0116923
B 109/2
18. 01. 1873
Abbé Désaire (Lettre insérée en mai 2003)
+ Saint-Quentin 18 janvier 1873
Mon bien cher ami,
Je suis heureux de votre projet de quitter l'Assomption. Il y a là une activité fébrile qui a bien pu vous satisfaire quelque temps, mais ce n'est pas ainsi qu'ont commencé les grandes congrégations.
Le p. d'Alzon ne me semble pas avoir l'étoffe d'un fondateur. Il a, il est vrai, beaucoup de cœur et quelquefois des aperçus de génie, mais il est extrêmement mobile dans son caractère et ses affections peu sûr dans ses jugements et parfois étrangement colère. On ne fait pas chez lui de noviciat sérieux, il y a peu d'union et après cent variations rien n'est encore fixé dans son but et dans ses règles. Il y a dans le cher p. d'Alzon bien des côtés naturels et humains. Et cependant c'est sa personne qui soutient tout. Cette congrégation me paraît être un beau feu de paille qui n'aura pas de durée.
Je crois que si vous restiez là vous garderiez toujours dans votre cœur quelque chose qui vous dirait que vous n'êtes pas à votre place.
J'espère que le bon Dieu va exaucer nos longues prières et vous mettre là où vous trouverez la paix du cœur.
Mais où faut-il que vous alliez ?
Il me semble que le bon Dieu vous accordera comme à tous nos amis la grâce de la vie religieuse. J'en serai exclus par mon indignité.
Je crois donc que vous seriez heureux, que vous feriez beaucoup de bien et que vous vous sanctifierez dans la congrégation du Saint-Esprit. On vous mettrait à l'enseignement à Paris ou à Rome ou bien vous auriez un poste important dans les missions.
Vous avez eu longtemps de l'attrait pour cette congrégation.
Un secrétaire d'évêque est souvent bien mondain. Le ministère de Paris a bien des dangers.
Si vous teniez à essayer du ministère en province, il y a ici une humble place de vicaire au faubourg où vous pourriez faire beaucoup de bien surtout à moi en ranimant ma tiédeur.
Ne pourriez-vous pas, quelle que soit votre décision venir passer deux ou trois jours à Saint-Quentin. C'est si près de Paris. Je tâcherais de couvrir les frais du voyage.
Vous pourriez voir notre cher évêque qui sera ici la semaine prochaine.
Faites-moi connaître bientôt votre décision.
Au revoir, mon cher ami, ne m'oubliez pas dans vos prières.
Tout vôtre en Notre-Seigneur.
L. Dehon, vic.