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CAHIERS FALLEUR

V

CONFERENCES ET SERMONS

20 décembre 1880 - 21 octobre 1881

Nécessité de l’obéissance

Nous avons vu combien est excellente l'obéissance qui nous rapproche de Jé­sus et nous fait ressembler à Lui, qui est la source et la gardienne des vertus, qui est un gage de salut. Mais nous devons aussi l'aimer à cause de sa nécessité, car el­le est nécessaire et à l'Ordre et à nous-mêmes.

Dans toute communauté il faut de l'unité sans quoi il y a désordre. Voyons la Ste Trinité: il y a trois personnes, mais unité dans cette Trinité; il y a l'obéis­sance substantielle du Fils qui assure cette unité et le St-Esprit fortifie l'union en­tre le Père et le Fils, établissant l'autorité de l'un et l'obéissance de l'autre.

Dans la cité céleste même unité: les habitants du ciel, quoique différents entre eux forment cependant un seul corps de saints chantant les louanges de Dieu.

Dans la nature, malgré les mystères qui s'y trouvent encore quoiqu'en disent les prétentions de la science, on distingue très bien cette loi générale qui unit tous les êtres, qui soumet les uns aux autres pour les centraliser et les unifier. 2

Dans l'Eglise nous voyons aussi l'unité des membres et de la tête, des fidèles et des pasteurs; et il n'y a qu'un troupeau et qu'un pasteur. Dans la société, dans la famille, toujours unité entre les membres sans quoi le désordre intervient aussi­ tôt. Si donc nous voyons la nécessité de l'unité partout [où] il y a société, ne faut­[il] pas l'admettre dans une Congrégation qui est comme une petite famille dans l'Eglise? Pour l'Ordre il faut l'unité,et pour l'unité il faut de l'obéissance, il faut que chaque membre accepte le rôle qui lui est dévolu. Que dirait-on si le pied vou­lait être l'œil? Cela prête à rire, mais la monstruosité n'est pas moindre quand un sujet se refuse à l'obéissance et veut autre chose que ce qui lui est attribué dans le corps de l'Ordre.

L'obéissance est encore nécessaire à notre liberté.

Elle délivre et nous affranchit des erreurs de notre jugement propre et de no­tre volonté propre, erreurs si faciles et si profondes,. en nous montrant le jugement et la volonté de Dieu.

Elle offre toujours à notre liberté un chemin sûr où elle peut courir sans crain­te. Il semblerait cependant que l'obéissance mette des entraves à notre liberté, 3 à la mauvaise, oui, pas à la bonne, car il y a en nous, dit Bossuet dans un sermon sur la vêture, deux libertés, celle de mal faire et celle de bien faire; souvent elles se contredisent et s'annulent; l'obéissance supprime la mauvaise et favorise l'autre. On explique cela par plusieurs comparaisons: voici une locomotive: elle a, semble-t-il, de fortes entraves, elle ne peut aller ni à droite ni à gauche; elle est sur des rails qui gênent sa liberté dans ces deux sens; et cependant ces entraves fa­vorisent sa liberté de marche en avant, de courir, de voler dans le sens qui lui est tracé; ces entraves la délivrent des obstacles qu'elle rencontrerait de la part du ter­rain.

Considérons l'eau d'un canal: elle n'est pas libre de s'étendre et d'inonder à son gré tous les environs; mais quelle force elle possède avec les entraves qui lui sont imposées! Elle peut porter des bateaux et irriguer régulièrement les environs.

Mgr Plantier donne aussi une comparaison poétique:

de même qu'un satellite, la lune par exemple, gravite régulièrement autour de son centre et en reçoit le mouvement et la lumière, de même l'obéissance nous atta­che à Dieu.1) 4

Sur les circonstances

Aujourd'hui pour notre dernier entretien avant Noël, il est bon de nous entre­tenir un peu des fêtes qui vont suivre. Il se présente cinq circonstances qui deman­dent de nous des dispositions particulières. D'abord la fête de Noël, celle de St Jean, la fin de l'année civile, les effusions de grâce dont Notre-Seigneur nous com­ble depuis deux mois, et enfin les résistances et les misères qu'il trouve en nous.

Nous n'avons qu'un désir, celui de plaire à Jésus. Or dans cette fête de Noël ce n'est pas en recherchant le côté sensible de la grâce et se procurant une joie na­turelle que nous le satisferons. Il n'est monté qu'une fois au Thabor, et encore il y parlait de sa passion et défendait à ses trois disciples de se délecter par le souve­nir de sa transfiguration en la racontant. Jamais il n'est dit qu'il a ri et il est rap­porté 7 ou 8 fois qu'il a pleuré. Sans doute il ne nous veut pas de la tristesse, mais que nous nous abandonnions à lui pour l'une et l'autre. Il ne nous interdit pas la paix promise aux hommes de bonne volonté, mais 5 ce qu'il demande surtout c'est la vie d'amour et de réparation pour le compenser par notre immolation de la peine qu'il éprouve en ces jours de fête à voir ses amis même rechercher trop avidement leurs joies et leur contentement.

Le jour de St Jean demandons-lui surtout dans la communion, en mémoire du privilège du disciple bien-aimé, les grâces qui nous sont nécessaires pour le con­soler.

Cette année a été l'année de contradiction; je le sais mieux que personne par­ce que je n'ai pu tout dire, mais ceux qui ont été mis un peu au courant le sa­vent aussi; par la grâce du Cœur de Jésus nous avons triomphé.2) C'est la prépa­ration à l'épreuve et au Consummatum est. Nous avons reçu des grâces immenses, cette année, grâce d'affermissement pour l'œuvre au dehors et au dedans, dans vos cœurs. Personne de vous n'oserait plus douter de sa divinité. Le doute serait un blasphème; grâce d'accroissement par les vocations ou réalisées ou en espérance; grâces intérieures reçues par chacun. Tout cela exige notre reconnaissance. Aussi va-t-on terminer 6 par une neuvaine d'action de grâces en chantant le Magnificat 5 minutes avant 3 heures.

Mais sur le sentiment de la reconnaissance qui est la forme moindre du sacri­fice doit dominer le sentiment de l'expiation et de la réparation pour toutes nos misères. La reconnaissance est quelque chose de trop doux pour une victime; la réparation lui convient mieux et c'est dans ce sens que Jésus nous dirigera à moins d'un attrait particulier qu'il développerait lui-même en quelqu'un. Nous joindrons au Magnificat le chant d'un psaume de la pénitence pour expier toutes nos fautes de l'année et ne pas l'achever par une légère pénitence d'un jour.

Enfin à l'occasion de Noël et à la vue des grâces si abondantes déversées sur nous par le Cœur de Jésus, exprimons nos désirs au divin Enfant, mais sans em­pressement et inquiétude et bien plutôt avec un plein abandon sur le résultat. Ne nous inquiétons pas pour l'étendue et le développement de l'œuvre: il sera temps seulement d'y penser avec le Consummatum est et la Pentecôte. 7

Exprimons nos sentiments au divin Enfant sur une petite lettre qui sera déposée sous la crèche pendant l'Octave de Noël. Demandons-lui si nous voulons, la vo­cation de quelques âmes qui nous seraient chères, pour qu'il les appelle à être ou ses colombes ou ses agneaux mais faisons tout en paix et abandon. C'est la meil­leure manière de bien demander.

Souhait pour la fête de St Jean

Le P. Alphonse ;[Rasset] au nom de tous a dit en substance:

Au lieu de bouquet nous vous présentons une couronne, la couronne de nos saints patrons: St Alphonse, le dernier des docteurs, parlant au nom de tous; St Barthé­lemy, qui n'a trouvé rien de mieux que de donner sa peau; St Thaddée… St Sta­nislas et Berchmans, les enfants gâtés de la Ste Vierge, St Matthias qui a dû avoir des confidences comme St Jean puisqu'il remplaçait celui auquel Notre-Seigneur s'est 8 le moins confié; St Marc, un des intimes du cénacle; St Martin qui entre autres miracles faisait comme St Jean marcher les boiteux; St Jean-Baptiste, un a­mi de Jésus et de St Jean; St André qui a eu une affection toute particulière pour la Ste Vierge et dont l'apostolat n'a eu de fruit que par elle selon la tradition.3)

Le Père [Jean] a ajouté: à cette couronne il faut joindre les pierres précieuses que promet l'avenir. Je m'attendais à vos vœux comme vous comptiez sur les miens, a-t-il dit ensuite, offrons-les tous ensemble à St Jean pour sa fête. Voici quelle doit-­être la note pour aujourd'hui et demain: Nous avons été un peu gourmands dans nos demandes au petit Jésus. Nous avons demandé beaucoup de naissances. Or, in dolore parturies (cf. Gn 3,16). Pas de naissances sans douleurs. Si nous voulons ê­tre exaucés même partiellement, il faut offrir à Jésus par St Jean des cœurs pleins d'un amour compatissant. Tels ont été les sentiments de la Ste Vierge: elle n'a é­té la mère de tous les chrétiens que parce qu'elle a été surabondamment la mère de douleurs. 9

Conservabat verba haec in corde suo conferens (cf. Le 2,19).

En voyant les portes fermées, elle voyait les cœurs rebelles à Jésus; elle en gémis­sait et l'aimait plus encore pour réparer cette dureté; en voyant la pauvreté de l'é­table, elle voyait Jésus entrant dans des cœurs non purifiés, ouverts à tous les vents des passions, même les cœurs consacrés. Elle excitait son amour pour Jésus et s'offrait à réparer par une plus grande netteté du sien.

Je demande que tous fassent aujourd'hui une demi-heure d'adoration supplémentaire près de la crèche en repassant en son cœur ce que nous venons de dire.

Le Père [Jean.] annonce que les sœurs réclament leur tour de la messe de St Jean. Pour unir un peu les communautés le Père [Jean] prendra pour aller là lui servir les deux plus anciens novices non-prêtres.4) Il termine par l'accolade qu'il donne paternellement et aimablement à tous. Il adresse ensuite quelques mots aux hôtes qui sont survenus pour lui souhaiter aussi la fête. 10

Sur la mystique des Fêtes de Noël

Après les quatre semaines de préparation à la venue du Sauveur, qui nous rap­pellent les 4 mille ans avant la naissance de Jésus, qui sont consacrées à la péniten­ce et à la purification et sont le symbole de la vie purgative, arrive Noël, la grande fête, Noël, le jour où apparaît le soleil de justice pour éclairer tout de sa divine lumière. C'est l'imagé de la vie illuminative: ce sont des grâces d'illumination que nous trouverons près de la crèche.

Au moment de l'année où les ténèbres sont le plus durables et qui figurent bien l'état du monde à la naissance du Sauveur, le moment aussi où la lumière commence à regagner sur les ténèbres, Notre-Seigneur a voulu naître et venir par sa grâce éclairer tous les hommes. Allons à la crèche, nous y serons éclairés sur les vertus de l'enfance du Sauveur. Sans doute il y a des grâces pour d'autres vertus, mais maintenant là sont les plus abondantes: son humilité, sa douceur, sa simplici­té surtout, et sa confiance, ces vertus signes distinctifs d'un Oblat, d'une victime. 11

A côté de Noël se placent les grandes octaves que la ste liturgie a associées à la grande fête. C'est comme un hommage que les différentes catégories de saints viennent rendre au divin Enfant.

C'est d'abord St Etienne lui offrant la couronne du martyre: porte-couronne et porte-étendard. St Etienne, chef des martyrs vient au nom de tous les 20 mil­lions de martyrs offrir son sang à Jésus en retour du sien. Il vient le premier par­ce que le martyre du sang est la plus vive marque de l'amour: Majorem hac dilec­tionem nemo habet… (Jn 15,13). Il vient représenter l'ère des martyrs, la premiè­re de l'Eglise et qui dure 300 ans.

Après lui St Jean, apôtre, docteur, évangéliste. St Jean vierge, vient offrir les prémices de l'ère des docteurs qui suit celle des martyrs, et des vierges des deux sexes qui brillent dans l'Eglise après les martyrs et les docteurs. Apôtre dans ses é­pîtres, évangéliste dans son évangile, prophète dans son Apocalypse, St Jean joint à cette triple couronne, celle de la virginité qui l'a rendu le privilégié. 12

Selon la tradition il aurait, pour suivre Jésus, laissé non seulement ses filets mais une alliance promise. De là son privilège de la cène, son privilège d'être asso­cié à la virginité de Marie et de la recevoir pour Mère. St Jean vient offrir au di­ vin Enfant toutes les vierges qui l'ont suivi par amour pour Jésus.

Enfin les saints Innocents commencent cette multitude d'enfants morts en bas âge et dont les âmes innocentes vont au ciel adorer leur Dieu. Ceux-là sont les pré­mices de tous les autres et offrent avec leur innocence leur propre sang. Ils nous apprennent que Dieu aime l'innocence et la simplicité.

Unissons-nous à ces mystérieux symbolismes de la sainte liturgie et profitons des grâces d'illumination que le saint enfant Jésus nous réserve près de la crèche. Hâtons-nous si nous ne sommes pas sortis encore de la voie purgative de regagner ce temps par une prompte pénitence afin de recueillir plus tôt les grâces d'illumi­nation. 13

Souhaits du nouvel an

En ce jour les liens de la reconnaissance sont renouvelés et consolidés. Cha­cun commence par ceux où son cœur le porte le plus. L'enfant va à son père, la sœur à son frère, l'épouse à son époux. Mais ne trouves-tu pas tous ces titres dans mon divin Cœur? Ainsi donc, c'est à moi que tu dois d'abord t'adresser, mais a­vec des sentiments de repentir et de pardon pour les grâces et les bienfaits non employés.

Que peux-tu me souhaiter qui me soit plus agréable que l'amour des âmes que j'ai rachetées de mon sang et surtout des âmes qui me sont spécialement chè­res et qui sont plus ingrates souvent que les chrétiens ordinaires qui n'ont pas re­çu les mêmes lumières et les mêmes grâces. Que désiré-je sinon de voir ces âmes mener une vie pleine de foi, d'espérance, de fidélité et d'abandon?

Invite ma sainte Mère et St Joseph mon Père nourricier et le vôtre à te pré­senter eux-mêmes à moi pour être accepté avec plus de complaisance. 14

Ne savent-ils pas mieux que personne ce qui est agréable à leur divin Fils et leur présence dispose par avance mon divin Cœur en faveur de ceux qu'ils pren­nent sous leur protection.

C'est d'abord mon sacré Cœur, la source de toute grâce, l'abrégé de toute vertu, de tout mérite, qui mérite la reconnaissance et l'amour. Adresse-toi aussi au Cœur de Marie et de Saint Joseph. Salue-les par mon divin Cœur qui fut sur la terre leur plus grande félicité et qui fait maintenant pour l'éternité leur joie et leur bonheur. Son bonheur est leur bonheur, sa joie est la leur; aussi s'attristent-­ils s'ils le voient attristé et sa peine et ses souffrances sont de nouveau les leurs. Adresse-toi encore à tous les saints, particulièrement à ceux que je vous ai donnés pour patrons, et qui par leur vie de souffrance et de sacrifice ont plus fidèlement reproduit la vie de mon Cœur. Offre-leur ce divin Cœur qui est pour eux la sour­ce des grâces et du bonheur; fais cela en reconnaissance des grâces qu'ils t'obtien­nent par leur protection. 15

Mais comme personne n'est oublié en ce jour de joie, pense aussi aux Anges et spécialement à vos anges gardiens qui vous assistent d'une si bienveillante pro­tection et en retour de leurs services offre-leur mon divin Cœur en qui ils trouvent tout leur bonheur. Louez Dieu dans ses anges et dans ses saints… 16

L'année qui vient d'écouler a été une année de contradictions:5) moins sen­sibles pour vous surtout celles qui regardaient la direction et l'administration, elles n'en ont pas moins été réelles; du reste, les contradictions extérieures ne sont pas faites pour les novices; ils en rencontrent assez dans l'affaire de leur formation.

Selon toutes les prévisions et le cours ordinaire des choses surnaturelles, il faut s'attendre à ces secousses que la Providence ménage à toute œuvre qui com­mence pour la consolider. Les vocations plus nombreuses de cette année ont éten­du l'œuvre et l'ont fait connaître. Satan, lui s'en inquiète, il va agiter ses suppôts et comme il imite les œuvres de Dieu, il saura bien lui aussi leur faire connaître ce qu'il attend d'eux envers cette œuvre. Pour nous garantir de ses attaques, nous allons prendre pour patron secondaire un saint bien puissant contre lui et cette dé­votion répondra bien à vos désirs: nous allons recourir à St Michel archange. On fera une neuvaine en récitant le chapelet de St Michel qui n'est pas bien long 17 et nous le supplierons de protéger l'œuvre du Cœur de Jésus. Comme un général qui laisse les remparts à défendre à ses soldats, mais qui se porte lui-même à la dé­fense de la citadelle, St Michel prendra à Cœur de défendre le Cœur de Jésus qui est la citadelle de l'Eglise.

Un autre saint à qui nous allons commencer une neuvaine est St François Xavier: vendredi nous allons lui faire un présent qui, il est vrai, n'est pas grand' chose: un père va faire ses vœux.6) A cette occasion demandons en retour deux grâces, une temporelle: le gain d'un procès non pour le résultat temporel lui-même, mais pour éviter le scandale d'aller d'appel en appel et ensuite pour n'être pas o­bligé pour le gagner de soutenir une chose moins exacte qui le ferait gagner.7) Demandons-lui aussi qu'il nous donne une sœur comme il nous a donné un père. Cette vocation est encore pendante. Le saint apôtre, ne voudra pas nous refuser ce que nous demandons; il le fera. On récitera pour cette neuvaine la prière employée pour la neuvaine de la grâce. On commencera les deux neuvaines à Soissons et à Lille; ce qu'ils feront après nous sera en action de grâces. 18

Hier un père Augustin nous a été donné et aujourd'hui deux noms annoncés ont été désignés. Mais pour vaincre les résistances que quelques appelés font à la grâce, et particulièrement le p. Augustin, il faut prier beaucoup.8) Nous aurons aujourd'hui station devant le Saint-Sacrement depuis midi jusqu'à 7 heures, deux adorateurs toujours. Espérons et prions.

Afferte Domino filios arietum (Ps 28,1).

Aujourd'hui nous venons offrir un sacrifice au Seigneur. Un Père qui se voue entièrement à l'immolation, un autre qui fait un pas de plus dans cette voie et lin troisième qui ne fait qu'entrer.9)

Pour cette offrande il convient bien de méditer ce psaume de l'oblation que la ste liturgie mettait hier au début de l'office. Adorate Dominum in atrio sancto ejus (Ps 28,2): adorez son Cœur car c'est-là le sanctuaire le-plus intime et le plus saint. Oui, adorons-le, car il a parlé; sa voix s'est fait entendre au-dessus des eaux, c'est-à-dire au milieu du monde. Aqua multa, populi multi (cf. Ap 17,15), dit St Jean. Sa voix a eu l'éclat de la foudre, Deus… intonuit (Ps 28,3) 19 et il a parlé plus haut qu'un monde bien fort, Super aquas multas (Ps 28,3), il a déployé la puissance, Vox Domini in virtute, ou encore: il a parlé aux forts, in virtute, et à ceux qui vivaient dans le luxe in magnificentia (Ps 28,4). Il a brisé les résistan­ces comme un cèdre du Liban et les a cerasé comme la génisse du Liban. Il a é­teint toutes les ardeurs des affections terrestres, vox Domini concutientis flammas (cf. Ps 28,7-8), il a parlé au milieu de ce désert du monde.

Et ensuite,après s'être ainsi manifesté par sa puissance, il se manifeste par un déluge de grâces: Dominus diluvium inhabitare facit (Ps 28,10). Il récompense le sacrifice par grâces proportionnées. Il donne la force: Virtutem populo suo dabit (Ps 28,11); puis ce qui suit le sacrifice, sa bénédiction avec la paix du cœur: Be­nedicet populo suo in pace (Ps 28,11).

Avantages et nécessité de l’obéissance

Nous avons vu son excellence, son extension, puis aussi sa nécessité pour le religieux lui-même et pour l'Ordre 20 dont elle est la base et la force, parce qu'elle en fait l'union. L'obéissance est encore une source de mérites. C'est l'immolation de tout ce qu'il y a de plus intime en nous et par conséquent c'est le sacrifice le plus agréable à Dieu. Pas un acte dont l'obéissance ne double le mérite. Faire une prière, c'est excellent, la faire par obéissance c'est deux fois excellent. Elle sancti­fie tout en immolant,en tout,notre volonté et notre jugement.

La perfection de l'obéissance nous est nécessaire à nous Oblats, les victimes du Cœur de Jésus. Nous n'avons pas les austérités des Capucins, des Chartreux, des Trappistes; il ne nous reste pour être victime qu'à pratiquer l'immolation inté­rieure; or, la forme habituelle de celle-ci n'est-ce pas l'obéissance?

Nous n'aurons pas tous les jours des sacrifices extraordinaires, des pertes de parents, des peines intérieures, mais tous les jours l'obéissance nous donne les élé­ments de l'immolation intérieure qui est la seule que Notre-Seigneur demande habi­tuellement de nous. Ou notre obéissance sera parfaite ou nous ne serons pas. Les promesses du Sacré-Cœur sont pour ceux qui ont pour lui de la dévotion, 21 mais particulièrement pour l'Ordre de son Cœur. Si nous ne sommes pas bien victimes avec Lui, nous n'aurons pas de part à ses promesses et à ses grâces, et la grâce faisant défaut, ceux qui s'en seraient ainsi privés perdraient leur vocation. Or, on n'est bien victimes que par l'obéissance qui est de tous les instants et sur tous les points quels qu'ils soient, sur le silence par exemple qui est si souvent enfreint en­core; il ne faut pas parler sans une vraie nécessité, et même parler quand il suffi­rait d'un signe, est manquer à la règle du silence. Selon que nous nous laissons im­moler par l'obéissance, Notre-Seigneur donne ses grâces; mais aussitôt que nous y résistons, les grâces s'arrêtent. C'est une expérience, hélas, fréquente.10)

Nécessité de l’obéissance

Nous avons vu lundi que l'obéissance multiplie nos mérites en faisant de cha­que acte un sacrifice, un holocauste, une immolation de ce qui est le plus intime en nous; elle nous rend plus semblables à Jésus dont toute la vie n'a été qu'immo­lation de la volonté. 22

Aujourd'hui considérons la nécessité de l'obéissance pour le succès de nos œuvres. Quand nous agissons par obéissance, ce n'est plus nous mais Dieu même qui agit; c'est Lui qui s'engage: l'action est surnaturalisée et vivifiée par la vie divine qui opère tout ce qui est surnaturel. Qui regula vivit, Deo vivit Dieu est acteur et nous instrument, et si Lui n'est pas assez puissant pour le succès, le serions-nous plus que Lui? Le succès peut-il être mieux assuré que quand lui-même le poursuit? Peut-être, en apparence, sommes-nous loin du succès; obéissons quand-même en aveu­gle. Voyez Isaac; il obéit aveuglément; il porte du bois sans voir la victime; il s'é­tend sur le bûcher à la parole de son père sans savoir pourquoi, mais devinant sa mort. Que pouvait-il attendre humainement parlant? Et cependant Dieu a fait com­mencer là la gloire d'être le père du Messie et de tous les croyants. Quel résultat immense a eu cet acte d'obéissance! St Joseph après avoir obtenu par miracle une épouse chaste, 23 la voit devenir mère; il n'y comprend plus rien; un ange le rassure et l'instruit. On lui dit que cet Enfant doit régner sur Israël et voilà qu'il naît dans une étable; il doit être adoré et on lé persécute; il faut fuir en Egypte, lui est-il ordonné; il n'y comprend plus rien; il obéit cependant et entreprend les pé­rils du voyage et du séjour. Aussi cette obéissance héroïque lui vaut-elle de coopé­rer avec Jésus à l'œuvre de la Rédemption en en hâtant le moment.

Nous aussi, obéissons en aveugle: c'est la garantie du succès: Vir obediens lo­quetur victorias (cf. Pr 21,28). Plus nous obéissons, moins il y a de nous et plus il y a de Dieu, et plus il y a de Dieu, plus l'œuvre est parfaite.

Quoique je parle rarement de moi n'ayant guère de bon à en dire, j'avoue que l'acte d'obéissance qui m'a fait venir à Saint-Quentin malgré mes répugnances pour le ministère séculier, a été le point de départ de grâces immenses: j'y ai trou­vé l'Ordre du Sacré-Cœur.11) 24

Des péchés contre l’obéissance

25 On pèche contre le vœu d'obéissance par la désobéissance extérieure car le vœu n'impose pas autre chose. Cette désobéissance est grave:

1° quand le supérieur a commandé en vertu de la ste obéissance,

2° quand il a commandé d'un ton solennel,

3° quand, commandant simplement, la désobéissance entraîne un tort grave pour la communauté ou un tiers.

On pèche contre la vertu d'obéissance en maugréant intérieurement contre ce qui est ordonné, c'est-à-dire quand on ne joint pas l'obéissance intérieure ou du jugement et de la volonté à l'obéissance d'action.

L'obéissance comme la pauvreté a aussi sa perfection qui est seulement de conseil et qui n'étant pas observée n'entraîne pas de péché, c'est:

1° de considérer Jésus-Christ dans la personne du supérieur,

2° de ne négliger aucune règle mais d'attacher à toutes la même importance.

Pour nous à qui le vœu d'immolation impose la vertu d'obéissance, nous pé­chons contre les vœux en péchant contre la vertu d'obéissance.

La solennité du vœu enlève à celui qui le fait toute libre disposition de lui­-même et tout acte provenant de lui 26 en dehors de l'obéissance est invalide. Le vœu simple ne fait que rendre illicites ces actes.

La solennité des vœux qui donne à l'obéissance toute sa perfection est un motif bien légitime pour nous de demander à Notre-Seigneur et désirer l'approba­tion de Rome sans laquelle elle est impossible. Cette approbation nous ferait en­trer davantage dans l' ordre de l'Eglise et nous placerait dans la hiérarchie qui la compose.

Exerçons-nous pendant le noviciat à l'obéissance afin qu'au moment de faire des vœux nous n'ayons ni craintes ni scrupules et que nous[ne]le violions pas en­suite.

Nous allons continuer à parler de l'obéissance pendant quelques semaines pour nous y affermir de plus en plus. Elle doit tellement être le fond de notre vie puis­que par elle seule nous pouvons nous immoler sans cesse, que nous ne saurions trop nous y appliquer. Elle doit être comme le cachet de notre vie. Par elle nous pouvons être martyrs. Il est bien possible que la grâce du martyre soit donnée à quelques-uns, mais si tous ne peuvent donner ainsi leur vie 27 en abrégé, tous peuvent la donner à la louange et instants par instants . Et certainement Notre-Sei­gneur accordera quelque chose de la gloire du martyre à ceux qui auront été ainsi immolés durant toute leur vie.

Un conseil de perfection de l'obéissance est d'observer les moindres règles. Le vœu n'y oblige pas, car il n'oblige qu'à l'exécution des commandements formels et des règles majeures. Cependant pour obéir parfaitement, il ne faut rien négliger des moindres règles. Un second conseil pour se perfectionner dans l'obéissance est de tout faire par obéissance et de ne rien laisser à sa libre disposition; faire régler tout ce qui ne le serait pas, pratiquer par obéissance dans tous les exercices, les vertus spéciales qui y sont recommandées, prévenir les désirs et les ordres des supé­rieurs et demander même leur volonté sur les choses laissées libres. C'est ainsi que nous multiplierons nos immolations et que nous répondrons au désir du Cœur de Jésus, qui attend maintenant beaucoup. Nous sommes maintenant 16 et ce que nous pouvons attirer de grâces est prodigieux. Chaque immolation amène une grâ­ce pour l'œuvre et quand on en sait le prix, quand on n'ignore pas que chaque grâce est comme l'anneau d'une chaîne, 28 qu'une grâce dédaignée la chaîne est rompue, il faut être bien cruel pour n'y pas correspondre et déchirer ainsi le Cœur de Jésus. Notre-Seigneur attend notre concours. Sans doute son Cœur fait la plus grande partie,mais dans toute œuvre divine il faut une participation de l'homme qui en est l'instrument: Adimpleo ea quae desunt passionum Christi (Col 1,24).Ce concours c'est l'obéissance qui l'assure en opérant notre immolation. C'est elle qui nous rend parfaits, car si l'on veut obéir on pratiquera toutes les vertus et c'est-là la meilleure mortification au jugement de St Louis de Gonzague; et Pie 1X disait d'un religieux obéissant: donnez-moi un novice qui ait toujours bien observé sa rè­gle et je le canoniserai.

Il y a eu du relâchement sur ce point chez quelqu'un. Il est temps de se re­mettre à une obéissance parfaite et d'être enfin bien généreux.

De la perfection de l’obéissance

Exécuter les moindres règles comme les plus importantes, prévenir et deman­der même les ordres sur les choses libres, 29 ce sont deux conseils de perfection de l'obéissance. Un troisième est de considérer Dieu dans les supérieurs. Obéir avec a­mour, respect, joie et confiance: là où manquent ces quatre sentiments, l'esprit de Dieu ne s'y trouve pas. L'autorité du supérieur dérive de Dieu par l'Eglise: elle est incontestable et c'est à Dieu même qu'on obéit: Obedite praepositis vestris etiam dyscolis (cf. 1 Pt 2,18; Co 3,22): même à des supérieurs imparfaits.

Pour mieux établir cette doctrine, lisons quelques lignes dont quelques-uns soupçonneront l'origine, prononcées à l'occasion des présents du nouvel an faits aux supérieurs.

`On leur offre des statues… c'est vous-mêmes qui devez vous offrir comme des statues vivantes représentant les saints dont vous portez les noms ou au moins comme une matière s'offrant sans résistance à l'ouvrier qui veut les transformer;12) on leur offre des images et des fleurs, soyez vous-mêmes ces fleurs qui com­me le lys et la violette sont données par le jardinier en présent au maître du jar­din. Soyez des agneaux et des colombes qu'il puisse offrir en sacrifice et non des hérissons qui ne peuvent être offerts en sacrifice. (Avis à ceux qui ne veulent pas perdre leur vocation, dit le Père [Jean]). 30

Nous allons, cette année, célébrer la Purification d'une manière toute spécia­le: Notre-Seigneur y attache d'immenses grâces de purification pour nous si nous la faisons bien. Nous avons peut-être excédé en désirs d'accroissements pour l'œu­vre. Il ne faut plus qu'un seul sentiment: la purification dont tout entière nous ab­sorber. Une neuvaine préparatoire va se faire: d'abord abstinence rigoureuse à mi­di à tout par chacun des Pères; après le chapelet, les psaumes de la pénitence et les litanies; dans la journée et en particulier réciter les 10 dizaines de chapelet qui doivent compléter le Rosaire.

Le diable est furieux de l'accroissement de l'œuvre; il cherche quelqu'un à dévorer. Veiller et prier. Il y aura pour chacun une secousse, un coup de vent iné­vitable. Il le faut pour l'affermissement de la vocation. C'est du reste dans le des­seins de Dieu: lui-même fera notre purification en nous laissant attaquer par le cô­té sensible. Un peu de jeûne, ce n'est pas grand chose; une heure sainte se fait sans trop de peine; aussi pour bien compléter cela Notre-Seigneur se charge d'im­poser à chacun une croix spéciale pour lui au support de laquelle est attachée la purification de tant de fautes, de négligences, dans les années précédentes.

(Prise d'habit des PP. Augustin et Marc; profession du P. Siméon; postulat du Pè­re André).13)

Ego tuli Levitas pro… primogenito (Nm 3,12).

C'était un usage établi de consacrer à Dieu les premiers-nés en victimes pour les autres; ce sacrifice Dieu l'imposa aux Egyptiens dans sa justice; et sa miséricor­de 32 permit aux Hébreux de racheter leurs premiers-nés. Mais il adopta toute une tribu en remplacement des premiers-nés ainsi rachetés. Au dénombrement il y a­vait 22000 adultes dans la tribu de Lévi, et 22000 premiers-nés dans tout Israël. Ceux-ci furent remplacés par ceux-là qui reçurent dès lors la mission d'offrir des sacrifices pour le peuple. Veillez, dit le Seigneur, Ne oriatur indignatio Domini su­per populum (cf. Nm 18,5).

Mais ce n'était que la figure du grand Premier-né offert en ce jour par Marie et offrant comme prêtre le sacrifice qui devait sauver le monde. C'était le Sauveur que Siméon avait sous les yeux, car salutare (Lc 2,30) en hébreux est le même que Salvator ou Jésus.

Une tribu nouvelle a remplacé l'ancienne. Celle-là doit aussi s'immoler pour le salut du peuple et enlever l'obstacle que rencontre la miséricorde pour se déver­ser sur le monde.

Cet obstacle est le péché; et ci cet obstacle est posé par ceux-mêmes qui de­vraient l'ôter, qui l'enlèvera sinon d'autres prêtres?

Voilà notre œuvre dans toute sa simplicité. 33

Comprenons en donc la grandeur: offrons le sacrifice qui doit sauver le monde, c'est-à-dire le sacrifice de nous-mêmes, de notre volonté. Cessons d'être des en­fants pour répondre à la grandeur des desseins de Dieu. Que les anciens renouvel­lent leur sacrifice avec ardeur,et que les nouveaux commencent sans hésiter.

Bien qu'il ne soit pas d'usage de nous réunir pour la conférence en des jours d'exposition, j'ai voulu vous réunir aujourd'hui pour nous unir davantage par l'u­nion des pensées et des sentiments que nous devons avoir.

J'ai d'abord à vous parler d'un saint adorateur du Cœur de Jésus, le Père Claude de la Colombière dont la fête est le 15 février. Il n'est pas canonisé enco­re, mais un Père de la Compagnie de Jésus, un de mes bons amis, s'en occupe ac­tivement, et quand il le sera, sa fête sera célébrée parmi nous.14)

Le Père de la Colombière a été le premier promoteur de la dévotion au Sa cré-Cœur. Nommé supérieur des Jésuites de Paray, 34 il fut le confesseur de la Bienheureuse Marguerite-Marie et reconnut bientôt la divinité de ses révélations. Il se consacra alors comme victime au Sacré-Cœur, il fut agrée par Notre-Seigneur, car bientôt il fut envoyé en Angleterre où il eut à subir toutes sortes de contradic­tions, même la prison, et finalement fut chassé.

C'est que Notre-Seigneur donne aux victimes de son Cœur une croix à por­ter. Il la proportionne à leurs forces,mais il ne les en dispense pas. Le Père rece­vait par l'entremise de la Supérieure [de la Visitation] des billets de la Bienheureu­se pour lui annoncer ce qu'il aurait à souffrir et lui indiquer ce qu'il avait à faire. De retour en France il revint à Paray, où il mourut à l'âge de 42 ans. C'est pour nous un modèle et aussi un protecteur. Nous allons commencer dimanche en son honneur une neuvaine pour lui demander deux grâces:

une spirituelle…

une autre encore: le prompte arrivée de celui qui doit être parmi nous le Pè­re Claude.15)

Parlons aussi de la Purification dont la fête a été si bonne pour nous. On y a senti comme 35 aujourd'hui la présence sensible de Notre-Seigneur. N'oublions pas la reconnaissance pour les grâces qui nous y ont été données Mais en même [temps] nous n'avons pas répondu à tout ce qui nous [a] été demandé; regrettons cette lâcheté et que le sentiment du repentir soit vivant en nous. Enfin soyons vi­gilants. Selon toutes les probabilités cette année est celle de l'épreuve nécessaire à toute œuvre de Dieu. Voilà trois ans que notre œuvre est née, car c'est de ce jour que date son existence16) et de même que la Passion eut lieu dans le mi­lieu de la 4e année de vie publique de Notre-Seigneur, notre œuvre ne tardera pas à passer, elle aussi, par la croix. Soit dispersion officielle, soit toute autre cho­se, soyons vigilants pour ne faiblir que, le moin possible, soyons tous des saint Jean à ce moment; sans doute il y a eu un instant d'oubli; il est allé près de Ma­rie qui la renvoyé près de Jésus et de [la] Croix. Prions-le de nous aider à ce mo­ment. 36

Sur la pratique de l’obéissance

Voir Dieu dans les Supérieurs, et dans le détail, s'habituer à considérer cha­que acte d'obéissance comme fait à Dieu lui-même. De même que le père tient la place de Dieu dans la famille, le prince dans l'Etat, de même le supérieur est l'in­termédiaire des ordres de Dieu pour les religieux. St Paul conseille cela mais aux esclaves, c'est-à-dire à propos d'une autorité plus discutable que toutes les autres: celle du maître sur l'esclave. Servi, obedite… dominis carnalibus sicut Christo (Col 3,22). Sans doute si nous ne voyons Dieu dans nos supérieurs, nous sommes les pi­res des esclaves. C'était la pensée de St Louis de Gonzague, mais si nous obéissons à Dieu en leurs personnes, nous sommes les plus honorés des serviteurs.

Nous avons vu qu'un conseil sur la pratique de l'obéissance est de voir Dieu même dans le supérieur; mais cela est pour tous les religieux; pour nous, nous de­vons ajouter à cela la considération qu'inspire là-dessus 37 notre esprit propre. Au lieu de Dieu mettons le Cœur de Jésus. Ainsi notre vie est une immolation. Or, l'obéissance est la forme habituelle de l'immolation. Nous devons donc la pratiquer comme une immolation directe en voyant Dieu dans nos supérieurs.

De même pour les autres réflexions sur ce sujet. On compare l'obéissance du religieux à celle de l'enfant entre les bras de sa nourrice, ou à celle de l'agneau qui suit son maître. Qui nous nourrit mieux que le Cœur de Jésus? Qui veut voir en nous des agneaux plus que le Cœur de Jésus, agneau lui-même jusque dans le ciel où il en a le nom et la forme? On la compare encore à la cire molle qui se laisse façonner sans résistance selon toute forme. N'est-ce pas ce que veut le divin Cœur: nous façonner à sa ressemblance?

Soyons enfin généreux. Répondons à ses grâces par une obéissance complète. Il n'attend que cela pour faire son œuvre de salut dans le monde. Il est très cer­tain qu'il dépend de nous de hâter son œuvre. Il laisse cela à notre générosité. Ne le contristons pas par notre lâcheté. 38

Sur la perfection de l’obéissance

Voir Dieu dans les supérieurs et (première conséquence) dans le détail, consi­dérer leurs ordres comme ceux de Dieu même, c'est le premier conseil de perfec­tion de l'obéissance.

Une deuxième conséquence du principe qu'il faut voir dans les supérieurs, c'est de se remettre tout entier entre leurs mains comme entre celles de Dieu.

St Antoine estimait extrêmement cette disposition aussi pour y affermir son disciple St Paul le Simple. Il lui faisait faire des corbeilles pour les défaire ensuite, dresser la table comme pour manger, s'y asseoir, puis se lever et la lever comme s'il avait mangé, tirer des légumes pendant des journées pour les jeter terre. C'est qu'en effet n'y eût il d'autre raison à cela que le sacrifice de la volonté, ce qu'il y a de plus intime en nous, cela seul serait une excellente raison. C'est pourquoi nous qui sommes tenus à l'obéissance intérieure de jugement et de volonté, ce se­ra pour nous la première et meilleure raison: le supérieur veut immoler ma volon­. Quels que singuliers 39 que nous paraissent les ordres reçus, quelle que soit la part que le caprice ou la faiblesse nous paraîtront y avoir, nous pouvons toujours supposer que c'est pour immoler la plus intime partie de nous-mêmes, c'est-à-dire pour nous faire vivre de la vie d'immolation que nous sommes venus chercher.

St François d'Assise aimait beaucoup cet abandon du religieux à son supérieur; prenez, disait-il, le corps d'un homme mort depuis quelques heures, habillez-le [de] pourpre ou de haillons, placez-le sur un trône ou sur la terre nue, croyez-vous qu'il fera des réflexions? Ainsi doit être le religieux, l'indifférence d'un cadavre pour ce qu'on fait de lui, et c'est à lui que St Ignace a emprunté l'expression.

St Bernard était dans l'admiration, lui qui s'y connaissait dans la vie religieu­se, pour ces paroles de St Paul: Domine, quid me vis facere? (Ac 9,6). Aller en a­vant ou en arrière, de cette manière ou de telle autre, rien n'est réservé; c'est une parole efficace encore pour ceux qui la redisent: car c'est une de ces courtes aspi­rations qui peuvent se répéter souvent: aimons nous aussi à la répéter, mais en y déterminant le 40 propre de notre vocation: que faire pour aimer et répare? Ce premier conseil de l'obéissance vers Dieu dans les supérieurs peut conduire à la plus haute perfection de l'obéissance et par conséquent peut suffire pour l'obéissance qui nous est demandée.17)

Un autre conseil est de ne pas juger les ordres des supérieurs; nous venons de voir ce qu'en pensaient les saints.

Nous avons vu comment il faut nous exercer dans l'obéissance intérieure et qu'une des raisons de nous y plier est celle-ci: le supérieur doit avoir de bonnes raisons de me commander cela.

L'obéissance intérieure qui chez nous est de rigueur est bien fortement re­commandée par tous les fondateurs d'ordres.

St Ignace demande une obéissance aveugle parce que, dit-il, elle est nécessai­re pour faire du religieux un enfant de Dieu et non un forçat. Sans elle, en effet, le religieux a la condition d'un forçat tandis qu'avec elle il a celle d'enfant de Dieu. Il n'y a pas à craindre d'abaisser son jugement et sa volonté par une obéis­sante aveugle. 41

Quelle est en effet la règle suprême du jugement et de toute volonté? N'est-ce pas la volonté et le jugement de Dieu? Or, où les trouver mieux exprimés que dans la volonté et le jugement des supérieurs qui tiennent immédiatement sa place?

L'obéissance aveugle est encore un remède contre une tentation qui a eu lieu déjà ici pour quelques novices: pour leur montrer ce qui est leur jugement, Notre­-Seigneur leur ôte une lumière sans laquelle ils ne voient plus que déraison et con­tre bon sens dans la conduite du supérieur; tout ce qu'il fait leur parait mal; il n'y a que l'obéissance aveugle qui puisse surmonter cette tentation.

De la promptitude de l’obéissance

La soumission du jugement et de la volonté entraîne la promptitude de l'obéis­sance. Quand on est bien décidé, on ne tarde pas à exécuter. Notre vœu nous o­blige à soumettre promptement le jugement et la volonté, mais la promptitude de l'action ne peut être que de conseil. Autrement il y aurait matière au scrupule pour savoir si le péché contre le vœu commence après 1 ou 5 minutes de retard. 42

Mais la promptitude de l'action suit la promptitude de l'obéissance du jugement et de la volonté. Chez les saints, elle était bien remarquable: à la voix de la règle ils laissaient tout; les Apôtres même, St Jean et St Jacques, aussitôt l'appel de Jésus ne balancent pas: ils ne pèsent pas les considérations du retard; bien dif­férents de ces religieux qui à la réception d'un ordre commencent par en chercher les raisons et l'approuvent seulement après l'avoir deviné…

Retenez ceci comme très important: tout ce qui se fait après le signal est la part du démon. On donne le signal du lever; vous restez 10 minutes au lit, c'est la part du démon qui a ainsi les prémices. De même à l'étude: si on continue a­près la cloche, on lui donne la fin de l'exercice et les prémices du suivant.

La promptitude de la soumission de la volonté et du jugement n'interdit pas les observations qui peuvent même quelquefoit être bonnes et utiles à faire; mais il faut les faire avec pleine indifférence sur leur résultat.

Mais un religieux ne doit pas fatiguer son supérieur par des observations con­tinuelles, qui tendraient alors 43 à faire faire sa volonté par le supérieur au lieu de faire celle du supérieur. Accepter ce qui est imposé, exposer son incapacité si on la croit réelle et puis obéir s'il faut. Dieu aidera et suppléera à l'incapacité par les secours de sa providence, car il est de sa providence ordinaire de secourir l'obéis­sant. Il y a des exemples de miracles opérés ainsi par l'obéissance.

Si, au contraire, le religieux parvenait à amener le supérieur à son désir, ce religieux ne trouverait plus aucune grâce dans un poste ainsi obtenu: Dieu le lais­serait à lui-même, puisqu'il aurait fait sa propre volonté.

Des qualités de l’obéissance parfaite

Voyons encore quelques préceptes et exemples des saints sur la promptitude de l'obéissance. St Bernard étant en extase, la cloche se fait entendre pour un exer­cice des plus simples comme balayer ou autre occupation semblable. Il quitte No­tre-Seigneur, vaque à cet emploi et revient prier; il retrouve Notre-Seigneur qui lui dit: Si tu ne m'eusses quitté, Bernard, je t'aurais moi-même quitté. Preuve de l'im­portance que Notre-Seigneur attache à l'obéissance sur les moindres choses. 44

Ste Lutgarde se trouvant dans le même cas, dit à Notre-Seigneur: Attendez-moi là, Jésus, je vais revenir. Et Notre-Seigneur l'attendit en effet. Le Bienheureux Pierre Lefèvre, un des premiers compagnons de St Ignace, se trouvant malade à Naples, reçoit ordre de retourner à Rome. Les médecins et ses amis s'y opposaient; on aurait pu composer une belle dissertation pour le dispenser d'obéir; mais lui ré­pondit cette belle parole: Un religieux n'a pas fait vœu de vivre, mais il a fait vœu d'obéir. Et il obéit en effet. Son obéissance lui coûta la vie. Ce martyre d'o­béissance lui valut une gloire immense dans le ciel comme lui-même le révéla à u­ne personne à qui il apparut.

St Bernard a une expression exagérée pour bien faire comprendre ce que doit être la promptitude de l'obéissance: le vrai obéissant, dit-il, a plus tôt obéi qu'on ne lui a commandé. St Basile dit de son côté que le parfait obéissant doit se por­ter à l'obéissance comme un affamé au réfectoire.

Une autre qualité de l'obéissance parfaite, c'est d'être entière: ne pas s'en te­nir à ce 45 qui est strictement ordonné, mais y comprendre tout ce qui se trouve légitimement contenu dans l'ordre.

St Ignace disait: obéir à un ordre formel, c'est bien; obéir à un ordre simple, c'est mieux; mais prévenir l'ordre et exécuter un désir, c'est de l'obéissance parfai­te.

Enfin une autre condition encore: c'est la joie, obéir joyeusement. On pour­rait inscrire cela au premier chapitre de nos règles: obéissance joyeuse. En effet, que sommes-nous venus faire sinon consoler Jésus? On ne le console pas par la tristesse; on augmente la sienne quand on fait un visage triste à son supérieur, car c'est à lui-même qu'on le fait. Nous voulons le consoler par des sacrifices; mais ce don doit être joyeux: Hilarem datorem diligit Deus (2 Co 9,7); et non fait avec tristesse et comme par nécessité. Nous pourrions prendre pour devise ces paroles de St Paul. Nous devons nous estimer heureux de souffrir, car [nous] sommes a­lors plus en mesure de répondre à notre vocation. Plus il y a de sacrifices plus il faut être joyeux et au contraire estimer peu une journée sans souffrance quelcon­que. Il y a des religieux qui ne veulent pas comprendre cela, 46 qui font à leur supérieur un visage triste et ennuyé, qui ont le mérite tout matériel d'exercer leur supérieur à la patience et qui ne comprennent pas que c'est à Notre-Seigneur mê­me qu'ils montrent cette tristesse. Ceux-là sont loin de l'obéissance parfaite et leur sacrifice n'est guère agréable à Notre-Seigneur.

Revenons encore à notre chère obéissance; aussi bien c'est par elle que nous pouvons offrir tous les jours des sacrifices.

Un conseil pour la perfection de l'obéissance, c'est d'obéir à toute sorte de supérieurs. C'est-à-dire d'abord, au supérieur intermédiaire comme au supérieur ma­jeur, à ceux que leur emploi met au-dessus de nous. C'est toujours Dieu qui est supérieur en leur personne, c'est pourquoi on leur doit tout autant l'obéissance.

Mais c'est aussi à tout supérieur quel qu'il soit, c'est-à-dire quelles que soient ses qualités ou ses imperfections que nous devons obéir; et St Pierre nous y engage expressément. Il y prépare d'avance les chrétiens à qui il écrit et leur indique dans quelles dispositions ils doivent être: Deponentes igitur omnes malitias; … sicut mo­do geniti; 47 comme de tout petits enfants, désirez le lait raisonnable, c'est-à-dire ce qui nourrit vos âmes. Sine dolo… concupiscite (cf. 1 Pt 2,1-2). Demandez tout simplement ce qu'il vous faut…

Soyez soumis à vos supérieurs même disgracieux. Quel mérite en effet d'obéir quand on vous ordonne doucement ce qui vous plaît, mais obéir quand l'ordre dé­plaît ou pour le fonds ou pour la forme, haec est gratia Dei (cf. Rm 7,25), c'est­ là ce qui rend agréable à Dieu quand quelqu'un, ayant conscience que Dieu est en son supérieur, surmonte toute la peine que lui cause un ordre et souffre, sans l'a­voir mérité, les ennuis qui en surgissent pour lui: Si propter Dei conscientiam susti­net quis tristitias, patiens injuste (1 Pt 2,19). Où est le mérite en effet de suppor­ter un châtiment qui suit notre péché? mais si nous agissons bien et que cepen­dant nous souffrons avec patience, cela nous met en grâce près de Dieu. C'est la votre vocation, continue l'Apôtre; à combien plus forte raison c'est la nôtre. Chri­stus passus est, le Christ a souffert et cependant, peccatum non fecit, il était inno­cent, tradebat judicanti se injuste (1 Pt 2,21-23). Nous aussi, quand même nous aurions affaire à des supérieurs imparfaits, durs, négligents, les derniers 48 de la maison sous plus d'un rapport, obéissons quand même. Haec est enim gratia apud Deum (1 Pt 2,20).

Aujourd'hui, pour remercier Notre Seigneur de nous avoir accordé l'exposi­tion tous les vendredis, car c'est Lui qui l'a permis par l'intermédiaire de Mgr [Thi­baudier], nous commencerons une neuvaine d'action de grâces.

Avis et direction

Il y a plusieurs points qui laissent à désirer; un des premiers est la récitation du St Office; l'habitude de le dire en particulier fait précipiter cette récitation. Ce­pendant ici plus qu'ailleurs la psalmodie doit être grave, et l'office bien récité pour être réparation. Un moyen certain d'y arriver est l'attention non seulement généra­le qui se contente d'une idée pour un psaume ou un nocturne, mais l'attention lit­térale qui s'attache à chaque verset et à chaque phrase du psaume. Cette attention forcera tout naturellement à modérer la précipitation; et pour offrir un office vrai­ment réparateur il nous faut absolument cette attention littérale. 49

Un autre point bien négligé, c'est la modestie. Il y a sur ce point des règles de la Compagnie de Jésus qui sont adoptées par les congrégations modernes. Cha­que novice doit les copier pour les pouvoir lire et relire à loisir. La modestie rè­gle tout notre extérieur, elle défend par exemple de courir, comme on le fait,dans les escaliers, elle interdit toute ride au front, même à la bouche et au nez, parce qu'il faut toujours témoigner de son calme et montrer une joie tranquille plutôt qu'un visage triste; c'est toujours manquer à la règle que de paraître avec la tristes­se sur le front.

Le silence lui aussi est une chose importante; on se prive, en ne l'observant pas, de grâces précieuses. On doit le garder partout, excepté pendant la récréation: partout, même à la cuisine où l'on croit si souvent qu'on peut causer.

Il ne faut jamais rire aux éclats, mais se contenter de sourire pour ne pas ê­tre entraîné à la dissipation. 50

(Vêture des PP. Michel et Paul de la Croix).18)

Exulta et lauda, habitatio Sion, quia magnus in medio tui Sanctus Israël (Is 12,8).

Réjouissons-nous et pour trois raisons:

1° ce jour est l'anniversaire des vœux de victime faits par quelques âmes saintes pour l'Œuvre du Cœur de Jésus;

2° ce jour est le premier des vendredis de chaque semaine où nous aurons le bon­heur d'avoir visiblement Jésus parmi nous. Mgr [ Thibaudier] nous a accordé l'ado­ration de tous les vendredis. Il y a un an à pareil jour, il avait concédé l'adoration des premiers vendredis;

3° ce jour est un jour d'accroissement pour notre œuvre qui comptera deux mem­bres de plus.

Redisons avec Isaïe le cantique du Sacré-Cœur, redisons-le avec l'Eglise qui en a fait l'épître de la messe du Sacré- Cœur: Confitebor tibi, Domine, quoniam.. (Is 12,1) sa colère a fait place à l'amour; de la loi de crainte son peuple est pas­sé à la loi d'amour; pourquoi? parce que est venu, ecce (Is 12,2), le Dieu Sauveur ou Jésus, car c'est tout un en hébreu: confiance, fiducialiter agens, et plus de crain­te: Dieu est ma force, il est ma gloire 51 et le mot hébreu signifie aussi: cantatio mea, l'objet de mes chants: Dominus (cf. Is 12,2), en hébreu, sera Iehovah, c'est-­à-dire Deus de Deo, Deus Dei, Jésus-Christ en un mot;19) il est venu me sauver: factus est mihi in salutem (Is 12,2).

Haurietis aquas (Is 12,3): l'eau de la grâce, l'eau de l'amour, vous la trouve­rez dans son Cœur et vous en serez tout joyeux, et dicetis in die illa: oui, vous direz alors dans ces derniers temps, vous qui aurez tout son Cœur: Confitemini Domino (Is 12,4): reconnaissons Dieu et invoquons son Cœur, faisons connaître à tous les peuples les inventions de son amour: adinventiones (Is 12,4), quel beau mot! Chantons les magnificences qu'il nous a révélées et faisons-les connaître à toute la terre. Exulta et lauda (Is 12,6), réjouis-toi et loue, petite Sion, car le Cœur de Jésus est grand et il est au milieu de toi. Ces dernières paroles nous conviennent bien aujourd'hui pour les motifs que nous avons de nous réjouir.

(L'après-midi a été béni et inauguré à 3 heures le chemin de croix; le Père [Jean] a engagé à le faire en particulier tous les jours du Carême et le vendredi on le fera publiquement). 52

Sur le Carême

Quittons encore notre cours ordinaire de conférences, pour parler du Carême; aussi bien il y a quelque temps que nous n'avons eu de conférence et il est temps de mettre nos pensées à l'unisson pour les dispositions à avoir pendant cette sain­te quarantaine.

C'est un temps de grâces qu'il faut mettre à profit. Celui qui le passe avec tiédeur et négligence est comme le matelot qui avant de partir pour un voyage au long cours ne songerait guère aux provisions de bouche, aux munitions de toutes espèces qui lui sont nécessaires. Il s'expose à perdre sa vocation. Si tous étaient ainsi, Notre-Seigneur voyant arrêter ses grâces irait ailleurs mendier des cœurs. Si quelques-uns seulement avaient cette négligence, il pourrait leur arriver de ne pas passer l'année sans être rejetés pour qu'ils n'arrêtent pas les grâces. Chacune de vos actions si petite qu'elle soit, a une importance immense, car elle entrave ou accélè­re le développement et l'accroissement de l'œuvre. 53

La mortification qui nous est demandée n'est pas la mortification corporelle et les austérités rigoureuses comme chez les Franciscains par exemple, car nous a­vons seulement pour règle ce qui est demandé au tiers ordre de St François. C'est surtout la mortification intérieure, la mortification du cœur et de l'esprit. Dans d'autres communautés on retranche autant que possible les satisfactions et plaisirs purement tels comme le parloir. Ceux qui ont des permissions de voir leurs parents, feront bien de demander s'il n'y a pas lieu de les restreindre. A cette privation de visites ajouter l'observation du silence. Plus de paroles inutiles; dans un noviciat il y a toujours des fautes intérieures mais il ne devrait pas y avoir de fautes extérieu­res. Quand je vous vois parler inutilement hors les récréations, je préférerais rece­voir un coup. C'est comme si alors vous disiez à Notre-Seigneur: attendez, je n'ai pas besoin de vos grâces en ce moment.

Comme mortification de l'esprit, s'astreindre à s'entretenir dans les disposi­tions conseillées pour les pratiques quotidiennes. 54

C'est une mortification qui conduit à la perfection; en faisant chaque action dans les dispositions qui sont conseillées on la fera parfaitement. C'est pourquoi il faut retrancher à son esprit toute autre pensée. Un novice ne doit songer qu'au moment présent. Sa prudence pour ce qui regarde l'avenir est celle du supérieur. Ne songer qu'à bein employer le moment présent, c'est ce qu'il faut à tous et à vous; à tous suivant la parole de Notre-Seigneur: Nolite sollicite esse de crastino (cf. Mt 6,34); à vous pour vivre dans la calme et faire cette action parfaitement. C'était la manière de St Louis de Gonzague. Toute pensée étrangère à mon occu­pation actuelle vient du démon, a diabolo est (cf. 1 Jn 3,8). Je dois vivre au jour le jour et d'heure en heure, de die in diem, de hora in horam. En ce moment par exemple, je ne dois songer qu'à une assistance parfaite à la conférence, tout à l'heure qu'à une assistance parfaite à l'examen particulier, puis au repas, puis à la récréation. Je ne me lasse pas de le répéter, parce que c'est-là un sûr moyen de perfection pour vous. 55

Un des derniers conseils de perfection de l'obéissance (il y en a 14 de ces conseils) est de se mettre dans la disposition de compromettre toute une œuvre,si importante qu'elle soit plutôt que de manquer à l'obéissance. St Ignace était si cer­tain de cette disposition en St François-Xavier qu'il disait: qu'il lui suffirait d'une seule lettre, la lettre I, qui signifie `viens', accompagnée de sa signature pour tirer des Indes ce grand apôtre. Et cependant il aurait pu alléguer bien des prétextes pour ne pas revenir. La raison de ce conseil est que Dieu n'a pas besoin de nous. Obéir avant tout: le sacrifice de l'obéissance est plus glorieux pour Dieu que tou­tes les œuvres possibles.

Un conseil encore est de se mettre dans la disposition de s'annihiler pour o­béir, d'enfouir ses talents, si l'obéissance le veut.20) C'est une tentation qui vien­dra pour beaucoup: si j'étais resté dans le monde, j'aurais pu faire beaucoup plus qu'ici. Erreur. Le sacrifice rend plus de gloire à Dieu et est plus fructueux pour les âmes 56 que toute action si considérable soit-elle. Et pour nous le sacrifice est la partie principale, l'action ne vient qu'au second plan.21) C'est pourquoi nous rencontrerons toujours beaucoup d'obstacles dans nos œuvres extérieures et nos œuvres elles-mêmes n'auront pas cet éclat extérieur qui se remarque dans les œu­vres où l'action a la part principale.

En terminant, je rappelle le conseil de lundi: faire chaque [action] comme s'il ne restait que celle-là avant de mourir: assister saintement à la conférence en ce moment, puis à l'examen particulier; pas d'autre prudence que les quelques derniè­res minutes de l'oraison et de l'examen particulier où l'on fait un examen de pré­voyance. Ce conseil bien suivi nous conduirait bientôt à la sainteté sur les traces des saints novices tels que les St Louis de Gonzague et Stanislas Kostka et Berch­mans.

Fête de la Ste Lance et des Clous

La fête d'aujourd'hui a trop de rapports avec notre vocation pour que nous n'en fassions pas le sujet 57 de notre petit entretien. Cette fête quoique d'un rite secondaire a pour nous une solennité réelle.

Ce qu'il y a de plus frappant dans la liturgie de ce jour, est l'épître que l'E­glise a prise d'un passage de Zacharie; voyons-le ensemble (cf. Za 12,10 ss.).

Effundam, je verserai, super domum David… cette maison de David signifie bien les âmes privilégiées, car David en hébreu veut dire privilégié, dilectus,… et su­per habitatores Jérusalem, - ces habitants de Jérusalem sont les enfants de l'Eglise. Quand le prophète annonçait ceci, ses paroles s'étendaient certainement aussi jus­qu'à nous, et le Saint-Esprit nous renfermait dans le sens qu'il y attachait - spiri­tum gratiae… - dans le texte syriaque le mot signifie compassion et ce sens s'accor­de mieux avec ce qui suit: et adspicient ad me quem confixerunt; l'esprit de com­passion, que suivra la prière, s'emparera d'eux à la vue de celui qu'ils ont transper­cé. Ils le pleureront. Cette blessure qui arrachera des larmes, c'est moins la blessu­re matérielle que la blessure faite au cœur par les âmes choisies. 58

Cette blessure est la plus sensible comme Jésus l'a lui-même révélé, et cette blessure du cœur est causée par l'indifférence, la froideur et l'ingratitude du peu­ple choisi, tandis que les soufflets et les crachats de la passion représentent les blas­phèmes et les fautes des chrétiens ordinaires.

Et plangent eum…, ils pleureront comme sur un fils unique. In die illa ma­gnus erit planctus in Jerusalem… Le prophète annonce la contrition non seulement des auteurs de la mort de Jésus, mais aussi des pécheurs pénitents. - Toute la ter­re pleurera, dit-il, [et planget terra]: les hommes d'un côté et les femmes de l'au­tre; et il énumère quatre familles: celle de Lévi qui représente le sacerdoce, celle de David qui figure les amis, c'est-à-dire les religieux et les âmes dévouées, celles de Nathan et de Semei qui représentent les prophètes et les docteurs, c'est-à-dire les différentes congrégations vouées aux œuvres extérieures et à l'enseignement. Toutes pleureront, dit-il, et alors (cf. Za 13,1) erit fons patens domui David et ha­bitantibus Jerusalem: il y aura une fontaine ouverte à la maison de David. Les in­terprètes voient là le Cœur de Jésus 59 révélé dans les derniers temps, et répandant ses grâces d'abord sur les privilégiées, domui David, puis sur tous les chrétiens [et habitantibus Jérusalem]. On dira à celui qui a été si mal traité, et percé de la lan­ce et des clous: (Za 13,6) Quid sunt plagae istae…; il répondra: His plagatus sum in domo eorum qui diligebant me (Za 13,6): ces plaies, ce sont ceux qui m'ai­maient qui les ont faites. N'est-ce pas la plainte de Notre-Seigneur au sujet des â­mes consacrées? Méditons surtout ces dernières paroles.

Ce qui suit se rapporte à la Passion, quand la justice de Dieu frappait la vic­time, les apôtres s'enfuirent: Percute pastorem, et dispergentur oves (Za 13,7). Qu'il n'en soit pas ainsi de nous. Religieux dans l'Ordre du Cœur de Jésus nous devons être tous des St Jean, des disciples de son Cœur, au moment de l'épreuve: les uns s'enfuiront, d'autres renieront pour un temps comme Pierre; il faut tous rester comme St Jean. Pour cela se fortifier en portant toutes les petites croix de chaque jour, pour être plus fort quand on recevra la croix de l'épreuve qui est né­cessaire à toute œuvre de Dieu et qui ne nous manquera pas. 60

Sur l’esprit de sacrifice

Il est nécessaire aujourd'hui d'y revenir parce qu'il y a un peu de laisser-aller. On s'accorde encore trop de liberté. Il est des points sur lesquels on ne veut point se mortifier. Et cependant le sacrifice est ce que nous avons de mieux: par lui nous méritons, par lui nous avançons l'Œuvre. Nous devons regarder comme une bonne fortune un sacrifice qui se présente à faire.

A l'examen particulier réjouissons-nous si nous constatons qu'il y a eu beau­coup à souffrir; au contraire, n'estimons pas la journée où il n'y en a point eu.

Nous ne pouvons parler que de St Joseph, et surtout de Saint Joseph dans ses rapports avec Jésus hostie et victime, c'est-à-dire de sa compassion pour son Fils adoptif. Cette compassion est très bien exprimée au chap. 53e d'Isaïe que l'E­glise place à la fête de Notre-Dame de Compassion. Ce qui y est dit, s'applique pour tous saints dont la vie a été une vie de compassion, c'est-à-dire d'union à Jé­sus souffrant. 61

Là est le secret de la sainteté; qu'est venu faire, Jésus, sinon expier en souffrant? La Rédemption n'est pas autre chose que la souffrance expiatoire et la Ré­paration n'est que la rédemption continuée et opérée par des âmes marchant sur les traces de Jésus par la vie de compassion, par la contemplation des souffrances de Jésus.

Après Marie personne plus que Joseph n'a pris part à cette vie de compassion. Les autres saints ont dû recourir à la contemplation pour suivre cette voie, Saint Joseph n'a eu qu'à voir de ses propres yeux son Sauveur souffrant, à la crèche d'a­bord, puis en Egypte, puis à Nazareth.

Isaïe, lui aussi, l'a vu dans une lumière prophétique et il en est tout effrayé: Quis credidit auditui nostro (Is 53,1), qui me croira? A qui la puissance de la jus­tice divine a-t-elle été révélée? Vidimus eum, .. despectum, novissimum virorum (Is 53,2-3), le dernier des hommes; notre Sauveur doit être ainsi pour expier; il a été offert, oblatus est, et volontairement, quia ipse voluit (Is 53,7).

Cet état de souffrance et d'humiliation, il l'a 62 accepté, il l'a voulu, voluit, parce que Dieu a placé sur lui les iniquités de tous: Posuit.. in eo iniquitatem omnium nostrum (Is 53,6). Alors comme un agneau il n'a pas ouvert la bouche; il a été, victime. Dominus voluit conterere eum in infirmitate (Is 53,10), Dieu l'a écrasé sous les rigueurs de sa justice.

Voilà le sacrifice et la souffrance. Viennent ensuite les promesses : Si posuerit pro peccato animam suam, videbit semen longaevum et voluntas Domini in manu dirigetur (Is 53,10). Il aura une longue postérité et le Seigneur fera sa volonté. Ce­ci est dit de Jésus le Rédempteur, mais aussi de ceux qui unissant leur sacrifice au sien, continuent son œuvre par la Réparation. Pro eo quod laboravit anima ejus, vi-debit et saturabitur (Is 53,11): il verra des prodiges de grâce. Si nous sommes appe­lés à la Réparation, nous marchons sur les traces de Jésus, toutes ces promesses au­ront leur accomplissement:… justificabit… multos (Is 53,11), nous en rachèterons beaucoup et Dieu nous accordera beaucoup de conversions et de vocations: disper­tiam ei plurimos (Is 53,12). Bien plus, ceux qui sont éloignés, nous les ramènerons, ou même nous leur obtiendrons la vocation; 63 les âmes fortes qui peuvent mettre au service de Dieu une intelligence vive et une volonté énergique, nous les gagne­rons par notre sacrifice: fortium dividet spolia (Is 53,12). Pour tout cela il suffit de bien porter nos petites croix de chaque jour, avec la croix ordinaire de la régu­larité, du silence. Soyons généreux et méritons de réaliser ces promesses.

Nous avons senti samedi dernier que nous aurions pu avoir plus de grâces, et c'est bien conforme à ce qu'a dit Notre-Seigneur: j'ai donné des grâces mais pas toutes celles que j'avais préparées; pourquoi cela?

A cause de nos dispositions peu favorables: les uns s'étaient préparés un peu froidement, les autres ne s'y sont mis que quelques jours avant et la veille même. C'est surtout des grâces intérieures qui nous étaient réservées, grâces de confiance, d'abandon à la Providence, toutes du même genre que celles qui font la gloire de St Joseph.

Nous en avons eu, il est vrai, à cause de la miséricorde infinie de Dieu et de l'intercession de St Joseph. 64

Mais nous pouvons les regagner par une générosité plus grande; nous sommes encore dans l'octave de la fête et vendredi prochain c'est l'Annonciation dont il nous faut profiter pour regagner ces grâces.

Cette fête dont Notre-Seigneur a dit qu'elle doit être une des fêtes principales de notre Ordre. En effet c'est la fête de l'oblation, de l'Ecce venio de Jésus, de l'Ecce ancilla de Marie, du Servus tuus sum de St Joseph. En ce jour a été formé le Cœur de Jésus, et l'union de Marie avec Lui a été plus intime.

Préparons-nous par l'acceptation du sacrifice. Ce mot de sacrifice effraie la na­ture; cependant nous sommes créés pour cela et depuis la perte du paradis de jouis­sance c'est dans les sacrifices que se consume la vie. Si nous ne l'acceptons de bon gré, nous l'aurons quand-même et nous n'y échapperons pas. Fortifions-nous donc dans la résolution d'être généreux dans cette acceptation; faisons-nous une joie de souffrir et nous regagnerons ce que nous avons perdu. 65

De l’obéissance aux caprices des supérieurs

Celui qui veut obéir parfaitement, doit obéir même à ce qui peut être un ca­price dans son supérieur. Les supérieurs sont rarement parfaits; ils sont faits pour souffrir, mais aussi pour faire souffrir, parce que veillant à l'intérêt général, il leur faut souvent méconnaître les intérêts privés et c'est-là la mortification de la vie commune. D'ailleurs il leur est difficile de conserver le calme et l'égalité d'âme au milieu de soins multiples. De là ces inégalités, ces ordres qui peuvent paraître ou même être capricieux.

Même alors obéir: parce que, dit Bossuet, ce qui est caprice dans votre supé­rieur est â votre égard la volonté de Dieu toute pure; c'est lui qui veut cette épreu­ve pour vous perfectionner; votre amour propre et jugement propre n'en seront que plus mortifiés et c'est le plus grand bien qui vous puisse arriver.

De l’obéissance (fin)

Voici la dernière conférence sur l'obéissance, 66 et quand je songe qu'il vous faudra rendre compte de tout ce que vous avez entendu dans ces conférences, je crains pour vous qui êtes encore si peu obéissants et qui loin d'être arrivés à la perfection manquez encore aux points les plus simples de l'obéissance.

Terminons par quelques pensées de la Bienheureuse Marguerite-Marie. Celui qui sera le plus obéissant, aura le plus de crédit sur le Cœur de Jésus Remarquons bien cette expression de crédit; elle signifie que le Cœur de Jésus sera en dette avec nous. Obéissons et nous aurons ce que nous voudrons. Aux chrétiens ordinaires Jé­sus dit: demandez et vous recevrez; à ses Oblats il est en droit de dire: donnez et vous recevrez; donnez des immolations, des sacrifices, et vous obtiendrez des grâces, des vocations, tout ce que vous demanderez.

Fête du Précieux Sang

Sur la mystique du Sang de Jésus.

Il convient surtout à nous de méditer sur la mystique du Sang de Jésus. Qu'est-ce, en effet, que nous affectionnons, nous, le plus en Lui? N'est-ce pas son Cœur? 67

Or, le Sang est le fruit du Cœur comme le vin celui de la vigne. Nous devons donc nous y attacher spécialement. Et d'ailleurs, il est bon de connaître cet­ te mystique au temps de la Passion qui rappelle ses effusions principales.

La figure de ce Sang divin est dans le vin que Dieu dans sa bonté a donné aux hommes. Le pain et le vin sont la figure, celui-là de la chair, celui-ci du Sang de Jésus. Ces deux éléments qui dans l'ordre naturel sont la nourriture de l'hom­me, sont la figure de la Chair et du Sang qui dans l'ordre surnaturel sont la nour­riture de l'âme. Ils donnent la vie et la joie comme la chair et le sang de Jésus donnent la vie et la joie à ceux qui s'en nourrissent.

Les effusions de ce sang divin sont signalées en sept circonstances: à la circon­cision où Notre-Seigneur pour obéir à la loi a versé la première goutte de sang; à l'agonie où une sueur de sang a coulé jusqu'à terre: cette sueur miraculeuse n'a pu être produite que par une douleur sans exemple, une douleur indicible du Cœur de Jésus. Qu'est-ce donc qui lui cause le plus de douleur en ce moment terrible? Il le dit à Paray-le-Monial: 68 C'est qu'il y a des âmes consacrées qui me montrent cette ingratitude. C'est pourquoi le souvenir de cette effusion doit nous affecter particulièrement.

Une troisième effusion eut lieu à la flagellation sous les coups de ces fouets à lames de métal qui déchiraient sa chair; une autre encore au couronnement d'é­pines. Cette couronne d'épines, il l'a voulue pour expier spécialement les péchés de tête, de pensée, c'est-à-dire de ceux qui, plus habituellement dans des occupations intellectuelles pèchent plus facilement par la pensée; ou encore, disent les interprè­tes, pour expier les péchés de la tète de l'Eglise, c'est-à-dire des prêtres et des reli­gieux. Motif pour nous de nous unir amoureusement à la douleur qui lui cause cet­te effusion de sang.

Une cinquième effusion eut lieu quand on lui ôta ses vêtements collés à sa chair; la sixième quand on perça ses mains et ses pieds. La septième enfin, celle qui nous va le plus au cœur, est l'effusion du sang de son Cœur. Il voulut don­ner jusqu'à la dernière goutte et nous ouvrir en même temps ce Cœur pour nous y donner asile. Celle-là plus que toute autre 69 doit attirer toutes nos pensées et nos contemplations.

La perpétuité de son Sang nous a été assurée dans l'Eucharistie, cette relique et ce souvenir de ses merveilles. Les saints nous ont laissé des reliques, il conve­nait que le Saint des Saints les dépassât tous en cela aussi: Memoriam fecit mirabi­lium suorum (Ps 110,4). C'est la merveille par excellence: Quid mirabile frumen­tum electorum et vinum germinans virgines, disait un prophète (cf. Za 9,17). Ce vin, nous le boirons dans le ciel, comme le dit Notre-Seigneur au jour de la Ste Cène: Non bibam amodo de hoc genimine vitis, donnc bibam illud novum vobis­cum in regno Patris mei (Mt 26,29).

Mais il faut en venir à des applications Les saints martyrs sont ceux qui ont marché avec plus d'éclat dans cette voie d'immolation, et ils l'ont fait bien géné­reusement, témoin un St Ignace d'Antioche (dont nous sommes heureux d'avoir aujourd'hui un enfant spirituel)22) qui détournant ses frères de prier pour lui craignait de perdre l'occasion du martyre: que je devienne le froment du Christ et que je sois écrasé comme le raisin pour être pour lui un vin délicieux. 70

Mais il n'y a pas que le martyre qui donne le sang: tout ce qui use la vie est une effusion de sang en quelque sorte, une déperdition, une consomption du sang. Et il y a deux choses qui l'usent plus que toute autre: l'amour et la souffrance. C'est par là qu'il nous est possible de donner notre sang. Quelques-uns auront peut­-être la grâce de le verser d'une manière éclatante par le martyre, car nous aurons des missions, mais tous peuvent le donner par exemple en se consumant au service du Cœur de Jésus, par la régularité, les mortifications qui se présentent, et surtout par l'amour. Ceux qui le donneront ainsi, auront certainement mérité et obtien­dront la palme du martyre.

Motifs de s’unir à la Passion de Notre-Seigneur

Nous devons nous unir à la Passion de Notre-Seigneur puisque ses souffrances sont le fondement dogmatique de notre œuvre. La vie de sacrifice n'est-elle pas le fondement de notre vie comme ç'a été celle de Jésus? Pour motifs, nous en avons cinq à méditer: 71

1° l'expiation et réparation personnelle; c'était le motif le plus commun dans l'ancienne loi et Job qui a tant souffert, se voyait demander par ses amis quel crime il avait commis pour être ainsi frappé; et lui-même dans l'excès de sa douleur, se plaignant en victime, se demandait pourquoi il souffrait ainsi n'ayant pas conscien­ce de grands crimes, mais il ajoutait que des fautes même légères sont toujours u­ne grande offense, étant commises envers l'Etre infini.

A ce motif de souffrance généralement adopté, s'ajoutait le motif de l'épreu­ve; et Job l'a aussi accepté. Dieu est le maître, disait-il; il veut éprouver ma fidéli­té; que sa volonté se fasse.

A ces motifs de justice et d'épreuve qui dominaient sous l'ancienne loi, se joignent sous la nouvelle loi, la loi d'amour, le motif de compassion aux souffran­ces de Jésus. Jésus a tant souffert pour moi, je dois souffrir pour lui; puisqu'il m'a aimé jusqu'à souffrir la mort, je dois l'aimer jusqu'à souffrir ce que la Provi­dence m'impose. Les Apôtres St Pierre et St Paul ont rempli 72 leurs épîtres de ces sentiments qui n'étaient que l'expression des leurs: ils regardaient comme un bon­heur, un don, de souffrir pour Jésus: Ibant gaudentes a conspectu concilii, quo­niam digni habiti sunt pro nomine Jesu contumeliam pati.. (Ac 5,41) Vobis dona­tum est pro Christo, ut non tantum in eum credatis,sed ut pro eo patiamini.. (cf. Ph 1,29); Communicantes Christ! passionibus gaudéte (1 Pt 4,13).

A ce motif de l'amour pour Jésus, s'adjoint celui de la gloire de Dieu. C'est par la souffrance que Jésus, la sagesse infinie, a procuré la plus grande gloire de Dieu. C'est donc par là que nous y travaillerons aussi. Quand Dieu annonce qu'il va faire de St Paul un vase d'élection et un grand apôtre, quel moyen se réserve-­t-il de prendre dans ce but? la souffrance: Ego enim ostendam ei quanta oporteat pro nomine meo pat! (Ac 9,16).

Un dernier motif: l'amour des âmes, la réparation que la souffrance accom­plit: par la souffrance Jésus les a rachetées, par la souffrance nous deviendrons co­rédempteurs comme Marie l'a été: 73 Adimpleo in carne mea ea quae desunt passionum Christi (Co 1,24). Jésus a voulu nous laisser quelque peu à faire en suivant son exemple: concluons donc comme l'Apôtre: Christo igitur passo in carne, et vos eadem cogitatione armamini (1 Pt 4,1): armez-vous de la pensée qu'il avait; mais il n'en avait qu'une, je crois, une pensée mère d'où procédait tout le reste: Ecce venio… ut faciam voluntatem tuam (He 10,7). Souffrons, nous aussi, dans cette pensée; mais souffrons surtout par l'esprit et le cœur, ne nous contentant pas d'ac­cepter extérieurement la croix. Souffrons les privations que demande la règle, com­me le silence, la mortification. Sanctifions ainsi ce temps de la Passion des souf­frances de Jésus.

Du vœu d’immolation

Après trois mois de conférences sur l'obéissance, tout ce qui la concerne doit être clair pour nous. Nous savons qu'il faut une obéissance de jugement, qui accep­te comme bien tout ce que le supérieur ordonne, obéissance de volonté, c'est-à-di­re obéissance prompte. 74

Il vient ensuite à parler de la chasteté, mais comme on ne peut guère tenir de longs discours sur ces matières, nous n'en parlerons qu'un peu. Il me tarde de parler du vœu d'immolation qui est le fond de notre vie.

La conférence de lundi était une bonne préparation à ce sujet, en nous faisant penser aux souffrances de Notre-Seigneur. Compati, c'est le mot qui se trouve tou­jours dans la bouche des deux grands porte-voix de Jésus, Pierre et Paul: souffrir en union avec Notre-Seigneur, s'immoler comme lui et avec lui, prouver qu'on com­prend son amour qui l'a immolé pour nous, en s'immolant soi-même.

La vie d'immolation, c'est ce qui fait le fond de l'Evangile, et l'Imitation de Notre-Seigneur, qui est l'Evangile codifié, la prêche à chaque page. Eh bien, n'est­il pas bien légitime de prendre dans ces conseils d'immolation quelques points par­ticuliers qu'on s'engage à observer par vœu? quoi de plus juste et de moins temé­raire? Ceux qui s'en offusquent ne prouvent pas d'intérêt (? ). 75

Avant de passer au détail des obligations de ce vœu, il est bon d'en considérer le but: quand on a un but bien déterminé, on avance plus sûrement, quand on est bien pénétré, on est capable de tout. Jusqu'où ne va pas l'homme qui a un but précis dont il est enthousiaste: l'honneur par exemple? On a été jusqu'à l'hé­roïsme pour l'atteindre; de même les richesses, de même l'amour même naturel et permis; aucun sacrifice ne coûte; on ne recule devant aucune immolation pour at­teindre ce but qu'on s'est proposé. Voilà ce que peut un but naturel. Et un but surnaturel? La possession de Dieu, et avec lui de tout honneur et de toutes riches­ses, n'engendre-t-il pas dans les chrétiens des héroïsmes pareils?

Pour la gloire de Dieu, et pour preuve de la supériorité du surnaturel sur le naturel, des millions de martyrs, des saints de tous les temps et de tous les lieux, sont là pour témoigner que le but surnaturel est plus puissant encore pour faire des héros.

Mais ce but surnaturel se diversifie suivant les saints et l'on peut dire de cha­cun: Non est inventus 76 similis illi (Si 44,20). Chaque famille de saints a son caractère, son but. surnaturel particulier qui la conduit à la sainteté par l'enthousias­me qu'il lui inspire. Ainsi les uns avaient pour but de reproduire la pauvreté de Notre-Seigneur. Pour nous le but surnaturel pour lequel je voudrais vous donner un enthousiasme extrême, c'est la glorification du Cœur de Jésus victime d'amour et de réparation. C'est-là notre but tout spécial et à cela que doit tendre toute no­tre vie. C'est à cela que visent toutes les règles et constitutions qui peuvent se ré­sumer en deux mots: offrir le matin sa journée, et accepter toutes les croix que la Providence nous ménage dans le courant du jour. Voilà l'immolation qui nous est demandée; soyons généreux à y répondre et mettons à atteindre notre but l'ar­deur qu'on met à des fins bien moins nobles.

Fête de la compassion de la Ste Vierge

Cette fête ne saurait passer inaperçue pour nous, car c'est la fête de tous les disciples de la Croix et non pas seulement de la Très Sainte Vierge. 77

C'est la pensée même de la liturgie de célébrer en ce jour la Compassion éprouvée au pied de la Croix, par tous ceux qui aimaient Jésus. C'est donc la fête des premières victimes de son Cœur, de nos frères et de nos sœurs aînés. Sans doute il n'y eut point après la douleur de Jésus, de douleur plus forte dans la création que celle de Marie; mais grande aussi fut la douleur de St Jean, de Made­leine et des autres disciples de la Croix.

Dans l'Introït, la liturgie rappelle le souvenir de ce groupe d'amis fidèles, et elle le reproduit plus manifestement encore dans l'oraison, puis dans la secrète, en invoquant l'intercession de tous ces saints compatissants.

La pensée de l'Eglise, en. plaçant cette fête pour tous les chrétiens immédiate­ment avant la Grande Semaine, a été de nous inviter à nous unir plus particulière­ment à la passion du Sauveur comme l'ont fait la Ste Vierge et les autres disciples de la Croix.

Le Stabat n'est autre chose qu'une louange à Marie et une prière pour lui de­mander cet esprit de compassion qui la possédait si pleinement. Tout le Stabat que nous ne récitons pas souvent, 78 une strophe exceptée, qui cependant le résume tout entier, ne contient pas d'autre sentiment que la compassion.

Je puis vous dire que c'est aussi la pensée de Notre-Seigneur que nous nous unissions tout spécialement à cette vie de compassion des disciples de la Croix par une constante générosité pendant ces dix jours, afin qu'il puisse nous donner des grâces abondantes au jour de la résurrection. Si nous y répondons, il ne nous manquera pas. Soyons donc généreux. C'est si facile d'ailleurs et si doux, ce sacrifice de la régularité et du silence. Et si à ceux-là s'en ajoutent quelques-uns exception­nellement comme la tristesse, les obscurités, les tentations, accepter encore cette é­preuve et la souffrir en union avec les souffrances de Jésus.

Comme nous l'avons vu, l'immolation est le fond de la vie chrétienne. Jésus est venu sur la terre pour s'immoler à la justice de son Père et inviter les hommes à le suivre dans cette voie: Qui vult venire post me, abneget semetipsum, tollat crucem suam et sequatur me (cf. Mt 16,24; Lc 9,23). C'est comme victime qu'il s'est plus manifesté 79 d'abord dans les figures de l'ancienne loi: Abel, l'Agneau pascal, le pain du sacrifice, Isaac; dans la nouvelle loi: il a voulu que son image la plus ordinaire fût le crucifix, que sa réalité la plus fréquente fût l'hostie dans l'Eu­charistie, et que veut dire hostie sinon victime?

C'est donc comme victime qu'on le voit le plus souvent. Mais de même qu'il est juste que certains ordres adoptent certaines vertus du Sauveur à imiter particu­lièrement et s'en font un caractère propre, de même il est juste que la vertu d'im­molation devienne le caractère propre de l'Ordre de son Cœur; il convenait d'ail­leurs qu'il en fût ainsi pour répondre à la demande faite à la Bienheureuse Margue­rite-Marie: Je cherche des victimes pour mon Cœur, et pour d'autres raisons enco­re.

Si donc nous voulons imiter plus spécialement la vertu d'immolation, exami­nons ce qu'il faut pour cela: Lui s'est immolé: Ecce venio. Comment? Ut faciam voluntatem tuam (He 10,7), en faisant la volonté de son Père. Faisons de même. Pour cela nous avons d'abord au début de chaque journée une offrande à faire: l'offrande de nos 80 prières, de nos actions, de nos souffrances, de notre vie, en union avec le Cœur de Jésus, en sacrifice de réparation, d'expiation, de reconnais­sance et d'amour.23)

En ces jours de joie où toute la famille est réunie, ne croyons pas qu'il fail­le les passer tout en repos; profitons-en pour l'avenir. Le repos n'est pas ici-bàs: Non veni pacem mittere sed bellum (cf. Mt 10,34). Retrempons-nous dans l'esprit d'immolation: faisons à tout instant le sacrifice que nous demande la règle. C'est par ces petits sacrifices que nous méritons d'en faire de grands, dans les jours d'é­preuve qui selon les prévisions même naturelles, mais bien aussi surnaturelles, nous sont réservés dans un avenir peu éloigné. Ces grands sacrifices sont plus faciles par­ce que la grâce est proportionnée, que l'éclat en diminue l'amertume, mais on ne peut les mériter que par les petits sacrifices de tous les jours: Quia super panca fuisti fidelis, supra multa te constituam (Mt 25,21.23): si tu es fidèle dans les pe­tits sacrifices, je t'en donnerai à faire de plus glorieux encore. 81

Le sacrifice de notre vie que tous nous sommes appelés à faire, qui pour quelques-uns sera tardif, pour d'autres beaucoup moins éloigné, et qui peut être un sacrifice bien évident ou seulement intérieur, car aucune mort chez nous ne sera 'na­turelle, elle se rapportera toujours à quelque cause surnaturelle, ce sacrifice sera préparé par l'immolation quotidienne, par la mort de tous les jours: Quotidie mo­rior (1 Co 15,31).

C'est ce qui a eu lieu pour les Apôtres qui s'en allaient joyeux d'avoir eu à faire un sacrifice. Cette joie nous l'éprouverons, si l'occasion pareille se présente, à la condition de l'immolation quotidienne.

Commentaire sur les Constitutions

Nous commenterons pendant ces quatre jours le premier chapitre de nos Cons­titutions. «Les Oblats… ont pour but: 1° de glorifier Dieu»…, but général de tous les chrétiens et de tous les religieux. Le but plus spécial est le Cœur de Jésus: «en louant, aimant [et]consolant [tout spécialement] le Sacré-Cœur [de Jésus]'… c'est­-à-dire, lui consacrant l'intelligence par la louange, le Cœur et la volonté par l'a­mour et tout eux-mêmes par la réparation.

Nous voulons honorer plus spécialement son amour dont son Cœur est la for­me concrète, comme d'autres ont honoré sa pauvreté et humilité, 82 et comme moyen d'arriver à ce but plus spécial:

faire amende honorable. Faire amende honorable, c'est notre vocation; c'est ce que Jésus a fait pour nous; aussi le matin, agrandissons notre pensée en la disant, que ce ne soit pas une chose simplement personnelle mais quelque chose d'officiel: parlons au nom de nos frères, de tous les cœurs consacrés; offrons-les avec nous et quand l'Ordre sera reconnu par l'Eglise comme Ordre réparateur, nous pourrons alors parler au nom de l'Eglise.

Mais il y a l'amende honorable d'action: c'est celle qu'il faut faire tout le jour; autrement celle du matin n'est qu'un mensonge, un mensonge non formel, il est vrai, parce que c'est par fragilité, ou oublie que-nous y manquons.

S'offrir en victime de son bon plaisir. Nous voulons copier le Cœur de Jésus; or, le Cœur de Jésus a été victime plus que toute autre chose, nous l'avons déjà prouvé par le nom et les figures qu'il s'est choisis. le plus souvent. Il s'est offert en victime au bon plaisir de son Père et nous, nous voulons nous offrir avec Lui à son Père, et nous offrir à Lui comme il s'est offert à son Père. 83

Le bon plaisir de Dieu: c'est là qu'est toute notre vocation, là que nous sommes ce qu'il faut; si nous en sortons, nous tombons dans les pièges de Satan; si nous y restons, tout est en sûreté. Non pas que nous n'y aurons pas de tentations, mais la tentation alors est une grâce tandis qu'en dehors du bon plaisir de Dieu, c'est un châtiment. Ne visons qu'à cela pour ne pas déchoir de l'esprit de répara­tion et d'amour, c'est-à-dire pour rester Oblats.

[Commentaire sur les Constitutions]

Le deuxième but de tout homme et de tout religieux est de tendre à son sa­lut soit par l'observation des préceptes soit par celle des préceptes et des conseils à la fois.

Le religieux vise à la perfection pour imiter mieux Jésus-Christ, mais pour nous qui avons toujours pour centre, pour soleil, pour boussole, le Cœur de Jésus, à quelle perfection tendrons-nous? à celle des vertus 'de ce Cœur non les plus par­faites: toutes l'étaient à égal degré, mais à ses vertus les plus éclatantes, les plus manifestées: la douceur et l'humilité; il l'a déclaré lui-même, l'immolation, parce qu'elle est le plus souvent indiquée et annoncée en l'Ecriture. 84

Mais ce n'est pas assez de se perfectionner soi-même, il faut encore que cette perfection serve au prochain et comment? C'est en se remplissant bien de l'amour du Sacré-Cœur que nous pourrons le répandre autour de nous et surtout parmi le peuple choisi; et pour cette perfection du prochain n'ayons aucun scrupule de pous­ser à la vocation religieuse. Au sacerdoce il faut une vocation de choix qui la rend plus difficile, mais il n'en est pas de même de la vie religieuse: c'est là que le sa­lut se fait avec plus de sûreté et nous avons pour nous l'autorité du plus grand théologien de l'Eglise catholique affirmant qu'il est toujours bon de conseiller l'é­tat religieux parce qu'il offre toujours plus de sécurité pour le salut.

Après ces différents buts vient l'esprit qui suit le but. C'est pourquoi je l'ai mis comme conséquence. Les Constitutions indiquent bien l'esprit de réparation, de dédommagement offert à Notre-Seigneur pour les actions où il est offensé;tou­jours son Cœur et son Cœur blessé est l'objet du culte des Oblats et ce qu'ils re­cherchent le plus, c'est de guérir la plaie la plus sensible. 85

Aussi tout ce qui peut plaire le plus à ce divin Cœur est l'objet spécial de leur attention comme par exemple les pratiques demandées par Notre-Seigneur à la Bienheureuse Marguerite-Marie.

La Fête du Sacré-Cœur sera la Fête patronale: rien de trop splendide pour ce jour qui est sur le même rang que Pâques et Noël.

Dévotion également au saint Cœur de Marie mais à son Cœur transpercé; on ne songe pas assez aux plaintes de la Ste Vierge à la Bienheureuse et qui ont aus­si pour sujet le peuple choisi.

St Jean comme disciple du Cœur de Jésus est notre patron spécial: nous de­vons être tous des St Jean pour consoler Jésus souffrant; la Bienheureuse Margue­rite-Marie comme victime du Cœur de Jésus sera aussi invoquée.

Viennent ensuite St François d'Assise notre patron, non seulement pour la rè­gle que nous lui empruntons en partie, mais encore à cause des sacrées stigmates; St Ignace dont le zèle doit être imité. 86

Commentaire du premier chapitre (suite)

«Cet Ordre unissant la vie -contemplative à la vie active………[ répond au be­soin de bien des âmes qui, attirées par la grâce à une vie d'immolation et de sacri­fice cachée aux yeux du monde, brûlent également d'un feu apostolique»].24)

Ces deux vies se trouveront dans l'Ordre bien réellement; les uns suivant leurs aptitudes seront appliqués à la vie contemplative, les autres tout en menant la vie active n'en donneront pas moins une large part aux exercices de la vie contempla­tive. C'est cette part qui consiste dans l'oraison, l'examen et la Ste Messe.

Les Jésuites et d'autres Congrégations inscrivent dans leurs Règles qu'ils ont la vie contemplative et la vie active, mais la première n'y est représentée que par les exercices de l'oraison et autres, tandis que chez nous il y aura une vie pure­ment contemplative.

«Les Oblats [du Cœur de Jésus] travailleront à leur sanctification [personnel­le par les exercices] …». Suit l'énumération des exercices de la vie contemplative. C'est bien dans cette vie qu'on peut réparer par la contemplation des souffrances de Jésus; mais il y a aussi à réparer dans la vie active et c'est une raison de plus de réunir les deux vies.

«Ils n'auront le désir de se multiplier [que pour multiplier les hommages et les réparations au Cœur de Jésus, et ils s'occuperont tout particulièrement de se perfectionner paisiblement eux-mêmes et de perpétuer leur Ordre avec unité et so­lidité par l'admission de sujets pieux, et pleins de bonne volonté qui, goûtant leur genre de vie, seront déterminés à l'embrasser généreusement`]. 87

Ce zèle de vocations, le seul que nous ayons eu jusqu'alors sérieusement, pourrait avoir des motifs naturels soit par exemple le plaisir d'être en nombre, ou enco­re la satisfaction de se voir adjoindre ses amis. Je ne crois pas qu'il en soit ainsi, mais pour prévenir ceci et sanctifier ce désir il est bon d'exposer un motif bien pur: n'avoir d'autre raison de se multiplier que de multiplier les réparations. Eh bien, ce motif de multiplication sera ainsi un motif de sanctification: en effet, si nous devenons plus saints, ne multiplierons-nous pas les actes de réparation en nombre et en valeur? et plus nous serons saints, plus ce résultat sera atteint. Mettons donc autant de zèle à notre sanctification qu'à demander des vocations, et nous arriverons au même résultat, la consolation du Cœur de Jésus.

«Ils s'efforceront de procurer le salut et la sanctification du prochain par [les œuvres, mais surtout par celles qui se concilieront le mieux avec leur vie intérieu­re»]… ici se placent les exercices de la vie active, mais cette vie active qu'elle soit ne doit jamais nuire à la vie intérieure et toute œuvre qui ne s'en accommoderait guère ne pourra être qu'exceptionnellement acceptée; ainsi les stations de Carême, 88 les missions isolées en pays lointains seront toujours en dehors de nos coutumes. Partout des œuvres qui se peuvent concilier avec la vie conventuelle.

«Les membres de l'Ordre sont partagés en deux degrés. [Il y a en premier lieu les prêtres profés qui ont le rang le plus élevé et peuvent seuls arriver aux char­ges principales. - Il y a en second lieu les coadjuteurs laïques employés soit aux charges secondaires dans les œuvres, soit aux travaux domestiques»].

… les coadjuteurs laïques… Ceux-là ont bien leur raison d'être dans notre Or­dre? N'y a-t-il pas et par milliers des âmes religieuses qui n'ajoutent pas le sacer­doce à leurs vœux de religion mais qui sont des âmes consacrées? Ce sont les plus nombreuses parmi les âmes consacrées, ceux qui se vouent à l'enseignement par exemple. Notre-Seigneur dans ses plaintes n'a pas dit `le peuple choisi' seulement, mais `les âmes consacrées».

En terminant, un avis qui a bien sa raison d'être. Depuis dimanche, au lieu de s'exciter à la ferveur par la vue de ce grand nombre, on se relâche, on s'amollit; aussi plus de grâces; nous sommes tous solidaires. Impossible de racheter cette mol­lesse que par un sacrifice personnel. Soyons donc généreux, nous ne sommes plus autorisés à douter de l'Œuvre: elle est maintenant bien établie à nos yeux. Vou­lons-nous par notre lâcheté la faire rejeter par Notre-Seigneur? Songeons-y et so­yons généreux. 89

Commentaire (fin)

Nous avons vu le but, l'esprit, les patrons, les modèles des Oblats; puis les deux vies qu'ils peuvent mener avec la direction propre à chacune, les œuvres qui leur seront attribuées, les degrés des divers membres; viennent enfin les œuvres; les liens qui unissent les membres sont encore à examiner pour connaître leur es­prit.

«Ceux qui se présentent pour entrer…»; jusqu'ici la vocation a été bien facile à constater: on en a toujours eu des marques surnaturelles; mais il me paraît cer­tain qu'entre toutes les grâces de choix réservées à l'Ordre de son Cœur, Notre-­Seigneur accordera toujours une grande lumière pour reconnaître les vocations.

Par exception seulement on sera dispensé d'une année de noviciat; mais jamais que très exceptionnellement on ne sera dispensé de moins.

«Tous les membres de l'Ordre»… La charité qui est ici prescrite doit régner surtout entre des religieux; mais nous, nous avons plus de raison encore que les autres Congrégation, comme Ordre du Cœur de Jésus, source de charité. 90 Il faut qu'on puisse dire de nous: voyez comme ils s'aiment, et c'est l'esprit de notre vo­cation qui l'exige. Comment honorer et imiter l'amour sans amour?

Une autre raison est la réparation; il faut bien l'avouer entre nous, on s'aime très peu entre religieux, entre prêtres. Comme il est facile de le voir dans leurs ré­unions où les absents et les présents sont également blessés. Motif pour nous de nous aimer et d'aimer les âmes consacrées pour consoler le Cœur aimant de Jésus de cette offense. Mais parce que c'est un de nos devoirs principaux le démon nous tentera toujours de ce côté. Si tôt qu'il nous verra un peu mal disposés par quel­que faute d'un autre genre, il arrivera et nous nous sentirons très refroidis pour nos frères; nous pourrions aller loin si nous ne résistons pas.

Un autre danger est la jalousie spirituelle, vice bien odieux classé parmi les péchés contre le St-Esprit et qui se remettent difficilement. Elle est odieuse parce qu'elle s'attaque directement à Dieu qu'on accuse des grâces données par lui aux autres alors que si on avait voulu correspondre soi-même, on en aurait en autant. 91

C'est un vice bien triste qui va jusqu'à de tristes conséquences. On est mécontent de ceux qui sont réguliers et fervents, cela va jusqu'à la haine; on incrimi­ne toutes leurs actions; on voit dans leurs meilleures actions un reproche, une ac­cusation, des intentions mauvaises; on ne peut les sentir. C'est bien-là le contraire de la charité.

Puisons la charité au Cœur de Jésus, là où les autres puisent abondamment, puisons surabondamment pour nous pénétrer de plus en plus de l'esprit de notre sainte et sublime vocation.

Motifs de ferveur

Il est temps de sortir de notre lâcheté. Notre-Seigneur ne donne rien parce que nous ne lui donnons rien. Ce qui s'est passé depuis 15 jours est la preuve de cette parole: Ego, diligentes me, diligo (Pr 8,17); je cherche ceux qui me cher­chent; je donne à qui me donne.

C'est non seulement pour obtenir des grâces, mais pour nos frères aussi qu'il faut être fervents: nous sommes solidaires, et les fautes de l'un arrêtent toutes 92 les grâces destinées à l'Œuvre.

Préparons-nous aussi par la ferveur à la fête du 6 mai,25) au mois de Marie; on récitera jusqu'au 6 mai quelques prières à 3 heures.

Reprenons maintenant l'explication de notre quatrième vœu. Pour terminer ce que nous avons dit de considérations générales, rappelons que l'immolation a é­té le caractère dominant de la vie de Notre-Seigneur. C'est aussi sous ce rapport qu'il est représenté par de plus nombreuses figures et nous en avons oublié une qui marque bien ce que doit être notre vie ayant pour raison d'être l'immolation.

Cette figure est le sacrifice perpétuel, juge sacrificium (Ex 29,38 ss.). Il con­sistait dans l'holocauste quotidien de deux agneaux semblables en tout à l'agneau pascal. En tout temps ce sacrifice avait lieu: un agneau blanc, mâle, d'un an: agnus anniculus, masculus, immaculatus, était immolé le matin et devait être consumé lentement sur l'autel jusqu'au soir et le soir quand il achevait de se consumer, on en immolait un second qui devait pareillement se consumer jusqu'au lendemain ma­tin. 93

C'était bien la figure de l'Eucharistie, de Jésus s'immolant sans cesse pour nous dans le tabernacle, de sa vie toute entière consumée en holocauste.

Puisque la vie de Jésus a été avant tout une vie d'immolation, notre vœu est bien légitime.

La première obligation de ce vœu d'immolation est l'offrande de la journée dès le réveil: cette offrande est contenue dans les prières de règle qui se récitent le matin et encore dans l'amende honorable. Il ne faut point avoir de scrupule par rapport à cette obligation qui est toujours faite si on récite les prières de règle, mais il ne faut pas non plus que cette offrande soit révoquée dans le cours du jour, non pas qu'il faille y penser sans cesse, mais qu'elle ne soit pas démentie formelle­ment.

La deuxième obligation est l'abandon à la volonté de Dieu connue par les é­vénements, par les supérieurs ou par la règle. Il faut s'y soumettre dès qu'elle est formellement connue, quelles que soient les répugnances. Se dire: je n'ai plus le droit d'avoir des répugnances. On peut les sentir, mais il faut les repousser et pas­ser outre. 94

Une obligation qui est le corollaire de la précédente, c'est celle d'accepter généreusement les sacrifices que Dieu nous impose; donner ce que nous avons, notre vie même,s'il la demande, et Jésus nous en â montré l'exemple. Comme lui, on peut éprouver les défaillances de l'agonie et s'écrier: Transeat a me calix iste (Mt 26,39), mais il faut se relever avec lui et dire: Non mea voluntas, sed tua fiat (Lc 22,42).

Une objection peut se présenter: est-on obligé même aux sacrifices que la vo­lonté de Dieu conseille? On n'est obligé qu'aux sacrifices qu'elle impose et non à ceux qu'elle propose comme conseillés, de sorte qu'on ne manque pas à son vœu en ne suivant pas ce qui n'est dans la règle que de conseil, ni même ce que la rè­gle ordonne et qui ne serait pas manquement grave en soi ou par les circonstances, parce que la règle n'oblige pas sous peine de péché.

Cette double obligation d'abandon à la volonté divine et d'acceptation des sa­crifices qui se rencontrent, est une variante de l'obéissance intérieure avec cette dif­férence que l'obéissance intérieure ne s'applique qu'aux 95 ordres émanés des supérieurs, tandis que le vœu exige l'acceptation de la volonté divine manifestée par la règle, les événements et la volonté des supérieurs..

Notre vœu d'immolation n'est pas non plus le vœu de perfection: ce dernier vœu ne peut être un vœu de communauté, mais un vœu fait par quelques âmes d'élite.

Le vœu d'immolation oblige à ce qu'impose la volonté de Dieu; le vœu de perfection oblige et à ce qu'elle impose et à ce qu'elle propose comme conseil.

Comprenons donc bien notre vocation et comme Jésus immolons-nous. Com­me la sienne notre mort donnera la vie aux âmes. C'est ce que constatait St Paul en lui-même: Mors operatur in nobis, vita autem in vobis (2 Co 4,12): la mort des uns à la vie de la nature donne aux autres la vie de grâce.

Souhait de fête28

`Nous sommes tous réunis, a dit le plus ancien,26) pour vous dire un mot de St Augustin qu'on ne se lasse de redire, qui ne fatigue jamais; nous venons vous dire que nous vous aimons, de tout notre cœur; nous ne nous contentons 96 pas de paroles, nous vous donnons nos cœurs que vous les jetiez dans cette chaudière d'huile bouillante qui les rajeunira et les purifiera, dans le Sacré-Cœur de No­tre-Seigneur Jésus-Christ.

Permettez-moi d'exprimer un vœu: c'est de pouvoir bientôt vous souhaiter la fête à Rome; dans cette église du martyre de St Jean; nous demandons un prompt accroissement pour pouvoir le faire'.

Le Père [Jean] a répondu: `Merci de vos bons souhaits; j'en fais un aussi, et Notre-Seigneur l'a formulé lui-même: Soyez tous des St Jean, c'est-à-dire aimez No­tre-Seigneur plus que les autres, vous le reconnaîtrez comme St Jean, puisque vous penserez à lui: ceci me rappelle un petit trait de sa vie que lui-même nous rappor­te. Les apôtres, après la résurrection, étaient allés pêcher sur le lac de Génésareth, ils avaient péché la nuit même; au moins avaient-ils plus de courage que certains novices. Tout à coup ils voient le Seigneur sur le rivage et les appelant: ils s'éton­nent! Jean plus aimant que les autres le reconnaît plus vite: Dominus est (Jn 21, 7), c'est le Seigneur, dit-il, Jésus alors dirigea leur pêche: jetez vos filets à droite, dit-il, 97 et ils prirent 153 gros poissons.

Faisons comme eux; jetons les filets comme le veut Notre-Seigneur, et nous aurons les grâces demain; il nous réserve une pêche miraculeuse. Soyons fidèles à l'écouter'.

In hoc cognovimus caritatem Dei, quoniam ille animam suam pro nobis po­suit; et nos debemus pro fratribus aniams ponere (1 Jn 3,16).

C'est St Jean qui nous donne cet ensignement et lui-même l'a bien pratiqué. Un tel jour convient bien pour une cérémonie de postulat et de vêture. Nous y trouvons l'exemple en St Jean, d'un Oblat passant par les diverses étapes de la vie religieuse et arrivant à son sacrifice dernier.

St Jean a été postulant d'abord: il cherchait la via parfaite et après avoir sui­vi Jean-Baptiste il reconnut qu'il devait se mettre à la suite de Jésus et il va le trouver: Quem quaeris? (cf. Jn 1,38) lui dit le Seigneur. N'est-ce pas la même question qui est adressée au postulant? Mon frère, que demandez-vous?

Vient ensuite un noviciat de trois ans; la dernière surtout fut une année d'é­preuves; et tout noviciat doit être un temps d'épreuves. Il faiblit bien parfois, 98 il dormit au Jardin des Olives et s'enfuit un instant, mais il revint bientôt: motif de confiance pour les novices que l'épreuve trouve parfois trop faibles.

Il fait enfin sa profession au pied de la Croix. C'est qu'il reçoit deux. présents: Marie pour Mère et la Croix pour partage: l'un visiblement, l'autre aussi réel. Il n'est pas de profession qui ne soit accompagnée de la remise de la croix et elle a dû être gravée dans le cœur de St Jean, et il en a reçu une impression plus dura­ble que les autres.

Prenons-le pour modèle et que sa charité soit un miroir pour la nôtre: sa cha­rité pour Dieu qui le conduit au pied de la Croix et le soutient dans son martyre, sa charité pour le prochain qui lui fait employer sa longue vie pour ses frères en retour de l'amour que Dieu lui a montré.

Il a arraché au Cœur de Jésus tous ses secrets, mais il ne les a pas communi­qués parce que le temps n'en était pas venu, dit-il lui-même à Ste Gertrude. Cepen­dant dans ses écrits on sent qu'il a un secret; il a, dit-il, reposé sur la poitrine de Jésus; il ne dit pas: 99 sur son Cœur; et parlant de Jésus, il dit: Hic est qui venit per aquam et sanguinem (1 Jn 5,6), texte qui a longtemps embarrassé les interprè­tes. N'était-il pas plus simple de dire: par son Cœur? mais il avait à garder le se­cret et il ne le veut pas livrer.

Quatrième obligation: s’offrir à la justice divine

Une quatrième obligation du vœu d'immolation qui effraie tout d'abord est de s'offrir à la justice divine en expiation des péchés du peuple choisi; on voudrait ne s'offrir qu'à la miséricorde, on en a tant besoin; mais où en serions-nous si Jé­sus ne s'était offert à la justice de son Père?

On s'imagine qu'il faudra souvent porter la croix; oui, si on est généreux à l'accepter; mais alors la joie accompagnera le sacrifice et la croix ne sera pas lour­de; d'ailleurs St Jean nous le dit: les fardeaux du Seigneur sont légers, Onera ejus non sunt gravia (cf. Mt 11,30). Il faut bien s'offrir à la justice pour que la miséri­corde intervienne, car celle-ci n'annule pas les droits de celle-là.

Voici quelques encouragements pour ceux qu'effraie 100 la vue de la croix de Jésus: il les a donné le 15 février, jour où l'Eglise commence à célébrer les mystè­res de la Passion; c'était la fête de l'Oraison à Gethsémani. Notre-Seigneur rappe­lant ses souffrances à cette heure, déclare que ce calice si amer était la vue de l'in­gratitude de ceux qu'il aimait; voir son Père irrité était une douleur pour Lui: le voir irrité contre ceux que lui-même aimait donnait à sa douleur un nouveau de­gré de violence; il n'est pas de douleur semblable à celle de se trouver entre deux personnes ennemies qu'on aime toutes deux; il a accepté le calice afin d'en pren­dre le plus amer et de nous le rendre doux; d'ailleurs si comme lui nous disons: Non mea voluntas, sed tua fiat (Lc 22,42), l'Ange de la consolation surviendra aus­sitôt; et le plus souvent aussi il se contentera de la bonne volonté. Soyons donc généreux et offrons-nous à la justice pour faire descendre la miséricorde.

De l’oraison

Chacun doit avoir sur son carnet de prière le petit 101 recueil des pratiques quotidiennes: ce recueil est fait spécialement pour notre vocation et il y répond si bien qu'on atteindrait vite la perfection en n'y manquant pas.

Parmi les conseils qu'il donne, il y a ceux sur l'oraison qu'il est utile aujour­d'hui de revoir et d'expliquer.

L'oraison dont j'ai déjà parlé l'an dernier est encore mal faite ou pas faite. Au lieu d'y faire travailler son esprit on l'y repose; la méditation doit cependant être un travail; c'est une composition française qu'on fait, sans l'écrire, sur le su­jet proposé; dans les débuts, surtout, il faut se tenir à ce travail en exerçant la mé­moire, l'intelligence et surtout le cœur qui est chez nous la partie principale.

Quand on est un peu plus avancé, on aime quelquefois mieux s'arrêter à tel état ou tel mystère de la vie de Notre-Seigneur.

C'est la contemplation. L'esprit s'y occupe et le cœur s'y échauffe davantage; la grâce agit plus que nous mais il ne faut pas s'en enorgueillir. Ce n'est qu'une manière d'oraison qui n'est pas la plus sublime. 102

Avant de passer à l'explication de la perfection du vœu d'immolation, un mot sur la première obligation: l'offrande de la journée. Cette offrande des prières, des œuvres et souffrances doit se faire non seulement au commencement de la journée, mais encore au début des actions principales qui sont pour les religieux non prêtres la ste communion, le st office, pour les prêtres tout acte sacerdotal comme la prédication, l'administration des sacrements etc.

Nous connaissons maintenant ce que nous demande notre vœu: être victimes; mais nous le sommes tous un peu sans le vœu. Comme chrétiens, en vertu de la grande loi de la réversibilité, de la communion des Saints, les uns doivent expier pour les autres. Comme prêtres et religieux nous y sommes plus tenus encore, car dans une famille tous sont solidaires et c'est aux uns à réparer et subir les fautes des autres.

Nous, nous nous y engageons par vœu: il n'y a donc pas de témérité à s'of­frir à la justice divine, puisque nous y sommes offerts et pour nos propres 103 péchés et pour les péchés des chrétiens et de religieux.

Passons aux conseils de perfection de ce vœu.

1° Union constante à Notre-Seigneur. Pour vivre de la vie d'immolation, pouvons-­nous mieux faire que de lui abandonner entièrement et à chaque instant tout nous­-mêmes par la pensée, par le cœur; peut-on le mieux consoler qu'en vivant conti­nuellement avec lui et dans sa grâce?

2° Fidélité parfaite à la grâce. Que voulons-nous réparer sinon des infidélités? Plus nous serons fidèles, plus nous réparerons ces infidélités et plus nous serons parfaits dans notre vocation.

Nous en sommes à la perfection du vœu d'immolation, parce que pour at­teindre un but il faut viser plus haut, de même pour arriver à nos obligations d'immolation, il faut viser à acquérir la perfection de l'immolation.

1° conseil: Union constante avec Notre-Seigneur. C'est surtout les sentiments de son Cœur qu'il nous faut viser: Hoc sentite in vobis quod et in Corde Jesu (cf. Ph 2,5), et parmi ces sentiments,ceux d'amour et de réparation. Le matin notre union doit se faire à Bethléem ou Nazareth, 104 à midi au pied de la Croix, le soir à l'agonie, mais quel qu'en soit le lieu, toujours union aux sentiments de répara­tion et d'amour qu'éprouve son Cœur. A midi, comme la récréation suit immédia­tement l'établissement à la présence de Dieu, il est bon de renouveler celle-ci. A­près le chapelet, en restant 2 ou 3 minutes en plus, et le soir la récréation étant libre, on peut employer à la présence de Dieu le temps nécessaire après le souper.

2° conseil: Fidélité à correspondre à la grâce. Cette fidélité est la suite de l'union à Notre-Seigneur. La grâce ne peut se présenter sans cette union qui l'attire. Mais si nous sommes fidèles à la recevoir, elle ne manquera pas d'être surabondante: l'illumination et l'inspiration, ces deux manifestations de la grâce, ne font jamais défaut dans une âme de bonne volonté. N'accusons pas la grâce de nous manquer, c'est nous qui lui manquons: toujours nous aurons des vues de foi qui se présente­ront; nous n'aurons qu'à les accueillir et cet accueil nous en attirera de plus en plus; c'est dans l'ordre de la Providence et il n'y a pas à s'en enorgueillir. 105

De la coulpe30

Le renoncement à soi-même est absolument nécessaire à nous surtout: sans lui pas d'oraison possible et sans l'oraison pas de sainteté. Par l'oraison on s'élève à Dieu. Mais par le renoncement on se détache de la terre, et l'on ne peut s'éle­ver à Dieu si l'on n'est détaché de la terre.

Une des pratiques de mortification et de renoncement est la coulpe. Le novi­ce qui la subit renonce pour un moment à une espèce de droit naturel et consent à ce que ses fautes soient dénoncées publiquement (il doit aussi par le même re­noncement consentir à ce que ses fautes et actes défectueux soient manifestés au Supérieur pour son plus grand bien).

Il renonce à un droit qu'il a,à ce que sa réputation ne soit pas compromise; mais si ses fautes sont graves, le devoir de la correction fraternelle passe avant ce droit.

(Le Père [Jean] lit ce que dit la Règle au sujet de la coulpe).

On ne doit pas reparler des choses dites à la coulpe en récréation ou ailleurs, parce que cette renonciation du droit au moment de la coulpe n'entraîne pas une renonciation permanente. Le novice a ensuite encore le 106 droit de conserver sa réputation sans tache. Ce point a besoin d'être bien compris, car il s'est passé beau­coup de fautes à ce sujet pendant la semaine.

De la perfection du vœu d’immolation

Après l'union à Notre-Seigneur dans les différents mystères de sa vie, mais sur­tout dans ceux où il est plus victime; le matin, de la crèche à sa vie publique; l'a­près-midi dans sa Passion; le soir à l'agonie, un 2e conseil est la fidélité à la grâce, fidélité toujours facile quand on le veut, car Notre-Seigneur parle toujours quand on l'écoute.

Vient en 3e lieu les oraisons jaculatoires d'amour, de réparation, d'action de grâces, de prière. Il faut en faire de ferventes et un usage presque continuel. Elles consistent en un mot, un sentiment répété qui entretient l'union à Notre-Seigneur. C'est comme une attestation continue du désir que l'on a de s'immoler avec Lui et cette sorte d'union est très recommandée par les auteurs de la vie spirituelle; elle est le prélude nécessaire de toute vie intérieure et entretient la présence de Dieu en nous. 107

Enfin un 4e conseil qui peut effrayer les âmes faibles qui qu'à tort, puisqu'en somme c'est un conseil et non un vœu, c'est de désirer d'être mené par la voie des souffrances. On n'y arrive pas d'un seul coup. Dans les moments de ferveur il faut exciter en soi ce désir; en faisant le chemin de la croix (qu'on doit faire fré­quemment et même tous les jours ne mettant qu'une minute à chaque station), on doit aboutir à ce désir. Se réjouir quand une petite contrariété, une petite croix imprévue se présente et désirer d'en porter ainsi un peu chaque jour dans la mesu­re de nos forces, afin d'en faire une bonne provision pour qu'à l'entrée du ciel on puisse en montrer suffisamment pour prouver sa ressemblance avec Jésus-Christ. Dans ces petites épreuves de chaque jour regarder son crucifix: il suffit d'un seul regard sérieux jeté sur lui pour s'animer à porter la croix: on ne nous demande pas l'agonie ni tous les tourments de la Passion; notre croix s'adoucit à la vue de ces grandes souffrances de Jésus pour nous. 108

L’Ascension

Nous nous réunissons aujourd'hui pour nous pénétrer de l'esprit de la fête et répa­rer notre méditation du matin que quelques-uns peuvent avoir faite légèrement.

C'est encore un festin qui réunit le Sauveur et ses disciples. C'est le cénacle où eut lieu la Cène: dans une salle le Seigneur et les 11 apôtres; au dessous les disciples; dans u­ne salle à part la Ste Vierge et les stes femmes.27) Ils sont là tous comme avant la dis­persion. Notre-Seigneur a de nouveau réuni son troupeau. A la Résurrection il a trou­vé la Ste Vierge, puis les autres, et tous sont là avec leurs souvenirs: Pierre songe à son reniement, Jean à son fuite momentanée, les onze à leur abandon. Y eut-il un repas eucharistique? L'Evangile ne le dit pas; mais c'était comme au jeudi saint. un repas d'adieu: Notre-Seigneur avait instruit ses disciples, conféré les saints or­dres à ceus de ses apôtres qui ne l'avaient pas reçu à la Cène.28) Pendant ces 40 jours il avait réglé tout ce que concernait son Eglise, les sacrements et l'administra­tion. 109

Il allait porter au Père les trésors de la Rédemption pour payer notre rançon et nous en faire recueillir les fruits.

Après le repas, on se dirige vers le mont des Oliviers. Il fallait, pour y arriver, repasser par le Calvaire, le prétoire de Pilate, le torrent de Cédron;29) c'était l'ac­complissement des paroles du prophète-roi: De torrente in via bibet, propterea exaltabit caput (Ps 109,7): il boira l'eau du torrent, c.à.d. les flots d'amertume et de douleur, il passera et repassera par tous ces endroits de ses douleurs, et près de là, à cause de cela, propterea, il relèvera la tête. Le Seigneur monte sur le mont des Oliviers; avec ses disciples grossis en route des personnes sympathiques ils é­taient 500 en arrivant, mais Notre-Seigneur n'était visible qu'aux siens en traver­sant la ville.30) Quels durent être les sentiments de la Ste Vierge et des disciples en le voyant s'élever et les quitter: tristesse et joie; tristesse de perdre celui qu'ils aimaient passionnément, mais joie de le voir glorifié, joie de voir le ciel ouvert par lui à eux-mêmes. 110

Tout le Ciel vint à la rencontre de son Seigneur et Lui y arriva avec les millions de saints de l'ancienne loi: la Ste Vierge et les Apôtres entendirent peut-être un écho des chants de l'Eglise triomphante. Ils étaient là si absorbés que des anges durent les rappeler à leur état: que demeurez-vous là?

En redescendant, quels furent leurs sentiments? Vivre dans le ciel avec Jésus, par la pensée, par le cœur; telle fut leur vie jusqu'à la Pentecôte, au Cénacle, où le Sauveur leur avait recommandé d'attendre l'Esprit Consolateur. Nous aussi, vi­vons ainsi dans le ciel et préparons-nous à la Pentecôte par une vie de recueille­ment. Demain soir commencera une retraite de six jours pour nous préparer û la grande solennité du 3 juin: il y a conférence et sujets de méditation et les occu­pations des temps libres seront indiquées. Ceux qui sont dans le professorat à St­-Jean n'y prendront pas part; je leur en ménagerai une pendant les vacances avec nos frères de Soissons et de Lille qui en ont aussi besoin. Je puis le dire: Notre­-Seigneur a promis de très grandes grâces si on sait y répondre 111 et bien faire la retraite; mais aussi le démon va se remuer, car il déteste l'œuvre et ce qu'on y fait en général; c'est surtout les retraites qu'il abhorre; tenons-nous donc sur nos gardes: il est arrivé déjà chez nos sœurs que la retraite a été une occasion pour la perte d'une vocation. Soyons tous généreux: de la fidélité et de l'ordre. Si No­tre-Seigneur revenait ici, il ferait probablement comme au Temple: prendre un fouet pour chasser les novices des endroits où ils ne doivent pas être ; mais nous nous serons miséricordieux jusqu'à la fin.

Que chacun se tienne où il doit être et se montre fidèle.

Troisième conférence de retraite

1e Conférence d'ouverture: Beatus vir qui in lege Dei meditatur (cf. Ps 1,1-2).

2e Conférence: méditation fondamentale: fin de l'homme.

3e Conférence: de l'usage des créatures.

1er usage: la contemplation en elles des perfections de Dieu, usage le plus no­ble et le plus grand, étant tout entier pour Dieu.

2e usage: la privation. Usage excellent qui nous 112 prémunit contre les abus. Car jusqu'à présent, suivant les inclinations survenues après le péché, nous avons a­busé des créatures. Usage qui répare, et c'est là celui- qui doit nous être le plus à cœur.

Les créatures se divisent en 3 groupes. Les bien extérieurs, nous y renonçons par la pauvreté; la chair nous y renonçons par la chasteté; la volonté propre et le jugement propre, nous y renonçons par l'obéissance. Mais comme ces trois vœux sont moins réparateurs que préservateurs, nous y ajoutons l'acceptation de toutes les croix qui pourraient nous arriver, afin de réparer davantage et de répondre à la loi spéciale de Dieu pour nous comme à sa loi générale.

Cataloguons les créatures qui nous sont dangereuses par la séduction comme par la répulsion; examinons-nous, dressons un plan de campagne pour l'usage des créatures.

Il pourra arriver qu'on sera tenté les uns de dissipation, les autres de tristesse, d'ennui, d'un désir exagéré de perfection, puis du scrupule et du découragement. Le remède à tout sera de s'ouvrir; si on n'a pas ces tentations, laisser la grâce agir tranquillement en nous. 113

Nous avons vu la fin de l'homme qui est Dieu; la fin des créatures, l'homme; l'usage à faire des créatures pour atteindre notre fin: usage par la contemplation, usage ordinaire, usage par privation. Voyons dans quelles dispositions nous devons user des créatures. Nous avons si peu de raison et de foi qu'il faut s'étendre sur ces considérations et ces principes de raison.

Les créatures sont par elles-mêmes indifférentes; à nous d'en faire un bon usa­ge; pour cela remettons-nous en à la Providence avec une indifférence absolue: la santé peut nous être utile pour faire de grandes choses; à un autre elle pourrait être nuisible, et ainsi des autres créatures, en prenant ce mot de créature pour tout ce qui est créé. .

Pour nous il y a une providence toute spéciale du Cœur de Jésus qui s'étend jusqu'au moindre détail: quand il destine une âme à une sainteté plus haute, il lui donne plus de grâces; nous pouvons être assurés que les moindres incidents sort permis ou ordonnés par lui; tout nous vient de Lui et découle de son Cœur.

N'usons des créatures que pour notre fin et examinons comment nous l'avons fait jusqu'à présent 114

De l’abandon

Ecce venio ut faciam voluntatem tuam (He 10,7).

Toute la journée a été employée à des considérations qui ne s'adressent qu'à l'es­prit: les plus peuvent être fatigants et il est bon d'ailleurs pour nous qui vivons plus de la vie du cœur, de méditer quelque chose qui parle plus au cœur.

Nous avons vu la fin de l'homme, Dieu; la fin des créatures, l'homme, et la conclusion: l'indifférence habituelle pour les créatures en elles-mêmes. Cette indif­férence, cet abandon est toute la vie de Notre-Seigneur, la disposition habituelle de son Cœur et fait tout le fond de notre vie de victime.

Notre-Seigneur a fait sans cesse la volonté de son Père. Il a toujours dit Ecce venio; toujours il s'est offert pour le bon plaisir de son Père: dans la joie et tris­tesse, au Thabor comme au Calvaire, au milieu de la foule et au désert, à l'Hosan­na et au Tolle, toujours cette disposition. Il a voulu, pour nous, subir une tenta­tion contre cette indifférence, à l'agonie, et le Transeat a me calix iste (Mt 26,39), en est l'expression. Mais il nous a enseigné alors à la combattre: Non mea volun­tas sed tua fiat. 115 (Lc 22,42)

Par cette parole il a vaincu la tentation, la nature se révoltant contre la volonté de Dieu. Répétons nous aussi souvent cette parole dans la tentation. Ces pa­roles de Notre-Seigneur exprimant l'indifférence et l'abandon à la volonté divine ont une efficacité merveilleuse. Redisons les avec foi et nous en ferons l'expérien­ce.

S'il eut une préférence, ce fut pour la Croix: Cum gaudio sustinuit crucem (cf. He 12,2). Improperium exspectavit cor meum (Ps 68,21). Surgite, eamus (Mt 26,46). Desiderio desideravi (Lc 22,15).

Et la Ste Vierge ?Quel modèle d'abandon! Fiat mihi secundum verbum tuum (Lc 1,38). Elle s'en remet entièrement à la volonté de Dieu. Le Magnificat respire cet abandon. Au pied de la croix même elle ne s'en départit pas. Stabat Mater. Ce sta­bat (Jn 19,25) est comme l'écho du surgite, eamus (Mt 26,46).

St Joseph nous est aussi un modèle de conformité à la volonté divine. Ses actes nous le prouvent suffisamment.

Suivons donc ces trois modèles de l'abandon parfait au bon plaisir de Dieu. C'est le fondement de notre vocation. C'est l'imitation la plus parfaite du Cœur de Jésus. 116

Considérons aujourd'hui le péché, après avoir vu hier soir la voie qui nous était tracée, la conformité à la loi générale de Dieu et à sa loi spéciale et propre à nous.

Considérons les conséquences d'un seul péché, celui des anges; ils avaient re­çu beaucoup, aussi ils n'ont pas eu de pardon, mais un châtiment terrible.

Mais comme suite nous voyons encore le péché de l'homme, le désordre dans toute la nature. Le péché d'Adam vient encore nous prouver la malice du péché: tous ses descendants héritant de cette faute et condamnés comme lui à tous les maux et au plus terrible de tous, à la mort après une vie de luttes et de souffran­ces. Apprenons là à détester le péché.

Conférence sur la nature du péché

Ce qui a été dit du péché, doit s'appliquer, proportion gardée, à tout péché véniel ou mortel.

Examinons-nous maintenant bien sérieusement, repassant les lieux où nous a­vons été depuis 117 l'enfance: n'avons-nous pas péché après une consécration plus particulière à Dieu, après la cléricature, les ordres sacrés, après des effusions de grâces plus abondantes, près d'une communion, dans la communion même, dans le saint lieu? A chacun de faire un sérieux examen pour se préparer à la confes­sion des jours qui suivent.

Nous avons considéré le péché historiquement ce matin; à 10 heures nous a­vons vu le péché comme le mal de Dieu par l'ingratitude et comme attentat; à 3 heures nous l'avons examiné comme le mal de l'homme qu'il prive de la grâce,de l'amour de Dieu, du ciel, des mérites.

Voyons-le ce soir comme le mal du Cœur de Jésus. Attendite et videte si est dolor sicut dolor meus (Lm 1,12). Il était venu pour faire la volonté du Père, mais ce que Dieu veut, ce qu'il ne méprise pas, c'est un cœur contrit et humilié, un cœur broyé. Voulant réparer le péché, il l'a pris sur lui et a dit à son Père: Mettez que c'est moi qui l'ait fait et frappez. Il a pris sur lui la honte de Caïn, de Judas 118 honte si violente qu'elle l'a fait mourir. La honte de tous les traîtres, de tous les pécheurs. Pour bien sentir la laideur du péché, il faudrait comprendre le tort qu'il fait à Dieu. Jésus l'a compris si bien qu'un seul péché a été pour lui si affreux à voir que sans un miracle sa vie ne se serait pas maintenue. Que pen­ser de tous les péchés réunis? Aussi au moment où cette torture était à son pa­roxysme, son sang s'échappait par toutes ses pores.

Et c'est toute sa vie qu'il a vu le péché et les péchés, puisqu'il venait pour les expier et les réparer. C'est toute sa vie que son Cœur a été broyé et brisé. Voi­là ce Cœur qui a tant souffert. Mais et c'est ici un sujet spécial de considérer pour nous: mais ce qui lui a été le plus sensible, ce sont les péchés des âmes consacrées, celles qu'il a aimées le plus, qui ont eu plus de part à ses bienfaits, celles là ont péché com­me d'autres et son Cœur en a été plus vivement frappé.

Si les âmes communes étaient seules à m'offenser, je le supporterais, mais vous, choisies entre mille et mille, 119 vous, favorisées d'une vocation spéciale, vous gratifiés de faveurs journalières, vous qui avez reçu des noms d'ami et un appel miracu­leux, vous qui êtes les maîtres d'un Ordre nouveau des derniers temps, vous m'of­sensez encore, vous me blessez encore, et cela m'est plus sensible que tout le reste.

Réfléchissons à ces plaintes. Voyons dans quelle mesure nous les avons provo­quées et hâtons-nous d'y mettre fin par plus de générosité. Si quelqu'un ne com­prend pas cette douleur du Cœur de Jésus, qu'il serait à plaindre.

Du jugement dernier

Libri aperti sunt, cuncti judicati sunt (cf. Ap 20,12)

C'est St Jean qui signale cette scène du jugement. Pour en comprendre un peu la grandeur, représentons-nous le ciel et la terre dans le bouleversement, les hommes séchant de frayeur, puis au son de la trompette de l'archange tous ressus­citent et [sont]rangés par les anges en deux camps: les bons et les pécheurs. Au­-dessus les anges aussi en deux camps. 120

Alors apparaît le signe du Fils de l'homme, la Croix, et enfin le Sauveur, venant juger tous les hommes.

Les démons viendront et diront à nos âmes: ne m'as-tu pas donné telle pen­sée, tel acte, telle faculté, ton corps ne me l'as-tu pas donné? Puis nos œuvres, comme un tableau parlant, viendront nous accuser.

Notre bon ange et nos protecteurs diront: et nos inspirations, nos lumières, qu'en as-tu fait?

Les pécheurs diront: si nous avions [eu] toutes ces grâces, nous serions sau­vés.

Les saints qui n'ont pas eu plus de grâces que nous diront: si tu avais répon­du comme nous à la grâce, tu serais des nôtres.

Mais par dessus tout la voix du juge plus terrible que tout le reste: Allez, maudit! Puis la terrible séparation.

Pensons-y; nous ne pouvons y échapper, et sans trop craindre il faut craindre assez. Ne nous exposons [pas] à perdre une vocation, [ce] qui pourrait nous con­duire à la perte définitive. 121

Du jugement particulier

Omnes nos manifestari oportet ante tribunal Christi (Rm 14,10).

Avant le jugement général, le jugement particulier. Considérons le juge, l'accu­sé, les accusateurs, l'examen, la sentence.

Le juge c'est le Christ toujours bon, mais alors armé de l'attribut de la justi­ce. L'accusé seul devant son juge pour se défendre, voyant clairement ses fautes. Les accusateurs, les démons, incriminant tout: pensées, paroles, actes. Les anges et les protecteurs déposant de l'inutilité de leur intervention pendant la vie. L'exa­men sévère se fera sur toute la vie, à la lumière de la vérité. Puis viendra la sen­tence. Craignons beaucoup pour notre salut. Pensons à ce jugement pour le prépa­rer.

De la mort

Homo cum mortuus fuerit et nudatus atque consumptus, quaeso, ubi est? (Jb 4,10).

Trois choses se présentent selon ces paroles de Job pour définir la mort:c'est un dépouillement, nudatus; consumptus, une consomption, et pour ceux qui survi­vent une incertitude sur l'état du mort. 122

Familiarisons-nous avec la pensée de la mort. Rien n'est plus utile à la vie que cette pensée. Que serons-nous à ce moment? Etendu sur notre couchette de religieux; plaise à Dieu que nous ne soyons pas dans un lit dans le monde, ayant perdu notre vocation, entouré de gens qui nous cachent l'approche de la mort, mais dans une cellule, entouré de frères généreux priant les uns autour de nous, les autres devant le St Sacrement et nous encourageant, nous aidant à bien mourir. Quelles seront nos pensées alors? Nous verrons notre vie de religieux, ce qu'elle a été. Préparons-nous dès maintenant à des pensées consolantes.

Mourant dans le monde avec une vocation perdue, Satan pourrait en profiter pour nous jeter dans le désespoir, mais mourant en religion, après avoir chaque '(jour] consolé Notre-Seigneur en portant quelque croix pour racheter des âmes a­vec Lui, nous dirons avec une de nos sœurs: `Oh, qu'il est doux de mourir dans le Cœur de Jésus! ' Ce serait un blasphème de penser qu'après avoir vécu toute la vie pour ce Cœur divin, il nous abandonnerait au dernier moment, et Marie dont nous aurons consolé le Fils, pourra-t-elle nous refuser consolation? 123 Pourra-t-elle ne pas nous combler de ses secours? Oui, si nous sommes fidèles chaque jour à vivre selon notre vocation, à porter chaque jour quelque croix, il sera pour nous aussi bien doux de mourir dans le Cœur de Jésus.

Pour nous bien préparer à ce moment terrible, soyons fidèles à la préparation mensuelle, à la préparation hebdomadaire, au moment de la confession, à la prépa­ration [quotidienne] au moment de l'examen du soir.

Aujourd'hui purifions-nous ou par la confession ou au moins par l'examen et la contrition. Demain c'est la fête de Notre-Dame du S.-Cœur. Il faut renaître à une vie nouvelle pour bien finir le mois de Marie et bien commencer le mois du , S.-Cœur.

De la tiédeur

Ses caractères, ses causes, ses suites, ses remèdes.

On reconnaît la tiédeur dans une âme, quand elle attache peu d'importance aux petites choses, quand elle se dit: cela ne va pas jusqu'au péché mortel. On la reconnaît encore à la recherche des moins fervents de préférence aux plus fervents. 124

Ses causes sont des actes de négligence sur des petits points qui s'accumulent et s'aggravent toujours, l'indifférence pour la ferveur etc. Ses suites sont de provoquer le dégoût en Notre-Seigneur, de donner ­une fausse sécurité, d'aveugler sur son état, de conduire aux abîmes.

Ses remèdes: ils sont difficiles à appliquer, parce que l'âme tiède n'est pas as­sez bas pour être frappée de son état; elle se dit qu'elle va bien ainsi: Dicis quia dives sum et nullum egeo (Ap 3,17). Nous, nous avons un grand remède, le Cœur de Jésus, la prière au Cœur de Jésus. Demandons-lui de sortir de cet état. Compa­rons notre tiédeur avec le Cœur de Jésus, cet océan de flammes.

Cette méditation sur la tiédeur est une comparaison de notre cœur avec le Cœur de Jésus: la prière à son Cœur, la comparaison avec son Cœur, la confian­ce en son Cœur sont pour nous de puissants remèdes. Mettons-les à profit! Et sortons au plus vite d'un état qui est tout à fait contraire à notre vocation de ré­paration et d'amour. 125

Oblation de Jésus

Pour bien imiter Notre-Seigneur, il nous reste à l'étudier dans ses mystères, d'abord dans son oblation.

Ecce venio ut faciam voluntatem tuam (He 10,7). Si nous voulons fixer no­tre imagination par un grand spectacle, contemplons le monde au moment de l'In­carnation. Les hommes livrés à tous les vices, les âmes allant en enfer par foule, le peuple choisi de Dieu tombant dans diverses erreurs. La Rédemption était bien nécessaire et Jésus a dû dire avec empressement: Ecce venio.

Suivons son exemple et offrons nous aussi la réparation qu'il demande en u­nion avec la sienne. Tout prêtre doit faire son oblation, mais pour nous c'est la partie principale.

Jésus à Bethléem

Modèle d'humilité, de pureté, de charité.

Ayez ces trois vertus et vous serez une parfaite victime.

Humilité. Nous nous étonnons de tant d'abaissements. Notre étonnement prouve notre orgueil. Allez maintenant rechercher l'honneur, quand Jésus est méconnu 126 repoussé, logé dans une étable avec un bœuf et un âne.

Pureté. Comme la sensualité est bien satisfaite. De la paille pour lit, une étable pour habitation. Est-ce le goût qui est flatté? On ne le comprend guère. Serait-ce l'ouïe? Pas davantage. La sensualité ne trouve la rien.

Charité. Pour son Père il consent à souffrir ainsi pour nous, et il souffre afin de nous donner l'exemple.

Jésus à Nazareth

De 12 à 30 ans il y passe sa vie. C'est là qu'il est . plus notre modèle. On n'est pas tous les jours au Calvaire, mais on est tous les jours à Nazareth, et Notre-Sei­gneur nous a demandé de trouver ici son Nazareth. Il l'y trouvera par notre union à Lui, union de pensée, de cœur sur ce mystère de sa vie. Vous qui songez à a­vancer la réparation par votre science, vos talents, l'éclat de la prédication, comme cette longue vie obscure vous confond. Jésus n'en a que faire. Il veut plutôt de nous une vie cachée, intérieure, une vie d'union avec Lui 127 une vie inconnue du monde. Voyez là aussi un modèle d'obéissance. Il a dû obéir non seulement à Ma­rie et à Joseph qui cependant n'étaient encore que des créatures, mais à des gens de toute condition qui le faisaient travailler, et les gens qu'on sert n'ont pas l'ha­bitude de donner des compliments. Obéissons à tout ce que Dieu veut et ordonne par . ses créatures.

Jésus au temple

Il y va prier avec Joseph et Marie. 128

129 Estote imitatores Dei sicut filii carissimi et ambulate in dilectione sicut et Christus dilexit nos et tradidit semetipsum pro nobis oblationem et hostiam Deo in odorem suavitatis (Eph 5,1-2).

Par ces paroles, St Paul nous montre que la vocation sublime par laquelle u­ne victime est offerte à Dieu, est l'imitation même de celle de Jésus et que c'est par l'amour que se consomme cette immolation. Il propose d'imiter Jésus de cet­te façon, à tous les chrétiens, particulièrement à tous les prêtres et plus spéciale­ment aux âmes consacrées.

Les prêtres y sont engagés comme remplaçant l'ancien sacerdoce qui n'était lui-même qu'une victime substituée aux grandes victimes, les premiers nés de cha­que famille à la sortie d'Egypte (Separabis a populo, purificabis et consecrabis o­blatos Domino). Les prêtres de l'ancienne loi étaient eux-mêmes remplacées par u­ne victime immolée à leur place avec un soin extrême; on mettait à part (remar­quez le rite) le cœur et le bras de la victime: Separabis pectusculum et armum (cf. Ex 29,26). C'était comme la part de Dieu, choisie en ce qui était le plus déli­cat. Jusqu'ici on avait imité Jésus-Christ dans son holocauste 130 en se clouant comme lui à la croix par les trois vœux de pauvreté, d'obéissance et de chasteté. Au­jourd'hui et depuis 200 ans il semble qu'il soit descendu de la croix pour nous présenter son Cœur et nous dire: immolez encore votre cœur, car j'ai moi-même immolé le mien.31)

Assimilons-nous à ces victimes de l'ancienne loi et immolons à Dieu le cœur et le bras droit, c'est-à-dire le cœur par l'amour et la réparation et le bras par l'action. Le moyen est celui que Jésus a pris: la charité pour Dieu et pour les â­mes: Ambulate in dilectione (Eph 5,1).

Lisons aujourd'hui quelques extraits de la Bse Marguerite sur les révélations qui ont amené le fête de demain. De cette sorte c'est Notre-Seigneur lui-même qui nous disposera à cette fête.

(Le Père [Jean] lit ensuite ce qui concerne l'établissement de la fête du Sacré-­Cœur et insiste sur la plaie la plus sensible révélée par le Cœur de Jésus ). 131

L'esprit propre de l'ordre du S. Cœur doit être l'amour du prêtre. Surtout que notre réparation ne soit pas basée sur un mépris. Aimons le cœur du prêtre, car c'est de là que doivent être animées toutes ses fonctions. /


1)
V,3Plantier Claude-Henri, évêque de Nîmes. Né à Ceyzérieux (Ain), en 1813. Professeur d’Ecritu­re sainte et d’hébreu à la Faculté de théologie de Lyon, il donna le fruit de son enseignement à ses Etudes littéraires sur les poètes bibliques. Choisi pour succéder au Père de Ravignan à Notre­Dame de Paris comme prédicateur du Carême (1847) et de l’Avent (1848), il publia ses confé­rences, qui traitent de sujets philosophiques et de l’autorité doctrinale de l’Eglise. Evêque de Ni­mes en 1855, Mgr Plantier a écrit un nombre considérable de lettres pastorales. Hommes austère, de devoir et d’autorité, Mgr Plantier a été en France de 1875, date de sa mort, le représentant le plus autorisé, avec Mgr Pie, des tendances ultramontaines et l’adversaire le plus résolu du libé­ralisme.
2)
V,5Cf. note l. II, 1; note 9. H, 38; note 2. III, 7; notes 7-8. III, 28.
3)
V,8Consultant le Registre des voeux (p. 1-2) la couronne des novices qui entoure p. Dehon, le jour de sa fête (l’an 1880) est formée par le p. Alphonse Rasset, le p. Barthélémy Dessons, le p. Thaddée Captier, le p. Stanislas Falleur, le p. Mathias Legrand, le p. Marc Stemplet, le p. Martin Waguet. P. André Ozenfant, selon le Registre des voeux, est entré chez les Oblats le 2/2/1881. P. Dehon n’est pas toujours exact à l’égard des dates des premiers religieux. Restent inconnus le p. Berchmans et le p. Jean-Baptiste.
4)
V,9Quant aux religieux nommés à p. 7, les deux plus anciens novices, non prêtres, sont p. Ma­thias Legrand de 31 ans, ordonné prêtre le 29/6/1884 et p. S. Falleur de 23 ans, ordonné pré­tre le 23/9/1882.
5)
V,16Cf. note 2. V, 5.
6)
V,17Le p. François-Xavier Lamour fit ses premiers voeux le 7/1/1881 (cf. RV, 1).
7)
V,17Cf. note 8. III, 28. La conclusion du procès au sujet du testament de sr Marie des cinq Plaies, fut défavorable aux Servantes et à p. Dehon, soit en première instance qu’en appel. P. Dehon é­crit dans ses «Mémoires»: Procès intenté à la Chère Mère et gagné en première instance et en appel par l’héritier de soeur Marie des cinq Plaies, et par suite perte de toutes nos ressources (NHV XIV, 59).
8)
V,18P. Augustin-Marie Herr, au siècle Léon, frère de p. Jacques-Marie Herr (cf. note 6. 111, 15), naquit à St-Quentin le 15/5/1855. II entra chez les Oblats le 7/l/1881, fit sa première profes­sion le 23/10/1882 et fut ordonné prêtre le 20/12/1884. En 1888 il fut premier cure du fau­bourg St-Martin (à St-Quentin) avec la charge de recueillir des fonds pour construire l’Eglise. Celle-fut ouverte partiellement en 1896. Suite à des difficultés financières pour la construction de l’église, il donna sa démission. Il fut aussi de 1888 à 1896 Conseiller général. Il sortit de la Congrégation et se fit prêtre séculaire en 1897 où 1898. Il mourut le 23/8/1904 (cf. RV, 2; Lugdunensia, p. 42, pp. 56-58).
9)
V,18P. François-Xavier Lamour fit sa première profession le 7/1/1881. Le même jour p. Martin­Marie Waguet fit sa prise d’habit et p. Augustin-Marie Herr entra chez les Oblats (cf. RV, 1-2).
10)
V,21On peut s’étonner de voir ainsi centrer l’immolation sur «l’obéissance», alors que de nos jours on dénonce surtout la possibilité d’une certaine démission, d’un manque d’engagement qui pourrait se camoufler sous les dehors d’obéissance. Cependant cette manière de parler est dans la tradition biblique constante: vocation d’Abraham; spiritualité de l’Alliance (Tous ce qu’a dit Yahwé, nous le ferons ) (Ex 24,7); Ecce venio de Jésus… Loin d’être contrainte subie, soumis­sion passive, l’obéissance, libre adhésion au dessein de Dieu encore enfermé dans le mystère per­met à l’homme de faire de sa vie un service de Dieu et d’entrer dans sa joie (cf. M. Denis, PPD, pp. 33-34).
11)
V,23C’est le 3 novembre (1871) que j’étais envoyé à St-Quentin par la seule volonté de Dieu… C’était absolument le contraire de ce que j’avais désiré depuis des années: une vie de recueille­ment et d’étude. Fiat (NHV IX, 70-71).
12)
V,29Cf. Conférence du dimanche 26/12/1880 (CF V, 7-8).
13)
V,31Prise d’habit de p. Augustin-Marie Herr (cf. note 8. V, 18.) et de p. Marc-Marie Stemplet, au siècle Georges, né à Isenheim (novembre 1863), sorti en août 1881, rentré en août 1886 et sorti en décembre 1886 (Registre des voeux du p. Dehon, p. 2). De p. Siméon nous ne savons rien. P. André-Marie Ozenfant, au siècle Désiré, né à St-Quentin (mars 1864), entré chez les O­blats le 2/2/1881, est sorti en juin 1883 (RV, 2).
14)
V,33Claude de la Colombière (1641-1682). Atteints par la défiance qui entoura pendant le XVIIIième siècle la dévotion au Sacré-Coeur, La Colombière, malgré l’admiration qu’avaient sus­citée ses vertus, demeura longtemps, comme Jean Eudes et Marguerite-Marie, dans la pénombre. C’est seulement en 1874 que s’ouvrit son procès de béatification et en 1929 que l’église l’a dé­claré «bienheureux».
15)
V,34C’est le p. Claude de la Colombière Lobbé, au siècle Albert, né à Jeancourt (Aisne) le 11/ 12/1856, entra chez les Oblats le 23/10/1881, fit sa profession le 27/6/1884 et fut ordonné prêtre le 9/6/1886. Il fut supérieur de la maison de Lille de 1889 à 1894 et conseiller général de 1893 à 1902. Il mourut à St-Quentin le 22/11/1933 (cf. RV, 5; Nec., 113).
16)
V,35P. Dehon met en rapport la «mort mystique» de sr Marie de St-Ignace, advenue le 2/2/1878 avec une espèce de «naissance mystique» de son oeuvre. Le 12 février 1878, il reçut l’abbé Bas­set et lui communiqua son projet d’une oeuvre réparatrice et fit état des vues d’oraison de sr Marie-Ignace, plus spécialement de 1’ »extase» du 2 février 1878. Cette date est importante dans la vie du P. Fondateur, quelque jugement que l’on porte sur la réalité des faits ou leur interpré­tation. Il suffit de lire à ce sujet la relation postérieure qu’en fit le P. Fondateur dans NHV XIII, 72 (M. Denis, «Le Projet du P. Dehon», p. 64).
17)
V,40P. Dehon se refait à une conception rigidement ascétique et «scolastique» de l’obéissance. Toutefois st Thomas concevait l’obéissance comme une recherche coordonnée (même si subòr­donnée) de l’autorité et des sujets à l’égard du bien commun. St Ignace admet que les sujets expriment leur valutation personnelle en regard à l’ordre reçu. Toutefois dans la conception as­cétique et «scolastique» de l’obéissance l’apport du sujet n’est pas indispensable; le dialogue peut être admis et toléré, mais il n’est pas exigé. Approfondissant l’histoire de salut, spécialement après le Vatican II, on comprend comment l’en­tier peuple de Dieu, et de façon plus restreinte l’entière communauté religieuse, sont appelés à réaliser le plan de salut du Père, dans la charité communautaire du Christ. Le supérieur par con­séquent a besoin de la collaboration de tous ses frères pour interpréter les signes des temps et connaître la volonté de Dieu. D’où la nécessité du dialogue entre autorité et sujets. La décision dernière appartient à l’autorité et peut exiger le renoncement des propres idées personnelles. L’obéissance chrétienne et spécialement l’obéissance religieuse est participation au mystère pascale du Christ. On arrive ainsi à vivre cette immolation, qui est si chère à p. Dehon. L’obéissance religieuse tend à conformer le religieux à la volonté divine, souvent au moyen de l’offrande de sa personnalité en hostie-sacrifice à Dieu. L’obéissance à «yeux ouverts», c’est-à-di­re avec l’adhésion totale de l’intelligence et de la volonté, pour motifs de foi, est beaucoup plus digne d’une personne et d’un fils de Dieu, que l’obéissance «aveugle», «perinde ac cadaver».
18)
V,50Michel-Marie Venet, dans le monde Jules, né à St-Quentin le 20/11/1857, entré chez les O­blats le 4/2/1881, sorti en novembre 1895 (RV, 3). P. Paul de la Croix-Marie Delgoffe, dans le monde Arthur, né à Chapelle-St-Laurent (Belgique) le 1/1/1861, entra chez les Oblats le 15/2/1881. Il fit sa profession le 24/3/1882. Ordonné prê­tre à Soissons le 29/6/1886, il fut supérieur de la maison de Quévy (1910-1913) et de Brugelet­te (1914-1917). Il mourut le 18/5/1944 à Jolimont (Belgique) (RV, 3; Nec., 47).
19)
V,51L’application du terme Jehovah au Christ surprend et est pour le moins curieuse. Jehovah est un barbarisme, créé pour ne pas prononcer la parole sacré Jahvé. A l’origine la Bible était é­crite seulement avec les consonnes. Les consonnes de Jahvé étaient J H V H. Quand le lecteur les trouvait dans un texte, il devait lire: Adonai = Seigneur. Quand les Massorètes vocalisèrent le texte sacré, ils posèrent sous les consonnes de Jahvé les voyelles de Adonai, à titre de rappel. Es changèrent seulement le premier a en e d’où dérive JeHoVah = Seigneur et pour p. Dehon Christ.
20)
V,55Aucun supérieur, à présent, ne glorifierait une telle obéissance, sans se sentir en contraste avec l’évangile qui dit de négocier les propres talents. De plus le supérieur a le devoir de placer le religieux dans les meilleures conditions afin qu’il exerce ses dons, ses grâces (dons de Dieu) pour le bien des hommes, de l’église, de la congrégation, pour sa sanctification à la gloire de Dieu.
21)
V,56Cette primauté du sacrifice est acceptable, seulement si animée d’un amour supérieur à celui mis dans le faire une action.
22)
V,69C’est le p. Ignace Lefèvre, dans le monde Emilien, né à Le Herie la Viérille le 3/9/1846, entré chez les Oblats le 25/3/1881, fit la profession le ler juin 1883 et sorti le ler/6/1884.­
23)
V,80Voir plus haut (CF III, 39, note 12) ce qui a déjà été dit à propos du voeu d’immolation qui est surtout un voeu d’oblation. Le P. Fondateur revient souvent sur cette obligation du ma­tin: l’oblation au début de chaque journée, tant il est soucieux de former de vrais oblats, au point d’avoir songé à un voeu spécial à ce sujet. Toute oblation sérieuse suppose l’immolation, c.a.d. l’oblation généreuse dans les sacrifices qui s’imposent (cf. M. Denis PPD, pp. 35-36).
24)
V,86On complète entre parenthèses le texte cité.
25)
V,92C’est la fête de St-Jean «ante portam Latinam».
26)
V,95Le plus ancien d’âge est le p. Thaddée Captier, né en 1831, entré chez les Oblats le 21/11/1880. Les plus anciens dans l’entrée sont le p. Stanislas-Marie Falleur et le p. Mathias-Marie Legrand acceptés à l’Institut le 4/10/1879.
27)
V,108C’est une pieuse supposition.
28)
V,108Probablement le texte n’est pas fidèle aux paroles originales de p. Dehon. Tous les apôtres fidèles étaient présents à la dernière Cène.
29)
V,109Si Christ et les apôtres provenaient du Cénacle, ils devaient seulement passer le torrent Ce­dron.
30)
V,109Ce sont de pieuses suppositions.
31)
V,130Dans la période où p. Dehon parlait à ses novices, ils c’étaient passées un peu plus de 200 ans depuis les apparitions du S. Coeur à s. Marguerite Marie.
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