1881

CORRESPONDANCE DU PERE DEHON : ANNEE 1881

14. 01. 1881.B 109/2(inv. 1169.46)Abbé Désaire(Lettre insérée en mai 2003)

+ Le 14 janvier 1881

Bien cher ami,

Je ne vous ai envoyé qu'une petite carte avec un mot de reproche au jour de l'an, je comprends que vous ne m'ayez pas répondu.

Je vous compense aujourd'hui en vous offrant une belle image qui représente saint François foulant aux pieds… l'économat de Saint-Ambroise.

Pendant les derniers jours de décembre votre souvenir me suivait tous les jours surtout à la sainte messe, comme il m'arrive tous les ans.

Nous avons contracté là en 1868 un lien qui ne se romprait pas facilement. Je serais bien étonné si vous me disiez qu'en ces jours-là vous ne vous reportez pas à Rome avec une impression toujours persistante.

Notre cher Ordre du Sacré-Cœur s'étend et s'affermit sous les bénédictions toujours plus abondantes de Notre Seigneur. Nous sommes seize maintenant, dont sept prêtres, sept clercs et deux frères. Une trentaine d'autres sont appelés et se préparent à entrer.

Un malheureux prêtre appelé depuis un an, mais qui résistait plus encore que vous vient d'être rejeté par Notre Seigneur et son nom a été donné à un autre.

Quelle responsabilité ! Et comme son salut sera difficile sans les grâces spéciales qui lui étaient offertes !

Notre sainte Sœur souffre souvent tout spécialement pour vous. Sans cela vous seriez déjà rejeté. J'espère que Notre Seigneur m'épargnera cette croix qui me serait une des plus lourdes.

Le tourbillon des œuvres où vous êtes entraîné est un peu votre excuse, mais ne vous y êtes pas enfoncé volontairement ?

Etes-vous excusable de n'être pas venu au moins vous rendre compte en passant trois ou quatre jours avec moi ?

Prenez aujourd'hui cette bonne résolution et tenez-la bientôt. « Gratia Dei nolit tarda molimina » .

Ne refusez pas votre pierre à l'oeuvre qui marche au premier rang pour le relèvement de la France.

Le Saint Curé d'Ars nous prête son concours. Il nous a envoyé un prêtre auquel il a prédit en 1852 cette œuvre dont il a parlé plusieurs fois avec un saint enthousiasme.

Je prie le Cœur de Jésus de vous bénir et de vous toucher.

Votre bien affectueusement dévoué

L. Dehon

29. 03. 1881. B 19/1.1 (inv. 229. 06). M. Marie du SC (Servantes)

Chère Mère,

Nous ne saurons jamais assez remercier Notre Seigneur. Les grands moments doivent approcher. Ces vocations d'élite en sont le signe. Soyons seulement bien généreux. Que l'Ecce Venio soit toute notre vie.

Il faudra écrire bientôt à Mr Vincent.

Je vous verrai demain. J'irai pour la sainte messe avec deux enfants. C'est seulement jeudi St Benjamin. Ce jour-là je conduirai le Père Paul de la Croix.

Notre Père Paul de Soissons m'écrit encore une lettre désespérée. Le P. Augustin a aussi de graves tentations. Je vous envoie un bout de lettre du P. Xavier. Il y a deux recommandations intéressantes.

Le P. Thadée est tout heureux. Il espère obtenir ses deux jeunes gens qui lui avaient écrit tous les deux le jour de la St Joseph.

Vous recevez, je crois, le messager du Coeur de Jésus. Vous remarquerez avec plaisir que l'intention du mois d'avril est tout spécialement pour nous. N. S. l'a permis. Que de grâces nous aurons dans ce mois!

Lisez aussi le petit article, page 460. Il y est question de l'oeuvre apostolique qu'on nous offre à Paris. Vous verrez par son origine qu'elle paraît bien nous être destinée.

Recommandez aussi à notre Soeur Mr l'abbé Duret, supérieur du Prado de Lyon, qui a écrit une bonne lettre au P. Thadée.

N. S. nous dit d'attendre pour ces oeuvres, mais n'a-t-il pas dit aussi à la très sainte Vierge à Cana que son heure n'était pas venue (cf. Jn 2, 4).

Il y a encore un grand saint de Lyon dont nous n'avons pas le nom, c'est St Pothin, disciple de St Polycarpe avec St Irénée. Nous pouvons le demander par l'Abbé Duret.

La mère du P. Thadée écrit de nouveau au sujet d'une de ses amies qui demande à être servante du Coeur de Jésus. Elle donnerait son avoir et sa maison de Montbrison.

Tout vôtre dans l'action de grâces, la fidélité et la réparation au Coeur de Jésus.

Jean du C. de J.

24. 04. 1881. B 22/11 (inv. 465. 05). P. Falleur

Cher fils dans le Coeur de Jésus,

Soyez simple. Pas de préoccupations, pas de jugement propre. Ne vous inquiétez point des autres. Interprétez tout en bien. N'appréciez que ce qui regarde l'économie, et encore avec douceur et patience.

J'espère que St Joseph vous fournira le nécessaire pour mardi. Sinon vous iriez voir Mr l'Archiprêtre ou Mr Genty, et vous feriez un petit emprunt.

Malgré mes faiblesses je vois que N. S. m'accompagnera. J'espère que ce voyage produira de bons fruits. J'envoie une bénédiction paternelle à mes fils de Soissons avant leur départ.

Dites au P. Marc que je le bénis très affectueusement.

Soyez zélé pour vos fonctions. Que tout soit prêt pour les nouveaux dortoirs. Désignez de suite des lits pour les nouveaux, afin qu'on sache où porter leurs effets.

Sint lumbi vestri praecincti (Lc 12, 35). Je prie le Coeur de Jésus de vous bénir, de vous conserver et de vous aider. Votre dévoué père in Corde Jesu. Jean du C. de J.

25. 05. 1881.B 109/2 (inv. 1169.47).Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)

+ Le 25 mai 1881

Bien cher ami,

Les paroles de Notre Seigneur disent exactement ce que je vous ai écrit. Les voici :

« Il doit répondre à cet appel et en attendant agir là comme frère François, comme apôtre de mon Sacré-Cœur, bien uni à ceux d'ici ».

Il s'agit, bien entendu, de l'appel qui vous est adressé par le chapitre et le diocèse de Tarentaise.

En attendant votre entrée dans l'Ordre qui sera amenée plus tard par des circonstances providentielles vous devez agir là en faveur de l'Ordre, comme agrégé, comme tertiaire sous le nom de frère François. Ce nom d'agrégation n'a pas besoin, bien entendu, d'être manifesté.

Ces groupes de bons prêtres dont vous me parlez fourniront facilement des agrégés et même des Oblats. Une œuvre apostolique sera également facile à établir chez vous.

Les pères de l'Assomption tiennent-ils bien aux Chateaux actuellement ? N'y sont-ils pas inquiétés ? S'ils aiment à garder cette œuvre, il y aura bien place pour une autre dans le diocèse.

Je serai bien heureux de vous voir et de vous posséder quelques jours. Vous reconnaîtrez facilement les desseins de la miséricorde de Notre Seigneur sur son œuvre.

Ayez confiance, Notre Seigneur disposera tout pour l'accomplissement de ses desseins. Votre poste de simple vicaire est bien une difficulté. Si Monseigneur Turinaz reconnaît la nécessité de s'en aller ne pourrait-il pas vous nommer de suite Chanoine honoraire pour faciliter la transition ?

Soyons bien unis de prières. Relisez quelquefois le 1er Chapitre de nos Constitutions pour unir davantage vos intentions aux nôtres.

Agréez mes sentiments les plus fraternels et affectueux in Corde Jesu.

L. Dehon

13. 07. 1881. B 109/2 (inv. 1169. 48). Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)

+ Le 13 juillet 1881.

Cher ami,

N'est-ce pas bientôt le moment où vous viendrez nous voir ? Je pensais que vous preniez vos vacances en juillet. Prévenez-moi plusieurs jours d'avance. Bien que je m'absente peu il pourrait se faire que je ne fusse pas là.

Qu'y a-t-il de nouveau pour vous ? L'incertitude est et les préoccupations doivent vous peser. C'est une épreuve qui vous prépare à votre mission.

Je n'ai pas cru devoir sonder les intentions de Monseigneur Thibaudier. Il est très strict pour tout cela. Peut-être même ne vous serait-il pas entièrement favorable auprès de la Nonciature.

L'affaire a-t-elle fait un pas ?

Cela ne vous empêchera pas, je suppose, de venir bientôt nous voir. Je ne doute plus pour notre œuvre d'une mission divine. C'est le couronnement de la révélation du Sacré-Cœur commencée à Paray-le-Monial. Ce sera bientôt, si nous sommes fidèles, la source de grandes grâces pour l'Eglise et pour la société. Vous ne pouvez pas y être indifférent et je regarde la part que vous devez prendre à cette œuvre comme la plus grande grâce de votre vie.

Nous continuons à nous former dans le calme et le silence. La bonne Providence nous tient cachés aux yeux des sbires comme les Israëlites sous la nuée protectrice. Notre petit groupe est de 25 dont neuf prêtres. Peut-être faudra-t-il bientôt songer à une petite fondation à l'étranger pour s'assurer un refuge.

On me dit qu'il y aurait place dans le diocèse de Fribourg en Suisse, qu'en pensez-vous ?

Annoncez-moi bientôt votre arrivée.

Priez toujours en union avec nous.

Votre tout dévoué in Corde Jesu

L. Dehon

01. 08. 1881. B 20/13 (inv. 330. 02). Novice Falleur ( ?). Novice P. Mathias ( ?) ( ?)

Cher fils dans le Coeur de Jésus,

D'après les conventions matrimoniales, votre père a l'usufruit de tous les immeubles, mais il ne peut pas vendre facilement à cause de la minorité de votre soeur. Il faut pour vendre une délibération du conseil de famille homologuée par le président du tribunal civil. Vous pouvez être subrogé tuteur, mais votre père est tuteur (mot illisible). Voilà pour le matériel. Pour le reste montrez-vous bien dévoué, patient, désintéressé.

Soyez vraiment victime. Ne vous inquiétez pas de votre économat. Mr Vinchon se montre dévoué. A jeudi. Je prie le Coeur de Jésus de vous bénir. Jean du C. de J.

14. 08. 1881 (de Montbrison) B 22/11(inv. 465. 06).P. Falleur

Cher fils dans le Coeur de Jésus,

Les contradictions n'ont pas manqué au moment de mon départ. C'était bon signe. J'espère que mon voyage sera béni jusqu'au bout. Ici mon but sera atteint mieux que je ne l'espérais. J'irai demain soir à St Chamond chez notre Père Patrice et après demain au Prado faire une véritable moisson. Je vous écrirai de nouveau de Lyon.

Vous devez avoir la visite du bon Mr Pruvost. Je regrette de ne pas le voir. Conduisez-le un peu prier au S. Coeur et au couvent. Il m'écrira ensuite. Mr Malherbe est-il arrivé? Dites à Mr Flament Flamantde me donner de ses nouvelles. Ecrivez et envoyez mes lettres (réunies en une seule enveloppe) à Fribourg, poste restante. Je compte y être le 21.

Faites faire les travaux convenus. Pressez le plombier. Faites aussi blanchir le plafond de Mr Lefèvre Arnould. Mr Vaillant est-il arrivé? Et nos pèlerins?

Priez bien et faites bien prier au S. Coeur. Faites encore une neuvaine à St Joseph. Je vous envoie à tous une bonne bénédiction. Votre dévoué père Jean du C. de J.

17. 08. 1881 (de Lyon) B 22/11 (inv. 465. 07). P. Falleur

Cher fils dans le Coeur de Jésus,

Nous sommes ici depuis hier et nous allons partir pour Ars. Je viens de recevoir à l'instant toutes mes lettres de St Quentin. Je n'y puis répondre que bien sommairement.

Dites d'abord à nos Pères de continuer à bien prier. Le voyage sera fécond pour l'Oeuvre. La famille de Mr Captier est maintenant bien unie avec nous. Nous prenons ici quatre jeunes gens au Prado, sans compter les espérances pour l'avenir. Ils partiront d'ici directment mercredi prochain et ils arriveront à St Quentin le jeudi 25. Ce sont des jeunes gens formés, trois ont déjà fait leur rhétorique. Nous laissons d'autres semences. Nous allons continuer notre tournée de recrutement.

Je réponds maintenant à vos petites questions pratiques. D'abord priez St Joseph et si par impossible il ne fournit pas à temps les 280f, empruntez-les. Passez d'abord au couvent puis chez Mr l'archiprêtre.

Laissez Mr Leclaire régler ses répétitions et ne lui réclamez rien.

Attendez-moi pour les planchers des dortoirs.

Tâchez que Defer travaille tranquillement avec Mr Dessons tant qu'il voudra bien rester. Soyez doux à son égard.

Si le P. André n'est pas ce qu'il doit être à Fayet, dites au P. Xavier de le rappeler à St Quentin. Nous verrons ensuite.

J'ai reçu une bonne lettre de nos pèlerins de Beauvais. On les reçoit trop bien partout. Ils ne sauront plus se faire à l'ordinaire du noviciat.

Je ne vois rien de spécial à répondre au P. Léonard..

Dites seulement au P. Jacques qu'il peut recommander son intention au couvent par un billet transmis à la chère Mère par le P. Alphonse.

Je vous écrirai sans doute de Fribourg pour vous annoncer mon arrivée.

Le P. Patrice est ici avec son frère Georges. Ils vous arriveront à 11h 20 du soir.

Et Léon? Qu'a-t-il décidé? Soyez bien sage en mon absence. Aidez-moi de loin par vos sacrifices. Je prie le Coeur de Jésus de vous bénir tous. Jean du C. de J.

21. 08. 1881 (de Fribourg) B 19/1. 1 (inv. 229. 07) M. Marie du SC (Servantes)

Chère Mère,

Je n'ai pas de vos nouvelles depuis St Quentin. C'est bien long. J'irai encore ce soir voir à la poste dans l'espoir de trouver une lettre.

Notre voyage me paraît béni de N. S. jusqu'à présent, malgré notre pauvreté spoirituelle.. La journée d'Ars surtout a été bien bonne. Comme on est bien auprès de ce tombeau et au milieu des souvenirs de saint ami du Coeur de Jésus. On comprend mieux l'amour de N. S. pour nous en voyant combien un de ses ministres, qui n'a pu l'imiter que de loin, a aimé les âmes.

Qu'il ferait bon là s'occuper des prêtres, élever de jeunes enfants pour le sacerdoce, ouvrir une maison de retraite pour le clergé! On n'y fait rien en vue des prêtres. Et cependant aucun endroit ne serait plus favorable pour cela. Il semble bien difficile humainement que nous y arrivions. Les missionnaires d'Ars sont très puissants auprès de leur évêque et ils ne voudraient pas céder la place. Laissons au Coeur de Jésus le soin de tout conduire.

Nous nous sommes arrêtés à Bourg, pour voir la Soeur Marie de Jésus de la Visitation, directrice et fondatrice de la Garde d'Honneur. C'est une sainte âme qui est conduite par le même esprit que nous. Le but intime de la Garde d'Honneur est de hâter l'oeuvre de la Réparation sacerdotale. Elle comprend notre oeuvre et y voit bien l'oeuvre du Coeur de Jésus. Elle pourra nous être utile à l'occasion par les relations que lui procure l'oeuvre de la Garde d'Honneur.

Nous avons vu Mgr l'évêque de Fribourg. Il est bien bon et bien sympathique à notre oeuvre. Il demande que nous attendions le mois d'octobre. Il nous donnera alors sa décision. La Suisse aussi est menacée par le radicalisme. Mgr verra par les élections qui auront lieu en Suisse en Octobre s'il peut nous engager à venir.

Je porte toujours une lourde croix d'argent. Je trouverai en rentrant à St Jean une situation bien difficile.

Aimons bien, chère Mère, le Coeur de Jésus. Je voudrais brûler et consumer d'amour pour lui. Je le prie de vous bénir. Jean du C. de J.

21. 08. 1881 (de Fribourg) B 22/11 (?). NoviceP. Falleur (texte dactylographié)

Cher fils dans le Coeur de Jésus,

Courage! Vous portez avec moi une croix d'argent qui est bien lourde. Ayons confiance. Cela fait partie du Consummatum est! Notre générosité portera ses fruits.

Je vous arriverai, sauf contrordre, jeudi prochain, à midi un quart.

Mgr de Fribourg est sympathique à notre Oeuvre. Il demande cependant à attendre le mois d'octobre pour nous dire, après les élections de la diète fédérale, s'il peut ou non nous donner l'hospitalité. Nous avons trouvé à la Visitation de Bourg des lumières encourageantes pour l'Oeuvre et l'espérance d'une belle vocation.

J'irai seulement d'ici à Grenoble, pendant que le P. Thadée repassera par Bourg et par Autun. Nous partirons demain matin. Dites à la bonne Madame Guillaume d'écrire de suite à sa soeur pour l'inviter à venir.

Le P. Joseph a-t-il pourvu à ses publications? Je ne m'en suis pas occupé. Qu'il écrive de suite s'il ne l'a pas fait. Dites au P. Paul d'aller voir sa mère, s'il n'y est pas déjà. Je n'ai pas pu lui télégraphier de Lyon, car sa lettre comme les vôtres du 16 et du 17 ne m'ont trouvé qu'ici. Elles sont arrivées à Lyon après notre départ.

Portez des nouvelles à Mr l'archiprêtre. Je n'aurai pas le temps de répondre à tous. J'écris seulement quelques notes qui sont nécessaires au P. Léonard. Dites à tous que je les bénis.

Jean du C. de J.

31. 08. 1881 (de Soissons)B 20/13 (inv. 330. 03). Novice Falleur. (P.Novice Mathias ? ) ? )

Cher fils dans le Coeur de Jésus,

J'ai reçu votre lettre. J'ai envoyé le reçu directement au Receveur des Finances.

Ayez toujours confiance en St Joseph, il vous aidera.

L'ordination aura lieu le 21 ou le 23. Préparez-vous, surtout spirituellement.

J'espère rentrer vendredi. Pressez vos travaux. Donnez ordre à Mme Defraide de ne jamais donner à nos visiteurs du noviciat plus d'un verre de bière au goûter. Il faut qu'ils sentent que nous sommes pauvres.

Tout va bien ici. Monseigneur ne me demande aucun sacrifice de personnel. Je comptais me reposer. On m'a mis notaire du synode. Toujours fiat (Lc 1, 38).

Recommandez au S. Coeur qu'on prie bien le St Coeur de Marie.

Tout vôtre in Corde Jesu. Jean du C. de J.

09. 09. 1881 (de La Capelle) B 22/11 (inv. 465. 08). PNovice. Falleur

Cher fils dans le Coeur de Jésus,

Je ne vois rien d'urgent à vous dire, si ce n'est que vous vous appliquiez à pratiquer la douceur et l'humilité. Votre lettre n'est pas encore celle d'un Oblat du Coeur de Jésus. L'amertume y perce à chaque ligne. Quand vous voyez ou croyez voir quelque abus, ne pourriez-vous le signaler avec douceur? Ce zèle amer n'est pas même chrétien, comment pourrait-il être celui d'un religieux, celui d'un agneau-victime? Que faites-vous donc pendant vos oraisons? Où est alors votre esprit? Est-ce là ce que vous puisez au Coeur de Jésus?

Comment pourrais-je avoir un instant de paix intérieure si je vois que vous continuez à vous préparer ainsi aux Ordres majeurs? Si vous écoutez le démon et votre nature vous allez encore perdre et profaner les grâces de cette retraite. Chaque petit dérangement au lieu de vous aider comme une croix précieuse vous mettra dans la mauvaise humeur et le découragement.

Ayez donc pitié du Coeur de N. S. Ne l'abreuvez pas de fiel et de vinaigre (cf. Jn 19, 29). Soyez doux, humble, patient. Laissez-vous immoler comme un agneau.

Vous avez le poste d'honneur de notre petite famille après le mien, je crois, parce que vous êtes le mieux placé pour être immolé. Allez-vous enfin le comprendre, ou voulez-vous toujours comme les lâches demander à être mis à l'arrière-garde? J'espérais mieux de vous. Sursum corda. Portons ensemble vaillamment la croix.

Vous avez de l'ardeur. Il en faut, mais pour souffrir et non pour s'irriter.

N. S. dit que nous devons devenir ardents comme des lions pour nous laisser immoler comme des agneaux (cf. Mt 10, 16).

Les questions matérielles que vous m'adressez auront leur solution à mon retour.

Je prie le divin Coeur de Jésus de bénir toute sa chère famille. Jean du C. de J.

17. 09. 1881 (Fête des stigmates de St Fr.) B 20/13 (inv. 330. 04). P.Novice Falleur

Cher fils dans le Coeur de Jésus,

J'avais le même scrupule que Mme la Supérieure de la Croix. Nous laisserons donc notre rentrée au 3.

Je ne voudrais pas que vous ayez refusé à Mr Vaillant ce qu'il désirait. Mr l'archiprêtre a 500f en réserve pour nos Soeurs. Vous pourriez les lui demander en cas de besoin. Ce serait en acompte sur ce que les quêteuses doivent rapporter.

Vous pouvez dîner à Laon chez Mr Lefèvre vendredi. Ne vous inquiétez pas du P. Joseph. Il a la permission d'aller à la bibl. paroissiale de 8h à 111/2 et de 1h à 4h. Dites à Mr Julien que c'est accepté. Je suppose toutefois que le blanchissage et les fournitures restent en dehors de ce prix. N'oubliez pas d'apporter vendredi mon costume de choeur (rochet, mosette et barrette), puis-je y compter? Préparez-vous comme vous en avez convenu avec le P. Rasset.

Soyez bien doux et patient, quoi qu'il arrive.

J'envoie à tous une bénédiction paternelle. Jean du C. de J.

19. 09. 1881 (de N.D. de Liesse) B 20/13 (inv. 326. 01). P.Novice Falleur

Cher fils dans le Coeur de Jésus,

Je vous envoie par le même courrier la clef de mon secrétaire. Vous y trouverez dans le tiroir du milieu à droite, si je ne me trompe, l'acte de baptême de Arthur Delgoffe (le P. Paul de la Croix). Mr Ledouble, secrétaire de l'évêché me le réclame de suite pour l'ordination. Envoyez-le lui directement, de ma part. Joignez-y les deux renseignements suivants qu'il me demande également et que j'ai oublié de lui fournir, pour MM. Venet et Miquet: 1° le lieu de leur tirage au sort; 2° le N° qu'ils ont tiré.

A vendredi. Soyons doux et patient, quoi qu'il arrive.

Je bénis votre petite retraite. Jean du C. de J.

20. 09. 1881 (de Liesse) B 22/11 (inv. 465. 09). P.Novice Falleur

Cher fils dans le Coeur de Jésus,

Vous pensez bien que je ne vais pas répondre aux sentiments d'humeur qu'exprime votre lettre à propos de quelques anneaux de rideaux ou d'autres choses de même gravité. J'ai ici des sujets de méditation plus sérieux que ceux-là.

Réparez vite ces impatiences et faites jeudi la Ste communion.

Puisque vous êtes toujours si pauvre, je vais vous indiquer une petite ressource.

Vous trouverez dans mon secrétaire (tiroir du milieu à gauche) un titre de pension des orphelins Scherrer. Il y a trois trimestres à toucher, environ 400f. Il faut prendre chez Me Faroux un certificat de vie des enfants. Vous vous présenterez à la recette des finances avec le titre et le certificat. On vous remettra l'argent et le titre après l'avoir timbré.

N'oubliez pas d'envoyer à Mr Ledouble ce que je vous ai dit hier et de m'apporter mon costume de choeur pour samedi. Mr Lamour peut engager les négociations qu'il propose avec Mr Michelon. Il peut lui dire qu'un séminariste d'Arras qui devait me faire le second cours de français va peut-être me manquer (ce qui est vrai) et que je désire savoir de suite s'il accepterait cette fonction.

„Patientia opus perfectum habet” (Jc 1, 4). Pratiquez bien l'abandon à la volonté divine, le laisser-faire, la réparation. Cor Jesu vos benedicat. Jean du C. de J.

Septembre 1881 B 20/1 (inv. 288. 01). P.Novice Falleur

Cher ami,

Mgr ne m'a pas répondu pour l'ordination. Faites cependant publier vos bans. L'ordination aura certainement lieu vers la Nativité.

Si Mr votre père a eu des renseignements convenables sur la bonne qu'il a engagée, acceptez-la. On la verra à l'oeuvre.

Dites à Léon de ne pas ajourner les grâces qui lui sont offertes. Tout vôtre in Corde Jesu

L. Dehon.

21. 10. 1881 B 82/1 (inv. 1102.02) (Un ancien compagnon de Sta Chiara) P. François Guilhen, s.j.) P. François Guilhen, s.j.

Bien cher ami,

Voilà donc déjà douze ans que nous sommes séparés! Cependant votre souvenir m'est tout aussi présent que le premier jour. J'ai bien souvent pensé à vous. Nous étions là quelques bons amis que N. S. daignera, j'espère, réunir tous au ciel auprès du bon P. Freyd, auquel nous devons tant.

Nous ne sommes pas aussi avancés que vous le pensez pour notre petite fondation. Nous n'avons encore qu'une dizaine de profès et vingt cinq novices. C'est par une protection providentielle évidente que nous restons inconnus à ceux qui sont à la piste des congrégations. Notre collège libre nous sert de voile. La plupart des professeurs en sont encore séculiers. Quelques-uns seulement sont Oblats.

Le moment ne me paraît pas encore venu pour nous de faire des fondations.

Notre but n'est pas d'ailleurs uniquement l'enseignement secondaire, comme vous pourrez le voir par un chapitre de nos Constitutions que je vous envoie. Une partie de nos Pères se consacrent à la vie contemplative, l'adoration du St Sacrement, le choeur et l'étude. Comme oeuvres, nous donnons la préférence aux écoles cléricales et aux séminaires sur les collèges. C'est la dévotion pratique au S. Coeur qui est notre but. Le moyen principal, c'est la réparation par l'adoration et par les oeuvres, mais surtout par les oeuvres relatives au clergé qui est la partie du troupeau de N. S. la plus chère à son divin Coeur. Nous avons été encouragés par bien des marques de la volonté divine et de la protection de N. S.

Je suis heureux de la sympathie et de la confiance que nous témoigne Mgr de Montpellier sans nous connaître autrement que par votre témoignage. Si nous ne pouvons pas de suite répondre à son désir, j'espère que nous le retrouverons également favorable quand plus tard nous serons assez nombreux pour aller fonder une colonie dans son diocèse.

Je n'ai pas sous la main actuellement le prêtre que vous me demandez pour un préceptorat. Le moment n'est pas favorable. J'en ai placé plusieurs avant la rentrée des classes.

Nous reverrons-nous encore sur terre, avec le bon P. Le Tallec et le P. de Rivoyre? Quelle joie ce serait! Mais nous sommes aux quatre extrémités de la France! Priez un peu pour moi. Vous savez quelle responsabilité pèse sur mes épaules. N. S. nous aide ou pour mieux dire fait tout lui-même. Cependant il faut correspondre à ses grâces.

Agréez mes plus affectueux sentiments in Corde Jesu, L. Dehon.

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