dehon_doc:cor:cor-1ld-1868-0405-0021863

218.63

B18/9.2.63

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À son père

Rome 5 avril 68

Cher père,

C'est à toi que j'adresse cette lettre pour qu'elle te porte mes souhaits de bonne fête et t'invite à te mettre sous la protection de St Jules, dont la solennité est éclipsée cette année par celle de Pâques. Je te souhaite donc toute sorte de bonheur, la joie et la paix de l'âme et principalement le bonheur éternel de la vie future et la grâce pour y parvenir. C'est aussi pour moi une occasion de te témoigner ma reconnaissance pour tous les bienfaits que j'ai reçus de toi, car après Dieu, c'est à toi et à maman que je suis redevable de tout ce que je suis et de tout ce que j'ai.

Après ces souhaits, j'ai à t'exprimer non pas un conseil, car je n'ai aucun droit de t'en donner, mais un désir et une humble prière. Tu me devines. La joie des tiens serait plus complète et leur espérance d'être réunis avec toi dans le ciel dans la même affection qu'ils te portent, serait plus ferme si tu ajoutais le peu qui te manque encore dans la pratique des devoirs essentiels de la religion que tu nous as inculqués dans notre enfance. La miséricorde de Dieu est infinie: il nous rappelle cent fois à lui, il nous donne mille avertissements par la voix de notre conscience, par la mort de nos parents et de nos amis, et en tant d'autres circonstances. Il semble qu'il veuille nous conduire au ciel malgré nous. Et cependant il nous laisse notre liberté et si nous lui résistons opiniâtrement, il n'écoutera plus que sa justice. Laissons-nous toucher par les mystères instructifs de la passion de Notre-Seigneur. Le péché est un désordre infini en quelque façon, puisque c'est une injure faite à Dieu, il fallait donc pour le réparer une expiation d'une valeur infinie. Notre-Seigneur a offert pour nous ce sacrifice de son sang et de sa vie pour nous faire rentrer dans la grâce de son Père et pour nous mériter un bien infini qui sera la jouissance de Dieu dans le ciel et de tous les biens en Dieu.

Que la pratique de la religion ne t'effraye pas. Il y a dans la religion les commandements et les conseils. Les commandements de Dieu et de l'Église sont seuls requis pour gagner le ciel. Le reste est utile pour obtenir plus sûrement son salut et pour éviter l'épreuve du purgatoire et parvenir à un plus haut degré de félicité. Mais les commandements au moins sont requis de tous les chrétiens. Observons-les comme nous voudrions les avoir observés, malgré tout le respect humain, quand viendra le moment incertain de notre mort.

À Rome on se prépare aux belles fêtes de Pâques. Nous allons passer cette semaine dans le recueillement et puis nous aurons quelques jours de repos et de vacances1. Ma santé est toujours excellente.

Embrasse pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon, s. diacre

Chère mère, bien que mes dernières lettres ne s'adressent pas à toi directement, ma pensée est cependant qu'elles te soient aussi un témoignage d'affection. Ma pensée est souvent avec toi surtout au pied de l'autel.

Je t'embrasse de tout cœur.

1 La Semaine sainte où eut lieu aussi la retraite «qui n'avait pu se faire au mois d'octobre à cause de l'invasion garibaldienne»: cf. les notes de cette retraite en NQT I/1868, 77-87, 6-8 avril 1868 et leur présentation en NHV VI, 37-47.

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