre religieux bien sérieux. Je sais cependant que je puis même ici remédier à bien des choses et je me propose de le faire.
Je compte beaucoup sur vos prières et sur vos bons conseils. Votre éloignement m'est une grande privation.
Présentez mes affectueux respects au R. P. Brichet et au R. P. Daum.
Agréez l'assurance de mon filial dévouement. L. Dehon , vic.
11. 12. 1874. B 18/11. 2. 72 (inv. 221. 72). Ses parents
Bien chers parents,
J'ai reçu exactement ma caisse de linge et les bonnes choses que vous avez eu l'amabilité d'y mettre.
J'ai tardé à vous écrire parce que je me trouvais plus occupé encore que d'ordinaire, par suite de diverses fêtes au Patronage.
Je cherche toujours, mais je n'ai pas encore trouvé le moyen de diminuer ma besogne. J'arriverai cependant à rencontrer un aumônier prêtre ou religieux pour le Patronage.
Ne craignez pas que je m'occupe trop du journal. Je désire vivement le voir prospérer, mais je ne veux absolument y paraître en aucune façon. On m'y a attribué à St Quentin plus de part que je n'en ai. Cette première impression passera.
Embrassez pour moi Henri, Laure et les enfants. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
11. 12. 1874. B 36/2d.19 (inv. 629.19) [incomplète]. P. Freyd (B 36/2a. 19 (inv. 626. 19). (copie dactylographiée)
Mon révérend Père,
Ce que vous me proposez, ce serait le paradis pour moi. Etre à Rome, avoir les avantages de la vie religieuse, étudier à loisir, tout cela me sourit grandement. Est-ce la volonté de Dieu? Je risque de tout compromettre.
Si ma santé ne s'arrange pas du climat de Rome, il faudra revenir ici avec la réputation de caractère changeant. Je rencontrerai du reste une sérieuse opposition à Soissons et à La Capelle, et je laisserai ici plus d'une oeuvre en souffrance.
Voilà les obstacles qui m'arrêtent. Quant aux raisons qui me détermineraient, elles sont nombreuses.
Je sens bien que le Séminaire français est une oeuvre capitale. J'estime qu'ici je ne suis qu'un soldat. A Lille je serais un officier, à Rome je serais comme un général d'armée chargé de former les officiers qui viendront ensuite dans nos universités instruire les soldats de Dieu.
J'aime d'ailleurs beaucoup la congrégation du St Coeur de Marie, et si j'y entrais je n'aurais pas d'arrière pensée et je serais prêt à aller, s'il le fallait, évangéliser les nègres.
Je pense qu'à Rome je ferais mieux mon salut et que je serais en même temps plus utile à celui des autres.
Voici encore quelques considérations qui pourront vous aider à me donner une décision. Notre pauvre diocèse souffre du défaut d'hommes et du défaut de zèle, autant que du défaut de direction. Ne serait-ce pas mal de le quitter? D'un autre côté, je me trouve employé ici à un métier de manoeuvre, et cela doublement, comme vicaire de ville chargé de matériel, et comme directeur d'oeuvre, surchargé de besogne. La nomination que Mgr me réserve de 1er vicaire ici, me donnerait un peu plus d'influence, mais me laisserait encore bien de la besogne matérielle.
J'ai écrit partout pour avoir quelqu'un à mettre au Patronage, pour commencer à me décharger de la première moitié de mon fardeau. Je n'ai encore trouvé personne. Ne pourriez-vous pas me donner un Père et un Frère du St Esprit?
J'attends avec impatience votre réponse à toutes ces questions et j'espère que vous me ferez connaître la volonté de Dieu.
Agréez l'assurance de mon filial dévouement. L. Dehon, vic.
16. 12. 1874. B 18/11. 2. 73 (inv. 221. 73). Ses parents
Bien chers parents,
Vous savez que mes oeuvres sont assez lourdes. Je compte habituellement sur les ressources que vous voulez bien me donner pour le 15 du mois. Quand elles me font défaut, je me trouve embarrassé.
J'attendrai la semaine prochaine pour vous envoyer ma caisse. J'y mettrai les étrennes des enfants. J'espérais dernièrement avoir bientôt un aumônier au Patronage. Diverses ressources venant à ma manquer, je crois qu'il faudra encore attendre quelque temps.
En attendant l'oeuvre s'affermit et grandit de jouir en jour. C'est maintenant une vraie fourmillière. Le local devient trop petit. Les ressources sans être abondantes viennent cependant progressivement. La dernière soirée, à cause du mauvais temps, ne nous a rien rapporté.
Je ne suis pas étonné que vous lisiez avec intérêt l'histoire de la Maison de Lorette. Quand vous n'aurez plus de livre intéressant, je vous en enverrai.
Embrassez pour moi Henri, Laure et les enfants. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
22. 12. 1874. B 18/11. 2. 74 (inv. 221. 74). Ses parents
Bien chers parents,
J'ai reçu bien exactement les 300 francs que vous m'avez envoyés et je vous en remercie.
Je suis allé jeudi dernier à Paris pour demander un religieux lazariste pour le Patronage. Je suis descendu chez l'abbé Désaire et après avoir fait mes courses avec lui, je suis allé dîner chez Siméon. La petite fille de Siméon est très bien portante.
J'ai quelque espoir d'obtenir un Lazariste. Le Supérieur général consultera son conseil et me répondra prochainement.
L'attibution de l'aumônerie militaire à Mr Chédaille n'est pas un obstacle absolu. Nous trouverons quand même les ressources nécessaires. Il faut bien du reste que nous aboutissions à une combinaison qui diminue ma besogne.
Embrassez pour moi Henri, Laure et les enfants. Je vous embrasse de tout coeur.
Votre dévoué fils L. Dehon, vic.
27. 12. 1874. B 18/11. 2. 75 (inv. 221. 75). Sa mère
Bien chère mère,
Tu me pardonneras facilement mon retard à t'écrire. Je pense à toi depuis trois jours tout spécialement. J'ai prié saint Etienne ton patron de te combler de grâces.
Je ne sais si vous avez remarqué comme moi que les fêtes de cette année tombent aux mêmes jours qu'il y a six ans. Cela me reportait à nos souvenirs de Rome. Le 19 j'étais avec vous à St Jean de Latran, le 20 à Ste Claire, le 21 à St Pierre.
N'est-il pas vrai que ce sont les plus délicieux de notre vie?
Vous trouverez dans ma caisse les étrennes pour les enfants. Vous lirez volontiers le livre de Marthe. La biographie du Capitaine Marceau plaira à papa.
Je te prie d'embrasser pour moi mon papa, Henri et les enfants. Je t'embrasse de tout coeur.
Ton dévoué fils L. Dehon.