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XV Cahier

VIIe Période : Saint-Quentin – Congrégation et Institution 1877 – 1893 (suite)

Année scolaire 1884 – 1885

Cette année est encore bien douloureuse. Il y a eu, il est vrai, une résurrection. Mais c'est un enfant qui est ressuscité, un enfant en lisière, avec des incertitudes quotidiennes sur sa vie. Auparavant la volonté divine nous paraissait se manifester miraculeusement. Maintenant, il faut la chercher à tâtons, en nous demandant toujours si nous ne nous trompons pas. Les changements dans notre manière d'agir suscitent aussi bien des étonnements parmi nos relations.

Mgr nous conduit maintenant pas à pas, mais toujours paternellement.

La rentrée de Saint-Jean est encore belle. Nous avons de beaux succès en novembre. 2 Cinq candidats sont reçus, parmi lesquels le jeune Hermance qui n'est âgé que de quinze ans.

Nous avions à Lille un groupe d'étudiants, ils habitaient chez les Camilliens. Mgr autorise la continuation de ce groupe. Les jeunes gens qui sont là ne s'appelleront plus les Oblats du Sacré-Cœur, mais seulement les Etudiants ou les Clercs de Saint-Quentin.

Le 3 fév. Mgr Monnier nous offre pour eux le vicariat d'Esquermes : «M. le curé d'Esquermes, dit-il, qui donne bien volontiers de l'emploi à vos confrères de Lille, est disposé à leur céder logement convenable, à reconnaître l'un d'eux comme vicaire de la paroisse, où ces Messieurs feraient le catéchisme, surveilleraient le Patronage, et rempliraient, tantôt l'un, tantôt l'autre, les fonctions vicariales, autant que leurs études le leur permettraient…»

La petite œuvre de Lille s'affermissait. Elle était installée au vicariat d'Esquermes, elle y avait son oratoire privé.

M. Destombes, vicaire général, m'écrivait le 2 mars : «Vous pouvez faire ériger le chemin de la croix dans votre oratoire. L'autorisation de la chapelle privée 3 avec la sainte Réserve sera accordée quand vous jugerez à propos d'en faire la demande formelle. Qu'il plaise à Dieu de répandre toutes ses bénédictions sur les chers Etudiants de Saint-Quentin…»

Je tenais Mgr au courant de tout pour la marche de l'œuvre.

J'instituai la retraite du mois à Saint-Jean pour les professeurs : la veille au soir, une méditation préparatoire avec lecture d'un sujet pour le lendemain matin. Le jour : méditation à 10 h. ½ avec lecture de l'examen de conscience ; le soir, méditation avec l'exercice de la préparation à la mort. - Tout le monde s'y prêta volontiers. Mgr m'écrivait : «J'en suis extrêmement heureux et je bénis du plus profond de mon cœur nos chers messieurs.»

J'étais sorti de la crise très broyé et cela devait durer le reste de ma vie. J'avais moins de force d'âme et peu de forces physiques. Le 10 déc. j'écrivais à Mgr : «Je crois devoir dire à Votre Grandeur que j'ai une impression de plus en plus forte de mon insuffisance et de mon indignité pour le double emploi que j'ai assumé : la direction de l'Institution et celle de la 4 Société religieuse.

Ce me serait une grande grâce si Votre Grandeur me remplaçait et me laissait réparer tout mon passé dans le silence et l'oubli. Toutefois, je ne déserterai pas mon poste, avec la grâce de Dieu, en dehors de votre volonté.» - Mgr me répondait en marge : «Dieu veut le contraire pour le présent et probablement pour l'avenir : seulement que le cher Supérieur ne se laisse pas absorber par le détail et qu'il se fasse aider…»

Le 5 janvier : «Je vous bénis ainsi que tout votre personnel et vos élèves, pour la nouvelle année. Que l'adorable Maître daigne vous considérer comme la famille de son Disciple bien-aimé ! Je ne bénis pas moins le petit royaume, resserré mais raffermi, du Sacré-Cœur.»

Le 19 janvier, à propos des démarches du P. Pitholat pour entrer chez nous, Mgr manifeste son désir de voir se former un groupe de missionnaires au Sacré-Cœur. Il écrit à M. l'archiprêtre : «J'ai fait le voyage de Paris et me suis vu absorbé par quelques affaires : de là mon retard à l'endroit de Mr P. Je ne m'oppose pas à ce qu'il 5 vienne s'essayer au Sacré-Cœur. Mais cet assentiment ne doit pas être considéré comme une acceptation définitive. Je ne puis non plus lui ouvrir inopinément une carrière de missionnaire. En principe, je ne serais pas fâché, comme je l'ai dit, que nous eussions quelques missionnaires à Saint-Quentin, mais cela ne saurait s'improviser avec un arrivant, ni surtout s'annoncer dans ces conditions. Sous le bénéfice de ces observations, décidez et exécutez avec M Dehon ce qui vous paraîtra utile, sage et pratique…».1)

J'avais de temps en temps comme un réveil de croyance aux anciennes révélations et un regret de ce qui avait été détruit, je l'exprimais loyalement à Mgr.

Le 12 fév. il m'écrivait à ce sujet une longue lettre : Mes tentations avaient quelque apparence de fondement. On m'avait jugé à Rome de loin et sur des renseignements insuffisants. Les consulteurs avaient parfois mal compris nos textes français. Je n'avais pu m'expliquer moi-même que très imparfaitement en italien. Quelques textes du P. Captier avaient irrité les examinateurs et gâté le tout, etc. etc. 6 N.S. voulait que j'eusse quelque mérite à obéir.

Mgr écrivait : «Suivant un mouvement délicat de votre conscience et de votre cœur, vous m'avez confié que vous persistiez dans une disposition presque irrésistible à considérer votre œuvre comme divine. Je dois d'abord, mon bien cher Père, vous remercier et vous féliciter de votre franche et filiale confidence. J'en ai été touché, et c'est avec le sentiment le plus paternel et le plus amical que, de mon côté, je vais vous en ouvrir ma pensée.

Que votre œuvre soit considérée comme divine en ce sens qu'elle est le résultat et l'effet de grâces dont on ne précise ni ne saurait préciser le genre ni l'espèce, comme est divin tout ce qui se fait dans l'Eglise par la volonté de Dieu et pour le bien des âmes, pour la gloire et l'amour de Dieu, assurément on peut le penser et le dire et j'ai bien la confiance que cela est vrai.

Mais j'ai lieu de croire que vous l'entendez autrement et que par oeuvre divine vous entendez ici une œuvre miraculeusement inspirée, ou fondée, ou dirigée. Or je pense que vous ne pourriez pas dire ou insinuer cela en sûreté de conscience, et que vous ne pouvez 7 rester vous-même dans cette persuasion sans imputer une erreur au Saint-Office, dans une cause qu'il a examinée avec une grande maturité. Ne serait-ce pas une témérité de garder cette persuasion volontairement ? Il ne me parait pas possible d'admettre que le Saint-Office ait mal vu la cause, qu'elle ne lui ait pas été bien présentée, ni rien de semblable.

Vous auriez quelque raison apparente de penser de la sorte, si Mgr de Reims ou moi nous avions seuls renseigné le Saint-Office. Mais nous nous sommes bornés à envoyer à Rome des écrits relativement courts, avec les écrits si étendus de Soeur M. Ignace et de M. Captier ; vous y avez, au contraire, envoyé et maintenu longtemps un délégué, M. de Pascal ; vous y êtes allé vous-même ; vous avez eu de nombreuses et longues audiences ; vous avez pu donner toutes les explications utiles ; aux observations orales vous avez eu la facilité d'ajouter les explications écrites, si vous l'avez voulu. Que demander de plus ? Quelle cause d'illusion peut-on humainement supposer ?

Vous présumez que vous avez été frappé en punition de vos fautes et de celles d'autrui. A mon avis, cher Père, et j'ai vu que c'était 8 aussi l'avis du Saint-Office, ces fautes ont été vénielles, toutes, j'espère, même la plus considérable, celle où vous êtes tenté de retomber : la persistance plus ou moins complaisante dans une illusion qu'il aurait fallu combattre. On rejette à Rome la présomption d'un châtiment. Ce que l'on redoutait le plus à Reims et à Rome, c'est la tentation, c'est la persistance même de cette illusion dans l'avenir. Quelqu'un m'a dit que ce serait un miracle que vous en revinssiez. Moi, je crois qu'une grâce non proprement miraculeuse de Dieu, agissant dans une intelligence, un cœur, une volonté, une âme telle que la vôtre, peut vous préserver de toute rechute et vous garder de tout malheur semblable au premier.

Je n'examine pas s'il n'y a rien eu de miraculeux chez les bonnes Sœurs ou chez vous. Mais, qu'il en ait eu ou non, je tiens pour certain que, présentement il n'en faut tenir aucun compte et, autant qu'on le peut, n'y point penser, parce que le Saint-Siège veut certainement qu'on n'en tienne aucun compte et qu'on y pense le moins possible. Dieu ne veut pas assurément que nous fassions cette œuvre 9 avec des pensées contre lesquelles son Vicaire nous recommande de nous tenir en garde. En pareil cas, supposé même que son Vicaire se trompât, Dieu nous commanderait de nous tromper autant que possible avec lui. Autrement, que deviendrait, en dehors de la parole ex cathedra, la direction de l'Eglise par son auguste chef ? En usant vous-même d'indulgence, de bonté et de charité envers votre âme, mon bien cher Père, persuadez-lui donc de fermer une bonne fois les yeux sur le passé, et, en attendant que le Seigneur vous manifeste, au jour du jugement, ce qu'il a ou n'a pas fait et voulu d'abord pour l'œuvre, faites tout et faites exclusivement ce qu'il veut que vous fassiez aujourd'hui pour elle…»

Avec l'aide du P. Modeste, je revis nos Règles et les arrangeai en tenant compte de notre situation d'œuvre diocésaine.

Mgr les approuva en y faisant quelques retouches. Il m'écrivait le 19 avril :

«Vos Constitutions sont un beau et saint travail. Cependant je devrai demander quelques retouches, et j'ai besoin de m'entretenir avec vous sur certains passages. Je serais 10 même bien aise d'en causer avec le P. Modeste. Veuillez donc attendre ma station de Saint-Quentin. J'emporte le cahier avec moi…»

Je désirais obtenir du Saint-Père une consolation et un encouragement. Le 18 fév. Mgr écrivait à M. Mathieu : «M. Dehon désirait un témoignage public de bienveillance du Saint-Siège. Je verrais venir ce témoignage avec bonheur ; mais je ne crois pas que le moment soit encore venu de le demander. M. Dehon ne pourrait-il pas profiter de la présence de Mgr de Reims à Rome, pour demander par son entremise une bénédiction orale et quelques bonnes paroles du Saint-Père ? j'y donne mon plein assentiment. Mais il faut que la lettre de M. Dehon soit excellente et ne fasse surgir aucun point d'interrogation.»

J'écrivis à Mgr de Reims et je reçus cette aimable lettre :

«Rome, 13 mars 85, Mon cher et bon abbé, Je ne veux pas quitter Rome sans vous dire avec quelle édification on y a accueilli les détails que j'ai donnés sur la manière dont vous avez accepté la plus douloureuse des épreuves, et comment votre petite famille religieuse, devenue un instrument docile et actif dans la main de votre sage évêque, fait le bien dans les conditions 11 nouvelles où on l'a placée, se préparant à en faire de jour en jour davantage, pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes, dans le diocèse de Soissons. Je suis aussi chargé de vous encourager dans cette voie qui est celle même de Dieu. Le Saint-Père, qui s'intéresse à toutes les questions et qui connaît personnellement la vôtre, vous a béni paternellement, vous, vos auxiliaires et votre collège, avec les élèves et leurs familles. Il m'est doux d'être ainsi le canal d'une grâce où vous puiserez une force nouvelle pour marcher, en toute confiance et simplicité, sous la direction de Mgr Thibaudier que Léon XIII tient en si grande estime, vous ferez l'expérience de ces belles paroles : Quam bonus Deus his qui sunt recto corde…(Ps 72,1).

Mgr Thibaudier m'écrivit le 24 mars : «Je suis bien heureux de la gracieuse lettre de Mgr de Reims, et de la paternelle bénédiction du Saint-Père qu'elle vous transmet. Christus factus est obediens(Ph 2, 8), Vir obediens loquetur victorias» (Ps 21, 28).

M. Mathieu désira que je prêchasse avec lui le carême à la basilique. Il prêchait le dimanche et moi dans la semaine.2) 12

Mgr écrivait le 18 février : «Que N.-S. bénisse l'importante station quadragésimale de votre basilique : non seulement importante pour la paroisse, mais aussi, indirectement, pour le diocèse.»

Je pris pour thème une large apologie de l'Eglise, une revue de la grande épopée chrétienne. Je donnais huit discours sur ce thème :

  • Dieu créateur.
  • La chute de l'homme.
  • Le Christ promis et prophétisé.
  • Le Christ figuré.
  • Préparation providentielle de la rédemption ; les grands empires.
  • Le Christ rédempteur.
  • Le Christ conquiert Rome, ou le Christianisme établi.

VIII. Le Christ conquiert les nations, ou le Christianisme propagé et conservé.

J'aurais pu continuer cette thèse et je l'ai fait plus tard dans mon Catéchisme social.

La conclusion de tous mes discours était le devoir manifeste et doux de vivre de la vie chrétienne : croire, espérer, aimer.

Pour finir la station, je donnai des discours 13 pratiques sur la Vierge Marie, la Pénitence, l'Eucharistie, la Passion.

J'avais du monde, des hommes et je suscitai quelque enthousiasme.3)

M. Julien écrivit à Mgr : «Monseigneur, Je vous demande pardon de vous distraire un moment de vos occupations en ce temps des pâques. C'est M. l'archiprêtre de Saint-Quentin qui en est l'occasion. Dans son instruction d'hier, il nous a exhortés à l'apostolat laïque. N'ayant rien de notre fonds pour faire la propagande qui nous était demandée avec instance, nous sommes allés, au nom de plusieurs, demander à l'abbé Dehon de nous autoriser à faire imprimer à nos frais le cours admirable d'instructions qui attire tant d'auditeurs à la basilique les jours d'instruction. M. l'abbé Dehon n'a pas consenti, mais nous savons qu'il obéirait à ses supérieurs sur leur désir, s'il lui était manifesté. C'est pourquoi nous venons, Monseigneur, soumettre à votre Grandeur l'objet de notre proposition. Il est évident que le pertes seraient pour notre compte et les profits pour nos œuvres des Frères et du Patronage…» Julien, au nom de plusieurs laïques. 14

Mgr m'écrivait le 14 mars :

«Je vous transmets ci-joint une lettre de l'excellent M. Julien, sans pouvoir y donner une réponse immédiate. En principe, je serais très heureux que vous fissiez une bonne publication. Mais sachant que, dans votre pensée, la préparation de votre carême a été incomplète, je ne voudrais pas voir imprimer de vous des discours ou vous n'auriez pas mis à peu près tout ce que vous pouvez.

Je n'en rends pas moins grâce à Dieu de votre station, dont il m'est revenu des éloges d'autre part. Que N.-S. daigne continuer de la bénir et en mûrisse tous les fruits à son heure.»

Je répondis à Mgr le 28 mars : «Je remercie Votre Grandeur des encouragements qu'elle m'envoie. J'ai toute confiance dans la direction de Votre Grandeur pour l'œuvre du Sacré-Cœur et pour moi, et je reconnais que si je l'avais suivie davantage à certaines époques, j'aurais évité bien des erreurs. - Pour mes sermons de carême, je ne puis pas être bon juge. Ils ont excité un certain enthousiasme. Ils ont plu généralement, même au clergé. Cela ne prouve pas encore qu'ils aient une véritable valeur littéraire. A mes yeux, ils valent à peu près ce qu'ont 15 valu mes discours de distributions de prix et même un peu plus. Bien du monde en désire l'impression. J'aurais besoin pour cela de quelques jours pour les revoir. M. l'archiprêtre pourrait peut-être décider la chose mieux que tout autre.»

Mgr mit en marge : «Je m'en rapporterai à l'opinion de M. Mathieu, et désire simplement que la bonne impression produite par la prédication ne soit point affaiblie par la lecture.»

M. Mathieu ne fut pas d'avis d'imprimer. C'eût été un peu disgracieux pour lui qui avait prêché les dimanches et qui serait laissé dans l'ombre…

Mgr commençait à souffrir de cette paralysie nerveuse qui devait se développer à Cambrai. Il m'écrivit le 29 mai avec une écriture pénible : «Ce billet n'a pour but que de répondre par un témoignage de paternel dévouement à votre lettre du 26. La lassitude (c'était bien autre chose) qui me permet encore de marcher, d'officier et de parler, m'alourdit les doigts comme si j'avais manié la pioche. Nous causerons de tout ce que vous voudrez à Saint-Quentin. En attendant, il faut ménager vos forces, toutes 16 vos forces, avoir bon courage en comptant sur la grâce de Dieu, et inspirer une confiance sereine autour de vous. Je vous envoie mes meilleures bénédictions et je prie N.-S. d'être votre appui.»

En juin et juillet, Mgr m'écrivait pour nous prier de desservir l'église Saint-Eloi pendant la maladie de M. Caplain. M. Rasset et M. Falleur en furent chargés.

Cette année 1884-1885 eut sa fécondité. Quelques bonnes vocations nous vinrent, notamment M. Galley, Charcosset, Prévot et Jeanroy, tous prêtres. Les trois premiers étaient du groupe préparé par la Mère Véronique de Lyon.

M. Galley était entré déjà au mois d'août 1884. Malheureusement sa santé ne lui permit de rester que quelques mois. Son entrée avait été préparée par une assez longue correspondance.

En novembre 83, il me communiquait une lettre du P. Laurençot (assistant du général des Jésuites),4) qui lui disait : «Monsieur et cher abbé, combien je vous remercie de votre bonne lettre ! Je suis enchanté de l'heureuse nouvelle que vous me donnez, et j'espère que vous aurez enfin trouvé votre voie, la voie royale du Cœur de Jésus victime. - Je regrette beaucoup de n'avoir pas vu à Rome le P. Dehon, et de n'avoir pas pu l'entendre parler de son œuvre. Auriez-vous la charité, mon cher abbé, de me 17 donner quelques détails sur l'origine, le but, les principaux éléments, le centre du nouvel Institut… Inutile de vous dire que je prie beaucoup pour vous. Puisse le Cœur de N.-S. bénir tout particulièrement la belle entreprise de M. Dehon !»

M. Galley était de Belley. Il était de cœur avec nous dès 1882, mais il n'avait pas encore la permission de son évêque. Il m'écrivait le 3 déc. 83 : «J'ai écrit à la Mère Prieure de Villeneuve, l'engageant à renoncer à la poursuite des projets de Mère Véronique, puisqu'ils se réalisent à Saint-Quentin. Je pense qu'elle a communiqué ma lettre à M. l'abbé Prévot. Ce saint prêtre est absolument dévoué à l'œuvre.

Le 25 avril 84, il m'écrit que le P. Laurençot est au courant de l'examen qui se fait de notre œuvre à Rome.5) Il dit qu'on la regarde «comme trop parfaite». (Il avait en effet dans les notes du P. Captier des prétentions qui ne pouvaient pas être conservées).

Le pieux abbé passa les mois d'avril et mai à Rome. Il apprit là le décret de mars 84 et n'en fut pas découragé. «J'étais préparé, m'écrit-il le 19 mai, à la décision de la S. Congrégation par mes entretiens avec 18 le P. Laurençot et le P. Daum, consulteur de la Congrégation des Evêques et Réguliers. A Rome, on est en garde contre toutes les œuvres qui s'appuient sur une révélation ; et puis on demande à une œuvre, avant de l'approuver, une plus longue expérience de sa vitalité.

La décision que la Congrégation du Saint-Office a fait attendre si longtemps est donc celle à laquelle je m'attendais, mais elle suffit pour le moment. Une indication que cette œuvre est bien dans les desseins et les désirs du Cœur de Jésus, c'est la sympathie qu'elle obtient de toutes les âmes vraiment pieuses qui en entendent parler… Le P. Laurençot aime l'œuvre du Sacré-Cœur. Il vous estime, mon Révérend Père ; et, le cas échéant, il rendrait volontiers les services qui lui seraient demandés. Il a à Rome une grande influence, son crédit est grand auprès de plusieurs cardinaux…»

Le 10 juin : «Pendant mon séjour à Rome, j'ai fait une visite à Mgr Mercurelli. Ce bon et saint prélat a écouté avec beaucoup d'intérêt tout ce que je lui ai dit de l'œuvre.»

Le 5 sept., il m'écrit du noviciat : «J'ai besoin de vous dire que je me trouve bien à Saint Jean de Watersley. Mon âme ballottée 19 par tant de retard, d'attente et d'incertitudes depuis plusieurs années, souffrait autant que mon corps ; l'un et l'autre se remettront, je l'espère, peu à peu… Je vais un peu mieux… Mon grand désir, qui pourrait devenir une préoccupation, si je n'y prenais pas garde, est de recouvrer assez de forces pour remplir une petite fonction. Quant à mon âme, elle reçoit à Saint-Jean de Watersley une grâce de paix et de lumière que je n'ai trouvée nulle part au même degré. Il me serait difficile de dire l'influence surnaturelle que je ressens dans ce lieu béni, et l'intérêt croissant avec lequel je suis les conférences du Bon Père.6) Comme il fait tomber les masques, enlève les illusions et met le doigt sur la plaie de l'amour propre !

Le P. Berthier m'a écrit une très bonne lettre. Puisque, dit-il, votre vocation vous rapproche de N.-S., ce doit être la bonne. M. le chanoine Perretant (sup. du Séminaire de Bourg) m'a écrit aussi une très bonne lettre. Il s'intéresse, dit-il, ainsi que M. de Boissieu, au bon succès de l'œuvre.

La Mère Prieure générale des Victimes du Cœur de Jésus de Villeneuve se propose de vous écrire dans quelque temps, quand le bon 20 Maître, dit-elle, lui aura mis à l'esprit et au cœur d'une manière plus précise ce qu'elle doit vous dire. Elle a confiance en cette œuvre. Elle a confiance que sa Congrégation en profitera. En attendant, ses religieuses prieront et souffriront pour la réalisation des desseins du Cœur de Jésus sur elle.»

Le pieux abbé dut quitter le noviciat au mois de mars 85. Sa santé devenait plus mauvaise, mais il nous resta très uni. Il put faire quelques années de ministère à Confort.

Le P. Charcosset était aussi un des disciples de la Mère Véronique.7) Le 16 octobre 84, il écrivait à M. Galley : «Je reçois à l'instant de la Révérende mère prieure de Villeneuve une lettre qui me comble de joie, en me donnant espoir. Plus heureux que moi, vous êtes au port, je voudrais bien y aborder à mon tour ! N'est-elle pas providentielle cette indication qui m'est fournie de votre situation nouvelle ? J'ai tant prié hier soir, j'ai tant pleuré et tant supplié aux pieds du bon Maître ! Et ce matin on me parle des Oblats du S. Cœur ! Voudriez-vous me donner quelques renseignements sur cette Congrégation ? Avez-vous pour but 21 de prêcher Notre Seigneur, son Cœur et son Eucharistie ? C'est ma passion…»

Quelques jours plus tard, il m'écrivait, après que j'eus répondu aux questions qu'il adressait à M. Galley : «Mon Révérend Père, je vous remercie de la bonté paternelle avec laquelle vous avez daigné répondre à mes désirs. J'ai déjà prié, je prierai encore, et il ne sera pas nécessaire, je le crois, d'une intervention bien forte d'en haut pour me décider. Il y a si longtemps que je cherche cette voie ! Et comme vous me le faites remarquer vous-même, mon Révérend Père, cette indication est toute providentielle. Elle a eu son point de départ à Lourdes même, où j'étais allé prier la T. S. Vierge qu'elle voulût bien m'éclairer. Elle a été complétée le jour de la fête de Ste Thérèse et presque à la veille de celle de notre chère Bienheureuse.

Toutes ces coïncidences me donnent espoir que le Sacré-Cœur me veut là-bas. Cependant, pour ne rien précipiter, je vais commencer une neuvaine à laquelle je vous conjure de vous unir…»

Le 30 nov. «Enfin Mgr s'est laissé fléchir ! Remerciez pour moi le Sacré-Cœur, je vous prie. Dimanche, j'étais nommé à une cure. 22 Heureusement ma lettre de demande était partie la veille. Je me suis rendu immédiatement à Autun et j'ai triomphé ! On m'a demandé quelques jours, le temps nécessaire pour pourvoir à mon remplacement…»

Il entrait pour le jour de Noël 84.

Au mois de mai suivant, je l'envoyais à Villeneuve pour établir l'union de prières avec les chères Victimes. Il m'écrivait de Villeneuve le 23 mai : «Cordi Jesu gratias ! Ce voyage a été béni. Tout vous est accordé en ces termes : les trois ne font qu'un.» (C'était l'union de prières avec nous et nos sœurs). Il ne s'agit pas évidemment de fusion matérielle et extérieure, mais d'union des cœurs, la plus étroite possible. Des lors, Villeneuve compte parmi notre famille spirituelle. La Mère Prieure fera le voyage de Saint-Quentin : du moins elle en a le plus vif désir. Je pars bien édifié et bien consolé. Je vous dirai tout ce qu'il y a de grandement sérieux ici, en tout. Mère Véronique avait quelque chose du génie de Ste Thérèse…»

Le P. Jeanroy, professeur au petit séminaire de Verdun, nous vint en avril 85 et le P. Prévot (André) en mai.8)

Le P. Prévot m'écrivait dès 1883. Il me 23 disait : «Je vous suis bien uni de cœur, de volonté, d'intention.» Il avait été attaché à un orphelinat à Aix-en-Provence, mais en 83 il fut nommé vicaire à Villeneuve (ou 1882) et là s'affermissait dans l'union avec les Sœurs Victimes.

En nov. 83, il m'écrit : «Plusieurs indications providentielles m'en gagent à vous écrire pour vous prier de me communiquer ce que vous jugerez à propos sur les Prêtres du Sacré-Cœur. Veuillez, en même temps, m'accorder le secours de vos prières, pour que je puisse connaître et suivre la volonté de Dieu… J'ai été et je suis encore un peu ici l'aumônier des Religieuses Victimes du Sacré-Cœur, dont la fondatrice a tant prié et souffert pour les Prêtres du Sacré-Cœur.»

Le 3 déc. :»Je vous suis bien reconnaissant de votre bonne lettre et de la feuille que vous me communiquez. Il me semble bien que j'ai les mêmes aspirations, et que la grâce de N.-S. me pousse de plus en plus vers vous… La même âme sainte qui m'a parlé des Prêtres du Sacré-Cœur (Melle Guillaud de Marseille), et que Mère Véronique paraissait croire appelée à me tracer la voie, s'occupe de me faire imprimer par les presses de don Bosco, 24 à Nice, un petit ouvrage intitulé «Les Trésors de la dévotion au Sacré-Cœur d'après Ste Gertrude» sur lequel les Pères Jésuites, charges de l'examiner ont fait un rapport favorable. Il exprime toutes mes pensées. Cette bonne âme me propose de vous envoyer le manuscrit, elle croit que vous pourrez mieux voir ainsi si nos pensées s'accordent. Veuillez m'accorder le secours de vos prières et celui de tout ce cher institut, pour que je fasse pleinement la volonté de N.-S. Je vois qu'il arrange tout avec une sagesse et une tendresse incomparables pour que je porte dans cette affaire un désir bien pur et bien abandonné…»

En déc. 84, une bonne lettre du P. Modeste le détermine et détermine son directeur de conscience.

Dans les années 1884 et 1885, nous avions eu toute une série de belles Encycliques pontificales.

Le 8 fév. 1884, Enc. Nobilissima Gallorum gens, sur la question religieuse en France. Quelles vues élevées sur la France et sa mission providentielle ! C'est la religion qui à donné à la France ses beaux siècles de civilisation, et son influence extérieure. Les lois récentes contre l'enseignement chrétien et contre les religieux la mènent à sa perte. 25

Le Pape insinuait déjà ses directions politiques, qu'il devait accentuer plus tard.

«Vous montrez, disait-il aux évêques, combien ces lois antireligieuses sont pernicieuses à l'Etat lui-même. Personne ne pourra pour cela vous accuser d'être hostiles au gouvernement établi…»

Si nous avions suivi cette discipline de ralliement dès 1884, nous n'en serions pas où nous en sommes aujourd'hui.

Le 20 avril 1884, le Saint-Père nous donne son Enc. contre la franc-maçonnerie.9) Il voit où la secte nous conduit. Il prévoit le bouleversement des nations européennes, quand la secte aura propagé l'athéisme. Il indique déjà comme remède les associations chrétiennes : le Tiers - Ordre, les associations ouvrières, les sociétés de patrons, les conférences de Saint-Vincent-de-Paul. C'est le commencement de ses directions sociales, dans lesquelles il recommandera si chaudement les associations et corporations.

Le 30 août 84, nouvelle Enc. sur le Rosaire.10)

Le 10 nov., restauration du siège archiépiscopal de Carthage. C'est un encouragement donné à l'évangélisation de l'Afrique. 26

- Des élections générales ont lieu en France en mai 85, les conservateurs se relèvent un peu, cela les affermit dans leur attitude réfractaire qui a été si désastreuse pou l'Eglise de France.11)

- A Saint-Quentin, le journal le Conservateur, que j'avais contribué à fonder, disparaît, il fusionne avec le Journal de Saint-Quentin.12)

- Le P. Augustin Herr prend la direction du Patronage, qu'il devait garder quelques années.13)

- La Conférence de Berlin consacre l'Etat du Congo et ouvre l'Afrique centrale à l'évangélisation.14)

C'est le 1er août 85. Mgr Thibaudier préside. Nous avons encore de beaux succès. Sont reçus au baccalauréat ès - sciences Louis Vilfort et Fernand Marchandier. Aux lettres 1ère partie : Edmond Bourboulon, Henri Lemoine, René Alliot, Victor Wirtz, Paul Regnault, Edmond Hermance, Léon Gamard, Virgile Damoisy, Pierre de Ligonnés, Frédéric Dalmas. - à la 2ème partie : Hector Gamard, Henri Dupuy, Edmond Bourboulon, Alcide Venet, Charles Boitelle.

Je fis un discours sur l'histoire 27 locale de Saint-Quentin.

«J'ai lu dans la vie du cardinal Pie, disais-je en commençant, qu'en épousant l'Eglise de Poitiers, il en avait épousé toute la parenté. Il se mit à étudier l'histoire de son diocèse, à s'informer de ses gloires, de ses traditions, de ses souvenirs, de ses coutumes, pour devenir comme il a dit plusieurs fois, plus Poitevin que les Poitevins eux-mêmes. Je fis ainsi, quand je devins Saint - Quentinois, il y a seize ans. Je m'attachai avec une affection filiale à notre belle Basilique, dont le passé et les souvenirs ont fait comme un sanctuaire national et même comme un coin du ciel. J'aimai à Saint-Quentin le parfum de piété d'une partie de la paroisse, l'esprit ouvert, le cœur généreux, l'activité des habitants, leur patriotisme et une certaine fierté et indépendance de caractère qui est un fruit des vieilles libertés communales. J'étudiai l'histoire de la ville, et il me semble que j'acquis ainsi peu à peu la naturalisation de l'esprit et du cœur, qui vaut bien celle que donnent les lois…»

Après mon exorde, je me transportais en esprit avec mes auditeurs sur les collines qui bordent la Somme, et de là je laissai 28 se dérouler sous nos yeux le panorama des siècles. Nous contemplions d'abord l'Oppidum celtique, puis la conquête de César, la cité romaine Augusta Veromanduorum, l'apostolat de Saint-Quentin et son martyre ; puis venaient les évêques, les Comtes de Vermandois, la ville du Moyen-Âge et sa charte communale, le noble Comte Hugues le Grand et les croisades, la Basilique et les libertés communales, nos milices à Bouvines, St Louis rendant hommage à notre grand martyr ; puis ce sont les rois, le XVe siècle, le siège de 1557, Henri IV et Louis XIII, Louis XIV avec le développement des lettres et des arts, le commerce, la Révolution, l'Empire ; et enfin le XIXe siècle.

Je terminais en disant : «Je ne m'arrêterai pas aux tristesses patriotiques ni aux actes de courage de 1870-1871, ils sont trop connus.

Je voudrais enfin rendre grâce à Dieu de la merveilleuse restauration de notre Basilique, vous rappeler les autels d'une richesse royale, les vitraux, les chapelles, les sculptures, les ornements sacrés où l'art et la richesse s'allient pour glorifier Dieu, et les fêtes dignes des grands siècles chrétiens. Mais le Mécène de cette restauration est là, et il 29 est délicat de louer les présents. Si Dieu vous prête vie, selon nos vœux, Monseigneur l'archiprêtre, vous ferez si bien que notre église aura de nouveau, comme disaient les Espagnols en 1557, autant de renommée en France que celle de Tolède en Espagne.

Mais il est temps, n'est-ce pas, chers enfants, de descendre de notre observatoire imaginaire et de revenir à la vie réelle, c'est-à-dire à nos prix que vous dévorez des yeux. Je vous ai retenus longtemps ; mais je ne le regrette pas, si j'ai élevé votre âme, si je vous ai donné une grande idée de vos aïeux et si je vous ai fait aimer d'un cœur plus ardent la religion du Christ et la France, notre belle patrie.»

Au mois d'août, je pris quelques jours de repos pour aller visiter les pèlerinages de l'Ouest : Saint Michel, Pontmain, Sainte-Anne d'Auray et Chartres. Deux élèves avaient obtenu de leurs familles la faveur de m'accompagner.

Notre première station est à Evreux. Il y a là une de nos belles cathédrales. Elle a un chœur imposant du XIIIe siècle, une façade, des tours de la Renaissance. Je trouve de la ressemblance avec notre 30 basilique de Saint-Quentin dans le transept Louis XI et dans la chapelle de la Ste Vierge, avec ses vieilles verrières. Les clôtures des chapelles latérales rappellent celles de Laon.

Evreux, comme Chartres, Le Mans, Clermont et Reims a son église de Saint - Taurin du XIe siècle. Elle possède le corps du Saint qui a été l'apôtre et le premier évêque d'Evreux. Dans ces villes, on peut se rendre compte des diverses phases de l'art chrétien. Evreux a un bel évêché. C'est un grand hôtel du XVe siècle dans le style ogival flamboyant. Il a ses grandes cheminées d'autrefois. A la salle des évêques, parmi les portraits, on remarque celui du cardinal La Balue, le malheureux ministre de Louis XI, et celui du cardinal George d'Amboise, ministre de Louis XII.

La tour du Beffroy, qui est aussi du XVe siècle, est un reste du château des Comtes d'Evreux.

Caen offre encore plus d'intérêt qu'Evreux. Elle a sa belle cathédrale ogivale de Saint-Pierre avec son haut clocher et un chœur très gracieux de la Renaissance. Elle a 31 aussi ses deux grandes églises romanes du XIe siècle : St - Etienne, ou l'abbaye aux hommes, fondée par Guillaume le Conquérant ; la Trinité ou l'abbaye aux dames, fondée par la reine Mathilde.

Le château de Guillaume le Conquérant, agrandi par le roi Henri 1er subsiste encore ; c'est une belle forteresse du Moyen-âge.

Le musée a quelques belles toiles et en particulier un chef d'œuvre du Pérugin, le Sposalizio, qui a inspiré celui de Raphaël, puis un beau Rubens, le sacrifice de Melchisedech, et une pieuse Annonciation par Philippe de Champaigne.

C'était jour de courses, de belles courses de trot, avec une foule immense, une vraie fête normande.

Caen a des statues de Louis XIV, de Malherbe, de Laplace, d'Elie de Beaumont, d'Auber. Louis XIV lui a tracé de belles rues. Malherbe y est né ; Auber aussi. Laplace et Elie de Beaumont sont nés aux environs. Ces noms montrent la fécondité du génie normand. Malherbe est le législateur du Parnasse, Laplace a fixé l'opinion moderne sur le système du monde par l'hypothèse 32 de la gravitation universelle ; Elie de Beaumont a scruté les entrailles de la terre. Auber, l'auteur de La Muette de Portici, d'Haydee, de Fra Diavolo, de la Part du diable, est un des maîtres de la musique française.

Bayeux est une ville bien intéressante aussi. Sa Cathédrale est le type le plus complet de l'architecture normande. Elle a deux belles flèches qui ne le cèdent guère à celles de Chartres. Une tour ou lanterne sur la croisée du transept a la forme d'une couronne impériale. Nos belles lanternes ogivales ont devancé les coupoles de la Renaissance italienne. Les plats de murs sont fouillés à l'intérieur de l'église. Ces dentelles remplacent les fresques des pays méridionaux. Le chœur ogival est très orné. Sous le chœur est une belle et vaste crypte du IXe siècle. Bayeux a encore passablement de vieilles maisons de bois du Moyen-âge. Mais son joyau, c'est la tapisserie de la reine Mathilde au musée. Elle représente la descente de Guillaume le Conquérant en Angleterre. C'est toute l'illustration de la vie civile et militaire du Moyen-âge, armes, costumes, etc. C'est une vrai trésor pour les archéologues. 33 Bayeux a la statue de M. de Caumont. J'avais une estime particulière pour cet archéologue chrétien que j'ai rencontré dans quelques congrès de la Société française d'archéologie dont je faisais partie. Mon ami Léon Palustre a été son second successeur comme président de la société. Bayeux, comme Autun, était un centre druidique. Près Bayeux, au mont Phaunus, les druides gardaient dans une école d'enseignement religieux les traditions primitives. Ils honoraient là le Dieu créateur et attendaient le Rédempteur, fils d'une Vierge.

Cherbourg n'a pas de monuments anciens. Le grand intérêt de Cherbourg, c'est son port et son arsenal. Comme j'avais des jeunes gens, nous avons visité tout cela avec un grand intérêt.

L'arsenal à des modèles, des plans et de curieux débris du combat de la Hougue. La salle d'armes contient 25.000 fusils. Armes et pièces diverses sont rangées avec goût, avec art. On en forme des dessins géométriques, des fleurs. On nous montre un immense ostensoir qu'on avait dessiné avec des armes à l'occasion de la 34 procession de la fête-Dieu, qui se faisait encore dans l'Arsenal.

Dans le port, nous visitâmes une frégate, la Savoie. Ces navires sont de vraies batteries flottantes. La Savoie avait au centre une tour hérissée de canons, un vrai donjon.

Nous visitâmes aussi le yacht impérial, l'Aigle, dont les salons étaient ornés avec tout le luxe des palais ; - puis le Volta, que montait l'amiral Courbet à l'attaque de Fou-Tcheou.

Dans la rade, mes jeunes gens se complurent à étudier un bâtiment à voile, ses mâts de beaupré, de misaine, le grand mât et l'artimon, puis les voiles qui portent les mêmes noms en y ajoutant le phoque et le hunier. Nous allâmes en barque jusqu'à la belle digue de 4.000 mètres, qui protège le port.

Nous passâmes à Carentan, le pays de notre préfet, M. Sébline, qui a gardé quelque chose du respect des vieux Normands pour la religion. Carentan a une belle église ogivale avec une flèche en pierre. C'est le centre du pays d'élevage des bons trotteurs. 35 Saint-Lô, ville pittoresque et originale sur la Vire. Belle église ogivale à cinq nefs avec un pèlerinage populaire à Notre-Dame du Pilier. Chaire extérieure pour parler aux pèlerins. Le nom de la ville vient de Saint-Lô, évêque de Coutances au IVe siècle, qui avait là une résidence.

Mont Saint-Michel, merveille de la Normandie et de la France. Mais hélas, notre gouvernement païen y supprime le culte. Il se prive de la protection du grand Archange et les choses ne vont pas mieux. Dans le monument, j'admire surtout le beau cloître a doubles colonnettes de granit, et le chœur du XVe siècle.

St Malo : le tour des remparts a une série de vues merveilleuses. Paramé a tout le confort moderne et le luxe du monde parisien. Nous allons en pèlerinage au tombeau de Chateaubriand. Ce n'était pas un chrétien complet, mais il a ramené tant d'âmes a l'Eglise par son Génie du christianisme.

Excursion à l'île Cézembre, vues sur Dinard, Saint-Evogat, le cap Fréhel : c'est un des plus beaux coins de la France. Nous allons par la Rance à Dinan. 36 La Rance a de beaux sites qui peuvent rivaliser avec ceux du Rhin, notamment à la Briantais et au Chatelier.

A Dinan, l'église du Saint-Sauveur possède le cœur de du Guesclin. Chateaubriand et Du Guesclin, ces noms séduisent nos jeunes gens, ils symbolisent la grâce et la poésie du style, la foi, le courage, le patriotisme.

Le dimanche matin nous étions à Saint-Brieuc : la cathédrale est simple, mais elle a un ornement incomparable, c'est la masse de peuple qui la remplit. Du haut des remparts, belle vue sur la mer.

Pontivy : beau quartier neuf de Napoléonville, bâti en 1805 et tout en casernes. Là aussi l'assistance à la messe est le plus bel ornement de l'église. Le peuple y porte encore le dimanche les vieux costumes brodés, dont les dessins attestent la foi de ces braves gens.

Auray : Visite à la Chartreuse : chapelle sépulcrale où reposent les 952 héros de Quiberon. Le monument date de la Restauration. A peu de distance, le champ des martyrs : chapelle expiatoire : hic ceciderunt. Dans leur pensée, ces hommes donnaient leur vie pour la religion et pour 37 la patrie, ils mouraient en martyrs.15)

Carnac. - Je rencontre là Mgr l'évêque de Vannes que j'ai beaucoup connu au concile. Colline de Saint-Michel : vue splendide jusqu'à Quiberon. - Alignements de menhirs et dolmens isolés : il faudrait un druide pour nous dire le sens de ces étranges monuments. Curieux musée celtique : armes, sarcophages, urnes, etc.

Sainte-Anne : pieux pèlerinage breton. On y respire la foi et la confiance. Je suis heureux d'y célébrer la messe.

Belle église moderne dans le style de la Renaissance. Riches autels de marbre, surtout celui de Sainte Anne. Au trésor : bannière de l'Alsace, soutane de Pie IX, souvenirs de Mgr de Ségur, reliquaires de Sainte Anne.

Rennes. La cathédrale est du XVIIIe siècle. Ce siècle n'avait pas le sens chrétien. Elle est richement décorée de stucs et de peintures. Autour du chœur on a peint en de pieuses fresques les groupes des Saints de Bretagne, par diocèses. C'est une heureuse pensée. Belles promenades : Thabor, jardin des plantes, vue sur la vallée de la Vilaine. 38

Pontmain : pieux pèlerinage. On y prie bien et avec confiance. La grande église ogivale n'est pas artistique, c'est dommage. Des quatre enfants de l'apparition, deux sont prêtres et une petit fille est devenue religieuse.

Fougères : ville pittoresque. Ruines du château féodal à la jonction des vallées ; onze tours, cela rappelle Pierrefonds.

Laval : cathédrale modeste : c'est une ancienne église paroissiale. Vieux château féodal avec tours et donjon. La ville a un bon aspect d'ensemble, vue du Pont-neuf. Elégant château Renaissance des ducs du Maine, avec les trois ordres superposés.

Le Mans : Nos deux grands styles français sont là représentés. La cathédrale a une nef du XIIe siècle et un splendide chœur du XIVe qui rappelle, au dehors, Notre-Dame de Paris : double pourtour du chœur comme à Paris, vitraux anciens.

- Eglise de la Couture, grande église monacale du XIIe siècle avec une vaste crypte : tableau de Jouvenet représentant le prophète Isaïe.

- Petite église romane de St-Julien, du XIe siècle, avec des souvenirs des premiers siècles. 39

Chartres. C'est le bouquet de ce voyage. Pèlerinage à la Madone protectrice de la France. Quelle merveille de ciselure que la clôture autour du chœur ! Elle éclipse les sculptures de Paris et de Saint-Quentin.

- Les émaux de l'église Saint-Pierre sont aussi trésor de premier ordre. Œuvre de Léonard le Limousin au XVIe siècle, ils ont gardé toute la grâce et la fraîcheur de coloris de ce temps-là. L'Italie n'a rien en émaux et en vitraux qui puisse être comparé à nos chefs d'œuvre de Chartres et de Bourges.

A ma retraite de septembre, j'écrivis ces résolutions :

1. Me tenir dans la disposition de craindre Dieu, de l'aimer, de faire sa volonté.

2. Dans l'usage des créatures : réserve, mortification ; ne voir que les âmes, leurs intérêts spirituels.

3. Faire un examen chaque jour sur mes devoirs de supérieur, les étudier, relire la Règle.

4. Ne négliger aucun sujet de l'œuvre : agir avec prudence et sagesse, force et douceur.

5. Faire observer les règles : le silence, la charité, l'emploi du temps.

- Résolutions résumées :

1. Amoureuse fidélité envers N.S. 40 - pureté de cœur.

2. Vigilance efficace pour l'œuvre - Charité envers ses membres.

A partir de janvier 1886, j'ai des cahiers de notes quotidiennes, qui indiquent jour par jour les impressions de mon âme.16)

Une note du 24 février indique un peu quelles ont été les croix de cette année : «Seigneur, écrivais-je, vous m'avez uni à votre croix pour cette œuvre. J'ai porté la croix sans générosité comme le pauvre Cyrénéen, fécondez néanmoins mes humbles immolations par les vôtres, par celles de Marie, par celles de toutes les âmes dont vous avez fait des victimes pour cette œuvre. Vous avez immolé mon corps par des souffrances multiples et des périls de mort ; mon esprit par des sollicitudes, des tentations, des doutes, des craintes, des contradictions tombées du plus sublime des tribunaux ; mon cœur par des séparations suprêmes, la perte des miens, l'abandon, les mépris, les divisions, l'isolement, le délaissement de tous ceux qui étaient mes 42 pères et protecteurs. Vous ne m'avez pas épargné les angoisses poignantes de la pauvreté depuis huit année déjà, merci ! merci ! Bénissez ces souffrances si imparfaitement supportées. Bénissez l'œuvre au profit de laquelle vous me les avez envoyées…»

A St-Jean, la maison était toujours nombreuse, plutôt trop. Pour donner une éducation chrétienne sérieuse, il faudrait se limiter à un nombre restreint de pensionnaires. Je fis rebâtir la petite maison Dassonvillé et arranger toute la façade, ce fut encore une occasion de pénibles sollicitudes.

Nous commençâmes cette année à diriger la maîtrise de la basilique. Cette œuvre devait susciter quelques vocations, mais elle allait aussi nous créer bien des difficultés. Nous avions là des relations difficiles avec tout le personnel de la sacristie.

Nous commencions à missionner dans le diocèse. Mgr annonçait même nos missionnaires dans sa lettre pastorale du carême à l'occasion du Jubilé.

C'était un progrès pour notre maison du Sacré-Cœur.

Nous perdions au mois de juillet deux 43 religieux : le vieux Père Jacob Boulanger, que le bon Dieu prenait pour qu'il ne vit pas les travers de ses enfants,17) et le jeune frère Pothin Montredon, qui mourait dans sa famille comme un petit saint, le jour même de la fête du Sacré-Cœur !18) Notre Seigneur montrait par là qu'il agréait sa petite victime.

Les lettres de Mgr compléteront la physionomie de l'année.

Le 21 déc. c'est moi qui lui écrivais :

«Tout en étant prêt à quitter Sittard le jour que votre Grandeur voudra, je me demande encore si la Providence ne semble pas indiquer une autre solution. On peut trouver pour Sittard des sujets allemands et des ressources d'Allemagne très facilement. Les Allemands n'ont plus de noviciats religieux chez eux. Ils en cherchent au Limbourg et donnent volontiers des ressources. Ils ont aussi une grande dévotion au Sacré-Cœur. On entretiendrait facilement une école apostolique à Sittard. N'est-ce pas une indication providentielle ? On garde d'ailleurs toujours chez nous le désir des missions et l'espoir d'une œuvre générale. Votre Grandeur pourrait peut-être en référer à Rome. 44 On aime beaucoup à Rome les congrégations qui demandent des missions. Je m'en rapporte d'ailleurs absolument à Votre Grandeur, dont je veux suivre en tous points les conseils et la direction.»

Pour la question de Sittard, Mgr répondait en marge : «Question grave,à examiner». Pour celle des missions : «Question complexe : ne rien précipiter».19))

- Le 30 déc. 85, Mgr m'écrivait : «Je vous remercie de votre bonne et consolante lettre d'avant-hier. Que votre personne et toutes les œuvres que vous dirigez soient de nouveau bénies ! Je ne m'oppose pas à ce que vous vous étendiez au dehors, quand vous suffirez à peu près à vos œuvres commencée, notamment à Saint-Jean. Informez-vous exactement des conditions auxquelles vous obtiendriez une mission : je crains qu'elles ne vous soient difficiles et onéreuses, de quelque temps.

Voici une année de jubilé propre à vous introduire dans les chaires du diocèse, nous vous y seconderons. Je ne m'oppose pas à ce que vous quêtiez un peu, mais en tenant compte des mœurs et des susceptibilités, en nos pays et au loin.»

Le 21 janvier 1886 : «Au milieu de mes 45 embarras et de mes peines, mon cher supérieur, je prends une grande part aux vôtres. Ayez confiance ; vous êtes aujourd'hui dans la voie voulue de Dieu. Il ne vous y abandonnera pas, si vous y marchez avec sagesse, courage et persévérance. Vous faites une grande œuvre à Saint-Jean, eût-elle des défauts, comme elle en a inévitablement ; et peut-être en préparez-vous à côté de non moins grandes. Un tel enfantement ne va pas sans douleurs et sans dégoûts. Tout n'était pas de Dieu dans les premiers enchantements qui vous soutenaient ; acceptez de bon cœur les peines fécondes : c'est leur sanctification qui formera votre couronne solide en or pur et en pierres vraies. A ne parler que de Saint-Jean, vous y faites l'œuvre la plus belle, sinon la plus nécessaire, qui se fasse dans le diocèse. L'année de retraite à laquelle vous songeriez, mon bien cher Père, n'est pas possible en ce moment. Mais isolez-vous tout à fait un moment chaque jour, une heure ou deux chaque semaine, un jour entier par mois, en tête à tête avec Notre - Seigneur. Votre religieusement et paternellement affectionné.»

A la même date, comme je 46 demandais une prélature pour M. Mathieu : «Je n'ai pas envie, assurément, de marchander les témoignages de confiance ni les honneurs à M. Mathieu. Mais je voudrais, d'une part, ne lui faire aucun présent nuisible, et ensuite ne pas amoindrir l'autorité de mon administration en la rendant suspecte de partialité. Peu de prélats romains méritent en France leur prélature aussi bien que la mériterait M. Mathieu. Mais combien la méritent mal ! C'est à se demander jusqu'à quel point elle est devenue enviable. Cette dignité et le titre de Monseigneur ajouteraient-ils, à Saint-Quentin, à la considération et au prestige de notre cher archiprêtre ? Il est difficile d'y ajouter ; je craindrais plutôt que cela n'y devînt nuisible, sauf devant les personnes du meilleur esprit, auxquelles le tribut du respect ne coûte pas. On est ici très égalitaire, même le clergé. Ne remarquez-vous pas quelle différence, malgré la supériorité de l'ordre, entre les démonstrations de respect accordées parmi nous aux évêques (même cardinaux) et celles qu'on leur accorde en Italie ? - Je me demande si nous ne provoquerions pas plus de jalousie que nous n'obtiendrions de vénération.

Remarquez en passant que Mgr Langénieux n'a demandé jusqu'ici 47 aucune prélature pour son clergé. Enfin, mon cher chanoine, vous n'ignorez probablement pas qu'on m'accuse, au loin et assez près de moi, d'avoir mon cœur et ma confiance à Saint-Quentin. Je n'ai qu'un médiocre souci du reproche ; mais je ne voudrais pas y donner encore plus de prise, même injuste, sans raisons sérieuses. Voilà, à cœur ouvert, toutes mes raisons d'abstention. Je ne dis pas qu'elles prévalent toujours ; je passerais même par-dessous sitôt que j'aurais la conviction de servir par là le ministère de M. Mathieu. La question reste donc à l'examen, et je serais l'un des amis le plus heureux de mon cher Vicaire général, si j'avais un jour la conscience d'avoir fait une bonne action en lui faisant décerner une dignité de plus…»

Le 13 mars : «J'ai eu entre les mains, mon cher Supérieur, il y a déjà quelque temps, la première édition de la Vie de Mère Thérèse de Jésus.20)

J'y trouvai et j'y retrouve dans la seconde des choses admirables. Mais j'y rencontrai aussi des choses qui me déplurent et me sembleraient aujourd'hui contraires à l'esprit, sinon à la lettre, de l'Encyclique Immortale Dei.21) Je n'ai pas revu ces passages dans l'exemplaire que vous avez bien voulu 48 m'envoyer. Par contre, dans ce dernier, j'ai encore mieux apprécie des pages vraiment touchantes et profondes. Seulement il en est d'autres où le Vivo jam non ego (Gal 2, 20) est commenté en termes qui, s'ils ne sont pas quiétistes dans leur sens intentionnel, me paraissent l'être dans leur sens obvie.-

Votre préoccupation de l'Oeuvre sacerdotale, mon cher Supérieur, est parfaitement légitime, on ne peut meilleure.22) Bien volontiers, peu à peu mais de plus en plus, pourvu que ce soit avec modestie, charité et prudence, je vous permettrai de la pratiquer et de la propager dans le clergé diocésain.

Faites bien d'abord, de ceux qui sont déjà à vous, des hommes de vraie lumière, sages, désintéressés, zélés, indulgents à autrui et d'une certaine sévérité pour eux-mêmes. Je ne les tiendrai pas sous le boisseau ; je serai au contraire trop heureux de les voir édifier le clergé et les fidèles. - Quant à l'intervention des femmes dans cette œuvre, je ne la crois qu'assez exceptionnellement providentielle. Sans l'exclure donc, je la surveillerai toujours, la nature y poussant facilement des femmes pieuses…»

Le 3 avril : «Je suis très heureux de l'inauguration providentielle de l'apostolat de vos bons petits Pères. Que N.-S. bénisse leurs 49 personnes et leurs œuvres ! Puissent-ils être studieux ! Puissions-nous leur donner un bon règlement de missions ! Il faut y penser dès maintenant. Un point important, c'est que leurs relations avec les personnes du sexe soient rares et en lieux ouverts. On devra éloigner aussi tout soupçon d'intempérance…

Le 27 mars : «Je ne vois pas d'inconvénient, plutôt au contraire, à ce que vos étudiants de Lille aient, quatre fois par mois, trois heures d'adoration. - En ce qui concerne la Maîtrise, j'ai dit à M. l'Archiprêtre que je la verrais volontiers dirigée par des prêtres, et de préférence par les vôtres, s'il était probable qu'il s'y développât plus de vocations, et de bonnes vocations…»

Le 14 avril : «Mon bien cher Père, ajoutez au règlement de vos missionnaires qu'ils doivent être discrets et ne parler que charitablement soit des populations qu'ils auront évangélisées, soit des presbytères où ils auront été reçus. Toutefois, ils vous devront aussi un compte-rendu confidentiel, de chacune de leurs œuvres…».

Ces conseils de Mgr étaient parfaits. Nos missionnaires doivent s'inspirer aussi des règlements de St Ignace, de St Liguori, de St Léonard de Port-Maurice. 50

Nos missionnaires travaillaient. En écrivant à Mgr, le 21 mai 86, je lui donnais la liste des paroisses où ils devaient aller dans l'espace d'un mois. C'était généralement à l'occasion des premières communions et pour de petites stations de jubilé. Voici cette liste : Homblières, Grugies, Chauny, Ardon, Bernoville, Laval, Gricourt, Albécourt, Vadencourt, Bohain, Fourdrain, Marcy, Macquigny, Pontruet, Saint-Quentin…

J'annonçais aussi à Mgr que le petite maison de Lille se développait au vicariat de Saint-Martin, où le Pères Jacques et Claude avaient le titre de vicaires.23) Mgr avait autorisé cet arrangement.

Le 4 juin, il autorise nos travaux de façade : «Vous m'avez, ainsi que M. Mathieu, entretenu d'un travail à faire à l'entrée de l'Institution Saint-Jean : je ne m'y oppose pas, s'il est vraiment opportun et non trop onéreux…» Mgr ajoutait : «Je vous prie d'excuser ma brièveté, la fatigue a un peu engourdi mes doigts…» C'était hélas ! le commencement de la paralysie qui devait se développer à Cambrai.

Le 11 août, il me parle du pauvre Philippot qui commençait déjà à perdre la raison :24) «Il faut renoncer pour le moment à utiliser 51 M. Philippot dans l'enseignement. Il vient de m'écrire une lettre non moins absurde que celle que vous me communiquez. Ad duritiam sensus, nous allons probablement l'essayer dans une paroisse : que N.S. daigne le maintenir dans certaines limites de sagesse sacerdotale !

Nous avons donné les prix le 31 juillet. J'ai parlé sur l'histoire du département. Mgr m'écrivait le 6 août. «D'après ce qui me revient, il y a lieu de vous féliciter de la beauté de votre distribution des prix et du discours que vous y avez prononcé : j'en suis bien heureux. Que Notre Seigneur daigne réparer vos petits échecs et faire de tous vos succès la semence de succès plus grands et surtout d'œuvres encore plus saintes !…

Si vous pouviez venir à Soissons l'un des trois premiers jours de septembre, nous nous entretiendrions de votre personnel… Félicitez de ma part M. votre frère de son heureuse élection, ainsi que de sa brève et excellente lettre de remerciement. Je ne doute pas qu'il se fasse avec modestie et discernement une place très utile au Conseil départemental».25)

Au mois d'août, j'allai visiter la 52 maison de Sittard. J'emmenai deux élèves, Joseph Bernauer et Albert Prédhomme. Je les conduisis à Anvers, La Haye, Cologne, Bonn, Coblentz. Je résume les impressions de ce voyage dans mes Notes quotidiennes.26)

Au retour, belle réunion des anciens élèves. C'est le commencement de réunions annuelles, qui aideront nos anciens à conserver le sens chrétien reçu à Saint-Jean.

Le 22 août commença notre retraite annuelle. Nous nous préparions au Chapitre général et à nos vœux perpétuels.

Je fis ma retraite de grand cœur. J'écrivis ces résolutions :

«Pratique fréquente : Regard intérieur vers le Sacré-Cœur dans l'Eucharistie.

Dispositions :

1. Reconnaissance toujours croissante envers le Sacré-Cœur.

2. Abandon paisible, sans réserves, testament spirituel envers le Sacré-Cœur.

3. Silence, union à Jésus Eucharistie.

4. Fidélité constante aux petites choses : martyre à petit feu.

5. Vœux incessants pour la salut des âmes, pour la conversion des pécheurs, recours au trésor du Sacré-Cœur.

6. Après une faute, prompt recours au Sacré-Cœur 53 de Jésus, offrande de ses mérites en réparation».

Nous nous préparions à nos vœux perpétuels, nous étions sept : Les PP. Rasset, Paris, Falleur, Legrand, Lamour, Herr. (Jacques) et moi. Puissions-nous être les colonnes de l'œuvre.

Les élections eurent lieu le 15 sept. Je me démis de ma charge de supérieur entre le mains de Mgr. Il présida les élections et on me réélut à vie à l'unanimité.

- La solennité des vœux n'eut lieu que le 17 septembre, sous la présidence de M. Mathieu, vicaire général délégué par Mgr.27)

Cette année encore est bien caractérisée par mon cahier de Notes Quotidiennes28) et par la correspondance de Mgr.

Elle a été marquée par la croix comme toutes les autres. Le Chapitre général et les vœux perpétuels nous avaient un peu raffermis dans l'œuvre, mais il restait encore bien du malaise, jusqu'à l'approbation du Saint-Siège. J'avais aussi mes peines intérieures.

Le 4 mai, j'écrivais : «Les épreuves ordinaires de la vie m'ont assailli depuis dix ans : perte de proches, maladies, pertes d'argent, humiliations et le reste. Le plus pénible est l'aridité, avec une extrême faiblesse et des tentations violentes et répétées, que je subis particulièrement depuis un an.»

Le 5 mai : «Journée de sollicitudes temporelles et de craintes poignantes. Les échéances des principaux paiements sur l'Institution approchent et les ressources ne viennent pas. Mon esprit n'a de repos que dans l'abandon à N.S.» 56

Ces angoisses ont été de tous les jours cette année. J'ai dû vendre ma propriété de la Haie-Maubecq à mon frère pour faire de l'argent. M. Lecot revenant sur ses engagements m'a obligé à lui payer le jardin du Sacré-Cœur.29) J'ai dû lui donner en échange une propriété que mon père avait estimée 72.000 francs, ce qui me valut de durs reproches de mon frère.30)

Je ne m'occupais guère des œuvres de la ville, cependant il me fallait, avec M. Arrachart, organiser les conférences qui se donnaient l'hiver à la salle du Patronage. Il fallait chercher des conférenciers, les inviter, les recevoir. Je donnai moi-même une conférence cet hiver, le 28 janvier. Je pris pour thème la description de Londres. Je me servis de mes vieilles notes, complétées par des renseignements plus récents.31)

C'est pendant ces mois d'hiver qu'éclata comme une explosion de mine le livre de Drumont «La France Juive». Il formule ce que tout le monde pensait. C'est une déclaration de guerre entre la race juive et la société chrétienne. La lutte sera longue. C'est une partie de la 57 grande guerre antichrétienne.32)

A Soissons, le vénérable vicaire général, M. Guyart, va recevoir au ciel la récompense d'une longue vie sacerdotale toujours honorable et honorée. Je vais à ses funérailles le 17 mars.

Un mois après, c'est le tour de M. Vincent. Il était notre par le cœur. Je l'avais reçu sous le nom de P. Basile.

Quelques semaines avant de mourir, il avait encore demandé à recevoir deux des nôtres chez lui à Soissons pour y commencer une maison de missionnaires, mais Mgr avait été inflexible, il avait répondu : «C'est un rêve.» Mgr ne croyait pas au retour de M. Vincent à la santé. Sœur Ignace croyait que s'il se donnait plus manifestement au Sacré-Cœur, il guérirait. Dieu sait ce qu'il en est. Aux funérailles, à Vervins, Mgr révéla cette vocation de M. Vincent. Il loua sa charité et rappela qu'il voulut faire partie d'une association de prêtres dont le but est la méditation des amabilités du Sacré-Cœur et l'apostolat sous les auspices du Sacré-Cœur.

Mgr voulut bien dire qu'il m'aurait pris pour vicaire général si je ne m'étais 58 pas donné à la vie religieuse. J'ai fait le sacrifice de toute carrière honorifique, j'offre humblement ce petit sacrifice au Sacré-Cœur de Jésus.

Le 29 mai, consécration de l'église de La Chapelle. Cérémonie touchante en elle-même et très émouvante pour moi, parce que ce sanctuaire succède à celui où j'ai reçu le baptême et la première communion et où j'ai souvent prié auprès de ma mère. Je prie pour cette chère paroisse où le service de N.S. est bien pauvre et bien imparfait chez la plupart des âmes.

Je vais à Montmartre rendre hommage au Sacré-Cœur et je vois avec plaisir qu'on y fait la propagande de notre appel à la réparation sacerdotale, rédigé par Mgr Gay.

Les bonnes Sœurs de l'Adoration réparatrice de la rue d'Ulm m'accueillent fraternellement et nous convenons d'une union de prières pour l'œuvre réparatrice.

Je me rends de Paris à Lille pour visiter mes étudiants. Je m'arrête quelques heures à Arras pour visiter la vieille capitale artésienne, son hôtel de ville mi-partie gothique et Renaissance, et surtout les précieuses reliques de l'évêché : la tête de S. Jacques le Majeur, le corps de 59 S. Waast, le rochet de S. Thomas de Cantorbéry.

- Visite à Lille aux Sœurs de l'Adoration réparatrice.

- A Sittard, sainte messe au sanctuaire de N.-D. du Sacré-Cœur. Il y a eu certainement un dessin de la Providence dans la fondation de notre noviciat auprès de ce sanctuaire de notre Mère céleste.

Je reviens par Saint-Hubert où la grande abbaye du XVIIIe siècle, devenue maison de correction, m'impressionne assez péniblement. Les grandes constructions monacales de ce siècle sans foi n'ont pas été bénies.

Monseigneur désirerait que nous eussions dans le diocèse un noviciat français, je visitai plusieurs maisons de divers côtés. Le petit sanctuaire de Beautroux me paraissait le plus favorable. On nous prêterait la maison du chapelain et on nous donnerait même une prébende. Un des nôtres serait curé de la paroisse. C'était un projet à mûrir.

M. Harmel m'écrivait et me demandait des aumôniers. Il proposait aussi de fonder un petit alumnat. C'était encore une indication de la Providence.

Le Dr Matovelle m'écrivait de l'Equateur et me proposait d'unir sa fondation d'Oblats 60 du divin Amour à la nôtre. Cette correspondance préparait la voie à nos missions de l'Equateur.

Je commençai les démarches pour obtenir du Saint-Siège la première approbation. Je réunis et j'envoyai les pièces requises : notice sur l'œuvre, constitutions, état des maisons, et du personnel, etc…etc…

Il fallait des recommandations épiscopales. Je les demandai et j'obtins partout l'accueil le plus bienveillant. Je reçus des lettres excellentes de Mgr Mermillod, de Mgr Gay, puis des évêques de Grenoble, Châlons, Beauvais, Mende, Limoges, etc. J'allai jusqu'à trente. Ces lettres sont copiées sur un cahier. Elles pouvaient surabondamment que nous avions partout de bons amis. Les lettres officielles étaient généralement accompagnées de lettres très amicales.

Le cardinal Langénieux m'invitait à le voir à Reims avant son prochain départ pour Rome, où il voulait nous aider par ses démarches personnelles. Il a toujours été un ami dévoué de l'œuvre.

D'autres lettres me venaient de Langres, de Vannes, de Toulouse, de Dijon, de Liège, 61 de Ruremonde.

Il y avait un point délicat pour l'approbation.

A Rome, il est de règle qu'une affaire ne soit pas transférée d'une congrégation à une autre, sans une autorisation spéciale du Saint-Siège. Notre congrégation ayant eu à faire avec le Saint-Office, ne pouvait pas solliciter son approbation aux Evêques et Réguliers sans une permission spéciale. J'étais un peu inquiet à ce sujet-là.

Mgr de Soissons me remit le 7 juillet une lettre importante pour demander au Cardinal secrétaire du Saint-Office que nous puissions suivre la voie ordinaire pour l'approbation de l'œuvre. Il exposait la direction qu'il avait suivie à notre égard : conservation de Sittard, fondations de Lille, du Val, etc.

Le Cardinal Langénieux acheva la négociation à Rome même et il obtint gain de cause. C'était pour l'œuvre un résultat énorme. Les chaînes nous étaient ôtées des mains, nous sortions du Saint-Office et nous recouvrions notre pleine liberté.

Le Cardinal m'annonçait la bonne nouvelle par cette lettre datée de Rome, 62 le 22 oct. 87 : «Mon cher abbé, vous pourrez traiter désormais vos affaires avec la S. Congrégation des Evêques et Réguliers. Le Saint-Office, par la bouche de son procureur, Mgr Sallua, me l'a assuré ce matin. Vous devrez, néanmoins, persévérer dans la voie d'une union très étroite avec Mgr votre saint et sage évêque, parce que le dossier de la première affaire reste tout entier. Mais en vous confiant ce fait, j'ai hâte d'ajouter que tout le monde ici vous aime, vous honore et veut du bien à votre famille religieuse. Le Saint-Père vous bénit et apprend avec joie vos progrès, sous les yeux et la main de Mgr de Soissons en qui il a toute confiance. Préparez en paix vos constitutions ; elles auront un bon accueil. Ainsi se réalisera pour vous le qui seminant in lacrymis, in exultatione metent. Agréez, cher et vénéré Supérieur, mes vœux dévoués et croyez-moi tout vôtre en N.-S….»

C'était une promesse formelle d'approbation prochaine.

Le 4 octobre, Mgr souffrait comme nous de voir M. Lecot revenir sur sa parole et m'imposer le paiement du jardin : «Je regrette que vous vous trouviez dans la 63 nécessité d'acheter, équivalemment , le jardin de M. Lecot, ce qui devient pour vous une nouvelle charge. Mais il faut se résigner à ce qu'on ne peut éviter.»

Le 5 nov., je le priais humblement d'examiner la question de l'Adoration perpétuelle dans le diocèse. «J'entends quelquefois exprimer, disais-je, par des curés du diocèse, le désir que l'Adoration perpétuelle soit réorganisée. Le Saint-Père demande tant que l'on prie ! Votre Grandeur a déjà réorganisé tant de choses, le propre, le catéchisme, les statuts, les séminaires…, ne pourrait-elle pas encore relever cette belle œuvre de l'adoration ?»

Il me répondait en marge : «Encore une chose en retard, que je ne perds pas de vue.»

Le 22 déc., je lui reparlais d'une prélature à demander pour M. Mathieu et de l'occasion favorable du voyage de S.E. le cardinal Langénieux. Il me répondit : «Je pensais déjà, de moi-même, mon cher chanoine, à profiter de la mission que je viens de donner à M. Mathieu pour les noces d'or de Léon XIII (présidence du comité pour les présents à envoyer), comme d'un moyen d'appuyer la demande que j'aurais faite, en mon prochain 64 voyage ad limina, d'une dignité romaine pour lui. Je ne répugne nullement à devancer cette époque et à faire solliciter cet honneur par Son Eminence. Comme vous, je crois que ce qui conviendrait serait le titre de protonotaire. Je vais donc probablement m'en occuper ; mais, de grâce, veuillez garder pour vous seul cette confidence, afin qu'il n'y ait pas déception dans le cas où nous rencontrerions un obstacle imprévu, et que, si nous réussissions, la surprise ajoute à la joie.»

Le 24 déc. : «Mon cher Supérieur, le salut par le mots. «Vivat Cor Jesu - Per Cor Mariae !» est doctrinalement irréprochable, et il est pieux. S'il a les préférences de votre Conseil, je l'approuve…»

Le 31 déc. : «Soyez bénis, mon cher Supérieur, soyez bénis, vous tous qui vivez et qui voulez vivre encore davantage de la vie du Sacré-Cœur de notre adorable Maître, Frère et Sauveur. Priez qu'il en soit de même de votre religieusement affectionné.»

Le 6 janvier 1887 : «Mon cher Supérieur, J'ai reçu de pieuses et affectueuses lettres de Fayet et de Sittard : je serais heureux d'y répondre ; mais une indisposition de deux ou 65 trois jours m'a mis fort en retard pour beaucoup de choses. Je vous prie donc de remercier pour moi les directeurs et les chers enfants de ces deux maisons, en les assurant que leurs vœux et leurs prières me sont précieux ; que je les bénis tous bien paternellement, qu'il m'est doux de penser que là se forment des amis, et, pour plus tard, des collaborateurs de l'adorable Maître. Combien il est beau d'être à quelque degré, animé envers lui des sentiments qui l'animent à l'égard de son Père, et de se préparer à devenir son envoyé auprès des âmes, comme il fut envoyé lui-même ! Cette adoption et cette mission sont bien plus qu'un état ou une profession ; il faut élever sa pensée très haut pour s'en rendre compte, et y mettre son cœur tout entier, pour en être digne… Je me recommande aux sacrifices et aux communions de Sittard et de Fayet.»

Le 2 mars, Mgr autorisait la publication de mon volume de discours des distributions de prix.

Le 10 avril : «J'ai reçu ce matin le Bref qui confère la dignité de Protonotaire à M. Mathieu et je le lui expédierai demain.» 66

Le 9 juin, je lui écrivais : «M. Harmel me presse. Il va venir ici lundi ; que lui dire ? Il paraît très désireux de nous avoir. Il se chargera de demander l'autorisation à S.E. le Cardinal. Pour y aller, il faudrait lui donner M. Charcosset, au moins la première année, avec deux autres sujets.»

Mgr répondait en marge : «Je ne m'oppose pas à ce que vous donniez un des vôtres à M. Harmel. Mais ira-t-il seul ? Le conseil est-il de cet avis ?»

Le 25 mai, Mgr me donnait une bonne lettre d'approbation pour mon livre sur l'Education.

Le 12 mai, je commençais les démarches pour l'approbation, il m'écrivait : «Je ne m'opposerai pas à ce que vous deveniez une congrégation directement soumise au Saint-Siège ; je vous seconderai même dans ce dessin, selon la mesure de mon pouvoir. Mais, comme vous le dit le P. Eschbach, il faut commencer par liquider votre situation avec le Saint-Office. Pour moi, il faut aussi faire un bon collège à Saint-Jean. Vous savez que ç'a été votre première œuvre providentielle et une première condition. Il est bien naturel que vous ajoutiez au collège une bonne maison diocésaine de 67 missionnaires. Il faut aussi, comme je l'ai toujours dit, rappeler votre noviciat de Sittard. Je ne m'opposerai pas à ce que vous y laissiez un poste de recrutement…»

Du 8 au 15 août, bonne retraite à Lourdes. J'en décris les impressions dans mon cahier de Notes Quotidiennes.33) Je refais les Exercices de St. Ignace. «Je suis de plus en plus, écrivais-je, sous l'impression de la foi dans ces lieux bénis. Ma retraite se fait sans peine, plus par le cœur que par l'esprit. Je m'attache à N.-S. et à Marie de plus en plus et je désire me détacher de plus en plus des créatures…»

Après le 15, excursions à Luz, à Barèges, ascension au Pic du Midi : «Panorama des Pyrénées ; que nous sommes petits et que Dieu est grand !» Saint-Sauveur, Gavarnie : «beautés naturelles qui disent magnifiquement la grandeur et la puissance du Créateur !»

19-21 : pèlerinage national, mille malades, les guérisons se multiplient…

22. Bétharam : «Le souvenir de mon père et de ma pieuse mère m'accompagne le long de ce chemin de croix qu'ils ont fait autrefois avec moi.»

24. Toulouse : je célèbre la messe à l'autel 68 de St. Thomas d'Aquin. Excursions à N.-D. d'Alet, pieuse résidence des Prêtres du Sacré-Cœur et à Pibrac où je vénère le corps de Ste Germaine et sa maison.

Visites à la Cité de Carcassonne, au pèlerinage de N.-D.-des-Oliviers à Murat ; à Clermont-Ferrand, je visite le saint abbé qui m'aidait à propager l'associations sacerdotale.34)

Pèlerinage à Paray, au Puy, à Fourvières.

A Bourg, je revois les bonnes Sœurs de la visitation et nos amis du Séminaire.

A Dijon, je suis reçu à déjeuner à l'évêché et je vais en pèlerinage à St Bernard avec le bon abbé de Bretenières.

Je m'arrête à Montbard pour voir le curé de Saint-Rémy et prier au sanctuaire où s'est révélé le Cœur de Jésus pénitent.

Le 11 septembre, bénédiction de notre petit noviciat à Beautroux. Le sanctuaire est dédié au Cœur de Jésus pénitent. Le P. Rasset en prend la direction.

Bénédiction de deux calvaires à Etaves. Pieuses émotions.

Le 12 et 13, visite au Val où nos Pères sont installés. J'écrivais au retour : «Le val des Bois, oasis dans le désert de notre pauvre France. La paix sociale 69 règne dans ce monde ouvrier. Je trouve ici un véritable esprit de foi et de charité, l'amour du sacrifice, le soin des pauvres et des malades. C'est pour nous une grâce que nous soyons mêlés à ce courant de vie d'immolation et de charité.»

Reims : visite au Cardinal (Langénieux), il promet de nous aider à Rome et trouve que nous marchons maintenant bien pratiquement.

Notre retraite générale commence le 15 septembre, elle est prêchée par le Rev. P. Lacour. Il la mène avec énergie. J'espère qu'elle portera de grands fruits. J'écrivais : «Je comprends et je goûte mieux les Exercices de St Ignace : le fondement de la vie morale, le repentir, la conversion ; l'étude de J.-C. pour l'imiter (vie illuminative) ; les méditations qui excitent et affermissent la volonté (le règne, les étendards, les classes) ; la vie d'union.

Le 23, cérémonie de profession et rénovation des vœux, présidée par Mgr Mathieu. Fête touchante. Toute la famille spirituelle est réunie. C'est une famille bénie, malgré de grosses imperfections. 70

Le 27 (septembre) je vais prêcher une retraite à Athis pour les professeurs auxiliaires des Frères. Le bon F. Exupérien m'édifie. Je souffre de la poitrine, je mène cependant ma retraite à bonne fin.35)

Je vais de là à Châteauneuf-sur-Loire pour m'entendre avec les propriétaires de Beautroux. J'en profite pour faire un bon pèlerinage, désiré depuis longtemps, au tombeau de Saint Benoît. J'ai toujours tant aimé ce grand patriarche.36)

C'est une grande année, l'année de la pleine résurrection et de l'approbation à Rome.

Elle a eu cependant ses croix comme toutes les autres. Il y avait dans l'œuvre beaucoup de découragements et de tiraillements, il était temps que l'approbation vînt nous ranimer et nous rendre force et courage.

Il y avait aussi de grosses difficultés matérielles. Le paiement de nos grandes constructions s'imposait. Personne ne peut s'imaginer par quelles angoisses j'ai passé.

Le Bref laudatif est daté du 25 février et il m'arriva le 3 mars. Quelle joie ce fut pour moi et pour tous les nôtres !

Dans toutes nos maisons, on remercia le Sacré-Cœur avec une grande effusion de reconnaissance.

Nous nous remettions à l'œuvre avec une nouvelle ardeur, mais nous devions souffrir encore pendant quelques années de 72 la déviation où nous avait jeté le P. Captier. Nous souffrions de n'être plus soutenus par du surnaturel plus ou moins correct et nous n'étions pas assez ardents à la lutte personnelle contre la nature et le démon. La miséricorde du Sacré-Cœur de Jésus nous sauvera.

Le noviciat de Beautroux était insuffisant, le château de Fourdrain était à vendre à bas prix. Nous vîmes là une circonstance providentielle, le P. Dupland l'acheta.

La mission de l'Equateur se préparait par la correspondance avec le P. Matovelle. A Pâques, j'allai à ce sujet m'entretenir à Paris avec M. Flores, ministre plénipotentiaire de l'Equateur.

Le 2 mai, nous perdîmes notre bon petit frère Quentin Black.

Il était minoré. C'était un petit Louis de Gonzague, bien simple, bien zélé pour les âmes. Sa vie a été écrite.

En juillet, j'étais invité à prêcher à la cathédrale de Soissons, à l'occasion du pèlerinage des Cercles de Paris et de la région.

Nous ne devions plus posséder Mgr Thibaudier qu'un an, il allait être transféré en 1889 à Cambrai. 73

Le 19 octobre 87, il m'écrivait : «J'espère qu'il me sera possible de clore, dimanche, la retraite de nos chers enfants de Saint-Jean, en leur donnant la sainte communion. Que Notre Seigneur daigne bénir l'Institution et l'année qui commence pou elle !»

Le 1er octobre : «Ci-joint 1000 francs pour vos missionnaires, partie offrandes, partie de ma très minime cassette… Je vous serais reconnaissant si vous acceptiez la paroisse d'Etaves pour M. Grison…»

Le 5 janv. 88. «J'ai reçu de toutes vos maisons des lettres où se traduisent des sentiments dont je suis fort touché ; mais il ne m'est guère possible en ce moment d'y répondre, veuillez vous faire auprès de tous vos frères et enfants l'interprète de ma très affectueuse paternité. Pour leur donner un gage du profond intérêt que je porte à l'œuvre et à ses membres, dites-leur que, le 13 de ce mois, octave de l'Epiphanie, j'offrirai le St Sacrifice pour eux et pour elle…»

Mgr avait fait en décembre le voyage de Rome où il avait travaillé paternellement pour nous. A son retour, il avait la 74 faculté de donner la bénédiction papale dans l'églises et chapelles du diocèse.

Le 30 janvier, il m'écrit : «J'espère arriver à Saint-Quentin le 8. J'irais volontiers vous donner la bénédiction apostolique, mais il faudrait que vos enfants eussent communié le jour que vous auriez choisi, le 9 ou le 10.»

A la même date, Mgr nous chargea de la fondation de la paroisse S. Martin.

Le 15 février : «Je ne pense jamais au faubourg S. Martin sans une émotion pénible et sans me demander si je n'aurai pas à rendre compte du délaissement religieux d'une population considérable de Saint-Quentin. M. Mathieu connaît mes sentiments à cet égard. Si je m'adresse à vous, c'est que les prêtres du Sacré-Cœur me semblent providentiellement indiqués pour fonder et diriger l'équivalent d'une paroisse dans ce quartier… Il faudrait acheter un terrain sous des noms privés, y établir une mission provisoire sous le titre de St. Martin du Sacré-Cœur, donner à l'établissement une circonscription convenable, avec l'agrément du curé et de la fabrique de Saint-Quentin, assigner au prêtre directeur le titre de vicaire de la Basilique, et faire le bien avec cette 75 organisation précaire, en attendant mieux. Un de vos prêtres les meilleurs et les plus capables ne serait pas trop bon pour cette œuvre. Je vous donnerais une large autorisation de quêter. La première chose à faire serait de vendre la propriété de M. Genty ; la seconde, d'acheter avec tous les fonds précédemment recueillis, un terrain bien placé et suffisamment vaste… Veuillez recommander ce projet à N.-S., y réfléchir et en parler à M. Mathieu…»

Le 22 février : «Je ne suis nullement opposé à votre extension ; désir seulement que vous vous teniez en garde contre la dispersion. Sans m'étendre sur le pour et le contre des projets de Toulouse et de l'Ecuador, je vous engage à prier ceux qui aspirent à votre union à faire le premier pas. Au bout d'un an, nous verrons».37)

Le 5 juillet : «J'ai appris avec plaisir que vous aviez accepté de parler, dimanche prochain, à nos visiteurs des Cercles catholiques.

J'aurai le regret de ne pas vous entendre, ayant promis une confirmation à Sainte Eugénie à 4 heures. Ce sera pour moi une sérieuse privation de vous voir si peu. Venez coucher le samedi à l'évêché. 76 Je prie Dieu que ce travail ne vous fatigue pas.»

Le 12 juillet : «Merci et félicitations du discours de dimanche.»

Je l'ai déjà noté, j'avais trente lettres d'évêques. Je ne reproduirai ici que celles de Nosseigneurs de Soissons, de Cambrai et de Ruremonde, dans les diocèses desquels nous avions des maisons.

- Lettre de Mgr l'évêque de Soissons du 23 juin 87 :

«Très Saint-Père, le prêtre Léon Dehon, de mon diocèse, qui, avec mon autorisation, a jeté les fondements d'une société de prêtres du Sacré-Cœur, me prier de solliciter de Votre Béatitude une lettre de satisfaction et d'encouragement, afin que, munis de cette paternelle bénédiction, ils puissent, lui et ses coassociés, travailler avec plus d'allégresse et de fruit à leur sanctification commune, ainsi qu'aux œuvres de zèle et de charité. - Je crois devoir, Très Saint-Père, accéder au désir de M. Dehon. - Lui-même est d'abord un prêtre des plus recommandables ; pieux, désintéressé, instruit, il met une grande énergie au service de tout ce qui paraît bien ; sa fortune, qui était très notable, est tout entière engagée dans son œuvre. - 77 Il règne parmi ses associés une piété vive, une humilité que je crois réelle et profonde. Tous les membres de cette association professent l'affection la plus filiale et un dévouement absolu au Siège apostolique. Je n'ai moi-même qu'à me louer de leur obéissance et de leur respect, depuis que, avec l'assentiment exprès du Siège apostolique, ils sont devenus une Société diocésaine. Ils dirigent dans la ville de Saint-Quentin, la plus populeuse de mon diocèse, un collège catholique, qui était bien nécessaire et qui fait le plus grand bien. Plusieurs d'entre eux se livrent à la prédication, surtout dans les campagnes, avec édification et succès. D'autres, ainsi que des aspirants de divers âges, s'appliquent à l'étude des lettres, des sciences humaines ou de la théologie, tout en menant la vie religieuse, pour se préparer à remplir dignement les missions qui leur seront confiées dans la suite.

Humblement prosterné, etc…»

Lettre de Mgr l'archevêque de Cambrai :38)

«Beatissime Pater, Profiteor Sanctitati Vestrae me habere in dioecesi mea, aliquot sacerdotes et clericos Societatis Sacri Cordis D.N.J.C. nuncupatos, quorum domus principalis in urbe S. Quintini existit. Horum 78 sacerdotum et clericorum vita exemplaris, zelus in exsequendis sacri ministerii functionibus, pietas et modestia scolasticorum, illos multum apud nos commendant. Unde mihi pergratum erit, si Sanctitas Vestra huic nascenti congregationi dignabitur laudativas litteras mittere, quibus praedictorum sacerdotum Societas apud multos ut digna videatur, faciliorem accessum habeat et ipsorum zelus magis inflammetur. Et Deus…»

Lettre de Mgr l'évêque de Ruremonde :39)

«Le soussigné se plaît à constater par ces présentes que le Prêtres du Sacré-Cœur, venus de Saint-Quentin et établis à Watersleyde près Sittard, se sont acquis ici l'estime générale par leur conduite religieuse, et qu'à son avis ils méritent, sous ce rapport, d'être recommandés, comme il les recommande en effet, en vue d'obtenir un Bref laudatif pour leur congrégation.»

Le décret nous arriva le 3 mars. Il nous apportait la joie avec les bénédictions divines. 79

DECRETUM

Vepres inter et spinas undique aevo nostro scatentes, in urbe S. Quintini Dioecesis Suessionensis anno millesimo octingentesimo septuagesimo septimo, veluti flos pulcher ac redolens germinavit pia presbyterorum societas a SS. Corde D.N.J.C. (Suessionensis) nuncupata, cujus scopus est ut illius alumni, terrenis affectibus abdicatis, Divino Cordi in omnibus obsequantur, et tum in seipsis, tum in proximis ignem illum accendere satagant, quem Dominus noster venit mittere in terram, et nihil aliud vult nisi ut accendatur.

Ad finem autem sibi propositum facilius assequendum directioni moderatoris generalis iidem subsunt, tria consueta vota simplicia, prius ad tempus, dein in perpetuum emittunt; ac vita exemplari et peculiari studio in erudienda spiritu intelligentiae ac pietatis juventute, necton in peragendis rite ecclesiasticis functionibus, sacrisque missionibus, aliisque ministerii operibus, quibus Parochis valido subsidio sunt, sedulam operam navant. Pia haec societas vix ac nata fuit, villico bonum odorem suum diffundere coepit, ita ut in praesens jam in quator Galliae Dioecesibus radices fixerit, et octo domus numeret cum octoginta septem sociis. Haec luculentissimis attestationibus confirmantur, tum Episcopi Suessionensis, tum aliorum ordinariorum in quorum Dioecesibus enuntiati Instituti domus exstant, qui omnes SS.mum D.N.Leonem P.P.XIII instanter exorant ut illud decreto laudis condecorare dignetur, pro certo habentes apostolicis benedictionibus irrigatum, uberiores fructus fore producturum. Quibus omnibus SS. D.N. relatis in audientia habita a me Cardinali praefecto S. Congregationis Episcoporum et Regularium die 16 februarii 1888, sanctitas sua, omnibus sedulo perpensis attentisque praefatis litteris commendatitiis antistitum locorum, enunciatae piae societatis Presbyterorum SS. Cordis D.N.J.C. scopum seu finem, summopere laudari et commendare degnata est, prout praesentis Decreti tenore, summopere laudatur et commendatur, salva ordinariorum jurisdictione, ad formam SS. Canonum et Apostolicarum Constitutionum, dilata ad opportunius tempus tam Instituti, quam Constitutionum approbatione, circa quas interim nonnullas animadversiones communicari mandavit.

Datum Romae, ex Secretaria memoratae S. Congregationis Episcoporum et Regularium die 25 februarii 1888.

J. Card. Masotti, praefectus40)

Fr. Aloysius Episc. Callinic, Secret. 80

Je reçus de partout des lettres de félicitations et d'encouragements, j'en reproduis trios.

Le 22 mars. Billet du Card. Langénieux :

«Le cardinal archevêque de Reims se réjouit avec le vénéré et cher Fondateur de la grâce précieuse qui est accordée à son Œuvre par le Saint-Siège. Toutes les autres faveurs viendront dans leur temps, et celle-ci est la récompense de l'entière soumission à la volonté de Dieu dans une épreuve douloureuse saintement supportée : in cruce salus. Suivez fidèlement cette voie et l'œuvre grandira en s'affermissant par l'obéissance et le sacrifice. - En échange de son dévouement paternel, dont il sera toujours prêt à donner des témoignages, le Cardinal demande une prière et il bénit de tout cœur tous les membres de la famille.»

Le 9 mars, lettre de Mgr l'archevêque de Cambrai :

«Je vous félicite vivement du Bref laudatif que vous avez obtenu de Rome pour votre chère congrégation. Cette pièce importante est conçue en termes de nature à vous causer une grande joie, et à accroître l'estime de ceux qui vous connaissent et vous voient à l'œuvre. Après de tels encouragements, il vous est bien permis de croire que Dieu bénira de plus une entreprise dont le Vicaire de J.-C. se plaît à reconnaître les heureux résultats et les 81 fruits déjà abondants. Agréez…»

Le 10 mars, lettre de Mgr Gay :

«Cher monsieur l'abbé, c'est avec une vraie joie que j'ai reçu hier la nouvelle de votre premier succès à Rome et lu le précieux Bref qui loue votre Institut. Cette grâce depuis longtemps attendue et laborieusement acquise, est le fondement solide qui va porter, j'en ai la confiance, un haut et vaste et saint édifice. Je vous remercie d'avoir compris que je partagerais votre bonheur et unirais de tout cœur mes actions de grâces aux vôtres… Comptez-moi toujours parmi vos amis tout dévoués en N.-S.»

Mgr de Soissons jugea bon que j'allasse remercier le Saint-Père. J'y allai en septembre, après notre retraite. Le P. Augustin41) m'accompagna dans ce voyage avec Jean Lecot et Achille Blanchart. Nous visitâmes quelques villes d'Italie. Mais le fait capital de ce voyage est mon audience du Saint-Père. J'en reproduis ici le récit parce qu'elle précise bien notre mission.

C'était le 6 septembre à 11 heures. Le Saint-Père m'accueillit avec une 82 extrême bonté. Je me tins à ses pieds un quart d'heure. Voici la substance de ses paroles : «J'ai lu le décret que je vous ai donné. Je sais que vous faites du bien, que vous avez déjà huit maisons dans quatre diocèses et quatre vingt religieux. Votre but est bien beau, la réparation est bien nécessaire. La pauvre France ! Elle est sous le joug des sectes. Prêchez mes encycliques, elles combattent les erreurs contemporaines. Il faut prier aussi pour les prêtres. Il y en a qui deviennent sacrilèges et il y en a aussi qui n'ont pas la ferveur de leur saint état. Quelles sont vos ressources ? (Je dis au Saint-Père que le collège et les résidences vivaient du fruit de leur travail, et les écoles apostoliques des secours de la Providence.) C'est bien, ajouta-t-il, mais pour les maisons d'adoration, il vous faudrait des fondations. (Je parlai au Saint-Père de nos projets pour l'Equateur et lui demandai de les bénir, il répondit :) Oui, c'est bien, je connais Mgr Ordonez;42) je connais aussi Mgr Thibaudier, évêque de Soissons, je l'ai vu plusieurs fois et toujours avec un grand intérêt, parce qu'il est très digne. (Je lui parlai alors de nos Sœurs et du concours qu'elles nous prêtaient, il me dit :) 83 C'est bien, de cette manière vous pouvez faire beaucoup de bien, et j'ai la confiance que votre œuvre se développera.»

- Ainsi donc, prêcher les Encycliques du Pape et ses directions, prier pour les prêtres, les aider, se dévouer au Saint-Siège et au sacerdoce, faire l'adoration réparatrice, aller aux missions lointaines, telle est la mission qui nous est assignée par le Pape.

Pour les années qui suivent, voir les cahiers de Notes Quotidiennes.

Si je résumais les années suivantes, je pourrais mettre pour titres chaque année :

I. La Congrégation : recrutement, fondations.

II. Travaux de bureau : la revue, livres, brochures.

III. Travaux d'apostolat : retraites données, conférences, congrès.

IV. Notes spirituelles : retraites, lectures, lumières d'oraison.

V. Epreuves.

VI. Dieu contemplé dans la nature et dans l'art chrétien : voyages, pèlerinages. 84

Table des matières

Année scolaire : 1884 – 1885

L'année, St Jean

Lille

Lettres de Mgr

Une bénédiction de Rome Mon carême Encouragement de Mgr

Quelques vocations

Evénements contemporains

Les prix

Normandie et Bretagne

Ma retraite

Année scolaire : 1885 – 1886

L'année

Œuvres

Lettres de Mgr

Vacances

Retraite et Chapitre

Année scolaire : 1886 – 1887

L'année

Quelques faits extérieurs

Voyage de Pâques

Préparation de fondations

Préparation du Bref laudatif

Le Saint-Office

Lettres de Mgr

Vacances

Fondations

Retraite

Athis

Année scolaire : 1887 – 1888

L'année

Dernières lettres de Mgr Thibaudier

Préparation de l'approbation

Bref laudatif

Félicitations

Le Pape


1)
P. Simon Pitholat, dans le monde Célestin, né à Salles le 5/9/1830, entra dans la Congrégation le 6/4/1885, fit profession le 7/1/1887. Il resta plusieurs années à l’Institut. Il fut un bon prédicateur. Il quitta l’institut après 1898 (cf. Registre de vœux du P. Dehon, p. 10).
2)
«M. Dehon, le mercredi et le vendredi, parlera des vérités fondamentales de notre sainte religion au point de vue de l’instruction chrétienne» (cf. SRSL (1885) p.135).
3)
D’amples comptes-rendus de ces discours furent publiés dans la Semaine Religieuse de Soissons et Laon en 1885. Les discours de l’archiprêtre Mathieu au contraire sont à peine effleurés. Le rév. Mathieu s’oppose à la proposition de divers laïques, d’imprimer les discours du Carême 1885. «M. Mathieu ne fut pas d’avis d’imprimer. C’eut été un peu disgracieux pour lui, qui avait prêché les dimanches et qui serait laissé dans l’ombre…» (NHV XV, 15).
4)
Laurençot Joseph né en 1824, entra dans la Compagnie de Jésus vers 1850. Après 1868, nous le trouvons à Rome comme secrétaire de l’Assistant de France auprès du Général des Jésuites. Il quitta Rome en 1884 pour Cannes, Lyon, Avignon, Besançon et finalement Paray-le-Monial, où il mourut le 29/8/1899.
5)
Dans cette lettre M. Galley ne sait encore rien du décret de reconstitution de la congrégation du 29/3/1884. De par la lettre suivante, du 19 mai 1884, il résulte qu’il est au courant du décret de mars et malgré la prescription limitative que la congrégation de p. Dehon doit rester diocésain (cause de diverses défections). M. Galley ne se décourage pas et veut également y entrer, comme en effet il le fit le 14 août 1884 (cf. Registre des vœux du p. Dehon, p. 9).
6)
P. Lamour François-Xavier fut supérieur et maître des novices à Watersley-Sittard de 1883 à 1886.
7)
P. Charcosset Barnabé, dans le monde Charles. Né le 20/7/1848 à Chissey-les-Macon (Saône-et-Loire), ordonné prêtre le 12/7/1874 à Autun, il entra dans la Congrégation le 25/12/1884. Il fit sa première profession le 26 /12/1885. Il fut, pour de nombreuses années, aumônier dans les usines de Val-des-Bois. Conseiller Général (1886-1888 ; 1893-1896 et 1902-1912), il mourut à Nice le 29 décembre 1912.
8)
P. Jeanroy Vincent, dans le monde Edmond, né à Maugiennes (Meuse) le 1/9/1851, fut ordonné prêtre à Verdun le 18/9/1875. Il entra dans la Congrégation le 6/4/1885, fit sa première profession le 17/9/1886. Supérieur de la maison de Bruxelles de 1896 à 1902, il fut pou de longues années (1897-1922) procureur de missions à Bruxelles. Il mourut le 1/2/1925 à Bruxelles. P. Prévot, au siècles Léon, naquit au Teil d’Ardèche le 9/11/1840, fut ordonné prêtre à Aix le 10/6/1865, il entra dans la Congrégation le 21/5/1885 et fit sa première profession le 22/9/1885. Il remplit des charges de grande responsabilité dans la Congrégations, mais surtout il fut un Saint Maître des novices de 1886 à 1909. Il mourut à Brugelette (Belgique) le 26/11/1913. Sa cause de béatification est introduite à Rome.
9)
C’est l’encyclique «Humanum Genus».
10)
C’est l’encyclique «Superiore Anno».
11)
Les élections législatives eurent lieu du 14 au 18 octobre 1885.
12)
Le «Conservateur de l’Aisne» cessa sa parution le 15 mars 1885, après 11 ans d’existence (SRSL (1885) p. 157).
13)
P. Augustin-Marie Herr, dans le siècle Léon, frère du P. Jacques-Marie Herr (cf. note 1, XIV, 6), naquit à Saint-Quentin le 15/5/1855. Il entra chez les Oblats le 7/1/1881, fit sa première profession le 23/10/1882 et fut ordonné prêtre le 20/12/1884. En 1888 il fut premier curé du faubourg Saint-Martin (à Saint-Quentin) avec la charge de recueillir de fonds pour construire l’Eglise. Celle-ci fut ouverte partiellement en 1896. Suite à des difficultés financières pour la construction de l’église, il donna sa démission. Il fut aussi de 1888 à 1896 Conseiller Général. Il sortit de la Congrégation et se fit prêtre séculier en 1897 ou 1898. Il mourut le 23/8/1904 (cf. Registre des vœux du P. Dehon, p. 2 : Lugdunensia, n. 42, p. 56-58).
14)
Léopold II devenait le souverain de l’Etat indépendant du Congo. L’union avec la Belgique était purement personnelle. En avril 1885, le Parlement belge autorise le roi à devenir chef du nouvel Etat.
15)
À la demande de Pitt et du comte d’Artois, le secrétaire à la Guerre Anglais Windham, décida de débarquer à Quiberon trois régiments d’émigrés (27.6.1795). Hoche, qui avait pris Auray, les fit bloquer par le général Humbert. Ils s’enfermèrent dans le fort de Penthièvre, puis capitulèrent, car Humbert leur promis la vie sauve (22.7.1795). Hoche, obéissant aux ordres de la Convention, appliqua la loi contre les émigrés : 748 furent fusillés près d’Auray.
16)
Les «Notes quotidiennes»ou «Journal» de P. Dehon sont recueillies en 45 cahiers. Ils embrassent deux périodes : la première va de décembre 1867 à février 1870 (deux premiers cahiers) la seconde va du 28 janvier 1886 (cf. NQ III, 1) à juillet 1925 (du troisième au 45ième cahier).
17)
Boulanger Jacob, dans le monde Joseph, est né à Oisy (Aisne) en mars 1832. Il entra dans la Congrégations le 1/7/1883. Il sortit en juin 1885 et décéda à Oisy le 4/7/1886, dans sa 54ième année. La Semaine Religieuse de Soissons et Laon écrit : «sa mort fut ce qu’a été constamment sa vie ; celle d’un saint, dans toute l’acceptation du mot… Père d’une nombreuse famille, il eut l’honneur… de donner à Dieu… ses deux fils aînés, tous deux prêtres de la Société diocésaine du Sacré-Cœur et professeurs à l’Institution Saint-Jean. (cf. SRSL (1886) p. 458-459 ; Registre des vœux du P. Dehon, p. 8). Les deux fils de J. Boulanger sont P. Patrice et P. Rémy, entrés chez les Oblats en 1881 et sortis le 1/8/1888 (Registre des vœux du p. Dehon, p. 3-5). Le P. Dehon écrit dans ses Notes Quotidiennes : «Pendant ce temps-là les apostats qui ont brisé leur vocation font bien du bruit en ville et donnent du scandale» (NQ IV, 56 v° : 16-24 août 1888). «Les frères Boulanger à Paris sont frappés de toutes manières» (NQ VI, 15 r° : 28 septembre 1892). Cependant la Semaine Religieuse, en 1896, écrit : «L’abbé Paul Boulanger (p. Remy), ancien professeur à l’Institution Saint-Jean est nommé curé de Billy sur Ourcq (SRSL (1896) p. 452).
18)
Montredon Pothin, dans le monde Elysée, né à Vernon (Ardèche) le 8/6/1863, entra chez les Oblats le 23/12/1881. Il émit ses premiers vœux le 1er/ 9/1884. Sorti en novembre 1884, il mourut le 2/7/1886 (cf. Registre des vœux du P. Dehon, p. 5). Dans les «Notes Quotidiennes» le P. Dehon écrit : «Nous apprenons que notre f. Pothin (Montredon) est mort à Sittard le jour de la fête du Sacré-Cœur. (2/7/1886) (NQ III, 34).
19)
De la correspondance entre Mgr Thibaudier et P. Dehon, évaluée en bloc, résulte clairement leur tempérament. P. Dehon offre continuellement des propositions et des initiatives ; Mgr Thibaudier ne désapprouve pas, prends son temps. P. Dehon appuie sur l’accélérateur, Mgr Thibaudier, au contraire, manœuvre invariablement le frein. ( ?
20)
Mère Thérèse de Jésus (Xavérine de Maistre) naquit le 17/4/1838. Son père, le comte Rodolphe, était fils de l’illustre Joseph de Maistre. Elle entra le 15/5/1862 au Monastère de l’Incarnation ou Carmel de Poitiers, dans lequel était supérieur ecclésiastique M. Charles Gay, appelé à devenir par la suite, évêque auxiliaire de Mgr Louis Pie. En 1869 Sœur Thérèse de Jésus est élue prieure de son monastère et meurt deux années après, le 6/10/1871. Elle eut une grande dévotion au sacerdoce du Christ, à sa passion, et vécut une spiritualité typiquement réparatrice sacerdotale. Sa vie fut écrite par le rév. P. Housaye, chapelain de la Madeleine de Paris ; elle fut complétée et éditée par Mgr Charles Gay.
21)
«Immortale Dei» c’est l’Encyclique du Pape Léon XIII, publié le 19 nov. 1885.
22)
C’est la croisade de prières et d’œuvres réparatrices de Mgr Charles Gay et du P. Dehon (cf. NHV XIV, 161-165).
23)
Il s’agit de P. Jacques Marie Herr et de Claude Lobbé.
24)
Cf. note 2, XIII, p. 185.
25)
Nous savons que Henri Dehon fut Conseiller général de l’Aisne et maire de La Capelle.
26)
Cf. NQ III, 36-37.
27)
La page 54 dans le manuscrit du P. Dehon est restée en blanc.
28)
Cf. NQ III, 81-120 ; IV, 1r°-11v°.
29)
Cf. NHV XIV, 20-21.
30)
«Je reçois une lettre bien dure de mon frère au sujet de la propriété de Wignehies que j’ai vendue. J’offre cette humiliation pour le règne du Sacré-Coeur» (NQ III, 108).
31)
Selon les Notes Quotidiennes la conférence est donnée le 17 février (cf. NQ III, 90).
32)
Drumont Edouard – Adolphe, né à Paris en 1844, élève de l’université, s’engagea dans le journalisme. Incroyant, il se convertit encore jeune, sous l’influence d’Henri Lasserre. Vivant hors des milieux religieux, il assistait à la campagne antireligieuse très vive qui se menait aux débuts de la troisième République. Ses méditations et ses recherches l’amenèrent à publier, en 1886, la France Juive, «essai d’histoire contemporaine», dont le retentissement fut énorme. Il s’en vendit aussitôt 200.000 exemplaires. Drumont, par un considérable enchaînement de faits plutôt que par exposé doctrinal essayait de montrer l’influence secrète et dissolvante des Juifs dans les événements historiques. Il leur attribuait notamment une part prépondérante dans l’anticléricalisme contemporain. Drumont mourut en 1917.
33)
Cf. NQ III, 111.
34)
C’est l’abbé Sadot, mort en 1893 (Cf. NQ III, 114). «M. Sadot était apôtre aussi modeste que zélé. Il est l’auteur d’écrits de propagande qui ont eu un grand succès : Le renouvellement dans la vie chrétienne (30.000 exemplaires vendus) ; Le prêtre et la situation actuelle de l’église ; La vie d’immolation réparatrice ; Le Pasteur selon le Cœur de Jésus ( brochures vendues au nombres de 30.000 – 50.000 exemplaires ). Mais s’il était apôtre par sa plume, il était bien plus encore par sa vie de sacrifice et d’immolation. Il fut arrêté au seuil du sacerdoce par une maladie étrange qui le tint presque continuellement durant vingt-cinq ans cloué sur son fauteuil. (cf. Le règne du Cœur de Jésus, 1893, p. 521-522).
35)
(Septembre) 27-29. «Je prêche à Athis la retraite des instituteurs adjoints aux Frères des Ecoles Chrétiennes. Ma santé m’y donne de grandes craintes. J’y crache le sang. Cependant j’achève ma tâche. Les jeunes font bien les exercices. Le frère Exupérien, assistant général et le frère directeur des exercices m’édifient par leur pitié et leur esprit d’immolation» (NQ III, 116).
36)
St. Benoît d’Aniane (v. 750-821) restaurateur de la discipline monastique dans l’Empire Carolingien. Louis le Pieux le chargea de visiter et de réformer tous les monastères de l’Empire. Benoît reprit la règle bénédictine, mais en insistant sur deux points : séparation complète du monde, uniformité des costumes. Son œuvre resta inachevée et périclita vite.
37)
«Le pour et le contre des projets de Toulouse…». Bernard Blancal, né à Villemur (Haute Garonne) le 20.11.1826, était entré chez les Prêtres du Sacré-Cœur de Toulouse et avait intenté un procès à Rome, contre son général, P. Caussette. Il n’avait pas gagné, causant la scission de son Institut. Les dissidents avaient demandé de s’unirent à la Congrégation de P. Dehon. Mais P. Dehon avait opposé, heureusement, un refus. Toutefois p. Blancal avait été reçu le 12.5.1888, au bon âge de 62 ans (cf. NQ IV, 40r°). Il prit le nom de P. Germain, fit sa profession le 28.8.1889 et fut conseiller général de 1893 à 1902. Il dirige l’opposition contre p. Dehon, spécialement dans le Chapitre Général de 1896 et tente, sans succès, de porter l’Institut à la scission (cf. H. Dorresteijn, p. 687-704). Quant à Don Matovelle et à la mission de l’Ecuador (cf. H. Dorresteijn, p. 165-166. 652-655).
38)
C’est Monseigneur Hasley, archevêque de Cambrai du 27.3.1885 au 7.8.1888.
39)
C’est Mgr Fr. –A.-M. Boermans.
40)
Card. Masotti, non Mazotti.
41)
Le père Augustin Herr, cf. note 3. XV, 26.
42)
Archevêque de Quito (Ecuador).
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