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4ème CAHIER (12.11.1887 – 17.4.1890)

Voici plusieurs de nos apostoliques reçus au baccalauréat. Nous don­nerons peu à peu aux études l'importance qu'elles méritent dans l'œuvre. Je voudrais une maison d'études à Paris pour préparer les licences et une à Rome pour la théologie. La science n'est-elle pas un des princi­paux moyens d'apostolat? Mes projets d'œuvre d'études, médités à Ro­me pendant plusieurs années peuvent s'allier avec l'œuvre de réparation au S.-Cœur.

St. Stanislas. Les communions de nos écoliers sont nombreuses. Ils gardent bon esprit cette année, les grâces de la retraite agissent encore. Puissions-nous ne pas faire seulement des conservateurs mais de vrais chrétiens!

Je ne puis vivre que dans l'union avec N.-S. Autrement, c'est le dé­sarroi, mon âme est un navire désemparé 1v.

Ste Gertrude. Bénédiction de sa statue et érection d'un chemin de croix à St-Clément. Ce sont de nouvelles sources de grâces pour lesquel­les je bénis N.-S. - Tous les saints honorés dans nos sanctuaires y ap­portent auprès de leur image bénite une influence mystique analogue à celle de leurs reliques ou des pèlerinages institués en leur faveur. - Le pauvre A. D. d'Hirson m'écrit ses luttes pour sa vocation, je ne cesse pas de prier pour lui et d'appeler le ciel à son secours.

Visite à Beautroux et pèlerinage à N.-D. de paix. Je vois régner au noviciat la modestie et l'esprit de travail. Je goûte plus que je ne l'avais fait jusqu'à présent la poésie et le symbolisme des choses de la campa­gne: ces riches plaines, ces meules entassées 2r sont des dons du Créa­teur et symbolisent les moissons et les greniers spirituels; ces hauts peu­pliers sont les arbres fécondés par le passage des eaux; ces chaumières bâties d'argile et couvertes de paille rappellent les vieilles habitations gauloises: l'industrie de l'homme a amélioré les habitations en taillant la pierre, en faisant durcir l'argile par le feu, en effeuillant les ardoises…

Depuis quelques jours je suis poursuivi par le besoin d'affermir ma volonté, de l'exciter sans cesse. Il me semble que bien des âmes se traî­nent sans avancer parce qu'elles ne cultivent pas assez leur volonté. Je trouve cette pensée dans le traité de la vie intérieure (Doctrine spirituelle) du p. Lallemant1): c'est la volonté qu'il faudrait particulièrement culti­ver.

J'ai trouvé un exercice du chemin de la croix disposé pour exciter et fortifier 2v la volonté, c'est une grâce. Je m'en sers et j'engage tout mon monde à s'en servir. Il fera un grand bien chez nous. - Nous inau­gurons aujourd'hui l'étude des cas de conscience alternant avec les con­férences spirituelles. Cela plaît à tous, nous en tirerons profit. - Puisse-je aussi aux conférences spirituelles bien exciter les volontés!

La pauvreté se fait bien sentir. N.-S. nous laisse dans la peine. Nous avons à expier sous ce rapport, je m'humilie et demande pardon pour tout mon monde.

N.-S. demande de nous l'immolation constante ou bien il nous délais­se. Il prend au sérieux notre vocation et notre profession d'immolation. Mais si nous sommes fidèles, il nous encourage et nous soutient. Afferte corda vestra ut in altari Cordis Jesu jugiter immolentur 3r.

Fête de la Présentation. Sainte messe au couvent. C'est le 20° anniver­saire de la 1ère vêture de nos soeurs. Je prie bien là, mais sans y avoir les grâces sensibles que j'y avais autrefois. Fiat voluntas Dei!

J'éprouve un grand besoin de solitude et de recueillement, et com­ment trouver cela au milieu des sollicitudes de ma position? Je ferai mon possible pour le recueillement extérieur et pour le recueillement inté­rieur, je ne puis pas contenter N.-S. sans cela. Notre vie d'union et de réparation l'exige.

Clôture de la retraite à St-Clément. Messe de communion. Visite de Mgr Mathieu. C'est un jour de grâce. C'est le 5e anniversaire de la fon­dation de cette maison, qui a passé, comme l'œuvre par d'étonnantes péripéties 3v. Elle n'a plus les grâces sensibles extraordinaires du com­mencement mais la piété et le bon esprit y règnent.

Je suis incliné à avoir de plus en plus de bonté pour tous. Je vois que par là j'ouvre les cœurs et j'obtiens plus de confiance, que par une direc­tion sévère.

Messe aux Petites Soeurs des Pauvres. J'offre à N.-S. les mérites de ces humbles religieuses et leur confiance en la Providence et en St-­Joseph qui est toute leur richesse.

Je suis incliné à faire un grand nombre de pèlerinages spirituels. Je vais en esprit m'unir aux prières qui se font dans les principaux sanc­tuaires du monde, en Palestine, à Rome, à Lorette, à Lourdes, dans tous les sanctuaires de Marie, et 4r j'ai la confiance d'en rapporter de grandes grâces.

Nous lisons au réfectoire la vie de Garcia Moreno2). Quelle belle figure historique! Quelle belle chose qu'un chef d'Etat chrétien! On lira cette vie et cette lecture aidera puissamment à la destruction du libéralisme et à la restauration du règne social de N.-S.

Nous sommes en France dans le gâchis politique. Les désordres de moeurs et les tripotages financiers des personnages les plus haut placés sont si éclatants que notre public blasé finit par s'en offusquer. Pauvre France! Ceux qui font les prudes ne valent pas mieux que les autres. Tout est cabale et ambition. Ceux mêmes qui devraient être le sel de la terre ne sont-ils pas en grande 4v partie gagnés par la tiédeur et mê­me plus. Nous manquons de saints et d'âmes victimes. Cette pauvre France se relèvera-t-elle? Il nous reste cependant des hommes d'une réelle valeur dans notre monde politique. Je lis et relis aujourd'hui un discours magistral de M. Chesnelong3) proposant la solution monarchi­que.

Le démon ne dort pas. Il se multiplie autour de l'œuvre et ne manque pas une occasion de l'entraver. Il connaît toutes les faiblesses et les ex­ploite. Hélas! il a bien des atouts dans son jeu. Il prend l'un par la sen­sualité, un autre par la jalousie, un autre par la mollesse, un autre par la vanité. Il exploite le découragement et l'illusion. Il provoque les occa­sions. Il organise une vraie 5r campagne contre les vocations qui sont sur le point d'aboutir. - Nous ne luttons pas assez fermement. Nous ne savons pas assez manier nos armes, l'oraison, l'examen, la vigilance, la mortification.

J'assiste au mariage de P.J. - J'y éprouve une tristesse profonde. J'ai toujours pensé que ce jeune homme avait la vocation religieuse. Pourquoi n'y a-t-il pas répondu? Il a trop observé et jugé, et nous ne l'avons pas assez édifié. - Parce Domine (Joël 2,17).

Qui spiritu Dei aguntur, ii sunt filii Dei (Rm 8,14). C'est une lutte qui ne cesse point en nos cœurs entre cet Esprit de Dieu et la nature. Que je voudrais donner définitivement et pour toujours la victoire à l'Esprit de Dieu! C'est à ce prix que j'aurai la paix et la joie 5v.

Pourquoi nos actes diffèrent-ils tant de notre foi? Fortifions notre vo­lonté. Soyons logiques. C'est l'oraison faite avec méthode qui doit nous donner la force d'âme qui nous manque.

Je prie St. François Xavier pour qu'il nous aide en tous nos projets de missions. - Je conduis au cimetière aujourd'hui la vieille domestique qui m'a élevé. La mise au tombeau m'impressionne fortement. Mon tour approche et j'ai les mains vides. Je crains le jugement de Dieu. Je l'ai tant offensé! J'ai si mal dirigé ma vie!

Jour de grâces. Il y a longtemps que je n'ai autant goûté les fruits de la prière. Quand donc me donnerai-je tout entier à N.-S. et me laisserai-je entièrement conduire par son Esprit? 6r.

La nature va répétant: sensualité, découragement, mollesse. Et la grâ­ce: vigilance, abnégation, immolation. Domine, da mihi virtutem contra po­stes tuos. - Quelques uns de ceux qui m'entourent se sont laissé gagner par le mauvais esprit. Ils vont servir d'instrument aux démon et peuvent faire beaucoup de mal. Domine, adjuva nos!

N.-S. me donne confiance pour son œuvre. Ce n'est pas mon œuvre, c'est la sienne. Il pourvoira à ses nécessités. Le soir même Il justifie ma confiance par un secours inattendu. - Seigneur, laissez-nous sentir per­sonnellement la pauvreté, mais donnez à votre œuvre ce qui est néces­saire pour qu'elle prenne un grand développement 6v.

Combien je suis inférieur à ma grande mission! Je n'ai ni la sainteté, ni le talent, ni l'énergie qu'il faudrait. Je dois m'abandonner d'autant plus à la conduite de N.-S. et mettre en lui toute ma confiance. C'est son œuvre, il fera tout.

Jour de confiance en Marie. Jour de grandes grâces pour l'Eglise, pour les nations, pour les œuvres, pour chaque âme. Sacerdotes justitia splendidissime induito; orthodoxis principibus in prospero statu sceptra dirige; ma­lefidas nationes Dei pedibus sternens subjicito; tuam banc familiam quae te tanquam turrim ac fundamentum habet, victoriae triumphis coronato et fortitudine circumcin­gens custodito. - Belle cérémonie au couvent: vêtures et professions. je prie là avec une 7r entière confiance pour toutes nos intentions. Je re­nouvelle spirituellement aujourd'hui mon pèlerinage de Lourdes.

Ceux qui n'ont point d'attention à régler leur intérieur font des pertes infinies de grâces et de mérites. Leurs travaux ne produisent que fort peu de fruits. Ils ne font rien purement pour Dieu. Cette négligence de notre intérieur donne lieu à une infinité de péchés véniels, qui nous dis­posent insensiblement à quelque péché mortel ou à de grandes tentations d'où s'ensuivront des chutes funestes.

Pour obtenir la grâce d'union, qui fait le paradis sur la terre, il faut beaucoup de mortification et de recueillement: de mortification pour dé­tacher le cœur des créatures, de recueillement pour s'unir à Dieu. Il faut s'abandonner à sa 7v Providence sans s'inquiéter de l'avenir, morti­fier la volonté propre et obéir fidèlement à la grâce.

L'Œuvre passe par une phase d'aridité, de stérilité. Bien des voca­tions se manifestent et aucune n'aboutit. Quelles en sont les causes? Mes fautes, sans doute, et mon manque de confiance. je veux y remédier. Je m'humilie et je mets toute ma confiance dans la miséricorde du Cœur de Jésus. Peut-être aussi nos Soeurs nous oublient-elles dans leurs priè­res et sacrifices. N.-S. veut se servir d'elles pour l'accroissement de l'Œuvre comme il se sert des mérites de sa Mère pour féconder l'Eglise. Je vais leur rappeler nos besoins et les intérêts du cœur de Jésus.

N.-S. veut de moi l'union constante avec Lui, le pur amour, la con­fiance 8r sans bornes. Il ne souffre pas la négligence et m'en punit immédiatement. Jusqu'à quand résisterai-je à ses désirs si miséricordieux? Dixi, nunc coepi (Ps 76,11).

Les avertissements doivent se donner doucement, rarement et en par­ticulier; car chacun se rebute des réprimandes sèches aussi bien que des corrections les plus aimables quand elles sont fréquentes, ou faites hors de propos. J'en ai fait cent fois l'expérience.

Quels mystérieux liens réunissent la créature au Créateur par la con­fiance d'un côté et la Providence de l'autre! L'âme confiante en Dieu est comme l'enfant entre les bras de sa mère. Confido, Domine, auge spem et fi­duciam meam.

La paix n'est pas toute joie, mais une joie douce. La tristesse est voisi­ne de la tentation. Comment entretenir 8v cette joie par la confiance entière et filiale en N.-S. - In te Cor Jesu speravi.

Comme le cantique de Moïse nous dit admirablement les bontés de Dieu, nos infidélités, la colère puis le pardon de Dieu! Je l'applique à no­tre œuvre. Pars Domini populus ejus. Circumduxit eum et docuit et custodivit quasi pupillam oculi sui… Incrassatus est dilectus et recalcitravit… dereliquit Deum factorem suum.. . Vidit Dominus et ad iracundiam provocatus est. Et ait: ab­scondam faciem meam ab eis.. . sed propter iram inimicorum distuli, ne forte super­birent hostes eorum… et propitius erit terme populi sui… (Dt 32,9 ss.).

Samedi des Quatre-Temps. Liturgiquement, c'est l'anniversaire de mes principales ordinations: la tonsure, le sous-diaconat, le sacerdoce. Je suis dominé par un 9r sentiment de confusion et de repentir. J'ai abusé de tant de grâces! J'ai si peu répondu à ma mission! J'ai tant attristé N.-S. - Combien je redoute ses jugements! Combien il est miséricordieux de ne pas m'avoir abandonné! Domine, peccavi in caelum et coram te! (Lc 15,18).

IV dimanche de l'Avent. je dis aujourd'hui la messe que j'ai dite la première, il y a dix-neuf ans et j'en suis profondément ému. Tous les ans à pareille époque j'éprouve un renouvellement de ferveur. je devrais être un saint et je suis encore le dernier des pécheurs. Miserere mei, Domi­ne… (Ps 6,3) Suscitans a terra inopem, de stercore erigens pauperem… tu qui habi­tare facis sterilem in domo matrem filiorum laetantem… (Ps 112,7.9).

C'est le jour anniversaire de mon ordination sacerdotale. jour de grâce 9v. Ma pensée se reporte à St-Jean-de-Latran, à mes bons pa­rents, à mon ami M. Désaire4). Aimer N.-S., le servir avec zèle, corres­pondre à ses grâces a été le secret de ces grands jours.

Jour de ma lre messe. Elle a laissé un grand souvenir à tous les assis­tants, comment l'oublierais-je? N.-S. m'y a fait tant de grâces! c'est tou­jours pour moi un souvenir fortifiant et vivifiant.

St. Thomas. je prie pour tous nos faibles dans la foi. - Anniversaire de mon sous-diaconat, reconnaissance. Je constate en plusieurs de nos maisons un malaise qui est une grâce: on y souffre de la négligence de certaines pratiques religieuses. Cor Jesu, adjuva nos!

Anniversaire de ma tonsure. Dominus pars mea (Thren 3,24). N.-S. ne veut pas que je 10r cesse un instant d'être à lui. Toute infidélité, tout oubli est puni sensiblement. - Dixi, nunc coepi (Ps 76,11).

Anniversaire de mon ordination aux ordres mineurs. -Je ne suis pas encore assez uni avec N.-S.; je n'ai pas assez de recueillement; je n'ai pas assez d'abandon et de confiance. - Dominus de caelo in terrant aspexit ut audiret gemitus compeditorum (Ps 101, 20). Suscepit eos de via iniquitatis eorum: propter injustitias enim suas humiliati sunt. Clamaverunt ad Dominum et de neces­sitatibus eorum liberavit eos (Ps 106,17).

Les plus grandes grâces de ma vie, ma vocation et mes ordinations da­tent de Noël, aussi j'aime extrêmement ce mystère de paix, d'amour et d'immolation. Le temps de Noël est un temps de naissances pour les vo­cations. Veuillez, Seigneur, en donner 10v beaucoup de votre choix à votre chère Œuvre.

Noël! Que de grâces ce jour me rappelle! Je loue mon Sauveur. Je lui offre les hommages de ses premiers adorateurs, les bergers et les rois et ceux de tous les soins dévoués à son enfance. -Je dis la sainte messe au couvent. Je n'y trouve plus de grâces sensibles comme autrefois. Est-ce par suite d'une mauvaise disposition de ma part ou par un dessein nou­veau de la Providence? «Domine, quod nostra peccata praepediunt, indulgentia tuae largitionis acceleret».

St. Etienne. Souvenir de ma pieuse mère, qui s'appelait Stéphanie. La Providence a voulu que je sois aujourd'hui à La Capelle et que j'y di­se la sainte messe à l'occasion de l'enterrement 11r d'un parent, M. Hérigny. Il me semble que ma bonne mère a obtenu beaucoup de grâces pour moi et pour l'Œuvre aujourd'hui. Son souvenir me fait du bien et j'ai confiance en son aide.

St. Jean. N.-S. me laisse sentir sa bonté le matin. A midi, divers man­ques de respect et d'obéissance de plusieurs pères me jettent dans le de­couragement et l'abattement. Plusieurs ne sont-ils pas des branches mortes dans l'œuvre? L'Ecce venio, le Sint unum de notre vocation ne sont-ils pas trop oubliés? Il faudrait crier constamment vers N.-S. pour qu'il nous rende la vie.

Visite au noviciat de Beautroux. Il manque là bien des choses et la vie y est assez dure. Puissent ces jeunes gens s'y former à une vie de sacrifice et de dévouement 11v.

Jour de tristesse. je sens aujourd'hui toute ma faiblesse et mon insuffi­sance comme supérieur. je laisse durer les abus et la tiédeur. je ne sais pas relever mon monde et le ranimer.

La tristesse est mauvaise conseillère. Elle amène mille tentations. je veux réagir contre elle par la confiance en N.-S., l'abandon et la généro­sité dans l'immolation.

Dernier jour de l'année, jour d'actions de grâces et de repentir. je veux témoigner tout spécialement ma reconnaissance à la très Ste Vierge pour les grâces que m'a values par sa protection mon pèlerinage de Lourdes - et à N.-S. pour l'infinie miséricorde avec laquelle il m'a sup­porté, moi et les miens.

IV
1888

1er janvier, 1888

N.-S. me fait comprendre l'état désolant de son Œuvre 12r où rè­gne si peu l'esprit d'amour et d'immolation. Si l'Œuvre ne lui donne pas ce qu'Il attend, Il la détruira ou bien elle vivra petitement et elle ne sera pas l'Œuvre de salut qu'elle doit être. Le démon a réussi à y intro­duire la tiédeur. C'est une Œuvre de saints qu'il faudrait.

Le monde a besoin comme d'une seconde rédemption. II faut des âmes généreuses qui s'offrent en victimes et nous devons donner l'exem­ple. Ce sont des victimes eucharistiques que veut Jésus; non pas tant des victimes de pénitence que des victimes d'amour et d'abandon de nous-­mêmes entre les mains de N.-S. -

On passe en revue toutes ses relations ces jours-ci. Grâce à Dieu les miennes ne me semblent avoir pour 12v motif que le bien. Elles sont toutes nouées ou par la conformité de pieux désirs ou par les œuvres.

J'aime cette pensée de St. François de Sales: «D'examiner si notre cœur plaît à N.-S., il ne le faut pas faire, mais oui bien si son Cœur nous plaît, ce Cœur si amoureux de ses chétives créatures, pourvu qu'elles reconnaissent leur misère»! Oui, le mieux est de penser toujours combien N.-S. est bon, rien n'est plus propre à nous rendre fervents.

Un anniversaire de famille m'attirait hier au Nouvion. Les souvenirs de ma mère et de ma famille me font du bien. Je sens que j'ai déjà au ciel tout un groupe de pieux parents qu'il faut que j'aille rejoindre, ma mère surtout 13r.

Voyage à Paris pour prêcher l'Epiphanie à l'Adoration réparatrice5). Pèlerinage à Montmartre, au tombeau de Ste-Geneviève, à St-Sulpice, à St-Nicolas-des-Champs. Ces pieux sanctuaires de Paris, anciens et nou­veaux, parlent bien à l'âme. N.-S. a reçu là tant d'hommages d'âmes d'élite!

C'est la belle fête de l'Epiphanie, la fête de l'Adoration et du zèle. Les Mages adorent avec tant d'humilité, de simplicité, de foi et d'amour! N.-S. manifeste si bien son zèle en appelant de suite à sa crèche les na­tions avec les juifs! C'est une grâce pour moi de passer cette fête à l'Ado­ration réparatrice et d'y prêcher les pieuses soeurs et leurs agrégés. - Mlle de Clisson s'unit à nous comme agrégée6).

Retour de Paris. Angoisses pour la marche de l'Œuvre et pour le 13v temporel. Je travaille à ranimer la ferveur de quelques uns et à rétablir l'union.

La confiance en N.-S. me presse. C'est un besoin. Je sens que je ne puis rien sans Lui et qu'Il veut faire l'Œuvre. Mais Il veut notre con­fiance. Il ne la trompera pas. In te Cor Jesu speravi (cf. Ps 30,2.15).

J'ai goûté et compris tout particulièrement la puissance du Rosaire depuis mon pèlerinage de Lourdes. J'aime vraiment à le dire et j'ai la confiance que les intentions pour lesquelles je le récite seront exaucées.

La croix, l'humilité, la mortification sont les meilleurs auxiliaires de la charité, du pur amour. Sans elles, la charité n'a pas de base solide et ne dure pas. Les mortifications même légères sont une source de grâces tou­jours ouverte. Quand 14r la tiédeur nous envahit, elles nous sauvent, elles sont notre ressource.

Le peuple de nos villes devient de plus en plus insolent et grossier. C'est le fruit de la licence, de l'éducation laïque, de la mauvaise presse. Bientôt on ne pourra plus traverser nos faubourgs. Une partie de nos po­pulations va rapidement vers le paganisme. Ces gens n'étant plus conte­nus ni par le frein humain de l'autorité qui manque en république, nous allons vers un état d'anarchie épouvantable.

Conférence au Cercle sur Jeanne d'Arc. Jeanne d'Arc était une ré­compense pour la France de Clovis, de Charles Martel, de Charlema­gne, des croisades, pour la France qui avait combattu les ennemis de l'Eglise et du Christ, les Wisigoths, les Sarrasins, les Lombards… Pouvons 14v nous encore espérer une Jeanne d'Arc? Nous servons Dieu bien mal. Demandons cependant à sa miséricorde de nous sauver.

La pensée réparatrice m'apparaît toujours comme notre grâce. Nous devons avec un cœur pur et aimant compatir à N.-S. et le servir avec un soin délicat.

Nos écoliers eux-mêmes ne doivent pas rester étrangers à la pensée ré­paratrice. Elle les aide, elle est aussi pour eux une grâce et la voie voulue de Dieu.

Le nom de Sauveur dit toutes les grandeurs de Jésus. Puisqu'il est le Sauveur, il est Dieu, il est homme-Dieu, il est infiniment puissant, sage et bon, il est le modèle des vertus, doux et humble de cœur, patient, ai­mable, éclatant de pureté, brûlant de charité.

Profond sentiment d'humiliation et de pénitence. Que de mal j'ai fait 15r même dans la vie religieuse! Que de bien j'ai omis! Quelles déplorables conséquences en résultent! Combien l'Œuvre pourrait-être plus avancée et ses fruits abondants! J'offre N.-S. à son Père pour tout réparer: Jésus pénitent au Temple, à la Présentation où il s'offre pour le salut des pécheurs; Jésus pénitent dans la maison de Nazareth où il obéit à Marie et à Joseph; Jésus pénitent dans l'atelier où il travaille comme un ouvrier; Jésus pénitent dans le désert où il jeûne pendant 40 jours et où il veut être tenté comme les autres enfants d'Adam; Jésus pénitent dans ses courses apostoliques, durant lesquelles il se fatigue sans avoir où reposer sa tête; Jésus pénitent dans sa Passion 15v.

Le monde vit de l'esprit et des maximes du monde, vivons de l'esprit et des maximes de l'évangile et des Saints. Elles se présentent facilement à la mémoire et sont d'un secours puissant.

J'étudie dans l'histoire naturelle l'instinct de paternité et de maternité des animaux et surtout des oiseaux pour en tirer des exemples dans un discours, je suis émerveillé de ce que Dieu a dépensé de bonté pour ces petits êtres en donnant ces instincts au père et à la mère. Quelle merveil­leuse image de sa bonté pour nous! Ne l'a-t-il pas d'ailleurs indiqué lui-même en se comparant à la poule soignant ses poussins?

N.-S. veut tout mon cœur. Je n'ai de paix et de force qu'en étant uni à Lui. Te amamus ex toto corde nostro 16r.

J'ai soif de pureté, d'union avec N.-S., d'esprit d'immolation et d'amour. Je comprends un peu la multitude, la gravité et les conséquen­ces de mes fautes passées. J'ai été bien lâche, bien faible, bien ingrat. - In te Cor Jesu speravi, non confundar in aeternum (cf. Ps 30,2; 70,1).

En voyant bien des âmes rejetées de Dieu et perdant leur vocation et peut-être leur âme, je suis effrayé des périls que j'ai courus et confus de la miséricorde que N.-S. a eue à mon égard. Quid retribuam Domino? (Ps 115,12).

Je désire me renouveler dans la foi à notre mission et aux premières grâces reçues. Cette foi est une source de vie. La foi privée a ses exigen­ces impérieuses comme la foi de l'Eglise. -J'ai besoin aussi d'une pure­té et d'une modestie plus grandes, je les 16v sollicite de Marie et de Joseph comme don de la fête de leurs Epousailles.

N.-S. exige chez nous une grande union des cœurs, spécialement avec les supérieurs. C'est une condition de grâce. Ceux qui ne le compren­nent pas demeurent dans l'aridité. Je prie Marie et Joseph de nous don­ner cette union comme don de leurs Epousailles.

Que de vocations je vois se perdre! Et pour plusieurs j'en suis sans doute la cause. Pardonnez-moi, Seigneur. Faites miséricorde. Rendez à ces âmes et à votre œuvre les grâces que vous leur destiniez.

Da mihi virtutem contra hostes tuos. Donnez-moi, Seigneur, de la fermeté contre les abus et les négligences afin que je fasse régner la règle et s'il est possible la ferveur au sein de 17r votre petite œuvre privilégiée.

J'éprouve de plus en plus le désir et j'ai l'espérance de donner à N.-S. l'adoration réparatrice sacerdotale bien organisée. Juravi Domino… si de­dero somnum oculis mets et requiem temporibus meis, donec inventant locum Domi­no, tabernaculum Deo Jacob (Ps 131,2-5). - Quand nous aurons seulement une chapelle d'adoration bien organisée, l'œuvre aura pris sa forme et possédera une source de vie et de grâce, alors je dirai volontiers mon Nunc dimittis (Lc 2,29).

On publie la vie de la Mère Marie-de-Sales Chappuis, visitandine7). Les rapports de sa mission avec celle de la chère communauté de nos soeurs me frappe. «La raison d'être de toute sa vie et le but de toutes ses grâces furent la fondation de la congrégation des Prêtres Oblats de St­-François de Sales 17v.

Elle répétait chaque jour que sa vie n'avait été prolongée que pour cela.

Elle fut la conseillère de bien des évêques et des prêtres. Elle dirigea et inspira le p. Rollin fondateur des Oblats, comme M. de Bérulle fut ins­piré par la Bse. Marie de l'Incarnation, et M. Olier par la V. Mère Agnès8). - N.-S. suscite aujourd'hui des œuvres sacerdotales comme il suscita, après les ruines religieuses du XVIe siècle, les pp. de Berulle, Condren, Bourdoise, M. Olier, St. Vincent de Paul et le V. Eudes. -

J'aime l'esprit de la Mère de Sales: sa devise était: «Ne faire qu'un avec Jésus - Nous habituer à passer le temps devant le Sauveur et non pas devant nous».

J'ai accepté aujourd'hui de libérer Mr V. de ses dettes pour qu'il puis­se suivre sa vocation. Malgré le concours promis des 18r Soeurs, c'est une grosse responsabilité. Je le fais pour éviter un scandale et sauver une âme - Necessitatibus sanctorum communicantes (ad Rom XII, 13).

St. François de Sales, aidez-nous! - Discours à la Société de secours mutuel sur l'Education. ai-je fait quelque bien? Je n'ai pas assez prié pour les fruits de cet apostolat.

Je me mets en voyage pour Reims et le Val-des-Bois. Mon bonheur en voyage est de dire à loisir bien des rosaires. Ma confiance en Marie aug­mente chaque jour. J'attends d'elle des grâces sans nombre pour mes œuvres et pour moi. - Ces jours me rappellent les premières grâces ex­traordinaires de notre chère sainte Sr. M.-Ignace en 1878. Ce sont des jours de grâces qui vont amener, j'espère, un renouvellement pour l'Œuvre 18v.

Le Val-des-Bois. tout est édifiant et encourageant dans cette oasis. La foi qui règne là, la piété, la simplicité, l'abandon à Dieu, la patience dans les souffrances m'humilient. Que de maisons religieuses où la grâce a moins d'action!

Visite au Cardinal de Reims9). Il me donne de bonnes nouvelles de Rome. Notre chère Œuvre de la réparation y est bien vue, ma visite y sera utile dans l'année. Puissions-nous répondre maintenant à ce que l'Eglise attend de nous! - Je visite à Reims les beaux établissements des Frères, collège et noviciat10). Que je voudrais offrir au S.-Cœur une mai­son de noviciat aussi favorable, pour lui former beaucoup de prêtres-­victimes!

Fête de la Purification de Marie et de l'Oblation de Jésus, jour de 19r grâces pour l'Œuvre. Ma confiance en Marie grandit tou­jours. Il me semble que j'obtiendrai tout par elle. Tout le passé nous sera pardonné.

Ste Messe au Couvent (1er vendredi). Je sens surtout le besoin de paci­fier mon intérieur. Le Cœur de Jésus veut cette paix et il la produit si nous lui sommes fidèles: Discite a me quia mitis sum et humilis corde et invenie­tis requiem animabus vestris (Mt 11,29).

Am. me parle pour la première fois de sa vocation. Toutes les voca­tions indiquées par notre chère Soeur11) se manifestent peu à peu, mais combien n'aboutissent pas à cause des obstacles qu'elles rencontrent dans notre tiédeur et dans le manque de correspondance des appelés!

Il y a dans mon personnel du mauvais esprit et de la division 19v. Que faire? Je n'ai pas encore assez de monde pour opérer facilement des changements et des remplacements. Supporter cela c'est une mort quoti­dienne; flat! C'est un obstacle aux vocations et une grande ruine pour l'œuvre. Maria, mater gratiae, ora pro nobis!

Je suis de plus en plus reconnaissant à Marie et confiant en elle. Ne m'a-t-elle pas guéri trois fois déjà, sans compter les autres bienfaits in­nombrables que je lui dois? En Orient, en 1865, au Mont Carmel, elle me guérit en quelques heures d'une plaie qui m'inquiétait; à Rome, en 1869, les directeurs laissaient voir leurs craintes que je ne mourusse de la poitrine, de l'eau de Lourdes m'arriva par la poste inopinément, je com­mençai une neuvaine 20r. Je pus partir pour la France après la neuvai­ne, fin juin et j'étais guéri. Ici, en 1878, je crachais le sang, j'étais perdu de la poitrine, la bonne soeur Marie de Jésus demanda ma guérison à Marie et à St. Joseph. Elle s'offrit à ma place et se prépara par quelques mois consacrés aux mystères du rosaire. Elle mourait le 27 août 1879 et j'étais guéri. Comme je devrais être fidèle à Marie! Je ne l'ai jamais as­sez remerciée12).

Retraite du mois. - Jour de souffrances et de véritable écrasement à cause du mauvais esprit de ceux qui m'entourent. Le souvenir de mes péchés me brise aussi le cœur. Une pensée me console, celle que mes pé­chés vont m'être une occasion d'aimer davantage N.-S. parce qu'il m'a beaucoup 20v pardonné.

J'ai appelé tout mon monde pour le petit compte-rendu du mois, cela fait un peu de bien. - Je ne suis pas assez surnaturel dans mes rapports avec tout ce monde et avec mes élèves; que de grâces j'ai perdues et fait perdre! Pater, dimitte nobis! (cf. Mt 6,12 - Lc 11,4).

Mgr de Soissons13) est à St-Quentin. Ce qu'il me dit de Rome est en­courageant. Il y a rendu bon témoignage de notre œuvre. Elle y est bien vue. Il désire que j'aille à Rome dans l'année et que je voie le St-Père.

Une petite scène pénible me laisse de la tristesse. Un des pères refuse de faire sa coulpe à la conférence. Plusieurs paraissent être des feuilles mortes Putas vivent ossa ista? (Ez 37,3). Seigneur, vous pouvez 21r les ressusciter. Je prie Marie notre Mère de les aider. -Je me rends à Sois­sons avec Mgr (Thibaudier).

Soissons. - Enterrement de M. Demiselle14). J'aime à prier dans ces villes anciennes et ces grands sanctuaires. Que de saints ont vécu là! Comme je les invoque!

- M. Demiselle est mort. Il a été un de mes confesseurs, directeurs et amis. Le vide se fait autour de moi. Ce sont chaque jour de nouveaux avertissements. - Seigneur, ayez pitié de moi.

Plusieurs oublient aujourd'hui, même chez nous, que c'est jour de ré­paration. Comme nous sommes peu généreux!

Amicitia similes aut invenit aut facit. Que n'aimons-nous davantage Jésus et Marie, pour reproduire leurs vertus! - Mater pulchrae dilectionis, adjuva nos! 21v.

Quelques faiblesses - Ma confiance en Marie s'affermit de plus en plus. Ma bonne Mère est toujours présente à ma pensée. Elle sauvera son œuvre.

C'est une compassion effective qu'il faut offrir à Jésus. Nolite flere super me, sed super vos (Lc 23,28). La compassion la meilleure consiste à ne plus l'offenser, à le servir très délicatement en évitant même les fautes les plus légères autant qu'on le peut.

Que de pieux pèlerinages je puis faire sans sortir de ma cellule! J'y possède des reliques de la vraie croix et d'un grand nombre de saints, les images de mes saints protecteurs, c'est un sanctuaire. Les images, por­traits et souvenirs de ma mère, de mon père et de quelques personnes amies de Dieu conduisent aussi 22r ma pensée au ciel. - Domine, adauge fidem meam! (cf. Lc 17,5). - Les grâces les plus abondantes ne sont-elles pas à chaque instant à ma portée?

Ne sommes-nous pas tout-puissants par la foi? «La foi, dit Maldonat, est comme la main de Dieu. Tout ce que Dieu peut, la foi le peut et ceux qui ont la foi le peuvent, parce qu'ils agissent non par leur main, mais par la main de Dieu». La foi unit le fidèle à Dieu en établissant entre eux une telle intimité que leurs opérations se correspondent, que la supplica­tion, le désir d'une part appelle infailliblement l'accomplissement de l'autre.

La foi est un abandon joyeux et confiant à la science infaillible de Dieu, à la bienveillance infinie de sa Providence et à sa tendresse ineffa­ble pour nous. - Nous ne vivons pas assez de la foi. Parmi les hommes 22v qui ont la foi, combien en est-il dont la vie entière soit animée par la foi? Combien dont les actions n'aient presque toutes pour mobiles l'instinct et les petits calculs de la raison?…

Que de grâces j'ai perdues! Que de temps j'ai perdu depuis vingt ans! depuis quarante ans! Magna misericordia Domini convertentibus ad se! (Ecli 17,28).

Mgr m'a écrit le 15 pour me confier le soin de fonder avec nos pères la paroisse de St-Martin du S.-Cœur. C'est une marque de confiance et une grâce en même temps qu'une charge pour nous15).

J'ai adressé aujourd'hui à Rome ma demande pour obtenir une mis­sion lointaine. Cette date sera sans doute le commencement d'une gran­de chose16) 23r.

L'union avec le supérieur est chez nous tout particulièrement une condition de la grâce. Sans cette union, même avec certaines vertus, les âmes se dessèchent et meurent. Avec cette union elles gardent la vie et se relèvent facilement de leurs chutes.

Une lettre de l'Equateur m'apporte l'adhésion du p. Matovelle17) à la fusion des deux sociétés. Est-ce la volonté de N.-S.? - Marie ne permet­tra pas que nous nous trompions, je l'ai tant priée pour cela!

Je demande à Marie chaque jour de faire revivre chez nous les gran­des grâces du commencement. Quel ardent amour de Jésus et de Marie il y avait dans nos maisons du S.-Cœur, de Fayet, de Sittard. C'était un amour dévorant, absorbant, qui se témoignait de toutes façons, par les visites assidues à l'Eucharistie, 23v par les chants, par la pensée conti­nuelle de N.-S. - Quelle charité mutuelle régnait aussi! comme on ai­mait les supérieurs! comme on s'aimait réciproquement!

Enfin quelle abondance de vocations naissait alors et combien on en voyait se préparer! - Cette période nous montre ce que doit être le rè­gne du S.-Cœur. Ayons confiance. Nous pourrons dire bientôt, j'espè­re: Jam hiems transiit (Cn 2,11).

Comme l'union à Jésus et Marie est un secours puissant! C'est le che­min abrégé de la perfection. Cette union résume toutes les vertus et y con­duit plus vite que tous les raisonnements. C'est une force, c'est aussi la plus douce des consolations. Si Jésus a bien voulu dire: Deliciae meae esse cum filiis hominum (Pro 8,31) comment ne dirions-nous pas: 24r Deliciae meae esse cum Filio Dei!

Que je plains ceux qui n'ont pour combattre leurs instincts et leurs passions que les faibles armes de la raison! J'ai trop souvent essayé de surmonter certaines tentations par la raison, comme la foi est plus forte, plus prompte! comme elle nous élève de suite plus haut! C'est par les pensées de la foi, les vues de la foi qu'il faut tendre au salut et à la perfec­tion.

St. Mathias. - Le caractère de sa vie fut la réparation pour judas. Oh! que la réparation demande une grande perfection, un grand zèle, beaucoup d'amour. Comme elle doit nous tenir unis à Jésus!

Comment n'aurions-nous pas une confiance intrépide en Jésus et Ma­rie. Que de grâces extraordinaires 24v n'avons-nous pas obtenues dé­jà dans l'œuvre depuis dix ans! Huit ou neuf fois au moins nous avons obtenu des guérisons miraculeuses; nous avons vu des conversions par­fois instantanées, étonnantes et des vocations inattendues. Comme notre confiance pourrait multiplier ces grâces!

Je suis pressé par la grâce: Charitas Xti urget nos (2 Cor 5,14). Il faut que j'y corresponde. C'est une véritable conversion que N.-S. me de­mande. Les besoins présents de mon âme sont: la paix intérieure et le détachement des créatures.

Jour de grande grâce. Une lettre de Rome m'annonce que le Bref lau­dis nous est accordé. J'attribue cette faveur à la très sainte Vierge. C'est encore un des fruits de mon 25r pèlerinage à Lourdes. J'en fais part à toutes nos maisons. Je remercie Dieu et Marie.

Je sens bien que les grâces vont devenir plus abondantes pour tous dans l'œuvre si nous sommes fidèles. L'approbation de l'Eglise va décu­pler nos forces, mais qu'il faudra veiller pour que le démon ne reprenne pas son empire! J'invoquerai souvent St. Michel avec la Reine des An­ges.

Pas assez de recueillement, de paix, de vie intérieure; trop de conver­sations. N.-S. me le reproche.

La grâce de l'approbation reçue fait impression à tous, c'est visible. Ce sera, j'espère, le point de départ d'un renouvellement. La vie reli­gieuse était encore chez nous si défectueuse jusqu'à présent! 25v.

Le Decretum laudis m'arrive aujourd'hui de Rome avec les animadversio­nes. Il y a plus de louanges et d'encouragements que nous n'en méritons. J'aime la définition de notre but: Ut terrenis affectibus abdicatis Divino Cordi in omnibus obsequantur!… Puissions-nous réaliser cet idéal!

La paix, l'union, N.-S. me les demande plus que jamais. Je sens que l'approbation nous ouvre plus largement les sources de la grâce et raffer­mit mon autorité, mais que de grâces à obtenir encore! Sancta Maria, suc­curre miseris!

N.-S. me demande de plus en plus la confiance et l'abandon. Il aide pour toutes choses mais à son heure. Il veut que nous portions notre croix avec Lui et que nous comptions sur sa bonté 26r.

Les ressources m'arrivent aujourd'hui pour libérer M. V. - C'est une grande entreprise, encore hérissée de difficultés, mais, je crois, fort agréable à N.-S.

Je sens le besoin de méditer plus habituellement la vie de N.-S. et de le contempler soit dans sa vie terrestre soit dans sa vie eucharistique. Je voudrais avoir le loisir de préparer des méditations pour nous dans ce sens. - St. François Xavier méditait chaque mois les mystères de N.-S., tels qu'ils sont indiqués dans les Exercices de St. Ignace.

Je donne l'ordre d'achat aujourd'hui pour le terrain de l'église St-­Martin du S.-Cœur. Que N.-S. bénisse cette œuvre!

J'aime cette pensée de Joubert: «Aimer Dieu et se faire aimer de lui, aimer nos semblables et nous 26v faire aimer d'eux, voilà la morale et la religion; dans l'une et dans l'autre l'amour est tout: fin, principe, moyen»18).

Je voudrais que nous méditions sans cesse sur N.-S. et sur sa vie. Si j'avais le loisir d'écrire un livre de méditations, après quelques médita­tions sur les fins dernières, qui pourraient servir pour une retraite, je partagerais l'année selon les mystères de N.-S., à peu près dans l'ordre suivant: Avent, Incarnation, préparation de la Rédemption. Janvier: enfance, vie cachée. - Février: vie publique. Mars: passion. Avril: ré­surrection, apparitions. Mai: les mystères de Marie. - Juin: le S.-Cœur - Juillet: vie eucharistique de Jésus. - Août: id. - Septem­bre, Octobre: Jésus dans l'Eglise, 27r les Saints. - Novembre: la mort, le ciel.

Une pensée domine toute ma journée, l'humilité. Je ne l'ai jamais aussi bien comprise. C'est la clé de toutes les grâces, toute vertu s'y ra­mène. C'est le résumé de la vie de Jésus et de Marie: Respexit humilitatem ancillae suae (Lc 1,48). - Discite a me quia mitis sum et humilis corde (Mt 11,29). - Humiliavit semetipsum usque ad mortem (Ph 2,8). - Tout péché, toute imperfection vient de la révolte et de l'orgueil, révolte de l'esprit, révolte des sens. - Cor humiliatum, Deus, non despicies (Ps 50,19). - Hu­milibus dat gratiam (1 Pt 5,5).

Mgr l'archevêque de Cambrai et Mgr l'évêque de Liège m'envoient des félicitations et des encouragements19). - Mon union avec Jésus et Marie n'est pas encore assez continue. C'est avec eux que je veux vivre, prier, travailler, me récréer 27v.

Je reçois une lettre fort encourageante de Mgr Gay20), et d'autres féli­citations.

- Besoin toujours plus grand d'union avec Jésus et Marie, de con­fiance, de respect, de tendre affection.

Je fais passer les examens de philosophie pour l'histoire naturelle et l'histoire contemporaine. L'histoire naturelle me rappelle quel merveil­leux artiste est Dieu. Qu'il y a lieu d'admirer dans l'anatomie et la phy­siologie l'ordre, la beauté, la vie, la force; l'harmonie et la variété et le tout tenant à un fil que Dieu tranche à son heure.

- L'histoire de la Révolution me montre les effets du relâchement des moeurs et des aberrations philosophiques. La Révolution, généreuse dans son principe et dans ses premières réformes, n'est bientôt plus qu'une lutte de tigres et d'ours sans 28r intelligence.

Comme le caractère des enfants se révèle dans ces examens. L'un est sérieux, modeste, d'un esprit solide; l'autre est superficiel mais sa mé­moire le sert et il se tire d'affaire; un autre a été négligent, il est humilié, il se dépite, il boude; un autre, ayant peu de facilités et s'étant un peu négligé ne réussit pas, il se décourage, il est abattu; un autre est vani­teux, pédant; s'il ne sait pas, il veut faire croire qu'il répondrait s'il vou­lait.

45e anniversaire de ma naissance. Le cardinal Langenieux m'envoie ses félicitations à l'occasion de l'approbation21). Je m'humilie de toutes les fautes de ma vie. Je sens de mieux en mieux toute la force surnaturel­le de l'humilité. Je vois par les autres et par moi-même qu'elle est 28v la meilleure sauvegarde pour tous les dons de Dieu et le plus puissant levier pour toutes les œuvres.

Réunion pour entendre le p. Ludovic de Besse sur les Associations de patrons. Les patrons chrétiens devraient se grouper comme font les au­tres pour traiter ensemble les questions économiques et morales qui inté­ressent le travail. Il manque ici pour cela quelques hommes d'initiative et d'étude qui prennent la direction de ces œuvres. Adveniat regnum Xti!

M. Harmel se décide aujourd'hui à prendre nos Soeurs22) pour ses œuvres. J'espère qu'elles réussiront et trouveront là un nouvel essor. N.-S. se plaît à les unir partout à nos travaux.

Nous commençons le triduum d'actions de grâces pour l'approbation. Ce sont des jours de grâces, mais 29r combien il y a lieu de nous hu­milier et de nous repentir! J'ai encore à souffrir aujourd'hui de la désu­nion entre plusieurs.

St. Gabriel p.p.n.23) -Je reçois encore des lettres de félicitations no­tamment de la Visitation de Bourg. On croyait là que j'avais quitté St­Quentin. Que de sottises on a dites sur le compte de l'œuvre depuis 5 ans. - Nos enfants se préparent assez bien à la communion générale de demain.

St. Joseph. - Action de grâces solennelle pour le décret: offices, réu­nion du clergé. Mgr Mathieu loue grandement la petite œuvre et lui souhaite un grand développement. - St. Joseph me fait la grâce de me raffermir dans l'esprit fondamental de l'œuvre, l'esprit de réparation par l'amour 29v et de réparation plus spéciale pour les offenses les plus douloureuses au Cœur de Jésus. Une lecture de p. Blot m'est l'oc­casion de grandes lumières sur ce sujet.

Que je suis confus de mes fautes passées! Quelle grande humilité et quelle grande vigilance me sont nécessaires pour ne plus retomber dans la même tiédeur! Que je suis encore pauvre et misérable aujourd'hui! Votre infinie miséricorde est mon espérance, ô mon Sauveur.

J'ai bien souvent l'occasion de reconnaître que ceux qui ne répondent pas aux desseins de Dieu sont punis même dès ce monde. Aujourd'hui en­core j'apprends qu'un enfant qui a passé par St-Clément écrit à un de nos bienfaiteurs de St-Quentin pour lui exposer son misérable 30r état. Un autre jeune homme que j'ai essayé d'élever autrefois va passer en conseil de guerre.

Je reçois les félicitations de l'évêque de Langres24). - Examens de rhé­torique: quel malheur d'être obligé de tenir les enfants si complètement occupés par les lettres païennes! - Une pensée de l'office me frappe: l'Eglise voulant absolument gagner nos cœurs à Jésus lui applique cette pensée qui indique l'affection ardente que nous devons lui porter: Jésus decorus nimis et amabilis super amorem mulierum.

Fête de N.-D. de compassion et des Amis du Calvaire, jour de grâces pour nous. N.-S. nous le laisse sentir. Le cher p. J. si souvent éprouvé se remet dans sa voie; O Marie, soutenez sa bonne volonté! 30v.

Anniversaire de mon baptême. Je me repens de toutes mes fautes pas­sées, effacez-les Seigneur, oubliez-les, fortifiez-moi pour l'avenir dans l'union avec Vous, dans votre amour et dans l'immolation.

Les Rameaux priment aujourd'hui l'Annonciation. N.-S. me donne la grâce depuis quelques jours de mieux goûter la sainte messe, d'en mieux faire la préparation et l'action de grâces. Je prie pour l'Œuvre avec une immense confiance et je demande pour elle la grâce de contri­buer grandement au règne du S.-Cœur. - Les bonnes dispositions de quelques élèves me donnent beaucoup de joie.

La paix du cœur est le point fondamental de la sainteté et de la félici­té. Elle résulte de la soumission absolue de 31r l'abandon à la volonté de Dieu. Elle met l'âme comme en équilibre stable. C'est la plénitude de l'acte de foi à chaque moment.

La devise de Mgr de Ségur était: «Être Jésus»25). Nous devons être Jésus en imitant Jésus, en nous unissant à ses sentiments. Nous devons l'être suivant les mystères du temps, Jésus doux, humble, pauvre au temps de Noël, Jésus souffrant, immolé, réparateur au temps de la Pas­sion…

Le Règlement de vie du B. de la Salle26) me tombe sous la main. Dans quel recueillement il se tenait! Dans quel éloignement du monde! Dans quelle union avec N.-S.! - Il se regardait comme victime pour sa com­munauté: «Lorsque mes Frères me diront leurs fautes, je me regarderai comme en étant coupable devant Dieu pour 31v ne les avoir pas pré­venues par mes avis ou par ma vigilance. Si je leur impose une péniten­ce, je m'en imposerai une plus grande; et si la faute est considérable je prendrai du temps le soir… pour en demander pardon à Dieu. Si je me considère comme tenant la place de N.-S. à leur égard, ce doit être pour porter leurs péchés comme N.-S. a porté les nôtres…».

Jeudi saint. - Je trouve dans le Bulletin de la Garde d'honneur le Bref laudatif des Filles du Cœur de Jésus. Leur but de réparation et d'immolation y est bien caractérisé. J'espère qu'il en sera de même pour notre second Bref, avec notre but spécial de réparation pour le «peuple choisi».

Vendredi saint. - Je demande particulièrement au Cœur de Jésus pour ce grand jour 32r qu'il nous aide à donner à l'œuvre son carac­tère propre et son organisation complète avec l'adoration réparatrice.

Je comprends mieux cette année la beauté de l'office du vendredi saint ou l'adoration de la Croix, instrument du Salut supplée à la Consécra­tion eucharistique.

Samedi saint. - Que les grâces de Pâques sont abondantes! Que de conversions en tous lieux! Quelle fête cela doit être au ciel! Demandons beaucoup aujourd'hui, N.-S. ne pourra rien nous refuser.

Office pontifical. Ces splendeurs donnent une idée, encore bien im­parfaite, sans doute, des joies du ciel. Je suis heureux de voir N.-S. si di­gnement honoré et loué. - J'écris aujourd'hui à l'Equateur pour con­clure la fusion avec les Oblats du divin amour 32v.

Départ de nos soeurs pour le Val-des-Bois. Puisse cette fondation être féconde!

Je me rends à Sittard. Je trouve là une maison fervente et bien unie. 10 novices, 15 écoliers et 5 frères sont là tous pleins d'ardeur pour les missions étrangères.

Pèlerinages à N.-D. du S.-Cœur. Ce pieux sanctuaire est certaine­ment pour notre œuvre une source toute spéciale de grâces. La très sain­te Vierge y a obtenu sans doute plusieurs fois miséricorde pour nous quand nous méritions la destruction.

Je m'occupe dans ce voyage de l'avenir matériel de notre petite colo­nie de Watersley (de). Je décide l'achat d'une propriété pour l'école à Leyembroeck, près Sittard. Nous ne voulons pas 33r nous séparer de N.-D. du S.-Cœur. Dans ma pensée Leyembroeck pourra devenir le noyau d'une maison hollandaise et Watersley (de) restera un noviciat al­lemand.

Je fais à Watersley (de) ma retraite du mois et j'y prends quelques ré­solutions qui seront fécondes, j'espère, pour la réforme de la maison de St Jean et pour ma vie intérieure. Je tâcherai de développer en moi la vie eucharistique; je ferai la guerre aux affections naturelles; je veillerai da­vantage à l'avancement spirituel des nôtres.

Retour à Lille par Bruxelles. Je visite à Bruxelles le musée de Hal: c'est toute l'histoire vivante du mobilier religieux, civil et militaire. C'est sans doute une des sources où l'art 33v chrétien, si avancé dans le nord et notamment en Hollande, puise ses modèles. Cette longue journée de solitude me permet de dire bien des rosaires aux intentions qui me sont chères, ce sera un jour de grâces.

Lille. -Je trouve là chez les nôtres de bonnes volontés mais pas assez de liens et de paix. Les occupations sont trop absorbantes. Il faut prier et demander une solution au S.-Cœur.

Retour par Bon-Secours. J'ai soif d'honorer et de prier Marie. Ce bon petit sanctuaire est riche en grâces.

Je pars pour Paris où je vois Antonio Flores, ministre plénipotentiaire de l'Equateur. Il me renseigne sur le voyage. Le pays est moins avancé que je ne le croyais. Il a à peine quelques routes 34r. Il y a là encore 200.000 païens au-delà des Andes. -Je rencontre ensuite, sans m'y attendre, chez les Frères, rue Oudinot, un frère venu de l'Equateur qui me donne bien des renseignements intéressants. Ce jeune Frère est de Cuenca et ami du p. Matovelle. - Il me dit le mérite de la petite Société des Oblats et le bien qu'ils font27). Que le S.-Cœur bénisse nos projets de ce côté!

St. Léon. - Sainte messe à l'Adoration réparatrice. Je rencontre là beaucoup de sympathie. On me parle de Catherine Filljung28) qui a, parait-il, opéré bien des conversions et lu dans les âmes pendant son sé­jour à Paris, mais pour des guérisons, elle se serait trompée.

J'ai assisté à une intéressante séance du Congrès international des sciences 34v catholiques. J'ai entendu l'abbé Duchesne29) parler sur le Forum chrétien et le p. Perry, de Stonyhurst, sur la constitution du so­leil. Sept prélats y assistaient. Ce Congrès peut produire quelque bien en mettant en relations quelques savants et en faisant connaître leurs tra­vaux.

J'ai aimé à aller prier au triduum de réparation à St Jean St-François en souvenir du miracle des Billettes de 129030).

Rentrée de St Jean - Audiences constantes - confessions des enfants Jour de grande occupation. Je n'en suis pas troublé comme je l'ai été souvent. Lire, écrire aurait plus de charme, mais cette action incessante, quand elle est pour les âmes n'a pas moins d'efficacité. Les livres res­tent, mais les œuvres restent aussi et les âmes gagnées gagneront d'au­tres âmes 35r. St. Remy, St. Martin ont-ils fait moins de bien que St. Hilaire parce qu'ils n'ont pas écrit? St. Ignace, St. François Xavier ont-­ils moins de mérites que Bellarmin et Suarez?…

Une personne m'écrit de Caen pour me proposer d'entrer en relations avec M. Garnier31), l'orateur populaire. Je ne demande pas mieux, c'est un homme qui travaille pour le règne du S.-Cœur par l'immolation et le sacrifice.

Mort de la Mère St-Dominique32). Elle a échoué dans la fondation de sa communauté dominicaine, mais elle a organisé à Montmartre l'Ado­ration perpétuelle et l'abri St Joseph pour les pèlerins. Elle a déterminé quelques vocations.

Elle priait beaucoup pour notre chère œuvre. Son concours sera plus puissant maintenant 35v.

Je reconnais qu'en employant plus d'autorité et de fermeté en certai­nes circonstances je réussis mieux à diriger les âmes, j'ai souvent péché par excès de bonté. Je n'ai pas pris assez à cœur les intérêts de N.-S. Je ne remarquais pas qu'en devenant trop bon pour les hommes je ne l'étais pas assez pour N.-S. que je laissais offenser. Adjuva me, Domine (Ps 108,26), et miserere mei (Ps 50,3).

J'entreprends de revoir nos Règles et Constitutions en tenant compte de la fusion avec les Pères de l'Equateur et des observations du St-Siège. Veni Creator Spiritus. La vie de victime, la vie eucharistique est tracée d'une manière solide et touchante dans les Constitutions des Pères de l'Equateur. - La grâce me presse de vivre uni à Jésus vivant en moi. C'est la méthode de vie intérieure qui m'aide le plus 36r.

Nouvelles de Caen. - M. Garnier est déjà en rapports avec beaucoup d'âmes qui se vouent à la vie d'immolation. Il a écrit plusieurs tracts dans cet esprit, notamment le «Rachat de la France». Il prépare une associa­tion sacerdotale. Il y aurait peut-être lieu d'unir nos efforts.

Ste messe au Couvent. - Visite du terrain choisi pour l'érection de l'église St-Martin; étude du projet d'une église provisoire. J'incline à at­tendre les ressources pour élever l'église définitive.

Mgr Dupanloup33) dit des enfants: «Montrez-vous vertueux, ils vous vénèrent». C'est vrai. Quel bien nous pouvons faire par l'exemple et l'éducation! Quelle responsabilité pour le bien que nous ne faisons pas et que nous pourrions faire si nous étions plus vertueux! 36v.

N.-S. m'avertit de nouveau qu'il veut de moi une union complète avec lui et une immolation constante. Quand donc me rendrai-Je com­plètement à son désir? - C'est la fête du patronage de St Joseph, je me réjouis de pouvoir faire quelque chose pour cet auguste protecteur en al­lant le prêcher à St-Clément.

On m'a donné le recueil du petit bulletin mensuel de l'Adoration ré­paratrice qui a paru pendant cinq ans. C'est un petit trésor. L'idée répa­ratrice y est bien exposée et développée. je trouverais là de grands élé­ments si j'avais le loisir d'écrire une année de méditations.

Prière et abandon. je rencontre aujourd'hui de grandes difficultés temporelles et autres, je trouve la paix en les recommandant à Marie et à Joseph et 37r en m'abandonnant à leur protection.

Nouvelles souffrances: plusieurs religieux ne sont pas du tout dans l'esprit de leur vocation; tentations de découragement. Je n'ai de res­source que ma confiance filiale en Jésus, Marie et Joseph.

Le Bulletin de la Garde d'honneur a un article bien frappant sur la Cong. des Filles du Cœur de Jésus34) qui vivent et s'immolent pour le sa­cerdoce, à l'exemple de la Vierge Marie. Cette idée est maintenant ac­ceptée dans l'Eglise, il en sera de même pour les Prêtres-Victimes.

La très sainte Vierge m'a encore exaucé dans une affaire temporelle. O Marie obtenez-moi la grâce d'un détachement complet des créatures et d'un amour pur et désintéressé pour Jésus, votre divin Fils. N.-D. Auxiliatrice, aidez-moi! 37v.

Jour d'épreuves, de tristesses, de tentations. L'esprit d'immolation seul me soutient. O Jésus, qui vivez dans mon cœur par votre grâce, unissez-moi à vos dispositions d'hostie.

Je rencontre ces belles pensées: «Le S.-Cœur est comme le centre de Jésus, centre lui-même de toutes choses; le S.-Cœur, c'est éminemment Jésus sujet, modèle et victime de la charité… La religion est rivalité d'amour avec Dieu; le christianisme est rivalité d'amour avec Jésus­-Christ. Qui fait les Saints? Cette rivalité d'amour prise à la lettre et sou­tenue sans réserve volontaire: pauvreté pour pauvreté, douleur pour douleur, opprobres pour opprobres, sang pour sang… Là seulement est le vrai christianisme, la charité répondant à la charité» 38r.

Un auteur nous avertit qu'il faut moins prêcher que parler en chaire, parler pratiquement, parler comme quelqu'un qui aime N.-S. et son au­ditoire et qui veut les réconcilier et les unir.

Par l'adoption divine le ciel et la terre ne sont-ils pas constitués en une seule famille? C'est la base de notre piété, c'est la foi même. Quel en se­ra le couronnement pratique? Une véritable affection de famille pour tout ce qui nous est uni de la sorte et mesurée sur le rang de la personne et l'intimité de l'union. Traiter Dieu en père, mais en père adoré; traiter Jésus-Christ en frère, mais en frère qui est notre Dieu et notre juge; trai­ter Marie en mère; traiter en frères avec les nuances voulues de respect confiant, de compassion active, de sympathie dévouée, les Saints du ciel, les âmes 38v souffrantes et nos compagnons de lutte ici-bas: quel plan de sainteté à la fois magnifique et simple! Porter dans nos relations avec le monde surnaturel les habitudes cordiales et généreuses qui font le charme et l'honneur des parentés d'ici-bas, l'assiduité, la courtoisie, la délicatesse attentive sans contrainte ni scrupule, n'est-ce pas embellir à l'infini la vie chrétienne?

Mort de notre cher f. Quentin35). La mort le surprend, mais le trouve prêt. Beatus quem Dominus invenerit vigilantem (cf. Lc 12,37). Il ne voit pas venir la mort, mais elle le trouve pur, abandonné, pieux, obéissant. C'est une mort bien édifiante et une bénédiction pour l'Œuvre.

Je manque toujours d'abandon, de confiance, de dispositions pure­ment surnaturelles, d'union avec N.-S. 39r. Domine, adjuva incredulita­tem meam (Mc 9,23). - Refove cor meum.

Mgr a entendu parler de quelques faiblesses des nôtres et m'en fait part. N.-S. nous avertit sans cesse et nous sommes encore bien lâches. - J'espère que la chère victime offerte aujourd'hui à N.-S., notre f. Quentin, nous aidera au ciel.

Pur amour et immolation, voilà ma vie, ma seule voie. Si j'oublie ce principe, je tombe, N.-S. s'éloigne et me laisse à ma mauvaise nature. Quand le comprendrai-Je complètement? Emitte spiritum tuum, Domine (cf. Ps 103,30).

C'est une expérience mille fois faite, l'union avec Jésus seule peut me donner la joie et la paix. - On me souhaite la fête de St. Léon, le bon esprit des élèves et les nombreuses lettres et visites des anciens prouvent la vitalité de notre œuvre d'éducation 39v.

Les journaux catholiques de Hollande ont parlé favorablement de no­tre œuvre et ceci amène la présentation de plusieurs enfants hollandais à Sittard. Ce commencement de publicité me fait trembler, nous sommes si peu formés, si imparfaits!

En France aussi nous voilà signalés à l'attention par une revue «Les Annales catholiques». Notre responsabilité grandit, puissions-nous le comprendre et contribuer véritablement par notre zèle et notre ferveur au règne du S.-Cœur!

Je dois aimer avant tout le recueillement, la prière, ma cellule et cepen­dant m'occuper du prochain, quand c'est le moment, avec charité pour l'édifier. je dois aimer le recueillement non pas par égoïsme, ni pour jouir, 40r mais pour pouvoir mieux penser à N.-S., le connaître, le louer, l'aimer.

- Premier projet d'union avec la Garde d'honneur de Belley. - Confié à la très sainte Vierge. - La Revue du Règne de J.-C. m'arrive de Paray: elle a des articles de don Matovelle exposant ses projets. Cela me confirme dans le désir d'avoir bientôt une Revue pour promouvoir l'idée du règne social du S.-C. et de la réparation.

Office remis de St-Jean à la Porte Latine: Messe au Couvent. Jour de grâce, de confiance, d'union à N.-S. - L'après-midi, Mgr visite Beau­troux. Nous trouvons là un noviciat bien mal installé. C'est une souf­france. Auxilium christianorum, adjuva nos.

Le p. Blancal36) nous arrive et m'annonce l'arrivée prochaine de M. Theise 40v. Ils seront, j'espère, les premiers éléments d'une fondation à Paris.

Première ouverture d'un projet de Carmel à St-Quentin. - Ma journée a des alternatives de ferveur et de faiblesse. Quand serai-Je ferme et généreux?

Nous luttons contre Dieu en lui refusant quelques petits sacrifices. Que nous sommes insensés! Combien il nous récompenserait si nous étions généreux!

Rien n'est touchant comme la grâce sensible qui se manifeste chez les enfants de la lère communion. Ils sont un témoignage vivant de la foi: Odorem notitiae suae manifeste Deus per nos in omni loco, quia Christi bonus odor sumus (2 Cor 2,14-15). Ne devrait-il pas en être de même de tous ceux qui communient, s'ils le faisaient bien, et surtout des prêtres? 41r.

Une âme privilégiée de Paris (M. G.) a les mêmes vues que notre Sr. Ig.37) sur l'œuvre de la réparation sacerdotale et sa nécessité, et sur sa réalisation à St-Quentin. La répétition et l'identité de ces choses sont un encouragement.

lère communion à l'Institution. - Digitus Dei est hic (Ex 8,19). - Haec mutatio dexterae Excelsi (Ps 76,11). - Le changement opéré dans ces petites âmes n'est-il pas une œuvre éminemment divine, l'équivalent d'un miracle, une manifestation de la sainteté de l'Eglise? Comme notre foi devrait en être affermie!

Plusieurs lettres de prêtres, provoquées par les Annales catholiques m'arrivent. L'Œuvre semble être au moment de prendre une extension assez rapide. Comme je me sens insuffisant et faible pour une si grande tâche! Je mets ma confiance en Marie! 41v.

Comme le bonheur diffère du plaisir! Le plaisir conduit souvent à la perte du bonheur. N.-S. nous a souvent indiqué la voie du vrai bonheur: que de fois il a répété ce mot: beatus, beatus. Puissions-nous le compren­dre!

- Fête de la Pentecôte. - Ma joie est dans le recueillement, la priè­re, la conformité à la volonté divine et la confiance en Marie.

Voyage au Val pour visiter nos frères malades. Je trouve là comme toujours de beaux exemples de foi et d'esprit surnaturel. -Je lis en che­min le traité du Sacrifice par l'abbé Vuathier. Il y a là un trésor de lu­mières sur le sacrifice et l'immolation. Ce livre est dans la grâce du mo­ment. Il peut devenir pour nous un des guides de notre vie intérieure. C'est dans ce sens, dans l'esprit de 42r charité et de sacrifice que doit être rédigé notre manuel de noviciat plutôt que selon l'étude et la recher­che de la perfection personnelle.

Oh que l'esprit de réparation et d'immolation aura d'attrait pour grouper les âmes ferventes, si on le pratique bien! L'esprit de victime est le fond intime de la dévotion au S.-Cœur.

Auxilium christianorum, o. p. n.38). - N.-D. auxiliatrice nous aidera, j'en ai la confiance. Il le faut, nos besoins sont si grands. Répondons bien d'abord à notre vocation. Prêtres réparateurs! cette mission est si belle et si grande! Mais combien elle exige de générosité, de charité, de vertu! Le souvenir de ma vocation me soutient. C'est aussi ma force pour ex­horter et diriger mes frères. O Marie, réparatrice et consolatrice, aidez­-nous! 42v.

Vêture et profession au Couvent. Mgr m'a prié d'y prêcher, j'y parle de la vocation de nos soeurs. Elles donneraient à l'Œuvre un concours spirituel plus grand encore si je pouvais les exhorter ainsi de temps en temps. - Nous prenons aujourd'hui la décision d'acheter le noviciat de Fourdrain: que N.-D. auxiliatrice nous vienne en aide!

Des âmes ferventes qui sont en relations à Paris avec l'Adoration ré­paratrice s'offrent en victimes pour l'œuvre des prêtres et N.-S. agrée leurs sacrifices. Plusieurs exemples m'en ont été rapportés aujourd'hui. Ces sacrifices joints à ceux qui s'offrent ici nous aideront et nous sauve­ront.

Fête à Origny. J'y prêche le panégyrique de Ste Benoîte39). J'apprends à connaître cette noble martyre dont le nom peut être associé à ceux de Ste Agnès 43r et de Ste Cécile. - Je suis frappé sur le chemin du mauvais aspect de nos populations. Pauvre France! Comme la misère physique et morale t'envahit!

Je rencontre de belles pages sur le naturalisme contemporain et sur l'hérésie libérale (la thèse et l'hypothèse). L'esprit de l'époque doit né­cessairement affecter notre théologie et notre ascétisme. Sous son effort dépressif, nous seront tentés de sacrifier le surnaturel au naturel, ce qui est passif à ce qui est actif, ce qui est infus en nous à ce que nous avons acquis de nous-mêmes. Un mélange moderne de judaïsme et de pélagia­nisme s'emparera d'un grand nombre d'intelligences, au grand détri­ment de la perfection chrétienne. Tel est l'esprit qui essaiera de tendre des pièges aux âmes dans leur chemin vers le Calvaire ou le Thabor 43v.

Que je suis encore pauvre de vie surnaturelle, d'abandon à la volonté divine et à son action, de foi, de confiance, d'amour de N.-S. ! - Maria, auxilium nostrum, adjuva me!

L'esprit de prière pacifie l'âme, il la purifie, il la détache des créatu­res. L'âme qui a cet esprit est plus éclairée, elle édifie, elle se possède. O Marie, je vous demande pour nous et pour tout le peuple choisi cet esprit de prière.

Fête du St. Sacrement. -Jésus est notre roi. De son trône eucharisti­que il gouverne le monde, mais combien de ses sujets sont rebelles et ré­voltés! Comme l'œuvre de la réparation est nécessaire! - C'était au­jourd'hui la l ère communion à St-Clément. C'était bien consolant; mais j'y voudrais voir encore le S.-Cœur plus aimé, comme il l'était au com­mencement. N.-D. 44r du S. -Cœur, aidez-nous!

Nous ne pouvons arriver aux vérités délicates du mysticisme qu'en traversant les lieux communs et la sincérité de la vie ascétique: les vertus morales ordinaires, les motifs habituels de religion, les devoirs de notre état, nos obligations envers le prochain, l'enseignement commun des li­vres spirituels. - Si vous venez à examiner de près quelqu'un des Bien-­heureux, vous découvrirez que sa sainteté consiste en six points: l'obéis­sance aux commandements de Dieu et aux préceptes de son Eglise; une passion ardente pour la gloire de Dieu; les intérêts de Jésus; le salut des âmes; un violent amour des souffrances et des austérités volontaires ac­compagné de terribles épreuves intérieures et de ce que les mystiques ap­pellent les purgations passives de l'esprit; et les extases, les grâces ex­traordinaires, les facultés surnaturelles 44v.

L'achat du château de Fourdrain est conclu. Ce sera un noviciat vas­te, salubre et placé dans un pays où la belle nature parle à l'âme. Cepen­dant, ce n'est pas encore mon idéal. J'aimerais une maison religieuse bâtie dans le style des monastères de la grande époque chrétienne, avec une église ogivale. Je remercie la très sainte Vierge de nous avoir procu­ré cet asile.

Fête-Dieu et Ste Clotilde. Réparation à N.-S. pour l'offense que lui font nos francs-maçons de France en interdisant les processions. Je chan­te la sainte messe avec bonheur. Notre vocation demande que nous sanc­tifiions bien ces grands jours.

Les âmes un peu charnelles ne se sauvent qu'avec le secours de quel­ques mortifications corporelles et macérations. Elles ont besoin qu'on le leur dise 45r en direction.

Seigneur, augmentez ma foi, ma confiance, et donnez-moi l'esprit de prière. J'ai tant besoin de grâces pour moi et pour les miens! Nous som­mes si pauvres, si faibles, si dénués de tout!

La vie du Bx.de la Salle me révèle le secret de sa grandeur. Il a été humble et constamment humilié. Il a poursuivi son œuvre avec persévé­rance et il a tenu les humiliations pour des profits. Je trouve là une gran­de leçon dont j'ai besoin.

Quelques uns des nôtres ne sont plus que des branches mortes. Ils souffrent d'être encore attachés à l'arbre et nous font tous souffrir. O Marie auxiliatrice, donnez-nous une vie pleine et féconde!

Fête du S.-Cœur. Jour de grâces et de souffrances. Je sens plus vive­ment aujourd'hui tout ce qui nous manque 45v. Oh que nous donnons peu encore à N.-S. ce qu'il est en droit d'attendre de nous!

St. Bernardin de Sienne nous rappelle dans son sermon cité à l'Office du S.-Cœur de Marie, les degrés de la charité ou de la grâce. Je suis confus d'être encore si peu avancé. Prima est flamma anions separantis. Se­cunda, amoris transformantis. Tertia, anion is communicantis. Quarta, amoris jubi­lantis. Quinta, amoris soporantis. Sexta, anions soporantis. Septima, amoris consumentis40).

La très sainte Vierge nous envoie le secours nécessaire pour le premier versement à faire sur l'achat du noviciat de Fourdrain. - Magnificat. -

Je lis la vie du Bx. de la Salle, elle m'encourage. Toutes ses épreuves sont analogues aux nôtres. Il achetait chacun de ses progrès par une croix. La 46r Providence le secourait en temps utile. Il a persévéré dans son dessein une fois conçu et son œuvre a rempli sa mission divine.

Le Bx. de la Salle pour devenir l'instrument de Dieu dans sa fonda­tion se vit purifier par la Providence: les contradictions de sa famille, les dédains de ses confrères, les rebuts de ses supérieurs, les railleries et les outrages de la foule accompagnèrent ses premiers pas dans son œuvre dont tous les progrès devaient être achetés par des épreuves. Dois-Je m'étonner que N.-S. suive la même voie à mon égard? C'est le signe du caractère surnaturel de l'œuvre. «On ne saurait tirer le vin du raisin s'il n'est mis au pressoir».

Je voudrais avoir la confiance en Dieu qu'avait le Bx. de la Salle. «Ne 46v craignez point, disait-il à ses fils spirituels, Dieu ne manque jamais à ceux qui espèrent en lui. Tout est accordé à la foi vive, à la con­fiance entière. J.-C. s'est obligé envers ceux qui cherchent son royaume et sa justice de leur fournir le reste». - Comme il les mettait en garde aussi contre le monde: «Si vous voulez vous conserver et mourir dans vo­tre état, n'ayez jamais de commerce avec les gens du monde. Peu à peu vous prendrez goût à leur manière d'agir et entrerez si avant dans leur conversation que vous ne pourrez plus vous défendre par politesse d'ap­plaudir à leurs discours quoique bien pernicieux; ce qui sera cause que vous tomberez dans l'infidélité. N'étant plus fidèles à observer vos rè­gles, vous vous dégoûterez de votre état et enfin vous l'aban­donnerez» 47r.

N.-S. me conduit comme par la main. Si je suis faible et négligent il me délaisse et je souffre intérieurement; si je fais ce qu'il attend de moi, soit pour la vie intérieure, soit pour le gouvernement de l'œuvre, il me donne la paix et la joie.

Le démon essaie de mettre obstacle à toute réforme et de troubler bien des âmes chez nous. C'est un assaut continuel. - Domine, adjuva nos! (Ps 43,26).

Le bon évêque arménien de Tarse41) vient quêter pour son église de St­Paul. Comme l'unité de notre foi est touchante. - Les leçons de St. Au­gustin au 2e noct. du IVe dimanche ap. la pentecôte sont frappantes: N.-S. a enchaîné le démon: alligavit fortem. Quare adhuc tantum praeva­let? C'est qu'il est lié comme le chien enchaîné et il mord ceux qui 47v s'approchent de lui: tepidis et negligentibus praevalet…

Nous fêtons le Bx. de la Salle chez les Frères des Ecoles chrétiennes. J'y dis la sainte messe et je prêche le panégyrique42). Puisse ce cher saint, que j'apprends à aimer, m'aider dans ma grande mission!

Voyage au Nouvion et à La Capelle. Tous les souvenirs de mes pa­rents et de ma jeunesse revivent dans ma mémoire: ma pieuse mère sur­tout, ma première communion, les premiers temps de mon sacerdoce et la mort de mes parents. J'ai à rendre grâces et à réparer.

Notre chère œuvre doit être surtout intérieure. C'est là notre grâce. Il y a en ce moment un excès d'activité, nous en souffrons, c'est un péril. Il faut que nous nous rapprochions 48r de l'esprit des premières années.

St. Louis de Gonzague. - Ce saint m'est bien cher, je l'ai toujours beaucoup aimé et je lui ai été bien uni particulièrement pendant mon sé­jour à Rome. Il me semble qu'il aime beaucoup notre œuvre. Il me don­ne aujourd'hui des lumières dont je vais tâcher de profiter. - Que de choses à faire pour que l'œuvre ne dévie pas de son véritable esprit de réparation sacerdotale! St. Louis de Gonzague, aidez-nous!

Le recueillement! quelle source de grâces! Quel puissant moyen de sanctification! J'y veux demeurer le plus possible. J'ai besoin pour me ranimer et me fortifier de faire chaque jour quelque sacrifice un peu marquant, j'en chercherai l'occasion. J'accepterai aussi généreusement les croix de Providence 48v.

La croix pèse lourdement aujourd'hui, flat! - Je raisonne encore trop; je voudrais agir désormais avec la foi et la confiance d'un petit en­fant.

Quelle joie pure et douce on éprouve auprès de N.-S. en le priant, en le visitant, en offrant le St Sacrifice! Pardon, Seigneur, pour toute mon indifférence et mes irrévérences passées!

Je rencontre des pensées utiles dans un opuscule sur la «Manière de gouverner de St. Ignace». Comme il savait gagner le cœur de ses disci­ples! Comme il veillait à leurs progrès spirituels! Ce sont, je crois, ses deux principaux secrets.

Pusillanimis, quid times? Inceptum sequere opus. C'est ainsi que N.-S. en­courageait St. Camille de Lellis. Je veux avoir courage aussi malgré 49r les épreuves quotidiennes.

Le plus souvent nous ne sommes qu'à un pas de la sainteté. Il n'y au­rait qu'un sacrifice à faire, celui du défaut dominant et les grâces afflue­raient dans notre âme. Domine, adjuva nos! (Ps 43,26). Maria, intercede pro nobis!

Que d'âmes faibles dans l'Œuvre! Que ferons-nous pour que l'amour de Jésus nous captive tous?

Fête de St. Pierre et St. Paul. - Bons et touchants souvenirs de Ro­me. -Je suis effrayé de ma responsabilité devant Dieu. Quel bien j'au­rais pu faire depuis mon sacerdoce, depuis vingt ans! Que d'âmes Dieu me redemandera et que j'ai laissées se perdre! Combien d'âmes se per­dront encore dans l'avenir à cause de mes fautes, omissions, négligences et scandales d'aujourd'hui!… 49v.

Quand notre corps faiblit, nous le nourrissons et soignons; quand nous sentons que notre âme faiblit ou végète, augmentons nos aliments spirituels: prière, lecture spirituelle, sacrements.

Fête du précieux Sang. - Les hymnes de l'office sont bien belles et bien encourageantes. Hoc quicumque stolam sanguine proluit, abstergit maculas et roseum decus, quo fiai similis protinus Angelis et Regi placeat, capit43).

Fête de la Visitation - 15e anniversaire de l'établissement de nos Soeurs à St-Quentin.

- Omnia per Mariam. Tout nous vient par Marie. Ce mystère de la Providence se réalise tout spécialement dans notre Œuvre. Nos Soeurs par leurs prières, leurs sacrifices et même leurs conseils sont les instru­ments de tous les 50r progrès de l'Œuvre. Cette foi spéciale est une condition de conservation et d'avancement.

N.-S. m'envoie bien des avertissements providentiels pour que je me corrige de mes défauts. Domine, adjuva nos (Ps 43,26).

Visite à Fourdrain. Les souvenirs et les impressions que réveille cette visite font revivre les années où l'œuvre de nos Soeurs était là dans des alternatives d'espérances et d'épreuves. je reviendrai bientôt prier là un peu longuement. C'est bien nécessaire pour notre fondation.

Encore de la division parmi nos Frères. Les défauts ne se corrigent pas. Les angoisses pour le temporel ne manquent pas non plus. Auxilium christianorum, ora pro nobis.

Ste messe au Couvent44), à notre source de grâces. Les âmes victimes dans le 50v cloître et dans le monde sont notre force et notre salut.

N.-S. leur donne mission en ce moment d'aider spécialement à l'Œuvre de son Cœur. Ma correspondance m'en fournit des preuves bien frap­pantes.

Voyage à Soissons. Prédication pour le pèlerinage des Cercles catholi­ques. Accueil bienveillant de Monseigneur. Prière confiante à tous les saints protecteurs de Soissons. Il n'est bruit à Soissons que d'un scandale chez les Frères de Citeaux. Seigneur, épargnez-nous de pareils mal­heurs!

Journée consumée comme bien d'autres à répondre à mille personnes. Cependant j'ai pu faire quelque bien en entendant une centaine de con­fessions.

Je veux laisser dominer en mon cœur ces deux sentiments: amour de Jésus qui est infiniment aimable, aimable 51r par-dessus tout, con­fiance en Marie qui est extrêmement bonne, charitable, secourable.

Je suis frappé par la pensé de la solidarité. Une maison n'est pas bénie à cause d'un seul ou de plusieurs qui offensent Dieu. Cela peut se dire même d'une communauté et d'un peuple, comme on le voit par le crime d'Achan dans le livre de Josué (cf. Jos 7,1-26). Mais la réparation est aussi imputable aux autres. Si quelques-uns au moins consolaient bien N.-S. chez nous, la communauté serait bénie à cause d'eux! Fiat!

Oh! que j'ai soif de vie intérieure et que les affaires me pèsent! Pater, si fieri potest, transeat a me calix iste, attamen non mea voluntas, sed tua fiat! (cf. Mt 26,39-42).

Soissons: ordination. Les pieuses dispositions de mes enfants me 51v consolent de bien des tristesses. J'essaie de raviver les grâces de mes ordinations. - Clamavi in toto corde meo, exaudi me, Domine (Ps 118, 145).

N.-D. du Carmel, priez pour nous. O Marie, secourez-nous! Aug­mentez ma confiance en vous, mon union avec vous, je remets toutes mes sollicitudes entre vos mains.

- Première messe fort touchante du p. Modeste45). Qu'ai-Je fait de toutes les grâces reçues depuis mon sacerdoce?

Usquequo gravi corde? (Ps 4,3). Seigneur, fortifiez ma volonté, ranimez mon courage et ma foi. Je sommeille, réveillez-moi, aidez-moi.

Une âme faible qui a laissé perdre ses forces par le péché ou la tiédeur a besoin de se soutenir par des exercices bien faits et placés aux heures favorables. elle se relèvera 52r peu à peu et retrouvera sa vigueur.

Les épreuves, les inquiétudes, les tentations ne manquent pas. - Do­mine, salua nos, perimus (Mt 8,25).

J'ai foi et confiance dans mon œuvre et dans ma mission, le Cœur de Jésus m'aidera. C'est lui qui a voulu cette Œuvre, c'est lui qui m'en a chargé, c'est son Œuvre, je me repose sur lui. - Marie m'aidera aussi: qui a plus qu'elle cette Œuvre à cœur?

N.-S. manifeste sa volonté en tant de manières qu'on n'en peut dou­ter. Aujourd'hui encore une sainte âme de Paris exprime tout ce que N.-S. lui dit et lui fait sentir au sujet de cette Œuvre des Prêtres­-réparateurs. Il y a quelques jours un prêtre de Grammont (Belgique) nous écrivait et nous parlait d'une autre âme qui avait les mêmes grâces 52v.

Ascendamus ad montem Domini et ad domum Dei Jacob et docebit nos vias suas (Is 2,3). La prophétie d'Isaïe décrit le règne de J.-C., la théocratie uni­verselle remplaçant la théocratie limitée de l'ancienne loi. Jésus est notre roi et le roi des nations. Il est aussi notre amour. C'est en lui qu'il faut aimer Dieu parfaitement selon le premier précepte. Qu'il soit donc notre ami parfait, véritable et constant.

Je n'invoque pas assez mon ange gardien. J'ai cependant mille preu­ves qu'il me secourt quand je le prie. Je recourrai davantage à lui dans les tentations, il est puissant, il m'exaucera.

Le souvenir et le sentiment de la présence de N.-S. non seulement à nos actions, mais à nos pensées même 53r nous soutiennent et nous dirigent. Dominus intuetur cor (1 Rg 16,7). Cette vérité seule devrait puri­fier et redresser nos pensées et nos sentiments.

Je suis bien touché de la demande qui m'est faite à Soissons de prêcher la retraite de rentrée au grand séminaire. C'est une marque de confiance encourageante pour notre chère Œuvre.

Fête de Ste Anne. Pieux souvenir de ma mère et de la vénérée Mme. Uhlrich46). Je les prie de nous aider pour tous nos enfants. - J'écris un grand nombre de lettres pour l'Œuvre et me sens fort encouragé à re­prendre la campagne de 1882 pour une grande association réparatrice sacerdotale.

Si je priais bien au moins! Je ne sais plus même prier. Que de faibles­ses, que de fautes depuis vingt ans! Seigneur, pardonnez-moi! 53v.

Rien ne m'aide comme de vivre du souvenir des prémices de mon sa­cerdoce. Il me semble que les grâces reçues alors se renouvellent. Cela doit être dans l'ordre ordinaire de la Providence. Noli negligere gratiam quae data est tibi per impositionem manuum mearum (1 Tm 4,14).

J'ai soif de vie intérieure, d'union avec N.-S., de prière. Il m'en coûte d'être à la vie active. Il me semble que je m'y perds. - O Marie, secourez-moi!

Distribution des prix. Jour d'occupations extérieures et de distraction. - Voilà encore une année terminée: pardon, ô mon Dieu, pour le mal que j'ai fait et le bien que j'ai omis. Je n'ai pas su donner à ces enfants de la vertu, du caractère, le désir de la perfection. J'ai péché souvent par faiblesse 54r.

St. Ignace. Anniversaire de la rédaction des Règles 1877. Je souffre aujourd'hui de voir ces Règles mal observées. Je souffre aussi de nos dif­ficultés temporelles. - Salva nos, Domine, perimus (Mt 8,25).

Je ne soutiens ma confiance qu'en invoquant sans cesse Marie et en m'appuyant sur elle. - Comme vous avez prié avec l'Eglise, ô Marie, pour la délivrance de St. Pierre, priez pour moi, pour que je sois délivré des liens qui m'entravent!

La foi dans notre Œuvre doit être la base de tous nos progrès et de toute notre action. Nous avons trop négligé cette foi et nous en souffrons. Omnia possibilia sunt credenti (Mc 9,22). Domine, adauge nobis fidem (Lc 17,5).

Union, paix, confiance; telles sont les dispositions inté­rieures 54v qu'exige notre vocation. Sans elles N.-S. ne peut pas vi­vre en nous, nous parler, nous éclairer, nous diriger. Sans elles, c'est la tiédeur avec toutes ses suites si répugnantes.

J'ai faim de vie intérieure, de paix, d'union avec N.-S. - N.-S. veut cela de moi, je me sauverai difficilement sans cela, je le sens. O Marie, aidez-moi!

Voyage au Val-des-Bois. je rencontre toujours là des âmes bien édi­fiantes.

Ma conscience me reproche ma faiblesse, ma bonté excessive, c'est là pour moi la cause de l'éloignement de N.-S. et de bien des épreuves.

Que nous sommes aveugles et obstinés! Une seule attache nous prive souvent de toutes les grâces et nous sépare de N.-S. Nous n'aurions qu'un lien à rompre et nous n'en avons 55r pas le courage.

Rien ne donne mieux la paix que de faire la volonté de Dieu et de vou­loir ce qui est de son bon plaisir. Il gouverne tout avec sagesse et amour, nous lui devons une entière et confiante résignation.

La préparation de la retraite que je dois donner m'est une retraite à moi-même. je sens le besoin de la vigilance, du recueillement. je crains la mort et le jugement et je veux m'attacher à N.-S. pour toujours.

Les grâces de N.-S. doivent nous tenir dans l'humilité et la crainte, parce qu'il en faudra rendre compte. Elles aggravent notre responsabili­té et peuvent devenir la cause d'une éternité plus rigoureuse pour nous 55v.

Je sens le besoin de m'humilier. Comment ai-je servi N.-S. depuis quelques années? Comment ai-je prié? comment ai-je édifié? Quelle vi­gilance ai-je exercé sur mes pensées, sur mes sens, sur mes affections? Pater, peccavi in caelum et coram te (Lc 15,18.21).

Inauguration de la chapelle de Fourdrain, en présence des enfants de St-Clément. C'est le douzième autel que j'offre à N.-S. - Il est, comme le premier, consacré à St. Joseph. Je prie St. Joseph de vouloir bien de nouveau nous prendre sous sa paternelle protection.

Des propositions me viennent pour la basilique votive de Quito. O Marie, conduisez tout à bonne fin.

La préparation de la Retraite aura pour moi les fruits d'une 56r retraite. J'ai laisse cependant encore ces jours-ci bien des grâces se perdre; Seigneur, pardonnez-le moi encore.

A la veille de la retraite que je dois donner je sens mon impuissance absolue. La retraite sera ce que N.-S. la fera. Je ne puis rien. J'ai donné mes soins à la préparation, mais nisi Dominus aedificaverit domum, in vanum laboraverunt qui aedificant eam (Ps 126,1). - Arrosez, Seigneur, ce que nous semons. Misericordia vestra quasi ros pertransiens (Os 6,4). - Appliquez-nous la promesse que vous avez faite à Israël: Ero quasi ros, Israël germinabit sicut lilium (Os 14,6).

Je prêche la retraite de huit jours à la communauté. Ce sera là aussi ma retraite cette année. La retraite est bénie. Tous la 56v suivent bien. La règle est observée et les âmes sont calmes. Cependant, il me reste des inquiétudes pour plusieurs. Le maître de la vigne ne les arrache pas, il leur accorde du temps, mais ne devra-t-il pas les arracher l'an prochain?

Pendant ce temps-là les deux apostats qui ont brisé leur vocation font bien du bruit en ville et donnent du scandale. Pardonnez-nous Seigneur, ce dont nous pourrions être responsables dans la perte de ces vocations.

Le 24 touchante réunion: sept profès perpétuels47). Les enfants eux­-mêmes de Fayet et de Beautroux sont venus, la famille est au complet.

Voyage de Rome. Le p. Augustin48), Jean Lecot et Achille Blanchart m'accompagnent. Le voyage est béni. Nous visitons rapidement quel­ques villes 57r sur le chemin

A Milan nous vénérons le corps de St. Charles Borromée, la châsse de St. Ambroise, de St. Gervais et de St. Protais. Je veux faire de ce voyage un pèlerinage. Je revois cependant avec bonheur les chefs-d'œuvre de l'art italien. Le dôme de Milan n'a pas la pureté de ligne de nos cathé­drales gothiques, mais comme sa dentelure de marbre offre de gracieux aspects! La Cène de Léonard de Vinci me révèle mieux qu'autrefois la science du dessin et de la psychologie que possédait le maître. A St. Am­broise il est facile avec un peu d'imagination de se représenter les scènes touchantes où St. Augustin venait lutter contre lui-même et mériter par son humble soumission 57v les grandes grâces qui l'ont élevé si haut.

Venise a toujours son grand cachet d'originalité, bien qu'elle tende à se moderniser un peu. L'église St-Marc est toute orientale. C'est comme le premier monument de l'orient qu'on trouve là au bord de l'Adriatique. J'aime ses mosaïques qui représentent la grande épopée chrétienne et ses coupoles qui sont comme une image de la voûte des cieux. Venise n'est pas une ville de pèlerinage, cependant j'avoue que j'y ai été impression­né par le caractère religieux de son ancienne république. Toutes les peintures historiques du palais des Doges comme les tombeaux des égli­ses de St-Jean-et-Paul et des Frari proclament le règne social de Jésus­-Christ. Les doges sont représentés 58r partout rendant hommage à la religion. Puissent tous les visiteurs de l'Italie comprendre cette leçon de l'histoire!

A Padoue, nous avons revu l'église du Saint (Antoine), le saint par ex­cellence pour les Padouans, et la grande basilique bénédictine de Ste­-Justine. Celle-ci est riche en reliques conservées dans de fastueux autels de marbre; mais qu'il est triste de voir ces grandes églises abbatiales de­venues de froides chapelles sans clergé et presque des musées! Le Dôme a quelque chose d'oriental à l'extérieur, il a sept coupoles. Le grand attrait de l'intérieur est la chapelle du Saint. La piété et l'art ont enrichi ce tom­beau autant que le Saint avait appauvri sa vie. Un peuple artiste aime à voir la légende du Saint reproduite en marbre par Sansovino 58v. St. Antoine est toujours populaire. Les pèlerins continuent à user de leurs lèvres le marbre de son tombeau.

J'aime toujours à revoir Florence. N'est-elle pas comme un des axes de la civilisation chrétienne? De là ont rayonné la poésie, la peinture, la sculpture avec le Dante, Raphaël, Michel-Ange, fra Angelico, Donatel­lo, Cellini, Giotto, Ghiberti; et la sainteté aussi avec St. Antonin, Ste Angèle49), Ste Madeleine de Pazzi et le beato Angelico.

J'aime Florence parce que la très sainte Vierge Marie ma mère y est belle sous les traits que lui ont prêtés Raphaël et fra Angelico.

Le règne social de N.-S. est aussi proclamé à Florence. Au-dessus de la porte du Palazzo Vecchio les anciens ducs de Toscane 59r ont fait représenter l'hostie eucharistique sur un trône avec cette inscription: Rex regum, Dominus dominantium. C'est la reconnaissance de la royauté sociale de Jésus-Christ.

Le Dante avait raison d'aimer ce beau groupe de monuments que for­ment la cathédrale, le campanile et le baptistère sous leur blanc vêtement de marbre.

Au musée quelques toiles m'attirent et me retiennent par la suavité du sentiment religieux qu'elles expriment. Je ne puis oublier la Vierge du grand duc, la Vierge à la chaise et la Vierge au chardonneret de Raphaël, l'Assomption et une madone d'André del Sarto, une autre de fra Bartolo­meo, une autre de Murillo, la descente de croix du Perugin 59v.

Mais le couvent de St-Marc ne possède-t-il pas dans les fresques de fra Angelico ce que l'art purement chrétien à son apogée a donné de plus surnaturel, de plus doux, de plus pieux, de plus idéal? Comme ce pieux moine a aimé Notre-Seigneur et sa mère!

Je vis Pérouse pour la première fois. Elle est campée, comme les prin­cipales villes étrusques, sur un sommet isolé en face du panorama des Apennins. Elle domine une vaste région, elle est fière de son antiquité, manifestée par quelques murs étrusques, et de ses 50 églises. Son Corso et sa place du Dôme ont un grand air. Là on voit son palais Communal à l'aspect vénitien, la grande fontaine Renaissance de Nicolas de Pise et la 60r Cathédrale qui est majestueuse, bien qu'inachevée et qui pré­sente sur son flanc, en face du marché, la chaire où prêchait St. Bernar­din de Sienne. -J'aime à Perouse les peintures un peu raides de formes et faibles de composition mais pieuses et pures du Perugin et de son éco­le. La Cathédrale possède l'Anneau de mariage de la sainte Vierge, le Sant'Annello. On lui a érigé un riche autel. C'est l'objet d'un pélerina­ge. C'est pour cet autel que le Perugin avait peint son beau Sposalizio. J'y dis la sainte messe avec bonheur. Je crois volontiers à ces reliques, que les fidèles vénèrent depuis longtemps. Les sceptiques sont fiers de l'indépendance de leur raison mais je ne vois pas que leur âme y trouve grand profit 60v.

Comme nous étions heureux d'arriver à Rome! Malgré ses récentes profanations, c'est toujours la ville sainte, la ville du Souverain Pontife, la Jérusalem du nouveau testament, la ville des basiliques, des catacom­bes, des martyrs, la ville où siègent les hauts conseils de l'Eglise, le Sacré-Collège, les Congrégations romaines, les maisons-mères des plus grands ordres, la ville capitale de Notre-Seigneur et la demeure princi­pale de sa personnalité mystique.

Notre première visite fut pour St-Pierre. Décidément cette colonnade n'est qu'une grandiose fantaisie. Elle remplace le cloître qui abritait les pèlerins. Elle n'est qu'un ornement, le siècle qui l'a élevée manquait de foi et d'esprit pratique. Elle en impose. Elle a de la grandeur, trop même 61r pour ne pas nuire à la Basilique. Les jugements sur St-­Pierre sont bien variés. L'œuvre manque vraiment d'unité, on y sent plusieurs mains et plusieurs époques. La façade est de la décadence, elle a de l'ampleur, mais elle écrase et cache trop l'édifice. L'intérieur était conçu sur le plan d'un croix grecque, les deux premières travées de la nef ont été ajoutées après coup. Pour bien juger de l'œuvre du Bramante et de Michel-Ange il faudrait s'avancer de suite à l'intérieur et franchir deux travées pour se trouver à l'entrée de la croix grecque primitive. De là on découvre toute l'ampleur et la majesté de ce temple, le plus gran­diose que les hommes aient élevé. Les lignes et le dessin sont plus purs aussi dans cette partie; c'est la Renaissance à son 61v apogée. - J'ai­me assez la Renaissance quand elle est pure, sobre et chaste; je ne puis cependant la goûter autant que l'art purement chrétien, l'art ogival du XIIIe siècle surtout. Je compare la Renaissance à un art baptisé qui gar­de les suites de son péché originel tandis que l'art chrétien est immaculé. Il me semble encore que la Renaissance et l'art chrétien sont entre eux comme l'ascétisme et la mystique, celle-ci ne s'élève-t-elle pas bien plus haut dans l'ordre de la foi?

L'Italie avait trop de restes païens, elle a versé de bonne heure dans la Renaissance et nous y a poussés. Elle a cependant eu le Dante et Giotto qui dans la littérature et dans l'art ont peu ou point subi l'influence de leur milieu 62r.

Je reviens à St-Pierre. Il n'y a pas là qu'un majestueux édifice, il y a de grands souvenirs. Là était le cirque de Néron, de nombreux martyrs y ont versé leur sang. Là reposent depuis tant de siècles les corps sacrés des apôtres. Là Constantin a prié et a reconnu le règne social de Jésus­-Christ. Là Charlemagne est venu s'incliner et recevoir sa couronne des mains du pontife. Là ont vécu la plupart des papes. Là ont passé Léon le grand, Grégoire le grand, Innocent III, Grégoire VII, Pie V, Sixte­-Quint, Léon X et Pie IX. Là reposent, avec les grandes reliques de la passion, tous les Saints papes et les corps ou des reliques insignes d'un très grand nombre de saints et notamment des Saints canonisés dans ces derniers siècles 62v.

Il y a plus encore que des souvenirs, des chefs-d'œuvre et des reliques, il y a une action surnaturelle qui saisit les âmes et les gagne pour peu qu'elles soient ouvertes du côté du ciel. St-Pierre est un sanctuaire privilégié.

Les jours suivants je revis St-Pierre: j'y retrouve tant de bons souve­nirs de ma vie passée qu'il y a là pour moi un sujet inépuisable de médi­tations. Le 3 j'ai dit la sainte messe à la confession; c'est là que j'avais dit ma seconde messe en présence de mon père et de ma mère le 21 décem­bre 186850).

J'aime la grande basilique de St-Paul. Je ne l'ai vue un peu animée qu'une fois en six ans, c'était au centenaire des apôtres en 1867 et cepen­dant je trouve bon qu'elle soit là et qu'elle soit grande. C'est là que St. Paul 63r reçut sa première sépulture et St. Paul était si grand! Là était la villa où la noble Lucine recueillit les restes du grand apôtre. Là Cons­tantin voulut élever une basilique que Théodose et plus tard Honorius agrandirent et embellirent. L'incendie de 1823 nous a laissé l'abside et le grand arc de l'église d'Honorius avec leurs mosaïques. L'église nouvelle reconstruite avec les dons des souverains et des peuples est une splendide manifestation du prestige persévérant de la papauté.

Comme j'aime à vénérer les restes de St. Timothée déposés là auprès du corps de son maître bien-aimé.

St-Paul aux trois fontaines, au lieu même du martyre de l'apôtre, com­plète le pèlerinage de St-Paul. Comme les trappistes sont heureux d'avoir retrouvé là les traces de leur 63v glorieux patriarche St. Bernard!

St Jean-de-Latran est le centre d'un groupe de sanctuaires des plus vénérables: l'église Ste-Croix, la Scala Sancta, le Sancta Sanctorum, le triclinium de Léon III, le baptistère de Constantin. St Jean est l'église mère de toutes les églises, la cathédrale des papes. Le Sauveur en est le principal titulaire. La table de la Cène est là avec les têtes de St. Pierre et de St. Paul.

St-Jean avec Ste-Croix et Ste-Marie-Majeure, c'est un petit résumé de la Terre Sainte. N'y a-t-il pas là la crèche, la vraie croix, l'escalier du prétoire, la table de la Cène et d'autres précieuses reliques de la Passion?

Combien j'aime ce petit coin de Rome! Il me rappelle de 64r si bons souvenirs! C'est là que j'ai reçu presque toutes mes ordinations. Combien N.-S. m'y a manifesté sa miséricorde et sa bonté!

J'aime à adopter la tradition qui place là le baptême de Constantin et sa guérison de la lèpre. Je regrette que le XVIIIe siècle ait plaqué de pi­lastres maniérés les anciennes colonnes de la Basilique. J'aime à voir ser­vir au triomphe du Christ les richesses du paganisme, comme les colon­nes de porphyre du baptistère, les colonnes de bronze de l'autel du St Sa­crement à St Jean, colonnes qui proviendraient du temple de Jupiter ca­pitolin et qui auraient été forgées avec les rostres des navires conquis par Auguste à la bataille d'Actium. - L'édifice a de bien belles mosaïques du XIIIe siècle 64v. Comme Léon XIII a merveilleusement fait agran­dir et restaurer cette abside! Puisse-t-il rendre à toute cette chère église son aspect primitif!

St-Jean parle aux pèlerins de la France: sous le porche est la statue d'Henri IV, au choeur on voit la stalle de nos souverains, et le beau ci­borium du maître-autel a été élevé en partie avec les offrandes de notre roi Charles V. Le triclinium rappelle le passage et le couronnement de Charlemagne51). J'aime aussi à vénérer au Sancta Sanctorum l'image miraculeuse du Sauveur attribuée à St. Luc.

L'église de St-Jean n'a rien des reliques de St. Jean. Les corps des au­tres apôtres sont tous glorifiés, N.-S. aurait-il voulu laisser sans gloire le corps virginal de St. Jean, la 65r tête sacrée qui reposa sur son cœur? Non sans doute et j'adhère de tout cœur à l'opinion probable qui admet la résurrection de St. Jean et sa glorification anticipée au ciel avec Jésus, Marie et Joseph.

Outre les trois grandes basiliques de St-Pierre, St-Paul et St-Jean, Ro­me a bien d'autres sanctuaires dédiés aux apôtres et remplis de leurs souvenirs. - St-Pierre possède avec les corps de St. Pierre et de St. Paul, la tête de St. André et les corps de St. Simon et de St. Jude. - L'église des Sts-Apôtres possède les corps de St. Philippe et de St. Jac­ques. - St-Barthélémy en l'île possède le corps de cet apôtre. Les autres souvenirs rappellent le martyre des grands apôtres. St. Paul eut sa pri­son à Ste-Maria in via lata. Il se prépara à la mort avec St. 65v Pierre à la prison Mamertine. Il fut mis en croix à St-Pierre in Montorio et ses chaînes sont conservées à St-Pierre in Vincoli. St. Jean subit son marty­re au lieu où est le sanctuaire de la porte latine. Nous avons refait ce che­min de croix des apôtres.

La basilique de Ste-Marie-Majeure parle bien à l'âme. C'est un se­cond Bethléem. La crèche est là avec St. Jérôme son fidèle gardien. C'est l'église du miracle. La Ste Vierge en marqua l'emplacement par un voile de neige. On dit que les Patrizi descendent du patricien Jean qui fonda cette église, j'aime à me souvenir que le cardinal Patrizi me donna les Saints Ordres52) et qu'un autre Patrizi fut mon professeur d'Ecriture Sainte au Collège romain53). Cette chère église 66r possède aussi l'image sacrée de la Sainte Vierge peinte par St. Luc et le tombeau de St. Pie V, le pape du rosaire. Comme on prie bien la Sainte Vierge, dans un pareil sanctuaire! Que d'hommages la Sainte Vierge a reçus là. On y a placé les 44 colonnes du temple de Junon, c'est un triomphe de Marie sur le paganisme. Sixte III y fit faire au Ve siècle toutes ces belles mosaïques de la nef et de l'arc triomphal qui redisent tous les mystères de Marie et ses figures dans l'ancienne loi, c'était une protestation con­tre l'hérésie de Nestorius.

Comme l'autel de Marie est richement orné. Il est tout de jaspe, d'agathe, de lapis, d'améthyste, de rubis, d'émeraudes, de topazes et de grenats. Vive Marie! Je me 66v réjouis de sa gloire. - Plusieurs saint papes venaient là passer les nuits en prières. Depuis quatorze siècles Ma­rie a reçu là les plus grands honneurs et a multiplié les miracles. On lui chante chaque samedi des litanies solennelles. Nous y étions aux premiè­res vêpres de la Nativité et nous y avons prié avec bonheur.

Je n'ai pas le loisir d'exprimer ici mes impressions sur tout ce que j'ai revu en quelques jours dans la ville sainte. J'en ferai une simple énumé­ration synthétique.

Rome a encore quatre grandes figures principales de Saints des pre­miers siècles: St. Laurent, St. Sébastien, Ste Agnès et Ste Cécile.

St. Laurent a sa grande basilique fondée par Constantin, agrandie par Placidia, fille de Théodose, restaurée et 67r décorée par Pie IX qui a voulu y reposer. St. Laurent a été martyrisé sur le Viminal (à St-­Laurent-in -Paneperna)54). Son gril est conservé à St-Laurent in Lucina, sa prison à St-Laurent-in-fonte. A cette prison se rattachent les souve­nirs du chevalier St. Hippolyte, geôlier de St. Laurent, chanté par les poètes.

- On a distingué à Rome trois villes: la Rome souterraine, la Rome païenne, la Rome chrétienne. A d'autres points de vue on y pourrait considérer successivement la cité des Martyrs, celle des Papes, celle des Vierges, celle des grandes familles religieuses.

A la cité des Martyrs appartiennent d'abord les Catacombes. Aucune ville au monde n'a rien de comparable. Puis le Colysée où tant de mar­tyrs ont versé leur sang 67v. La basilique de St-Pierre aussi est un des centres de la cité des martyrs, grâce aux souvenirs du cirque de Néron, aux reliques accumulées, aux ossements des Catacombes entassés dans les colonnes de bronze de la Confession. - Les églises de Ste­-Pudentienne et de Ste-Praxède ont vu affluer aussi le sang et les osse­ments des martyrs dans leurs puits vénérables. A cette noble cité des martyrs appartiennent les églises de St-Laurent (St-Etienne), St-­Clément (St-Ignace), St-Sébastien, Sts-Jean-et-Paul, St-Eusebe, St-­Eustache, St-Pancrace, St-Georges, Sts-Nérée-et-Achillée, St­-Chrysogone, St-Alexis (Sts-Boniface et Aglae), St-Adrien, St-Césaire, les Saints-Pierre et Marcellin, les Saints-Vit et Modeste. Ste Symphoro­se et ses enfants reposent à l'église St-Ange-in-Pescheria; St. Basilide et ses compagnons à l'église Ste-Marie transpontina55) 68r et ce n'est pas tout.

Rome entière est la cité des Papes. Leur souvenir y est présent par­tout. L'église St-Pierre est vraiment comme les Champs-Elysées de la papauté. Ils reposent là si nombreux et si glorieux. Plusieurs reposent aussi à Ste-Marie-Majeure et à St Jean-de-Latran. Puis quelques grands papes ont leur église particulière, comme St. Clément, St. Grégoire, St. Damase, St. Fabien (avec St. Sébastien), St. Martin, St. Callixte, St. Caïus, St. Marc, St. Marcel, St. Sylvestre.

Dans la cité des Vierges, Ste Cécile et Ste Agnés ont un rang à part. Viennent ensuite Ste Praxède, Ste Pudentienne, Ste Emérentienne, Ste Sabine, Ste Suzanne, Ste Prisque, Ste Bibiane, Ste Balbine, Ste Con­stance, Ste Anastasie, Ste Françoise romaine, Ste Bonose, les Stes Rhu­phine et Seconde, les Stes Claudia, Eugénie et Martine 68v (aux XII apôtres). J'en omets un grand nombre.

Rome ne possède pas seulement les reliques des Saints, mais aussi le plus souvent leur habitation, leur maison devenue un sanctuaire, la chambre où ils habitaient, ce qui permet mieux encore de vivre dans leur intimité. On y peut revivre ainsi avec les apôtres Pierre et Paul, avec St. Pudens, Ste Cécile, St. Clément, les Sts Jean et Paul, St. Grégoire et Ste Céline, St. Ambroise, St. Eusèbe, Ste Rufine, St. Alexis, Ste Bonosa, St. Caïus, Ste Paule, Ste Sabine, Ste Prisque, St. Benoît (in piscinula), Ste Brigitte, St. Labre, St. Gaétan et St. Calasance (à Ste Dorothée). - St. Berchmans, St. Camille de Lellis, Ste Catherine de Sienne, le B. Crispin de Viterbe, St. Dominique, St. Félix de Cantalice, St. François d'Assise, Ste Françoise romaine, St. Ignace, St. Jean de Matha, 69r St. Louis de Gonzague, St. Léonard de Port-Maurice, St. Paul de la Croix, St. Philippe de Néri, St. Pie V, St. Stanislas, le B. Nicolas de Longobardi, le B. Jean-Bte de Rossi. Quelle ville a rien de comparable?

C'est la cité des Ordres religieux. Les Bénédictins sont à St-Paul et à St-Grégoire, à St-Callixte - Les Basiliens à St-Serge-et-Bacchus - Les Cisterciens à Ste-Croix-de Jérusalem, à St-Paul 3 fontaines - Les Chartreux à N-D- des-Anges - Les franciscains à l'Ara Caeli, à St­-François-a-Ripa, aux XII Apôtres, à St-Bonaventure, aux Capucins - Les Dominicains à la Minerve, à Ste-Sixte, à Ste-Sabine - Les jésuites à St -Ignace, au Jesu, à St-Eusèbe, à St-André-du -Quirinal - Les Servi­tes à St-Marcel - Les Augustins à St-Augustin - L'Oratoire à Chiesa Nuova - Les Barnabites à St-Charles-a-Catinari - Les Passionistes à St-Jean-et-Paul, à la 69v Scala Santa - Les Camilliens à la Madelei­ne, les Clercs-mineurs à St-Laurent-in Lucina - Les Ermites de St­Augustin à Jésus-et-Maria - Les pères des Ecoles pies à St Joseph Calasance - Les p. du St-Esprit à Sta-Chiara - Les p. du St. Sacre­ment à St-Claude - Les Missionnaires du S.-Cœur à N.-D. du S.-Cœur, etc.

Rome est la cité des Madones. Combien elle a d'images vénérées et miraculeuses de Marie!

Rome est la cité de l'art ancien. Elle a le Palatin, le Colysee, les Ther­mes, les Temples, les musées. Elle est aussi la cité de l'art de la Renais­sance avec ses musées, ses villas, ses jardins, sans compter les églises.

Elle a de grands souvenirs politiques. Elle honore aussi les 70r vrais champions de la liberté avec O' Connel dont le cœur repose à Ste­Agathe et Rossi assassiné à la Chancellerie.

Elle a enfin ses environs si intéressants; Subiaco, Tivoli, Tusculum, Ostie.

Nous avons refait du 10 au 12 cette excursion si intéressante de Subia­co qui m'avait laissé de si profonds souvenirs. Quel pèlerinage saisis­sant! Les souvenirs, l'art, la nature, tout est là réuni. Le 11, je célébrais la sainte messe au Sacro Speco. St. Benoît, Ste Scolastique, St. Placide, St. Maure, St. Bède. J'admire ces nobles âmes et je prie ces chers Saints de me secourir.

J'avais vu dès les premiers jours Mgr Sallua56), je le vis avant de quit­ter Rome. Je l'ai trouvé cette fois bien affable, confiant et encourageant. Mgr Sepiaci, secrétaire des Evêques 70v et réguliers me dit que les Animadversiones jointes à notre décret de louange nous obligeaient dès main­tenant et qu'il fallait faire l'essai de toutes ces prescriptions. Nous le fe­rons.

Je vis aussi avec plaisir l'illustre card. Ledochowski57), qui fut bien en­courageant aussi, tout en me mettant en garde contre le surnaturel où peut se glisser l'illusion.

La grande grâce de ce voyage fut l'audience du St-Père, le 6 sept. à 11 h. J'avais demandé à le voir pour le remercier du decretum laudis et pour recevoir sa bénédiction et ses encouragements. Ma lettre d'audience ne se fit pas attendre. Le card. Parocchi58) passait avant moi, le Cercle ca­tholique romain attendait pour être reçu ensuite 71r.

Le St-Père m'accueillit avec une extrême bonté. Je me tins à ses pieds un petit quart d'heure. Voici la substance de ses paroles: «J'ai lu le de­cret que je vous ai donné. Je sais que vous faites du bien, que vous avez déjà huit maisons dans quatre diocèses et quatre-vingt religieux. Votre but est bien beau. La réparation est bien nécessaire. La pauvre France! elle est sous le joug des sectes. Prêchez mes encycliques, elles combattent les erreurs contemporaines. Il faut prier aussi pour les prêtres. Il y en a qui deviennent sacrilèges, et il y en a aussi qui n'ont pas la ferveur de leur saint état. Quelles sont vos ressources? (Je dis au St-Père que le col­lège et les résidences vivaient du fruit de leur travail et les écoles apostoli­ques des secours de la Providence). C'est bien, ajouta-t-il, mais pour les maisons 71v d'adoration, il vous faudrait des fondations (je parlai au St-Père de nos projets pour l'Equateur et lui demandai de les bénir, il ré­pondit:) Oui, c'est bien, je connais Mgr Ordonez, je l'ai vu il y a quel­que temps. je connais aussi Mgr Thibaudier, évêque de Soissons, je l'ai vu plusieurs fois et toujours avec un grand intérêt parce qu'il est très di­gne. (Je lui parlai alors de nos Soeurs et du concours qu'elles nous pre­taient, il me dit:) c'est bien, de cette manière vous pouvez faire beau­coup de bien et j'ai la confiance que votre œuvre se développera». Je de­mandai alors au St-Père sa bénédiction pour toutes mes intentions. Il me permit de lui présenter mes compagnons de voyage et les bénit après leur avoir dit quelques mots 72r.

Après avoir fait notre pieux pèlerinage à Ostie le 15 pour y prier St. Augustin et Ste Monique, nous faisions nos adieux émus à St-Pierre le 16 et nous reprenions le chemin de la France.

Nous nous arrêtions quelques heures à Pise pour revoir ses merveilles artistiques et spécialement son Campo Santo avec ses fresques dont quelques-unes comme le jugement dernier d'Orcagna expriment si bien la foi des âges chrétiens et la prêchent si éloquemment.

A Gênes, pour y revoir sa cathédrale avec les reliques de St. Jean­Baptiste et le sacro catino - son merveilleux cimetière qui révèle une po­pulation d'artistes et surtout les souvenirs de Ste Catherine, sa chambre et son corps que je n'avais pas vénérés dans mon précédent vo­yage 72v.

Nous donnions aussi quelques heures à Turin pour y vénérer le St. Suaire, et y prier N.-D. Auxiliatrice. Nous avons visité la chambre de Don Bosco. Comme j'étais heureux de prier et de m'humilier là où ce saint fondateur a tant travaillé pour la gloire de Dieu! Nous sommes montés à la Superga. La vue y est splendide, mais pourquoi ce monastère aussi est-il privé de ses pieux habitants.

Le 20 nous disions la sainte messe à Fourvières, c'était encore un mo­ment de grâce.

Le 21 nous étions au Puy. N.-D. de France nous attirait, nous vou­lions lui faire notre petit pèlerinage. La cathédrale du Puy aussi a tant de souvenirs.

Le 22 nous disions la sainte messe à 73r l'église St Julien de Briou­de auprès des reliques du grand martyr. Le 23 nous étions à Montmartre pour remercier le S.-Cœur et nous rentrions à St-Quentin après un voyage merveilleusement béni.

Réunion des anciens élèves. Réunion cordiale et utile à quelques âmes, mais trop peu nombreux cette année.

Je prêche la retraite des élèves du grand Séminaire. Mgr m'a donné cette marque de confiance. Je suis content de mes pieux auditeurs. Il y a là quelques âmes bien belles. Tous me témoignent de la confiance. J'en suis heureux pour l'Œuvre du S.-Cœur qui a besoin d'être aidée par le clergé du diocèse. Cette retraite m'a fait du bien à moi-même. Elle me servira de retraite pour cette année avec 73v celle que j'ai prêchée à mes religieux au mois d'août.

Rentrée de St Jean: La maison est visiblement bénie. N.-S. m'a ren­du un excellent préfet de discipline en échange de celui que le démon m'a ravi. Tout s'organise bien. La piété y gagnera, l'éducation donnée dans la maison sera plus sérieuse et plus chrétienne.

Fêtes du pèlerinage. Mgr de Nancy nous donne le 25 un beau panégy­rique de St-Quentin (Mgr Turinaz)59) - Mgr Belouino (d'Hieropolis) parle le 28. Mgr de Soissons dit le 27 la messe du St-Esprit pour l'Insti­tution et donne la tonsure au f. Anschaire60). Mgr Thibaudier nous édifie toujours plus que les autres dans ses réunions par sa modestie, sa piété, sa prudence 74r.

La retraite de l'Institution est prêchée par le p. Rolland, dominicain d'Amiens. Nos enfants sont profondément touchés par la grâce. La pré­dication, en somme, bonne et solide, vise un peu au nouveau, à l'effet. La retraite portera des fruits.

Adieux touchants de nos missionnaires, les pères Gabriel et Irenée61). Cérémonie du baisement des pieds. Nos élèves sont bien émus, c'est pour eux comme une seconde retraite.

Je conduis mes chers Missionnaires jusqu'à St-Nazaire. Nous célé­brons la messe à la vieille église du port. Ils s'embarquent sur «La Fran­ce». Ce sont des jours de grâce et d'émotion.

Au retour je célèbre la sainte messe au tombeau de St-Martin, c'était la fête du saint. La crypte était remplie de pieux fidèles. Mgr 74v l'archevêque62) officiait. je fis ensuite ma pieuse visite au sanctuaire de la Ste-Face. Vraiment on y prie bien. je me reproche de ne pas profiter de tant de grâces.

Clôture de la retraite, à St-Clément. Puissent les prières de ces enfants gagner le Cœur de Jésus pour qu'il bénisse abondamment son œuvre et me pardonne toutes mes iniquités!

Visite à Fourdrain. J'y trouve des jeunes gens bien disposés, assez pieux. J'offre au Cœur de Jésus pour cette chère maison le trésor des prières et sacrifices que nos bonnes soeurs ont préparé là autrefois.

Visite à Sittard et Lille. La piété règne à Sittard. La nouvelle maison est défectueuse. Il fallait la faire sur un plan nouveau; on a suivi le plan de l'ancienne 75r ferme, flat! C'est un petit sacrifice de goût et d'amour-propre.

Belle fête chez nos soeurs. Vêtures et professions nombreuses. Je suis chargé de leur faire l'allocution. C'est une grâce pour moi et un renou­vellement de l'union surnaturelle qui m'a toujours été si précieuse.

Ordination. Sept des nôtres avancent. Souvenirs touchants pour moi. Ces jours de décembre m'apportent chaque année un renouvellement des grâces de mon sacerdoce. Cette grâce est moins sensible cette année. J'en cherche la cause. Je reconnais que j'ai à surmonter quelques défauts qui éloignent N.-S. Je vais m'efforcer de le faire.

1er messe de M. Mercier63). Encore un de nos élèves de St Jean devenu prêtre! C'est une grâce pour la 75v maison, une consolation pour moi, une grande édification pour les élèves.

Noël. Communion édifiante à St Jean. Messes au Couvent. Mgr me renouvelle les pouvoirs de confesseur et prédicateur au Couvent. J'ai tiré tant de grâces de l'union avec cette chère communauté que je dois me ré­jouir et remercier N.-S. de voir cette union se renouveler.

Fête de St Jean. Nous ne sommes pas assez fervents pour une si belle fête. La vie surnaturelle chez nous n'est pas assez abondante et j'en suis cause en très grande partie. Seigneur, pardonnez-moi!

Cette année nous a apporté bien des grâces, malgré nos infidélités. L'approbation, les missions, la fondation de Fourdrain, entre 76r autres, ce sont là de grands dons de la Providence. Il y a encore l'audien­ce du St-Père, les agrandissements de Sittard et tant d'autres grâces moins extérieures. Merci, Seigneur. Mais que de fautes encore cette an­née. Pardonnez-moi, pardonnez-nous.

Journées occupées par les lettres, les visites, les cartes du nouvel an. C'est une servitude. On y peut faire quelque bien. Bon nombre de mes anciens élèves m'écrivent, cela réveille leur foi et me donne occasion de les encourager.

Préparation de la Revue: Le Règne du Cœur de Jésus. C'est un sur­croît de travail, mais c'est un puissant moyen d'apostolat. O Marie 76v bénissez cette œuvre nouvelle entreprise sous vos auspi­ces! St. Paul, vous qui avez si bien parlé du règne de J.-C., aidez cette œuvre qui commence au jour de votre fête.

Nous avions prié pour quelques conversions et vocations, un de nos Paul est terrassé aujourd'hui par la grâce et se donne généreusement à l'Œuvre. D'autres sont touchés quoique moins complètement. Magnifi­cat! Continuons à prier.

Mort de notre cher Halluin Narcisse. Il était pieux et pur, doux, obéissant et régulier. Il aimait le travail et les bonnes œuvres. Sa mort produit une impression profonde et salutaire parmi nos jeunes gens 77r.

Voici l'anniversaire de jours bien émus, de jours pleins de grâce en 1878!64) - Prions. - Nous apprenons la nomination de Mgr Thibaudier à Cambrai. Nous lui devons de nombreux bienfaits et aussi quelques épreuves. Son départ me peine. Je lui étais bien attaché. Dieu veuille nous donner un pasteur saint et prudent.

Mgr Monnier65) et Mgr Mermillod66) bénissent et encouragent notre petite Revue. Puisse-t-elle faire son chemin! Bien des lettres viennent nous prouver qu'elle répond à un besoin des âmes pieuses.

Le p. Dupland fait donner aujourd'hui à Paris un concert de charité à la salle Erard pour nos œuvres. Je ne prendrai pas ce 77v moyen une autre fois, N.-S. ne doit pas aimer ces fêtes toujours un peu mondaines données au profit des œuvres.

Mgr de Soissons donne aujourd'hui son approbation à notre Associa­tion de prière, d'action et de sacrifice. Puisse-t-elle se multiplier et pro­duire beaucoup de fruits.

Voyage à La Capelle. Ma nièce67)donne aujourd'hui son consente­ment à un mariage. J'espérais pour elle une plus belle vocation. Puisse­-je n'avoir aucune responsabilité dans cette détermination.

Les évêques de Besançon68) et Langres69) nous autorisent à aller parler de nos missions dans leurs séminaires. Puisse le cœur de Jésus bénir et féconder cette parole et susciter là des vocations nombreuses! 78r.

Au séminaire de Mende70) aussi on nous attend. Deo gratias.

Je suis toujours faible, chancelant. Je tombe souvent dans les mêmes défauts. Je sens aussi le poids de ma responsabilité pour les âmes qui dé­pendent de moi. Pardon, Seigneur. Puisse chacun de mes soupirs être une demande de pardon!

J'apprends qu'on s'occupe de moi au gouvernement pour une dignité ecclésiastique. Cette nouvelle tout invraisemblable ne laisse pas que de m'émouvoir. Si j'allais être obligé de prendre une pareille charge avec ma faiblesse et mes défauts! Mais je me rassure, on ne me nommera pas. Ni Dieu ni les hommes ne le voudront. Pour Dieu je suis trop misérable, pour les 78v hommes qui sont au pouvoir je suis encore trop… ultra­montain…

Voici venir le jour anniversaire du Bref laudatif. Je suis reconnaissant et confus. Nous avons été encore bien ingrats, bien faibles, et bien peu généreux cette année. Comme nous attristons N.-S.! Que notre vie inté­rieure est pauvre! Comme notre volonté est chancelante. Domine adjuva nos! (Ps 43,26). Le démon, il est vrai, ne nous laisse pas de répit, il a hor­reur de cette Œuvre, mais nous ne sommes pas assez prudents, assez vi­gilants et nous ne nous appuyons pas assez sur N.-S. pour la lutte.

Fête de St. Mathias à Fayet. Vêture de Paul Cottard71). Journée de grâce. Cette maison est bien celle pour le moment où N.-S. fait le plus sentir sa présence chez nous 79r.

Visite à Fourdrain. Je trouve là tous nos jeunes gens assez bien dispo­sés. Ils sont courageux de persévérer dans des conditions aussi peu favo­rables et avec une organisation aussi imparfaite. L'un d'eux pleure à mon départ et m'émeut profondément.

St. Joseph, ami du S.-Cœur, priez pour nous, aidez-nous. - Le mois commence le vendredi comme il y a onze ans. Nos Soeurs renouvellent bien généreusement leur offrande pour l'Œuvre. Je demeure faible. Le désir me vient souvent de quitter St Jean pour trouver ailleurs plus de recueillement et des conditions plus favorables à la vie intérieure, mais je rencontre aujourd'hui cette pensée de Ste Lidwine: «Le lieu ne fait pas 79v l'homme saint, partout où il va il se porte lui-même».

J'ai baptisé mon petit neveu Jean72) à La Capelle. Puisse cet enfant de­venir plus tard un apôtre! La grâce de cette journée a été pour moi de prier sur la tombe de mes parents. Voilà six ans que ma mère est avec Dieu! Que je voudrais la revoir! Elle doit être dans la gloire, elle prie pour moi. Son souvenir me fortifie.

Notre principale source de grâces c'est l'immolation: accepter la croix de chaque jour. N.-S. ne nous les ménage pas: humiliations de la part des supérieurs, malaise, gêne temporelle, résistance et découragement des inférieurs, tout se réunit à certains jours pour nous demander le flat de la résignation 80r.

Quelques-uns des miens me font bien souffrir par leur conduite abso­lument irrégulière. Je le souffre volontiers pour l'Œuvre; mais eux, ils accumulent les obstacles à leur avancement. Seigneur, pardonnez-leur!

Delloue73) m'annonce sa courageuse décision. Il brise sa position et brave sa famille pour se donner au S.-Cœur. Il fait cet acte héroïque avec simpli­cité et humilité. C'est une grande grâce pour lui et pour l'Œuvre.

J'ai demandé à St. Joseph la victoire sur une tentation habituelle et humiliante, il me l'a accordée. C'est une grande grâce pour moi. C'est la paix après une longue guerre où les défaites étaient fréquentes. Je vais donner à St. Joseph un ex-voto que j'avais promis 80v.

J'ai entendu les confessions au Couvent en l'absence de l'aumônier, ce­la a réveillé en moi les grâces que je trouvais autrefois dans ce pieux minis­tère. J'ai soif de vie intérieure, de paix, de recueillement, de prière.

Le père B. (Barthélemy Dessons?) est découragé et pense à partir: il y a trois mois qu'il vit de volonté propre et de caprice. Il s'est éloigné de moi et de nos principales sources de grâces, il devait finir ainsi. Sei­gneur, pardonnez-lui encore!

46e anniversaire de ma naissance. Je n'avance pas dans l'oraison et la vie intérieure depuis quelques années. Quelques attaches légères aux créatures m'entravent complètement. Quand pourrai-je dire définitive­ment: Dirupisti, Domine, vincula mea, tibi sacrificabo hostiam laudis! 81r (Ps 115,16-17).

Des lumières d'oraison sur l'Œuvre des Prêtres du Cœur de Jésus me sont communiquées par J. M.74). Ces vues sont profondément émouvan­tes. Elles m'aideront beaucoup pour la direction de l'Œuvre. C'est une grâce de résurrection. Merci Seigneur! Vous donnez donc véritablement votre cœur à des créatures aussi misérables que nous!

Ces grâces continuent. N.-S. veut renouveler en nous la vie d'amour qui nous a vraiment animés pendant les premières années.

La très sainte Vierge m'accorde depuis la belle fête de l'Annonciation une union toute nouvelle avec elle. Sa présence m'est pour ainsi dire sensible et continuelle. Elle me conduit par la main et me dirige mater­nellement. Quid retribuam? (Ps 115,12) 81v.

Il me semble que je ne vis plus que pour Marie. La vision suivante de Ste-Juette75) rend bien la grâce que j'ai reçue: «Un jour, N.-S. lui appa­rait dans sa majesté. Elle redoute sa justice, elle se prend à sangloter et dans sa détresse tourne vers Marie des bras suppliants. Elle voit alors Marie descendre de son trône, se prosterner devant son fils et implorer en sa faveur la clémence divine. Jésus, irrité, veut détourner sa face: «el­le a péché gravement, dit-il, il faut que justice se fasse». - «C'est vrai, mon Fils, mais voyez les larmes versées pour ce péché… et s'il manque encore quelque chose à cette expiation, considérez, mon Fils, que son péché n'a été qu'un péché d'ignorance, dont elle ne connaissait pas toute la gravité. Du moins remettez-lui la faute et la peine à la prière de votre Mère. Pourrez-vous 82r bien me refuser cette grâce? je ne vous quit­terai point que vous ne me l'ayez accordée». - «Qu'il soit fait, ma Mè­re, ainsi que vous le désirez, mais je vous confie cette âme et je la voue à votre amour». Marie vint alors vers sa protégée, la console et la conduit à Jésus. Jésus lui donne le baiser de la réconciliation et la remet à Marie en disant: «Voilà votre fille, gardez-la, protégez-la, dirigez-la».

Oh Marie! Ne permettez plus que je m'éloigne de votre direction. Aujourd'hui même 30.000 F. me sont remis pour la chère chapelle d'adoration réparatrice à élever au S.-Cœur. C'est encore un signe de résurrection. Je rends grâce à Jésus, Marie et Joseph.

St. Joseph se montre bien paternel. Il nous a moins laissé dans la gêne 82v que les années précédentes. Il veut que j'aie l'esprit libre pour la direction de l'Œuvre. - Aujourd'hui il prépare de petites fon­dations à St-Rémy et à Paillé, à l'Est et à l'Ouest de la France. Les let­tres que je reçois me font espérer que nous aurons là bientôt des écoles apostoliques.

Le St-Père vient de bénir la petite Revue76). J'ai quelque humiliation pour l'examen de mes ordinands et le souci du départ des missionnaires. Ma bonne Mère ne m'abandonne plus. -Je suis profondément impres­sionné ces jours-ci par la vue du néant de ma vie passée, de mes fautes innombrables, de l'abus que j'ai fait de toutes les grâces: sacerdoce, vie religieuse, grâces 83r de tout ordre et de toute nature, j'ai abusé de tout et j'ai été bien près de perdre mon âme. C'est la très sainte Vierge qui a obtenu mon salut, mon pardon. Elle veut me rendre toutes les grâ­ces passées. Puissé-je correspondre fidèlement aux grâces nouvelles qui me sont données!

J'ai conduit à Paris nos quatre missionnaires qui partent pour Quito: les pères Sébastien et Bruno, les frères Anschaire et Benoît Labre77). Nous avons prié ensemble au S.-Cœur de Montmartre et à N.-D. des Victoires. Ils sont partis généreusement et joyeusement. -Je sens le be­soin d'humiliations depuis quelques jours. Elles viennent. Je les remets entre les mains de Marie. Elle se chargera des 83v besoins de l'Œuvre, des vocations à gagner, des conversions à obtenir.

Chaque jour apporte ses petites humiliations. Je commence à les goû­ter. Il me semble que j'ai bien le désir d'aimer Jésus et Marie. Je suis de­solé de mon ingratitude passée. Je sens le besoin de travailler active­ment, avec zèle. Jésus me donnera beaucoup à faire encore son Œuvre. Je voudrais ne pas perdre un instant.

Ce sont les grands mystères de Pâques. Que nous sommes petits de­vant ces grandes choses! Que nos dispositions sont misérables! La Pas­sion de Jésus se continue: où sont nos réparations? où est notre amour? Ces Pâques ont cependant pour l'Œuvre un ton de résurrection qu'elles n'avaient pas les années précédentes. Jésus nous 84r réveille, nous ai­de, nous donne des grâces encore cachées mais réelles et puissantes. Ma­deleine annonce aux disciples que le Christ est ressuscité (cf. Jn 20,18). La confiance renaît.

Voyage à Sittard, Dauendorf et Lille. Partout des signes de résurrec­tion. Que de bandelettes à délier! que de membres à ranimer! Il faut maintenant le recueillement et la prière qui préparent la pentecôte. Union à Marie. C'est elle qui fera tout. Ce petit séjour à Dauendorf ra­nime ma foi dans l'Œuvre, ma confiance, mon union à Jésus et Marie. Notre sainte soeur Ig. est toujours comme une vision du ciel par sa can­deur, sa foi, sa charité.

Les élèves anciens et nouveaux me souhaitent la fête. Nous allons en excursion à Fourdrain. La grâce 84v de cette journée, c'est le bon esprit des anciens élèves, leur union. Ces heureux résultats de l'œuvre de St Jean me sont une consolation.

Visite du docteur Hengesch78) de Luxembourg. Projet de fondation à N.-D. de Clairefontaine, pour recruter des missionnaires.

Prions. Ce projet se présente sous des auspices favorables.

Mgr Thibaudier permet le retour de notre chère soeur Ignace79).

La doctrine de la vie d'amour nous est rendue quotidiennement par les lumières que le p. Ign.80) reçoit de N.-S. - Misericordias Cordis Jesu in aeternum cantabo (cf. Ps 88,2).

Voyage à Luxembourg. La Providence nous a préparé là une grande faveur. Nous irons à Clairefontaine. Il en sortira, j'espère, un essaim de missionnaires pour l'Amérique 85r du Sud et la Scandinavie. Ce voyage en pays chrétien est comme un rêve pour un pauvre St­-Quentinois. Quelle piété dans ces populations que je vois affluer au pèle­rinage de N.-D. de Consolation! Les évêques de Luxembourg et de Na­mur me reçoivent bien cordialement. Le Dr. Hengesch et l'aumônier Barthel ont eu des épreuves analogues aux miennes pour la fondation des Dominicaines à Clairefontaine, ils deviendront pour moi des amis. Mater misericordiae, ora pro nobis. St. Martin, St. Rémacle, St. Charle­magne81), St. Bernard, St. Dominique, Bx. Pierre de Luxembourg, Ven. Jeanne de Luxembourg, pieuse comtesse Ermesande, protecteurs de Clairefontaine, priez pour cette fondation, bénissez-là, prenez-là sous votre bienveillant patronage 85v.

Retour de notre bonne sr. Ignace. C'est pour ceux qui la voient et qui l'ont connue comme une apparition céleste. Sa vue ranime les courages. Le démon s'agite tous ces jours-ci; il est sans doute particulièrement furieux.

Noces de ma nièce Amélie. Je passe ces deux jours en famille. - Bea­tus, Domine, quem elegisti et assumpsisti (Ps 64,5). - Je vois là le monde dans ce qu'il a de plus honorable, mais j'y trouve encore bien de la vani­té. - L'église, le cimetière, les souvenirs de ma mère surtout me font passer de bons moments. - Deus, adjuva nos (Ps 78,9).

Fondation de la maison de Clairefontaine. C'est bien N.-S. qui nous a conduits là. Puissions-nous lui former là des enfants qui l'aiment vérita­blement et le servent avec ardeur et simplicité! 86r.

Luttes - faiblesses -Je ne donne pas à N.-S. ce qu'il demande. Je vois cependant ce qu'il faudrait faire, mais le courage me fait défaut. N.-S. m'attend, m'appelle; m'encourage de toutes façons. Quelles preuves d'amour de son côté! Quelle ingratitude et quelle légèreté du mien! Comme je retarde les grâces qu'il voudrait donner à son Œuvre!

Première communion à St Jean. Quelques enfants doivent bien con­soler N.-S. - Plusieurs annoncent des vocations naissantes. - Le 28 la confirmation est donnée par Mgr. Bélouino82). C'est la belle fête du S.-Cœur.

Je n'arrive au Couvent que pour la fin de la cérémonie. - N.-S. me fait savoir qu'il est peiné, irrité ces jours-ci. Ses paroles me percent le cœur.. . 86v.

C'est une véritable tempête qui s'élève contre l'Œuvre. Tout pour­rait être englouti. C'est une épreuve plus douloureuse que celle du Con­summatum est. Que faire? Je suis écrasé. Je recours aux prières de tous les amis de l'Œuvre.

Miserere met, Deus, secundum multitudinem miserationum tuarum (Ps 50,3). On exagérait des défaillances et imprudences83).

N.-S. est sévère: je le mérite. Sa patience se lasse. Pardon, Seigneur, changez-nous, vous-même. Donnez-nous les vertus que vous voulez voir en nous. Faites-moi comprendre tout ce que vous voulez de moi et donnez-moi la force de l'exécuter.

Fête de Ste Madeleine. Que N.-S. est bon! Je voudrais répéter cela jusqu'au dernier instant de ma vie. N.-S. m'humilie, mais c'est pour me convertir. Il me fait connaître 87r le triste état de mon âme. Il me donne la grâce de pleurer. Merci, merci, mon Dieu. Pleurer, m'humi­lier, faire pénitence, aimer Jésus, le remercier, telle sera désormais ma vie. Aidez-moi, ô Jésus. Pardonnez-moi. Ne permettez plus que je vous offense. Donnez-moi aussi la force de réprimer les fautes et les irrégulari­tés de ceux qui sont sous mes ordres.

Fête de Ste Anne. - O Jésus, que vous avez été bon, miséricordieux! Vous voulez tout pardonner, merci! je ne veux plus oublier ni votre justice, ni votre bonté, je veux rester toujours humble, contrit, craintif, mais aussi aimant, fidèle, reconnaissant.

N.-S. me laisse comprendre ce qu'était sa vie de Nazareth, ses 87v aimables rapports avec Marie et Joseph, avec ses petits cama­rades. Il voudrait de nous tous, des amis de son Cœur, une intimité constante, une vie de famille avec lui. C'est une vie contemplative, facile et douce, cependant bien fructueuse que N.-S. demande des âmes vouées à son Cœur. Mais il les unit aussi parfois à ses souffrances…

Deux prêtres du Brésil viennent aujourd'hui me voir pour me prier de donner des religieux du S.-Cœur pour desservir le sanctuaire de N.-D. de Nazareth à Parà. Le bon chanoine Seidl est seul là-bas pour 20.000 âmes. Que n'ai-Je des prêtres nombreux à donner à cette pauvre Améri­que du Sud! Plus tard peut-être nous pourrons aller faire une fondation à Parà… 88r.

N.-S. m'envoie aujourd'hui une épreuve inattendue, c'est un crache­ment de sang, comme en 1879. Est-ce un avertissement? Ma carrière serait-elle abrégée? C'est à coup sûr un motif de plus de faire pénitence et de jurer fidélité à mon bien-aimé Jésus.

L'année scolaire est terminée, année de grâces, d'épreuves, de fautes; année aussi de conversion, si ma confiance n'est pas trompée. L'humili­té et le repentir me sauveront.

Voyage à Anvers, à Malines, à Clairefontaine, à Bruxelles. Projets de fondation à Anvers. M. Wegimont souscrit généreusement pour 20.000 f. - Mgr. Cartuyvels prend intérêt à l'œuvre de Clairefontaine. - Plusieurs 88v prêtres novices des Pères du St. Sacrement de Bruxelles pensent à se donner à nous. Je prie la très Sainte Vierge, notre mère, de les adopter et de les garder.

Paris. - Je visite l'Exposition. Il faut là de l'éclectisme. Ce n'est pas seulement une exposition, c'est aussi un bazar, une foire, voire même une vaste kermesse. Je ne suis pas indifférent aux progrès de l'industrie. Les machines et leur palais m'intéressent. La tour Eiffel est un beau tra­vail de construction métallique. J'y monte volontiers pour saluer Mont­martre de loin. Je cherche la part faite au sentiment religieux à l'Exposi­tion. Je découvre les merveilles d'orfèvrerie religieuse 89r d'Armand Caillat, de Poussielgue et de Triouillet: ostensoirs, calices, reliquaires, crosses, autels, en or, en argent repoussé ou ciselé, avec des filigranes et des émaux. Armand Caillat est un artiste de premier ordre. Je me figure que son nom restera comme celui de Benvenuto Cellini.

Au palais des Beaux-Arts je suis heureux de trouver groupées des œuvres choisies de nos artistes français depuis un siècle. Hippolythe Flan­drin est là, toujours, calme, pieux et pur. Delacroix a de belles peintures religieuses. Jules Breton me ravit par sa plantation du calvaire.

Rien ne m'a autant frappé que les deux tableaux de Munkactzy (Munkacsy)84) à l'exposition autrichienne; 89v le Christ chez Pilate et le Calvaire. Ces tableaux sont médités. Ils sont naturels sans être réa­listes. Chaque physionomie a été étudiée comme dans Raphaël et Léo­nard de Vinci. Je pleurerais volontiers avec Madeleine au pied de la Croix.

Une bonne aubaine de cette Exposition, c'est la collection rétrospecti­ve des objets d'art religieux: calices et ostensoirs du IXe au XVIIe siècle, crosses, reliquaires, broderies, il y a là un ensemble qu'on ne trouve nul­le part aussi complet. Le trésor de Conques a prêté ses merveilles: ses re­liquaires carlovingiens en particulier qui sont de précieux spécimens de l'art byzantin avec des plaques d'or repoussé, des filigranes très fins, 90r des émaux et des entaillés. C'est la renaissance carlovingien­ne prise sur le fait.

Je visite aussi avec intérêt les petites colonies javanaises et sénégalai­ses. Les moeurs de ces familles sont bien curieuses mais hélas combien un missionnaire leur serait plus utile que les exploiteurs qui les exhibent. Qu'apprendront-ils là sinon l'art d'ajouter à leurs défauts primitifs ceux de notre civilisation en décadence?

Cluny. - Je désirais voir Cluny. J'aimerais aussi voir Citeaux. Il me semble que tout est leçon là, et le passé glorieux et le néant actuel. Tant de saints ont passé là et tant d'abus de grâces ont amené le châtiment di­vin. Cluny 90v a de beaux restes: les débris de son Abbatiale, la cha­pelle dite de Bourbon, le logis de l'abbé et la grande abbaye du XVIIIe siècle, le tout au milieu d'un site qui est le digne encadrement de la gran­de source de 2.000 monastères. - Dom Lamey, un de mes condisciples, essaye de rétablir là un petit groupe bénédictin. -Je ne suis pas insensi­ble à la vue du gracieux site de Milly où vivait et puisait parfois ses inspi­rations le poète des Méditations religieuses85)

Les Soeurs de St Joseph de Cluny m'ont accueilli avec charité. J'ai cé­lébré la sainte messe chez elles.

Je commence ma retraite. Ecce nunc tempus acceptabile, ecce nunc dies salu­tis (2 Cor 6,2).

Je trouve 91r au seuil de la Trappe de Septfonts cette devise de St. Bernard qui exprime bien l'état de mon âme: Oppidum est carcer, solitudo paradisus.

Je vais faire ma retraite avec Ste Madeleine, en méditant sur sa péni­tence - avec St. Pierre pénitent: c'est le patron de l'oratoire des étran­gers ici - avec les avertissements et les reproches paternels que N.-S. me prodigue.

Le péché! le scandale! Choses horribles. Que n'entraînent-elles pas avec elles? La mort de l'âme et des âmes scandalisées, la tristesse et les souffrances de Jésus, la joie de l'enfer.

Oh Jésus que vous avez été bon de m'avertir, de me poursuivre, de m'humilier! Puissé-je ne pas résister à votre grâce 91v comme a fait Simon le pharisien et me convertir avec Madeleine!

O mon Jésus, donnez-moi la générosité dans le sacrifice afin que ma conversion ne demeure pas une conversion imparfaite et que je ne re­tombe pas dans mes fautes passées! Donnez-moi la grâce d'aimer le sa­crifice et de correspondre à tous les sacrifices que vous demanderez de moi. J'ai mérité mille fois l'enfer, toute humiliation est donc légère pour moi. C'est un don de votre miséricorde, Bonum mihi quia humiliasti me (Ps 118,71). Si vous me laissiez dans mon orgueil, je périrais à jamais. O Jé­sus, laissez-moi à vos pieds vous dire que je suis confus et que je vous ai­me. Je ne vous demande pas la douceur des larmes de la pénitence, mais 92r le vrai repentir, le repentir aimant d'un cœur qui sent qu'il vous a blessé et qui en demeure peiné pour toujours.

Je ne pleure pas autant que je voudrais, mais ma pauvre âme est bri­sée. Je comprends que je ne suis que néant et péché et cependant je ne veux pas me décourager. N.-S. peut faire son Œuvre avec moi, il a bien fait des miracles avec de la boue. Mais il faut au moins que je ne résiste pas dans ses mains.

Je dépose mes résolutions entre les mains de Marie pour qu'elle les rende solides comme le diamant. Humilité, pureté, fermeté, voilà ce que Jésus demande de moi, avec la vie d'amour envers lui, envers Marie et Joseph, avec l'union aux âmes qui doivent particulièrement 92v collaborer à l'Œuvre de son Cœur.

Jour de souffrances physiques et de paix du cœur. La croix est mon salut et mon trésor. Je suis attristé, contrit, mais confiant et calme. J'ai servi N.-S. aussi mal que possible depuis quelques années, j'ai abusé de toutes les grâces, j'ai mérité mille enfers; mais N.-S. veut me pardonner et je veux le servir plus fidèlement à l'avenir.

Je passe par Autun, pressé par le désir de prier auprès des reliques de St. Lazare, l'ami de N.-S. - Autun m'intéresse par ses monuments ro­mains, sa porte St-André, du haut de laquelle la mère de St. Symphorien exhortait son fils au martyre - sa grande cathédrale romane, qui rappelle 93r Cluny et Paray. Mais ce que j'aime à Autun, c'est le corps précieux de St. Lazare, bien entouré par la tête de St. Jérôme, cel­le de St. Marcel, celle de St. Clément, le bras de Ste Marthe, les corps de St. Symphorien et de ses parents. Puissent ces ossements bénis de St. Lazare exercer sur mon âme une sainte influence de résurrection spiri­tuelle!

Séjour à Paray. - Congrès de l'œuvre du règne social du S.-Cœur. J'ai le bonheur de célébrer la sainte messe à la chapelle de la visitation. Il me semble que j'en retirerai de grandes grâces pour ma mission. Ce congrès me met en rapport avec des hommes de Dieu: le p. Sanna-Solaro, M. de Sarachaga, M. d'Alcantara, M. de Pélerin, M. Schorderet86). - Le musée eucharistique est plein d'intérêt 93v. Qu'il est touchant et douloureux à la fois de retrouver et de suivre toutes les traces de la vie so­ciale chrétienne dans les siècles passés! Quand donc nos souverains et nos sociétés comprendront-ils de nouveau que là est toute leur grandeur et la source de tout bien?

Retour par Sens et Troyes. - J'aime ces villes anciennes. On retrou­ve dans chacune les souvenirs des premiers martyrs, des vieux évêques, puis la grande cathédrale de l'âge d'or chrétien et quelques églises secon­daires intéressantes. Sens est l'ancienne grande métropole du centre des Gaules: c'est pour cela qu'elle possède à côté de sa cathédrale cette belle salle synodale qui est unique et qui rappelle les victoires doctrinales de 94r St. Bernard sur Abélard. Cette salle est cependant postérieure à St. Bernard mais les conciles où il parla se tinrent dans le même lieu, dans les dépendances de l'évêché. L'art revendique à Sens outre les bel­les nefs de la cathédrale ses innombrables vitraux, surtout ceux de Jean Cousin, les émaux, reliquaires, croix et tapisseries du trésor, les statues de Coustou87). La foi y vénère la belle relique de la vraie Croix donnée par Charlemagne, les corps de St. Savinien, de St. Bond, les vêtements sacerdotaux de St. Thomas (Becquet). Le tombeau du pieux dauphin, fils de Louis XV rappelle les hontes, les gloires de notre ancienne mo­narchie chrétienne.

A Troyes, j'ai voulu célébrer la sainte messe à la Visitation pour y prier la ven. Marie de Sales Chappuis88): sa mission a eu tant d'ana­logie 94v avec celle de nos Soeurs! J'ai vu avec plaisir le bel établisse­ment des Oblats de St-François-de-Sales. Puissions-nous comme eux ré­pondre pleinement aux desseins de N.-S.!

Comme Troyes est riche en belles églises! La cathédrale a un riche et précieux trésor. Comme Sens, elle a des châsses, des crosses, des ma­nuscrits précieux. Elle a une collection unique de pierres précieuses et de pierres gravées apportées d'Orient. Mais ce qui vaut mieux que tout ce­la, elle a le corps de son grand évêque St. Loup et des ossements du cra­ne de St. Bernard et de St. Malachie. J'aimai à prier là St. Bernard non loin du grand monastère de Clairvaux qui est situé sur les bords de l'Au­be, dans le même département 95r. L'église de St-Urbain a été érigée au XVe siècle en souvenir du pape Urbain IV le propagateur de la dévo­tion à l'Eucharistie. Le choeur seul est terminé, comme à Beauvais, mais comme il est svelte, léger et gracieux! Achever une église de ce genre se­rait une plus belle œuvre que de bâtir une tour Eiffel.

Le p. Blancal nous donne la retraite. Elle se passe dans le calme et dans la paix. Les âmes ne sont pas agitées. Je donne les conférences de l'après-midi. N.-S. m'aide. La cérémonie du 28 est bien touchante. J'ai là une double couronne de frères et d'enfants. Jésus nous pardonnera toutes nos faiblesses passées.

Période d'épreuves terribles. C'est un consummatum est. Des décisions venues de Cambrai 95v nous condamnent vraiment à mort. Mgr Thi­baudier est à Cambrai. Il reçoit de Soissons des rapports plus ou moins exagérés sur nos fautes et nos défauts. Il voudrait essayer une autre di­rection à St Jean. Je devrai quitter St Jean. L'Œuvre devra se fondre dans quelque Cong. ancienne comme les Pères du St-Esprit ou ceux d'Issoudun89). Je prononce mon Fiat après les premières émotions. J'ac­cepte tout de la main de Jésus avec amour. Les épreuves sont des grâces. C'est une réparation nécessaire. Je m'abandonne entre les mains de Jésus.

Domine, salua nos, perimus (Mt 8,25).

D'un autre côté, Jésus se montre extrêmement bon. Il m'envoie les consolations les plus douces et les plus encourageantes. Ma confiance en Marie grandit tous les jours. Je vis auprès d'Elle. Me in tuam singularem custodiam committo. - Les épreuves de santé viennent en même temps 96r. Jésus est bon, Il me purifie.

Mors et vita duello conflixere mirando (Dominica Resurrectionis -Sequen­tia). Des nouvelles de mort viennent chaque jour de Cambrai et des nou­velles de résurrection et de vie viennent de Laon, de mon directeur90). J'accepte avec amour le martyre qui purifie. J'ai confiance dans la résur­rection et la vie. J'attends la visite de Jésus. - Domine, salva nos, perimus (Mt 8,25). - Veni Domine et noli tardare (Dominica IV Adventus: Ant. III). Sitivit in te anima mea! quant multipliciter tibi caro mea! (Ps 62,2).

L'attente continue. Jésus est bon. Il me soutient. Il prépare des mer­veilles pour son Œuvre. L'état actuel est un état de mort. La résurrec­tion viendra bientôt, suivie de la pentecôte et alors les grâces seront abondantes et l'Œuvre se développera 96v.

Inquiétudes et périls croissants. Il faut boire le calice jusqu'à la lie. Je désire la croix pour hâter la venue et le règne de Jésus. - Le p. J. (Jen­ner?) vient m'encourager. - M. Petit vient en ami m'avertir du péril dont il a eu connaissance.

Je vais à La Capelle. Le souvenir de ma mère et la prière sur sa tombe me fortifient tout en me brisant le cœur.

C'est le crucifiement. Un ordre de départ vient de Cambrai. C'est la ruine de toutes choses. Je m'applique à porter avec joie cette croix suprê­me. Merci, ô mon Jésus, de la grande grâce que vous me faites de souf­frir avec vous et pour vous. Cet ordre dépasse toutes les mesures, il est inapplicable et dur dans sa forme, c'est ce qui le rend précieux 97r. Merci encore, ô mon Jésus.

Fête de St. Michel. - C'est l'annonce de la résurrection. Jésus me donne par le p. J. les plus précieux encouragements et le témoignage de son infinie miséricorde. Il me demande un voeu d'obéissance et d'amour que je suis heureux de faire et que je renouvellerai tous les jours.

Je vais à Fourdrain et j'y prends le germe d'un anthrax qui va se déve­lopper et me faire bien souffrir.

C'est une naissance mystique pour l'Œuvre. Jésus nous révèle ses grands desseins sur l'œuvre. O Marie, ma mère, ne permettez pas que nous soyons infidèles!

Un anthrax me tient à la chambre et me fait souffrir. C'est une répa­ration que j'accepte 97v volontiers en esprit d'amour pour Jésus. C'est aussi une intervention de la Providence qui me retient à St-­Quentin au moment où j'allais m'absenter pour quelques jours. - Les peines morales ont bien altéré ma santé. Ces peines sont réveillées cha­que jour par mille circonstances diverses. - J'ai renoncé à confesser les enfants. J'exerçais ce ministère depuis douze ans. Mon Dieu pardonnez­-moi toutes les fautes que j'y ai commises!

La rentrée de St Jean est bien effectuée. Le personnel et les enfants paraissent bien disposés. Puisse cette année être bénie par N.-S.!

Je passe ces quelques jours à ma chambre, toujours souffrant. N.-S. me fait la grâce de pouvoir 98r dire la sainte messe tous les jours.

Retraite des écoliers, prêchée par le p. Renouf. Les enfants sont bien disposés. L'esprit de la maison est tout à fait consolant. Il y a une béné­diction évidente.

Presque chaque courrier m'apporte des difficultés nouvelles de Sit­tard, de Clairefontaine, de Lille, de Fourdrain, de Portoviejo91), de Fayet. Je suis devenu très impressionnable et j'en souffre beaucoup. - De Laon me viennent des encouragements et des espérances qui me sou­tiennent.

Je corresponds presque chaque jour avec Laon où était mon directeur. Les lumières et les encouragements qui me viennent de là me soutien­nent. Sans cela je serais tombé sans doute dans l'abattement et je n'aurais 98v pas pu supporter tant d'épreuves.

Voyage et séjour à Sittard. Je suis consolé de prier auprès de N.-D. du S.-Cœur et de voir la maison nouvelle se développer et s'organiser. Il y a 40 enfants et 20 novices. La plupart ont l'attrait des missions. La pré­sence des soeurs a mis ordre au matériel. Le p. By92) toujours entêté dans son découragement est bien pénible à supporter.

J'ai été touché du zèle qu'ont mis les novices à préparer la fête du p. André93) leur supérieur.

Séjour à Clairefontaine. Ma visite était bien nécessaire là aussi. Il y avait un peu de division et puis ce cher petit monde m'était un peu étranger. Il a été bientôt gagné par quelques 99r marques d'intérêt et par la grâce du S.-Cœur. - J'allai à Luxembourg faire tomber quel­ques préjugés et regagner pour l'Œuvre les sympathies de Mgr l'évêque94) et des chers abbés Barthel et Hengesch.

Une lettre du p. Jacque95) m'appelle à Anvers. Je m'y rends. On pré­pare là l'œuvre des émigrants. Le comité et l'archevêché veulent nous la confier. Il s'élève des prétentions rivales. Je fais les démarches nécessai­res et je remets notre cause entre les mains de Marie. Pour encourager le p. Jacques, je fais une journée de quête avec lui.

Repos à St-Quentin entre deux voyages. Tout est calme à St Jean. Le bien s'y fait. Quelques élèves avancent sérieusement dans la piété 99v.

Voyage à Lille. Je trouve cette maison spirituellement bien froide. Les études marchent, mais la piété souffre. Mon séjour là est une souffrance. Le père C.96) manque de courage pour sa vocation. Il se détache de l'Œuvre. Je prie pour lui de tout mon cœur.

Visite à Hazebrouck. Il y a 30 ans que j'ai terminé là mes études. Je suis là comme un revenant. Il n'y a plus au collège que deux hommes que j'ai connus, un de mes anciens maîtres, M. Debuschère97), et un de mes anciens condisciples, M. Baron aujourd'hui supérieur et déjà vieux en apparence. Il y a cependant encore trois domestiques de mon temps, dont l'un âgé de 92 ans est conservé par charité et passe sa vie à réciter 96r bis des chapelets. On ne trouve guère ici une pareille fidéli­té chez les serviteurs. - En ville mes correspondants, M. et Mme V.98) sont morts. Leur fille habite seule la maison. Comme cela donne à réflé­chir! En quelques années la face de la terre est renouvelée. Où sont allés ceux qui vivaient là auparavant? - J'ai fait une visite au cimetière. C'est là que je retrouve tout mon monde: mon supérieur, mes profes­seurs et surveillants, mes correspondants et beaucoup de mes condisci­ples. Cette visite vaut une longue méditation. Dieu veuille que je retrou­ve un jour au ciel tous ceux avec qui j'ai vécu.

Je consacre cette journée à mes anciens élèves devenus étudiants en droit et en médecine à Lille 96v bis. J'en ai 12 à dîner avec moi. La cordialité est parfaite. C'est une famille. L'esprit de ces jeunes gens est excellent. Ils entrent dans les associations de charité et de piété à Lille. Les revoir et correspondre avec eux est un grand moyen d'apostolat. C'est assurer leur persévérance. Je me réjouis de cet esprit de famille qui caractérise l'Institution.

Correspondances. - Examens à l'Institution. Cela me donne l'occa­sion de relire l'histoire moderne. L'état social en 1789 demandait des ré­formes, c'est certain; mais quelle folie s'empara de nos assemblées révo­lutionnaires qui voulurent refaire la société de toutes pièces comme si nos quatorze siècles de vie nationale ne nous laissaient en héritage ni un principe de 97r bis vérité, ni un organisme utile et digne d'être con­servé.

Noël et St. Jean. Fêtes pieuses. Le bon esprit de l'Institution m'est une consolation. - Des lumières venues de Laon indiquent le prochain avenir de l'Œuvre. C'est notre cadeau de Noël. C'est à Rome que nous seront données les grâces définitives de fondation.

Mon frère est très souffrant. je vais le voir. je vais toujours volontiers faire un pèlerinage à la tombe de mes parents. je me rappelle leurs bon­tés. je leur dis mes peines, mes craintes, mes espérances. je regarde ma mère comme mon avocate fidèle et puissante auprès de Notre Seigneur.

Quelle a été cette année? Elle a donné à l'Œuvre quelques progrès: 97v bis la fondation de Clairefontaine, les constructions de Sittard, l'organisation de nos missions à l'Equateur. Mais quelles épreu­ves terribles il a fallu subir! des défections, des scandales, un grand émoi de l'opinion, des craintes écrasantes. Domine, adjuva nos (Ps 43,26). - De grandes grâces de l'ordre mystique nous ont été accordées: des lumières, des promesses, des faits miraculeux qui ne seront connus que dans l'au­tre vie. Merci, ô Jésus, mille fois merci!

98r bis J'aime à passer le 1er janvier avec mes enfants de Fayet. C'est un petit Nazareth. Je fais là ma visite à la Ste Famille, à Jésus, Marie et Joseph.

Journées de visites et de correspondances. Cent cinquante de mes an­ciens élèves m'offrent leurs souhaits de diverses manières. Je leur ré­ponds exactement, je trouve là un grand moyen d'apostolat. Quelques uns me reviennent après des années d'oubli. C'est un signe qu'ils se rap­prochent de Dieu.

Voyage à Sittard. J'organise le départ de trois missionnaires, les FF. Franciscus, Jean Perboyre et Raphaël99). Ils sont joyeux et dévoués. Puissent-ils demeurer fidèles à leur grande vocation! 98v bis.

L'épidémie d'influenza sévit dans toute la région. Notre rentrée en est entravée. Il y aura quelque profit spirituel. Plusieurs prennent peur. On prie et on se rapproche de Dieu.

Un beau livre m'est tombé sous la main: «Le Chevalier-apôtre, vie du p. Chicard, missionnaire en Chine». Je le lis à mes veillées. Ce caractère a des côtés séduisants. Il est chevaleresque toujours. Cet homme était un chrétien sans mélange et c'est chose rare sur la terre depuis la fameuse Renaissance. Les classiques païens ne l'ont pas longtemps séduit. Il s'est nourri de l'Ecriture Sainte et de l'histoire du Moyen-âge. Ses héros n'étaient ni Achille, ni Enée, mais bien Moïse, Josué, 99r bis David, Godefroy de Bouillon, St. Louis, Duguesclin, Bayard et Jeanne d'Arc. quand donc renaîtrons-nous véritablement à la vie chrétienne et nationale?

Bonne visite de Laon. C'est une bénédiction. J'en prends occasion de réformer plusieurs choses d'après les conseils que je reçois. Je reprends les «lectures spirituelles» du collège, qui étaient négligées au premier trimestre.

Nous fêtons solennellement chaque année à Fayet les Epousailles de Marie et de Joseph. Cette maison doit tout à St. Joseph. Il en est le pro­tecteur spirituel et l'économe toujours fidèle. On l'aime bien sincère­ment, bien cordialement même. Il le sait et il rend la pareille.

Je relis avec profit le traité de Rodriguez sur l'oraison. Il est bon 99v bis de se rappeler souvent les principes de la méthode d'oraison et de se remettre à la voie tout ordinaire qui précède par l'exercice de la présence de Dieu, les réflexions, les affections et les résolutions. Plusieurs sont tombés dans des chutes déplorables pour avoir négligé, en s'abandon­nant à des exercices sublimes et agréables, de continuer à s'exercer à la connaissance d'eux-mêmes et à la considération de leurs péchés.

Visite à Fourdrain. Vêture des FF. François de Sales et Mammès100). Il y a là quelques esprits orgueilleux qui font souvent la besogne de Sa­tan. Promenade en forêt, à l'abbaye du Tortoir, à l'ermitage et au vieux chêne. Que de souvenirs! L'imagination aime à faire revivre là les ermi­tes des premiers âges, 100r St. Gobain et ses imitateurs, puis les moi­nes puissants qui ont aplani ces vallées et endigué ces étangs et les cheva­liers du moyen-âge, groupés autour des sires de Coucy pour aller à la croisade ou en revenir.

Ce sont jours de grands souvenirs. Depuis 1878 ces jours-là m'ont toujours apporté de grandes émotions et de grandes grâces. Nous avons gaspillé les grâces premières, mais la foi et la prière obtiennent tout, il faut que ces grâces reviennent.

A l'occasion de mes lectures spirituelles aux élèves, je fais une assez lon­gue étude sur le caractère. J'esquisse les principaux caractères dépeints dans l'épopée, le théâtre, le roman, la fable, les moralistes. Je leur ensei­gne à tirer parti pour leur formation morale de leurs études 100v classiques en y choisissant les éléments d'un idéal vers le­quel ils puissent tendre, comme l'innocence de Joas, la foi et le zèle de Po­lyeucte, le dévouement de Mardochée, la vaillance de Roland et du Cid. Cette étude me remet en mémoire l'immense contraste entre la somme des vertus chrétiennes et celle des vertus païennes.

Au point de vue de la vaillance et de la force d'âme par exemple, les païens ont bien eu quelques hommes héroïques soit par la grandeur de leurs travaux soit par leur intrépidité dans la souffrance. On peut mettre de ce nombre les philosophes: Socrate, Platon, Aristote - les guerriers: Léonidas, Thémistocle, Horatius Coclès, Miltiade, Scipion, Epaminondas 101r. Quelques uns ont bravé une sorte de martyre, com­me Régulus, Scévola, Cynégire. - Mais combien parmi leurs plus grands noms ont faibli dans l'épreuve et abrégé honteusement leur vie par le suicide! Thémistocle, Démosthène, Caton le jeune sont de ce nombre.

Nos héros chrétiens sont innombrables. Ils ont des précurseurs dans l'Ancien Testament, comme David, job, Judith, Néhémias, judas Ma­chabée, Jean-Baptiste.

Leur modèle et leur idéal, c'est le sauveur Jésus avec Marie, qu'on ne peut pas séparer de Lui. Il faut lire la peinture de leur force d'âme dans les belles pages de Bossuet sur la Passion de Jésus et sur la Compassion de Marie. Quelle n'a pas été la force de 101v nos apôtres dans les tra­vaux et dans les tourments, particulièrement de St. Pierre, St. Paul, St. André et St. Jean? je vais aligner des noms, ce sera bien aride, je vou­drais mettre quelques pages après chacun d'eux, mais ce serait trop long pour ces notes quotidiennes. Je le ferai ailleurs.

Martyrs: Ignace, Polycarpe, Sébastien, Etienne, Laurent, Cécile, Agnès, Cyr, Félicité, Télémaque, Symphorien.

Anachorètes: Antoine, Paul, Arsène.

Docteurs: Augustin, Chrysostome, Albert le Gd, Thomas d'Aquin, Gerbert (Leurs 20 à 30 volumes in folio sont des travaux héroïques).

Papes: Léon le Gd, Grégoire VII, Innocent III, Pie V… Ils ont tenu tête à Attila, aux empereurs et rois, aux musulmans 102r.

Evêques: St. Ambroise, St. Basile, St. Thomas de Cantorbéry, St. Jean Népomucène. Il faut les voir en face de Théodose, Valens, Henri II et Wenceslas.

Moines: Martin, Honorat, Benoît, Colomban, Bernard, Bruno…

Apôtres des nations: Patrice, Boniface, Remy, Augustin, Willebrod, An­scaire, Cyrille et Méthode.

Chevaliers: Charlemagne, St. Louis, Godefroid (Godefroi), Bayard, Duguesclin, Jeanne d'Arc, Sobieski, Scanderbeg, Pierre d'Aubusson, Villers de L'isle Adam, La Valette.

Savants: Colomb, Kepler, Michel-Ange, Vauban, Descartes…

Missionnaires: François Xavier, Vincent Ferrier, François Régis, Vin­cent de Paul, Pierre Claver, p. Damien.

Nouveaux martyrs: Aux Carmes, 102v à l'Abbaye, à l'ile de Rhe.

Nouveaux chevaliers: En Vendée, à Castelfidardo, à Patay - Garcia Moreno.

Il y a lieu de faire à Fourdrain une véritable réorganisation. Nous al­lons en ôter ceux des novices qui sont le plus en retard pour leurs études. Les classes nuisent à la vie intérieure.

Visite au Val. J'y suis toujours édifié. La foi et la charité règnent dans cette maison. Nos Pères contribuent là à une œuvre bien puissante. J'en remercie le S.-Cœur de Jésus.

Inimicus non dormit. Seigneur, je veux vous servir par amour, jour par jour, heure par heure; je veux faire chaque action de manière à vous contenter, pour échapper au tentateur, qui ne se repose point 103x.

St. Mathias. Fête de famille à Fayet. L'esprit de Dieu règne là. J'y vais toujours avec bonheur et avec profit. Le S.-Cœur de Jésus aime ses petits serviteurs de Fayet et les bénit.

Notes sur l'esprit de l'Œuvre.

«La dévotion à N.-S. et à son Cœur est un moyen plus facile de s'éle­ver à la perfection. - La dévotion affectueuse à N.-S. rend la sainteté plus facile en nous élevant à la charité. - L'affection véritable envers N.-S. est un mouvement généreux du cœur qui fait aimer la croix.

C'est en aimant N.-S. avec notre cœur que nous répondrons à la ten­dresse dont N.-S. fait preuve au sacrement de l'Eucharistie.

C'est en pratiquant la vertu par amour pour N.-S. que les 103v prêtres donnent à son Cœur la plus grande consolation.

Agir en esprit de foi, agir en se tenant en la présence de Dieu, agir avec une grande pureté d'intention, tout cela se trouve réuni et porté à la perfection dans ce seul acte inspiré par le cœur: agir par amour pour N.-S.

Ce qui fait courir dans la voie des commandements, c'est l'amour par­ce qu'il dilate le cœur. Viam mandatorum cucurri cum dilatasti cor meum (Ps 118, 32).

N.-S. aime que l'on soit plus touché du souci de lui plaire que du souci des récompenses. C'est la voie de charité, le fruit de la dévotion au S.-Cœur.

Voyage à Dijon, St-Remy, Langres. Je vais préparer une fondation 104r à St-Remy. Mgr de Dijon101) désire cette fondation. Il m'accueille avec bonté. Il me semble qu'on trouve à St-Remy une vraie grâce de pénitence102). J'en suis touché. J'ai la confiance qu'il y aura là une source abondante de grâces.

J'ai revu Dijon avec plaisir. Il y a là, dans les églises St Jean, Notre­Dame, St-Bénigne et St-Michel, comme la gamme de l'art chrétien.

Langres est bien campée sur son plateau. Elle rappelle notre Laon. Sa cathédrale rappelle ses origines romaines. Le choeur surtout avec ses belles colonnes de marbre monolithes a le cachet de l'époque byzantine. Langres est riche en reliques. La population y paraît bien chrétienne, 104v le prêtre y est salué par tout le monde.

A mon retour je devais trouver notre bonne Sr. Oliva103) mourante. Ses dispositions étaient celles d'une victime. Sa mort est une grande per­te et en même temps une grande grâce par les mérites de son sacrifice.

Soissons. - Ordinations. - Mgr104) est rempli de défiances. Il retour­ne le fer dans la plaie de mon cœur. Fiat! Fiat!

Je m'occupe aux examens de rhétorique et de philosophie. Cela m'oblige un peu à refaire mes humanités. La logique universitaire est bien faible, mais la psychologie et la physiologie ont fait des progrès grâ­ce aux Ecossais: Stuart Mill, Herbert Spencer, etc. - La chimie est refondue 105r complètement. Elle arrivera à l'unité de corps simple, à la «matière et la forme» des scolastiques. En littérature, c'est l'analyse qui a progressé. Les critiques contemporains, Vinet, Taine, Bourget, Brunetière, Lemaître, Faguet, nous ont enseigné à faire de l'analyse lit­téraire une étude psychologique de l'écrivain et de son œuvre. En histoi­re les recherches consciencieuses et l'étude des détails ont fait avancer la critique.

Les fêtes de Pâques ne sont pas pour moi la résurrection. J'attends toujours le retour des grâces primitives et de la ferveur ancienne dans l'Œuvre.

Voyage. J'achète la maison de Clairefontaine le 10. Je paie 35.000 F. que la Providence 105v m'a prêtés. Cette maison souffre parce que le supérieur105) n'est pas un canal bien ouvert pour la grâce. A Sittard je trouve quelques novices bien fervents. Les enfants y sont disciplinés et pieux. A Lille, la ferveur fait défaut. Je prends là une grande décision, nous quitterons le vicariat106) et nous louerons une autre maison.

Alleluia! J'apprends une grâce de l'ordre mystique qui nous a été don­née le 9. C'est une préparation pour la résurrection véritable de l'Œuvre. Mes péchés sont encore des obstacles aux desseins de Dieu. Seigneur, pardonnez-moi, changez-moi, fortifiez-moi!

2. Cultiver la volonté

2bis Pauvreté

4. Action du démon

6. Secours providentiel

7. Aridité, stérilité

8. Anniversaires d'ordinations

56. Retraite à la Communauté

60. Rome

70. L'audience

73. La retraite au gd. Séminaire

74. Départ pour l'Equateur

12. Victimes eucharistiques

13. Humilité et mortification

17. Adoration réparatrice

19. Reconnaissance à Marie

20. Mauvais esprit

22. St-Martin

23. L'Équateur

24. Grâces -Bref laudis

27. Félicitations

38. F. Quentin

41. Réparation et immolation

44. Fourdrain

50. Prédication à Soissons

55. Le douzième autel

76. La Revue

77. L'Association

83. Départ pour Quito

84. Clairefontaine

86. Une tempête

88. Crachement de sang

90. Retraite à Septfonts

93. Paray

95. Epreuves

97. Un antrax

103. L'esprit de l'Œuvre

104. Défiances de Mgr Duval


1)
Lallemant (Louis), jésuite, naquit à Vertus (Champagne) en 1588. Il entra dans la Compagnie de Jésus à 18 ans, en 1605. Il fit sa profession solennelle en 1621. Après avoir enseigné les mathématiques, la philosophie et la théologie, il fut nommé recteur et maître des novices de la maison de Rouen et chargé, de 1628 à 1631, de la formation spirituelle des jeunes prêtres jésuites du troisième an de probation. Il mourut en 1635. 60 ans après sa mort, le P. Champion publia, sous le titre «Doctrine spirituelle», les notes écrites par le P. Rigoleuc pendant le troisième an de probation sous la direction du P. Lallemant. La doctrine de Lallemant, cherchant à harmoniser l’union d’amour avec Dieu et l’action apostolique, correspond fort bien aux exigences spirituelles du P. Dehon qui s’en sert dans ses écrits.
2)
Moreno (Garcia, Gabriel), cf. note 113, p. 510.
3)
Chesnelong (Pierre-Charles: 1820-1899). Homme politique, partisan d’abord de la république, puis du bonapartisme. Elu député en 1865, il défendit la papauté lors de la question romaine. Après la défaite de Sedan, il devint monarchiste légitimiste, partisan du comte de Chambord. Il travailla à la fondation des universités libres (catholiques). Avec Albert de Mun, il fut un des premiers dirigents de l’œuvre des cercles ouvriers ca­tholiques. Il publia différents écrits inspirés par les problèmes politiques du moment.
4)
Désaire (Charles), abbé, était un jeune prêtre savoyard, logeant à St.-Louis-des-­Français, à Rome. Le P. Dehon parle souvent de lui dans ses Mémoires (cf. Index ono­mastique, vol. 8, p. 232). Il entra chez les assomptionnistes pour coopérer à la réalisa­tion de l’œuvre des études supérieures du P. d’Alzon à Nîmes. Dans la suite l’abbé Dé­saire rentra dans le clergé séculier, conservant une grande amitié avec le P. Dehon. Il devint curé de St. Jean-Baptiste de Grenelle (Paris). où il organisa de nombreuses acti­vités pastorales. Il mourut en Savoie, à 64 ans, le 19-7-1910.
5)
Cf. note 87, p. 507.
6)
Cf. NHV XIV, 62.
7)
Chappuis (Marie-Thérèse), en religion: Marie de Sales. Née le 16.6.1793 à Sohyières (Jura bernois), professe au couvent de la visitation de Fribourg, 9.6.1816. Prieure du couvent de Troyes (1826) et du second couvent de Paris (1838). Elle rentra à Troyes en 1844 et n’en partit plus (onze fois renouvelée dans sa charge). Elle meurt le 6.10.1875. En 1874 elle a eu part à la fondation des Oblats de St.-François de Sales. Sous le nom de La Voie, elle propagea une méthode de spiritualité préconisant le saint abandon. La cause a été introduite en 1897.
8)
Sr. Marie de S.-Ignace a eu la même mission providentielle auprès du P. Dehon.
9)
Le Card. B.-M. Langénieux, cf. note 96, p. 508.
10)
Les Frères des Ecoles Chrétiennes, congrégation de religieux voués exclusivement à l’éducation chrétienne des enfants et des jeunes gens surtout pauvres, fondée en 1680, à Reims, par S. Jean-Baptiste de la Salle.
11)
La «chère Soeur» est sr. Marie de S.-Ignace.
12)
Cf. NHV IV, 22; VI, 136-137; XIII, 151.164-166-176.
13)
Mgr O. Thibaudier.
14)
L’abbé Demiselle Jean, né à Autreppes le 29.12.1814 fut ordonné prêtre à Paris, – où il était alors étudiant au séminaire St.-Sulpice, – le 25.5.1839; fut d’abord profes­seur de théologie morale au grand séminaire. Nommé chanoine honoraire le 21.2.1848, il devint curé de Sorbais en 1852, puis en 1855 de La Capelle. Il était cha­noine titulaire depuis le 5.8.1863. Il fut ami, confesseur et directeur de L. Dehon, cf. NHV Index onomastique: Demiselle (abbé), p. 231.
15)
Cf. NHV XV, 74-75.
16)
Le P. Dehon demanda une mission en Nouvelle Guinée. Comme c’était une co­lonie allemande, il fallait des Pères allemands. Le P. Dehon n’avait que des étudiants. ainsi rien ne fut fait.
17)
Cf. NHV XV, 72.75.82. Matovelle (Joseph-Jules), né à Cuenca (Ecuador) le 8.9.1852. Il fut adopté par sa tante du côté paternel, Isabella Matovelle Orellana. Eduqué chez les jésuites, il montra une intelligence remarquable, prit ses grades en droit en 1877, devint avocat, défenseur des pauvres et des opprimés. Orienté vers le sacerdoce par son évêque Mgr Rémi Esteves y Toral, il fut ordonné le 21.2.1880. En 1884, il fonda les Oblats du divin Amour et en 1893 les Oblats du Sacré-Cœur de Jésus et de Marie. Jusqu’en 1883, il était entré dans la vie politique, élu député et plusieurs fois sénateur. Il patronisa la construction de la Basilique nationale au S.-Cœur de Jésus. Lors de l’accession au gouvernement du maçon Eloy Alvaro (1895) le P. Matovelle dut se réfugier pendant trois ans au Pérou. Il mourut à Cuenca en 1929. Il a écrit diverses œuvres de littérature, de droit et d’histoi­re, des œuvres d’ascèse et de spiritualité. C’était un homme de foi et de grande piété! Sa cause de béatification est introduite à Rome.
18)
Les Pensées de Joseph Joubert (1754-1824).
19)
Mgr Hasley, archevêque de Cambrai. Cf. NHV XV, 80-81; NQ III, note 92. Mgr Doutreloux, évêque de Liège, cf. NQ V, note 72.
20)
Cf. NHV XV, 81; note 15, p. 493.
21)
Cf. NHV XV, 80; note 96, p. 508
22)
Les Soeurs: Servantes du Sacré-Cœur.
23)
Priez pour nous.
24)
Larne (Alphonse-Marie: 1825-1903), évêque de Langres (1884-1889).
25)
Ségur (Gaston, de) né à Paris en 1820, fils de la célèbre comtesse de Ségur (Sophie Rostopchine) qui a écrit beaucoup de beaux livres pour les enfants. Gaston fut éduqué surtout par sa grand-mère maternelle, convertie elle aussi de l’orthodoxie. Il s’orienta vers le sacerdoce et fut ordonné en 1847. Auditeur de la Rote à Rome en 1852, il fut un confident de Pie IX. Il devint aveugle en 1853. Il fut nommé chanoine-évêque du cha­pitre de St.-Denis sans recevoir la consécration épiscopale à cause de sa cécité. Il prêcha beaucoup comme chapelain du collège Stanislas et confesseur de nombreuses commu­nautés religieuses. Il a beaucoup écrit sur des sujets ascétiques et apologétiques. Il est mort en odeur de sainteté à Paris, le 9.6.1881.
26)
Cf. note 10, p. 511.
27)
Cf. note 17, p. 512.
28)
Cf. note 81, p. 506.
29)
Duchesne (Louis: 1843-1922), célèbre historien de l’Eglise et de la papauté.
30)
Miracles des Billettes. Une ancienne tradition rapporte qu’une hostie consacrée, dérobée par une femme qui avait simulé la communion à l’église St-Méry, à Paris, fut profanée par un juif qui la frappa de coups de couteau. L’hostie répandit du sang. Le fait se serait passé le jour de Pâques, le 12.4.1290, dans une rue alors nommée «rue des jardins» et depuis «des Billettes», d’où «le miracle des Billettes». Au XVIIe siècle, la chapelle du miracle était devenue l’un des centres principaux de l’adoration réparatri­ce. Au moment de la Révolution l’hostie du miracle existait toujours à St Jean en Grè­ve. Quand cette église fut fermée (1790) les marguilliers de l’église St-Gervais songè­rent à obtenir la garde de cette relique (1.5.1791). C’est la dernière trace historique que nous possédions de l’hostie. Aujourd’hui la réparation est encore continuée par l’ «Œuvre de Réparation eucharistique des Billettes».
31)
Garnier (Théodore: 1850-1920), un abbé démocrate, apôtre ardent, orateur cha­leureux aux répliques foudroyantes. Il a parcouru la France pour la propagation de «La Croix». On le verra partout, répandant son Peuple français, le premier quotidien démocrate catholique qu’il a fondé en 1894; il crée des œuvres et des mouvements, suscitant partout des militants. Il donne son concours à de grands pèlerinages, à Lour­des, à Paray, qu’il anime admirablement. Il meurt le 20.8.1920, au séminaire des voca­tions tardives de Montmagny (S.-et-O.), édifié par lui.
32)
De cette mère Marie de St. -Dominique, le P. Dehon parle dans ses «Souvenirs» de 1912 comme de «l’instigatrice de l’adoration perpétuelle diurne et nocturne à Mont­martre (LC., n. 343) où, depuis 1885, l’adoration se poursuit sans interruption jour et nuit.
33)
Dupanloup (Félix-Antoine-Philibert: 1802-1878), évêque d’Orléans: 1849-1878. Il fut le chef de file des catholiques libéraux en France. Il est célèbre pour son interpréta­tion du fameux syllabus de Pie IX avec la distinction de la thèse (la théorie: comment les choses devraient être) et l’hypothèse (la pratique: comment les choses sont en fait), distinction déjà employée auparavant par la revue des jésuites: La Civiltà Cattolica. Au concile de Vatican I, il fut un des opposants à la définition de l’infaillibilité pontificale. Il la tint pour inopportune. Lorsque le concile définit le dogme, il se soumit et accepta.
34)
Cf. note 2, p. 486.
35)
Black (Émile-Quentin), dehonien, né à Saint-Quentin le 8.3.1865, profes le 23.9.1887, mort le 2.5.1888.
36)
Blancal (Germain du St. Sacrement-Bernard), dehonien. Né à Villemur (Haute Ga­ronne) le 20.11.1826. Entré chez les Prêtres du S.-Cœur de Toulouse, supérieur de la maison de Montauban, fut protagoniste d’un procès à Rome contre son fondateur, le P. Caussette, causant la scission de l’Institut. Les dissidents avaient demandé de s’unir à la congrégation du P. Dehon, mais celle-ci, sur les conseils du P. Eschbach, ne les avait pas acceptés. Le P. Dehon avait cependant reçu le P. Blancal le 12.3.1888 (ou, suivant le registre du personnel, en mars 1889). Il avait fait la première profession le 27.8.1889 (cf. RP, p. 18). C’était un homme très doué, grand orateur, très habile à cul­tiver les rapports humains mais aussi très ambitieux. Son but était de supplanter le P. Dehon au généralat. Il entraîna d’autres pères à le suivre, et la congrégation se trouva au seuil d’une division, évitée par la patience et la prudence du P. Dehon. Le P. Blan­cal fut supérieur de la maison-mère (S. Cœur) et conseiller général de 1893 à 1902. Il mourut entre les bras du P. Dehon, à Fayet, le 1.12.1905.
37)
Soeur Marie de St.-Ignace.
38)
Ora pro nobis.
39)
Bénédicte d’Origny-sur-Oise, Sainte. C’est une martyre dont les Actes donnent un ré­cit fabuleux. La plus ancienne translation de ses reliques remonte à 665. La ville dans laquelle elle a vécu est Laon. Origny-sur-Oise, où se trouvent les reliques de la marty­re, fait partie du diocèse de Reims. Une synthèse du panégyrique du P. Dehon figure dans la SRSL (1888), pp. 346-347.
40)
Lectio VI: Sermo 9 de Visitatione: «Sexta, amoris compatientis. Septima amoris consummantis».
41)
Mgr Garabed, cf. SRSL (1888), p. 390.
42)
Cf. SRSL (1888), p. 391.
43)
Hymne des premières Vêpres de la Fête du précieux sang.
44)
La maison religieuse des Servantes du S.-Cœur.
45)
Roth (Modeste Sébastien), cf. note 48, p. 501.
46)
Mère de la Fondatrice des Soeurs Servantes du Sacré-Cœur, cf. note 84, p. 507.
47)
Pendant ces exercices spirituels se déroula à Saint Jean le second chapitre géné­ral. L’assemblée unanime s’exprima pour un généralat à vie. Le P. Dehon s’abstint. Les deux apostats dont parle le P. Dehon dans cette note sont les deux fils de Jacques Boulanger: le P. Patrice et le P. Rémy, entrés chez les Oblats (Prêtres du Cœur de Jésus) en 1881 et sortis le 1.8.1888 (cf. NHV, 43 note 1). Les sept religieux qui émirent les voeux perpétuels sont: Barthélémy-Edmond Dessons, Martin-Auguste Waguet, Augustin-Léon Herr, Paul-Arthur Delgoffe, Pierre-Emile Bertrand, Benoît Julien Le­queux, Irénée-Auguste Blanc, Bruno Joseph Blanc. Ont persévéré dans la congréga­tion: Dessons, Delgoffe, Bertrand.
48)
Herr (Augustin-Marie). Né à Saint-Quentin le 15.3.1855, entré chez les Oblats le 7.1.1881, profès le 23.10.1882. Conseiller général de 1888 à 1896, sorti de la congréga­tion en 1897 ou 1898, mort le 23.8.1904 (cf. R.P. 2; NHV XV, 81).
49)
S. Angèle de Foligno.
50)
Cf. NHV VI, 83.
51)
Le couronnement de Charlemagne par Léon III pendant la nuit de Noël de l’an 800, fut célébré dans la basilique St.-Pierre. Il existe encore aujourd’hui, dans la nef médiane, un grand disque de porphyre qui, dans la basilique de Constantin, se trouvait près du maître-autel et indiquait l’endroit du couronnement par la triple acclamation du pape: «A Charles, pieux, auguste, couronné par Dieu, grand et pacifique empereur, vie et victoire».
52)
Suivant les Mémoires (NHV), le P: Dehon reçut la tonsure le 22 décembre 1866 du cardinal Patrizi dans la basilique Saint Jean du Latran. Les ordres mineurs lui fu­rent conférés par l’archevêque gérant-adjoint du card. vicaire Patrizi dans sa chapelle privée, le 23 et le 26 décembre 1866 (cf. NHV V, 65-69).
53)
Cf. NHV V, 44.
54)
Panisperna.
55)
S. Maria in Traspontina.
56)
Sallua (Vincenzo Leone), archevêque. Né en Calabre le 24.7.1815, se fit domini­cain et émit les voeux à Santa Sabina (Rome) le 11.4.1833. Membre du Saint-Office jusqu’en 1850, il fut nommé commissaire du Saint-Office le 27.6.1870. Il fut consacré archevêque titulaire de Chalcédoine le 22.4.1877. Le P. Dehon le connut comme Co­missaire du Saint-Office en 1883. Il mourut le 21.12.1896.
57)
Ledochovski (Mieczyslaw), cardinal, comte de Halka. Né à Górski (Pologne) le 29.10.1822, il étudia à l’académie des nobles ecclésiastiques à Rome où il fut ordonné prêtre en 1845. Il entama la carrière diplomatique. Nonce à Bruxelles, il fut consacré archevêque titulaire de Thèbes en 1861. Elu archevêque de Gnesna et Posnanie en 1865; en 1872 il entra en conflit avec le gouvernement prussien à cause de l’interdiction de donner l’instruction religieuse en polonais. Il fut un fier opposant dans le Kultur­kampf de Bismarck. Il fut arrêté le 3.2.1874 et emprisonné. Le bref du pape qui l’éleva au cardinalat le trouva en prison. Libéré en mars 1876 il vint à Rome. Léon XIII lui adressa Mgr Thibaudier pour examiner les problèmes de la congrégation du P. Dehon et la question des lumières d’oraison de Sr. Marie de St.-Ignace en 1882 (cf. NHV XIV, 99.100.101.102.103.137.183). Il mourut à Rome le 22.7.1902.
58)
Le card. Lucido Maria Parocchi, vicaire de Rome, cf. note 55, p. 532.
59)
Turinaz (Jean-François-Marcellin: 1838-1918) évêque de Nancy: 1882-1918. Cf. SRSL (1888), pp. 689-691.
60)
Disselkampe (Anschaire-Joseph), né le 15.2.1863 à Mengede (Allemagne), entré dans la congrégation le 19.12.1886, protes le 23.9.1888, reçut la tonsure le 27.10.1888, émit ses voeux perpétuels le 7.4.1889, ordonné prêtre en 1890, sortit de la congrégation en mai 1891 (cf. RP, 13).
61)
Grison (Gabriel-Emile), évêque, dehonien, né le 24.12.1860 à St.-Julien-sous-les­-Côtes (Meuse, France), ordonné prêtre à Verdun le 30.11.1883, entré dans la congré­gation le 10.8.1886, protes le 23.9.1887, missionnaire en Equateur de 1888 à 1896, missionnaire au Congo Belge (Zaïre) de 1897 à 1942, Préfet apostolique de Stanley­Falls de 1904 à 1908, sacré évêque le 11.10.1908, Vicaire apostolique de Stanley-Falls de 1908 à 1934. Meurt à Kisangani le 13.2.1942. Blanc (Irénée-Auguste), né le 21.2.1862 à Theys (Isère), entré dans la congrégation le 14.9.1881, protes le 27.6.1884, ordonné prêtre le 24.9.1887, émit ses voeux perpétuels le 24.8.1888, séjourna en Equateur de 1888 à 1896, sortit de la congrégation en juillet 1902 (cf. NQ XVII, 148). Pour la cérémonie du départ à Saint-Jean cf. SRSL (1888), pp. 727-728.
62)
Meignan (Guillaume-René: 1817-1896), archevêque de Tours (1884-1896), cardi­nal: 19.1.1893.
63)
Mercier (Charles), abbé, (cf. NHV XIII, 29; XIV, 2.51; XIV, 166. Nous le ren­controns tôt comme directeur du collège Saint-Jean (cf. NQ V, 17v). L’expérience de Mercier ira à un échec à cause de son caractère sévère et distant. Le nouvel évêque de Soissons, Mgr Duval, propose de le retirer de Saint-Jean et de le nommer supérieur du collège saint Joseph curé de Vervins; mais le P. Dehon obtient qu’il reste à Saint-Jean comme préfet de discipline. Mercier sera toujours en opposition avec le P. Dehon. Fa­vorisé par l’évêque, Mgr Duval, Mercier aspirera à être de nouveau directeur de Saint­-Jean; mais le P. Dehon fera nommer le P. Paulin Delloue, scj. L’abbé Mercier devien­dra directeur du Patronage St.-Joseph enlevé par l’évêque au P. Dehon. Nous sommes en juillet 1896.
64)
Le P. Dehon écrit dans les Notes sur l’Histoire de ma vie: «Le 2 février, elle (Sr. Marie de St.-Ignace) eut une syncope plus longue et une sorte d’état de mort. Comme j’étais son confesseur et directeur on me fit chercher, et j’accourus avec les saintes hui­les pour lui donner les derniers sacrements. Mais elle se releva encore. C’est alors qu’elle s’ouvrit à la chère Mère de son état intérieur et lui dit qu’elle entendait la voix de N.-S. …: «Je veux, oui je veux des prêtres-victimes. Dis-le lui. Je ferai tout. Il (le P. Dehon) n’a qu’à se montrer docile à ma voix et à ma grâce» (NHV XIII, 72.74). Ces lumières d’oraison ont continué jusqu’en 1883.
65)
Mgr Henri Monnier, évêque de Lydda, cf. RCJ (1889), pp. 70-71.
66)
Mgr Gaspard Mermillod, cf. NQ III, note 85; RCJ (1889), p. 70.
67)
Dehon (Laure-Amélie-Henriette), nièce du P. Dehon, née le 18.6.1868, mariée le 3.6.1889 par le P. Dehon (cf. NQ IV, 88v) avec le notaire Guérin de Saint-Quentin. Elle mourut sans enfants le 12.1.1896 (cf. NQ XI, 48r-48v).
68)
Ducellier (Arthur-Xavier: 1832-1893), archevêque de Besançon (1887-1893).
69)
Larue (Alphonse-Martin: 1825-1903), évêque de Langres (1884-1899).
70)
Baptifolier (François-Narcisse: 1819-1900), évêque de Mende (1889-1900).
71)
Dans le Registre du personnel du P. Dehon, le nom de famille est Cottart Paul­Marie, né le 24.7.1870 à Sains (Aisne), entra dans la congrégation le 7.9.1888, a fait la vêture le 25.2.1889 à Fayet et la profession le 8.10.1895 à Sittard. Fut ordonné prêtre à Fayet le 27.8.1899. Séjourna au Brésil de 1906 à 1909 où il mourut le 6.7.1909.
72)
Jean-Louis-Georges, fils d’André-Désiré Malézieux et de Marthe Marie-Louise Dehon, nièce du P. Dehon. Jean est né le 20.2.1889 à La Capelle et fut baptisé le 4.3.1889 par le P. Dehon. Il épousa en 1921 Germaine Villa et eut deux fils: Joachim et Gérard. Les Malézieux obtinrent de l’état de pouvoir joindre à leur nom de famille ce­lui de Dehon.
73)
Delloue (Albert), en religion Paulin, né à Hirson (Aisne) le 23.2.1863, entré dans la congrégation le 15.4.1889, déjà ingénieur. En octobre 1889, il est envoyé à Rome pour les études de théologie. Il fit sa première profession le 6.9.1890. Il devint prêtre le 11.6.1892 et supérieur du collège Saint Jean en 1896. Il se sécularisa en 1901 à la suite des lois de Waldeck-Rousseau sur les associations. Il demeura directeur du collège Saint-Jean jusqu’en 1914. Il mourut en 1927.
74)
Habituellement, dans son journal, lorsqu’il fait allusion à des situations négati­ves ou délicates, dans lesquelles des personnes sont impliquées, le P. Dehon se borne à écrire les initiales des prénoms et noms de famille. C’est une délicatesse de sa part, mais elle entraîne une recherche laborieuse et, parfois, infructueuse pour l’historien. Un cas typique est celui du mystérieux P. Ignace: P. Jg. «Des lumières d’oraison sur l’Œuvre des Prêtres du Cœur de Jésus me sont communiquées par J.M. (I.M.) » (IV, 81 r). L’analyse de l’écriture du P. Dehon révèle que le i, majuscule, est écrit comme le J, majuscule; par exemple, dans NQ IV, p. 96v nous trouvons: Jnquiétudes… JI… Je… Jésus… P. J. … Jée» etc. Les lumières d’oraison dont parle le P. Dehon viennent, à no­tre avis, de Sr. Marie de St-Ignace, communiquées par un imprécis J. M. ou I . M. L’usage des seules initiales, lorsqu’il s’agit de «Lumières d’oraison», trouve son expli­cation dans les ordres du Saint-Office et dans les dispositions pratiques établies par Mgr Thibaudier pour les rapports entre le Père Dehon et les Servantes, en particulier avec Sr. Marie de St-Ignace, dispositions fidèlement observées par les intéressés. En tout cas, il fallait être prudent. La première communication survient en mars, 16-19, 1889. Le P. Dehon écrit dans le journal: «N.-S. veut renonveler en nous la vie d’amour qui nous a vraiment animés pendant les premières années» (NQ IV, 81 r: 20-28.3.1889). Nous pensons, spontanément aux lumières d’oraison de Sr. Marie de St-Ignace. Un bon mois après, le P. Dehon est à Dauendorf (entre le 22 et le 30 avril) et rencon­tre Sr. Marie de St-Ignace. «Partout des signes de résurrection… ce petit séjour à Dauendorf ranime ma foi dans l’Œuvre, ma confiance, mon union à Jésus et Marie. Notre sainte soeur Jg (Ignace) est toujours comme une vision du ciel par sa candeur, sa foi, sa charité» (NQ IV, 84r). Peu auparavant (12-15 mai 1889), le P. Dehon écrit dans le journal: «Mgr Thibaudier permet le retour (à St-Quentin) de notre chère soeur Ignace» – écrit «Jgnace» – et commente: «La doctrine de la vie d’amour nous est ren­due quotidiennement par les lumières que le p. Jg. (père Ignace) reçoit de N. -S.» (NQ IV, 84v). Il ne semble pas que nous nous trompions en affirmant que ce P. Jg (père Ignace) est la soeur, ou mère Marie de St.-Ignace, appelée par le P. Dehon: «soeur Ignace». En effet, habituellement, dans les lettres que la «Chère Mère» adresse à Sr. Marie de St.-Ignace, elle l’appelle: «Père Ignace» ou «Lieber Vàterle» (Vàterle n’est pas masculin mais neutre, diminutif câlin de «Vater», père: cf. AD, B. 68/6 et 68/8). N’oublions pas que les Servantes sont venues d’Alsace. Ce sont des expressions curieu­ses, typiques dans un environnement religieux féminin, qui mériteraient une analyse psychologique… Entre le 8 octobre et le 16 septembre 1888, le P. Dehon écrit dans le journal: «Des nouvelles de mort viennent chaque jour de Cambrai (Mgr Thibaudier) et des nouvelles de résurrection et vie viennent de Laon, de mon directeur» (NQ IV, 96r). Ici le P. Ignace n’est pas cité. Directeur du P. Dehon est en ce temps un Jésuite, le P. Auguste Modeste ( + 1891). Malgré l’expropriation par l’état de la maison des Jésui­tes de Laon en 1877, des membres de la Compagnie restent présents dans le diocèse de Soissons, dédiés au ministère et aux exercices spirituels (par exemple dans la maison de Braisne) (cf. SRSL (1889), pp. 241-242; (1890), p. 164). Peu auparavant le P. Dehon avait écrit dans le journal: «(Jésus) m’envoie les consolations les plus douces et les plus encourageantes» (NQIV, 95v: 27.8-7.9.1889) et cela après la condamnation à mort de Mgr Thibaudier: «Des décisions venues de Cambrai nous condamnent vraiment à mort» (NQIV, 95v). Par conséquent les encouragements pour le P. Dehon ne sont pas seulement venues du P. Ignace (alias Sr. Marie de St-Ignace). Entre le 22 et le 26 sep­tembre 1889 arrivent providentiellement les encouragements du p. J. (cf. NQIV, 96v). Ici il ne s’agit pas d’encouragements du P. Ignace, toujours écrit P. Jg., mais probable­ment du Père jésuite Jenner Antoine ( + 1907), fort dédié au ministère et connu du P. Dehon. A Saint-Quentin, en 1873, il avait prêché le carême à la Basilique et était resté toujours en contact étroit avec lui à cause de la vocation religieuse du P. Dehon et avec les Servantes (cf. NHV X, 19-20; XII, 160-165; XIII, 72-73). Aux encouragements du p. J. se joignent ceux de M. P.: «M. P. vient en ami m’avertir du péril dont il a eu con­naissance» (NQ IV, 96v). Il s’agit probablement de Monsieur Petit curé de Buironfos­se, prêtre zélé, grand ami du P. Dehon et de sa mère qu’il a assistée pendant sa derniè­re maladie jusqu’à la mort (cf. AD, B. 21/3.26). Les encouragements du P. J. (enner)? se renouvellent le 30 septembre (1889): «C’est l’annonce de la résurrection. Jésus me donne par le P. J. les plus précieux encouragements et le témoignage de son infinie mi­séricorde. Il me demande un voeu d’obéissance et d’amour que je suis heureux de faire et que je renouvellerai tous les jours» (NQ IV, 97). Le 21 mai 1890, le P. Dehon écrit dans le journal: «Bonne visite de Laon. Le P. Jg (P. Ignace) vient avec des signes de bénédiction. Il me remet un cahier précieux. C’est un jour de grâce. «Viderunt oculi mei salutare tuum». Cette visite aiguise nos désirs pour la pentecôte de l’Œuvre» (NQ V, 52). En dehors de l’allusion à la bonne visite de Laon, tout peut avoir trait à la Sr. Marie de St-Ignace. La citation scripturaire rappelle à la mémoire du P. Dehon le commentai­re qu’il fait au retour de Sr. Marie de St-Ignace de Dauendorf à Saint-Quentin: «Re­tour de notre bonne Sr. Ignace. C’est pour ceux qui la voient et qui l’ont connue com­me une apparition céleste. Sa vue ranime les courages» (NQ IV, 85v: 29-30.5.1889). Après le passage précédent (NQ V, 5r), le P. Dehon a barré quelques lignes que nous avons – nous l’espérons – réussi à déchiffrer correctement et qui sont typiques dans le langage des Servantes, spécialement de la «Chère Mère»: «L’enfant est aimable et doux. Le petit Jésus devrait être à peu près arrivé» (NQ V, 5r: 21.5.1890). La conclusion la plus probable est que, dans le journal du P. Dehon, le mystérieux P. Ig. (père Ignace) s’identifie avec Sr. Marie de St-Ignace, appelée «Bien aimé P. Ignace», ou «Bien chère Vâterle et lieber Vàterle» etc. (cf. Lettres de la Chère Mère à Mère Marie-­Ignace de septembre 1890 à septembre 1902, AD, B. 68/6 et Lettres de la Chère Mère à Sr. Marie-Gabrielle, appelée habituellement «Oré»: «Bien chère Oré» (de l’ «Ave Maris Stel­la»: «Gabrielis ore»). Les lettres qui nous intéressent ici vont de mars 1894 à août 1902. Dans différentes lettres, Sr. Marie de St-Ignace est appelée «P. Ignace» (AD, B. 68/8). Dans les lettres de la «Chère Mère» au P. Dehon, de 1889 à 1890 (cf. AD, B. 18/3.5) le P. Ignace semble être une personne distincte de Sr. Marie de St-Ignace. Dans la lettre de Dauendorf du 17.4.1889 elle écrit: «Nous prions aussi (spécialement le P. Ig». Dans la lettre du 26.8.1889, elle affirme: «Jésus vous dirigera par le P. Ignace». Dans une lettre de septembre 1889, après avoir fait allusion à l’angoisse du P. Dehon, elle écrit: «Je puis cependant ajouter que ma confiance augmente avec les épreuves et que c’est avec un sentiment inexprimable que cette confiance se dilate dans mon âme quand je lis les promesses de notre Jésus à son Elie et quand je pense à cette visite surna­turelle que nous attendons avec foi et amour. La dernière lettre du P. Ignace m’a été bien consolante. Ce serviteur ardent et hardi… nous le connaissions et je puis dire que dans le court entretien que nous avons eu avec lui vous et moi (en présence du P. Igna­ce) dans notre salle au Couvent. J’ai éprouvé une émotion qui m’a fait pressentir que ce Prélat ne restera pas étranger a l’Œuvre… du Cœur de Jésus. Vous avez déjà deviné de qui je voulais parler…». Dans la lettre du 2.10.1889, de Dauendorf: «Notre chère soeur Ignace m’a écrit hier que le P. Ig a écrit que Jésus rencontrait encore des obstacles pour venir». Et puis, le P. Dehon étant sur le point de partir pour Clairefontaine et Sittard, elle écrit: «Si le P. Ignace et l’Enfant pouvaient vous accompagner. Ce serait bien consolant pour nous…». «La résurrection viendra alors par la venue que nous attendons avec confian­ce, désir et amour». Dans la lettre du 19.1.1890 (91?): «Jésus ne peut rien nous accorder de ce qu’il nous a promis par le P. J.». (J) ohanna ou (J) ohannele, comme était nommée confidentiellement Sr. Marie de St-Ignace par la chère Mère dans ses lettres. Dans le siècle, elle s’ap­pelait Jeanne Wernert. Il semble que la «chère Mère» brouille les pistes et, indubitablement, elle réussit mieux que le P. Dehon. Après de nombreuses recherches que nous avons faites dans la «Semaine Religieuse de Soissons et Laon», dans les archives générales des jésuites à Rome (cf. AD, B. 71/la), à Laon et parmi les évêques français de l’époque, on ne trou­ve pas de prélat du nom d’Ignace. Nous ne possédons pas d’élément décisif pour repé­rer ce personnage si important pendant les heures si douloureuses d’épreuve pour le P. Dehon et pour son œuvre. Malgré tout, notre conviction personnelle est que sous le mystérieux P. Ignace se ca­che Sr. Marie de St-Ignace. Dans une de ses lettres, la «chère Mère» semble cligner de l’oeil en écrivant au P. Dehon «Vous avez déjà deviné de qui je voulais parler…» de Sr. Marie de St-Ignace.
75)
Iuette ou Yvette de Huy, sainte, fait partie de ce groupe de saintes femmes douées des plus extraordinaires charismes qui ont favorisé le développement de la vie mystique dans le diocèse de Liège (Belgique) au XIIIe siècle.
76)
C’est une lettre du Secrétaire d’état de Léon XIII: le card. Rampolla, portant la date du 1er avril 1889 (cf. RCJ (1889), p. 157-158).
77)
Miquet (Sebastien-François), cf. note 48, p. 501. Blanc (Bruno Joseph), frère du P. Irénée-Auguste Blanc, naquit à Theys (Isère) le 2.10.1864, entra dans la congrégation le 14.9.1881, fit profession le 27.6.1884, ordon­né prêtre le 22.12.1888, il sortit de la congrégation en 1900 et devint prêtre séculier. Pour fr. Disselkampe (Anschaire-Jean), cf. NQ IV, 73v, note 62. Fassbender (Benoît Labre-Joseph), dehonien, né à Rheydt-Hockstein (Allemagne) le 24.9.1865, entré dans la congrégation le 1.10.1886, a fait la première profession le 24.8.1888, ordonné prêtre le 19.7.1903 à Louvain (Belgique), séjourna en Equateur de 1889 à 1896. En 1903 il alla comme missionnaire au Congo Belge (Zaïre) et mourut à Yanongé le 24.8.1904.
78)
Hengesch (Dominique: 1844-1899), prêtre luxembourgeois, a fait ses étude au col­lège Germanicum à Rome et a été sténographe avec Léon Dehon au concile de Vatican I (cf. NHV VI, 109). Le P. Dehon parle souvent de lui dans le journal comme de son grand ami. Le rév. Hengesch a été professeur au grand séminaire de Luxembourg de 1872 à 1881. Il renonça à l’enseignement pour s’intéresser à une communauté de soeurs dominicaines à peine fondée. Les soeurs s’établirent à Clairefontaine; mais ont dû se retirer en 1886. En 1889, le rév. Hengesch attira l’attention du P. Dehon sur cette propriété. L’affaire fut menée à bonne fin. Ainsi est née l’Ecole apostolique de Claire­fontaine. De 1894 à 1899, le rév. Hengesch a été recteur du grand séminaire de Lu­xembourg. Grâce à lui nos religieux allemands ont pu fréquenter les cours au séminaire jusqu’à l’ouverture d’un scolasticat à nous.
79)
Par suite des ordres du Saint-Office, lors de la suppression des Oblats (28.11.1883), Sr. Marie de St-Ignace avait été transférée de Saint-Quentin à Dauen­dorf (cf. NHV XIV, 180).
80)
Dans les lettres que la Chère Mère, la fondatrice des Servantes, écrit à Sr. Marie de St-Ignace du 11 septembre 1890 au 6 septembre 1902, elle l’appelle habituellement P. Ignace: «Bien aimé P. Ignace», «Bien aimé Vaterle in CJMJ», «Lieber Vàterle» etc. pendant que la «Chère Mère» emploie pour elle-même «Mütterle». Il s’agit de diminutifs câlins de Vater (père), Mutter (mère) (cf. AD, B. 68/6 et B. 68/8).
81)
Charlemagne fut canonisé par l’antipape Pascal III en 1165, à la demande de Fré­déric Barberousse, pour renforcer le prestige impérial. Ainsi le culte de Charlemagne fleurit à Aix-la-Chapelle. L’Eglise n’a jamais reconnu la canonisation par l’antipape Pascal III. Au Moyen­age et à l’epoque-moderne, jusqu’à la réforme liturgique de S. Pie X (1912), Charle­magne était vénéré dans différents diocèses français et allemands. Aujourd’hui son cul­te est limité à la ville d’Aix-la-Chapelle dont il est le patron.
82)
«La première communion a eu lieu à la Basilique le mercredi 26 juin dernier et la confirmation a été donnée, le lendemain, à plus de neuf cents enfants, par Mgr Bé­louino, évêque d’Hiéropolis. Le même prélat a donné, la lendemain, vendredi 28, la confirmation à l’institution St Jean» (La Semaine Religieuse du diocèse de Soissons et Laon, 1889, p. 419).
83)
Entre les deux dates: 1-15 juillet 1889 et 16-18 juillet 1889, on trouve, écrite ver­ticalement dans la marge, la réflexion suivante: «On exagérait des défaillances et im­prudences». On ne peut établir avec précision à quel moment ces mots furent écrits. Ce ne fut pas lors de la rédaction du 4e cahier, ni des écrits de la dernière période de la vie du P. Dehon. Cette réflexion aura probablement été écrite à une relecture du cahier et au moment où furent rédigées les autres remarques (cf. p. 95v) et la table des matières. Ici commence une des périodes les plus douloureuses de la vie du P. Dehon. Mgr Thi­baudier est archevêque de Cambrai et administrateur apostolique de Soissons. Contre le P. Dehon se déchaîne un vrai complot. Premier vicaire général du diocèse de Soissons est l’abbé Eudoxe Mignot, ex-collègue de L. Dehon au vicariat de Saint-Quentin. Il est se­condé par l’abbé Cardon. Des rapports calomnieux arrivent à Cambrai. Certains profes­seurs et assistants se comportent mal à Saint Jean. Le P. Dehon, à peine au courant des faits, prend les mesures opportunes, renvoyant les indignes. Aux mois d’août et de sep­tembre 1889 se lèvera la tempête (cf. NQ IV, 95r-95v). Ces défaillances ont touché aussi personnellement le P. Dehon? Quelques passages contemporains du journal le font sup­poser. Il faut se souvenir toujours de ce que le P. Dehon est prompt à s’accuser lui-même, non seulement de fautes personnelles mais aussi de celles des autres. Que se cache-t-il sous ces passages du journal? «N.-S. me fait savoir qu’il est peiné, irrité ces jours-ci. Ses paroles me percent le cœur…». Nous sommes au 27 juin 1889. Le p. Dehon est allé au couvent des Servantes pour la fête du S. Cœur. Peut-être a-t-il eu une communication de Sr. Marie de St. -Ignace. Peu après (l6-18 juillet) «N.-S. est sévère; Je le mérite. Sa pa­tience se lasse». Le 8 août c’est une retraite à la trappe de Septfonts. Il médite sur Marie Madeleine et sur S. Pierre pénitents et parle des «reproches personnels que N.-S. me pro­digue. Le péché! le scandale! Choses horribles. Que n’entraînent-elles pas avec elles? La mort de l’âme et des âmes scandalisées, la tristesse et les souffrances de Jésus, la joie de l’enfer. O Jésus que vous avez été bon de m’avertir, de me poursuivre, de m’humilier! Puissé-je ne pas résister à votre grâce comme a fait Simon le pharisien et me convertir avec Madeleine» (NQ IV, 91r-91v). Au 10 août, il écrit: «N.-S. peut faire son Œuvre avec moi, il a bien fait des miracles avec de la boue» (NQ IV, 92r) et au 12 août: «Je suis attristé, contrit, mais confiant et calme. J’ai servi N.-S. aussi mal que possible depuis quelques années. J’ai abusé de toutes les grâces. J’ai mérité mille enfers; mais N.-S. veut me pardonner et je veux le servir plus fidèlement à l’avenir» (NQ IV, 92v: 12.8.1889). Plus tard, du 5-15 octobre 1889, il écrit «J’ai renoncé à confesser les enfants. J’exer­çais ce ministère depuis douze ans. Mon Dieu pardonnez-moi toutes les fautes que j’y ai commises» (NQ IV, 97v). De ces passages il semble être évident que le P. Dehon soit personnellement impliqué. Dans quelle mesure? Impossible de le préciser!
84)
Muncatry (Michael), grand peintre hongrois (1844-1900). Son célèbre tableau: Le Christ devant Pilate est de 1881.
85)
Lamartine (Alphonse-Marie-Louis de: 1790-1869). Devint célèbre par les «Médita­tions poetiques» en 1820. Les «Harmonies poétiques et religieuses» sont de 1830.
86)
Toutes personnes qui gravitent autour de la revue: «Les Fastes eucharistiques», éditée à Paray par le baron Alexis de Sarachaga, un noble espagnol très pieux et de son ami le comte d’Alcantara.
87)
Cousin (Jean) dit le Père, peintre français (1490-1561). Il a joui de son vivant, d’une grande réputation et a passé longtemps pour le plus grand peintre verrier de son siècle; mais la critique moderne conteste qu’il ait jamais peint sur verre. On peut cependant, semble t-il, lui attribuer les cartons de quelques verrières de la cathédrale de Sens. Cousin (Jean), dit le Fils (1522-1594) a été lui aussi considéré comme peintre verrier et a participé aux travaux de décoration pour l’entrée de Charles IX à Sens (1563). Coustou (Nicolas), sculpteur français (1658-1733).
88)
Cf. note 7, p. 511.
89)
En marge de la page 95v, écrit verticalement, on trouve le passage suivant pour clarifier ce nouveau et plus douloureux «Consummatum est» (NQIV, 95v) «Mgr Thi­baudier est à Cambrai. Il reçoit de Soissons des rapports plus ou moins exagérés sur nos fautes et nos défauts. Il voudrait essayer une autre direction à St.-Jean». Ce passage, comme la remarque de la page 86v et d’autres plus brèves qui furent écrites, dans la suite, entre les lignes du cahier 4e des «Notes Quotidiennes», ce passa­ge, dis-je, ne remonte pas à l’époque de la composition du cahier, mais fut rédigé lors d’une relecture du texte quelques années plus tard. Peut-être quand le P. Dehon écrivit la table des matières. Mgr Thibaudier jugeait de loin en se basant sur des rapports qui exagéraient les «dé­faillances et imprudences» (NQ IV, 86v) à Saint Jean. Il en résulta la «condamnation à mort» du P. Dehon (comme fondateur) et de sa congrégation. Le P. Dehon aurait abandonné la direction du collège, à confier à un prêtre diocésain; sa congrégation au­rait dû se fondre dans une autre plus ancienne. Mais les religieux du P. Dehon auraient-ils accepté cette fusion? Ils auraient facilement pu demander la sécularisation augmentant ainsi le clergé diocésain. Le P. Dehon, dans cette angoisse mortelle ne fait des confidences qu’à la chère Mère (cf. AD, B. 18/3). Le Père A. Rasset, son assistant général, n’est pas initié, mais il se rend compte que le P. Dehon est très angoissé et y fait allusion dans une lettre à sa soeur missionnaire (cf. VPR, p. 252). Le P. Dehon demande humblement la fusion aux Prêtres du S.-Cœur de Béthar­ram; mais il reçoit une réponse négative (cf. Denis, pp. 213-214). Il écrit aussi au Supé­rieur Général des Pères du Saint-Esprit; mais la réponse fut dilatoire. Rien ne se fit. Les hommes voulaient la mort de la congrégation, Dieu voulait qu’elle vive. (Cf. note 76, p. 518.).
90)
Directeur spirituel du P. Dehon en ce temps était le P. Auguste Modeste ( + 1891), cf. note 74, p. 505.
91)
L’évêque de Portoviejo (Equateur) était Mgr Pierre Schumacher. Quant à la mis­sion de l’Equateur, la seule chose qui s’était bien déroulée, ce fut le voyage des PP. Gri­son et Blanc Irénée. A peine arrivés, ils apprirent que le P. Matovelle s’était déjà re­penti d’avoir proposé la fusion de sa congrégation avec celle du P. Dehon. Restait l’en­gagement de construire la Basilique nationale du S.-Cœur à Quito. Dans ce but, le P. Dehon avait envoyé un de ses religieux architecte: le Fr. Anscaire (Oscar) (cf. NQIV, note 62). Le 11 mai 1888 tout était arrangé avec l’archevêque de Quito, Mgr Ordonez. Entre-temps entrent en action les Missionnaires du S.-Cœur d’Issoudun. Appuyés par le Délégué apostolique, Mgr Giuseppe Macchi, ils revendiquent le droit, déjà concédé à eux auparavant, de construire la Basilique nationale du S.-Cœur. Mgr Ordonez fait savoir que le contrat avec P. Dehon n’existe plus. Pour cette raison le P. Dehon ordonne à ses religieux de se mettre au service de Mgr Schumacher, évêque de Portoviejo (cf. VP, 653-655).
92)
Il semble que ce soit le P. Barthélémy-Marie-Edmond Dessons, né à Sains (Aisne) le 9.9.1852, entré dans la congrégation le 23.10.1880, profès le 21.11.1881. Il avait été ordonné prêtre à Soissons le 29.6.1879. Procurateur auprès du S.-Siège de 1894 à 1919, supérieur local de la maison de Rome de 1894 à 1907 et de 1908 à 1914. Mourut à Paris le 15.6.1923.
93)
Prévot (André-Léon), né à Le Teil d’Ardèche le 9.11.1840, ordonné prêtre à Aix le 10.6.1865, protes le 22.9.1885. Il fut supérieur de la maison de Sittard de 1886 à 1905; maître des novices à Sittard de 1886 à 1907 et à Manage de 1907 à 1909; conseiller gé­néral de 1896 a 1899 et en 1913. Supérieur provincial de 1909 à 1913. Mourut à Bruge­lette (Belgique) le 26.11.1913. Sa cause de béatification est introduite à Rome.
94)
Koppes (Jean-Joseph: 1843-1918), évêque de Luxembourg: 1883-1918.
95)
Herr (Jacques-Marie-Ernest), né à Ettelbrück (Luxembourg) le 23.10.1856, entré dans la congrégation le 7.5.1880, profès le 14.9.1881. Il avait été ordonné prêtre le 29.6.1880. Fut supérieur local à Clairefontaine de 1889 à 1902 et supérieur de Louvain de 1902 à 1905. Conseiller général de 1902 à 1905. Est sorti de la congrégation en 1905. Incardiné au diocèse de Paris, il meurt le 20.9.1929.
96)
Lobbé (Claude-Albert), dehonien, né à Jeancourt (Aisne) le 11.12.1856, entré dans la congrégation le 23.10.1881, profes le 27.6.1884. Fut ordonné prêtre à Lille le 19.6.1886. Supérieur local de Lille de 1889 à 1894, conseiller général de 1893 à 1902, mourut à Saint-Quentin le 22.11.1933.
97)
Cf. NHV IX, 137.
98)
Les Vandervalle, cf. NHV I, 27r.
99)
Schnitzler (François-Hermann), né à Düren (Allemagne) le 29.1.1869, entré dans la congrégation le 21.2.1888, profes le 24.4.1889, sorti de la congrégation en mai 1891. Lux (Jean-Gabriel Perboyre-Jacob), dehonien, né à Bonn (Allemagne) le 8.5.1869, entré dans la congrégation le 31.5.1888, profes le 25.12.1889. Fut missionnaire en Equateur de 1890 à 1896. Ordonné prêtre à Tuquerres (Colombie) le 7.9.1895. Missionnaire au Congo Belge (Zaïre) en 1897. Il est supérieur régional au Brésil méridional de 1903 à 1908 et reste au Brésil où il meurt à Vargem do Cedro le 4.12.1943. Topin (Raphaël Joseph-Jules), né à Vendeuil (Aisne) le 27.6.1869, entré dans la congré­gation le 17.9.1887, profes le 7.4.1889, sorti de la congrégation en octobre 1897.
100)
Meyer (François de Sales – Emile), né à Gueberviler (Alsace) le 1.11.1872, entré dans la congrégation le 3.10.1889, sorti en mai 1892. Carré (Mammès-Prosper), né à Vicq (Haute Marne le 1.4.1868, entré dans la congréga­tion le 3.10.1889, profes le 26.9.1891, ordonné prêtre le 27.5.93. On ignore la date de sa sortie de la congrégation.
101)
Lecot (Victor-Lucien-Sulpice: 1831-1908), évêque de Dijon: 1886-1890 archevêque de Bordeaux: 1890-1908. Cardinal: 12.6.1893.
102)
Cf. DENIS MARCEL scj, La spiritualité victimale en France, Centre Général d’Etu­des, Rome 1981, en particulier le chapitre Madame Edith Royer (1841-1924), §5: «Un es­sai de fondation des «Prêtres du Sacré-Cœur» à Saint-Remy», pp. 193-197.
103)
Soeur Maria Oliva, des Servantes du S.-Cœur, dans le siècle Catherine Jehr. Elle n’avait que 46 ans et avait fait la profession religieuse depuis 14 ans (cf. SRSL (1890), 187). Ensemble avec Sr. Marie-Claire elle a été d’un grand secours pour le P. Dehon au premiers temps du collège Saint Jean et de la congrégation (cf. NHV XII, 182, note 1; XIII, 66-67).
104)
Duval (Jean-Baptiste-Théodore), évêque, né au Havre le 6.7.1824, élu évêque de Soissons le 30.12.1889. Consacré évêque à Rouen le 24.2.1890, entra solennellement à Soissons le 16.3.1890. Il venait de la pastorale: il avait été en effet curé à Notre-Dame du Havre. Il demeura évêque de Soissons jusqu’à sa mort: 27.8.1897. Il fut la cause de beaucoup de souffrances pour le P. Dehon.
105)
Le supérieur est le P. Jacques-Marie-Ernest Herr (cf. note 98, p. 524).
106)
C’est le vicariat de Saint-Martin d’Esquermes, une paroisse de Lille, où étaient logés les étudiants de philosophie et de théologie de la congrégation du P. Dehon (cf. note 5, p. 487 et note 32, p. 498).
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