1903

CORRESPONDANCE DU PERE DEHON: ANNEE 1903.

12. 01. 1903 (Arch. Mun. Lyon, 130 II 9) Marius Gonin

+ 12 janv. 03

Mon cher Monsieur,

Je vous suis toujours très uni et très sympathique.

Je crois que la petite revue a sa belle part dans ce mouvement de jeunes qui est l'espoir du moment. La pauvre France est comme un navire désemparé, avec son clergé asservi par le concordat. Poussez aux associations laïques. Le salut ne peut venir que de là … ou d'un miracle.

Usez de ma prose quand elle vous plaît, laissez-la quand elle ne vous paraît pas utile. Je n'ai pas d'amour-propre.

Je vous envoie quelques pages, mais je pense qu'elles ne seront pas opportunes puisque vous aurez quelque chose de Monseigneur Glorieux.

Je vous ai envoyé un article sur le Ghetto, que je n'ai pas vu passer, ayez l'obligeance de me le renvoyer, je l'utiliserai ailleurs.

Recevez mes amitiés bien dévouées.

                    L. Dehon
                                                                  (130 II 9, année 1903, janvier)

21. 01. 1903. B 21/9a (inv. 471. 02). Fr. Blandin

Mon cher ami,

C'est bien de m'écrire ainsi une longue lettre toute filiale et amicale. Cette amitié, Dieu la veut, sans cela nous ne la voudrions pas, n'est-ce pas? En nous appelant dans la pieuse compagnie de son Coeur, N. S. nous a faits frères et amis. Dans une société d'amis, il peut même y avoir des intimités plus grandes. Pierre, Jacques et Jean, parmi les apôtres, avaient une sympathie réciproque et encouragée par N. S (cf. Mc 9, 2…).

Puisque vous êtes affectueux, reconnaissant et attaché pour le pauvre Pierre de notre petite et chère société, vous êtes donc un peu comme étaient Jacques et Jean.

Cette amitié des apôtres a duré et dure encore, parce qu'elle était en Dieu et selon Dieu, bien qu'elle eût un fond humain qui a été surnaturalisé par la grâce.

Bossuet parle de „l'illusion des amitiés de la terre, qui s'en vont avec les années et les intérêts”. La nôtre n'est pas de la terre, elle ne s'en ira pas.

Aimer véritablement quelqu'un, c'est lui vouloir du bien. En italien, on ne dit pas „je t'aime”, on dit „je te veux du bien, ti voglio bene”.

Je vous veux beaucoup de bien. Je veux que vous deveniez un saint prêtre du S. Coeur, une colonne de la petite société qui doit donner à N. S. consolation et réparation, si elle est fidèle à sa mission. Faisons un pacte entre les fidèles pour mener l'Oeuvre à bonne fin, quel que sacrifice qu'il doive nous en coûter.

Il faut pour cette vocation une véritable vie intérieure. Je vous souhaite donc des grâces d'oraison, non pas les grâces extraordinaires qui exposent aux illusions, mais le progrès dans l'union à Dieu. On peut désirer et demander ces grâces d'union. SteThérèse, S. Bernard et bien d'autres saints nous invitent à les demander. S. Ignace disait: „Nous devons souhaiter ces dons si précieux, en tant que nous pouvons, avec leur secours, procurer à Dieu une plus grande gloire”. Un pieux séminariste peut arriver facilement à l'oraison affective, et un peu au-delà. Le moyen? Une grande pureté de conscience et de l'énergie pour faire bien tous ses exercices et se soumettre à tous les petits sacrifices de la règle.

Je vous désire beaucoup de grâces parce que „ti voglio bene”.

Quelques nouvelles: la croix pèse assez lourdement. On nous poursuit à Lille pour de prétendus impôts d'abonnement. Priez bien pour moi. Venez à Fayet, espérons que nous n'en serons pas encore expulsés. Annoncez votre arrivée au P. Mathias. Fixez-moi de suite sur la date, afin que je ne sois pas à Bruxelles à ce moment-là. Amitiés au cher Fr. Philippe.

Je vous bénis et vous embrasse. L. Dehon.

08. 02. 1903. B 18/5. 2 (inv. 202. 02). P. Prévot

Cher fils,

Une carte du P. Lux dit que la mère de Carpentier est mourante et voudrait le revoir. Ne faut-il pas le laisser aller?

Pardonnez-moi si je vais vous faire un peu de peine. En voyant dans l'Oeuvre tant de désertions et de lâchetés, beaucoup disent: c'est qu'il y a quelque chose de défectueux au noviciat. On n'y forme pas assez la foi ni la conscience.

I. Pour la foi, il n'y a pas d'instruction religieuse. On y parle dès le commencement de l'année et toute l'année de la vie d'amour. C'est le couronnement d'un édifice sans fondations.

Je ne puis pas parvenir à vous faire enseigner le catéchisme. Je vous ai mis en mains le catéchisme du Concile de Trente, vous avez vite éludé le but faisant étudier toute l'année le traité de l'Eucharistie. Les novices sortent sans instruction religieuse fondamentale.

II. Pour la conscience, votre direction spirituelle n'est pas tout à fait ce qu'il faut. Vous formez des serviteurs à l'oeil. On craint vos gronderies et les dénonciations, on ne craint pas le regard de Dieu. Cent fois on m'a dit cela depuis 10 ans. Formez donc la conscience. Conduisez vos dirigés par la conscience. C'est le fort du P. Jacques, qui a tant de faibles, et il a formé de bons jeunes gens.

Sr M. Véronique voulait un bon et long catéchisme à ses novices tous les jours. Vous le dites dans sa vie. Imitez-le donc.

Priez bien pour moi, mais surtout réformez ce qui est défectueux. Votre L. D.

11. 02. 1903. B 20/8. 4 (inv. 311. 05). P. Liduinus Richters

Mon cher ami,

Nos Pères de Varzéa m'écrivent que vous êtes un peu souffrant. J'espère que ce ne sera rien. Vous devez être fatigué de cette vie un peu nomade qu'il faut mener à Goyanna. Ne feriez-vous pas bien de revenir pour six mois en Europe? Vous vous reposeriez à Bruxelles ou à Bergen-op-Zoom. Vous pourriez me donner bien des renseignements utiles sur le Brésil.

Que faire dans l'avenir pour Goyanna? Vous savez que nos Constitutions ne permettent pas qu'on reste longtemps seul dans un poste.

Vous êtes là-bas un des anciens, aidez bien à l'union. Soyez tous affables les uns pour les autres. Communiquez-vous vos peines, vos joies, vos afflictions, vos espérances. „Cor unum et anima sola” (Ac 4, 32). „Ipsi a Deo didicistis ut diligatis invicem” (I Th 4, 9).

Bon courage toujours. Soignez-vous et guérissez-vous. Votre bien dévoué L. Dehon.

26. 02. 1903. B 19/11. 2 (inv. 286. 02). Cardinal Mercier (texte dactylographié)

Eminence Révérendissime,

Votre Eminence nous a toujours témoigné une grande bienveillance, dont nous lui sommes bien reconnaissants. Je viens lui en demander une nouvelle marque.

Notre patrie française exile tous ses religieux. Nous étions déjà à moitié belges par nos maisons de Bruxelles, de Louvain et d'Arlon, il faut que nous le devenions davantage encore. Nous ne pouvons plus laisser la maison-mère à St Quentin. C'est la maison de Bruxelles-Ixelles qui se prêtera le mieux à ce rôle.

Notre Conseil a voté cette translation et le Saint Siège l'autorisera facilement, mais il faut que j'envoie à Rome quelques mots de Votre Eminence pour attester que vous consentez à cela. J'espère que Votre Eminence voudra bien m'envoyer son assentiment. Nous nous dévouerons d'autant mieux à nos missions belges du Congo.

Daignez agréer, Eminence, l'hommage de mon bien humble et respectueux dévouement.

            L. Dehon, Sup. gén. des Prêtres du Coeur de Jésus.

06. 03. 1903. B 108/2 (inv. 0116570). Les sœurs Baume

Ixelles, 6 mars 03,

Mesdemoiselles,

Je vous confirme ma lettre de l'autre jour. La solution est prochaine en France, et alors nous agirons.

J'aurais été volontiers vous voir ces jours-ci, mais je suis très pris. Demain, samedi, ordination à Malines, où nous aurons un prêtre, deux diacres, etc. Dimanche, première messe du jeune prêtre à Louvain. Lundi, j'ai un autre voyage, puis je devrai aller passer quelques jours à Saint-Quentin pour la crise.

Ces quelques jours vont passer très vite, et alors tout sera clair. Faisons-en des jours de prière, les circonstances sont si graves !

Je vous tiendrai au courant. Je vous écrirai encore très prochainement.

Votre bien respectueusement dévoué L. Dehon.

14. 04. 1903. B 20/8. 3 (inv. 312. 03). Mère Marie du SC (Servantes)

Chère Mère,

Vos bonnes Soeurs vont nous quitter. Je vous dois un grand remerciement. Elles ont été pour nous une Providence, ici comme dans nos autres maisons. Elles nous ont donné des soins maternels. C'est N. S. qui les récompensera, nous sommes impuissants à le faire.

Acceptons tout ce que N. S. nous envoie. Un vieux missionnaire de Savoie disait hier en partant: „Ce n'est point l'exil, ce n'est point la perspective de mourir loin de tout ce que j'aime qui me déchire le coeur, c'est l'état où je laisse mon malheureux pays!”. Hélas! Pauvre France!

Le Prieur de la Grande Chartreuse écrivait à son évêque: „Tout est consommé” (Jn 19, 30), pour le moment, en ce qui nous concerne. N. S. a dit: In mundo pressuram habebitis (Jn 16, 33), vous aurez des persécutions. Mais il a ajouté: Confidite, ego vici mundum (id), Confiance, j'ai vaincu le monde…„

Tenons-nous dans ces dispositions, résignation et confiance. Les fêtes de Pâques nous sont un augure de la résurrection.

A nouveau, remerciements et union de prières. Votre bien dévoué L. Dehon.

22. 04. 1903. (Arch. Mun. Lyon, 130 II 9, année 1903, avril) M. Gonin

+ 22 av. 03

Mon cher ami,

Je vous envoie mes petites notes habituelles. Nous sommes ici sous le coup de la dispersion et de la confiscation. Je reste seul avec un Père malade, mais je vais soutenir mes droits de propriété devant toutes les juridictions. J'en ai pour des mois.

Heureusement notre petite société a des maisons prospères en Belgique et Hollande, à Bruxelles, Louvain, Arlon, Luxembourg, Brugelette, etc. Nous pourrons nous réfugier là et y travailler.

Nous aurons aussi de belles missions au Brésil et au Congo. De loin on peut offrir pour la France ses prières et ses souffrances.

Dévouez-vous à vos œuvres de jeunesse, c'est notre espérance.

Recevez mes amitiés dévouées.

                 L. Dehon
                                                                                (130 II 9, année 1903, avril)

10. 05. 1903 (Arch. Mun. Lyon, 130 II 9, mai 1903). Marius Gonin

+ 10 mai 1903

Mon cher ami,

Je vais vous demander un petit service.

Vous savez que mon moyen de défense pour éviter si possible la dispersion, la confiscation et le reste, c'est que notre petite œuvre n'est qu'un projet, une préparation de congrégation, puisque les décrets d'érection par l'évêque et le Pape ne sont pas encore venus. L'ordo de Soissons est bien dans ce sens. Il nous porte comme prêtres diocésains.

J'ai expliqué au juge d'instruction que là où il y a des Congrégations diocésaines formées, les Ordos citent ces Congrégations avec leur date d'érection par tel évêque. N'en est-il pas ainsi pour vos Chartreux ? Vos prêtres de Saint-Irénée ? Si oui, envoyez-moi un Ordo vieux ou neuf dans ce sens, cela me rendra service.

Aurez-vous besoin de moi pour la prochaine Chronique ?

Agréez mes amitiés bien dévouées.

                                L. Dehon
                                                                                 (130 II 9, année 1903, mai)

25. 05. 1903. B 19/1.1 (inv. 229. 32). Mère Marie du SC (Servantes)

Chère Mère,

Je vous remercie beaucoup pour les 100f.

L'évêque de Metz obtiendra ce qu'il a demandé, au moins pour un temps.

Je fais des voeux pour que vous soyez autorisées à rester ici, sans trop l'espérer. Laissons faire N. S., il sait toujours tirer le bien du mal (cf. Rm 12, 21). Je sais que vous priez bien pour nous.

Je n'oublie pas non plus votre chère famille religieuse.

Agréez mes dévoués hommages. L. Dehon

11. 07. 1903. B 20/8. 4 (inv. 311. 06). P. Richters

Cher ami,

Je vous parlais de revenir pour vous reposer de votre solitude de Goyanna. Le même motif n'existe plus. Restez donc provisoirement là-bas, nous verrons plus tard. En France, on ne veut plus voir de religieux ni rien qui y ressemble. J'ai trois procès sur le dos. C'est un Kulturkampf qui passera. Offrons tous nos petits sacrifices au S. Coeur. Soyez mille fois béni. L. Dehon.

15. 07. 1903. B 21/9a (inv. 471. 03). Fr. Blandin

Cher ami,

Conservez bien la grâce de N. S.. Les fleurs qui poussent sur le fumier ne sont-elles pas les plus belles? L'horreur du mal vous jettera dans les bras de N. S.

Après le 28 jours, allez un peu voir la famille puis la maison de vacances à Beckerich par Rodange vous offrira un doux abri. Grande ordination à Louvain dimanche. 10 prêtres. Je serai là. Mes juges me laissent encore un peu de loisir.

Ducamp est avec moi. J'ai une petite famille à St Quentin: Claise, Lemaire, Comte, Devillers.

Beckerich n'a encore que Duborgel, Cambron et Pietro. Nous préparons de grands départs pour les missions: 8 pour le Congo, 5 ou 6 pour le Brésil.

Nos prédicateurs d'ici (PP. Delgoff, Kanters, Paris) ont une maison à Quévy, un pèlerinage à Marie, mais il y a les difficultés des commencements. Priez pour moi et soyez saint. L. Dehon.

15. 08. 1903 (Arch. Mun. Lyon, 130 II 9, année 1903). Marius Gonin

(Une carte postale, vue panoramique de Saint-Quentin)

Je retrouve la devise d'Ozanam dont vous parle ma lettre et qui peut faire un titre, la voici : « L'avenir est devant nous… hardis nautoniers, ramons ensemble ». On peut aussi mettre seulement les derniers mots : « Hardis nautoniers, ramons ensemble ».

Votre dévoué

                               L. Dehon
                                                                                   (130 II 9, année 1903, août)

08. 08. 1903. B 21/9a (inv. 471. 04). Fr. Blandin

Cher ami,

Il restera peu de fayetains, parce que l'éducation a été mal faite à Fayet.

Mgr d'Olinda nous offre un magnifique champ d'action. Il nous donne de suite son collège épiscopal et trois grandes paroisses. Il nous demande en outre de lui préparer 4 ou 5 docteurs de Rome d'ici deux ans pour fonder une académie de théologie à Olinda.

P. Joseph est parti avec lui pour être recteur du collège. Il faut que je lui trouve encore 7 ou 8 prêtres d'ici octobre, mais il y a tant de lâches déserteurs. Gagnez M. Pradelle à cette belle mission. Je pense qu'il est toujours à Bar, il ne m'écrit pas.

Prot me laisse aussi sans nouvelles, où est-il à présent?

Après un peu de vacances chez vous, allez à Beckerich par Rodange (gare de Novelange), où vous trouverez les amis. Fin septembre vous pourrez passer me voir et voir P. Mathias.

Tout découragement vient du diable, défiez-vous en.

Je vous bénis affectueusement. L. Dehon.

20. 10. 1903. B 21/9a (inv. 471. 05). Fr. Blandin

Cher ami,

Ne faisons pas de bruit de cette faveur pontificale, puisqu'on ne peut plus parler de cong. en France.

Soyez confiant, Jésus vous consolera toujours. Parlez-lui quelquefois de moi. Encouragez bien les jeunes Issiens. Je regrette beaucoup Rayé, qu'il revienne, nous demanderons un indult. Quelle est l'adresse de Roblot? Quel dommage que ce bon Thorigny ait fait un coup de tête aussi.

Votre directeur vous juge bien: le sentiment domine chez vous. Ne prenez jamais de décision grave sans consulter. Soyez toujours confiant et ouvert avec moi. Etudiez toutes vos matières avec simplicité et sans vous tourmenter. Les années passent vite. L'an prochain vous aurez des compagnons.

M. Routhier va de nouveau essayer le noviciat?? Fr. Séraphin Hablot est heureux comme un poisson dans l'eau. Priez bien pour moi. Votre L. D.

08. 11. 1903. B 24/3d (inv. 493. 07). Abbé Herbemont (à Manage)

Je vais demain lundi à Bruxelles et j'irai probablement vous voir mardi. Votre L. D.

10. 11. 1903. (Arch. dioc. de Lille, fonds Tiberghien). Monseigneur Tiberghien

+ 10 nov. 03

Mon cher Seigneur,

Je pense que la prélature en soi ne vous apporte pas de grands avantages, mais elle est une marque de sympathie pour vous du nouveau Pontife, et à ce point de vue elle a un grand prix. Je vous offre mes meilleurs félicitations.

J'aurais une grande joie à vous revoir, mais je suis toujours un inculpé et je n'ai pas le droit de m'absenter. A peine puis-je faire une fugue jusqu'à Paris ou Bruxelles.

Après le jugement de 1ère instance, j'essaierai de courir jusqu'à Rome. Ce sera sans doute dans un mois ou deux.

Il est toujours bien entendu que je tiendrai bon jusqu'au bout, et que je ne quitterai ma maison que sous l'étreinte des gendarmes.

Nous allons avoir, je crois, un peu d'apaisment, mais que nous sommes encore bien loin de remonter ! Pauvre France !

Offrez mes respectueuses amitiés à Mgr Radini.

Imaginez-vous que le P de Maria [ ?] refuse de reconnaître les diplômes de bachelier de théologie de nos étudiants des facultés de Lille et de Paris. Il veut les faire recommencer à Rome. S'il ne cède pas, je vais en appeler au card. Satolli. Qu'en pensez-vous, vous qui êtes Lillois ?

Votre bien dévoué, L. Dehon

(inséré le 10 février 2002)

01. 12. 1903. B 35/4c. 20 (inv. 584. 20). Mère M. Joseph (Victimes)

Ma Révérende Mère,

Je ne voyage pas beaucoup depuis quelques mois. Je suis toujours ici à demi prisonnier, attendant l'issue de mon procès. Il durera encore longtemps et je ne sais pas s'il aura une issue favorable.

Je sais que le P. Barthélemy a vu à Rome Mgr de Namur. Je pense que l'affaire de votre approbation va être mise en train. Le P. Barthélemy a de l'expérience et de bonnes relations, il vous aidera.

La Bonne Providence du Coeur de Jésus veille sur vous. Je ne crois pas que vous serez jamais très nombreuses. Il faudrait cependant quelques maisons çà et là, dans les diocèses importants. Cela viendra. La semence reste longtemps en terre avant de donner une moisson.

La Belgique vous sera favorable. Vous y laisserez un essaim quand vous reviendrez dans la pauvre France. C'est principalement pour la France qu'il faut offrir vos sacrifices, elle a une si grande mission dans l'Eglise!

Je me recommande à vos prières et vous offre mes dévoués respects. L. Dehon.

08. 12. 1903. B 82/1 P. Guilhen, sj.

Cher confrère et ami,

Vous allez donc finir votre vie là-bas bien loin. Après tout la Réunion n'est pas plus loin du ciel que Cette ou Marseille. Moi, je vais me fixer à Bruxelles. En attendant je lutte ici contre toutes les juridictions pour sauver quelques bribes de la liberté de mes biens. La France n'est plus la France, elle est conquise par une horde de barbares.

Pour ce qui est de l'usure, c'est surtout un renseignement pratique que vous me demandez aujourd'hui. Il est certain que l'Eglise tolère l'intérêt. Les plus intransigeants vont palper leurs revenus avant d'écrire contre l'usure.

Mais comment fixer le taux maximum? L'Eglise ne l'a pas tenté, parce qu'il diffère suivant les pays. Dans le Nord de l'Italie et dans les villes du Levant, les catholiques et le clergé prêtent facilement jusqu'à 9%. Ils donnent pour motif que dans ces pays où la bonne foi est médiocre et la pauvreté intense, il y a periculum sortis exceptionnel.

Dans l'Amérique du Sud aussi, on prête à un taux élevé et souvent à 10%, parce que, dit-on, les capitaux trouvent là des produits faciles.

Si vous consultiez directement le S. Siège, je crois qu'on vous répondrait „qu'il faut s'en tenir au jugement des personnes timorées”.

En somme, en pratique il me semble qu'il faut absoudre les gens qui suivent la coutume locale, mais qu'il faut tendre à faire régner un crédit plus équitable par les oeuvres de crédit catholique. En Italie, en Alsace, ces Caisses de crédit ont fait descendre l'intérêt de 9 à 5 pour cent. Ces oeuvres sont en train de ruiner les Juifs d'Alsace qui ne vivaient que d'usure.

Léon XIII et Pie X ont loué et recommandé ces Caisses de crédit. C'est, je crois, ce qu'ils ont fait de plus pratique contre l'usure.

Pour la théorie, vous me dites qu'on a aussi réalisé de grandes entreprises avant le régime du crédit. Mais qu'était-ce que ces grandes entreprises, en comparaison de nos chemins de fer, usines, etc? Et puis quand elles devenaient un peu grandes, comme les banques de commerce de Gênes, de Pise, de Rome et des villes hanséatiques, elles avaient des procédés qui revenaient à peu près à notre système d'actions et d'obligations.

En attendant la fin du régime de crédit, prions bien l'un pour l'autre.

Votre bien dévoué L.Dehon

Décembre 1903 (Arch. Mun. Lyon, 130 II 9) Marius Gonin

(Lettre non datée, sans doute de décembre 1903)

Mon cher ami,

Je vous envoie quelques notes sur le congrès de Bologne [Dans OSC I, pp. 651 - 653, on trouve une « chronique » intitulée « A propos du Congrès de Bologne » qui a paru dans « La Chronique du Sud-Est » de décembre 1903]. Si vous n'avez pas mieux, elles vous serviront.

Je pense comme vous que le Guide des groupes d'études pourrait être rajeuni. Ces sortes de livres vieillissent vite. Mais je ne suis vraiment pas l'homme pour vous aider. Je suis d'abord très peu ferré en bibliographie et de plus je suis ici sans livres dans une maison dégarnie, occupé de procès qui dureront un an ou deux.

Voici quelques idées que je vous donne pour ce qu'elles valent.

Un homme qui ferait votre affaire, c'est M. Perriot, mais il se dira très occupé.

Max Turmann ferait bien aussi, mais il demandera un salaire.

M. Bifflet peut encore beaucoup.

M. Perriot donne souvent dans son Ami du Clergé une « revue des revues », vous consulteriez cela avec fruit.

Comme apologétique, un des meilleurs volumes modernes est celui de Labeyrie, « Science de la foi », chez le curé de Montligeon (Orne)

La collection « Science de la foi » de Bloud et Barral - la collection d'économie sociale de Lecoffre - et les Conférences de la Bonne Presse (rue Bayard) sont des sources abondantes.

Vous trouverez aussi quelques renseignements dans le petit livre « Régime actuel des clercs à la sortie du Séminaire », chez Lecoffre. Il y a une assez bonne bibliographie, mais il n'indique pas les éditeurs.

Il y a beaucoup de bonnes choses dans Leroy-Beaulieu, qui s'amende progressivement dans le sens démocratique.

Les librairies Plon et Perrin ont aussi d'excellentes nouveautés.

Voilà des notes de peu de valeur.

Excusez-moi et croyez-moi votre bien dévoué.

                L. Dehon
                                                                                  (130 II 9, année 1903, en fin de classeur)

Décembre 1903 (Arch. Mun. Lyon, 130 II 9). Marius Gonin

(Lettre non datée, sans doute de fin décembre 1903)

Cher ami,

Bonne année.

Bon succès dans vos œuvres du Sud-Est.

Vous n'aurez sans doute pas besoin de moi en janvier.

Vous aurez un article de notre excellent chef, de M. Berne, et le Syllabus social de Pie X.

On va rééditer mon Manuel social, donnez-moi des idées. Quelles corrections faire ? Par exemple, à la Bibliographie générale Page X, ajouter la Chronique du Sud-Est, et quoi encore ?

Agréez tous mes vœux.

Votre bien dévoué.

                                 L. Dehon
                                                                                       (130 II 9, année 1903, en fin de classeur)

Année 1903 B 83/1 (copie: B 35/4c21, inv. 584.21). Mère Marie Joseph (Victimes)

Ma Révérende Mère,

Recevez aussi mes voeux bien sincères et appuyés par la prière.

Oui, notre but est bien le même, quoique chez nous il y ait plus d'action extérieure.

Mais l'esprit de victime est si opposé à la nature, qu'on y manque souvent même après s'y être voué de bon coeur. Aidez-nous toujours par vos prières.

La vie de votre vénérée Mère se serait mieux répandue si les communautés n'étaient pas persécutées en France. Cependant, elle percera peu à peu.

Des personnes éclairées regrettent que nous n'ayons pas mis en notes ou dans un appendice les attestations que vous avez recueillies dans un cahier au sujet des faits surnaturels. On pourra peut-être plus tard en faire un petit appendice qui s'ajouterait au volume.

Priez la chère „sainte” de m'obtenir deux grâces que je désire beaucoup.

Avec mes voeux pour toute votre chère communauté, je vous offre l'expression de mon religieux respect. L. Dehon.

Année 1903. B 18/5. 3 (inv. 202. 03). P. Prévot

Cher fils,

Recevez aussi mes voeux. Travaillons bien ensemble à la formation de notre petite famille. Donnez des bases solides à la dévotion de nos jeunes gens. Pas trop de mysticisme. Les fondements doivent être établis avant le couronnemment.

Soyez simple et pratique. L'Introduction à la Vie Dévote de S. Fr. de Sales suffirait presque, en ôtant les chapitres qui regardent la vie du monde.

Qu'ils apprennent à se détacher du péché véniel et à sanctifier une action à la fois. Certains d'entre eux devraient être tenus six mois sur les premiers principes de la vie purgative, haine du péché, crainte du jugement de Dieu. Comment expliquer tant de défections? La formation du noviciat n'a donc pas été bien entendue. On a bâti de beaux palais sur le sable (cf. Mt 7, 26).

Si vous vous êtes trompé, c'est de bonne foi, je ne vous reproche rien. Faisons maintenant du solide: du catéchisme au noviciat et la vie purgative bien affermie et complétée. Apprenez aussi aux âmes à se conduire elles-mêmes par la bonne méthode de direction de S. Sulpice.

Que N. S. vous aide et vous soutienne! Je vous bénis très affectueusement. Jean du C. de J.

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