435.10
AD B.21 /7a.3
Ms autogr. 4 p. (21 x 13)
De Mr Boute
Hazebrouck 13 9bre 1864
Mon bien cher ami,
Il y a un mois juste à pareil jour que vous m'écriviez d'Athènes, en face de l'Acropole. Moi, plus modeste, je vous écris sous le ciel brumeux et peu poétique d'Hazebrouck, en face de son clocher, attendu que j'ai transporté mes vieux pénates dans la grande chambre qu'occupait monsieur Evrard, de joyeuse mémoirel.
Je vous remercie de votre bonne et savante lettre; j'espère qu'elle ne sera point la dernière de votre voyage; la plus petite de votre part, ne renfermât-elle que quelques lignes, sera toujours la très bien venue. J'ai donné conaissance de celle datée d'Athènes, avec son timbre grec et ses timbres-poste en grec aussi, à ces messieurs qui s'y sont vivement intéressés. Je l'ai lue même à mes élèves auxquels j'ai énuméré vos succès et vos heureux talents, afin de les porter au travail, en les engageant à marcher sur vos traces. Cette lecture a paru les charmer et leur faire grand bien. Je compte, avec votre permission présumée, en agir encore de même, lorsque vous me procurerez l'avantage de l'envoi (?) d'une seconde missive. La chose doit peu vous coûter, puisqu'il suffit de laisser courir votre plume pour être intéressant. Je compte donc sur votre obligeance et votre bon souvenir.
Simeon2 est venu passer dix â douze jours au pays; nous avons beaucoup causé de vous, de vos voyages, de votre brillant avenir… Il avait passé par La Capelle où il avait séjourné quelques jours au sein de votre famille. Laure lui aurait dit qu'elle se chargeait de lui procurer une femme en temps opportun et il parait bien décidé à s'établir â Paris et à ne point épouser en son pays; je l'approuve au moins pour ce dernier point de vue. Il se proposait de vous écrire à son retour à Paris et probablement vous trouverez sa lettre avec la mienne à votre retour à Athènes de vos savantes excursions. Que vous êtes heureux de pouvoir parcourir et étudier des contrées si célèbres à tant de titres! Il avait laissé madame Dehon Jules toujours un peu souffrante. Cette bonne et tendre mère s'alarme toujours à votre sujet. Dites-lui bien que vous ne courez aucun danger, et qu'elle doit se rassurer sur votre compte, et bannir toute crainte au sujet de ce voyage. Vous ne pourrez jamais la prêcher assez sur ce point. Les mères sont si promptes à s'alarmer, si ingénieuses à se créer des fantômes!
Je porte â votre connaissance que Monsieur Baye Benjamin, votre ancien condisciple, bornant enfin le cours de ses espiègleries, a, le 26 7bre dernier, allumé le flambeau de l'hyménée. Quelle est, me demanderez-vous, l'heureuse mortelle qu'il a daigné associer à ses destinées? C'est une jeune personne de St-Omer, belle-sœur de Monsieur Thooris. Il n'a pas encore de position, par la raison qu'il a plutôt pratiqué jusqu'ici une queue de billard que parcouru et étudié les auteurs propres à sa licence. Il commence a sentir le besoin de conquérir ce grade pour arriver à quelque chose.
Vous me feriez plaisir, si la chose était possible et qu'elle ne dût point déranger trop, de me faire l'envoi d'un n°d'un journal grec, en grec moderne bien entendu. Tous ces messieurs vous souhaitent bon voyage, et vous aiment toujours comme par le passé, Mr le Principal, Mr Dekeister et le père Lacroix. On ne désespère pas de vous revoir avant la fin du monde; et moi, je compte bien vous serrer la main et vous embrasser avant un an3.
C'est dans ces sentiments, mon bien cher ami, que je vous quitte, en y ajoutant mes vœux les plus ardents pour votre heureux retour. Puissiez-vous un jour publier la relation d'un voyage aussi intéressant au point de vue historique et scientifique qu'au point de vue religieux.
Je vous embrasse bien cordialement.
Boute Ptre (prêtre)
1 M. Evrard, l'un des fidèles collègues de Mr Dehaene et de Mr Boute au collège d'Hazebrouck, devenu ensuite curé-doyen de Notre-Dame à Roubaix. Léon Dehon l'eut comme professeur de troisième.
2 Sur Siméon cf LD 4 (note 3) et LC 2 et 7.
3 Ces «messieurs»: le Principal, Mr Dehaene; Mr Dekeister, directeur, cousin de Mr Dehaene; le père Lacroix, surveillant général. L'abbé J. Lemire, en son livre «L'abbé Dehaene et la Flandre» (Lille 1891), en donne des portraits savoureux: Mr Boute pp. 329-330; Mr Dekeister, pp. 334-335; Mr Lacroix pp. 330-334.
Sur ces «messieurs» cf en NHV: Mr le Principal (Mr Dehaene), 1, 14r° - 17r°; Mr Boute: 1, 17r° -23r°; MM. Evrard, Lacroix, Dekeister: 1, 23r°) - 24r°.