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B18/11.2.9

20. 06. 1872

Ses parents

Bien chers parents,

Je me propose d'aller passer la semaine prochaine avec vous. Je partirai d'ici lundi matin à 8 h et j'arriverai à Guise vers 11 h. Si vous ne deviez pas aller à Guise ce jour-là, écrivez-le-moi de suite, je passerais alors par Vervins. Je serai heureux de passer quelques jours en famille.

Les changements dans le personnel du diocèse ne sont pas encore décidés. Cependant il est toujours très probable qu'un des vicaires sera changé.

J'ai vu hier Monsieur Demiselle qui va prêcher une première communion à Wassigny. Il ira peut-être vous demander l'hospitalité lundi soir.

J'ai rencontré ces jours-ci dans mon ministère un fait tout à fait providentiel. Il y avait ici, sans que je le susse, un jeune homme de La Capelle, nommé Dupont, et petit-fils du père Marche. Il tenait une patisserie dans la rue d'Isle après avoir été patissier au Nouvion puis à Bohain. Ce pauvre garçon a mené une vie fort orageuse. Il a mangé la fortune que lui ont laissée ses parents. Il s'est marié et il a perdu sa femme il y a deux ans. Il était malade depuis plusieurs mois. Il avait eu la faiblesse de recevoir chez lui depuis la mort de sa femme une femme de mauvaise vie qui l'a quitté seulement il y a trois semaines. La maladie s'aggravant, on lui a proposé de voir un prêtre. Il a refusé deux fois de voir Mr Genty. Avant-hier il a appris que j'étais à St Quentin. Il dit qu'il me verrait volontiers. Il m'a paru n'avoir plus que deux ou trois jours à vivre. Il m'a rappelé qu'il avait fait sa première communion avec moi et depuis lors il ne s'était pas inquiété de religion. Il a fait une bonne confession et il s'est converti très sincèrement. Hier je lui ai porté la sainte communion et l'extrême onction. Il a beaucoup prié. Il m'a demandé d'assister à ses derniers moments et de faire son enterrement. Je l'ai revu hier soir et ce matin j'ai été recevoir son dernier soupir. Je crois qu'il a fait une très bonne mort. Le pauvre garçon laisse trois petits enfants.

Comme il ne travaillait plus depuis sa maladie, il laisse des dettes et son mobilier déjà saisi devait être vendu demain. J'espère que les créanciers attendront au moins qu'il soit enterré. Ses parents de La Capelle et ses frères ne s'inquiètent pas de lui. Je crois qu'ils ne se chargeront pas de ses enfants et qu'il faudra les faire recueillir comme orphelins par l'hôtel-Dieu de St Quentin. À ses derniers moments il élevait le bras en disant «ma femme, au ciel!» Le bon Dieu a eu pitié de lui et lui a procuré une conversion tardive mais bien extraordinaire.

À lundi. Embrassez pour moi tous les nôtres.

Tout à vous en N.S.

Votre dévoué fils

L. Dehon, vic.

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