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B18/9.2.55

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 11 décembre 67

Chers parents,

Je vais entrer demain en retraite pour me préparer au sous-diaconat. C'est une consécration définitive au service de Dieu. Ces quelques jours de recueillement sont nécessaires pour purifier son cœur, afin qu'il soit plus apte à recevoir de Dieu des grâces abondantes et aussi pour peser et considérer la sainteté de vie à laquelle doivent tendre ceux que Dieu appelle à une si sublime vocation. Aucun homme n'en est digne, pas même ceux qui ont conservé l'innocence baptismale, et j'en suis plus indigne que tout autre, mais la miséricorde de Dieu est grande et consolante et il a su élever au plus haut degré de sainteté ceux même qui, comme St Paul et St Augustin avaient été d'abord de grands pécheurs et des persécuteurs de l'Église. La grâce s'obtient par la prière. Je compte tout particulièrement sur les vôtres1.

J'avais pensé à proposer à maman de venir passer l'hiver à Rome. Mais la saison est déjà avancée et il sera plus facile de combiner cela pour l'an prochain. Il fait moins froid ici qu'il ne faisait en octobre à La Capelle. Nous avons eu cependant quelques gelées blanches. La ville est toujours aussi calme. Les troupes françaises l'ont quittée depuis 15 jours. Il en reste à Civita et à Viterbe. Je ne crois pas que le gouvernement français veuille satisfaire les aspirations révolutionnaires des meneurs italiens2. Nos études marchent très régulièrement. Ce sont les mêmes professeurs, dont j'apprécie de plus en plus le mérite et la science. Nous rencontrons de temps en temps le St-Père, il est très bien portant.

Vous ne me dites pas si vous avez vu Mr Demiselle. Je lui ai écrit dernièrement ainsi qu'à Mr Boute.

J'espère que maman n'a pas oublié de faire demander à Mr le doyen les numéros du journal «La foi picarde», où se trouvent les lettres écrites d'Orient par l'abbé Palant, pour les prêter à ma tante Félicie qui désire les lire3.

J'ai employé les rouleaux de coton que j'ai apportés pour obvier aux courants d'air que me donnait ma fenêtre et je m'en trouve très bien. Je vais y faire mettre des rideaux.

Écrivez-moi souvent, surtout toi, chère mère, qui as des loisirs, puisque tu es obligée de garder la chambre.

Embrassez pour Henri, Laure, maman Dehon et Marthe.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon

1 De cette retraite les «Notes Quotidiennes» nous conservent des notes sur les divers thèmes médités à partir du 16 décembre jusqu'au 20. Le premier cahier de ces NQT commence au 13 décembre. Selon l'indication de LD 85, qui parle de «dix jours de pieuse retraite», le 13 devait être le premier jour de cette retraite, commencée sans doute le 12 au soir pour s'achever le 21 au matin. Voir aussi NHV V, 127-131.

2 Le ministre Rouher avait bien lancé au Parlement, le 5 décembre, son mot célèbre: «Nous le déclarons au nom du gouvernement français: l'Italie ne s'emparera pas de Rome. Jamais la France ne supportera cette violence faite à son honneur et à la catholicité!» Sous la pression de l'opinion publique et parlementaire catholique, la politique romaine de Napoléon III redevenait ce qu'elle avait été au début du Second Empire. Les événements de 1870 devaient en révéler la fragilité.

3 Cette tante Félicie n'a pu encore être identifiée.

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