CORRESPONDANCE du Père DEHON : ANNEE 1876
Début janvier 1876 (4 A1. 51, p. 19). B 107/5 (inv. 1164.41)
Sa nièce Marthe. Texte original chez M. Robert Malézieux-Dehon.
Ma chère Marthe,
Ta charmante petite lettre m'a fait le plus grand plaisir. Les sentiments que tu m'exprimes sont ceux d'un cœur pieux et bon. C'est ce que j'attendais de toi.
L'année qui commence aura sur tout le reste de ta vie une influence capitale. C'est l'année de ta première communion. Il faut t'y préparer avec ardeur. Réforme peu à peu les défauts de ton caractère. Réprime toutes les tentations d'entêtement et de bouderie, et montre-toi toujours soumise et obéissante. Prends garde de te laisser aller à l'amour propre et à l'estime de toi-même. Le bon Dieu abandonne les orgueilleux et donne sa grâce aux humbles.(Cf. Lc 1, 52). Personne ne doit s'enorgueillir. N'avons-nous pas tous déjà bien offensé le bon Dieu ? Quant aux avantages du corps ou de la fortune, ils peuvent disparaître en un instant, il ne faut pas y attacher d'importance.
Prie chaque jour la sainte Vierge. Apprends à réciter le chapelet. J'aimerais que tu m'écrivisses dans un mois pour me dire comment tu te prépares à ta première communion.
Je t'embrasse affectueusement. Ton oncle dévoué. L. Dehon.
18. 02. 1876. B. 109/2 (inv. 1169.32). Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)
+ Mon cher ami,
Que devenez-vous depuis le combat de la rue Lhomond où vous avez ri si cruellement en me voyant contraint de battre honteusement en retraite ?
Avez-vous découvert quelque horizon nouveau ? Votre père spirituel vous a-t-il enfin gagné à sa cause ?
Pour moi, j'ai aujourd'hui deux graves soucis. Le premier est celui de savoir qui le bon Dieu par la bouche de Mr Wallon va nous donner pour évêque. L'illustrissime Mgr Dours a, paraît-il, donné sa démission.
On met, comme vous pouvez bien le penser, bien des noms en avant.
On parle de Mr Lehardy du Marais. Ce ne serait pas, je crois, une mauvaise acquisition. Il connaît déjà le diocèse et il s'y est attaché. Il a été quelque temps notre vicaire général sous Mgr de Garsignies.
On parle aussi de votre ami Mr Lagarde. Votre recommandation me serait, je crois, auprès de lui d'un puissant secours.
Vous qui avez tant de choses et qui êtes si influent à la Nonciature, dites-moi donc ce qu'il en adviendra et protégez notre pauvre diocèse.
Voici mon second souci. Il se tient dans des régions moins élevées. Mon œuvre grandit toujours. Le Cercle et le Patronage comptent maintenant 500 membres. J'y ai joint un commencement d'orphelinat qui compte sept enfants, une hôtellerie et une petite classe de latin. J'ai bien un prêtre qui y demeure, mais il n'a pas ce qu'il faut et n'a pas pris la chose à cœur.
Cette œuvre est appelée à grandir encore. Il faudrait là un Mr Allemand, un père Halluin ou un Mr Maignen. Rara avis. Trouvez-moi cet homme, prêtre ou religieux.
Je sens de plus en plus le besoin de me décharger de cette lourde besogne et de me réserver quelques instants pour l'étude. Notre diocèse manque de prêtres et ne peut pas me fournir celui que je désire. Vous êtes si puissant !
Mes parents parlent toujours avec émotion du dévouement que vous leur avez montré à Rome. Ils espèrent que vous viendrez cette année les voir à La Capelle.
Votre tout dévoué en Notre-Seigneur.
L. Dehon
Mars 1876 (après le 19). B 106/2 (inv. 1159.43)
Semaine religieuse de Soissons…, 1876, p. 219.
Lettre envoyée au « Bulletin de l'Union des Œuvres ».
Le lien de sympathie et de charité qui unit toutes nos Œuvres rend communes jusqu'à un certain point toutes leurs épreuves comme toutes leurs joies.
Le Bureau central est le nœud de ces liens et le Bulletin est l'organe de nos communications. C'est pour cela que je crois devoir vous prier d'y insérer le récit des effets, désastreux pour notre Œuvre, de l'ouragan du mois dernier.
Nous avions commencé il y a un mois la construction d'une vaste salle de récréation et de réunions. Notre salle principale se trouve beaucoup trop petite, et elle offre l'inconvénient d'être prise sur la chapelle dont le sanctuaire seul est réservé et séparé par une cloison.
Nous étions heureux de voir notre façade nouvelle s'élever rapidement. Elle venait d'atteindre la semaine dernière sa hauteur totale de cinq mètres sur vingt-cinq mètres de longueur.
La trombe de dimanche dernier sévissait déjà depuis une heure. Elle avait arraché aux toitures de l'œuvre bien des ardoises et des plaques de zinc. Elle y avait brisé bien des vitres, comme aux principaux édifices de la ville, quand tout-à-coup, vers trois heures, notre vaste façade, qui oscillait depuis quelques instants, a été renversée tout entière. Un enfant du patronage, qui se trouvait dans la cour, reçut une brique sur la tête. Il n'a, grâce à Dieu, qu'une blessure légère.
Les pertes notables occasionnées par ces dégâts viennent s'ajouter aux lourdes charges que nous avons assumées par nos acquisitions de l'an dernier et notre construction.
Nous avons besoin du secours de Dieu que les Œuvres unies voudront bien demander pour nous.
Nous étions trop heureux de voir les progrès de nos Œuvres pendant cet hiver. Nous comptions sur la protection de S. Joseph à qui nos pieux congréganistes procurent tant d'honneurs dans ce mois par une ingénieuse combinaison que vous serez heureux de connaître. Ils ont organisé entre eux et les personnes de la ville qu'ils connaissent une souscription spirituelle en l'honneur de S. Joseph pour le mois de mars. Les souscripteurs s'inscrivent pour un certain nombre de communions, de chapelets et de chemins de croix. La souscription atteint déjà un total d'environ deux cents communions, deux mille dizaines de chapelets et deux cents chemins de croix.
Malgré cela, et peut-être à cause de cela, le bon Dieu a voulu nous envoyer une épreuve. Nous ne perdons nullement confiance.
Nous espérons que S. Joseph compensera cela en nous envoyant prochainement des souscriptions plus abondantes ». L. Dehon, Vicaire.
14. 04. 1876 (4. A1. 51, p. 15). B 107/5 (inv. 1164.42)
Sa nièce Marthe. Texte original chez M. Robert Malézieux-Dehon.
Saint-Quentin, le 14 avril 1876.
Ma chère petite Marthe,
Le grand jour approche ! Tu te prépares à l'action la plus importante de ta vie. Il faut y penser tous les jours et prier pour obtenir la grâce de la bien faire. De cette action dépendra en grande partie ton bonheur ou ton malheur sur la terre et pendant l'éternité.
Les fêtes de Pâques te rappellent que le Fils de Dieu a pris un corps et une âme comme l'homme et qu'il a souffert les humiliations et la mort pour expier nos péchés et pour nous sauver. Il s'est montré trop bon, n'est-ce pas ? Eh bien ! Ça n'était pas encore assez pour sa bonté. Il a cherché un moyen de s'unir intimement à nous comme deux gouttes d'eau s'unissent ensemble. Il a voulu se donner lui-même à nous. Tu admires sa bonté. Il a pris pour cela du pain et du vin et il les a bénits et donnés à ses apôtres en disant : ceci est mon corps, ceci est mon sang (cf. Mc 14, 22 et 24).. Il a voulu que tous les hommes jusqu'à la fin du monde pussent s'unir à Lui en se nourrissant de sa chair adorable et de son sang précieux. Il s'est empressé de donner à ses apôtres et à leurs successeurs, les évêques et les prêtres, le pouvoir de changer comme il l'avait fait le pain en son corps et le vin en son sang. Il descend ainsi dans les mains des prêtres et il passe de là sur les lèvres et dans le cœur des chrétiens.
Tu vas être admise pour la première fois à ce bonheur. Notre-Seigneur ne veut pas en priver même les enfants de ton âge. Ce ne serait pas trop d'une vie entière pour se préparer à recevoir ainsi le bon Dieu qui est si grand et si puissant.
Tu ne pourrais donc rien faire de trop pour t'y préparer. Suis bien les conseils de ta mère et de ta grand-mère. Demande-leur d'écrire au directeur des missionnaires de Lourdes et au directeur de l'archiconfrérie de Notre-Dame des Victoires pour recommander ta première communion aux prières.
Tu prieras aussi maman Jules de demander à M. le Doyen quelle instruction il attend de moi, si c'est pour la première communion elle-même, ou pour le renouvellement des vœux du baptême ou pour la consécration à la Sainte Vierge.
Enfin tu diras à mère que la seconde des initiales qu'elle m'a indiquées est douteuse. Est-ce L. ou H ? J'attendrai qu'elle me le fasse savoir pour acheter le livre dont elle m'a parlé.
Embrasse pour moi père, mère papa Jules, maman Jules et Amélie.
Je t'embrasse de tout mon cœur. L. Dehon.
08. 09. 1876. B 106/2 (inv. 1159.44)
Semaine religieuse de Soissons, 1876, pp. 539-541 ; cf. NHV XII, 42 - 45.
Lettre circulaire aux prêtres et laïques chrétiens du diocèse. Lettre envoyée au nom du Bureau diocésain ; dans NHV XII, 45, le P. Dehon la prend à son compte : « dès le mois de septembre, j'envoyais cette circulaire… »
Monsieur,
Vous avez sans doute partagé avec nous les chrétiennes émotions communiquées à tout notre diocèse par la magnifique assemblée des Œuvres catholiques qui s'est tenue l'année dernière à Notre-Dame de Liesse.
L'enthousiasme de chacun de ses membres se traduisit par cette exclamation de son président : « Grâces soient rendues à Dieu, l'auteur de tout bien, qui semble vouloir ouvrir pour nous comme une ère nouvelle, et qui vient d'inaugurer de la manière la plus heureuse, sous les auspices de la Sainte Vierge, l'œuvre de la régénération de notre pays ».
Prêtres et laïques avaient répondu avec empressement à l'appel, fait au nom de Monseigneur notre Evêque, par le Bureau diocésain.
A la fin de ce congrès, tous se réjouissaient d'avoir passé ensemble des instants pleins de charme, d'avoir pu se connaître et nouer de doux liens de confraternité chrétienne, et surtout d'avoir obtenu des résultats très sérieux : « les hésitations vaincues, le courage raffermi, le zèle excité et mieux éclairé, l'attention de tous portée sur les besoins les plus urgents, les solutions données ou préparées, les décisions prises, les aspirations et les efforts reliés en un seul faisceau pour atteindre un but commun ».
Cette Assemblée vit éclater manifestement tous les signes des abondantes bénédictions célestes : l'encouragement du Souverain Pontife, les lettres sympathiques de Mgr de Ségur et du noble comte Albert de Mun, l'enthousiasme que suscitait l'éloquence apostolique de quelques-uns des orateurs, et ce souffle surnaturel qui électrisait et transportait les âmes, tout cela faisait de cette réunion comme un autre cénacle, d'où chacun sortit en s'écriant : « Il faut agir ! Il faut organiser l'Association catholique ! ».
Sans méconnaître les difficultés de la situation présente et les obstacles qui s'opposent à notre action, nous étions tous pénétrés d'une sainte espérance, basée sur la pensée que Dieu est avec nous, puisque nous travaillons pour sa gloire et le salut des âmes, et qu'avec nous aussi est son Vicaire sur la terre, ce modèle de confiance, lui, dont la bénédiction porte toujours bonheur.
Enfin, après avoir émis le vœu que ces Assemblées soient renouvelées tous les ans, nous nous quittions sur cette parole de notre président : « Au revoir, bon courage et bonne espérance ! ».
Le moment est venu de reprendre ces consolants et fructueux travaux. Mgr Thibaudier, notre nouvel évêque, veut bien nous encourager, et Sa Grandeur daignera elle-même présider nos assises nouvelles.
Notre première assemblée a porté ses fruits. Nous avons vu surgir des Comités de Cercles, des Conférences de Saint-Vincent de Paul, des associations de persévérance, des Œuvres de tout genre en un mot, et ceux qui n'ont pas obtenu de suite un résultat aussi éclatant, ont songé aux moyens de créer des œuvres, en ont essayé quelqu'une modestement et sans bruit, ou bien en ont laissé germer l'idée qui pourra éclore sous les rayons d'une assemblée nouvelle.
Il est temps de nous réunir de nouveau et de voir où nous en sommes. Nous bénirons Dieu de ce qui est fait. Nous étudierons les causes de l'inaction de plusieurs et nous chercherons ensemble les remèdes à y apporter.
Nous savons que quelques-uns, par nature, aimeraient à se contenter de gémir en voyant sous leurs pieds le gouffre du mal. Mais nous ne voulons pas partager cette sorte d'apostasie de la volonté et nous dirons toujours avec Pie IX : Souffrons mais agissons. Agere et pati.
A l'œuvre donc, sous la direction de Monseigneur.
Cette année encore, nous sommes assurés du concours d'hommes qui ont grandement contribué au succès des Congrès généraux de Lyon, de Reims et de Bordeaux.
Nous pouvons compter sur la présence de M. Harmel, l'apôtre de l'usine chrétienne, et de plusieurs membres du Comité de l'œuvre des Cercles.
Nous avons demandé des délégués du Bureau central de l'Union et du Conseil général des Conférences de Saint-Vincent de Paul.
Nous aurons aussi plusieurs représentants des grandes industries du département.
Nos réunions coïncideront avec les fêtes solennelles du Pèlerinage de Saint-Quentin, qui auront, cette année, un éclat tout particulier et auxquelles sont conviés Nos Seigneurs les Archevêques et Evêques de la région. Dans l'intervalle des heures de nos travaux, nous pourrons assister aux offices de la Collégiale. Son Eminence le Cardinal Archevêque de Cambrai a daigné accepter de présider à ces offices le mercredi 25, jouir de la clôture du Congrès.
Nous pourrons donc compter sur un concours nombreux et sur une assemblée active et fructueuse.
Nous attendons, Monsieur, votre prochaine adhésion et nous vous prions de bien vouloir vous considéré comme autorisé à inviter vous-même à cette réunion les personnes de votre connaissance qui vous paraîtraient pouvoir y participer utilement.
Daignez agréer nos respectueux hommages.
Les Membres du Bureau diocésain.
Septembre 1876. B 106/2 (inv. 1159.49)
NHV XII, 45.
Circulaire envoyée aux doyens pour inviter au Congrès de Saint-Quentin.
Monsieur,
Nous vous serions très reconnaissants si vous vouliez bien nous envoyer prochainement la liste des laïques chrétiens de votre canton que nous pourrions inviter au congrès diocésain.
Septembre 1876. B 106/2 (inv. 1159.50)
NHV XII, 45 - 46.
Circulaire, écrite avec M. Basquin, envoyée aux industriels pour la préparation du Congrès de Saint-Quentin, fin octobre 1876.
Monsieur,
Le Congrès diocésain des Œuvres ouvrières va réunir prochainement les personnes de nos régions qui s'intéressent aux questions de l'organisation du travail et de la moralisation des ouvriers. Nous aurons l'avantage de rencontrer là des industriels de plusieurs villes importantes, et particulièrement de Reims et de Maubeuge, qui se sont dévoués depuis quelques années à la réforme des ateliers et au bien moral et matériel des classes ouvrières. Nous entendrons la description des institutions moralisatrices qui ont valu à la Compagnie des glaces de Saint-Gobain et de Chauny une mention honorable, lors de la dernière Exposition universelle, au concours pour le mérite social des ateliers. Vous ne voudrez pas rester étranger aux travaux de ce congrès qui promet d'être éminemment utile et pratique…