1879

CORREPONDANCE DU PERE DEHON: ANNEE 1879

01. 01. 1879. B 109/2 (inv. 1169.38). Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)

+ 1er Janv. 79. Circoncision de Jésus

Cher père François,

Jusqu'à quand résisterez-vous à la grâce divine. Vous aviez dit : « que Notre-Seigneur parle et je me rends. Il a parlé et vous hésitez. Nolite obdurare corda vestra [„N'endurcissez pas vos coeurs”, Ps 95, 8]. Notre sainte Sœur a prédit vos hésitations et souffert pour les expier. Ne craignez-vous pas que Notre Seigneur vous retire la plus belle des vocations ?

Vous objectez les soins à donner à une riche pénitente. Notre Seigneur ne vous a-t-il pas répondu qu'il estimait plus le cœur d'un prêtre qui se donne en victime que des millions.

Votre œuvre d'Albertville, comment la ferez-vous sérieusement sans être religieux ?

Que de grâces vous perdez en ajournant ! Nous sommes comblés chaque jour de faveurs surnaturelles.

Je ne veux pas vous donner d'autres preuves que ce que vous avez lu.

Réglez toutes vos affaires et venez. Une cellule vous attend. Apportez seulement un cœur généreux et docile.

Pouvez-vous attrister plus longtemps le Cœur de Notre Seigneur et résister à de si grandes grâces ?

Vous ne pouvez pas rester indifférent en face d'un appel formel de Notre Seigneur.

Si vous le voulez, rendez juge de votre vocation le p. Modeste, saint religieux de la Compagnie de Jésus à Reims.

Il connaît la Sœur et ses révélations. Allez le voir ou bien écrivez-lui en lui copiant les deux fragments que je vous ai envoyés. S'il dit que vous êtes appelé surnaturellement, rendez-vous.

De grâce ne restez pas indifférent .

Nous prions pour vous. Priez et agissez. Pax hominibus bonae voluntatis [« Paix aux hommes de bonne volonté » Lc 2, 14].

Votre frère in Corde Jesu

Jean du Cœur de Jésus O.C.J.

01. 02. 1879. B 109/2 (inv. 1169.39). Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)

+ 1er février 1879

Bien cher ami,

Je puis détruire vos arguments, mais Notre Seigneur seul peut vous donner la grâce d'être un Oblat de son Cœur.

Je connais l'œuvre des bons pères de Picpus. Ils ont pour but la réparation, mais ils n'ont pas le vœu de victime que demande Notre Seigneur. Leur œuvre n'est pas la nôtre et en diffère essentiellement.

A vos objections je réponds : 1) vous ne voyez pas ce que vous ne voulez pas voir. - Jamais Notre Seigneur n'a dit un seul mot de mes professeurs. - Je leur ai proposé de se joindre à moi au mois de mai dernier. Mais je n'avais pour cela aucune donnée surnaturelle. Quelle parité voyez-vous là avec mes instances auprès de vous ?

2) Ne vous ai-je pas dit dans ma lettre que si je vous proposais de vous décider d'après les révélations, c'était parc e que vous l'aviez proposé vous-même ? Vous avez dit : si Notre Seigneur parle, j'obéirai. Je vous rappelle cela comme argument ad hominem. Ce que Monseigneur a décidé est pour nous et non pour vous.

Je vois d'ailleurs que vous êtes tout décidé à vous conduire d'après ces révélations quand elles favorisent vos inclinations naturelles, car vous ajoutez 3) que puisque ces révélations annoncent des épreuves et des désertions vous ne voulez pas vous exposer. Il paraît que si vous aviez été apôtre au jour où Notre Seigneur dit : percutiam pastorem et dispergentur oves [« Je frapperai les pasteurs, et les brebis seront dispersées » Za 13, 7 ; cf. Mt 26, 31], vous n'auriez pas répondu comme tous les disciples (omnes discipuli, Math XXVI 35) : etiamsi oporteat me mori tecum, non te negabo : [« Dussé-je mourir avec toi, non, je ne te renierai pas », Mt 26, 35] - mais vous seriez parti tout de suite. C'eut ete plus simple mais un peu moins généreux et la récompense eut été bien différente.

N'ayez donc pas si peur. L'épreuve durera peu et d'ailleurs Jésus sera là.

Croyez-vous d'ailleurs que j'aie quelque intérêt naturel à vous attirer ? Ignorez-vous les aspérités peu communes de votre caractère ?

Je ne vous désire que pour procurer une consolation au Cœur de Jésus qui veut des prêtres-victimes.

Vous viendrez attiré par la beauté de cette vocation. Je prie saint Joseph de vous amener en son beau mois de mars.

Ecrivez-moi toutes vos impressions. Soyez plus confiant.

Tout vôtre in Corde Jesu.

L. Dehon

[Ajouté en marge] Ne renouvelez pas le « abiit tristis » de Mathieu XIX. 22 [« Il s'en alla contristé »]

04. 09. 1879. B 19/1. 1 (inv. 229. 02). M. Marie du SC (Servantes)

Chère Mère,

Je ne suis venu ici qu'à regret. Je me sentais incliné à rester près de vous. Mais je n'ai pas cru pouvoir le faire à cause de mes parents. Notre Seigneur me le pardonnera, je l'espère.

Je ne suis pas d'ailleurs ici sans croix que je veux accepter en réparation.

Le P. Joseph est toujours le même. Il m'écrit tous les jours pour me demander à partir.

La situation pécuniaire de St Jean m'est aussi un boulet que je traîne malgré moi. Je veux cependant avoir confiance et faire la volonté de Jésus.

Que notre petite Soeur recommande à St Joseph son petit frère, le Père Joseph et qu'elle nous obtienne pour le Sacré Coeur des novices fervents.

Je crains que ceux qui viendront ne trouvent là personne pour les former et que tout aille encore longtemps mal. Jésus nous laisse bien dans la pauvreté spirituelle. Il est vrai que nous sommes bien indignes de ses grâces.

Vous avez, Chère Mère, une bien grande mission, c'est de contribuer à hâter la consolation du Coeur de Jésus par les prières, souffrances et sacrifices de la communauté.

Redoublons de confiance, puisque Jésus a bien voulu accepter une première victime.

In te Cor Jesu speravi, non confundar in aeternum (cf. Ps 31, 2).

En union sous la croix, Jean du Coeur de Jésus. V.C.J.

09. 09. 1879 B 109/2 (inv. 1169. 40). Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)

+ Le 9 Septembre 1879

Cher ami,

Je comprends facilement la dernière objection qui vous empêche de vous donner au Cœur de Jésus.

Il vous semble que la situation financière de notre Œuvre est pleine de périls.

J'ai souvent été tenté de penser comme vous. Notre Seigneur m'en a toujours repris.

Il nous a donné saint Joseph comme père nourricier de son Œuvre. « N'est-ce pas lui, dit Notre Seigneur, qui a nourri le Sauveur à la sueur de son front, qui l'a élevé et soigné avec Marie ? Maintenant qu'il a tout pouvoir dans le ciel et des biens en abondance, voudrait-il ne pas les employer pour protéger, nourrir et aider à s'élever cette Œuvre si chère au Cœur de son divin Fils ? »

Un autre jour, comme je m'inquiétais pour des besoins temporels, il me fit dire : « A-t-il donc oublié que je lui ai donné saint Joseph, mon père nouricier pour son père nourricier pour lui et pour l'œuvre. Je l'ai établi le distributeur de mes dons, comme Joseph l'égyptien l'était pour le peuple d'Israël. Mais il est cet intendant fidèle et prudent que j'ai établi sur ma maison : Ecce fidelis… » (Cf. Mt 24, 25)

Une autre fois que saint Joseph nous avait aidé mais en nous laissant encore quelque gêne, Notre Seigneur nous redit : « Déjà une fois je t'ai dit que l'intendant que j'ai établi sur ma maison est fidèle, mais qu'il est aussi prudent, et qu'il ne distribue pas trop d'un coup afin de ne pas nuire à ceux qu'il est destiné à secourir en les rendant orgueilleux, de sorte qu'ils se diraient : nous n'avons plus rien à demander ».

Si nous cherchons bien le règne de Cœur de Jésus, le reste ne nous sera-t-il pas donné par surcroît ? (Cf. Mt 7, 33)

Homme de peu de foi ! (Cf. Mt 8, 26)

Quand répondrez-vous aux sollicitations que Jésus ne cesse d'adresser à votre Cœur ?

Votre bien dévoué in Corde Jesu,

Jean du Cœur de Jésus, O.C.J.

15. 09. 1879 B 18/1. 1 (inv. 229. 03). M. Marie du SC (Servantes)

Chère Mère,

Je vous envoie un mot aujourd'hui au risque de vous attrister. N. S. me fait faire la retraite à sa manière. Il me tient aujourd'hui au pied de la Croix avec la très sainte Vierge (cf. Jn 19, 25). J'étais bien en train hier et voilà que le soir mes crachements de sang m'ont repris.

Je ne vaux pas grand chose physiquement aujourd'hui. Je me contente de lire mes méditations.

J'offre cet état de souffrances au Coeur de Jésus. C'est une grande épreuve au moment de la rentrée des classes. C'est encore une petite part du Consummatum est (Jn 19, 30). Si cela ne s'aggrave pas, je continuerai tout de même la retraite tout doucement jusqu'à samedi.

J'espère que cette croix servira à l'accroissement de l'oeuvre du Coeur de Jésus. Aidez-moi à la bien porter.

Je vous envoie une bénédiction paternelle pour vous et vos chères filles de Dauendorf.

Jean du C. de J.

03. 11. 1879. B 36/2a. 30B 36/2d 36/2d. 30 (inv. 626. 30629.30629.30). P. Eschbach (texte photocopie original ; copie dactyl : B 36/2a.30 inv. 626.30dactylographié)

Mon Révérend Père,

Je n'ai appris votre séjour en France qu'au moment où il se terminait, autrement je vous aurais prié avec beaucoup d'instances de venir passer quelques jours à St. Quentin pour nous aider de vos conseils.

Si vous revenez l'an prochain, j'espère que vous ne me refuserez pas cette faveur. Après dix ans mon affection pour Ste Claire n'est pas diminuée et son souvenir est encore ce qui fait le plus de bien à mon âme.

Aujourd'hui j'ai une petite question à vous adresser de la part de Monseigneur. Il vous sera facile de nous dire quelle est la pensée de la Congrégation des Rites sur le culte rendu au Coeur de St Joseph. Il y a en France des livres, des images par millions et des médailles en son honneur. Les voit-on de bon oeil à Rome? Nos évêques sont-ils agréables à Rome quand ils approuvent ce culte? Pouvons-nous répandre et bénir la médaille dont je vous envoie le dessin?

J'attendrai avec impatience, mon Révérend Père, votre réponse à ces différentes questions

(lettre non conservée entièrement?De la photocopie on peut clairement voir que le texte a été couvert à la p. 3 et 4 [pour l'effacer ?]).

le bulletin de l'Association. Il suffira de faire remplacer mon titre de Vicaire, de l'Association. Il suffira de faire remplacer mon titre de Vicaire,

02. 12. 187903. 10. 1879. B 109/2 (inv. 1169.41). Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)

+ Vigile de Saint François 1879

Mon cher ami,

C'est demain pour moi l'anniversaire d'une grande grâce et d'une des lumières de ma vie.

Souffrez que je m'en épanche un peu auprès de vous, c'est un besoin de mon cœur.

Qu'a donc voulu Notre Seigneur, quand il a créé entre nous ces relations si intimes qui ont commencé à Rome ? Nous ne cherchions que Lui et nous étions fervents et nous sentions se créer un lien tout surnaturel. Vous remplaciez pour moi Perraud, une sainte victime que nous laissions aller au ciel. Tout cela pouvait-il être illusion ? Quelle étrange chose que ces projets de fondation qui naissaient dans nos âmes qui étaient certainement droites et pures et qui s'y conservaient bien longtemps sans être absolument contredits par notre saint directeur !

Ne sentez-vous pas vous-même que Notre Seigneur n'était pas étranger à ces projets ? Mais nous avons eu le tort de mettre trop d'empressement naturel à chercher notre voie au lieu d'attendre les indications de Notre Seigneur.

Maintenant je ne veux pas vous presser de venir avec nous. Ma vocation est de laisser faire Notre Seigneur. Il vous amènera quand bon lui semblera. Mais je ne puis pas ne pas regretter pour vous que vous manquiez tant de grâces qui vous feraient tant admirer la bonté de Notre Seigneur et qui vous rempliraient de tant de reconnaissance.

Nous avons déjà envoyé une petite victime au ciel. Une petite Sœur a offert sa vie pour une autre vie. Elle a été acceptée. Elle est au ciel. Ce sacrifice est récompensé par des grâces nouvelles.

Priez pour que nous répondions à tant de grâces et que nous ne soyons pas infidèles à notre mission.

Je prie saint Joseph et saint François de vous bénir et de vous conduire là où le Cœur de Jésus vous appelle.

Tout vôtre in aeternum

L. Dehon

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