219.17
B18/10.17
Ms autogr. 4 p. (21 x 13)
À Léon Palustre
Rome 6 juin 1871
Mon bien cher ami,
Ne te semble-t-il pas que l'action providentielle de Dieu est particulièrement sensible dans les événements dont nous sommes témoins. Dieu veut guérir la France de l'esprit de révolution et en refaire un peuple catholique. Nos provinces matérialistes et irréligieuses ne l'ont pas encore compris et je crains bien que pour elle le châtiment ne soit pas fini. J'espère beaucoup du comte de Chambord, dont l'avènement me paraît certain et prochain. Sa lettre-manifeste est d'un vrai roi catholique. Elle a réjoui le cœur de Pie IX. Il rencontrera de bien grandes difficultés, mais Dieu a tant fait depuis un an qu'il semble vouloir relever entièrement notre France. Je n'aurais aucune confiance dans une république en France. Les esprits y sont trop mobiles. Ce serait la révolution en permanence. Du reste, nos républicains de la veille, si honnêtes et si modérés qu'ils se disent, ne diffèrent pour la plupart que d'une légère nuance d'avec les révolutionnaires de Paris.
J'ai craint longtemps de voir revenir les d'Orléans comme dictateurs ou comme usurpateurs des droits de la branche aînée. Ce péril paraît écarté, grâce à Dieu.
Le salut est dans le retour à la politique chrétienne enseignée par les Souverains Pontifes, autant que le permet l'état actuel des esprits.
L'Italie aura bientôt son tour dans les châtiments de la Providence. Tout le fait présager. Rome est suffisamment calme et profondément triste. Les bons, et c'est la grande majorité, prient et espèrent. La canaille installe ses institutions de progrès, qui sont d'infâmes journaux, de sales romans, des femmes de mauvaise vie et le reste.
J'ai eu le bonheur de voir plusieurs fois le St-Père en audience. Il est radieux de confiance et de sainteté. Il domine les événements comme le ciel domine la terre.
Mon travail touche à sa fin. J'ai subi il y a quelques jours mon dernier examen de théologie. Il ne me reste plus qu'un examen de droit canon, que je tâcherai de préparer pour la fin de juillet.
Je vais quitter Rome définitivement, à moins que le Concile ne m'y ramène. Je compte bien passer à Tours au mois d'août prochain, et j'espère t'emmener avec ta femme à La Capelle.
N'as-tu pas perdu de tes amis pendant ces guerres? Qu'est devenu Christian de Puyferat?
Au revoir, mon cher ami.
Tout à toi en N.S.
L. Dehon, pr.