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149.02

AD B.17/6.3.2

Ms autogr. 4 p. (13 x 11)

De l'abbé Bouguin

Séminaire français 4 novembre 70

Bien cher ami,

L'excellent M. Pineau m'offre une toute petite place d'intérieur. Je l'accepte volon­tiers, parce que c'est pour aller vers vous.

En vérité, je serais parti plus tôt, si j'avais su où vous aller chercher; mais passer au milieu des lignes prussiennes, puis courir la chance de ne pas vous rencontrer â La Capelle, c'était trop de courage pour moi, depuis surtout que le journal du départe­ment m'a raconté une formidable histoire. A Poitiers, un uhlan a été envoyé, on l'a beaucoup questionné, le jeune allemand, qui est très intelligent, aurait dit dans son interrogatoire qu'il aimait mieux la liberté que la prison; ce qui parut sans doute as­sez naturel à mes compatriotes. Trois ou quatre jours après, le uhlan était extrait (sic) de sa prison et dirigé sur La Rochelle pour l'île d'Oléron. Quoi d'étonnant que je partage la frayeur de mes compatriotes pour ces barbares de uhlans et de prussiens?

Quand nous reviendrez-vous? De tous ici, je vous assure, je ne suis pas celui qui désire le moins de vous revoir. Combien souvent je pense à vous et à nos amis. Pas de nouvelles directes de M. Dugas, ni moi, ni personne; il a suivi son frère comme aumônier; peut-être est-il à Besançon. M. Poiblanc a lâché aussi son vicariat pour la vie des camps; va-t-il marcher? Quant à M. de Dartein, je comprends qu'on ne sache pas ce qu'il devient. S'il était à Metz, où sera-t-il parti? Les détails nous manquent ici sur cette capitulation; elle me fait l'effet d'une grande lâcheté et d'une infâme trahison qui devrait ménager le retour d'un homme qui nous a attiré à Rome et en France tous ces châtiments.

Les Italiens, en venant ici, nous ont apporté, vous le pensez bien, tout autre chose que l'ordre et la tranquillité. Combien de temps tout ce provisoire durera-t-il? Il y a trop de tension dans les rapports pour qu'ils puissent se maintenir. On mettra tout sur le compte du St-Père qui n'est pas sorti depuis le 20 septembre et n'a voulu enten­dre parler de rien en fait de conciliations et d'arrangements. C'est peut-être la meil­leure garantie que Rome sera bientôt délivrée. Les subalpins, d'un autre côté, vou­draient bien dorer la pilule, pour ne pas trop effaroucher l'Europe et pouvoir deman­der quelque chose au Congrès, si tant est qu'un Congrès doive avoir lieu. On dit pourtant déjà signé le décret qui supprime les biens ecclésiastiques: les maisons­mères des chefs d'ordre seraient seules respectées. La question du Collège romain a dès le commencement beaucoup préoccupé ces messieurs. Ils en ont pris possession dès leur entrée à Rome, en faisant occuper par leurs troupes la partie réservée aux classes. Les Pères sont restés chez eux. Ces jours-ci, le Recteur a signifié à La Marmo­ra que le Collège romain ouvrirait ses cours à l'époque ordinaire, et qu'on ait, en con­séquence. à évacuer les salles et les classes. L'administration a répondu que les trou­pes partiraient, mais qu'on avait l'intention d'établir un lycée, un gymnase… et qu'un autre local ne pouvait mieux convenir que le Collège Romain; cependant la propriété restait aux Pères. Qu'à cela ne tienne , ont répondu ceux-ci, nous vous cédons le do­maine utile de la partie que vous occupez; nous ferons privatamente les classes chez nous dans l'intérieur de la maison: c'est pour demain 5 que tout le monde est convo­qué. Le P. Franzelin et le P. Palmieri nous restent; les PP. Sanguinetti, Perrini et Tosi ont suivi en Angleterre les scholastiques et les novices. Les journaux s'émeuvent de la résolution des Jésuites, la concurrence dans une maison leur sert de prétexte. Si on enlève aux Pères les enfants, on y laissera pourtant les étrangers qui suivent les cours de théologie; du moins on peut le croire après les démarches qu'ont dû faire les repré­sentants des puissances. Le brave Lequerre est prêtre habitué à Plouguerneau où il apprend le breton. Liles y est vicaire. M. Rossi est aussi casé dans un charmant poste sur le bord de la mer. M. Vantroys est-il toujours à Nîmes? et M. Desaire? Faites-leur bien mes amitiés quand vous écrirez là-bas; présentez aussi mes respects au R. Père (d'Alzon). Mes amitiés à M. Bernard. Tout à vous bien affectueusement en N. S.

H. Bougouin

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