218.37
B18/9.2.37
Ms autogr. 2 p. (21 x 13)
À son père
(Sans date1)
Cher père,
J'espère que tu m'as déjà pardonné et que tu reconnais maintenant que j'ai agi dans ton propre intérêt et en vue de ton bonheur futur. Mon amour pour toi ne fait que s'accroître et comme je ne puis rien t'offrir que des prières, je n'y manque pas, si indignes qu'elles soient devant Dieu. Je suppose que tu es à Paris et je profite de l'occasion pour te rappeler quelle consolation tu as éprouvée il y a trois ans quand tu as mis ordre à ta conscience chez les P. Dominicains, et quand tu as reçu la sainte communion. Tu pourrais profiter encore de ton séjour à Paris pour rentrer en grâce avec Dieu. Je t'engage à t'adresser au curé de Notre-Dame des Victoires. C'est un saint et vénérable vieillard. Tu pourras le demander à son église. Cela ne demande pas de toi un grand sacrifice, puisque tu ne manques guère qu'à l'observation du dimanche. Il suffit que tu prennes la bonne résolution d'assister à la messe tous les dimanches à moins d'empêchement sérieux. Le bon Dieu n'est vraiment pas exigeant et nous ne sommes vraiment pas raisonnables de risquer pour si peu notre salut éternel.
Médite ces paroles qu'écrivait naguère un saint prêtre de Corée quelques jours avant son martyre: «J'ai vu des personnes de 70 ans passés faire 60 lieues et plus pour avoir le bonheur de recevoir la sainte communion une seconde fois dans l'année. Pauvres âmes qui ne voient le missionnaire qu'un seul jour par an et qui ont si grande soif de la parole de Dieu! Que cela afflige le cœur du missionnaire de voir l'impossibilité absolue d'aller leur rompre plus souvent ce pain sacré, et de leur donner quelques-unes de ces consolations dont nos fidèles d'Europe abondent en les méconnaissant. Que se passera-t-il au Jugement dernier, quand sera faite la comparaison des grâces accordées et des mérites acquis?…»
J'espère que maman se guérira bientôt; embrasse-la pour moi.
Je t'embrasse de tout cœur.
Ton dévoué fils
L. Dehon
1 L'allusion au séjour à Paris montre que ce billet spécial que Léon adresse à son père, était joint à la lettre du 3 février; ce qui évidemment dispensait de la dater.