3ème CAHIER (28.1.1886 – 11.11.1887)

1 Il est bon et avantageux de sentir l'action de la grâce. Mais la grâce sensible peut nous manquer par un dessein divin, et puis .il peut y avoir illusion. Il faut donc ne pas se guider uniquement sur les impressions que nous attribuons à la grâce, mais les contrôler par la recherche du de­voir et de la volonté divine.

L'égalité dans le saint amour: St. François de Sales estimait que c'était une disposition capitale et qu'il faudrait se la rappeler toujours, en l'in­scrivant au besoin sur les murs de ses appartements. Puissé-je garder cette docilité à la grâce; condition de la victoire sur les passions.

Se bien établir en Notre-Seigneur, dans sa volonté, son bon plaisir… C'est surtout dans les occasions habituelles de chutes, qu'il faut faire ap­pel à toute sa volonté et appliquer les résolutions prises.

Le Cœur de Jésus manifeste partout le même désir 2: Les âmes mys­tiques de notre temps entendent le même appel: Tout pour le Cœur de. Jésus par le Cœur de Marie. - «Il semble que la Vierge-prêtre veut se former un nouveau cortège en s'entourant d'une génération d'âmes choisies parmi les «Vierges qu'elle amène au roi», et comme elle a en­fanté et formé en St. Jean le prêtre, ces âmes auront pour but dans leurs immolations de former les prêtres à la sainteté et à la perfection du sacer­doce» (La Mère Marie de Jésus. Messager du Sacré-Cœur)¹⁾.

Messe aux Petites Soeurs des Pauvres²⁾. - Quelle belle fondation! C'est une œuvre bénie. Cœur Sacré de Jésus, bénissez aussi votre petite œuvre des Prêtres du Sacré-Cœur. Faites de nous vos humbles et vrais serviteurs. C'est dans vos prêtres surtout que nous voulons vous servir, en priant pour eux, en les aidant de toutes manières.

Messe au Couvent³⁾. Jour de rénovation et de confiance. Les prières et les immolations de ces pieuses âmes nous aideront.

Sainte messe au petit oratoire de Lille. Je rends grâce à N.-S. de m'avoir donné là de vrais amis de son Cœur et de notre œuvre, M. Di­diot et M. le Curé de St-Martin 3. Puissions-nous ne rien gâter là à l'œuvre du Sacré-Cœur!⁴⁾.

Sittard⁵⁾. ter vendredi. Touchante cérémonie, trois vêtures. Résolu­tion d'un novice: Gaudere semper in Corde Jesu, ut gaudeat semper in me Cor Jesu. Comme N.-S. pardonnerait vite le passé, si nous étions un peu généreux, mortifiés et confiants!

Veiller: la mauvaise nature ne meurt pas, les inclinations demeurent. Fortifier la volonté, éviter les occasions, agir promptement dans la tenta­tion…

Pax! Pax! Garder la paix intérieure, faire toutes choses doucement, paisiblement, sans contention, sans passion. Se tenir uni à Dieu.

Bien garder les délicatesses de l'éducation. Elles gagnent la confiance, l'estime… dignité, réserve, même sans témoins, dans la cellule.

Retraite du mois. Garder les dons acquis. Ne pas retourner en arrière. S'appuyer sur la volonté de Dieu pour agir. S'abandonner à son bon plaisir pour la souffrance.

Abandon: c'est le fruit de la foi et de la confiance en Dieu. Rien n'ho­nore plus Notre-Seigneur et n'est plus propre à l'honorer et à le conten­ter. Abandon spécial pour 4 l'œuvre fondée. Le Sacré-Cœur a permis les épreuves, il en fera sortir quand il lui plaira.

Confiance en Celui qui est infiniment bon, puissant et fidèle en ses promesses. N'a-t-il pas dit: Demandez et vous recevrez (Jo 16,24). Ve­nez à moi et je vous soulagerai (Mt 11,28). Allez à Joseph (Gn 41,55).

Prière: quidquid petieritis… (cf. Jo 16,23) omnia quaecumque… (Mt 21,22). je vous demande, Seigneur, le réveil de l'œuvre, l'union avec les âmes qui s'unissent aux prières et aux sacrifices de Marie en faveur des apôtres. Vivat Cor Jesu per Cor Mariae⁶⁾.

Mundet nos munus oblatum et a cunctis nos reddet perversitatibus expiatos et ad­versitatibus expeditos (Oratio ad poscenda suffragia Sanctorum-Post­communio). Combien il y a à purifier et à expier pour rendre à l'œuvre sa vitalité et sa force! Mais pourquoi n'aurions-nous pas confiance? Les lépreux se présentaient à Jésus et ils étaient guéris. La gloire du Sacré-Cœur sera plus grande parce qu'on verra mieux qu'il a tout fait.

Faire la volonté de Notre-Seigneur doit être tout mon trésor. C'est la règle de la sainteté. Rien ne contente plus 5. Notre-Seigneur et ne le console mieux.

Misericordia Cordis Jesu quia non sumus consumpti (cf. Lm 3,22). De com­bien de grâces nous avons abusé depuis huit ans! Nous aurions dû être détruits mille fois. Comment pourrons-nous expier et réparer tant de fautes, tant d'erreurs, tant de faiblesses…

Prêtre du S.-Cœur - prêtre victime, vrai prêtre, c'est tout un. C'est cela qu'il faut être. C'est la grâce qu'il faut que j'obtienne pour tout mon monde. J'ai des sources où puiser. Marie, reine des apôtres, est là. Auprès d'elle est un groupe de vierges qui ont vécu pour le même but: Ste Gertrude, Marguerite-Marie, la Mère de Rémusat (Rémusat), Mme Barat, Jeanne de Matel, Marie du Bourg, les supérieures de La­vaur, de Marseille, de Villeneuve, nos Soeurs victimes… Vivat Cor Jesu per C.M. (Cor Mariae)⁷⁾.

Chère solitude, tu es ma force et ma vie. Je t'ai trop négligée. Je te veux rendre ma préférence: Dei vacationem omnibus exterioribus antepone. Je veux te réserver tout ce que les devoirs d'état me laissent de temps 6. Pete secretum tibi. Ama solus habitare tecum. Ad Deum devotam effunde precem ut compunctam teneas menteur et puram conscientiam (Imit).

Noli negligere gratiam quae est in te (1 Tm 4,14). Ne rien négliger des dons de Dieu. Etre toujours prêtre, garder son rang, sa dignité, être fidèle à sa mission. Etre un instrument docile dans la main de Dieu, pour lui don­ner la gloire qu'il attend et faire le bien qu'il demande. Pardon, Sei­gneur pour tous mes oublis.

Seigneur, affermissez ma volonté, elle chancelle souvent. Et le man­que de volonté n'est-il pas une des grandes lacunes des âmes contempo­raines? Donnez-moi la grâce de former des âmes énergiquement trem­pées. Je sens fortement aujourd'hui ma responsabilité. De moi dépendra en partie la valeur de toute une génération de la classe influente de cette région… Ab alienis parce servo tuo (Ps 18,14).

Notre-Seigneur cherche des âmes qui s'abandonnent à lui, se donnent à lui pleinement pour vivre de sa vie, de sa grâce, de ses lumières, de sa volonté.

Dixi: nunc coepi (Ps 76,11). Les jours de tiédeur ne 7 doivent pas nous décourager. Qu'ils soient maudits ces jours qui attristent le Cœur de Jésus! Quelle folie d'hésiter encore dans le sacrifice et de se rattacher à ce dont on a reconnu mille fois la vanité.

Non mea voluntas, sed tua fiat (Lc 22, 42). - Fête de la Prière de Notre­Seigneur à Gethsémani. Seigneur, je vous demande pour grâce de cette fête la docilité à votre volonté. Je veux me donner à vous pleinement, de­venir un instrument dans vos mains. - Diriget mansuetos in judicio. Docebit mites nias suas (Ps 24,9).

Dieu le veut! Ma foi dans notre chère œuvre s'affermit tous les jours. Seigneur, vous m'avez uni à votre croix pour cette œuvre. J'ai porté la croix sans générosité, comme le pauvre Cyréneen. Fécondez néanmoins mes humbles immolations par les vôtres, par celles de Marie et de toutes les âmes dont vous avez fait des victimes pour cette œuvre. Vous avez immolé mon corps par des souffrances 8 multiples et des périls de mort, mon esprit par des sollicitudes, des tentations, des doutes, des craintes, des contradictions tombées du plus sublime des tribunaux, mon cœur par des séparations suprêmes, la perte des miens, l'abandon, les mépris, les divisions, l'isolement, le délaissement de tous ceux qui étaient mes pères et protecteurs. Vous ne m'avez pas épargné les angois­ses poignantes de la pauvreté depuis huit années déjà. Merci! Merci! Be­nissez ces souffrances si imparfaitement supportées. Bénissez l'œuvre au profit de laquelle vous me les avez envoyées.

Sursum corda! Seigneur, tenez mon cœur élevé au-dessus des misères de la vie quotidienne. Que ma pensée, ma volonté, mon cœur soient à l'œuvre. Je voudrais être un homme de désirs, prier et soupirer sans ces­se pour le prompt accomplissement de l'œuvre divine qui m'est confiée.

J'ai proposé à mes religieux un pieux défi pour une semaine, c'est le regard habituel de l'âme 9 vers le Cœur de Jésus vivant au Taber­nacle⁸⁾.

Notre-Seigneur m'a donné bien des grâces dans ce mois. Il veut mon union constante avec lui. Il demande beaucoup de moi parce qu'il veut me donner beaucoup. Il demande surtout de moi la pureté du cœur, le détachement de toute affection naturelle et l'esprit d'hostie. Malgré tou­tes ces lumières et toutes ces grâces, j'ai été encore bien infidèle ce mois­ci, deux ou trois jours surtout. O Marie, aidez-moi!

Je me reporte au jugement du Saint-Office⁹⁾. Il nous suppose fondés sur des révélations. Ce n'est pas exact. Nous existions une année avant. Notre-Seigneur a permis cela, fiat! C'est une immolation qui comptera pour l'œuvre. Elle a failli y sombrer. Il n'en fallait pas tant pour décou­rager des débutants. Si l'œuvre n'avait pas été divine, elle eût péri sans retour. - Nous avons senti que nous avions une base plus solide, une pensée de foi et un attrait de la grâce 10, contrôlée par nos directeurs et par les plus sages conseillers.

Je commence à écrire des notes sur l'histoire de ma vie, pour m'exci­ter à la reconnaissance envers Notre-Seigneur et au repentir de mes fau­tes. J'en espère un grand bien et comme un renouvellement¹⁰⁾.

Le saint abandon: n'est-ce pas le propre d'une victime de se mettre to­talement, sans réserve ou souci pour l'avenir à la disposition de celui à qui elle est offerte? Oui, c'est bien là l'ecce venio (Ps 39,8 et Heb 10,7 et 9), le voeu d'abandon que Notre-Seigneur fit faire à ses victimes privilé­giées, Marguerite-Marie, la Mère Ste Thérèse de Jésus¹¹⁾ etc. Donnez-­moi cet esprit, ô divin Cœur de Jésus.

Défi de la semaine: voeux incessants pour la sanctification du clergé; offrande pour les prêtres du trésor des mérites des saints Cœurs de Jésus et de Marie.

Mgr annonce en son mandement qu'on peut s'adresser aux mission­naires de St-Quentin pour le jubilé. C'est une reconnaissance publique, j'en rends grâces à Notre-Seigneur¹²⁾ 11.

En ces jours de folies mondaines, les prêtres ont-ils pour Notre­-Seigneur toute la compassion qu'ils doivent avoir? Lui font-ils bien amende honorable? Donnez-moi, Seigneur, et à tous mes prêtres ces sentiments que vous attendez de nous.

L'union dans l'œuvre dépend beaucoup de moi. Je dois gagner tous mes frères par la charité, en m'intéressant à tous leurs besoins, au spiri­tuel et au temporel.

Je relis la vie de la Mère Steiner¹³⁾. Elle m'affermit dans notre voca­tion. C'est bien le même esprit. Notre-Seigneur lui parle de la tristesse de son Cœur. Il lui donne son Cœur pour qu'elle l'offre à Dieu comme rançon, spécialement pour les âmes consacrées. «Que l'on remédie aux besoins spirituels du clergé, lui dit-il, et beaucoup de fruits se produiront dans mon peuple…».

Je reçois de Moulins des feuilles de propagande pour l'association de pénitence en union avec le Sacré-Cœur de Jésus. Ce sont toujours les mêmes vues. La feuille sur le clergé est tirée de la 12 circulaire que Mgr Gay a écrite avec nous. C'est un nouvel encouragement pour nous¹⁴⁾.

Mgr a lu la vie de la Soeur Thérèse de Jésus et la notice sur la Soeur Marie de Jésus de Marseille, il goûte l'œuvre sacerdotale et nous encou­rage à nous y dévouer avec zèle, modestie et prudence. Deo gratias!¹⁵⁾.

C'est l'anniversaire de ma naissance. je voudrais me renouveler et ac­complir le vrai Consummatum est (Jo 19,30) de ma donation à Notre­Seigneur. Deus adjuva me (Ps 69,6).

M. Vincent¹⁶⁾) me demande, au nom de Mgr, deux prédicateurs pour le jubilé. Nous avons déjà les stations de Bohain et de Saint-Gobain. C'est un moment important de notre fondation. Que le Cœur de Jésus nous aide par Marie.

Le P. François¹⁷⁾ trouve dans la vie de la B. Baptista Varani¹⁸⁾ (2 juin) des lumières sur notre vocation. Notre-Seigneur a révélé à la Bse les douleurs de son Cœur. Que de lumières surnaturelles Notre-Seigneur a prodiguées sur l'œuvre réparatrice et sur l'œuvre sacerdotale!

Pour tendre à la perfection, il faut éviter toute faute vénielle délibérée. C'est à ce prix qu'on reçoit les lumières vives de la foi et la ferveur sensible 13.

Une seule attache naturelle tient l'âme dans la tiédeur et empêche les grâces de choix. La tiédeur chez nous est un obstacle au développement de l'œuvre.

St. Joseph nous est un parfait modèle d'abandon, de docilité à la grâ­ce. Il est fidèle, aimant, pur. Il donne ses soins à Jésus, il compatit à ses tristesses et le console par son amour.

Il n'y a de paix que dans la fidélité. Je relis des lettres de mes novices de Sittard de 1884. C'est bien l'esprit de Dieu. Quelle foi vive! Puis-je m'étonner de voir tout mon monde faiblir depuis l'épreuve, quand moi­même j'ai été si faible après tant de grâces reçues?

«Si nous sommes dans un abîme de faiblesse, où nous tombons à tout moment, allons nous abîmer dans la force du Sacré-Cœur, qui nous for­tifiera et nous délivrera. - Si nous sommes dans un abîme de misères, allons nous abîmer dans ce Cœur adorable qui est tout rempli de miséri­corde».

«Le divin amour qui repose sur nos autels 14 ne nous prêche que l'amour, ne nous veut remplir que d'amour, afin que nous puissions lui rendre tout celui qu'il attend de nous…». - Que notre vocation est bel­le! Mais que nous sommes loin d'y répondre! Qu'y a-t-il de plus beau que de donner à Notre-Seigneur de vrais prêtres du Sacré-Cœur?

Quel trésor on pourrait tirer du P. Nilles pour faire la théologie dog­matique, mystique, ascétique du Cœur de Jésus!¹⁹⁾.

C'est l'anniversaire de mon baptême et le jour du baptême de mon petit neveu Henri. L'oraison de la férie exprime bien ma prière: Deus in­nocentiae restitutor et amator, dirige ad te tuorum corda servorum; ut spiritus tui fer­vore concepto, et in fide inveniantur stabiles, et in opere efficaces (Feria IV post II dominica Quadragesimae).

Ecce venio! (Ps 39,8 et Heb 10,7 e 9). Je me sens pressé de me donner, de me livrer tout entier à Notre-Seigneur. Vivat, vivat in Corde nostro Cor Jesu!

Nous faisons le jeûne du jubilé 15. Puissé-je me renouveler et obtenir tout le pardon du passé! Rendez-nous, Seigneur, tous nos biens spiri­tuels!

L'Eglise a ses racines dans le Cœur de Marie, des saintes femmes et de Saint Jean, priant, pleurant et souffrant à la mort de Jésus. Les âmes victimes avec Jésus doivent renouveler ce mystère pour la réparation.

Que Notre-Seigneur a de peine à nous maintenir dans cet esprit! Le démon et la nature se sont coalisés contre lui. - Un homme ²⁰⁾), surtout a été l'instrument du démon pour nous éloigner de la vraie réparation par la croix. - Notre-Seigneur nous pardonnera par l'intercession de Marie.

Jam hiems transiit! (Cn 2,11). Puisse-t-il en être ainsi pour l'œuvre! et je l'espère fermement. Le printemps et la fécondité reviendront par le sacrifice, l'immolation de tout instant.

Nisi granum frumenti… (cf. jo 12,24). Puisse -je comprendre de mieux en mieux cette nécessité de mourir pour produire la vie! L'immolation est la 16 source féconde qui peut vivifier l'œuvre…

C'est la clôture du mois de Saint Joseph. Qu'il daigne nous faire revi­vre, nous former selon son exemple à l'amour du Sacré-Cœur et à la ré­paration! Qu'il nous obtienne le pardon de tout le passé, l'amour de la croix, du sacrifice.

L'œuvre de Montmartre²¹⁾ propage l'union du clergé dans la prière et la pénitence réparatrice au Sacré-Cœur. La feuille de propagande est sortie de chez nous par Mgr Gay.

Le Sacré-Cœur peut tout nous pardonner et il le veut faire: «si le pé­cheur se repent, dit le Seigneur, je ne me souviendrai plus de ses pé­chés» (Ez, XVIII.22).

Laetare sterilis quae non paris… (Gal 4,27) gaudete cum laetitia qui in tristitia fuistis… Jour de confiance, j'entre dans les sentiments d'attente confian­te de l'Eglise. J'espère des bénédictions fécondes pour l'œuvre.

Tout le passé me pèse aujourd'hui. Je suis écrasé par le poids de mes iniquités et de mes 17 faiblesses. Je ne veux cependant pas me décou­rager. Je veux tout racheter et tout purifier par les plaies de mon Sau­veur.

Les premières années de mon sacerdoce se présentent vivement à mon souvenir. Redde mihi laetitiam salutaris tut.. (Ps 50,14) Renovamini spiritu mentis vestrae (Eph 4,23).

Mgr agrée la pensée des voeux perpétuels à émettre en septembre. Ce serait une grande grâce pour l'œuvre. Prions comme il le demande²²⁾.

La pensée de la brièveté de la vie me poursuit. Puisse je laisser à la terre une œuvre de prêtres réparateurs et victimes du Sacré-Cœur, j'aurai réparé mon passé et procuré à Notre-Seigneur une grande conso­lation.

Fête du précieux Sang. Le Sang de Notre-Seigneur nous est appliqué aujourd'hui abondamment. Je l'offre avec confiance pour l'œuvre. Les paroles du St. Office et de la sainte messe accroissent mes espérances.

Quatre de nos missionnaires partent aujourd'hui. Le bien qu'ils fe­ront aux âmes rejaillira sur l'œuvre 18²³⁾.

Dimanche de la Passion et fête de Saint Léon. Y a-t-il un mystère pour moi dans cette coïncidence?… Nous faisons le jubilé. Il y a une gra­ce de renouvellement dans la maison, on le sent. Puissions-nous y être fi­dèles!²⁴⁾.

Plusieurs missions nous sont encore demandées. Cette œuvre s'éta­blit. Elle me révèle un nouvel horizon. Combien il manque de prêtres et de bons prêtres pour travailler efficacement à la conservation et au relè­vement de nos diocèses! Quels soins il faudrait donner aux séminaires, à la culture des vocations, aux missions!

Je vois à Saint-Clément²⁵⁾ un assez bon esprit parmi les enfants, de la modestie, de la dignité, l'amour de la vocation. C'est une consolation.

Periculum ab intus! Des religieux, même anciens, se traînent dans la tié­deur. C'est pitié! Que faire? Sans doute j'en suis en grande partie res­ponsable et je m'en humilie.

Fête de la Compassion. Marie est là avec les disciples du Calvaire. Avec elle prient toutes 19 les victimes de compassion: nos Soeurs, nos mères, les saintes âmes mortes victimes pour l'œuvre, tous ses précur­seurs et préparateurs. C'est jour de grâces.

Je suis frappé des efforts acharnés et persévérants que fait le démon pour nous détruire. Il attaque tantôt l'un, tantôt l'autre. Il prend chacun par son côté faible. Il nous suscite des ennemis… O Marie, vous qui êtes redoutable aux démons, aidez-nous.

Dimanche des Rameaux. C'est la grande semaine. Longtemps les fi­dèles sanctifièrent cette semaine par des jeûnes héroïques, des veilles et la suspension du travail. Le Sacré-Cœur demande surtout de nous les dispositions intérieures de compassion, d'amour, de reconnaissance, de réparation. - Je prêche le soir au patronage²⁶⁾. Que de bons souvenirs se réveillent! Que de bien s'est fait là déjà! St. Joseph, protégez cette œuvre.

Examens à Saint-Jean²⁷⁾. Certains jeunes gens ont un cachet de mode­stie qui rappelle notre cher 20 patron, Saint Jean.

Visite et confessions à Saint-Clément. Il y a là un peu de malaise. Comme il est difficile de faire les œuvres de Dieu, que le démon s'achar­ne à détruire!

Confessions à Saint Jean. Les dispositions sont bonnes comme au jour du jubilé. Quel dommage qu'après le collège l'influence du milieu en gâ­te tant!

Jeudi saint. Ma mère m'est très présente. C'est le troisième anniver­saire de ses funérailles²⁸⁾. La pensée de mon sacerdoce m'humilie. Ma vie ne suffira pas à réparer mes fautes.

Vendredi saint: jour de pardon. Le Sang de Notre-Seigneur nous est appliqué abondamment dans ces grands jours. Sur la croix, Notre-­Seigneur est sur son trône de miséricorde, puisse-t-il tout nous pardon­ner!

Trois jours de souffrances: fièvre, étouffements, insomnie. Puisse Notre-Seigneur accepter ces souffrances en réparation pour tant d'infi­délités commises depuis mon sacerdoce?21.

Souffrances morales. Il y a si peu de ferveur autour de moi! Le retour de nos missionnaires m'est une joie. Ils ont bien travaillé et leurs âmes paraissent fortifiées. Deo gratias!

Réunion à Saint Jean. Les deux maisons du Sacré-Cœur et de Saint­Clément sont venues. Cela fait du bien. C'est à renouveler chaque an­née.

Je regrette que nous ayons trop laissé notre vie d'adoration des pre­miers temps, à Saint-Clément et à Sittard. Il y faudra revenir. Nous y recevions de grandes grâces.

Sainte Catherine de Sienne. Bons souvenirs de Rome. Nous abritions sous son patronage nos petites œuvres de charité et associations à Sainte-Claire²⁹⁾.

Que Marie est bonne et puissante! Elle nous aidera. Elle nous obtien­dra notre pardon.

Je relis les lettres de M. Dehaene³⁰⁾. Je rends grâce à Notre-Seigneur de me l'avoir donné pour premier père de mon âme. Quelque chose de son âme est passé dans la mienne. J'aime son zèle, dévouement pour l'enfance, pour le sacerdoce 22.

Je relis les lettres de M. Boute³¹⁾. Elles retracent un peu quinze ans de ma vie. Il y a le reflet des grâces de mon sacerdoce. Noli negligere gratiam (1 Tm 4,14).

Le mois de Marie a ses grâces spéciales, de paix, de joie, de confiance, de pureté… La réunion du soir de Saint-Martin-d'Esquerme m'édi­fie³²⁾.

Fête de la conversion de St. Augustin. Nos étudiants de Lille renou­vellent leurs voeux. L'esprit de Dieu règne dans la maison. Notre­-Seigneur y est aimé. Il doit y être consolé. Cependant notre vocation exi­gerait mieux encore.

Saint Jean à la porte latine. Je comprends mieux comment Saint Jean est le patron et le modèle de notre vocation. A la Cène, il est le modèle de la vie contemplative, de la vie eucharistique. Au Calvaire, il est le modè­le de la vie d'action et de souffrance. Nous devrions lui ressembler Sei­gneur, pardonnez-nous, aidez-nous!

1^er Vendredi. Messe à Notre-Dame du Sacré-Cœur à Sittard. Ma confiance en Marie grandit. Quelques novices ont l'esprit écolier 23.

Saint Michel. Si nous comprenions bien notre vocation, nous de­vrions être comme des anges, des trônes par l'esprit d'humilité et d'ado­ration, des séraphins par l'esprit d'amour, des archanges par le zèle.

Le bon Pasteur. Que Notre-Seigneur est bon, patient, miséricor­dieux! Quel pauvre troupeau il a! Des brebis ingrates, chétives, déso­béissantes, galeuses même. Que de peine il aura pour faire de cela un troupeau choisi! Je ne veux cependant pas me décourager.

Rentrée de élèves. Les dispositions paraissent bonnes. Il y a dix nou­veaux. La Providence continue à nous bénir… M. l'archiprêtre m'offre une somme importante pour notre façade³³⁾.

Les vacances m'ont donné une force spirituelle nouvelle, mais je sens que je la perdrais facilement par quelques négligences. Vigilate et orate (Mt 26,41 et Mc 14,38).

Saints Nérée, Achillée, Domitille. Ces saints ont dû avoir des rapports avec notre Saint Clément³⁴⁾. Ils ont dû aussi connaître et aimer St. Jean. J'éprouve pour eux une dévotion particulière 24.

Journées prises par la visite de mon frère. Promenades à Fayet et à Verberie³⁵⁾. La vie intérieure n'en souffre pas trop. Je suis très aidé par la grâce à la sainte messe tous ces jours-ci, et je sens l'importance du re­cueillement, de l'attention, de l'abandon. - On parle à Verberie de scandales du clergé dans la région. Que Notre-Seigneur est peu aimé par ceux qu'il a comblés de grâces!

J'ai appelé et vu en particulier plusieurs pères et novices³⁶⁾ pour les en­courager et les reprendre. J'aurais dû le faire plus souvent. C'est mon devoir et un bien très grand en résulterait.

Fête du Patronage de Saint Joseph. Confiance particulière en ce grand saint. - Souhaits de fête de Saint Léon. Les élèves montrent d'as­sez bonnes dispositions. A la soirée, cependant, beaucoup sont légers, quelques-uns même grossiers et mal élevés. Il y a peu de fond à faire sur cette génération.

Modestie, abnégation. Ces deux vertus tiennent bien la nature en res­pect et laissent bien vivre 25 la grâce. La modestie évite mille tenta­tions. L'abnégation supprime la volonté-propre, source de tous les pé­chés.

Je renvoie aujourd'hui un religieux³⁷⁾. C'est une branche morte. Il est détaché du tronc par sa volonté propre, son orgueil, ses désobéissances. Il semble qu'en ce moment N.-S. veut émonder sa vigne.

Nous inaugurons notre petite chapelle agrandie et restaurée à Saint­Clément. Que de souvenirs se passent là! Que de grâces et quels abus! Notre-Seigneur aime beaucoup cette chère maison, et Satan a juré sa perte.

Notre méthode d'oraison doit nous être spéciale. Nous devons au ler prélude demander l'esprit et les vertus du Sacré-Cœur, au 2^e la vertu que nous méditons, mais selon l'esprit du Sacré-Cœur, Nous devons au corps de l'oraison voir surtout les vertus dans le Cœur de Jésus. Le col­loque doit être avec le Sacré-Cœur et Notre-Dame du Sacré-Cœur.

Je choisis pour nos armes le Sacré-Cœur sur la croix 26. Notre but n'est-il pas l'immolation par amour offerte au Cœur aimant et immolé de Jésus?³⁸⁾ nous devrons avoir plusieurs maisons de vie contemplative.

Notre-Dame Auxiliatrice, aidez-nous comme vous aidez vos enfants de Turin³⁹⁾. .

Enterrement à Montbrehain⁴⁰⁾. La pensée de la mort me trouble et m'impressionne profondément. Quel compte j'aurai à rendre! Combien j'ai été ingrat!

Notre examen particulier doit porter d'abord sur l'esprit de notre voca­tion, puis sur le défaut dominant considéré comme obstacle à cet esprit.

Bien des âmes sont attirées vers nous. Il y a des obstacles. Unissons nos sacrifices à ceux des pieuses communautés qui prient pour nous.

Je parcours un recueil de devises des temps chevaleresques. Partout la foi et la pensée chrétienne éclatent. Aujourd'hui on en rougirait. Vivat Cor Jesu! 27.

Nous décidons les constructions pour la façade de St Jean. C'est un progrès pour l'Institution.

Fête au Patronage. Cent communions. Consécration au Sacré-Cœur, remise de la bannière. Quelque bien se fait malgré mes faiblesses.

Je parcours la vie de la Ven. Anne de Rémusat (Rémusat). J'y trouve beaucoup de lumières pour notre œuvre. L'auteur y remarque avec St. Ambroise et St. Augustin, la maternité des Vierges chrétiennes envers le sacerdoce (p. 76), et avec Saint François de Sales, le concours qu'elles doivent donner à l'apostolat (p. 236). Anne de Rémusat (Rémusat) est victime pour les âmes consacrées⁴¹⁾.

Lille: enterrement du curé de Saint-Martin. Encore un ami, un té­moin au ciel. Ils sont déjà nombreux ceux qui m'attendent là-haut. Leur souvenir m'encourage⁴²⁾.

Confession des enfants. Je les porte tous à la crainte de Dieu, disposi­tion fondamentale et toujours nécessaire. Bien peu sont accessibles au sentiment de l'amour de Notre-Seigneur.

Ascension. Communion générale. Un peu 28 d'esprit de sacrifice chez ces enfants multiplierait les vocations. - Promenade à Essigny chez les Bouré, famille bien chrétienne⁴³⁾.

Promenade au cimetière. Beaucoup de tombes banales. Quelques­unes seulement parlent à l'âme. Celles de nos Soeurs me réveillent et m'encouragent. Près d'elles reposent dans la même paix les Petites Soeurs et les Soeurs de Charité. - Un Père des Missions d'Afrique vient nous voir. Il nous parle de leurs œuvres et des épreuves de leurs débuts. L'épreuve est le cachet des œuvres de Dieu⁴⁴⁾.

Les épîtres de Saint Pierre me frappent ces jours-ci dans l'Office. Quelles leçons magistrales! Elles rappellent aux chrétiens toutes les obli­gations de leur vie nouvelle. Je dois aussi rappeler souvent leurs devoirs à mes religieux et élèves.

Je renvoie deux élèves, qui se montrent corrompus et corrupteurs. Cruelle nécessité. Qu'il y a peu de fond à faire sur ce petit monde pour le relèvement de la France 29.

Retraite pour la première communion. Méditation sur le péché, con­sidéré dans la Passion du Sauveur. Combien de judas il y a encore! Combien de Pilates par le respect humain, de persécuteurs par les scan­dales, de lâches par l'indifférence…

Méditation sur le jugement. La pensée du jugement devrait suffire à nous rendre graves, justes, saints. Quel compte terrible il faudra rendre! Que nous sommes insensés de n'y pas penser.

Confessions. J'exhorte les enfants à la crainte de Dieu. Ils sont plus accessibles à cette direction qu'au mobile de l'amour divin.

1^ère communion. Jour de grâces pour la maison. Notre-Seigneur doit s'y complaire aujourd'hui. Il y est aimé par tant de cœurs d'enfants!

Jour d'actions de grâces. Je recommande aux enfants la fidélité du souvenir. J'invite leurs parents à les aider.

M. l'archiprêtre accède à notre désir d'établir à la basilique la dévo­tion à Notre-Dame du Sacré-Cœur 30. Nous lui donnons 500 f. pour une statue, il en dépense 2.000. Notre-Dame du Sacré-Cœur nous en saura gré.

C'est la Pentecôte. Je dis la sainte messe au Couvent. A quand la Pen­tecôte pour l'œuvre. Il nous faut une force d'en haut. Nous sommes tous faibles et chancelants.

Promenade à Lesdins⁴⁵⁾. Une conversation pieuse est un repos pour l'âme. Je vois bien des vocations autour de moi qu'il serait facile d'obte­nir avec un peu plus de ferveur et d'immolation.

Mgr accueille le projet de me prendre avec lui pour le jubilé de Saint­Jean à Lyon. Je suis heureux de ce projet de pèlerinage.

Un beau livre me tombe sous la main, les Instructions du Père Cham­pagnat aux Petits-frères de Marie, qu'il a fondés. Il a de bonnes pages sur le bon esprit. Il signale l'esprit critique, l'esprit chagrin, l'esprit étranger: «Un des plus grands maux qui puissent affliger une société, c'est de 31 compter parmi ses membres des personnes qui murmu­rent, se plaignent de tout, et trouvent à redire à tout»

Le même livre a d'excellents conseils pour les Supérieurs. Ils doivent être tout remplis de bonté, de douceur, mais ne rien négliger et repren­dre doucement et avec esprit de foi.

Jour de tentations. Le démon s'agite bien autour de nous et voudrait nous perdre sans retour. Il a une sorte de providence infernale. Il a ses jours de luttes et pour auxiliaires ceux qui lui donnent prise.

Ordination à Lille. Deux prêtres, les ff. Claude et Martin, deux sous­diacres, un minoré, un tonsuré. Puissent-ils être fidèles!⁴⁶⁾.

Nos écoliers communient en devançant la Saint-Louis de Gonzague. Ce cher saint a vraiment une puissance mystérieuse sur l'enfance. Je lui dois beaucoup et Notre-Seigneur me l'a donné pour un de mes bons pro­tecteurs.

C'est la fête du cher saint. Que de fois 32 j'ai pu respirer à Rome un parfum d'innocence et de pureté dans sa cellule et à son tombeau!

Je rencontre quelques maximes qui sont pour moi des lumières: «Quand nous abandonnons une bonne œuvre, Dieu nous quitte et il suscite d'autres personnes qui exécutent le bien qu'il voulait d'abord fai­re par nous. Il n'y a pas d'hommes plus constants et plus fermes dans le bien qu'ils ont entrepris, que ceux qui sont doux et bénins. - Trois ou­vriers font plus que dix, quand Dieu met la main à l'ouvrage, et il l'y met toujours quand il nous prive des moyens humains et nous place dans la nécessité de faire des choses au-dessus de nos forces».

Autres maximes: «Il faut aller pas à pas pour faire les œuvres de Dieu et adresser à Dieu de ferventes prières. - Il est très important d'agir doucement dans l'oraison, pour ne pas accabler son esprit par une appli­cation trop violente et par trop de subtilité. - Notre-Seigneur se com­munique sans cesse aux âmes qui se conforment entièrement à sa sainte volonté» 33.

Fête du Saint-Sacrement. l'Hostie nourrit l'âme de pureté, d'humili­té, de charité, de sainteté. C'est tangible: les sectes protestantes qui n'ont pas l'Hostie n'ont plus de vierges, de saints, d'œuvres efficaces de charité.

Le P. de la Colombière écrivait: «Voici des mots qui ne se présentent jamais à mon esprit sans qu'une grâce n'y vienne avec eux: simplicité, confiance, humilité, délaissement, volonté de Dieu, mes Règles».

Saint Léon II. Un confrère me souhaite la sainteté. N'y sommes-nous pas tous appelés, comme chrétiens, et plus spécialement les prêtres, les religieux et les premiers membres de la Congrégation? - J'apprends que nous sommes dénoncés par un mauvais prêtre comme congrégation non autorisée. Les persécutions sont des grâces.

Saint Pierre. Les souvenirs de Rome me raniment. Notre-Seigneur me tenait à Rome bien uni à lui. L'ordination nous donne un prêtre de plus. Je pleure avec St. Pierre mes infidélités 34⁴⁷⁾.

Fête de St. Paul, le grand religieux. Donnez-moi, Seigneur, un peu de sa fermeté.

La fête du Sacré-Cœur coïncide avec la Visitation. Mgr préside au Couvent à la rénovation des voeux. Il est bien encourageant pour l'œuvre.

M. Galley⁴⁸⁾ (un des prêtres qui préparaient l'œuvre sacerdotale avec la Mère Véronique⁴⁹⁾) me fait part de ses démarches pour une fondation à Confort, diocèse de Belley.

Fête du précieux Sang. Nous apprenons que notre f. Pothin (Montre­don) est mort à Sittard le jour même de la fête du Sacré-Cœur. C'est un signe providentiel⁵⁰⁾.

Mort du fr. Jacob Boulanger⁵¹⁾. Puisse son sacrifice être utile à tous ses enfants.

Mitis et humilis (Mt 11,29). Charité, humilité, vertus recommandées par le Sacré-Cœur. - Ecce venio, (Ps 39,8 et Heb 10,7) conformité à la volonté divine: disposition du Cœur de Jésus.

Perfection ou destruction. Je reconnais à nouveau par moi-même et par les autres, que Notre-Seigneur ne 35 veut pas chez nous de tié­deur. Si nous nous négligeons, il nous laisse tomber in profundum.

Une âme toujours dirigée par l'esprit de Dieu devient capable de faire des choses extraordinaires. Soyons fidèles à cette direction.

Aujourd'hui et jours suivants, travail assidu pour le discours des prix⁵²⁾.

Docilité à la volonté de Dieu. Renoncement à nous-mêmes. - Celui qui ne se tient pas uni à Dieu par l'exercice de sa sainte présence et la dé­pendance de volonté ne peut réussir dans ce qu'il entreprend pour sa gloire.

Dieu n'a que faire de notre savoir et de nos œuvres, s'il n'a pas notre cœur.

Dieu permet quelquefois que nous soyons diffamés et persécutés sans raison. Il veut en cela nous rendre semblables à son Fils qui fut calomnié et traité de séducteur, d'ambitieux et de possédé.

Saint Vincent de Paul nous aide. M. Grison obtient la permission de venir nous rejoindre 36⁵³⁾.

Plusieurs échecs nous éprouvent aux examens. C'est sans doute une punition, la maison a été peu fervente cette année.

Préparation du discours des prix. Ce travail me révèle bien le châti­ment de Dieu qui pèse sur la France depuis la Révolution. Il est impossi­ble que la France reprenne son rang sans une révolution morale qui ne peut venir qu'après de grands événements providentiels⁵⁴⁾.

Distribution des prix. Jour favorable pour l'Institution Saint Jean qui reçoit des marques de sympathie du clergé et des familles.

Je prépare mon départ pour Lille et Sittard. Je prends deux compa­gnons: Joseph Bernauer, nature légère, mais obéissant, respectueux et plein de foi; Albert Prédhomme, vaniteux, léger, perdant par son amour-propre les bonnes qualités de son cœur.

Nous saluons la pieuse image de Notre-Dame de Grâce à Cambrai et séjournons à Lille.

Waterloo: ainsi finissent les empires quand Dieu ne les bénit pas. - Visite à la chapelle de la réparation à Bruxelles, à la basilique du Sacré­Cœur à Anvers. je trouve ici un bon esprit de dévouement à 37 l'Eu­charistie, de soin du culte. Beau et pieux sanctuaire. je demande l'union de prières.

1^er Vendredi. Je célèbre à la basilique du Sacré-Cœur.

Séjour à La Haye et à Scheveninque. Un tiers de catholiques. je célè­bre à Saint-Pierre et Saint-Paul. Foi des fidèles. Ils communient en grand nombre le dimanche.

Séjour à Sittard. Sainte messe à Notre-Dame du Sacré-Cœur.

Je revois avec émotion la châsse des saints rois et la chapelle des reli­ques de Sainte Ursule et de ses compagnes (à Cologne).

Sainte messe à la cathédrale de Bonn. - Pèlerinage à Arenenberg près Coblentz (Koblenz), église où les mystères de Notre-Seigneur sont représentés d'une manière rustique, mais pieuse.

Trèves (Trier). Visite à l'église Notre-Dame, chef-d'œuvre du XIII^e siècle, aux ruines romaines et surtout au trésor de la cathédrale: Robe sans couture, Saint Clou, Epines de la Couronne, têtes de Saint Etienne et de Saint Mathias.

Retour. Belle église de Saint-Loup à Namur: style jésuite, riche, har­monieux, mais combien loin du gothique!

Messe au couvent. Confiance croissante en Marie 38.

Correspondance absorbante. Mgr loue le discours des prix. Le P. Le Tallec⁵⁵⁾ me rappelle notre vieille amitié. M. Debeney⁵⁶⁾ m'apprend les sottises que débitent sur l'Œuvre le P. Captier⁵⁷⁾ et Jofflez⁵⁸⁾.

J'invoque avec confiance Saint Bernard et Sainte Chantal, amis de l'œuvre.

Retraite. Notre-Seigneur m'accorde aujourd'hui une union sensible assez constante. Je me sens pressé de le contenter, de faire de lui mon unique ami, de tout faire pour lui plaire.

Le soir, ouverture des exercices. Je veux les commencer sous les aus­pices de la Très Sainte Vierge. In omni re cognitam Dei voluntatem exequi, ut illi placeamus et per amorem et uniamur, est via unitiva. Là doit tendre ma re­traite.

1^ère méd. Servi facti Deo habetis fructum vestrum in sanctificationem; finem vero vitam aeternam (Rm 6,22). Dieu n'a pu avoir que cette fin: sa gloire extérieure. Il a dit: Faisons le monde bien beau, et l'homme nous loue­ra… Donnons à l'homme 39 une intelligence et un cœur, il nous les consacrera (Pro 16 - Is 45). Coeli marrent gloriam Dei (Ps 18,2). Creatus est homo ut Deum laudet, eum revereatur eique cum amore serviat.

Examino et exploro et cum S. Augustino amare defleo qui pulchritudinem Dei sero amavi (Imit. III, 9).

2^e méd. Usus creaturarum. Omnia propter hominem:

a) Edocent hominem de Dei potentia, bonitate, sapientia: Invisibilia Dei…

b) Juvant eum suo exemplo: Vade ad formicam, piger… Vocatae sunt stellae et dixerunt. adsumus.

c) Usu suo: pariunt utilitatem, suppeditam, honestam jucunditatem; etiam quae noxae videntur, proficiunt ad humilitatem et patientiam et ad satisfactionem pro pec­catis.

Doleo quod ad vanitatem illis tant saepe usus sim. - Unde necessaria indifferentia quoad usum creaturarum… (Imit. III, 17).

3^e méd. Finis hominis religiosi vel sacerdotis. Non vos me elegistis… (Jo XV, 16). Grande beneficium hujus electionis: alios apostolos, alios doctores et pastores.. . me elegit in 40 socium Cordis sui. Ut eatis et fructum afferatis. - (Jo 15,16). Non ut mollem vitam agamus, securi de temporalibus: Christus passus est pro no­bis, relinquens exemplum… (1 Pt 2,21). Non ut in honore simus: Mundus vos odio habebit (cf. Jo 15,18). Ut eatis de virtute in virtutem (cf. Ps 83,8). - Qui sanctus est sanctificetur adhuc.

Quomodo progredior? Qualis zelus meus in orando et laborando?… Ut fructum afferatis (Jo 15,16). Ne fiat nobis quod factum est infructuosae ficulneae. Fructus religiosi in adimpletione votorum sunt, quibus vovimus Jesum sequi in paupertate, castitate, obedientia.

Fructus sacerdotis ut se et alios sanctificet: ut in psalmis Deo serviet - ut sacrifi­cium digne offerat - ut sit minister sanctificationis per praedicationem, sacramen­ta, etc. - Culpa rubet vultus meus. Sériant statuo emendationem (Imit. III, 10).

4^e méd De triplici peccato 41.

a) Peccatum angelorum: erant gleni sapientia et perfecti decore. Peccaverunt pec­cato superbiae. Tanquam fulgur de caelo in profundum abyssi praecipitati sunt… (cf. Lc 10,18). Tremens factus sum ego et timeo.

b) Peccatum primorum parentum. In justitia et sanctitate conditi, proxime cum Deo conversabantur. Peccaverunt peccato inobedientiae… Inde labor et dolor et concupi­scentia et mors subsecuta sunt…

c) Multi ob unicum peccatum in infernum aeternum puniuntur… Justus es, Do­mine, et rectum judicium tuum (Ps 118,137) Est enim peccatum, infinitae mali­tiae. Misericordia Domini quia non sumus consumpti (Lm 3,22).

1^e méd. De peccatis personalibus. Iniquitates meas ego cognosco et peccatum meum contra me est semper (Ps 50,5). Coram Deo qui facturus est judex meus, sin­gulos annos vitae meae percurro: annos adolescentiae, juventutis - vitam sacerdota­lem et religiosam. Peccata ponderare, circumstantias, ingratitudinem. Quomodo creaturae me adeo vilem peccatorem sustinuerunt (Imit. I, 22).

2^e méd. Malitia peccati in sacerdote. Quid est 42 quod dilectus in domo mea fecit scelera multa (Jr 11,15). Quanta dignitas sacerdotis! Legatione pro Deo fungi­tur, tanquam adjutor Christi… (cf. 2 Cor 5,20).

In nomine esu sacrificia offert… Est dispensator mysteriorum Dei (cf. 1 Cor 4,1). Magna ruina ingratitudo… Minister Christi fit proditor. - Considerandae sunt sequelae: ingens damnum pro seipso.. . pro alios: scandalum, fidei detrimentum (Imit. III, 4).

3^e méd. De morte sacerdotis, sive peccatoris, sine justi. - Mors peccatorum pessima (Ps 33,22). Quam dire torquent impoenitentem sacerdotem, praeteritorum memoria, futurorum praevisio. - Praetiosa in conspectu Domini mors sanctorum ejus (Ps 115,15). Recordatio praeteritorum gaudium affert de labore exantlato. Omnia rite disposuit.. . Securus ad portum tendit. Delicta et negligentias amare fle­bo. Hora mortis, fletus meus intret cor tuum, o Jesu. In hac fossa me absconde. Ibi cor meum reconde (S. Bern.) 43.

4^e méd. Lapsus et poenitentia Petri. - Qui se stare existimat, videat ne cadat (1 Cor 10,12). Quis ille? discipulus, privilegiis ornatus. Quomodo? nimia sui fi­ducia… torpore et tarditate in oratione… periculo et orationi se exponens… et tu?

Respexit Dominus Petrum (Lc 22,61). Et tu? Quanta longanimitate mi seri cors Dominus te sustinuit? Quam benigne te respexit. Quoties gallus cantavit^: vox con­scientiae te excitavit. Petrus autem exivit foras et flevit amare. Quanto amore Domi­nus Petrum suscepit! (cf. Mt 26,75 et Lc 22,62). Oblitis injuriis novis eum gra­tiis adauxit (Imit. II, 5).

l^ère méd. De regno Christi. Evocatio reps aeterni J. C. ad sui sequelam.. . ut jam non simus indifférentes (qua indifferentia in fundamento commendatur), sed magis inclinemur ad ea quae gravia et naturae contraria sunt, ut ita regi nostro qui talia sibi elegit, similes evadamus. Est veluti fundamentum pro secunda hebdomada 44. Necesse est sensualem naturam opprimere et contra amorem mun­danum altere (Imit. II, 56).

2^e méd. De incarnatione Filii Dei. Viam illuminativam ingredimur. Nécessitas redemptionis. Super universam terram haud alios invenio quam mi se­ros insani entes, caecos in vita et post mortem infelices. Et ego caecus inter caecos et miser inter miserrimos fuissem, nui redemptio intervenisset. Consilium et decretum Dei de redimendo humano genere. Verbum se offert Deo Patri. Beneficia redemptio­nis: Deus manifestai sapientiam suam, justitiam, misericordiam. Fit summus sa­cerdos noster et salvator. Cooperatio Mariae. Generando Salvatorem, nos genuit gra­tiae… (Imit. III, 5).

3^e méd. Contemplatio de nativitate Domini. Discamus paupertatem. Videre personas: B. Virginem, pauperem sed ornatam virtutibus…

B. Josephum, pauperes pastores, inter quos me 45 fingam pauperculum ser­vum. Demum blandum illum recens natum puerulum, speciosum prae filiis homi­num. Quare hic desideratus descendit de caelis?.. . Quare tantam paupertatem elegit?

(Ps 44,3). Ut nos sua gratia divites faciat, ut nobis exemplum daret quo facilius bona caelestia comparemus. Attendere ad sermones: cantus angelorum, adorationes pastorum, oblationem internam Pueri. Considerare quae faciunt: demonstrationes amorti Mariae et Josephi; lacrymas amoris et doloris tenelli pueri. Ex oculis poque mets profluant lacrymae amoris reciproci et veri doloris… (Imit. II, 7-8).

4^e méd. Vita Jesu Christi activa: zelus ejus, mansuetudo, cardas.

Zelus indefessus in orando: erat pernoctans in oratione (Lc 6,12). Zelus indefes­sus in laborando: peragrat Galileam et Judaeam. Etiam nocturno tempore cum Ni­codaemo et aliis tractat. Defatigatus prope 46 puteum ad conversionem peccatricis adlaborat. Zelus gurus in intentione. Non quaerit gloriam suam. Non venit mini­strari sed ministrare.

Zelus mansuetus et caritate plenus. Defectus suorum ferebat, docebat ignorantes, errantes corrigebat, solabatur afflictos. Zelus fortis in superandis difficultatibus. Cum iii agebat qui perverse doctrinam ejus interpretabantur… (Imit. III, 6).

Passio interna Jesu Christi. Video personas: E caenaculo ad hortum, lento passu Jesu procedit, onustus peccatis totius mundi… etiam mets… Video quomodo oret et sanguinem fundit. Dormiunt apostoli… et ego dormio. Audio verba: Non potestis vigilare una hora mecum: tristis est anima mea; transeat a me calix iste; non mea sed tua voluntas fiat… (Lc 22,42) (cf. Mt 26, 38-42; Mc 14,34-37). Doleamus de peccatis nostris. Ad patiendum cum Christo paratos nos exhibeamus (Imit. III, 50) 47.

2^e méd. Contemplatio Jesu crucifixi. In cruce Salvator amore nostri moriens cor nostrum reciproco amore inflammat et desiderio nos ani mat crucem post eum ferendi. Videre personas: Jesum salvatorem inter duos latrones… a planta pedis… (Is 1,6) videte si est dolor sicut dolor ejus.. . (Lm 1,12). Quis est? Pro quibus patitur? Ma­trem dolorosam, et discipulum. - Quomodo non compatiar ego et de peccatis do­leam?

Audire verba: blasphemias populi… Christum respondentem: Pater, dimitte illis (Lc 23,34). Latronem precantem, cui Christus: Hodie mecum eris. Ad Matrem et discipulum: Ecce filius, ecce mater (Jo 19,26-27). Ad nos: Sitio - Consumma­tum est (Jo 19,30). Ad Patrem; quare me reliquisti (Ps 21,2) - Commendo spiri­tum (Lc 23,46). Etiam ad me: Quid amplius facere potui pro te. Nonne amplectar crucem et opprobria… (Imit. II, 12) (usque ad v. 8).

3^e méd. Contemplatio SS. Cordis Jesu. In passione, coronam spineam aspi ci o. Cur etiam nunc, o Jesu, cor tuum spinis coronatum exhibes? 48. Respondet pro­pheta: His plagatus sum in domo eorum qui diligebant me - odium reddiderunt pro dilectione (cf. Ps 108,5). Quam aptus fuissem in diebus juventutis meae vertere co­ronam ex violis humilitatis, liliis castitatis, rosis amoris, quibus Cordi Jesu gau­dium parerem?

Nonne spinas peccatorum texui? Et nunc, electus a Domino et vocatus! - Quid fille ignis erumpens e Corde et accedens? Quantum vellet Jésus ut accenderemur! - Quid illa crux plantata in Corde? Si scirem mysterium crucis: quanto amore recipro­co cum Andrea crucem amplecterer! - Quid largum et profundum vulnus? Myste­rium sui perpetui anions erga nos Jésus manifestat (Imit. 11, 11).

4^e méd. Resurrectio Domini. - Nonne haec oportuit Christum pati… (Lc 24,26). Juxta multitudinem passionum, consolationes animam Christi repleverunt. Corporis sacrificium obtulit, corpus gloriosum accepit 49. Honorem suum obtulit, gloriam accepit coram angelis et hominibus… Spes indubia sit reposita in sinu no­stro. Momentaneum et leve tribulationis pondus aeternum gloriae pondus operatur.. . (2 Cor 4,17). Jésus apparet B. Mariae. Quae proxima fuit cruci, merito prima fit in consolatione. Jesu congratulor. Laetor cum Maria. Spe erigor (Imit. III, 47).

1^ère méd. De amore erga Jesum et Mariam. Inveni quem diligit anima mea (Cn 3,4). J. C. dignus in se amore nostro. Qua Vrus Deus, est rex gloriae; qua Vrus ho­mo: in eo sunt absconditi omnes thesauri sapientiae et scientiae (cf. Col 2,3); corpus ejus est conceptum de Sp. Sancto; anima est opus perfectissimum Dei. - Est Filius Dei dilectus, rex angelorum. Dignus propter affinitatem. Est noster frater, dux, pa­stor, sponsus animae. Dignus propter beneficia tara generalia quam 50 particularia: creatio, justificatio, vocatio… Verus samaritanus oleum fu­dit in vulnera. Redemptor debita solvit; pastor suo corpore et sanguine nutrit. - Ma­ria nobis in matrem data est a Jesu. Canalis est gratiae. Omnia Deus nos habere voluit per Mariam, qui nobis Filium suum dédit per Mariani (S. Bern. ). Stupendis mira­culis Maria se matrem exhibuit. Inde S. Ecclesia eam salutat: solatium afflictorum, auxilium christianorum. Illi debemus amorem, fiduciam, imitationem; qua filii Ma­tris virginis, castitatem; qua filii Matris dolentis, patientiam; qua filii Matris humil­limae ancillae, humilitatem; qua filii Matris benignissimae, charitatem; qua filii Matris a Dei voluntatem pendentis, conformitatem in S. Dei voluntatem.

Seigneur Jésus, vous avez mis devant mes yeux toute ma vie passée. Vous avez voulu 51 que tout fût mis en règle. Vous m'avez rappelé toutes vos grâces, votre direction aimante et paternelle, le bienfait de ma vocation spéciale. Mais vous m'avez aussi donné la grâce de reconnaître mes infidélités…

Ma résolution est de vivre et de mourir en véritable victime du Cœur de Jésus. Pour cela je me tiendrai dans un abandon entier de tout moi­même au Cœur de Jésus. J'aurai en lui une confiance filiale, m'en re­mettant pour tout à sa volonté et à son bon plaisir. Je ferai tout par amour, en esprit de réparation. Je renonce à toute affection déréglée ou purement naturelle. - Je m'appliquerai à bien diriger l'œuvre du Sacré-Cœur vers son but et dans l'esprit qui lui est propre.

Saint Augustin. Réunion à Saint Jean pour la messe et le dîner des trois maisons. Cette fête fait impression, mais elle serait meilleure sans le mélange de quelques éléments séculiers qui la gâtent 52.

Sainte Rose. Je prie cette petite sainte du Sacré-Cœur de bénir la maison de Watersleyde, qui est sous sa garde.

Fin du mois du Sacré-Cœur de Marie. Cette bonne Mère nous a bien aidés malgré nos faiblesses. Je sens le besoin de la vigilance pour garder les fruits de la retraite, mais le Cœur de Jésus ne me laisse pas sans se­cours.

Nous commençons le mois de Saint Michel. J'invoque le grand ar­change pour qu'il nous aide à triompher de tant de démons qui nous as­saillent.

Le Messager du Cœur de Jésus me révèle la Vie du Ven. Gaspar Drusbicki (Druzbicki)⁵⁹⁾. Je la lis avec émotion, elle me rappelle des grâ­ces que j'ai reçues et mal gardées. J'aime son adoration amoureuse en union avec ce qu'il appelle la Société séraphique du Verbe incarné: avec la Vierge Marie; Saint Michel que Dieu créa pour aimer le Verbe incar­né; tout le Choeur des Séraphins et des Chérubins; Pierre, Paul, André, Jean, les apôtres; Saint Jean-Baptiste, Saint Joseph, Sainte Anne, Saint Joachim, Marthe, Madeleine, Lazare, Zacharie, Elisabeth; les 53 bienfaiteurs de Jésus, ses disciples, les saints qui l'ont le plus ai­mé: Athanase, Cyrille d'Alexandrie, Augustin, le séraphique François, Bonaventure, Bernard, Ignace martyr, Ignace de Loyola, Laurent Justi­nien, Henri Suso, Agnès, Gertrude, Mechtilde, Catherine martyre, Ca­therine de Sienne, etc. J'ai chaque jour une pratique analogue à mon ac­tion de grâces.

1^er vendredi. Je suis à Vervins, messe réparatrice. Les souvenirs de famille m'impressionnent.

Messe à Sommeron. J'ai dit là beaucoup de messes ferventes en 1869­1870.

Une âme pieuse m'envoie des notices de propagande sur l'esprit de victime, l'immolation au Sacré-Cœur, etc. Dieu souffle donc partout le même esprit. Courage! nous sommes bien dans la voie.

Nativité de Marie. D'autres vierges prépareront aussi des grâces pour le sacerdoce.

C'est la retraite. J'ai la confiance qu'elle sera féconde par la pure mi­séricorde de Notre-Seigneur malgré 54 notre indignité.

Jour de recueillement. La grâce agit peu encore. «Deus nos adjuvet».

Jour de faiblesse. Un peu de découragements. Que pouvons-nous si Notre-Seigneur ne nous aide à chaque instant?

Saint Nom de Marie. Vinum non habent (Jo 2,3). Intervenez, Mère bien-aimée. Aidez-nous!

Réunion capitulaire. Il y a maintenant un noyau de membres anciens qui comprennent l'œuvre et qui la feront vivre avec la grâce de Notre­Seigneur⁶⁰⁾.

Le Chapitre prépare quelques mesures utiles pour la bonne organisa­tion de l'œuvre: conseils locaux, conférences, conseil général, etc.

Elections, en présence de Monseigneur. Je me suis démis de ma digni­té de Supérieur. Mgr a bien voulu louer l'humilité, la charité et la force de mon administration. Il a encouragé la communauté en nous disant qu'il augurait bien de l'avenir et qu'il 55 attendait un grand dévelop­pement de l'œuvre. Mes confrères m'ont réélu. J'en ai reçu une force nouvelle et comme une grâce d'état sensible.

Journée de force et de pénitence. Humble préparation aux voeux. La croix ne manque pas, plusieurs ont de la peine à se mettre dans les dispo­sitions voulues.

Grand jour. Je fais avec six confrères les voeux perpétuels. Je me sens vraiment une grâce de renouvellement et un pardon complet. C'est un grand jour pour l'œuvre. Notre-Seigneur se montre bien bon et m'aide bien. Je n'avais pas senti plus profondément l'action de la grâce depuis mes ordinations. Je sens aujourd'hui la réalité de ce que j'avais lu sur les professions religieuses.

Ordination à Soissons⁶¹⁾. Trois des nôtres avancent. Je sens combien je devrais les préparer avec soin, avec charité à ces grands jours, pour consoler Notre-Seigneur 56.

Une première messe. Cette cérémonie ravive mes bons souvenirs de 1868. Je saisis vivement et j'explique dans un discours la grandeur du sacrifice et ses effets.

Réunion des anciens élèves. Exhortation sur la foi agissante. Réunion cordiale et assez chrétienne. - Sed novem alii, ubi sunt? (Lc 17,17).

Excursion à Villers. Visite à M. Quentin Bauchart. La vie du monde a ses devoirs et parfois quelque dignité, mais à quelle infinie distance elle est de la vie intérieure et recueillie!

Enterrement au Couvent. Et moi, suis-je prêt?

Les Missionnaires diocésains quittent Soissons⁶²⁾. Si nous avions mieux répondu aux grâces de Notre-Seigneur, nous serions prêts à re­prendre toutes ces fonctions.

Visites au Nouvion. Je me fais redire bien des détails sur l'enfance de ma mère et sa famille. Sa mère morte assez jeune, était bonne, pieuse, zélée, aimable. Elle avait été 57 élevée pendant la Révolution par de pieuses filles, les demoiselles Poulet, qui devaient être des religieuses ex­pulsées.

Enterrement de M. le Doyen du Nouvion⁶³⁾. Je pense avec profit à mes fins dernières. Ce cimetière contient bien des tombes de ma famille. L'union de pensées avec les morts me fait du bien.

Visite à Saint-Clément (Fayet). Quelques enfants sont modestes et pieux. D'autres sont bien légers.

Excursion à Caudry et Viesly (Nord), pays de foi et de respect, infé­rieurs cependant au Limbourg et à certains pays belges. Eglises rebâties au XVIII^e siècle. Clergé discipliné et fermement conduit.

Contenter Notre-Seigneur, cela doit être ma pensée assidue et la règle de toutes mes actions.

Nous fêtons Saint Michel. Nous avons tant besoin de son secours. La dévotion aux saints anges s'allie bien avec notre vocation. Ils aiment tant Notre-Seigneur et le servent si bien 58.

J'aime bien Saint Jérôme. Il a si bien allié la crainte et l'amour, la crainte du jugement et l'amour de Notre-Seigneur en ses mystères.

ler vendredi. Retraite. M. Lecot négocie aujourd'hui l'échange du jardin du S.-Cœur avec ma propriete de Wignehies (Nord). Puissions­nous donner plus tard à Notre-Seigneur dans ce jardin un pieux sanc­tuaire de réparation.

Je suis confus d'avoir jusqu'à présent si peu connu, aimé et écouté mon bon ange. Je lui en demande pardon. Je le prie de m'aider à con­tenter Notre-Seigneur.

Fête du saint Rosaire. J'ai été inégal dans ma vie pour la récitation du rosaire. J'en demande pardon à ma Mère bien-aimée.

Saint François. J'ai toujours été incliné par la grâce vers ce cher saint. Sans doute Notre-Seigneur l'a un peu chargé de ma pauvre personne.

Jour de rentrée à l'Institution. La rentrée est bénie. Il y a beaucoup de nouveaux. Il y a cependant quelques défections et trop 59 d'élèves des classes professionnelles. Je crois reconnaître l'action du démon qui éloi­gne des études classiques certains élèves appelés au sacerdoce.

J'ai trop agi d'une manière naturelle ces jours-ci. Je pouvais être aussi actif sans négliger l'union avec Notre-Seigneur.

Heure sainte, heure de grâces où les lumières reviennent plus abon­dantes. Il faudra veiller et prier. L'année dernière commençait bien aus­si, puis elle est devenue fort défectueuse. Marie, Mère de la persévéran­ce, aidez-nous!

Etre simple, contenter Notre-Seigneur, le consoler par une grande fi­délité, une affection tendre, constante. En même temps, demeurer fer­me, actif, vigilant.

Confession des enfants. Que de bien à faire en exerçant ce ministère avec une grande foi, avec sagesse et fermeté et selon les règles d'une bon­ne direction.

Maternité de Marie. Confiance filiale 60. Comme Marie doit aimer particulièrement cette œuvre, qui a pour but la consolation du Cœur de Jésus, son amour et la réparation!

Notre-Seigneur me fait sentir mes faiblesses. Il demande beaucoup de moi et il faut que je le lui donne. Cette parole me revient souvent à la pensée: perfection ou destruction.

Lisant la vie de Mgr Pie⁶⁴⁾, j'y trouve une belle synthèse de la religion: la religion se résume dans l'amour réciproque de Jésus-Christ et de l'homme, Christus dilexit nos: (Eph 5,2). Le Christ nous a aimés, c'est tout le symbole. Diliges: tu aimeras, c'est toute la morale. Dieu est chari­té - Croire à l'amour, c'est toute notre foi: Nos credidimus charitati (1 Jo 4,16). Faire les œuvres de l'amour, c'est tout l'accomplissement des préceptes: Qui diligit, legem implevit (Rm 13,8). A ce double titre, le Cœur de Jésus est le résumé de toute la religion. Cœur de Jésus, principe d'amour et objet de l'amour 61.

Comme il importe que je ne perde pas un instant! Ma position de­mande tant d'activité, d'initiative, de savoir, de réflexion. Je veux agir toujours en union avec Notre-Seigneur. Je m'humilie de ne l'avoir pas fait assez.

Fête de la B. Marguerite-Marie. Nous ne faisons pas assez pour cette chère sainte. Quels trésors nous lui devons! Elle doit être bien grande au ciel. Qui a mieux qu'elle, après Marie, Joseph et Saint Jean, compris le Cœur de Jésus, sondé ses abîmes, partagé ses affections, consolé ses tris­tesses? Cette chère sainte n'est-elle pas comme le Moïse de la révélation du Sacré-Cœur? Je la prie humblement de nous aider, d'obtenir notre pardon, afin que nous puissions donner au Sacré-Cœur ce qu'il attend de nous.

Mgr Pie écrivait: «Tout est à refaire pour créer un peuple chrétien: cela ne se fera pas par un miracle, ni surtout par une série de miracles; cela se fera par le ministère sacerdotal ou cela ne se fera pas du tout, et alors la société 62 périra». C'est vrai, c'est là le moyen providentiel ordinaire, l'apostolat. Travaillons donc grandement à notre sanctifica­tion. Faisons ce qui nous est possible pour celle du clergé.

Voyage de charité à Verberie pour voir mon oncle malade⁶⁵⁾. Je ren­contre M. le curé de Saint-Sauveur. Il n'y a plus de foi, me dit-il, dans ces campagnes. Et cependant ce pays est beau. Il loue par lui-même son Créateur. Il a manqué de saints prêtres. Comme ce petit coin de vallon et de forêt conviendrait à un monastère!

Je trouve, en lisant Mgr Pie, bien des pensées élevées et profondes. Il juge bien notre temps. Parlant des missions des campagnes, il dit: «Pres­que toutes ont converti toute la paroisse, sauf quelques bourgeois qui ne rendront les armes qu'au socialisme qui les égorgera». Ceci est de plus en plus vrai. Comme il insiste bien sur la vérité maîtresse à défendre de notre temps: la royauté sociale de Jésus Christ. - «L'histoire de France est un hosanna de quatorze siècles à Jésus Christ. Il est la pre­mière 63 majesté en France, et c'est n'être plus français que de s'éloi­gner de lui».

Notre-Seigneur me poursuit et veut mon cœur tout entier. Il me fait sentir vivement mes faiblesses. Il veut tout ou rien et me presse de me te­nir étroitement uni à lui…

On s'agite pour des élections politiques. On ne cherche pas le salut où il est, dans le retour au règne de Dieu. Une réaction bourgeoise ne nous sauverait pas pour longtemps. Mgr Pie avait raison de dire, après le coup d'état du 2 décembre 1851: «Si Louis Napoléon a tué les rouges, il ne tuera pas les bourgeois sceptiques qui sont la cause efficiente des rou­ges».

Je vais à Verberie, voir mon oncle sur son lit de mort. Cette mort m'impressionne. Les vides se multiplient autour de moi. Mon tour de­vient proche. Je crains le jugement de Dieu. J'aime à vivre avec mes morts, amis, parents, directeurs. Tous les matins je leur consacre quel­ques moments. Je m'unis à eux 64 et cela m'encourage.

Réunion chez Mme M. avec les évêques de Soissons et de Verdun. Ils sont pour l'œuvre de bienveillants protecteurs.

Solennité de Saint Quentin. Je suis à La Capelle pour l'enterrement de mon oncle. Je revois toutes les tombes de la famille et ses rangs éclair­cis. Puissé-je profiter de ces leçons. Au retour à Saint-Quentin le soir, je puis m'entretenir avec l'aimable cardinal de Reims⁶⁶⁾. Il est plus encou­rageant pour l'œuvre que jamais. Il n'hésite pas à bien en augurer. Il ira bientôt à Rome, il nous aidera. Il ne doute pas de la facile extension de l'œuvre hors du diocèse.

Bien des curés du diocèse sont venus nous voir et nous demander à dîner pour le pèlerinage. Les préventions sont tombées. Aujourd'hui ar­rive le bon P. de Rivoire, capucin, mon condisciple de Rome. Il vient prêcher la retraite. Sa présence me fait revivre la vie de Rome 65.

Alternatives de ferveur et de faiblesses. Quand sortirai-je de cette vie boiteuse? Vous voulez tout mon cœur, toute ma volonté, tout mon être, ô mon Jésus, pardon de mes résistances… Vous êtes patient, et je suis dur et ingrat.

Beatus air… (Ps 1,1) et folium ejus non defluet… (Ps 1,3). Vierge sainte, vous savez bien que mes péchés ont arrêté ou refoulé beaucoup de béné­dictions que votre main maternelle ne demandait qu'à répandre. Obtenez-moi, pour la dixième année de cette œuvre qui commence, plus de fidélité à la grâce, plus de vie surnaturelle. Que l'œuvre devienne vi­vante et féconde comme l'arbre planté au bord des eaux.

Les lignes suivantes des Etudes ecclésiastiques définissent bien notre vocation: «Il ne peut y avoir de signe d'espérance plus assuré que de voir en face du courant qui entraîne les âmes vers la vie molle et sensuel­le, un courant opposé en pousser d'autres vers la voie de l'im­molation 66. Or, par un dessein bien remarquable de la Providence, qui veut opérer une sanctification plus grande du clergé et régénérer le monde par ce moyen, un grand nombre parmi ces âmes sont attirées à se proposer cette sanctification du clergé, comme le but spécial de leurs im­molations et de leurs prières. Mais le prêtre ne peut se contenter de sa­voir que sa personne et son ministère sont l'objet de cette immolation; il doit s'efforcer lui-même d'entrer dans cette voie. Plus il y avancera, avec la grâce de Dieu, plus aussi il attirera sur ses travaux d'abondantes béné­dictions».

Jour de grâces pour l'Institution. Clôture de la retraite. Communion générale. Le soir, consécration au Sacré-Cœur.

Mgr Pie, après 12 ans d'épiscopat, s'appliquait les paroles de l'Apoca­lypse à l'ange de l'Eglise d'Ephèse: «Je sais tes œuvres, ton travail, ta patience». Puis il se demandait s'il ne méritait pas le reproche qui vient ensuite: Sed habeo adversum te quod charitatem tuam primam reliquisti (Ap 2,4) 67. je puis me faire à moi-même et à l'œuvre la même applica­tion. Nous avons fait des œuvres multiples, mais Notre-Seigneur ne peut-il pas me dire: «Tu t'es ralenti de ta première ferveur, et ton exem­ple a nui aux autres»…

L'Œuvre a des progrès extérieurs, cela ne suffit pas. Saint Hilaire di­sait: «Male enim vos parietum amor cepit; male Ecclesiam Dei in tectis aedificiisque veneramini; male sub his pacis nomen ingeritis». Ce qu'il faudrait surtout, ce serait le progrès intérieur.

Mgr autorise la notice sur l'œuvre. Il nous aide un peu pour le tempo­rel. Mais il ne permet pas encore la propagande hors du diocèse.

Plusieurs œuvres occupent mon esprit: enseignement, cercle ouvrier, journal, maîtrise, missions; mais la plus grande de mes œuvres, la plus féconde pour l'Eglise, doit être l'œuvre sacerdotale, l'œuvre de répara­tion au Sacré-Cœur et de dévouement au clergé 68.

La lecture de la vie de Mgr Pie me réconforte. J'y trouve si abondante la grande vie chrétienne. Il applique si bien la lumière de la foi à toutes les questions contemporaines. Il a l'étoffe d'un Père de l'Eglise.

Saint Martin. Ce saint Pannonien est bien français par le caractère. Comme il est généreux, chevaleresque, zélé. Aussi il a séduit tous les Français depuis douze cents ans.

Les Ursulines de Gravelines nous demandent l'union de prières et d'immolation. C'est donc partout le même esprit dans le temps présent. Soyons fidèles à cette vocation de salut.

Saint Stanislas. Je vais dîner à la Maîtrise⁶⁷⁾. Cette œuvre prend bon aspect. - Quelle force d'âme avait ce jeune saint! Je voudrais former mes élèves sur ce modèle. Mgr Pie écrivait à un jeune homme: «C'est un rare héritage, que celui d'un christianisme ferme et solide, en même temps que tendu et actif. Je m'inquiète de l'énergie 69 des âmes au­tant que de leur pureté et la molle piété me fait peur».

Visite d'un prêtre badois, curé de Todtnauberg (Todtnau). Sa gravi­té, sa foi, son zèle m'édifient. Il nous dit que les catholiques de ses mon­tagnes sont bien fervents. Il a, même en semaine, une nombreuse assi­stance à la messe.

On commence à voir les fruits de l'Institution. Nos anciens élèves nous restent attachés. Ils reviennent nous voir. Plusieurs, déjà établis, sont tout à fait chrétiens. Les autres sont au moins conservateurs. Ce n'est pas tout ce que je voudrais. Ce serait mieux si j'étais moi-même tout ce que je dois être.

Installation de M. Petit, doyen du Nouvion⁶⁸⁾. Comme tout ce monde est glacial pour la foi! Ce ne sont pas là des populations vraiment chré­tiennes. Pauvre France! Quand reverrons-nous chez toi le règne social de Jésus-Christ?

Je voudrais que personne ne vint chez moi sans en sortir meilleur. Si j'étais fervent 70, comme cela serait facile! N'est-ce pas la grâce spécia­le des prêtres du Sacré-Cœur de toucher tous les cœurs?

Sint unum. - Je sens le besoin d'une union plus grande avec les âmes que je veux conduire à Notre-Seigneur. La charité est vraiment le ci­ment de l'édifice chrétien. Le démon est le diviseur. Une union plus grande avec tout mon monde avancera le règne du Sacré-Cœur.

Je bénis la petite chapelle de la Maîtrise et j'y célèbre la messe. C'est le 11^e autel qu'il m'est donné d'offrir à Notre-Seigneur. Tant de messes célébrées m'obtiendront mon pardon.

Je rencontre cette pensée fortifiante: «Après avoir connu la volonté de Dieu sur une œuvre, qu'on entreprend, on doit la continuer avec coura­ge, quelque difficile qu'elle soit. On doit la suivre jusqu'à la fin avec d'autant plus de constance que les obstacles sont plus grands». 71 (pa­ge blanche).

72 Enterrement de la soeur Marie de l'Incarnation. C'est la dou­zième petite victime depuis dix ans et toutes ont offert leur vie pour l'œuvre des prêtres autant que pour la leur. C'est là un fait qui a son poids devant Dieu.

Plusieurs de nos amis et agrégés sont dans l'épreuve: Monsieur V., Monsieur C., Monsieur et Mme L., épreuves d'argent, épreuves de fa­mille. Notre-Seigneur les a donc agréés pour ses victimes. Leurs souf­frances aideront l'œuvre.

Je lis la vie du P. Aubry, de Beauvais, mon ancien condisciple de Ro­me, mort en Chine⁶⁹⁾. Je trouve là un vrai prêtre, un apôtre, ami de la saine doctrine, vraiment dévoué aux âmes jusqu'à l'immolation.

I^er dimanche de l'Avent. Comme les patriarches et les prophètes aspi­raient après la venue du Messie, j'aspire après le règne du Sacré-Cœur.

Seigneur Jésus, donnez-moi par l'intercession de Saint André l'intelli­gence de la croix, l'amour de la croix. J'éprouve un peu cet amour 73 aujourd'hui et je l'attribue à Saint André.

Saint Eloi. J'aime ces grands pontifes du Moyen-Age, simples, gra­ves, nourris des Pères de l'Eglise et guidant les chefs de la société civile. Ils étaient vraiment évêques.

Je suis heureux des sacrifices que j'ai faits au Sacré-Cœur. Ma situa­tion de famille et de fortune, mes études de droit, les grades de Rome, les voyages, le service du Concile, les relations, tout me facilitait l'accès des plus hautes positions. J'ai tout sacrifié à l'amour du Sacré-Cœur. J'espère que mes petits sacrifices contribueront à son règne. Puisse ma chère petite œuvre lui donner beaucoup de cœurs qui l'aiment!

1^er vendredi. Que de grâces perdues, que de fautes commises, depuis 3 ans, depuis 5 ans. Comme l'œuvre a souffert par ma faute! Pardon, mon Dieu!.

Je lis avec un vif intérêt l'oraison funèbre du Supérieur du Collège de Saint-André de Culzac 74. Je trouve là un modèle, Ma conscience m'accable de reproches pendant cette lecture. Je vois là «une charmante égalité d'humeur, la jubilation d'une âme toujours épanouie, la bonté qui ne dégénère pas en faiblesse, la paternité affectueuse, s'étendant aux auxiliaires et aux serviteurs de la maison, la fermeté de l'âme parmi les épreuves et le bon esprit de cette maison». Quorum imitamini fidem (Heb 13,7).

Sentiment très vif de la nécessité de garder une grande pureté de cœur. La grâce spéciale du Sacré-Cœur est à cette condition. Il faut un cœur très pur et très détaché des créatures pour le recevoir. Le Sacré­-Cœur verse sa grâce dans les cœurs, c'est-à-dire dans les affections et la volonté, plus que dans les autres facultés, mais il veut pour condition que le cœur et la volonté lui soient 75 entièrement donnés et réservés.

Chaque vertu a sa récompense spéciale: la soumission de la volonté obtient l'obéissance des inférieurs, le soin de la pauvreté obtient les se­cours temporels; la pureté du cœur obtient la grâce sensible et la grâce spéciale du Sacré-Cœur.

Lettre de Mgr. Il m'encourage, me montre l'œuvre vivante, agissan­te et bénie de Dieu à travers ses épreuves.

Prise de voiles au Couvent. Union de prières pour le même but.

Que de lumières dans l'Office divin! Comme il s'illuminerait pour nous, si nous étions plus intérieurs! Les leçons des confesseurs pontifes au 3^e nocturne me frappent aujourd'hui. C'est toute une règle de vie pour le Supérieur (praepositum familiae). Il y a là ses devoirs et sa récom­pense spéciale. - Si dicto audiens et praeceptis obediens erit, id est, si doctrina, auctoritate et veri tate infirma 76 confirmet, disrupta consolidet, depravata conver­tat et verbum vitae in aeternitatis cibum alendae familiae dispendat, atque haec agens hisque immorans deprehendatur… Ici vient sa récompense: Gloriam a Domino tanquam dispensator fidelis et villicus utilis consequetur et super omnia bona consti­tuetur, id est in Dei gloria collocabitur, quia nihil ad ultra quod melius sit.

Le paradis des prêtres a sa gloire et ses biens particuliers. Mais la leçon suivante a des menaces redoutables: quod si contuens longam Dei pa­tientiam, adversum conservos insolescet, et saeculi malis vitiisque se tradet, Domi­nus adveniet portionemque ejus cum hypocritis constituez.

Quelle généreuse pensée je trouve dans le P. Aubry! je l'adopte mille fois. «Je voudrais avoir cent vies humaines à dépenser pour faire cent coups de tête plus radicaux les uns que les autres; je me ferais trappiste 77, bénédictin, ermite, missionnaire dans vingt cinq pays lointains, aumônier de bagne, capucin, jésuite; je ne ferais que des coups radicaux pour prêcher d'exemple contre l'égoïsme de notre temps. Que les âmes contemporaines sont petites et les âmes vulgaires! C'est pour cela que l'on trouve si peu de persévérance et si peu de nerf pour le sacri­fice» .

C'est par l'Eucharistie que Jésus veut vivre et régner au milieu de nous. Tout est coordonné à l'Eucharistie, les temples, le sacerdoce, les sacrements. C'est le règne de l'Agneau immolé. L'Agneau, c'est la victi­me et c'est l'aliment sacré. C'est l'Eucharistie qui fait les saints, qui fait la civilisation, qui fait l'art chrétien. Ecce agnus Dei (Jo 1,29). L'Euchari­stie et Marie, voilà ma vie.

Je rencontre cette maxime, règle précieuse pour les Supérieurs: «Les avertissements doivent se donner doucement, rarement et en 78 particulier; car chacun se rebute des réprimandes sèches aussi bien que des corrections les plus aimables, quand elles sont fréquentes et faites hors de propos»…

Dix-huitième anniversaire de mon sacerdoce. Notre-Seigneur deman­de beaucoup de moi, mais je sens que je puis lui donner ce qu'il deman­de, avec un peu de fermeté et de vigilance…

Anniversaire de ma lère messe. Ces jours-là sont toujours, depuis dix-huit ans, des jours de grandes grâces pour moi. Mais Notre­Seigneur y met pour condition que je veille sur la pureté de mon cœur.

Vingtième anniversaire de ma tonsure. Que n'ai-je gardé dans toute leur plénitude les grâces de ces grands jours! Ces jours bénis ont une plé­nitude de grâce qui se perd et ne se retrouve plus, mais elle peut être remplacée par la grâce du repentir, de la pénitence, de l'amour humble et contrit. C'est cette grâce que je dois chercher 79 aujourd'hui. C'est elle qui a fait les Madeleine et les Augustin.

Dix-neuvième anniversaire de mon sous-diaconat. En parcourant les vies des saints, je rencontre plusieurs notices sur les fondateurs de con­grégations modernes. Cela m'humilie profondément. Les fondateurs ont de grandes grâces et doivent être des saints. je ne le suis pas et j'en suis immensément loin. Quelle responsabilité! Que de grâces j'ai perdues! Que de bien j'aurais pu faire que je n'ai pas fait! Miserere mei, Deus, secun­dum magnam misericordiam tuam! (Ps 50,3).

Noël. Bonnes messes au Couvent. Communion consolante à Saint­Jean. je me sens pressé d'avancer généreusement dans la voie du déta­chement.

Souvenir très pressant de ma mère, dont c'était la fête.

Saint Jean. jour de grâces. Je relis avec profit et attendrissement les pensées de notre soeur défunte Marie de Jésus sur Saint Jean. - Nous prions pour l'œuvre et nous offrons tous des messes 80 réparatrices. Bon nombre d'élèves ont une vraie dévotion à Saint Jean. J'en suis heu­reux.

Je sens vivement le besoin de croître dans la foi. C'est la racine de tou­tes les vertus. Domine adauge nobis fidem (Lc 17,5).

Toute notre grâce est dans la réparation et l'immolation, surtout dans le sacrifice de la volonté et la fidélité aux résolutions.

Je trouve profit à donner à chaque partie du psaume Beati (Ps 118), aux petites heures, un sens dominant, et il me semble que cela corres­pond assez à la pensée de David. J'exprime ainsi, en vue de la loi divine, des pensées de louange, de prière, de confiance, de reconnaissance, de repentir, etc.

Journée de repentir, d'amende honorable, de réparation. A pareil jour la grâce aide à formuler ces sentiments 81.

III
1887

Je renouvelle mes résolutions pour cette année. Je me tiendrai en gar­de contre la sensualité et l'attachement aux créatures. J'aimerai le taber­nacle et ma cellule. J'immolerai constamment ma volonté pour faire cel­le du Cœur de Jésus et de Marie. J'aurai une confiance inébranlable dans le secours du Sacré-Cœur.

Je sens ma confiance s'accroître et cependant je vois des vocations se perdre autour de moi. Notre-Seigneur les remplacera. Notre force est dans l'union de ceux qui sont dévoués à l'œuvre.

Je rencontre le clergé du canton chez M. l'archiprêtre⁷⁰⁾. Il se montre plus sympathique qu'il ne l'était depuis quelques années. J'en remercie Notre-Seigneur.

Epiphanie. Notre-Seigneur m'aide beaucoup aujourd'hui. Il m'éclai­re sur mes faiblesses passées et m'en donne un profond repentir. Il me 82 rend une grâce d'union que je n'avais plus depuis longtemps au même degré.

Je voudrais posséder les dispositions suivantes qu'exprimait le saint père Muard⁷¹⁾ au jour de son ordination: «Aimer Dieu de toutes les puis­sances de son âme, et croître tous les jours dans ce saint amour, persévé­rer courageusement dans la pratique de tout ce que l'on a entrepris pen­dant la retraite; faire son oraison tous les jours sur les mystères de Notre­-Seigneur; réciter son bréviaire avec la ferveur la plus grande; offrir le saint sacrifice avec l'ardeur d'un séraphin; pratiquer quelques mortifica­tions même corporelles, tous les jours; faire ses actions dans un ordre parfait, ne pas perdre un seul instant; avoir un zèle de feu pour la gloire de Dieu, pour le salut des âmes; être plein d'humilité, de douceur, de prudence et de modestie. Voilà quel doit être le prêtre» 83.

Les protecteurs et amis de l'œuvre nous demeurent bien sympathi­ques. Le cardinal de Reims «bénit paternellement le cher fondateur et toutes les œuvres entreprises». Mgr de Soissons «bénit tous ceux qui vi­vent et veulent vivre davantage encore de la vie du Sacré-Cœur». Mgr de Verdun «bénit la fervente communauté». Le R.P. Modeste⁷²⁾ «prie le Seigneur de bénir et faire croître en ferveur et en nombre la chère peti­te société des Prêtres du Sacré-Cœur». Le vénérable Père Abbé du Mont des Cats⁷³⁾ «souhaite à l'œuvre toute prospérité et voudrait voir en elle cet ordre qui doit enflammer tous les autres». Puissent ces béné­dictions et prières nous aider et nous fortifier!

J'admets deux dames à l'agrégation. Ces âmes généreuses du monde nous prêtent un puissant concours.

Mort rapide d'une soeur de ma mère. J'ai maintenent là-haut plus de parents et d'amis que sur la terre.

Je suis frappé de l'analogie des grâces du P. Muard avec les nôtres. C'est le Cœur de Jésus qui le presse de faire ses fondations. Il fit de ses missionnaires de 84 Saint-Edme des Prêtres du Sacré-Cœur. Il leur donna l'esprit de victime et d'immolation. Il fit de ses Bénédictins com­me un ordre du Sacré-Cœur, avec un mélange de vie active et contem­plative, et l'esprit de réparation, pour «dédommager Notre-Seigneur des outrages qu'il reçoit de la part des pécheurs et surtout des personnes qui lui sont spécialement consacrées».

Cérémonie funèbre au Nouvion. Toute la famille de ma mère est là ensevelie au cimetière. Quel avertissement!

Je comprends, comme le remarque Sainte Thérèse, que l'âme souffre tant qu'elle se partage entre Dieu et les créatures. Dès qu'elle se donne tout entière et généreusement, elle est heureuse et les sacrifices lui sont doux.

Le P. Muard à 37 ans déplorait le mélange de tiédeur et de ferveur dans lequel il avait passé déjà une si grande part de sa vie et voulait défi­nitivement se faire saint. Ne le voudrai-je pas aussi? 85.

Saint Canut. Je suis frappé de la bénédiction qui est attachée pour les nations au gouvernement légitime, fut-il imparfait. En France, Jean-le­bon, Charles VII, Henri IV, Louis XVIII relèvent la France, quoique personnellement défectueux. Justitia elevat gentes (Pro 14,34).

Saint Sébastien, le fier et aimable martyr. Ces grands martyrs de Ro­me ont une mission de protection pour toute l'Eglise. Ce sont de puis­sants amis du Cœur de Jésus. Je les invoque pour notre chère œuvre.

J'achève la vie du P. Muard, en religion, P. Marie Jean-Baptiste du Cœur de Jésus. C'est encore un saint du Sacré-Cœur. Il doit être un ami de notre œuvre.

Cérémonie funèbre à la basilique pour les morts du 19 janvier 1871⁷⁴⁾. Ces cérémonies font froid à l'âme. Le monde officiel est là comme par grâce et s'y ennuie. Les soldats quittent et vont boire, les sociétés diver­ses ont un ton déplorable 86. Les lycéens font les esprits forts. Et tout ce monde est baptisé!

Saint Polycarpe. Saint Jean, bénissez cette maison. Donnez-lui l'esprit de Saint Polycarpe et de vos disciples, l'esprit de foi, de simplici­té, de pureté, de charité.

Saint Chrysostome. L'Eglise avait à peu près achevé de purifier et de régénérer la civilisation romaine et grecque, quand les barbares sont ve­nus. Quels beaux fruits elle avait tirés de cette civilisation! Les grands et nobles martyrs de Rome, les docteurs, les pères du désert!

Saint François de Sales. Je dois veiller à mes dispositions intérieures plus qu'à toute autre chose. Je ne devrais me livrer à aucun travail, à aucun ministère, sans m'être établi dans les meilleures dispositions intérieures et dans l'union avec Notre-Seigneur.

Des travaux de construction s'achèvent à l'Institution. Je regrette que cette maison n'ait pas un cachet qui nous soit propre. J'ai pris M.C. pour 87 architecte parce qu'il avait ses enfants élèves dans la maison, mais il manquait de goût. Je voudrais voir à nos maisons un air reli­gieux, simple et digne. Je voudrais adopter de préférence un style des âges chrétiens, le XIV^e siècle par exemple pour les habitations, le gothi­que ou la forme de basilique pour les chapelles.

Une lettre d'un de nos Pères de Lille toute remplie de mauvais esprit arrive à un professeur de Saint Jean. Quel sujet de tristesse! Nous offen­sons le Cœur de Jésus, au lieu de le consoler.

J'ai lu l'ouvrage «La France juive»^75). C'est l'œuvre d'un journali­ste, le ton en est forcé et violent, mais au fond c'est rempli d'idées justes. Les juifs, avides et sans scrupules, ont conquis la prédominance en Fran­ce et en Europe par l'argent. Ils tiennent la presse, ils mènent l'opinion, ils soutiennent la franc-maçonnerie et ils ont la main dans toutes les per­sécutions religieuses et les menées révolutionnaires 88.

Je passe la soirée avec Mgr Lecot⁷⁶⁾, évêque de Dijon. Il me parle de ses maisons d'éducation, de l'école Saint-Ignace, dirigée par M. de Bretenières⁷⁷⁾, ou règne beaucoup de piété et d'union chez les maîtres; d'un pensionnat de Beaune où 5 ou 6 prêtres tiennent 50 pensionnaires, vivant constamment avec eux et en conduisant un grand nombre au grand séminaire.

Ad te, Domine, levavi oculos meos (Ps 122,1). Les psaumes répondent à tous les états d'âme. Quelques-uns m'aident spécialement en ces temps de ténèbres et d'épreuves. Je ne puis lire, sans être ranimé, les deux psaumes Ad te levavi (Ps 122) et Benedicam Dominum in omni tempore (Ps 33).

Anniversaire de la mort de mon père. Bien des morts m'avertissent depuis quelques années que mon jour est proche. Je redoute ce jour, j'ai tant offensé Dieu! J'ai été si ingrat! Je m'humilie et 89 j'implore mon pardon.

La disposition intérieure que Notre-Seigneur veut de nous est bien celle de victime du Sacré-Cœur. C'est celle qu'il encourage, bénit et fé­conde. Victime du Sacré-Cœur dans la régularité, dans la fidélité, dans les travaux, dans le zèle et dans une affectueuse compassion.

J'ai l'occasion de relire l'histoire de la Renaissance au XV^e et au XVI^e siècle. Quelles moeurs étranges! Que de concessions les Papes eux­mêmes font au goût littéraire! Ils ont pour secrétaires des Aretin et des Guichardin. - Et les princes! Ils flattent Ronsard, l'Arioste et tant d'autres. Pétrarque et même Rabelais sont du clergé! Quelles aberra­tions!

Ma pensée est reportée à Rome tous ces jours-ci par la lecture de la vie de Wibaux. Je revois en esprit les pieux zouaves que j'ai connus, Guille­min, le martyr de Montelibretti, Wiart devenu trappiste 90, Wibaux, mort jésuite, de Goutepagnon. Leur présence relevait les fêtes des 11 avril et 29 juin 1867. Ils étaient beaux dans leur patience et leur foi héroïque après Mentana, quand ils soignaient leurs blessures dans les hôpitaux⁷⁸⁾.

Le souvenir du vén. Claude de la Colombière, qui est entré dans l'éternité le 15 février, m'apporte encouragement et espérance. Je le prie pour l'œuvre dont il est de droit un des protecteurs. Nous avons tant be­soin d'être aidés!

Je donne au Cerclc Saint Joseph une conférence sur Londres. C'est un moyen d'apostolat. L'enseignement religieux se distribue sous le couvert d'un récit de voyage.

J'étudie l'histoire des doctrines sur l'éducation. Il y a là un fait un peu étrange. Quelques-uns des Pères, surtout les Pères grecs, comme Saint Basile, Saint Grégoire de Nazianze louent la culture des au­teurs 91 profanes. Ils voient là une préparation à la science sacrée, en choisissant toutefois les auteurs; et dans la littérature, une parure pour la vérité. - D'autres Pères, Saint Augustin et Saint Athanase en particu­lier, expriment un profond dédain pour la littérature païenne.

Même étude. Quel triomphe de l'Eglise dans l'éducation! Après la grande école scolastique, elle a eu dans ces derniers siècles, les jésuites, les oratoriens, Rollin et l'Université de Paris, les bénédictins. Les grands précepteurs, Bossuet, Fénelon, Fleury. Que peut-on lui opposer? Abélard? Rabelais? Montaigne? Encore ceux-là ne sont-ils pas autre chose que les enfants terribles de l'Eglise. Il ne reste plus que Jean­Jacques Rousseau. Eh bien! il vaut encore mieux que les francs-maçons d'aujourd'hui, qui ne sont même pas déistes.

Mes malaises d'estomac deviennent habituels 92. Je suis rarement sans souffrances. Fiat! Ce sont des avertissements. Je désire vivre et mourir en victime du Sacré-Cœur.

J'apprends les tiraillements et les épreuves de l'Université de Lille. J'aurais fait là quelque bien, non sans souffrances, mais combien est plus grande l'œuvre de réparation, si j'ai la grâce d'y demeurer fidèle.

Je suis incapable de faire le carême, c'est un sacrifice. Les croix et les peines morales ne manquent pas. J'aspire de toutes mes forces après une union plus grande avec mon Jésus.

Le Bulletin de la Garde d'Honneur donne un article lumineux et tou­chant pour nous sur la mission des Filles du Cœur de Jésus, qui s'immo­lent pour les prêtres. Les prêtres saints sont l'instrument du salut. Ils sont obtenus par les âmes victimes.

Les Etudes ecclésiastiques ont aussi un article sur l'esprit d'immola­tion. J'y lis cette pensée qui s'applique si bien à notre vocation: 93: «L'Esprit de Dieu pousse des âmes généreuses à s'offrir en victimes, non seulement pour l'Eglise en général, mais spécialement pour la sain­teté du clergé et le fruit de ses travaux. Vous laisserez-vous vaincre en générosité par elles?».

Souffrances morales habituelles. Peu d'union autour de moi, peu de vie surnaturelle dans l'œuvre et en moi-même. Domine, adjuva nos! (Ps 43,26).

Ouverture du mois de Saint Joseph. Même tristesse. Ne devrais-je pas restreindre tous les travaux qui m'éloignent de notre but intérieur et chercher à avancer surtout dans l'esprit de notre vocation?…

Saint Joseph est un patron et un modèle pour la vie d'immolation et de réparation. Comme il a été fidèle, assidu auprès de Notre-Seigneur, aimant, compatissant, uni à Jésus!

Etude sur les beautés littéraires de l'Ecriture. C'est la plus grande des épopées. Elle chante 94 le Christ, sa préparation, sa conquête. Elle annonce son triomphe définitif…

1^er vendredi. Messe au Couvent. Visite de Catherine Filjung (Fill­jung)⁷⁹⁾ qui a fondé une œuvre et une communauté à Biding (Lorraine). Sa vie est bien extraordinaire. Elle a des extases et les stigmates. Qu'en sera-t-il? Son but se rapproche du nôtre. Elle a bâti un couvent plus beau que mon pauvre Saint Jean.

Etude sur la littérature. Le V^e et le XVII^e (sic!) siècles nous montrent le génie grec et romain baptisé et purifié. Le XIII^e nous montre le génie des peuples nouveaux s'élevant directement vers l'idéal chrétien sans passer par la civilisation païenne. Cette civilisation païenne apportait du travail acquis et le génie de peuples bien doués par la nature, mais elle apportait aussi un courant de vues et de formes terrestres et sensuelles.

Saint Thomas d'Aquin. Le génie le plus complet et le plus vaste que l'histoire nous présente 95. Il occupe avec Saint Augustin les sommets de l'esprit humain. Je lui demande qu'il m'obtienne de Notre-Seigneur quelque chose de sa pureté, de sa logique, de son amour pour l'Euchari­stie.

Beati mundo corde (Mt 5,8). Cette pensée est celle qui m'aide le plus de­puis quelques jours. Le Cœur de Jésus désire chez nous une grande pu­reté de cœur, une grande délicatesse de conscience. Il veut nos cœurs, mais il les veut purs. Il veut y habiter, comme en un sanctuaire.

Notre œuvre s'affermit et s'organise, mais nous devons veiller davan­tage au recrutement et à la formation des sujets. Mieux vaut un recrute­ment plus lent, avec des sujets mieux doués et mieux formés.

Voyage à Soissons. Obsèques de M. Guyart⁸⁰⁾. La pensée de la mort m'est maintenant très habituelle. Je sens que je n'aurais plus longtemps à vivre si Notre-Seigneur ne me 96 conservait, dans son infinie miséri­corde, pour attendre ma conversion.

Mgr déclare à M. l'archiprêtre qu'il m'aurait pris pour vicaire géné­ral si je n'étais pas engagé dans l'œuvre du Sacré-Cœur. J'ai fait depuis longtemps le sacrifice de toute carrière honorifique. Je le renouvelle.

Bonne fête de Saint Joseph, calme et pieuse. Souvenir très vivant de ma mère, dont c'est l'anniversaire.

Je lis Mgr Gay: Les mystères du rosaire. Je l'ai connu peu enthousia­ste pour la dévotion au Sacré-Cœur. Aujourd'hui, il dit dans ce livre qu'elle est «le soleil de notre époque et qu'elle promet d'en être le salut».

Voyage à la Capelle. Anniversaire de l'enterrement de ma mère. Je vends â mon frère ma principale propriété pour payer quelques dettes de l'œuvre⁸¹⁾. C'est encore un 97 sacrifice pour cette chère œuvre, à la­quelle j'ai tant donné.

Après plusieurs renvois d'élèves, qui ont eu lieu ces jours-ci, je remar­que un retour sensible de plusieurs vers la piété et le bon esprit. Puissé-je soutenir et aider ce retour!

44^e anniversaire de mon baptême. Jour de rénovation. Je relis et mé­dite le pieux exercice de Sainte Gertrude sur le baptême. Delicta juventutis meae et ignorantias meas ne memineris, Domine (Ps 24,7). Je redis mon Ecce ve­nio (Ps 39,8 et Heb 10,7 et 9). Je veux vivre et mourir pour l'œuvre du Sacré-Cœur. Je m'y donne tout entier. Rien que de l'avoir désirée et y avoir travaillé serait un titre à être bien accueilli de Notre-Seigneur.

Ecce venio (Ps 39,8 et Heb 10,7 et 9) - Ecce ancilla (Lc 1,38) Jour plein de grâces et de mystères pour l'œuvre. Fête de l'oblation de Jésus et de Marie. - Cinquantenaire de naissance et de baptême de la Chère Mère Supérieure 98⁸²⁾.

Je reçois des notices et la promesse d'une union de prières de l'associa­tion des Victimes du Sacré-Cœur de Bordeaux. Je retrouve là le même esprit qui nous dirige, mais avec un excès d'imagination tout méridio­nal…

J'étais poursuivi à Rome (de 1869 à 1871) par la pensée de former une congrégation d'étude, avec son centre à Rome et le 4^e voeu de soutenir les doctrines romaines, même non définies comme de foi. J'en avais par­lé à plusieurs hommes éminents: à Mgr Mermillod (en 1870) à Mgr Bar­tolini, au Card. Pitra (en 1871); ils approuvaient ce projet. Je prenais des notes sur les motifs qui justifiaient cette œuvre et sur les travaux à faire⁸³⁾.

Notre-Seigneur m'a demandé une autre œuvre mais nous pouvons unir les deux buts: l'étude selon l'esprit de Rome et la réparation au Sacré-Cœur de Jésus - La vérité et la charité ont été les deux grandes passions de ma vie, et je n'ai qu'un désir, c'est qu'elles soient 99 les deux seuls attraits de l'œuvre que je laisserai, s'il plaît à Dieu.

La présidence d'examens de mes écoliers m'amène à relire quelques classiques. Décidément je boude le romanisme de ces derniers siècles, mê­me celui du XVII^e, qui est cependant un grand siècle. J'en veux aux Mé­dicis d'avoir reconquis la France au profit des Romains. Il y avait quelque chose à emprunter aux classiques, pour la littérature et pour l'art. Notre Moyen-âge manquait de formes surtout pour les lettres, mais on est retourné trop en arrière. L'art gothique était né chrétien, il était pur de tout alliage. La Renaissance, à tous ses degrés, sentira toujours le pa­ganisme.

Jeudi-saint. Communion générale. Les élèves n'ont pas encore la pie­té que je voudrais.

Vendredi-saint. Il m'est pénible d'avoir en un pareil jour tant d'occu­pations profanes. Ce serait cependant bien bon que ces jours-­là 100 quelques prêtres fussent entièrement voués à la réparation et aux actes de la vie intérieure.

Saint Léon. Mon souvenir se reporte à Rome au cinquantenaire de Pie IX et aux belles fêtes du Patronage Saint Joseph.

Messe à Montmartre. On fait à la sacristie la propagande des feuilles de Mgr Gay pour les prêtres⁸⁴⁾.

Messe à la communauté de la Réparation, rue d'Ulm⁸⁵⁾. Je demande à la Rév. Mère Supérieure l'union de prières. Visite à Mgr Gay, qui est toujours bienveillant, pour notre œuvre.

Voyage à Lille. Visite aux pieux sanctuaires d'Arras: Notre-Dame des Ardents. Précieuses reliques à la chapelle de l'évêché: la tête de Saint Jacques le majeur, le corps de Saint Waast, le rochet de Saint Thomas de Cantorbery.

Je passe deux jours à Lille. Quelques traces de mauvais esprit m'at­tristent. Il y a cependant un groupe excellent 101.

Sittard. Quelques découragés à relever. L'œuvre aurait un essor faci­le du côté de l'Allemagne, mais le but premier ne serait-il pas oublié pour l'apostolat des missions?

Sainte messe à Notre-Dame du Sacré-Cœur. Il y a eu évidemment un dessein de la Providence dans ce voisinage pour notre noviciat.

Pèlerinage à Saint-Hubert. J'aime ce site austère dans les profondeurs de la forêt d'Ardenne, avec cette vaste abbaye bénédictine, reconstruite au temps de Louis XV et cette église du XV^e siècle, dénaturée au XVIII^e. Mais comme ce sanctuaire nu et vide est glacial, malgré les grands souve­nirs et les reliques de Saint Hubert. Comme cette abbaye transformée en maison de correction laisse deviner quelque grande justice de Dieu!

M. Vincent, vicaire général est mort. Il devait s'unir à nous. S'il était venu, disait la Soeur, il se serait guéri. En ne venant pas, il devait rester impuissant 102. De fait, il est resté six ans dans l'impuissance, n'allant que de son lit à son bureau. Je ne juge pas, je constate⁸⁶⁾.

Obsèques de M. Vincent à Vervins. Mgr loue sa charité et rappelle qu'il voulait faire partie d'une association de prêtres dont le but est la méditation des amabilités du Sacré-Cœur et l'apostolat sous les auspices du Sacré-Cœur. Cette déclaration de Mgr est une manifestation en fa­veur de l'œuvre.

Le Bulletin de la Garde d'Honneur me fait connaître une association analogue à celle de nos agrégés, c'est la Ligue sacerdotale de réparation, qui a son centre à l'église Saint-François d'Assise de Turin. Léon XIII l'a approuvée par bref du 25 février 1885. Les membres de la ligue di­sent une messe réparatrice par mois.

Je comprends mieux la part de Marie à la rédemption. Elle est dans un ordre distinct de celui de tous les saints, elle est 103 corédemptrice. Elle est notre mère spirituelle, comme Eve est notre mère naturelle. Elle nous a engendrés à Nazareth et au Calvaire. Les autres saints intercè­dent pour nous, mais elle nous sauve et nous sanctifie avec Jésus.

Fête de la Sainte Croix. L'amour ne va pas sans la croix. Quelques­uns chez nous ont donné autrefois dans le quiétisme. Ils cherchaient l'amour consolateur sans la croix. J'en fais amende honorable à Notre­-Seigneur.

Les épreuves ordinaires de la vie m'ont assailli depuis dix ans: incen­die de la maison, perte des proches, maladies, grandes pertes d'argent, humiliations et le reste. La plus pénible est l'aridité avec une extrême faiblesses et des tentations violentes que je subis surtout depuis un an.

Journée de sollicitudes temporelles et de craintes poignantes. Les échéances des principaux paiements pour l'institution approchent et les ressources manquent. Je n'ai de répit 104 que dans l'abandon à Notre-Seigneur.

Fête de Saint Jean et 1^er vendredi. Ces pieuses fêtes apportent toujours à l'œuvre un secours sensible, un accroissement de force et de ferveur, souvent aussi une épreuve salutaire.

Bonnes nouvelles de Rome. Le P. Eschbach⁸⁷⁾ va prendre en mains notre cause. Il aura à cœur de nous faire obtenir un Bref laudatif.

Mgr est tout prêt à aider aux démarches nouvelles que nous ferons à Rome. Nous allons chercher à faire revenir le noviciat dans le diocèse⁸⁸⁾.

Le Bulletin de Montmartre cite un discours de Mgr d'Hulst, qui si­gnale le mouvement général de la piété vers l'esprit de réparation et le succès de toutes les œuvres qui ont ce but⁸⁹⁾.

Une lettre de la Mère générale de l'Adoration réparatrice nous offre l'union de prières. C'est une nouvelle source de grâces et de con­fiance 105.

Un journal de prêtres révoltés annonce son apparition. Comment consoler Notre-Seigneur de ce scandale? Par un redoublement de fer­veur et de piété sacerdotale.

L'association réparatrice sacerdotale de Turin se développe. Elle s'ap­puie sur des révélations. Elle compte déjà des évêques et beaucoup de prêtres. La circulaire de Mgr Gay lui a servi de base.

Le psaume 102 me console après bien des faiblesses: Non secundum pec­cata fecit nobis - Miseretur Pater filiorum - Ipse cognovit figmentum nostrum - Recordatus est quoniam pulvis sumus (Ps 102, 10-13/14).

Nouvelles de Ferney. M. Galley (un des prêtres de la Mère Véroni­que) a là des vues pour nous sur le collège, qui pourrait devenir une œuvre de la Congrégation.

Le Bulletin de la fédération du Sacré-Cœur fait connaître l'enthou­siasme que soulève cette belle dévotion dans la République de 106 l'Equateur. On désire là des missionnaires français qui aillent se dé­vouer à la formation du clergé dans l'Amérique du Sud.

Lettre excellente de Mgr l'archevêque de Cambrai⁹⁰⁾ pour demander au Saint-Père notre Bref laudatif.

Pentecôte. Consécration de l'église de La Capelle. Quelle touchante cérémonie! Quelles pensées sublimes! Quelle sève mystique! - Fiat hic tibi semper devotum servitium et devota libertas! Comme ces solemnites de­vraient renouveler une population! Il faudrait toujours les préparer par une mission. Que cette population est froide! Que de grâces perdues!

Visite à Etaves, pieuse paroisse où le Sacré-Cœur exerce sensiblement son influence. La Chapelle de Beautroux peut devenir un gracieux petit prieuré pour le noviciat…

Lettre du Val-des-Bois. Projet de prendre 107 là l'aumônerie et d'y fonder un alumnat⁹¹⁾.

Lettres de Mgr Mermillod, de Mgr Gay, et des évêques de Grenoble, de Châlons et de Beauvais demandant au Saint-Siège notre ap­probation⁹²⁾.

Enterrement d'un parent à Marle; nouvelle leçon de la mort. Comme je voudrais écrire quelques livres à la louange du Sacré-Cœur! Notre-­Seigneur m'en donnera la grâce un jour.

l^ère communion à Saint-Clément. Quelques petites âmes sont admi­rablement disposées. Leur prière nous aidera.

Lettres des évêques de Mende et de Limoges⁹³⁾.

Fête du Sacré-Cœur; belle cérémonie au couvent où ma pupille Ma­ria Scherer reçoit le voile. Son frère ne lui a pas fait la gracieuseté d'y as­sister.

Une dépêche des nôtres m'appelle à Lille pour l'achat d'une maison. J'incline à cet achat dans l'espérance d'avoir à Lille une chapelle d'adoration 108.

Je reçois une lettre bien dure de mon frère au sujet de la propriété de Wignehies que j'ai vendue. J'offre cette humiliation pour le règne du Sacré-Cœur.

J'envoie à Rome mes dix suppliques épiscopales pour l'approbation. Mgr de Reims m'invite à le voir avant son départ pour Rome. Il nous y aidera verbalement. C'est un véritable ami⁹⁴⁾.

l^er vendredi. Notre-Seigneur me laisse toujours sentir sa grâce ces jours-là, malgré mon peu de générosité. Lettres des évêques de Dijon et d'Annecy⁹⁵⁾.

Départ du P. Charcosset⁹⁶⁾ pour le Val-des-Bois. J'attends de cette fondation bien des avantages pour le développement de l'œuvre.

Lettre importante de Mgr de Soissons au Card. Secrétaire du Saint­Office pour lui demander que nous soyons autorisés à suivre la voie 109 ordinaire pour l'approbation de l'œuvre. Que Notre-Seigneur bénisse cette lettre!

Lettres des évêques de Vannes et de Toulouse⁹⁷⁾. C'est maintenant un grand fait acquis pour l'œuvre que ces suppliques d'une vingtaine d'éve­ques. Travail pour mon discours de distribution de prix. Promenade à la colline de Tout-Vent pour chercher la meilleure vue de Saint-Quentin. Quelle souffrance de voir ces populations des faubourgs, privées de vie chrétienne, sales, grossières, misérables!

Lettres des évêques d'Autun, de Nîmes, de Ruremonde⁹⁸⁾. Celui-ci constate que nos jeunes gens ont édifié son diocèse. L'action divine dans l'œuvre a été sensible partout. Travail littéraire. L'histoire me fournit mille lumières et encouragements pour ma foi. Comment n'éclaire-t-elle pas les hommes d'étude sur les bienfaits du christianisme? 110 Notre-­Dame du Mont-Carmel. Souvenir des grâces que j'ai reçues de Marie. Elle m'a guéri au moins deux fois, au Carmel en Syrie et à Rome. Je ne lui suis pas assez reconnaissant.

Lettre de Mgr. de Lyon⁹⁹⁾. Je préside la séance trimestrielle de la con­férence de Saint-Vincent de Paul. Ces œuvres d'hommes, d'une impor­tance sociale si grande, sont peu vivantes à Saint-Quentin. On se plaint des ouvriers, et qui s'occupe d'en faire des chrétiens?

J'apprends l'horrible suicide de Léon Bachelard¹⁰⁰⁾. Quel sujet de re­flexions! Cet enfant a eu bien des grâces, il n'a pas toujours été édifié. Quelle sera son éternité?

Distribution des prix. Succès extérieurs. Succès aux examens. Dixiè­me anniversaire du commencement de l'œuvre. En 1877 à pareil jour, je finissais ma retraite et la composition des règles. Seigneur, pardonnez­moi toutes les fautes qui ont retardé votre œuvre 111.

Expédition de lettres nombreuses. J'y veux mettre toujours édification et charité. Départ pour Lourdes. J'ai la confiance que la très Sainte Vierge me rendra dans ce pèlerinage bien des grâces perdues.

Commencement de ma retraite. Le 10, journée à la grotte dans la priè­re et la méditation. Puisse je imiter désormais la modestie, l'humilité, la piété de Marie! - Soli Deo et angelis ejus opta familiaris esse. Je lis avec édifi­cation une brochure sur l'esprit d'immolation que doivent avoir particu­lièrement les supérieurs. - Je fais doucement les exercices de Saint Ignace. Je célèbre ordinairement la messe à la basilique. Mais le 12, fête de Sainte Claire, je la dis aux Clarisses. Je m'adresse pour la confession au Père supérieur des missionnaires. Je me baigne à la piscine et j'ai grande confiance dans les fruits de cet acte de foi 112. Je termine ma retraite à la belle fête du 15. Je m'attache pour toujours à Jésus et à Ma­rie, et je désire me détacher de plus en plus des créatures.

Nous commençons plusieurs jours d'excursions. Nous allons à Luz et à Barèges. Ascension du Pic-du-Midi: panorama des Pyrénées. Que nous sommes petits et que Dieu est grand! Excursion à Saint-Sauveur et au Cirque-de-Gavarnie: beautés naturelles qui disent magnifiquement la puissance et la grandeur du Créateur.

Pèlerinage national: dix mille pèlerins, mille malades. La prière rem­plit ces journées. La foule prie avec foi, avec émotion, avec une confian­ce presque haletante. Les guérisons se multiplient: un jeune aveugle, une poitrinaire, etc… Les brancardiers sont admirables de charité.

Bétharam (Bétharam). Le souvenir de mon père et de ma mère m'ac­compagne le long de ce chemin de croix 113, qu'ils ont fait autrefois avec moi. Je prie ma mère de m'aider, elle doit être auprès de Dieu.

Départ de Lourdes. Il m'en coûte de m'éloigner de cette source de grâces. J'ai la confiance d'y avoir trouvé la guérison de plus d'une plaie de mon âme.

Messe à Saint-Cernin. Non est locus in orbe sanctior. Quelle abondance de reliques! La plupart des apôtres ont là des reliques insignes données par Charlemagne. Je célèbre la messe à l'autel de Saint Thomas d'Aquin, auprès de son corps. - Excursions à Notre-Dame d'Alet pieu­se résidence des Prêtres du Sacré-Cœur et à Pibrac où nous vénérons le corps de Sainte Germaine et sa maison.

Carcassonne: visite de la cité. J'aime la croix et la chapelle du pont, et les belles églises où semble régner la piété.

Murat. Notre-Dame des Oliviers. La belle vierge domine bien ce beau site. Bonne rencontre d'un capitaine en retraite, ancien conféren­cier de Saint-Quentin. - Clermont-Ferrand: la cathédrale et l'église 114 de Notre-Dame du Port m'intéressent vivement, mais ce qui me touche le plus, c'est une visite au pieux abbé qui écrit si bien sur la vie de victime et qui met si bien en pratique ce qu'il écrit¹⁰¹⁾.

Paray: Sainte messe à la Visitation. Je remercie le Sacré-Cœur de m'avoir encore amené à cette source de grâces. - Le Puy. - Ce site me ravit. Je prie avec émotion Notre-Dame de France et Saint Michel. La vieille France revit dans mes souvenirs.

Lyon. Sainte messe à Fourvières. La nouvelle église sera bien riche. Pèlerinage à Saint-Irénee et à la tombe du P. Chevrier.

Je revois Bourg (en Bresse), la belle église de Brou et ses tombeaux, et la chapelle de la Garde d'Honneur. J'ai dit la messe à la Visitation. Di­jon. Déjeuner chez Mgr Lecot. Pèlerinage à Saint-Bernard avec M. de Bretenières. Visite à Saint-Remy où s'est révélé le Cœur de Jésus­pénitent: impression favorable¹⁰²⁾. Retour par Montmartre 115.

Bénédiction de notre petit noviciat à Beautroux. Chapelle dédiée au Cœur-pénitent¹⁰³⁾.

Reims. Visite au Cardinal. Il promet de nous aider à Rome et trouve que nous marchons maintenant bien pratiquement¹⁰⁴⁾.

Retraite générale prêchée par le P. Lacour. Jours de grâces. La retrai­te est menée avec énergie et pratiquement. Nous avons besoin de nous réformer pour la piété, l'obéissance, la mortification. -je comprends et je goûte mieux les exercices de Saint Ignace: le fondement de la morale; le repentir, la conversion (vie purgative); l'étude de Jésus-Christ pour l'imiter (vie illuminative); les méditations qui excitent et affermissent la volonté (le règne, les étendards, les classes); et enfin l'union avec Notre­-Seigneur¹⁰⁵⁾.

Cérémonie de profession et rénovation des voeux, présidée par Mgr Mathieu¹⁰⁶⁾.

Ordination à Soissons. Nous avons deux prêtres et deux diacres¹⁰⁷⁾. - Le lendemain, première messe du P. Polycarpe à Saint Jean: belle solennité 116.

Je prêche à Athis la retraite des instituteurs adjoints aux Frères des Ecoles Chrétiennes. Ma santé m'y donne de grandes craintes. J'y crache le sang. Cependant j'achève ma tâche. Les jeunes gens font bien les exercices. Le frère Exupérien, assistant général et le frère directeur des exercices m'édifient par leur piété et leur esprit d'immolation¹⁰⁸⁾.

Visite à Chateauneuf-sur-Loire pour m'entendre avec les propriétai­res de Beautroux. Belle propriété où a vécu Saint Louis¹⁰⁹⁾. Saint-Benoît­sur-Loire. Quelle grandiose église que cette vieille abbatiale du XI^e sie­cle! Porche à trois nefs, choeur immense entre deux transepts, comme à Saint-Quentin; stalles du XV^e siècle à figures grotesques. Trois bénédic­tins gardent encore ce tombeau. Le plus grand bienfaiteur de la France a voulu venir reposer au cœur de la France, et la France le délaisse!¹¹⁰⁾.

Fête du Saint-Rosaire. J'aime davantage cette dévotion depuis mon séjour à Lourdes 117.

Rentrée superbe à Saint Jean. Soixante nouveaux au moins. La jalou­sie du lycée et de ses partisans est surexcitée. Leurs journaux donnent. Faisons le bien modestement.

Je fais lire la vie de Garcia Moreno¹¹¹⁾, le vengeur du droit chrétien. Puissent mes enfants se pénétrer de cet esprit et contribuer plus tard à rétablir dans notre France le règne de Notre-Seigneur.

Voyage à Paris. Séjour au Couvent de l'Adoration réparatrice. J'y prêche la fête de Sainte Thérèse. Cette maison fait un grand bien aux âmes qu'elle attire par ses associations et ses retraites.

Fête de la Bienheureuse Marguerite-Marie. Notre-Seigneur m'aide beaucoup tous ces jours-ci et me fait voir que la tiédeur me conduisait à ma perte. C'est à Notre-Dame de Lourdes que je dois ce réveil. Puissé-je demeurer désormais dans l'humilité, le recueillement, la mortification, l'union avec Notre-Seigneur.

20-22 octobre

Retraite des élèves de Saint Jean, prêchée par le P. Le Tallec. Les en­fants sont très 118 impressionnés. J'espère que cette retraite portera beaucoup de fruits. Mgr de Soissons préside la clôture.

Le soir, dîner avec Mgr de Soissons et les évêques de Châlons et de Paneas. Celui-ci me parle de l'Orient. Son diocèse subit la propagande protestante et n'est pas aidé par les missions latines.

Bonnes nouvelles de Rome. Les Pères de Santa-Chiara et le card. Langénieux m'annoncent que notre dossier peut être présenté à la Con­grégation des évêques et réguliers, et qu'il y recevra bon accueil.

Pèlerinage de Saint-Quentin. Je suis frappé de cette pensée de Saint Basile: Martyris ossa quisquis attigerit ob gratiam corpori insidentem fit quadamte­nus sanctificationis particeps. - Le peuple de Saint-Quentin devient de plus en plus grossier, insolent, corrompu. Cette ville deviendra inhabitable, si les œuvres catholiques n'y portent pas remède 119.

Mgr de Châlons¹¹²⁾ fait le discours d'apparat. J'aime à l'entendre dire que la France, le peuple missionnaire, c'est l'âme de Saint Paul vivant dans une nation; puisse notre chère œuvre être l'âme de Saint Jean vi­vant dans une congrégation! - Il dépeint bien les quatre évangiles: Saint Mathieu résume les discours, les paraboles et les miracles - Saint Marc, secrétaire de Saint Pierre, donne la théologie de l'Eglise: la bar­que agitée, le renoncement et la triple confession de Pierre, etc. - Saint Luc, le styliste, l'élève des écoles d'Antioche, a de charmants tableaux: la sainte famille, l'enfant prodigue, etc. - Saint Jean est le sublime théologien. Il explique l'Incarnation (ch. 1), l'Eucharistie (ch. VI)…

J'ai l'occasion de lire une lettre intime de Spuller¹¹³⁾ à Lavisse¹¹⁴⁾. Ces hommes, intelligents du reste, sont loin de la vérité complète. Ils voient dans les progrès de l'instruction et de l'armée des sujets d'espérance, mais la religion? mais les moeurs? mais les finances? Il nous faudrait 120 un nouveau Bossuet dans notre épiscopat pour enseigner la vraie politique.

Réunion d'anarchistes aujourd'hui à Saint-Quentin. La nuit, on les entend projeter quelque chose contre notre maison et dire entre eux: «Chez Dehon!» Je ne regrette pas d'être visé par les ennemis du bien. - Cependant ils ne donnent pas suite à leur projet.

Visite à Lille. Cette maison nous est précieuse pour les études. Je vou­drais donner à chaque sujet le développement dont il est capable. - Comme j'aimerais aussi une maison d'études, un nouveau La Chênaie, avec l'humilité et la docilité à l'Eglise.

Laon, funérailles de Mme Lefèvre. Je prie Notre-Dame de Laon et les saints évêques de Laon. Je m'unis aux pieux pèlerins de Marie et de la sainte Face dans les âges passées.

Je lis ces jours-ci le livre. «Monde et solitude» de Jenny Maria, œuvre délicate de vraie poésie chrétienne 121.

1. Paix et union à N.-S.

2. Les vierges-prêtres

3. L'abandon

4. Confiance pour l'œuvre

5. Prêtres-victimes

7. Sur la croix pour l'œuvre

10. L'abandon - Nos missions

15. La vraie réparation par la croix

17. Réparateurs et victimes

19. Efforts du démon

20. Jours de souffrance

25. Méthode d'oraison

26. Notre but

29. La lère Communion

33. Dénonciation

34. M. Galley - Fr. Pothin

35. M. Grison

38. Retraite

54. Le Chapitre: élections

55. Vœux perpétuels

61. Mgr Pie

81. Résolution

83. Bénédiction

84. Le P. Muard

86. Le style de nos maisons

89. Victime du Sacré-Cœur

91. Malaises de santé

93. Malaise moral

96. Sacrifices d'argent

103. Aridité

103. Difficultés d'argent

105. 100. 104. La circulaire de Mgr Gay à Turin, à Montmartre

108. Préparation du Bref lauda­tif

111. Retraite à Lourdes

115. Retraite générale

118. P. Le Tallec