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CAHIERS FALLEUR

II

CONFERENCES ET SERMONS

7 avril 1880 - 13 juin 1880

Mercredi, 7 avril 1880

De la douceur

Son excellence, sa pratique, ses motifs.

I. - C'est un fruit du Saint-Esprit. La maîtresse de la plus violente des passions: la colère. La vertu préférée de Notre-Seigneur, la première qu'il enseigne: Discite quia mitis sum (Mt 11,29).

II. - Pour la bien pratiquer expliquons-en les degrés:

1. ne pas manifester l'émotion qu'on éprouve intérieurement;

2. résister promptement et facilement à l'émotion;

3. ne plus même être ému par ce qui peut exciter la colère;

4. s'en réjouir;

5. s'attrister de ce que l'offenseur se fait tort;

6. s'attrister de ce que Jésus est attristé par une offense.

Voilà pour les actes intérieurs.

Pour les actes extérieurs: se montrer souriant, parler doucement et gaîment, obli­ger ceux-mêmes qui nous offensent.

Une remarque: Dieu permettra souvent qu'en apparence nous soyons offensés sans que réellement il y ait offense: cela arrive dans un noviciat.

III. - Motifs généraux: un premier motif est l'intérêt de vaincre la plus forte des passions; un deuxième est de conquérir les cœurs: c'est par la douceur que les martyrs et tous les saints ont fait triompher l'Evangile.

Motifs spéciaux: 1) vertu préférée de Notre-Seigneur: mitis sum;

2) nous voulons être victimes. Mais toutes les victimes sont des agneaux. A ce sujet le Père [Jean] faisant allusion à la mort des sœurs dit qu'à la présentation Notre-Seigneur a réservé l'agneau, mais a permis l'immolation des colombes.1) 2

Du silence

- Admirable instruction que j'aurais voulu avoir mot à mot, surtout le motif spécial -

Nous, Oblats, nous devons tout particulièrement garder le silence parce que notre vie est contemplative au noviciat surtout, et dans les œuvres elle sera large­ment mélée de vie contemplative. Or la contemplation c'est la conversation inté­rieure avec Notre-Seigneur et pour l'entendre il faut le silence. Ce point est pour nous d'une certitude absolue: le silence ou s'en aller. Notre-Seigneur veut nous conduire par une Providence miraculeuse.

Une vertu bien importante c'est le silence. On exprime de même qu'on est religieux et qu'on est silencieux en disant qu'on vit dans la solitude. L'importance du silence ressort de la place considérable qu'il occupe dans les constitutions des grands religieux. (Le Père [Jean] cite quelques exemples de ce qui est prescrit). No­tre-Seigneur promet de parler à l'âme silencieuse: Ducam eam in solitudinem et ibi loquar ad cor ejus (Os 2,14).

Il y a à pratiquer le silence intérieur et le silence extérieur,qui tous deux se tiennent et ne vont pas l'un sans l'autre.

Le silence intérieur c'est la paix de l'âme, l'attention à Dieu ou l'attention u­nique à ce que prescrit au moment-même la volonté de Dieu. Sa définition montre d'elle-même son excellence, et sa pratique en ressort également. 3

Le silence extérieur comprend le silence de parole et le silence d'action. Le silence d'action consiste à éviter toute action bruyante: courir dans les escaliers, fer­mer brusquement les portes. Le silence de parole est celui à qui il est donné le plus d'attention dans toutes les règles parce que la langue est la source de nombreux péchés. On y manque quand on parle sans nécessité. Qu'y-a-t-il à faire si un con­frère vous tente? Ne pas répondre sans s'inquiéter de déplaire: Si… hominibus pla­cerem, Christi servus non essem (Ga 1,10). Répondre en très peu de mots si la né­cessité l'exige. (A ce propos le Père [Jean] rappelle la règle qui oblige tout novice à découvrir au Supérieur tout manquement extérieur, tant les siens que ceux d'au­trui. Pour la pratique de cette règle en ce qui regarde le prochain voici ce qu'il dit: dire au Père au moment de la direction: j'ai remarqué certains manquements extérieurs. Le Père juge-t-il à propos que je les lui fasse connaître? C'est agir sui­vant la charité et le contraire serait de la charité diabolique). Les motifs du silen­ce sont: 1) d'éviter les péchés; 2) d'en fuir l'occasion; 3) ….

Pour les Oblats il est nécessaire; c'est le silence ou la destruction. Notre-Sei­gneur veut nous conduire constamment par des inspirations miraculeuses. Si on ne l'écoute pas, il nous rejettera. Il veut être notre Père, notre Frère, notre Ami, no­tre Maître des novices. Mais il faut l'écouter et le suivre, et pour cela: le silence. - Voir la fin plus haut (11,2): [Admirable instruction que j'aurais voulu avoir mot à mot, surtout le motif spécial.] 4

Il y a certains enseignements que l'Eglise propose dans le cours de l'année li­turgique que nous ne pouvons laisser passer et du reste il est bon d'avoir quelques jours pour méditer la vertu dont il a été parlé. Aujourd'hui tout spécialement les enseignements de l'Eglise sont à méditer pour nous. Jésus se donne la qualité de bon pasteur et il ajoute aussitôt que ce qui fait la bonté de ce pasteur, ce qui le caractérise, c'est qu'il donne sa vie pour ses brebis, c'est qu'il est pasteur victime. Jésus aime ce titre.

Les figures qu'il a réalisées s'y rapportent. Abel le premier juste a été pasteur. David, Abraham, Isaac, Jacob, Joseph, Moïse et Aaron étaient des pasteurs. Tous ces pasteurs ont été victime par l'immolation.

Il y a deux sortes d'immolation: l'immolation violente et l'immolation douce de chaque jour, la vie d'immolation.

Abel a versé son sang, il élevait des agneaux pour le Seigneur: il choisissait les plus beaux, les soignait plus particulièrement, les aimait plus, de façon à sacri­fier son cœur en sacrifiant ces agneaux préférés. Abraham aussi a été victime, vic­time du cœur en se résignant au sacrifice d'Isaac. Jacob aussi, souffrant le sacrifi­ce de ses deux enfants, Joseph et Benjamin. Ces pasteurs ont été victimes et Jésus dont ils étaient la figure l'a été plus que tous. Mais il a été lui aussi pasteur de victimes. 5

Ces victimes ce sont les martyrs des premiers siècles, puis les grands moines, puis les confesseurs, les âmes surtout qui ont fait et font le vœu de victime. Pour celles-là surtout Jésus se dit le bon pasteur et les invite à le suivre, à donner com­me lui leur vie, à être victimes.

C'est là,notre vocation: Jésus s'est choisi un bercail dans le bercail; il a choi­si des âmes pour les engraisser, les embellir et les sacrifier ensuite à son Père,com­me les pasteurs de l'ancienne loi nourrissaient spécialement quelques agneaux pré­férés pour les sacrifier. Notre vie est l'immolation et elle se terminera toujours par l'immolation. Le terme apparent pourra être une maladie, mais la cause réelle sera un sacrifice de Jésus s'immolant lui-même dans sa brebis préférée. Quelques-uns certainement sont appelés à verser leur sang, mais ordinairement ce sera une mort ordinaire qui finira la vie.

Les pasteurs choisissaient des agneaux caressants, aimants, qui mangeaient bien, blancs, bien faits et ils délaissaient ceux qui ne répondaient pas à leurs soins. Ef­forçons-nous d'être ainsi [aussi?] pour le bon pasteur des agneaux aimants, con­fiants, caressants. Laissons-nous engraisser de sa doctrine et de la sainte commu­nion. Craignons surtout de ne pas répondre à ses soins, car nous serions rejetés in­failliblement et nous disparaîtrions dans l'épreuve. 6

De la pauvreté

I. Importance

Elle est l'objet d'un des trois grands vœux et la première des béatitudes, elle mène à la perfection: Vade, vende quae… (Mt 19,21).

II. Pratique

Il y a mille manières de la pratiquer intérieurement par pensées, désirs, senti­ments. On la pratique extérieurement en saisissant les occasions qui se présentent d'être privé soit de luxe dans les vêtements, de confortable dans le vivre et les ob­jets, se contentant de la plus mauvaise cellule, du plus mauvais morceau, souffrant le froid et toute sorte d'incommodité qui peut avoir la pauvreté pour cause.

III. Motifs

a) généraux: C'est un préservatif d'une des trois grandes concupiscences; voilà le grand motif: la concupiscence des yeux. Le religieux se préserve et se guérit du grand mal qui damne tant d'hommes. A ce motif d'intérêt s'en joint un de conso­lation. Dieu ne laisse pas manquer ceux qui se confient ainsi en lui. Jésus-Christ, la Sainte Vierge ont aimé passionnément la pauvreté: Propter nos egenus (2 Co 8, 9). Tous les saints ont chéri la pauvreté, donc c'est une grande vertu, donc c'est un grand moyen de sanctification pour nous.

b) Spéciaux: Réparer toutes les attaches des religieux aux biens terrestres, attaches qui contristent tant Notre-Seigneur. 7 Il arrive ce phénomène qu'après avoir quelquefois quitté beaucoup, on s'attache extrêmement aux riens que la règle met a no­tre disposition. Les objets qui servent à l'homme ont cette qualité d'attirer son goût, d'être gluants pour ainsi dire et nuisibles au détachement.

Le Père [Jean] recommande en général les actes intérieurs de vertu parce qu'en définitive les vertus doivent être intérieures. 8

Amour de Jésus

Nous prenons souvent la résolution d'être fidèle à l'esprit de notre vocation. Pour affermir cette résolution, laissons aujourd'hui le cours ordinaire des conféren­ces et entretenons-nous de l'amour de Jésus.

La mort de notre sœur nous fournit d'ailleurs une occasion d'en parler, car cet amour était un des traits saillants de sa vie. Elle l'avait presque toujours sensi­blement, et il a été constaté qu'elle était morte d'amour. Phtisie pulmonaire et af­fection de cœur, a dit le médecin dans le procès-verbal de son décès. Elle ne fai­sait plus, dans ses derniers jours, que des actes d'amour: Jésus je vous aime, les réitérant de mille façons. Puissions-nous aussi mourir ainsi d'amour pour Jésus.2) L'apôtre qui a le mieux parlé de cet amour c'est St Paul. Son cœur ardent s'en exprime tout particulièrement dans l'épître aux Romains où il rappelle les motifs d'amour et proteste de son attachement inébranlable et indéfectible pour Jésus: quos praescivit… (Rm 8,29).

A ces motifs ajoutons tout ce que la Providence a fait pour nous depuis le baptême jusqu'à notre vocation d'Oblat, et dans cette Œuvre, les merveilles si grandes que Jésus a faits, 9 et disons avec lui: Quis me separabit a charitate Dei (Rm 8,35). Ce ne sera ni les anges qui n'ont de pouvoir que sur le corps et l'ima­gination, ni les hommes qui n'en ont que sur le corps, ni la faim, ni la persécu­tion. En prison on ne saurait m'empêcher de faire des actes d'amour. Rien ne peut m'empêcher de faire des actes d'amour. Multiplions-les donc tout le long du jour et avant tous les autres actes. Les actes de réparation viennent ensuite et ils se tiennent. Aimons Jésus qui nous a tant aimés.3) /

Les victimes volontaires

Pour la quatrième fois, depuis quelques mois seulement, les servantes du Cœur de Jésus, cette communauté franciscaine si pieuse et aujourd'hui si populaire à St-Quentin, conduisaient jeudi (15.4.1880) à sa dernière demeure la dépouille mortelle d'une de leurs sœurs. Nous sui­vions ce convoi,nous allions dire cette marche triomphale, et sur le parcours nous recueillimes di­verses appréciations. Toutes étaient sympathiques; quelques-unes étaient, de plus, inquiètes.

On s'étonnait des coups répétés que la mort frappe au milieu de ce couvent du faubourg Saint-Martin, si bien situé cependant; on donnait à ces décès multipliés différentes sortes d'expli­cations.

Il n'y en a qu'une seule véritablement exacte. Les humbles servantes du Sacré-Cœur sont des victimes volontaires; elles offrent leurs prières, leurs travaux, leurs souffrances et, par dessus, tout leur vie pour la gloire de Dieu, la persévérance des Justes et la Conversion des pécheurs.

Dieu prend au sérieux cette immolation quotidienne; et les pauvres franciscaines deviennent ainsi les bienfaitrices de l'Eglise et spécialement de cette cité. A ce titre, en échange des services que nous rend cette réparation incessante et des maux qu'elle détourne de nous, nous devons à ces ferventes religieuses l'hommage de notre reconnaissance et l'expression de notre vénération. Nous les leur offrons au nom de tous ceux de nos amis qui apprécient, comme nous, leur mis­sion surnaturelle et ses conséquences tutélaires.( Conservateur de l'Aisne, avril 1880).

Chassez-les par la porte, ils rentrent par la fenêtre! C'est des jésuites qu'il s'agit.

On sait qu'à la veille de l'exécution des décrets du 29 Mars, les cinq jésuites qui résidaient officiellement à Liesse ont rompu leur communauté. Nous avions donc lieu de penser que le dé­partement était définitivement débarrassé des fils de Loyola. Si nous en croyons divers bruits qui circulent 'dans le public avec une grande persistance, il n'en serait rien.

Une congrégation de dames qui réside dans l'arrondissement de Laon et que régit parait-il, la règle de saint François, aurait charitablement donné asile à une douzaine de bons pères, qui, cachés à l'ombre des tomettes de ces dames, braveraient en toute sécurité les foudres gouverne­mentales.

Nous avons entendu raconter cette aventure par diverses personnes absolument dignes de foi; aussi croyons-nous que l'autorité compétente ferait bien de prendre des mesures afin de vé­rifier l'exactitude de ces bruits. Une petite battue dans les catacombes confortables que les bons pères se seraient, dit-on, constituées à quelques lieues d'ici, édifierait promptement l'autorité sur le degré de respect que les jésuites professent pour les lois existantes.

Exhortation à la générosité dans notre vocation sur l’esprit de notre vocation

10 Comme il en manque quelques-uns, au lieu de continuer le cours ordinaire, arrêtons-nous un peu à méditer l'esprit de notre vocation. Aussi bien n'est-ce pas tout pour nous, et si nous n'y manquons pas, tout ne sera-t-il pas parfait? Nous sommes des vases d'or dans la maison de Dieu. Il y a des vases de toute valeur, des vases d'argile et parmi ceux-ci des vases communs et des vases d'ignominies.

Nous sommes les vases du sacrifice, des calices, les serviteurs préférés du prin­ce, ses aides de camp à la guerre de l'immolation, car la guerre qu'il combat c'est la guerre du renoncement et du sacrifice. C'est en se faisant souffrir lui-même. Nous ne sommes pas ses chambellans, ses ministres, mais les ministres et les offi­ciers qui l'accompagnent à la guerre.

Les motifs que nous avons de nous montrer ses fidèles sont l'amour et la ré­paration: notre but. L'amour nous le devons à cause du baptême, des grâces de tout genre et surtout des grâces que nous vaut notre vocation, grâces sans pareilles de­puis le commencement de l'Eglise. La réparation de nos fautes et celles du peuple choisi n'est-elle pas aussi bien pressante? Jésus l'attend pour pouvoir déverser ses grâces les plus immenses, grâces inouies sur son peuple choisi, puis sur le monde. 11

Voulons-nous l'œuvre du Cœur de Jésus, cette Œuvre? Oui, puisque nous y sommes venus. Eh bien, pour l'accomplir soyons généreux. Estimons perdu le jour où nous n'aurons eu aucune croix à offrir à Jésus. Pas de crainte devant la croix elle est douce, jugum suave, et Jésus en porte la plus grande part. Si nous la refu­sons elle viendra quand-même et sera lourde, amère, infructueuse. Si nous l'accep­tons elle sera légère, douce et abondante en grâces pour nous, pour les âmes et [pour] le monde. Sachons en profiter généreusement.

A ces croix imprévues joignons l'immolation douce et constante de Jésus à Nazareth, offrant toutes nos actions en esprit d'amour et de réparation; l'immola­tion du corps dans les petites mortifications du réfectoire, celle de l'esprit par l'at­tention surtout aux prières, celle du cœur par le détachement de tout ce qui n'est pas Jésus. 12

Autre exhortation sur la nécessité et la manière de correspondre à notre vocation.

Notre vocation est de vivre avec Jésus d'une vie intime et cachée, d'une vie intérieure. D'autres ont des missions plus éclatantes, plus extérieures. Pour nous notre vie est là. Nous devons y être fidèles. Surtout n'allons pas, par une fausse humilité, comme le démon en excite dans les mauvais moments, les moments de tentation, nous estimer indignes de cette vocation et la repousser pour ce motif.

Est-ce que Notre-Seigneur ne choisit pas les plus faibles instruments pour mieux montrer sa propre action? Et les Apôtres étaient-ils dignes? Ne pouvaient­-ils pas dire: nous sommes indignes, cherchez ailleurs? Ils avaient donc raison alors de fuir pendant la Passion? Et St Jean a-t-il été un pharisien lui qui ne s'est pas cru indigne de suivre Notre-Seigneur au Calvaire pour consoler son Cœur? Jésus souf­frant et blessé d'une plaie bien sensible en laisse passer d'autres sur le chemin bien plus dignes que nous. Il nous arrête et nous dit: vous, soulagez-moi, consolez-moi. Répondrons-nous par humilité: Seigneur, je ne puis, cherchez-en d'autres, je ne suis pas digne?

Parce que nous tombons souvent encore, faut-il s'en 13 décourager? Nullement si nous savons nous relever aussitôt et montrer une fidélité sinon constante, au moins constamment renouvelée. La chute est vite oubliée de Notre-Seigneur, quand on se relève toujours courageusement.

Et le comment de notre vocation c'est de le laisser faire, accepter ce qui arri­ve et n'avoir qu'une pensée fixe dominante au milieu même de nos œuvres. Jésus suppléera à ce que cette idée fixe pourrait nous faire négliger dans ces œuvres. U­ne idée dominante le unum necessarium pour nous; cette idée dominante c'est de penser aux souffrances que fait endurer à Notre-Seigneur son peuple choisi, à cha­cun des exercices qui nous sont communs avec le peuple choisi. Au lever par exem­ple, Jésus le commande à plusieurs milliers; comment est-il obéi? Montrons-nous un empressement qui le console de la lâcheté qu'il trouve ailleurs. A chaque, instant il y a 5000 prêtres à l'autel. Comment traitent-ils Jésus? Il n'est pas téméraire de supposer des Judas, des St Pierre chez Caïphe. N'y a-t-il pas toujours eu de l'ivraie dans le bon grain? Et la communion, le st Office, le travail, les repas? Penser à chacun de ces exercices à réparer ce qui offense Notre-Seigneur dans le même exer­cice fait pas les âmes consacrées et avoir en outre une pensée spéciale pour les ou­trages qu'il peut recevoir à ce moment-là dans les messes qui se disent à ce mo­ment-là, car c'est là que l'outrage lui est plus direct et plus sensible.

Notre vocation est certaine, elle est encouragée par la voie hiérarchique et par la voie surnaturelle et mystique qui nous en fournit des milliers de preuves. 14

De la patience

Cette vertu qui a des points communs avec la douceur en est cependant diffé­rente. La patience réprime la tristesse, passion de l'appétit concupiscible, qui est comme un affaissement de nous-mêmes. La douceur réprime la colère, passion de l'appétit irascible, qui est un emportement, une exaltation de nous-mêmes.

I. St Paul nous en montre l'excellence en la désignant comme le premier fleuron de la charité: Charitas patiens est (1 Co 13,4).

II. Pratique. Les actes intérieurs se font par la prévision des maux qui peuvent se présenter à souffrir, maux du corps, de l'esprit ou de l'âme;et s'exciter au courage et au désir de souffrir ces maux. Les actes extérieurs sont l'acceptation simple ou joyeuse de ces mêmes maux.

III. Motifs. Toute croix portée par nous est autant de moins au poids de la croix de Jésus. Pendant sa Passion il a prévu tous les refus de croix qui seraient faits, et il a pris et porté les croix refusées, de sorte qu'en acceptant notre croix nous sommes assurés d'avoir allégé les souffrances de Jésus en allégeant le poids de sa croix; comme au contraire de les avoir augmentées en augmentant le poids par nos refus. Ce motif est le plus noble, le plus digne de nous, Oblats. 15

Un motif d'intérêt c'est que la souffrance nous rendant conforme à Jésus- Christ, au jour du jugement plus la patience nous aura rendu conforme à Jésus­-Christ plus le juge nous sera favorable. Ce motif peut s'ennoblir par la pensée de la gloire qu'aura Jésus par cette ressemblance plus grande.

C'est surtout l'exemple qui nous engage à la patience. Nonne… oportuit pati Christum! (Le 24,26). Jésus-Christ a été patient. Ç'a été sa vocation. Passus est pro nobis (1 Pt 2,21), et nous, notre vocation c'est la sienne. Notre vocation c'est la patience. C'est le martyre du cœur comme St Jean et les saintes femmes. Rare­ment ce sera le Calvaire, ordinairement ce sera la passion et la patience de Naza­reth, l'immolation de chaque jour.

Un autre exemple c'est celui de tous les saints. On peut dire en un certain sens que tous ceux qui sont au ciel sont des martyrs. Hi sunt qui venerunt ex ma­gna tribulatione (Ap 7,14). Tous ont été patients et martyrs au moins de cœur: les vierges par leur constance, les confesseurs par leur zèle.

Notre vocation c'est la patience. Elle peut se résumer en ces deux mots: Cha­ritas patiens est ou en ceux-ci de Sainte Thérèse: aimer et souffrir, souffrir pour montrer notre amour, 16 souffrir pour réparer, souffrir parce que Jésus souffre,non 16 plus parce que nous avons des peines personnelles, il faut les oublier puisque nous ne devons plus penser qu'à la plaie sensible de Jésus, souffrir parce qu'il est offen­sé et que nous en sommes blessés au cœur, parce que son Cœur est notre cœur puisqu'il est notre trésor, souffrir pour montrer notre amour.

[Notre vie de réparation]

Il est bon de laisser à notre [disposition] quelques jours pour méditer la ver­tu de patience. Aujourd'hui parlons de notre vie de réparation et méditons-en quel­ques points.

Il y a une chose extrêmement consolante et redoutable, c'est que Notre-Sei­gneur exige de nous la perfection. Il l'a dit souvent par les lumières surnaturelles qu'il nous donne: perfection ou destruction. La raison-même nous en montre la justesse. Quel est notre but? Réparer. Mais ce qu'on offre en réparation ne doit-­il pas être de nature à compenser complètement l'offense, et la chose offerte dans ce but peut-elle avoir les mêmes défauts que la chose qui a causé l'offense? 17

Voyez chez les grands de la terre: offre-t-on à leurs regards un bouquet fané, flétri? ou même un bouquet beau d'ailleurs, mais renfermant au milieu une fleur puante? On rejetterait le bouquet entier. Ainsi de nous: ce bouquet se compose des œuvres de chaque journée, de toute la communauté, ou encore d'un seul mem­bre, ou, si vous le voulez, d'une seule action, d'un seul membre; car dans cette ac­tion on peut considérer les divers sentiments que l'on a en la faisant et les réunir comme les fleurs d'un bouquet. Eh bien, Jésus rejettera tout bouquet renfermant une [seule] fleur puante ou même inodore.

De même si l'on voyait dans la garde d'un roi des hommes mal habillés, se tenant mal, on dirait que ce roi n'est pas respecté et est indignement traité; de même de Jésus si nous ne sommes parfaits, car nous sommes ses gardes du corps. Une communauté réparatrice doit être un corps d'élite.

Notre mission spéciale de représenter le Cœur de Jésus nous indique aussi qu'étant la plus parfaite des vocations, elle demande la vie la plus parfaite. 18

Cette sublime vocation d'être parfait est extrêmement consolante, car nous pouvons être assurés que Jésus prendra les moyens pour arriver à cette fin, et puis­qu'il nous veut parfaits, il accordera des grâces en conséquence.

Mais il ne faut pas se décourager devant la grandeur du but. En ce moment, du reste, et jusqu'au complet établissement de son œuvre, Jésus tolérera encore beaucoup. Nous ne sommes que des novices et il sait notre misère Cognovit fie mentum meum (Ps 102,14). Il nous souffrira jusqu'à la confirmation de l'Œuvre. Là alors nous recevrons des grâces toutes spéciales qui nous affermiront dans no­tre vocation et nous montreront mieux nos devoirs. Jusque là il veut bien encore patienter.

Ce qu'il déteste surtout: la fleur puante du bouquet. C'est moins la chute pas­sagère qu'il tolérera toujours si on sait s'en relever vite, que l'habitude, l'attache qui dure. Oh! cela il le poursuivra impitoyablement, il secouera les âmes et les a­gitera jusqu'à ce qu'elles quittent leur attache; et si elles refusent, il les rejettera et l'Œuvre-même avec eux, si les supérieurs en étaient complices dans une certai­ne mesure. Aucune attache aux biens extérieurs, surtout pas au jugement ou à la volonté propre. 19

La magnanimité

Après la patience qui développe la force de résistance, méditons la magnani­mité qui est la volonté de faire les choses grandement. Agir généreusement, voilà la magnanimité. Son excellence ressort de sa définition.

Les actes intérieurs peuvent s'étendre à toutes les autres vertus. Je vois la pé­nitence de Ste Madeleine, je désire l'être aussi grandement qu'elle. Ainsi de toute autre vertu.

Les actes extérieurs, ils sont nombreux: faire tout grandement, l'accomplisse­ment de la règle grandement, la modestie grandement, la mortification grandement, être le premier à la demander. Formulons le désir, puis nous soumettre grandement. Ce n'est pas l'orgueil qui s'attribue l'honneur dû à Dieu. La magnanimité a pour but direct d'attendre le bien de toutes ses forces naturelles et surnaturelles. Elle est donc légitime! Elle est même commandée: Estote perfetti sicut Pater vester cœlestis… (Mt 5,48); Exemplum dedi vobis.. (Jo 13,15).

Faire grandement comme les saints, généreusement. Les saints avaient coutu­me de s'exciter à la magnanimité par la vue des vertus pratiquées autour d'eux. Ce-lui-là est modeste, exact, je veux l'être aussi grandement. 20

Ce qui est plus spécial pour nous c'est la magnanimité dans le sacrifice et l'amour. Jésus veut des cœurs généreux. Rien n'est petit dans le sacrifice. Immolons­-nous généreusement. Que dirait-on des gardes spéciaux du roi qui refuseraient de le servir généreusement et qui le traiteraient sans respect? Ne lui refusons rien, agran­dissons nos cœurs, ils ne seront jamais trop grands pour lui.

Ouverture du mois de Marie

Il y a une pensée qui nous vient tout spécialement à nous Oblats, en entrant dans ce mois: c'est qu'il est une préparation au plus grand mois de l'année pour nous.

Cette année surtout nous le saluons plus particulièrement parce que la Provi­dence nous ménage des épreuves qui seront des grâces, pendant le mois du Sacré­-Cœur et le mois de Marie sera précisément une préparation à ces grâces. Cette bonne Mère nous y disposera nous montrant que c'est par Marie qu'on va à Jésus: du Cœur de Marie au Cœur de Jésus.4)

Que veut-elle plus spécialement de nous durant ce mois? Des fleurs, des chants, des louanges? Ce sont des cœurs 21 qu'elle demande avant tout et ces cœurs elle veut y voir la pureté, pureté dans les petites choses, pureté de cœur, pureté d'in­tention, l'amour de Jésus et surtout l'esprit d'immolation, de réparation. Comme elle l'a eu durant sa vie, voilà les trois choses que Marie demande de nous pendant ce beau mois.

Sur le Cœur de Marie

I. Convenance d'en parler aujourd'hui: 3 raisons:

II. Sa tendresse pour nous. Son Cœur n'est pas assez connu. On est comme é­bloui par son éclat, sa grandeur et on n'ose s'approcher pour le considérer. Cepen­dant elle a bien un cœur de chair, Cor carneum (Ez 36,26), un cœur qui aime comme les autres cœurs. Le plus grand châtiment c'est d'avoir un cœur de pierre; la plus grande grâce d'avoir un cœur ardent. Marie est la plus ornée en grâces. El­le est la Mère de miséricorde, Mater misericordiae. 22 C'est dire qu'elle a un cœur compatissant pour les misérables. Imaginez tout ce que vous voudrez de plus ten­dre, de plus délicat; en fait de cœur Marie dépasse tout.

Voyez une sœur, une épouse, une mère. Les battements du cœur d'une sœur pour un frère aimé, sa vie entière se règle sur les circonstances que rencontre(? ) ce frère.

Une mère est prête à tout pour son enfant. L'enfant vit dans le cœur de la mère. Or l'amour de Marie est bien plus grand que celui d'une mère naturelle. Elle nous a enfantés dans la douleur au pied de la croix et son amour est proportion­né aux souffrances que nous lui avons coûtées. 23

L’Ascension

Tirons notre sujet de la fête du jour.

St Marc rapporte seul une circonstance bien frappante de l'Ascension. Il sem­ble que Jésus eut voulu laisser,en partant,à ceux qu'il avait aimés jusqu'à la fin u­ne parole d'affection et leur exprimer l'amour de son Cœur, et cependant il n'en fut pas ainsi: Exprobravit incrudelitatem illorum et duritiam tordis (Mc 16,14).

Si Notre-Seigneur se montrait ici en personne, il nous ferait certainement le même reproche. Nous aussi nous manquons de foi. Cependant n'a-t-il pas donné des preuves de notre Œuvre, de notre vocation particulière: il les a multipliés les témoignages miraculeux et extraordinaires, et cependant nous ne croyons pas ou plutôt nous agissons comme si nous ne pensions pas à la divinité de cette Œuvre. Modicae fidei, quare dubitastis (Mt 14,31) Quare tristis es anima mea et… contur­bas me (Ps 41,6). Disons donc aussi: Adauge nobis fidem (Lc 17,5).

Mais ce sont surtout des cœurs que Jésus veut et le nôtre est dur: duritiam tordis. Qui parmi nous l'aime véritablement? Qui parmi nous remplit bien sa mis­sion de victime depuis le matin jusqu'au soir?

Qui ne sait 24 refuser, qui sait renoncer à sa volonté, sa liberté? Lui nous a donné son Cœur. A d'autres il donne la puissance de la parole ou des œuvres, à nous l'effusion de son amour. En retour il réclame notre cœur: Praebe, fili mi, cor tuum (Pr 23,26).

La fête du martyre de St Jean a été l'occasion de quelques mots de circons­tance adressés au Père[Jean] au nom de la communauté par son premier membre, le Père Alphonse, qui a terminé en souhaitant qu'on sortit de l'épreuve puriores et velociores.5)

Le Père [Jean] a garanti une heureuse issue si l'on avait de la foi, une grande foi dans l'avenir de l'Œuvre, disant que les apôtres avaient les grâces suffisantes pour être tous des St Jean. Soyons tous des St Jean. Soyons tous des St Jean ou au moins des Ste Madeleine. Si nous savons nous donner enfin aujourd'hui tout en­tiers sans rien réserver, Dieu nous donnera les grâces qui peuvent faire des héros au temps de l'épreuve; et on peut le dire, ce temps est proche; Jésus va venir nous le dire: levez-vous et venez, l'heure est arrivée. 25

Deux vêtures et 1 postulat6

26 Tous les vendredis principalement ces paroles viennent frapper notre cœur: Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes et qui ne reçoit de la plupart que de la froideur et de l'indifférence. Aujourd'hui, premier vendredi du mois de Marie, n'est-ce pas la sainte Vierge elle-même qui nous répète ces paroles en nous mon­trant son Jésus soit à Nazareth où il nous a aimés en souffrant pour nous les tra­vaux, les veilles, soit surtout au Calvaire où elle est là au pied de la croix: voilà ce Cœur percé pour vous et il ne trouve en vous que de la froideur et de l'ingra­titude.

C'est bien là la plainte que cette bonne Mère a sujet de nous faire; elle n'est que trop fondée. Cependant pas de découragement, mais de l'humilité,non pas l'hu­milité de Judas, mais l'humilité de Madeleine et de Pierre. 27

Dimanche, 9 mai 1880

Exhortation sur les Evangiles du jour

Une raison d'opportunité de cette exhortation c'est que cet Evangile rapporte les paroles de Jésus allant du Cénacle à Gethsémani: notre œuvre elle aussi en est à cette période entre le Cénacle et Gethsémani.

Retenez trois choses:

1° l'union intime avec Jésus: ego sum vitis vera, vos palmites, qui manet in me et ego in eo, hic fert fructum multum; manete in dilectione (Jn 15,1.5.9).

2° Aimez non seulement Jésus mais les âmes de vos frères. Exhortation à la chari­té. Aimez-les jusqu'à donner votre vie. Vous devez toujours être dans cette disposi­tion de donner votre sang en immolation.

3° Préparez-vous à l'épreuve, hâtons-la par nos désirs ce moment béni du Consum­matum est. Jésus nous dit: quaecumque audivi a Patre meo nota feci vobis. Je vous ai tout dit surnaturellement.. mementote sermonis mei quem ego dixi vobis.. haec locutus sum vobis ut quum venerit hora eorum reminiscamini quia ego dixi vobis… et vos testimonium perhibebitis quia ab initio mecum estis (Jn 15,15.20-16,4).

Oui, nous les premiers nous sommes appelés à former la foule qui suivra. Pé­nétrons-nous dès maintenant de l'esprit de notre vocation. Ego elegi vos de mundo. Le monde vous hait et tout ce qui est du monde fut-ce dans le peuple choisi. At­tendons-nous à la haine. 28

Sur la persévérance

Une des vertus morales dont l'ensemble constitue la vertu cardinale de force, une qui est comme le mur d'enceinte et protège toutes les autres c'est la persévé­rance.

C'est la disposition habituelle de la volonté prête à persévérer. Les actes inté­rieurs peuvent s'exercer de diverses façons suivant que l'on considère les circonstan­ces où on pourrait être exposé à ne point persévérer et ceci nous amène à distin­guer la persévérance de la constance qui en est une variante. Elle est la persévéran­ce devant les obstacles qu'elle surmonte. Exerçons-nous beaucoup, dans le temps présent, à la constance et à la persévérance. On est beaucoup plus fort devant l'obstacle. On se dit: je ne m'en étonne pas, j'avais prévu ceci.

Un premier motif c'est l'intérêt: propter retributionem. Fallût-il persévérer mil­le ans, je suis prêt (qu'est-ce que cela? ), fallût-il donner un membre, ma vie, je per­sévérerai, car je retrouverai tout à la résurrection: Qui perseveraverit in finem, salva­bitur (cf. Mt 10,22).

Un deuxième motif c'est l'exemple de Notre-Seigneur qui a persévéré par un sentiment d'amour et de réparation pour la divinité et ceci est: tout spécialement pour nous. 29

Un troisième motif c'est la parole de Jésus qui nous dirait: Et vos vultisne dimittere me? Répondons: Ad quem ibimus? Verba vitae aeternae habes (cf. Jn 6, 68-69). Notre vocation est là: la volonté de Dieu nous est connue: c'est notre sanc­tification par une vie d'amour et de réparation. Il faut la suivre courageusement.

Un quatrième motif c'est l'exemple de ce qui se pratique dans le monde. J'en connais qui après 4 faillites sont parvenus non seulement à payer les dettes de la première faillite et les autres, mais à se mettre en possession d'une fortune consi­dérable. Faisons de même, ne nous décourageons pas. Ce sera une tentation fréquen­te des Oblats de se dire: je suis venu pour réparer et j'ajoute sans cesse aux dettes que je veux éteindre. Relevons-nous toujours; ce sera comme le rocher de Sisyphe qui retombe sans cesse. Peut-être parviendrons-nous à le monter et à en monter en­core d'autres, car nous avons pour payer nos dettes les trésors de Jésus-Christ et des [saints].

Enfin un motif en repoussoir, c'est que celui qui est entré et qui ne persévère pas, conserve quelque chose de Cain dans le cœur et quelquefois sur le visage. 30

Le Cœur de Jésus est véritablement notre fondateur et notre supérieur. Il faut laisser quelque temps pour mûrir notre résolution de persévérer. Parlons aujourd'hui d'une chose bien importante.

Le Cœur de Jésus est…

1° - notre fondateur. Il l'est théologiquement. En effet la rédemption émane du Cœur de Jésus, donc aussi la réparation qui en est la continuation. Le Cœur de Jésus est l'organe le plus affecté de ses sentiments d'amour et de réparation et le signe le plus sensible de la rédemption. La théologie du Cœur de Jésus a été étu­diée plus à fond et c'est de cette source qu'émane la réparation. Il est le centre de la réparation.

Il l'est de fait: Depuis Ste Gertrude et la Bienheureuse Marguerite-Marie jus­qu'aux révélations qui nous concernent, c'est le Cœur de Jésus qui demande la ré­paration, qui la suscite sous toutes les formes.

2° - Notre supérieur. Lui seul a tout fait, il fait tout encore et il fera tout. Lui seul veut être la direction, la règle, la vie. C'est lui qui nous a éclairés tous, illumi­nés, conduits ici par différentes voies et c'est lui qui veut les circonstances provi­dentielles 31 qui empêchent son représentant d'être tout entier à l'œuvre. Il veut ainsi prouver que Lui a tout fait, qu'il n'y a rien de l'œuvre des hommes dans son œuvre.

Le Cœur de Jésus est notre supérieur.

Appliquons cette pensée dans la pratique et en détail. Allons à Lui comme on va au supérieur dans les maisons régulièrement organisées. Quand nous ne pou­vons user du canal dont il se sert pour nous communiquer sa volonté, allons à la source: l'eau est plus pure encore qu'au canal. Sommes-nous tombés, allons faire notre coulpe devant son Cœur. S'agit-il de sortir ou de rentrer, allons l'en infor­mer en sortant ou en rentrant; en demandant une bénédiction. Au réfectoire, à l'of­fice, voyons-le donnant lui-même la bénédiction. Il nous donnera de grandes grâces si nous savons le regarder comme le supérieur véritable.

C'est un motif de confiance inébranlable dans les tentations, les doutes, les chutes: recourons à Lui, il répondra. Au moment de l'épreuve, le représentant se­ra-t-il présent, sera-t-il fidèle? Peu importe, le Cœur de Jésus est là, recourons à Lui. Qu'on ne se plaigne donc plus de manque de direction. Ce serait une parole ingrate.6)

(Tableau synoptique de la conférence précédente)

I. Ce qu’est le Cœur de Jésus pour les œuvres de réparation;en particulier la no­tre

Fondateur:

- nécessairement: la réparation est la continuation, l'extension, l'application de la rédemption. Or le Cœur de Jésus est le centre d'opération, le foyer, la source des grâces de la rédemption. Centre d'opération, centre de distribution, Donc il est l'au­teur de toute réparation;

- positivement: Notre-Seigneur a manifesté son Cœur à Ste Gertrude, à Paray-le­Monial et ailleurs, comme demandant la réparation;

- spécialement pour nous: Lui seul a inspiré l'œuvre ici par une providence surnatu­relle, et permanente et perpétuelle.

Directeur, il doit l'être, il l'est, il le sera; comment, pourquoi:

- logiquement: Lui seul l'ayant inspirée, lui seul peut et saura diriger son œuvre;

- positivement: il veut qu'on recourre à lui en tout et toujours pour montrer qu'il est le tout de l'œuvre, qu'elle est sienne;

- effectivement: Il l'a été, l'est, le sera dans tous les besoins, tentations, épreuves;

- éminemment: L'efficacité de la direction est dans la grâce. Les hommes sont les canaux. Nous la puisons à la source même, son Cœur.

Supérieur:

- nécessité pratique de recourir au supérieur;

- impossibilité de fait - parfois insuffisance;

- disposition permise et voulue de Dieu;

- son Cœur veut suppléer à tout et remplir les devoirs d'un supérieur pour nous.

II. Ce que nous devons être pour le Cœur de Jésus, ce qu’il demande de nous

comme fondateur il demande des:

- actes: de nous remplir de son esprit, de nous unir à lui en tout et partout, de ne pas nous arrêter aux personnes, aux choses, aux difficultés, aux épreuves, mais à Lui:

- sentiments, dispositions: Cor Jesu et omnia - le Cœur de Jésus est tout pour nous;

comme directeur il demande:

- actes à la chapelle ou en soi-même: recourir à son Cœur par Marie dans toutes les peines intérieures et extérieures, les tentations, faiblesses, dégoûts, incertitudes, dou­tes; quand la direction extérieure est insuffisante ou impossible, faute de temps,de moyens;

- sentiments, dispositions: grande habitude à l'interroger, fidélité et docilité à suivre les inspirations;

comme supérieur

- actes ou demandes de permission pour agir en dehors de la règle,

conseils pour savoir ce que l'on doit faire; de bénédictions sur soi, ses actions - deman­der au Cœur de Jésus de bénir à l'office, à table;

de pardon quand on a manqué, pour se relever;

- sentiments, dispositions: la plus grande confiance en l'action de ses grâces, lumiè­res et forces etc, dans la miséricorde infinie de son Cœur pour nous recevoir.

Récapitulation:

- Texte: Cor Jesu et omnia.

- Sujet: Cœur de Jésus: ce qu'il est pour nous, ce qu'il demande de nous: que nous le regardions comme notre fondateur, notre directeur, notre supérieur, etc.etc.

- But: Exciter, maintenir notre confiance au milieu des obstacles, épreuves, imper­fections présentes et à venir. 32

[Dimanche, 16 mai 1880]

Résumé succinct de la conférence du jour de la Pentecôte8

Toutes les œuvres participent plus ou moins aux grâces de la vie de Notre­Seigneur. Pour toutes les œuvres comme pour les âmes, il doit y avoir une Pente­côte. Cette pentecôte est une effusion nouvelle des grâces du St-Esprit dans les cœurs bien préparés. La fête n'est pas une commémoraison du miracle, mais une nouvelle communication des grâces et dons de l'Esprit Saint.

Tous les fidèles ont donc aujourd'hui et toute l'octave au moins des grâces de lumières, d'onctions et de forces. D'autres ont une participation ou une aug­mentation des dons du St-Esprit. D'autres enfin reçoivent des grâces particulières, les fruits de l'Esprit Saint mentionnés dans les hymnes et les proses:[Veni, Creator et Veni, Sancte].

Les grâces spéciales sont données ou partagées selon les diverses vocations,pré­destinations, mission, dispositions et nécessités. St Paul les énumère dans ses Epî­tres. S'il y a des grâces spéciales pour les différents membres ou les différentes vies de l'Eglise, il y en a certainement pour la vie de victime, la vocation d'Oblat.

Quelle est la nature de cette grâce?

La même que celle de Notre-Seigneur pour opérer l'œuvre de la rédemption dont la vie de victime, d'Oblat est une participation plus directe. La même que cel­le des apôtres. Notre-Seigneur dit: je vous enverrai mon Esprit. Cet Esprit est un esprit de feu: Ignem veni mittere in terram et quid volo nisi ut accendatur (Lc 12, 49). Or le feu éclaire, échauffe, purifie, consume: ce feu c'est l'Esprit Saint. 33

Quelles ont été les opérations de cette grâce de feu en Notre-Seigneur? Les mêmes que le feu pour les victimes de l'ancienne loi. Ce feu a consumé Jésus hostie toute sa vie.

Mode d'opération de ce feu.

Aussitôt l'incarnation, le cœur de Notre-Seigneur a été rempli de ce feu, il est devenu une fournaise dont les désirs d'amour et de réparation étaient la flam­me, et cette flamme s'alimentait de toutes ses pensées, ses sentiments, ses inten­tions, ses actions, de toutes les épreuves de sa vie cachée, de toutes les contradic­tions de sa vie publique et de toutes les souffrances de sa passion.

Comment Notre-Seigneur vit de la vie de victime.

Le Cœur de Notre-Seigneur, dès son incarnation, devint un autel sur lequel le feu de l'Esprit Saint consumait son humanité unie hypostatique ment à sa divini­té. Ce feu fit de Notre-Seigneur, prêtre et victime - seule victime et seul prêtre ca­pable de réparer l'honneur de Dieu, digne de Dieu.

Comment Notre-Seigneur vit de la vie de victime dans ses membres - leur communique cette vie?

Le Cœur de Notre-Seigneur n'a pas été seulement sanctifié par ce feu pour lui-même, il a été sanctifié pour les autres.

Le feu de charité qui doit consumer les victimes spirituelles, dont les autres n'étaient que la figure, se répand du Cœur de Jésus dans le cœur de Marie-coré­demptrice et réparatrice, et du Cœur de Marie à la croix sur l'autel de la croix dans le cœur de Jean, du Cœur de Marie au Cénacle dans le cœur des apôtres: même feu, même foyer, même médiateur. Les prêtres, les chrétiens, les victimes sont consumés du feu qui a consumé Jésus et Marie. Ce n'est pas un feu sembla­ble, c'est le même Esprit Saint. Ainsi se trouvent réalisées les figures des sacrifices anciens.

Comment Jésus-Christ fait découler cette vie dans ses membres?

Par la grâce et surtout l'Eucharistie, la messe, la communion.

Comment le feu de l'Esprit Saint nous transforme en victimes?

De la même manière qu'il transforme les viles espèces du pain et du vin en son corps et en son sang. Ainsi le feu de la charité change tous nos misérables ê­tres, nos misérables opérations en des êtres et des opérations qui ne font qu'un a­vec la Victime de notre rédemption. Miracles de transformations.

Que devons-nous faire pour être transformés en victimes avec Jésus-Christ?

Nous purifier de tout péché, participer à son Esprit.

Que faut-il éviter? Le péché, surtout ceux pour lesquels on répare.

De combien de feux Jésus-Christ a-t-il été consumé?

Deux feux: intérieur, amour et réparation; extérieur, épreuves.

De combien de feux serons-nous consumés comme victimes?

De deux feux - l'intérieur et l'extérieur, épreuves, tribulations.

Que faut-il penser du feu extérieur?

Il ne peut nous nuire si nous ne nous nuisons à nous-mêmes par le péché. 34

[Tableau synoptique]

Conférence du jour de l'Ascension, le 6 mai 1880 (cf. II, 23)

- allocution de circonstance -

I. Texte, sujet et résolution

Circonstance du double reproche d'incrédulité et d'endurcissement fait par No­tre-Seigneur à ses disciples peu de temps avant de monter au ciel. Adressons-nous les mêmes reproches pour profiter mieux des grâces de cette fête. Nunc cœpi; haec mutatio dextera excelsi (Ps 76,11). Mon Dieu, je vous donne tout mon cœur sans réserve pour de bon.

II. Reproche d'incrédulité: Dieu peut nous reprocher comme une injure que nous lui faisons.

1. Nous manquons de foi à l’œuvre de la réparation

- à son origine surnaturelle - phantasma - apparitions apôtres - Rés[olutions] - à son excellence -.l'excellence de son objet, de sa fin - Cœur de Jésus

- à son efficacité - les grâces qui doivent en découler, pour soi, pour d'autres, inouies

- à son avenir- si nous sommes fidèles Dieu s'en charge.

2. Nous manquons de foi à notre propre vocation

- rendue sensible, évidente, par les soins tout particuliers de la Providence de­puis notre enfance

- rendue sensible par les signes extraordinaires, les circonstances providentielles qui ont pour nous précédé, amené, accompagné notre entrée au Sacré-Cœur

- par les grâces très grandes et très sensibles que nous y avons reçues, soit de Dieu, soit des hommes, malgré nos misères, affirmation surnaturelle pour quel­ques-uns.

III. Gravité du reproche

Refuser de reconnaître de telles faveurs, une œuvre marquée au doigt de Dieu, une si noble vocation, en douter ou réellement ou pratiquement en vivant comme si on n'y croyait pas, c'est faire à Dieu une grave injure. Il demande notre adhésion. Donnons-la pleine et entière. 35

IV. Reproche d'endurcissement: Dieu demande non seulement l'adhésion de l'intelligence, mais la donation du cœur comme prêtre, comme clerc oblat.

1. Gravité de ce reproche: l'endurcissement est contraire

- au devoir d'amour de Dieu:

- Le don du cœur est le plus essentiel: Praebe…cor..mihi (Pr 23,26);

- Le don du cœur est essentiel, nécessaire à la cléricature, au sacerdoce;

- Le don du cœur est absolument la fin des Oblats,

- au devoir de la reconnaissance:

Dieu nous promet et nous donne son cœur;

Quelle folie, quelle ingratitude, quelle lâcheté de garder le no­tre, de refuser le sien.

2. Vérité du reproche d’endurcissement:

- Preuves tirés des sentiments que nous n'avons pas et que nous devrions avoir:

- Sentiments d'amour de Dieu: où sont-ils?

- Sentiments d'union à Notre-Seigneur par la considération de sa vie cachée réparatrice à Nazareth, au Calvaire, à Gethséma­ni;

- Sentiments de compassion, de consolation;

- Désirs de réparation pour soi-même, pour les autres: où sont­-ils?

- Preuves tirés des œuvres: Probatio amoris exhibitio operis:

- œuvres commandées, conseillées:

Règle - prières - études - devoirs - messes - communions:

Comment? Pourquoi? Omission?

- œuvres de dévotion

Combien peu en faisons-nous? Combien mal les faisons-nous?

Combien peu durent-elles?

3. Conséquences de l’endurcissement

- pour Dieu: l'imperfection a besoin de réparation, [besoin?] de réparer;

- pour l'œuvre: l'Œuvre est compromise, elle manque son but, ses moyens; danger que Dieu ne la rejette si cet état est permanent, habituel, sans amen­dement;

- pour nous: privations de grâces efficaces pour la sanctification, pour l'épreu­ve très prochaine - Jam hora (cf. Rm 13,11).

La perfection est dans la conformité à la volonté divine;

or la volonté divine c'est tout ce qui nous arrive - nos péchés;

donc la perfection est dans la conformité à tout ce qui nous arrive.

La perfection de l'amour consiste dans la fusion des cœurs ou volontés;

or la conformité établit cette fusion des volontés c.à.d. des cœurs;

donc la conformité est la perfection de l'amour.

La conformité fait ressembler notre volonté à celle de Dieu;

or la volonté divine c'est Dieu-même la souveraine perfection;

donc la conformité est la perfection en proportion qu'elle est plus complète. 36

Au moment de l'épreuve il faut être prêt surtout intérieurement. Il y a trois grandes dispositions intérieures, elles se rapportent aux trois vertus théologales. Au­jourd'hui voyons celles qui se basent sur la foi.

I. Une pensée de foi qui doit nous affermir c'est la foi en la Providence. Rien n'arrivera que ce que Jésus veut, comme il le veut, dans l'étendue où il le veut. On ne fera que ce qu'il permet et nous sommes assurés que les grâces seront pro­portionnées à l'épreuve. Ainsi ne pas se troubler, s'inquiéter, ni chercher ce qui ar­rivera, ni se dire: que ferons-nous? Tout cela vient du démon. Jésus le répète peut-­être dix fois dans son Evangile qu'à l'heure seulement marquée par Dieu les événe­ments se produisent: Nondum venit hora.. (Jn 2,4); Ecce hora vestra (cf. Lc 22, 53). Tant que son heure ne fut pas venue on ne put le prendre.

II. La foi en la croix. Avoir des principes et des vues opposées à celles du monde sur l'honneur, la jouissance, estimer ce qu'il méprise et mépriser ce qu'il estime.

Il le faut 1°: pour être ses amis, ses ministres, car son royaume n'est pas de ce monde, il est opposé à celui du monde.

Il le faut 2°: pour la réparation. C'est par la croix que Jésus 37 a réparé, par elle que s'est fait la rédemption, par elle qu'on montre son amour pour ses frères. Le monde entier a mérité la souffrance, la pauvreté, l'ignominie. Dieu veut bien se contenter de quelques-uns qui se sacrifient pour les autres et montrent ainsi leur amour pour leurs frères: Majorem caritatem nemo habet (cf. Jn 15,13).

Il le faut 3°: pour prouver son amour envers Jésus. Quia acceptas eras Deo, neces­se fuit ut tentatio probaret te (Tb 12,13). Il faut voir si c'est de l'or ou de pures scories, et le feu le fera voir. Si la maison de notre âme est bâtie solidement et les débordements viendront l'essayer, si l'arbre a des racines et le vent l'agitera, car cet­te maison, cet arbre doit être transplanté dans le ciel et il faut voir s'il en vaut la peine. La grandeur de l'épreuve sera la mesure de l'acceptation que Dieu en fait et des grâces qu'il lui communiquera.

Il le faut 4°: pour être semblable à Jésus qui a tant souffert et tant aimé la croix. Cette seule raison suffit pour nous faire considérer la croix comme excellente puis­qu'il l'a [aimée], il a souffert toutes sortes d'épreuves; préparons-nous à souffrir: le disciple n'est pas au dessus du maître. Le vent viendra par bourrades secouer l'arbre qui pourra vaciller un peu, les plus gros chênes s'agitent aussi, mais ils ne se déracinent pas. Restons, nous aussi, solides. 38

Motifs de confiance pendant l’épreuve

Nos motifs de foi sont la foi en la Providence qui dirige tout et la foi en la croix qui est la source de la réparation et le cachet des œuvres divines. Méditons les motifs de confiance et appliquons spécialement à notre œuvre et aux circons­tances.

Un jour nous avons compris la nécessité de la réparation et poussés par la grâce nous sommes venus ici pour réparer par la croix. La réparation est demandée par les voix du ciel et de la terre, a dit quelqu'un. Nous aussi nous en sentons le besoin. Nous avons tout quitté pour suivre la croix: Reliquimus omnia et secuti sumus te, quid ergo erit nobis? (Mt 19,27). Notre confiance sera en raison de no­tre détachement. Si nous gardons quelque attache, nous faiblirons dans l'épreuve parce que nous ne pourrons pas alors la satisfaire. La similitude que nous donnera l'épreuve avec Jésus et tous les saints pour l'œuvre de la réparation est un encou­ragement à la supporter.

L'épreuve est la marque de l'acceptation que Jésus fait de notre œuvre. Les calomnies qui se sont répandues dans toute la région, qui ont été jusqu'au pouvoir central, la rage de satan contre nous est une approbation de Jésus.7) 39

Plus il y aura à souffrir, plus notre confiance doit augmenter parce que plus il y a analogie avec l'œuvre de la rédemption, l'œuvre de la réparation par excel­lence.

Dans toutes les œuvres divines, du reste, on voit de l'analogie avec celle de Jésus-Christ, et notre œuvre est de celles qui en ont le plus et la persécution ne fera que l'augmenter. Sans doute il n'y a pas et il ne peut y avoir similitude par­ce qu'il y a toujours quelque chose de dépendant de la liberté humaine, mais de toutes les œuvres comme de tous les saints on peut dire: Non est inventus similis illi (Si 44.20).

Notre œuvre a eu son Bethléem où les bergers et les mages ont été représentés, el­le a maintenant la calomnie comme Notre-Seigneur l'a éprouvée. Le Judas même n'y manque pas, mais j'ai la consolation de croire qu'il n'est pas ici; il a été appe­lé et il n'est pas entré.

De même que Notre-Seigneur avant la Passion a voulu laver les pieds de ses disciples, de même avant l'épreuve il faut nous purifier.

L'Œuvre de l'adoration nocturne a demandé une heure sainte supplémentaire. On sent le besoin de se préparer à l'épreuve générale. A plus forte raison devons­-nous nous préparer à [l'épreuve] 40 qui nous est spéciale.

Nous ne sommes pas assez purs, il y a encore des attaches. Si les Apôtres ont faibli c'est qu'ils ne s'étaient pas assez purifiés. Si nous voulons être fidèles, puri­fions-nous: munissons-nous d'huile pour la venue de l'Epoux.

Nous ferons une neuvaine de purification pour nous préparer à l'épreuve qui s'approche vite. Il y aura d'abord des prières vocales: une prière pour nos péchés (Hostie divine pour les péchés, Ste Gertrude), suivi du miserere et des actes de foi, d'espérance, de charité et de contrition; à 3 h. pour la communauté, à 6 h. pour les absents. Il y aura aussi tous les jours un jeûne au pain et à l'eau à genoux. N'a­yons pas peur d'affaiblir le corps. Si le corps est un peu faible, l'âme en sera plus forte. C'est St Bernard qui le dit et il s'y entendait.

Mais le principal de cette neuvaine sera la purification de notre intérieur:plus d'attaches au jugement, à la volonté, aux sens. S'il en restait, nous ne pourrions les satisfaire pendant l'épreuve, et alors nous serions exposés à défaillir au lieu que si nous ne désirons que la croix, nous serions joyeux dans la persécution, parce que nous y trouverons ce que nous souhaitons. 41

(Tableau synoptique)

Allocutions préparatoires aux épreuves que la Providence doit nous ménager bien­tôt dans sa miséricorde

I. Ce que la Providence demande de nous spécialement:

- augmenter la vie surnaturelle en augmentant:

la foi: non pas aux mystères en général mais spécialement en la Providence surnaturelle - en la croix - mystère de notre vie;

l'espérance: confiance pleine et ferme dans les grands biens qui doivent venir de l'épreuve pour l'Œuvre, pour chacun;

la charité: le bois qui doit alimenter le feu de la charité;

- entrer dans les sentiments, dispositions de Notre-Seigneur avant sa Passion:

désirs: desiderio desideravi (Lc 22,15);

courage: surgite, eamus (Mt 26,46);

obéissance: obediens usque ad mortem (Ph 2,B);

amour de la réparation: gloire de Dieu, salut des hommes.

II. Augmenter sa foi non pas tant aux vérités spéculatives, mais aux vérités prati­ques surtout:

- En la Providence:

principe: rien n'arrive que parce que Dieu l'ordonne ou le permet ou le laisse faire- Evangile: un seul cheveu, passereau, lis des champs: quanto magis (Mt 6,30);

conséquences pour nous:

objet: il ne nous arrivera que ce que Dieu voudra;

temps: quand Dieu voudra: nondum hora, jam hora;

manière: comme il le voudra, on ne frappera pas un coup en plus.

- En la croix:

la croix est le mystère de la vie chrétienne, sacerdotale, religieuse;

elle est la marque de la ressemblance avec Jésus-Christ;

le cachet de toute œuvre divine, épreuve qui purifie;

le grand moyen de la réparation.

III. Augmenter notre confiance en considérant:

1° les bases de notre confiance:

- Bases générales de notre confiance:

promesses de Notre-Seigneur à ses disciples - notre part;

promesses dans les manifestations surnaturelles: toutes lesvoix du ciel et de la terre crient réparation, salut;

- Bases spéciales:

promesses dans les manifestations spéciales aux Oblats;

commencement de l'accomplissement de ses promesses spéciales

- dans les soins de la Providence surnaturelle: vocation, direction, protection;

- dans les soins de la Providence naturelle, ressemblance avec Jésus commen­cée: amour des bons, haine des méchants; secours temporels, sollicitude u­niverselle.

2°Les conditions mises par Notre-Seigneur à ses promesses:

- Les conditions exigées par Notre-Seigneur pour ses apôtres:

Ecce nos reliquimus omnia (Mt 19,27), quitter tout:

- les attaches à notre jugement - simplicité;

- les attaches de notre cœur - charité;

- les attaches de notre volonté - obéissance;

- les attaches à nos aises - règle, mortification;

Et secuti sumus te (Mt 19,27), suivre Notre-Seigneur:

- dans la voie de la réparation par la croix;

- par l'union de nos pensées, sentiments, actions: vie de Nazareth, Calvaire, Gethsémani; dans sa vie privée, publique, souffrante.

3° En travaillant tous les jours à leur accomplissement:

accomplissement des conditions:

réparer le passé: en reconnaissant, regrettant, réparant ce que nous n'avons pas fait; quitter tout, suivre Notre-Seigneur;

sanctifier le présent: faire chaque action en pensant que nous devons réparer par cette action,pour nous, pour les autres;

préparer l'avenir en se débarrassant des scories: jam vos mundi estis - etiam omnes (cf. Jn 13,10); laver les pieds des imperfections quotidiennes pour la passion;

moyen extérieur: neuvaine de réparation. 42

Après les dispositions de foi et d'espérance préparatoires à l'épreuve viennent les considérations de charité et les conseils pratiques qui en découlent. Nous ne sommes pas capables de boire plus d'une goutte de cette coupe d'amour.

Un 1° motif d'aimer Dieu c'est sa beauté infinie. Tout ce qui est beau dans la nature n'est rien près de lui: il renferme éminemment toute beauté. La foi nous l'enseigne, cela nous suffit et nous le verrons au ciel un jour.

Un 2° motif c'est sa bonté. Les bienfaits généraux et particuliers qui lui mé­ritent un amour de gratitude. Les bienfaits naturels: Ste Madeleine de Pazzi s'exta­siait devant une fleur sur la bonté de Dieu. Les bienfaits surnaturels qui ont leur source dans l'humanité de Notre-Seigneur, dans sa Passion et sa mort. Il nous a ai­mé tant qu'il serait mort pour chacun s'il l'avait fallu, qu'il serait resté sur la croix ou au tombeau jusqu'à la fin du monde si son Père l'avait exigé pour notre salut. Et de fait, il a voulu en quelque sorte souffrir jusqu'à la fin du monde, car les souffrances de son Eglise, de ses saints il les a souffertes le premier et offertes à son Père; il a souffert de ce que nous souffririons et dans son agonie 43 il a enduré toutes les peines de ses saints. S'il n'est pas resté sur la croix jusqu'à la fin du monde c'est par un autre excès d'amour: il a voulu nous laisser l'honneur et le profit de souffrir à sa place et de porter sa croix tout en souffrant lui-même dans son agonie de nos souffrances et de nos croix.

Et l'Eucharistie: un autre témoignage de son amour. Pour être plus près de nous il s'est condamné à être prisonnier dans nos tabernacles. Cet amour est in compréhensible, c'est une folie pour notre raison. ­La folie de la croix et de l'Eu­charistie: nous ne comprendrons qu'au ciel la sagesse de cet amour.

Les bienfaits particuliers du baptême, d'une famille chrétienne, d'une bonne éducation, de la vocation, des grâces de tous les jours, de toutes nos communions, que de raisons encore de l'aimer!

Rappelons-nous ces motifs et songeons sérieusement à l'aimer premièrement en nous abstenant de l'offenser (charitas non agit perperam (1 Co 13,4)), c'est la préparation à l'amour. Si nous lui disons que nous l'aimons et que nous l'offen­sons, il ne nous croira pas. Sans doute il y aura toujours des fautes de fragilité, mais des fautes commises délibérément, cela ne peut s'arranger avec l'amour: on ne peut aimer et offenser. Faisons précéder nos actes d'amour d'actes de repentir si nous ne voulons pas mentir. 44

Une deuxième manière d'aimer c'est de faire des actes d'amour intérieurs (dans nos exercices de piété), extérieurs dans les manifestations du culte et dans les œu­vres quelles qu'elles soient, enseignement, actions quelconques.

Une troisième manière d'aimer c'est de nous détacher de tout ce qui n'est pas Jésus. - Ste Thérèse a été privée de grâces pendant plusieurs années pour n'avoir pas voulu se détacher d'une affection légitime -. Oh, c'est là ce qui est tout à fait nécessaire, sans cela nous n'aimerons jamais et Jésus ne s'unira jamais bien à nous. Que l'oiseau soit attaché par un fil ou par un câble, il n'en est pas moins, incapa­ble de s'élever. Détachons-nous de tout pour ne nous attacher qu'à sa volonté. S'il veut que je sois dans la peine, j'aimerai la peine; s'il me veut dans la joie, j'accep­terai la joie. Il nous poursuivra tant que nous ne serons pas détachés. L'amour de Jésus est comme un pressoir qui foulera notre cœur et le pressera sans relâche. Caritas… Christi urget (2 Co 5,14); Caritas non quaerit quae sua sunt (1 Co 13,5).

La quatrième manière d'aimer et la plus sublime c'est de souffrir. Les saints exultaient, Saint François, disait: Jésus ne m'aime plus, aujourd'hui il n'a pas dai­gné me donner sa croix. Ste Elisabeth de Hongrie, chassée de son palais, faisait chanter un Te Deum pour en remercier Dieu. 45

La souffrance vaut mieux que la consolation. Celle-ci nous met en dette près de Dieu et il n'est pas bon d'être en dette: il y a la responsabilité des grâces re­çues. La souffrance fait de Dieu notre débiteur et c'est un immense avantage.

Remettons souvent en notre mémoire les motifs de charité, car notre nature est si faible qu'elle se heurterait si nous voulions faire des actes de charité sans songer souvent aux motifs. Occupons-nous à cela dans nos adorations, nos visites au St-Sacrement, nos examens.

Nous devons avoir soif de justice, de purification, d'immolation, d'union à Notre-Seigneur à cause des circonstances présentes:

1° la fête du Sacré-Cœur qui sera plus tard notre plus grande fête. Suppléons à la solemnité par la ferveur: Haec… dies quam fecit Dominus, exultemus et laete­mur (Ps 117,24). Joie des hommages qu'on lui rendra en ce jour, tristesse des dé­faillances et tiédeurs des âmes consacrées, à cette occasion. Ce dernier sentiment doit toujours accompagner nos joies. Quand Notre-Seigneur a demandé cette fête de son Cœur 46 il faut croire qu'il a eu une pensée toute spéciale pour ses Oblats désirant être surtout fêté par eux en ce jour. Si cela n'est pas, il ne faut plus rien croire.

Un 2° point de .l'examen de prévoyance que nous avons à faire comme prépara­tion, c'est la fête du St Sacrement. C'est une fête encore bien spéciale pour nous, la fête de l'amour usque in finem. Il a mis le comble à son amour en instituant le sacrement de l'amour. Le Cœur de Jésus nous réserve bien des grâces pour un tel jour comme aussi pour le jour du Sacré-Cœur, grâces peut-être invisibles mais cependant réelles, grâces préparatoires à l'épreuve qui elle-même sera une grâce plus grande encore. Nous avons à user d'une faveur bien grande: l'exposition de la messe aux vêpres pendant toute l'octave. Nous serons encore au Cénacle jusqu'à la fête du Sacré-Cœur.

La fête du Sacré-Cœur sera chaque année un jour où il y aura le plus de so­lemnités, le jour où se prononceront les vœux ou seront admis postulants et novi­ces. On s'y préparera par une retraite. Cette année la coïncidence de l'exposition nous met déjà dans une disposition de retraite. Quelques méditations seront ajou­tées et le silence gardé. 47

Un motif encore de bien prier et de répondre aux grâces que nous recevons c'est la première communion. Parmi ces enfants il y a des Oblats certainement et

le désir de Notre-Seigneur est de nous voir prendre un vif intérêt à tout ce qui concerne son Œuvre. Il nous verra avec plaisir le prier pour ces enfants dans une circonstance si importante de leur vie.

Soyons donc généreux. Notre-Seigneur demande beaucoup de nous. Ne lui re­fusons rien. Cela, du reste, nous deviendrait facile avec les grâces que nous rece­vons.

Nous avons parlé sommairement des passions, des vertus; il reste à traiter des vices, puis des dons et des fruits du St-Esprit. Enfin en ajoutant les béatitudes dont nous avons déjà parlé et un petit traité de l'oraison, nous aurons parcouru l'ensemble des choses qui sont nécessaires à un novice de connaître.

Parlons aujourd'hui d'un vice qu'il est très important de combattre. C'est un grand talent chez un guerrier d'acquérir une connaissance parfaite de l'ennemi à combattre. L'orgueil c'est l'appétit désordonné d'une excellence propre à nous at­tirer les hommages et les honneurs extérieurs. Ce vice revêt: I. Plusieurs formes:

1° l'orgueilleux 48 s'attribue les qualités qui sont en lui;

2° c'est encore un de ses caractères que d'attribuer à ses propres mérites les qua­lités qu'il reconnaît tenir de Dieu;

La 3° forme…

En 4° lieu il croit posséder ces qualités dans un degré supérieur aux autres; ici il y a comparaison.

On divise encore l'orgueil en 12 degrés pour correspondre aux 12 degrés d'hu­milité: le regard hautain, la jactance, la présomption, le rire inepte y sont comp­tés.

II. Les remèdes sont des considérations de vraie humilité:

1° notre néant, ce que nous sommes de nous-mêmes: noverim me;

2° la grandeur de Dieu, voilà qui confond l'orgueil: noverim te;

3° la vue de nos péchés, l'abus des grâces.

Pour en venir à ce qui nous est plus spécial c'est que notre vocation c'est la réparation.

Or la réparation a 3 montagnes à abattre entre Dieu et nous: l'orgueil, la con­cupiscence des yeux, la concupiscence de la chair. La principale est l'orgueil. C'est pour cela qu'il nous faut une humilité exceptionnelle, profonde. L'hum[ilité], la p[atience], la cha[rité] voilà nos trois amies, trois épouses spéciales qui doivent at­tirer tous nos soins. Pour réparer le péché 49 dans lequel il y a toujours de l'orgueil il faut toujours de l'humilité.

Complétons la dernière conférence.

Une division plus autorisée adoptée par St Grégoire et St Thomas place l'or­gueil comme le roi des péchés capit[aux] et met comme premier de ceux-ci la vai­ne gloire. Les filles de la vaine gloire sont:

1° la désobéissance qui veut voir sa volonté exceller et la croit meilleure. Ce pé­ché est fréquent dans les noviciats, c'est le plus commun: sur 10 vocations elle en perd 9.

2° La jactance qui raconte ses exploits et se fait valoir: encore fréquente dans le novice, elle souille bien des récréations. Les récréations sont d'ailleurs l'exercice le plus difficile parce qu'on y tombe soit dans la taciturnité soit dans l'intempérance de langue.

3° La présomption des nouveautés qui cherche à se singulariser par des actions pas comme les autres, affectant certains avis particuliers.

4° L'hypocrisie qui cherche à montrer ses actes sous un bel aspect, cachant tous ses défauts, ses égarements d'esprit à la chapelle sous une apparente dévotion dans le maintien, cachant ses irrégularités. 50

5° L'opiniâtreté du sentiment qui s'attache à son avis bon d'ailleurs.

6° La discorde qui ne veut pas céder son sentiment bon ou mauvais.

7° La contention qui est le résultat de l'opiniâtreté et inspire les paroles de dis­pute.

Après la vaine gloire et son beau cortège vient l'envie qui hait l'excellence d'autrui. Elle a 5 satellites:

1° la haine qui ne peut souffrir le bien des autres. Au noviciat elle se porte sur les choses spirituelles, sur les grâces des autres comme on le voit dans l'histoire de tous les saints. Le démon qui veut nous faire croire que nous sommes de petites perfections ne nous tente pas sur la pauvreté et la chasteté; il cherche seulement à nous attacher aux grâces, aux faveurs spirituelles et à nous faire envier celles des autres. On envie la régularité d'autrui, sa modestie ou la faveur qu'on croit qu'il a près du supérieur. L'envie règne aussi dans ce noviciat quoique vraiment il n'y en ait guère d'objet.

Après la haine viennent la médisance qui parle mal en l'absence du prochain, la détraction qui le déchire en sa présence, la tristesse du bien qui lui arrive, la joie du mal qu'on lui voit.

Nous devons détester tous ces vices parce qu'ils sont tout opposés à notre es­prit de réparation. 51

Conférence de retraite: Le péché

Nos conférences traiteront de sujets de retraite pendant ces trois jours.

Le péché est un mystère. Delicta quis intelligit (Ps 18,13)

I. Natura - II. Effets

[Natura]. Une offense faite à Dieu comment comprendre en deux termes? Offense à Dieu? L'offenseur et l'offensé? Un être si petit, offensant un être infini. Qui peut comprendre le tout de Dieu, sa sagesse, sa bonté… Qui peut comprendre le néant de l'homme? Le péché est une négation insensée de Dieu. Dieu dit: je suis bon et miséricordieux. Le pécheur dit: non. Je te veux du bien. Le pécheur dit: non. Le péché est le plus grand mal; c'est le mal moral au dessus du mal physique; c'est le mal de Dieu. Il tuerait Dieu s'il le pouvait. Aussi quand Dieu s'est fait mortel, le péché l'a tué. Le péché est opposé à Jésus. Jésus enseigne la souffrance, le pé­cheur n'en veut pas. Jésus se donne dans l'Eucharistie, le pécheur n'en veut pas. Le péché c'est un enfer.

[Effets]. Parmi ses effets nous voyons la mort de Jésus. En contemplant le péché, Jésus a voulu expier cette horrible offense de la divinité en mourant. Il a dit dès lors son Ecce venio (He 10,7).

La connaissance et l'horreur du péché, voilà la base de notre vocation; c'est là des­sus qu'elle doit s'appuyer. 52

Le péché demande réparation, voilà une preuve certaine. La réparation Jésus l'opère et veut qu'à sa suite je l'opère en souffrant par une vie de sacrifice et d'immolation.

Donc le péché m'impose une vie d'immolation.

Complétons ce qui a été en considérant l'état de notre âme à l'égard du pé­ché. Le péché est un mystère, c'est un désordre.

Pour le comprendre mieux prenons des analogies dans la nature. Le désordre, le laid que nous y voyons c'est l'image du péché en nous.

Dans le règne minéral ce qu'il y a de plus vil comme matière c'est la boue d'un cloaque, et ce qu'il y a de plus précieux c'est le diamant, les pierres précieu­ses. Ainsi de l'âme souillée et de l'âme juste.

Dans l'ordre végétal ce qui déplaît le plus est une fleur fanée, flétrie, couver­te de boue et foulée, comme ce qu'on admire est un beau lis tournant sa corolle toute blanche vers le soleil vivificateur: encore une image du péché et de la justi­ce dans l'âme.

Dans l'ordre animal le tigre, le serpent nous représentent ce qu'il y a de plus repoussant et l'agneau, la colombe ce qu'il y a de plus pur. 53

Imaginez aussi ce qu'il y a de plus désagréable à nos sens ou de plus agréa­ble et vous aurez encore une image du péché et de la pureté dans l'âme. St Phi­lippe de Néri avait le don de sentir ainsi physiquement l'état de l'âme de ceux qui l'approchaient, ce qui autorise cette analogie aussi bien que les comparaisons d'a­gneau et de colombe souvent employées par l'Écriture.

Et vis-à-vis de Dieu quel est l'état de l'âme pécheresse? Elle lui tourne le dos à ce vivificateur qui lui donne tout malgré son ingratitude. Elle est un objet de dégoût effroyable pour Dieu et les anges du paradis tandis qu'elle a une chaîne qui l'entoure et dont le démon tient le bout prêt à retourner en son lieu si cette âme venait à être séparée du corps.

Le péché véniel a quelque chose de semblable pour la laideur et si l'âme pa­raissait avec une attache vénielle, elle s'entendrait dire Incipio te evomere ex ore meo (Ap 3,16).

Gardons-nous du péché mortel mais aussi de l'attache au péché véniel, nous qui voulons consoler le Cœur de Jésus.

Nous verrons dans les conférences suivantes le moyen de réparer et de nous préserver de l'affreux péché. 54

Contrition

Nous avons vu dans le péché l'offense faite à Dieu, la mort donnée à Jésus, le désordre mis en nous. Qu'allons-nous faire pour combler cet abîme? Nous pou­vons: Iniquitatem meam ego cognosco (Ps 50,5), écoutant la multitude de ses mi­séricordes.

Dieu a mis en nous un moyen auquel il veut bien donner de l'efficacité par ses mérites: c'est la pénitence, ce sont les larmes de regret, l'humiliation de l'es­prit, le cœur brisé et humilié. Mais tout cela ne peut combler cet abîme que par dessus la première [pierre] qui est Jésus. Jésus a été la première pierre jetée dans cet abîme et il nous invite à le remplir de nos brisements et de nos sacrifices. Il ne nous est pas permis de faire le sacrifice de notre vie. Le sacrifice demandé c'est un cœur contrit: Sacrificium Deo spiritus contribulatus (Ps 50,19). Des larmes ce devrait être notre pain quotidien, car Jésus qui s'est fait pécheur a pu dire com­me David: Fuerunt mihi lacrimae meae panes die ac notre (Ps 41,4).

C'est la vocation du Chrétien, du religieux, c'est la vocation formelle et dé­terminée de l'Oblat. Avec quoi signe-t-on le chrétien au baptême? de la croix; à la confirmation? de la croix; le clerc? de la croix; jusqu'au sacerdoce où en lui en met une grande sur les épaules; le religieux en prononçant ses vœux a un cru­cifix entre les mains. Jésus a pleuré sur Jérusalem et sur Lazare, 55 il a pleuré aussi à Gethsémani car nous connaissons assez son Cœur pour l'affirmer, et la dou­leur a dû se traduire par des larmes avant de se traduire par du sang. A son exem­ple pleurons aussi. Pleurons à l'écart, quand nous sommes seuls pleurons avec lui. Rien n'unit comme de pleurer ensemble, cela fortifie l'amitié et les âmes se fon­dent en une seule. Les larmes nous seront douces parce que nous avons un ami compatissant. Il nous promet une récompense malgré nos faiblesses. Il disait à ses disciples après la Cène: Vos qui permansistis mecum in tentationibus meis parabo vobis sedem in regno Patris mei (cf. Lc 22,28-30). Eh quoi, Seigneur, n'avez-vous donc plus la préscience de l'avenir? Qui donc est resté avec vous chez Caïphe? Pierre qui vous reniait? Chez Pilate? personne. Au Calvaire? un seul. Cependant ces paroles sont dites par la Vérité-même et il y a quelque vérité dans ces paroles. Il a eu des tribulations avant et alors ils sont restés avec lui, mais il les excuse: Satanas expetivit ut cribraret vos rogavi pro te (cf. Lc 22,31-32). Ils sont revenus vite. Il y aurait de la présomption à croire qu'il n'y aura aucune défaillance au moment de l'épreuve, mais ou reviendra après ou l'on se remettra vite.

Puisque j'ai commenté un peu le Miserere et 56 le désirais depuis longtemps parce que on le récite si souvent, songeons bien à ces paroles du prophète dési­rant le temple de Dieu: Benigne fat… (Ps 50,20). Jésus les a dites en soupirant a­près l'établis[sem ent] de l'Eglise et je crois qu'il est suivant sa volonté que nous les appliquions à la Jérusalem spirituelle qui est notre œuvre et à la Jérusalem matérielle qui est notre chapelle réparatrice. Que les murs se batissent, que le Con­summatum est arrive, car jusque là nos réparations ne sont pas valables. Alors seu­lement Jésus acceptera nos sacrifices et nos offrandes.

Disons donc ces versets comme prière et comme espérance.

Pone me ut signaculum super Cor tuum et super brachium tuum (Ct 8,6). Le signe que nous avons placé ce matin sur notre cœur, c'est la croix, le sacrifice. Mais cela ne suffit pas. Le cœur comme symbole de la volonté et de l'amour c'est tout l'homme. Mais comme devoir d'expiation il ne suffit pas à la tâche: il n'y a pas que le cœur qui ait péché, en l'homme toutes les facultés ont été souillées,et Dieu qui a voulu tout réparer 57 dans le Christ: Omnia instaurare in Christo (Ep 1,10) l'a fait souffrir dans son cœur et son corps comme dans les biens extérieurs dont l'homme a abusé en le faisant calomnier, insulter, maltraiter. Le Christ ne s'est pas contenté de souffrir seul, il a étendu son corps par la Ste Eucharistie, mais aussi son corps mystique qui est l'Eglise composée des chrétiens: Membra de corpo­re ejus (cf. Ep 5,30); il a voulu se donner à eux, leur communiquer sa vie afin de souffrir en eux et multiplier ainsi la réparation et les victimes à travers les siècles, car la réparation est comprise dans la vie chrétienne jusqu'à une certaine mesure et elle entre dans son essence. Elle a fait le mérite des âmes saintes de tous les temps. Nous devons donc pour imiter Jésus nous sacrifier non seulement par le cœur mais aussi par le corps et par les biens extérieurs: mortification corporelle douce mais ferme, prudente mais fidèle, aimer la pauvreté. Il arrivera que nous au­rons des moments de faiblesse à la vue du sacrifice, mais elles disparaîtront si nous regardons la croix qu'il faut embrasser. Mais Jésus a poussé la condescendance 58 [jusqu'à] vouloir lui aussi éprouver et montrer de la faiblesse: Transeat a me calix iste (Mt 26,39), pour nous montrer un modèle dans ces moments d'abattement; il veut ces instants de faiblesse et d'impuissance mais disons aussi comme lui: atta­men non mea voluntas sed tua fiat.

Ainsi réparons par les 3 grandes mortifications opposées aux 3 concupiscences. Nous avons vu hier la cause de la réparation dans le péché et aujourd'hui nous en comprenons l'exercice et le moyen. Travaillons donc à combler ce gouffre de la justice divine.

Il nous reste à considérer ce qui est comme la consommation de l'amour et de la réparation du péché: l'abandon.

I. La théorie de l'abandon repose sur 2 principes rationnels: 1° Dieu est le princi­pe de tous les êtres c.à.d. il est l'auteur de tout ce qui arrive; 2° il est infiniment bon c.à.d. qu'il ne peut que faire le bien.

La conséquence est que tout ce qui nous arrive est pour notre plus grand bien. (Le Père [Jean] entre ensuite dans le détail et dit au sujet du péché). Il Dieu veut jusqu'à un certain point le mal qui 59 vient de la liberté mal employée puisqu'il veut cette liberté dont l'homme abuse. Mais il ne faut pas entendre ceci de travers, et si sa bonté et sa miséricorde a voulu la liberté pour rendre possible la récompense, sa justice intervient avec sa puissance pour tirer le bien du mal qu'a fait l'abus de la liberté. Ainsi Dieu veut tout ce qui nous arrive et ce qui nous ar­rive est le résultat d'un acte de sa volonté.

Cet acte émane de la Ste-Trinité, revêtu de l'autorité du Père, de la sagesse du Fils et de l'amour du St-Esprit. Cet acte passe par le Cœur de Jésus qui l'ac­cepte en notre nom car nous sommes à lui puisqu'il nous a rachetés par le Cœur de Marie qui l'a accepté aussi par amour pour nous. Les anges et les saints du ciel l'adorent à son passage et cet acte nous arrive à nous, ainsi accepté par le ciel entier. Au lieu de nous unir à cette acceptation céleste nous réservons notre juge­ment et nous opposons un acte de défiance, puis nous examinons: est-il conforme à la nature, aux sens? nous l'acceptons; leur est-il contraire, nous le refusons con­sidérant trop les causes secondaires et pas assez la principale. 60

Dans la pratique de cet abandon nous avons pour exemple Jésus-Christ qui n'a fait que s'abandonner à la volonté de son Père. Et quand nous sommes éprou­vés par la persécution ou l'injustice de nos frères, si nous sommes tentés de dire que Dieu n'en est pas l'auteur, voyons la rédemption? Convenerunt adversus pue­rum tuum Jesum (cf. Ps 2,2). N'est-ce pas Dieu qui l'a voulu? Il a donc voulu la haine des pharisiens, la cruauté des bourreaux, le crucifiement et la mort de Jésus. Que sont auprès de cela les maux dont nous souffrons?.8)

Le saint abandon est plus parfait que l'amour des souffrances. Préférer les souffrances à la volonté de Dieu ce serait comme une belle fleur qui refuserait au bouquetier de se laisser mettre au milieu du bouquet et désirerait être cachée sous les autres.

C'est par cette voie que Dieu conduit les âmes dont il veut faire de grandes choses. II commence par leur faire sentir leur néant pour les séparer d'elles-mêmes et les attacher à Lui.

Ce saint abandon a été la pratique des saints et la raison de leur calme et de leur paix. 61

St Ignace l'appelle indifférence et en cela consiste tous les Exercices, tout aboutit là. J'aime mieux le mot abandon qui n'est pas négatif et marque mieux l'a­mour, le don de soi. Rodriguez le nomme conformité. Ce mot indique plutôt un état qu'un acte. Mais pour tous la chose est la même, il n'y a qu'une nuance de mots.

Pour les Oblats ce doit être toute leur vie qui doit se passer dans l'exercice de cet abandon.

La nature peut éprouver des répugnances; Jésus a bien voulu en éprouver à l'agonie, mais le sommet de la volonté doit accepter toujours et dire: bonum est à l'exemple de la Ste-Trinité et du ciel.

S'abandonner comme un enfant à sa mère. Quelquefois il est obligé de rece­voir des soins qui le font souffrir. Cesse-t-il d'aimer sa mère? Non, il n'a de répu­gnance que pour ces soins qui lui sont nécessaires. Il y a du mystérieus dans cet­te recommandation d'être comme des enfants: Efficiamini sicut parvuli (Mt 18,3).

L'enfant se croit toujours en sûreté dans les bras de sa mère, il ne doute pas de son amour, de sa puissance. Faisons de même. 62

Reproduisons aujourd'hui par la foi ce qui se passait miraculeusement pour la Bse Marguerite-Marie. Notre-Seigneur apparaissait sous la forme d'un Ecce Homo ou le Cœur entouré d'épines, lui demandant amour et réparation; les plaies du corps montrées comme l'œuvre des chrétiens ordinaires, mais celles du Cœur ve­nant du peuple choisi, et la Bse sentant toute son impuissance de réparer et de consoler lui disait: je ne suis rien, je ne puis rien, faites tout vous-même; et Jésus prenant le cœur de la Bse le mit dans le sien et il parut, disait-elle,comme un cœur de flammes ou une flamme en forme de cœur.

Nous aussi, tout spécialement ceux qui font un pas de plus dans la voie de la réparation, disons aussi à Jésus notre impuissance de le consoler, prions-le de nous aider. La Bse disait encore: je suis une ignorante, comment pouvez-vous me choisir. Et Notre-Seigneur lui répondit: je t'ai choisie à cause de ton ignorance et de ta faiblesse afin qu'il soit bien éclatant que tout est de moi. Ces paroles il nous les redit encore aujourd'hui car il est là c'est certain.

Ces paroles ont été dites avec un accent de conviction extraordinaire: il aurait vu Notre-Seigneur réellement des yeux du corps qu'il n'eut pas [parlé avec plus de conviction].9) 63

Après le Cœur de Jésus, nous n'avons rien de plus cher que le Cœur de Ma­rie et la fête d'hier nous l'offre à méditer et étudier.

Le Cœur de Marie a été saint parce qu'il a formé le Cœur de Jésus physi­quement par ses battements, et moralement par la direction que l'obéissant Jésus a voulu en recevoir.

Grandissant comme lui en sagesse Marie a pu dire: Ego mater pulchrae dilec­tionis (Si 24,24), c.à.d. du Cœur de Jésus tout amour puisqu'il a été formé par l'amour substantiel;et dans un sens plus large, mère du bel amour, c.à.d. du disci­ple de l'amour, des chrétiens animés de l'amour pur. L'amour a rempli tout son cœur,et un amour pur excluant tout autre amour.

Son cœur a été réservé à Dieu seul; Mater timoris, elle n'a eu qu'une crainte unique: déplaire à Dieu, mais crainte filiale sans agitation; agnitionis: elle a étudié le Cœur de Jésus; l'amour de son Dieu elle l'a connu et a eu de la reconnaissan­ce pour lui; sanctae spei (Si 24,24): elle a aussi éprouvé de saintes espérances et ces quatre mots renferment les sentiments du Cœur de Marie.

Dieu lui a dit: Pone me ut signaculum super cor tuum (Ct 8,6) 64 et ce sceau a été placé sur son Cœur dès sa Conception, à l'Annonciation, à Nazareth, au Cal­vaire, quand elle pressait sur son Cœur son Jésus mourant et mort, et ce sceau n'a jamais été brisé, jamais le monde, le démon, les passions n'y ont eu accès.

Que conclure pour nous? Ecoutons aussi Dieu qui nous dit: Pone me ut si­gnaculum super cor tuum (Ct 8,6); il a aussi mis un sceau sur notre âme au bap­tême, à la confirmation, au sacerdoce. Nous l'avons souvent brisé. Ce n'est plus la fontaine scellée, le jardin fermé. Les vœux de religion aussi mettent un sceau qui sans avoir la nature du caractère sacramentel, il n'en a pas moins de solennité et d'importance. Il nous inscrit au livre des propriétés de Dieu; nous nous donnons à lui; nous ne sommes plus à nous. Ne brisons donc plus ce sceau. Refusons-en l'accès à tout autre qu'au Prince. Renouvelons notre résolution d'abandon prise il y a quelques jours. Livrons-nous enfin comme Marie au bel amour, au pur amour. 65

De la gourmandise et de l’avarice

La gourmandise a cinq formes: appétit immodéré de la nourriture: 1ère: forme somptuose des choses chères; 2°: des choses délicatement apprêtées; 3°: en de­hors de l'heure; 4°: intempérance; 5°: avec avidité.

Ces trois dernières formes sont les seules possibles en communauté, la 4e sur­tout doit être réprimée, car si la tempérance suffit pour un simple chrétien, elle ne suffit pas pour un religieux, et si suffirait-elle pour un religieux, elle ne suffirait pas pour un Oblat. Comprenons donc une bonne fois la nécessité de l'holocauste. II faut la mortification ;sans scrupule, mais de la générosité.

Les filles de la gourmandise sont le bavardage, la folle joie, pas toutefois cel­le qui règne trop souvent ici, l'hébétement de l'esprit, la malpropreté - immundi­tia - car elle conduit à l'impureté.

L'avarice est réprimée dès l'abord par la pauvreté, cependant elle a encore de l'empire; la dureté qui refuse, l'inquiétude de ce qu'on aura,en proviennent; on trouve encore le moyen d'être avare. 66

Une observation importante:

Ne pas discuter la règle. Pas d'inquiétude à ce sujet: elle sera soumise à l'ap­probation de l'Eglise, d'ailleurs Mgr (Thibaudier) l'a lue; ensuite elle est tirée de règles approuvées. Notre- Seigneur, en prescrivant des points à y ajouter, n'a pas en­core indiqué de retranchement. Il a promis du reste d'intervenir là dessus. Confian­ce donc.

Deux raisons de chasser toute inquiétude:

S'il y a des points difficiles, d'abord Notre-Seigneur nous donnera la grâce de les exécuter; si non, nous n'aurons pas à nous en affliger. Ensuite il faut qu'il y en ait. C'est ce qui nous est spécial après les trois vœux: il y a autant de différence en­tre nous et les autres religieux qu'entre l'holocauste et les autres sacrifices. Les au­tres mettent (trois) 3 conseils de précepte, nous en mettons plus sous le précepte.

Deux choses que Notre-Seigneur demande avant tout: c'est ce qui a rapport à son culte, la messe, l'office, et puis l'autorité, un grand respect de l'autorité; se dire devant un ordre: Jésus le veut. Comment réparer sans cela? 67

Il serait trop peu en rapport avec la faveur que nous avons aujourd'hui de posséder Notre-Seigneur tout spécialement au milieu de nous, de continuer nos entre­tiens sur les péchés capitaux. Parlons des sentiments qu'il faut avoir en présence de Notre-Seigneur. Cela nous servira pour aujourd'hui et pour toutes nos adorations.

La volonté très certaine de Notre-Seigneur est que nous soyons pour lui des a­mis comme il en a eu pendant sa vie mortelle. Il veut trouver ici Nazareth, Béthanie et l'affection dont l'ont environné ses apôtres pendant sa vie apostolique. (Le Père [Jean] développe les pensées que ceux qui ont été les amis de Notre-Seigneur pendant sa vie mortelle ont eu des sentiments d'amour et de compassion, (répara­tion).

A Nazareth contemplons toutes les marques d'amour qui lui ont été données en toute circonstance par Marie et Joseph, par les amis de la famille, par ses pe­tits amis d'enfance dont les premiers Pères de l'Eglise nous rapportent qu'ils se di­saient entre eux: Eamus ad suavitatem, voyant en lui l'idéal de la douceur, de l'a­mabilité et s'en exprimant avec une naïve simplicité.

Si Nazareth ne suffit pas, car nous avons l'imagination si changeante et si mo­bile, voyons Béthanie où Jésus a été aimé et où il aimait si fort d'après l'Evangile, 68 où l'arc our contemplatif de Marie, l'amour actif de Marthe et l'affection de Lazare l'attiraient, surtout dans les derniers jours de sa vie publique.

Voyons-le encore avec ses disciples qui ont été gagnés bien vite par son ama­bilité et qui lui ont aussi témoigné leur amour autant que leur nature grossière le pou­vait; voyons surtout St Jean notre modèle. Mais nous n'avons fait que la moitié de ce que nous avons à faire en aimant: pas d'amour sans réparation et, j'oserais le dire, c'est un privilège que nous avons au dessus des anges et des saints du ciel. Eux ne peuvent plus qu'aimer. C'est ce qui faisait dire aux saints avant leur mort: toujours souffrir, non pas mourir.

La compassion pour Jésus, Marie et Joseph ne l'ont-ils pas éprouvée à Beth­léem d'abord, puis plus tard au temple. Marie surtout n'a-t-elle pas compris par les prophéties ce que devait souffrir son petit Jésus? Elle gémissait de le voir mécon­nu, persécuté déjà à Nazareth et dans son enfance, car il a dû l'être par ceux qui étaient mauvais en cette ville, et la compassion n'a-t-elle pas excité dans les cœurs qui l'aimaient là, car il aura certainement dit 69 quelque chose de ce qu'il devait souffrir de la part des hommes.

Compassion aussi à Béthanie, compassion des apôtres dans les diverses circons­tances de sa vie où ils le virent persécuté même avant sa Passion et quand il leur parlait de ses souffrances à venir. Au Cénacle par exemple, est-ce que St Jean, le premier prêtre réparateur n'a pas éprouvé le besoin de le consoler par beaucoup d'amour de l'indifférence qu'il a dû prévoir de la part des hommes quand Notre­-Seigneur eut fait comprendre l'institution permanente de la Ste Eucharistie, ne l'a-t-il pas lu dans son cœur où il reposa sa tête l'amertume qu'y provoquait l'in­gratitude des hommes?

Vivons donc aussi dans ces sentiments de réparation. Amour et réparation, pas l'un sans l'autre, mais l'un avec l'autre, l'un après l'autre. Que ce soient là nos sen­timents habituels. 70

Continuons notre conversation ordinaire en parlant de deux péchés capitaux.

1. La colère, vice et passion. Comme passion elle est bonne ou mauvaise suivant qu'on la dirige bien ou mal, Comme vice toujours mauvaise, c'est la passion mal dirigée.

Le Père [Jean] la divise et la caractérise. Ses filles sont [1°] les rixes, 2°…. Ces deux ne se trouvent pas dans les communautés; 3° Le gonflement de l'esprit; 4° l'indignation, 5° la clameur, l'injure.

Elle a trois caractères: 1° l'emportement ou l'aigreur qui ne dure pas, mais naît des plus petites causes. 2° l'amertume qui dure longtemps contre celui qui ne nous a pas témoigné la considération que nous nous croyons due; 3° la violence qui se traduit par des paroles ou des actes tendant à la vengeance.

Le remède est surtout dans l'imitation du Cœur de Jésus: discite… (Mt 11, 29). La douceur a été sa vertu la plus manifeste.

II. La luxure, vice honteux qui a cinq manières de se produire: pensée, sentiment, délectation, consentement, action.

Considéré dans l'objet atteint on le divise en fornication, stupre, etc.

Ses suites: pour le corps c'est la dégradation; pour l'âme c'est l'obscurcissement de l'esprit: Cœcitas mentis: inconsideratio, praecipitatio; pour la volonté: subversio juris(?) odium Dei.

On combat ce serpent par la fuite: le lion de la colère en…

Le Père [Jean] pour détourner, dit-il, l'esprit de ces vices hideux qui peuvent nuire même en y pensant, pour les combattre commente le psaume Laudate Domi­num in sanctis ejus (Ps 150,1) en l'appliquant au Cœur de Jésus pour qui on y demande l'action de grâces, la réparation, le triomphe. Penser au Cœur de Jésus, en réciter l'office. /


1)
II,1Le 7 avril 1880, déjà trois jeunes sœurs Servantes étaient mortes en peu de mois: sr Marie de Jésus, le 27/8/1879; sr Marie-Xavier, le 11/10/1879; sr Marie de Gonzague, le 15/3/1880. Sr Marie des cinq Plaies mourra le 12/4/1880. Il se répandit le bruit qu’elles avaient été empoi­sonnées, pour couvrir des crimes. On pensa de faire exhumer leurs dépouilles mortelles. Les jour­naux anticléricaux voulaient monter un gros scandale. P. Dehon passa des mois d’angoisse (cf. NHV XIV, 17). Mère Marie du Cœur de Jésus, fondatrice des Servantes, affirmait, avec grande foi, que les quatre jeunes sœurs étaient les quatre colonnes de la Congrégation. Elles s’étaient en effet offertes comme victimes d’amour et Dieu avait accepté leur offrande (cf. NHV XIV, 18­19; VP, p. 606). En particulier sr Marie de Jésus, sœur cadette de la Fondatrice, avait offert sa vie, pour que p. Dehon, gravement malade de phtisie, puisse être conservé à son œuvre et Dieu l’avait exaucée (cf. VP, pp. 633-647).
2)
II,8Le 12 avril 1880 mourut sr Marie des cinq Plaies, Servante du S.-Cœur (cf. Note l. II,1).
3)
II,9Ici sont insérés deux entrefilets de journal: un sur les funérailles de sr Marie des cinq Plaies et sur ses autres jeunes consœurs défuntes et un sur les Jésuites de la maison de Liesse, officiel­lement expulsés, aux termes des décrets du 29 mars 1880.
4)
II,20P. Dehon se réfère probablement aux décrets contre les religieux du 29 mars 1880. La deman­de d’autorisation devait être présentée avant le 29 juin, date limite sous peine de dissolution et d’expulsion.
5)
II,24P. Alphonse-Marie Rasset, au siècle Adrien, était né à Juvincourt (Aisne) le 12.9.1843. n fut ordonné prêtre à Soissons le 6.6.1868. Il entra chez les Oblats du S.-Cœur le 28.6.1878; émit ses premiers vœux le 8.9.1879 et ses vœux perpétuels le 17.9.1886. Il fut Conseiller et Assis­tant Général de 1886 à 1905. II mourut à Lille le 4.11.1905.
6)
II,31Le novice Falleur a inséré à p. 30-31 une feuille avec un tableau synoptique de la conféren­ce du vendredi 14 mai 1880. Nous, nous la reproduisons à p. 64.
7)
II,38Ce sont les bruits et calomnies répandus sur p. Dehon à la suite de la mort, en peu de mois (du 27/8/1879 au 12/4/1880) des quatre jeunes sœurs Servantes (cf. Note 1. 11, 1 et note 3. 11, 9). P. Dehon écrit dans ses «Mémoires»: C’était un grand deuil; mais le public chercha des explications. Les commérages (bruits) marchaient. On parlait d’empoisonnements pour couvrir des crimes. On pensait à une exhumation. C’était un Tolle. Des reporters de la presse maçonni­que de Paris étaient venus pour monter un grand scandale. Je passai plusieurs mois dans ces an­goisses (NHV XIV, 17; VP, p. 606).
8)
II,60Il s’agit évidemment d’une volonté de permission de la part de Dieu, comme dit p. Dehon dans cette même conférence: Il (Dieu) veut jusqu’à un certain point le mal qui vient de la liber­té mal employée, puisqu’il veut cette liberté dont l’homme abuse (II, 58-59).
9)
II,62Nous avons complété la phrase qui souligne la conviction extraordinaire avec laquelle s’expri­me p. Dehon.
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