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5ème CAHIER

18.4.1890 – 17.6.1892

1r

«La simplicité est un regard habituel vers Dieu dans l'entier oubli de soi-même».

En jetant un regard sur le sommaire des principales Revues contem­poraines, on peut se rendre compte des idées principales qui agitent les esprits en ce moment. Bon nombre de ces idées ne manquent pas de grandeur et laissent présager une rénovation morale et un immense pro­grès matériel.

En politique: c'est l'arbitrage international, le désarmement universel, l'antisémitisme, la question romaine.

Pour l'économie sociale : le congrès de Berlin, la lettre du Pape 1v à Guillaume II et celle à l'archevêque de Cologne. A l'Empereur, le Pape indique le principe: l'ouvrier n'est point un outil, mais un frère qu'on ne peut pas exploiter sans égards pour sa condition morale et sa vie de fa­mille; à l'archevêque il indique la solution: le repos du dimanche, les œuvres, les associations, la pratique de la justice et de la charité.

Pour le mouvement religieux: la réaction en Allemagne où le Centre catholi­que va obtenir des lois favorables; les conversions en Angleterre, on en cite deux ou trois mille au carême dernier, notamment à Clapham et à Brighton; en France les élections de Paris se font sur la question des Soeurs; aux Etats-Unis, la religion catholique progresse par l'immigra­tion; à Paris, un fait 2r étrange, c'est la formation d'une secte néo-­bouddhique.

Pour l'enseignement et les lettres, on prépare le congrès scientifique des ca­tholiques, le peuple de Paris acclame Jeanne d'Arc au théâtre, on essaie de représenter des Mystères, la critique historique détruit la légende ré­volutionnaire, le Salon de peinture a plus de toiles religieuses que les an­nées précédentes. - La dernière bataille de Drumont1) a un grand succès de librairie, c'est bien, le fond en est chrétien. - Zola échoue à l'Acadé­mie. L'Académie se range et donne ses préférences à des candidats ho­norables.

Pour les moeurs, hélas! nous avons en France un accroissement notable de la criminalité et du suicide particulièrement chez les enfants. C'est le fruit de notre éducation sans Dieu 2v. La corruption est à son comble, la spéculation et l'usure sont exploitées par les juifs. Cependant il y a une réaction dans les esprits. Un courant d'idées se forme contre l'édu­cation sans Dieu et la juiverie. En Allemagne, le jeune souverain réagit contre le luxe.

Pour le progrès matériel, l'outillage industriel se perfectionne à l'infini; les inventions récentes suppriment les distances: le chemin de fer glissant nous transportera bientôt comme en un rêve. Il y a aussi le chemin de fer dit aérien. L'aviation va devenir pratique, dit-on. Nous parcourrons peut-être bientôt notre atmosphère. Les ponts suspendus vont suppri­mer les détroits. Les tunnels percent les montagnes et courent sous les fleuves. L'électricité va nous donner la lumière, 3r la force et le mou­vement. Les chemins de fer funiculaires gravissent les pentes. Celui de Montmartre va nous conduire au S.-Cœur.

Pour le mouvement géographique, la conquête du monde s'achève. L'Afri­que n'aura bientôt plus de secrets. Stanley nous a ouvert de nouveaux horizons. Le Dahomey sera conquis. Le Haut-Niger nous voit à Segou. Le transsaharien se prépare et se fera. L'Algérie et la Tunisie, colonisées par les viticultures deviennent une base solide pour la conquête du Sou­dan. Grâce à nos missionnaires, la foi s'implante à la suite des voyageurs et des colons.

Jours d'inquiétudes, de troubles, de peines intérieures. J'ai mérité ces angoisses, ces souffrances, je suis mécontent de moi 3v. N.-S. ne me fait plus de quartier, il veut que je le serve avec fidélité et avec amour. Je veux être plus reconnaissant et plus docile que jamais.

Ma correspondance avec mes anciens élèves devient assez nombreuse, c'est un apostolat.

Fête du Patronage de St Joseph. Je fais mon pèlerinage à Fayet. J'y suis profondément impressionné par la grâce, je crois que de ce jour da­tera une rénovation pour mon âme.

Le p. François2) nous revient de Palestine. Il a des projets de fonda­tions qui paraissent appuyés par des signes divins. Je supplie nos saints protecteurs Marie et Joseph de nous éclairer et de nous aider.

Préparation de la Revue. Diverses lettres de personnes dévouées au S.-Cœur viennent me prouver que la Revue 4r fait un peu de bien.

J'aspire au moment où notre petite œuvre toute renouvelée s'épa­nouira à Rome et répandra efficacement le pur amour de Jésus.

Fête du martyre de St. Jean. Je passe la journée à St-Clément au mi­lieu des démonstrations d'affection filiale de mes enfants.

J'apprends les préjugés qu'on a en haut lieu, (à Soissons)3), contre moi et contre l'œuvre. Nous ne valons pas cher, il est vrai, mais comme on enchérit encore sur nos défauts! on nous procure la grâce d'expier le pas­sé et de souffrir un peu pour la justice.

Préparatifs de la 1ère communion.

N.-S. nous montre encore sa bonté en cette circonstance. Tous les ans, ce jour-là est particulièrement béni chez nous. Nos enfants 4v ont quelque part aux grâces de St. Jean leur aimable patron.

Confirmation. - Visite de Monseigneur.

Nous avons tout fait pour bien recevoir Mgr Duval: chants, poésies, guirlandes, arcs de triomphe. Il paraît content de notre bonne volonté. Je lui expose simplement les fruits de notre œuvre depuis treize ans. Il aura sûrement une opinion plus juste sur tout ce qui nous concerne après cette bonne visite. - Nous avons une assistance de familles distinguées, mais la tenue à la chapelle est peu sérieuse.

Fête de St. Léon. - souhaits - Réunion des anciens élèves - Soirée dramatique. - La fête est très cordiale, elle m'impressionne profondé­ment. C'est la dernière 5r pour moi, puisque je dois m'absenter plu­sieurs mois l'an prochain. Cette année est bien douloureuse pour moi, le fer se retourne dans la plaie chaque jour.

Excursion au Nouvion. - Les enfants se tiennent fort dignement. Les jeunes professeurs laïcs ne me font pas honneur, ils bravent la tempéran­ce d'une manière scandaleuse.

Bonne visite de Laon. Le p. Ig. vient avec des signes de bénédiction. Il me remet un cahier précieux. C'est un jour de grâce. Viderunt ocult met salutare tuum (Lc 2,30). Cette visite aiguise nos désirs pour la pentecôte de l'Œuvre4).

Pentecôte - lère communion à Essigny. Cette paroisse a encore 5v une grande foi. Tous les hommes assistent aux offices. On obtiendrait ces résultats dans toutes nos campagnes avec un peu plus de zèle.

Voyage à Lille. Réunion des Anciens élèves, étudiants des facultés - Excursion à N.-S. de Bon Secours et à Tournai. - Bonne journée, réu­nion cordiale. Il me semble que ces relations avec mes anciens élèves sont un apostolat fécond. Leur union avec moi et leurs maîtres est le ga­ge de leur persévérance.

Nous avons aujourd'hui plusieurs ordinands à Rome, à Lille et à Cambrai. Puissions-nous donner à N.-S. de vrais Oblats de son Cœur, doux, humbles, pieux, purs et zélés!

Les projets du p. F. pour la Terre Sainte aboutiront-ils? Une personne vient de lui promettre 6r 10.000 francs pour l'achat d'un terrain. Ce serait une grande grâce pour l'Œuvre d'avoir de vrais adorateurs à Na­zareth et à Béthanie.

lère communion à St-Clément. L'esprit de l'Œuvre règne toujours là. Il y a là des cœurs droits, simples et qui aiment véritablement Notre­-Seigneur.

Nous faisons dans les cours de St Jean la procession du St. Sacrement. N.-S. a ses deux reposoirs et son arc de triomphé. Puisse-t-il être content de nos hommages! Il y a cependant quelques élèves qui me donnent bien des craintes pour leur persévérance.

J'ai félicité Mgr Mignot5) de sa nomination à Fréjus. Sa réponse est courtoise et pieuse. J'offre pour lui et pour son ministère sacré mes pau­vres prières 6v.

C'est la belle fête du S.-Cœur. Nous avons une belle communion à St Jean. Chez nos soeurs, il y a huit vêtures; la petite famille grandit, j'en rends grâce à N.-S.

N.-S. me donne la grâce d'aimer de plus en plus la pureté et de veiller à ce qu'elle règne dans nos maisons.

Nous avons une petite fête consolante à la maison du S.-Cœur. Nos en­fants de Fourdrain sont venus nous voir et nous donnons l'habit au f. S…

Je travaille à la rédaction des méditations et à la copie du directoire. C'est le trésor de l'Œuvre qui s'accroît. Ce sera l'occupation de tous mes temps libres pendant plusieurs mois. J'y trouve pour moi-même un puissant aliment spirituel 7r.

Notre précurseur, c'est la communauté de nos bonnes Soeurs. Je vais aujourd'hui dire la sainte Messe au Couvent. J'en rapporte toujours un accroissement de paix et de grâce.

Le souvenir de St. Pierre m'émeut toujours. J'ai maintenant une dé­votion profonde à St. Pierre pénitent, je voudrais lui dédier un autel dans quelqu'une de nos chapelles.

Deux de nos jeunes gens sont ordonnés aujourd'hui à Cambrai.

Nos bonnes Soeurs refusent la fondation de St-Remy6). J'en éprouve quelque regret. Fiat Dei voluntas!

Visite à Fourdrain. Ce noviciat est encore dans l'enfance. Il y faudrait aussi quelques ressources pour tenir cette grande propriété. St. Joseph, aidez-nous! 7v.

C'est l'anniversaire de la fondation de nos Soeurs à St-Quentin. Je vais avec bonheur ce jour là célébrer la sainte messe dans ce sanctuaire privilégié.

M. le Comte de Piellat passe quelques jours avec nous. Il montre une grande prudence et une grande foi. Il est l'instrument de la Providence pour le développement des œuvres catholiques en Orient. Il se rend ac­quéreur des terrains les plus favorables et les cède ensuite aux commu­nautés françaises. Il nous aidera.

Un projet de fondation à Marsanne (Drôme) est en bonne voie. Il y a là un sanctuaire de la Ste-Vierge (N.-D. de Fresneau) qui nous serait confié. Je désire la réalisation de ce projet pour que nous ayons 8r l'oc­casion de travailler à la gloire de la très sainte Vierge.

J'ai la visite de mon frère. Je remercie N.-S. de ce qu'il a béni ma fa­mille. Mon père était à la fin de sa vie un modèle de foi et de piété, mon frère reste pratiquant; mes nièces ont trouvé des maris chrétiens. Quant à ma mère, elle était pendant toute sa vie un vrai disciple du S.-Cœur.

Première messe de M. F. Dalmas à Noyon7). Les premières messes me font toujours une impression profonde. On y surprend pour ainsi dire les tendresses de N.-S. pour les jeunes prêtres…

Le 12 M. Dalmas dit la sainte Messe à l'Institution et parle avec émo­tion à nos élèves. Cette touchante cérémonie paraît donner à plusieurs un germe de vocation 8v.

Pertes d'argent. Je n'ai de confiance qu'en vous, Seigneur; prenez en mains nos affaires et dirigez-les.

Le 14, enterrement de M. Devienne à Forgniers. - le 16 promenade au Tilloy - le 17, enterrement de Maurice Drouart à Rouvroy. Il y a encore dans cette région bien des hommes respectueux de la religion. A Tilloy, le dimanche est parfaitement observé. De bons curés et des mis­sions répétées ranimeront la foi dans cette pauvre France. - Maurice Drouart était pieux, il aspirait au sacerdoce, il priera pour nous au ciel.

Visites à de bonnes familles d'élèves, à Lehautcourt et au Vergnier. Des mères de famille pieuses et dignes me rappellent ma mère. Je vous remercie encore, ô mon Dieu, de m'avoir donné ma mère, je 9r lui dois tout. Ces âmes chrétiennes sont le fruit de l'éducation des couvents.

Notre petite fondation de Marsanne se réalise, puissions-nous contri­buer à la gloire de Marie!

Pour nos difficultés temporelles j'ai entrevu de plusieurs côtés le salut, mais tous les moyens naturels m'échappent; il ne me reste que Jésus seul, j'ai confiance, il nous aidera.

Distribution des prix à St Jean.

M. Léon Harmel préside et nous fait un beau discours sur l'Education de l'esprit, du cœur et de la volonté. L'empressement et la reconnais­sance que me témoignent les enfants en venant à moi pour être couron­nés sont un signe du bon esprit de la maison. Deo gratias! 9v.

Je fais la visite des maisons. Je trouve à Fourdrain le calme et le bon esprit. J'y laisse le nouveau Directoire. J'y reçois les F. Tharcisius et Agapit8). - Seigneur, faites régner là le véritable esprit de charité qui doit animer vos Oblats.

Je revois à Reims la cathédrale, les appartements du sacre et St. Re­my. Il fait bon à prier là. On y fait revivre facilement de grands souve­nirs, le baptême de Clovis, le sacre des rois, Jeanne d'Arc et Charles VII. N.-S. a bien aimé la France!

Au Val j'assistai à une scène de famille ravissante. Plusieurs fêtes pa­tronales des membres de la famille avaient été réunies: Ste Anne, Ste Marthe, St. Alphonse. Avant le repas, tous les enfants groupés au salon apportèrent leurs bouquets et dirent leurs compliments; c'était 10r ravissant.

En allant du Val à Clairefontaine je m'arrêtai quelques heures à Mézières-Charleville. Je fis là un pieux pèlerinage à la maison des Da­mes du S.-Cœur. C'est là que ma bonne mère a été élevée. Le souvenir de sa piété m'a bien ému. Je l'ai bien priée, je la crois au ciel et j'ai con­fiance en son intercession.

Clairefontaine. - Cette maison devient vraiment nôtre, l'esprit du S.-Cœur y règne. Je prie N.-D. de Miséricorde d'y conserver et d'y ac­croître le véritable esprit qui doit régner dans l'Œuvre.

Jour de voyage. Je revois toujours volontiers Aix-la-Chapelle, ses grandes reliques et le tombeau du grand et saint empereur. J'éprouvai cette fois auprès des reliques de la Passion une émotion profonde et toute 10v surnaturelle. Il y a là quelques fragments des cordes qui ont flagellé N.-S., de l'éponge qui lui a été présentée au Sitio de la Croix, du linge dont il a été couvert. J'ai vénéré ces reliques avec un sentiment de profonde contrition pour mes fautes.

Séjour à Sittard. On prie bien dans notre pieuse chapelle et dans le sanctuaire de N.-D. du S.-Cœur. Je trouve chez nous de pieux novices, mais aussi quelques jeunes gens moralement malades d'orgueil, de mau­vais esprit, de mollesse. Je prie N.-S. de purger son aire et de rejeter ceux qui seraient un obstacle pour son Œuvre.

Je revois encore Liège avec intérêt. Quelle puissance avaient ses évê­ques qui ont pu élever un si riche palais! Quelle vue splendide sur la ville et la vallée du haut de la caserne 11r St-Laurent! Les églises de Ste­-Croix et de St-Martin se restaurent avec une entente parfaite de l'ar­chéologie. J'y priai de bon cœur, elles rappellent toutes deux les com­mencements du culte rendu par nos villes au St. Sacrement dans les pro­cessions demandées par Ste julienne. L'église St Jean, bâtie sur le mo­dèle de la cathédrale d'Aix-la-Chapelle marque le centre du vieux Liège carlovingien.

A Huy je revis avec plaisir la belle collégiale du XIVe siècle. Elle a une grande noblesse de style. Ses trois reliquaires des XIe et XIIe siècle sont merveilleux, surtout celui dont les émaux rhénans sont finement dessi­nés et d'une expression naïve et touchante. Ste Madeleine s'y tient toute petite aux pieds de Jésus comme un petit chien suppliant. St. Joseph porte le petit Jésus sur son épaule et un ange conduit 11v l'âne pour la fuite en Egypte.

Je vais au Verguier assister à la messe des Morts au lendemain de la fête. Il y a encore là un peu de vie chrétienne, il y a un curé excellent. Mais en général, nos curés n'enseignent pas assez le catéchisme aux fi­dèles. Ils n'emploient pas assez non plus les moyens vraiment surnatu­rels, la mortification, le sacrifice, l'oubli de soi-même.

Jours d'épreuve, en réalité, jours de purification et de grâce. L'évêché et l'opinion publique parlent de changements à St Jean, de départ pro­chain et définitif. L'humiliation arrive sous mille formes. Ce brisement prépare les grâces de la retraite.

Fête de St. Augustin. Nos maisons se réunissent a St-Jean. Nos enfants 12r de Fayet viennent nous chanter les offices et dîner avec nous, c'est une journée toute joyeuse.

On m'a quelquefois reproché d'être trop crédule pour les faits mer­veilleux, je rencontre un passage de S. Liguori qui me console de ce re­proche: «Io preferirei sempre d'ingannarmi nel credere troppo in fatto di miracoli e d'estasi, che nel non credervi; perché la fede allarga il cuore al divino amore, e la umana prudenza per solito lo ristringe».

Retraite à Fourdrain. Jours bénis, jours de grâce. Cette retraite fait sur tous une grande impression. C'est une résurrection. L'esprit de l'Œuvre est mieux compris: esprit de paix, d'union à N.-S., de vie inté­rieure, de sacrifice. Les défauts qui règnent le plus 12v communé­ment dans l'Œuvre sont signalés et abhorrés: ce sont les jugements té­méraires, les critiques, le laisser-aller, la vie facile, la tiédeur. - Les su­périeurs locaux sont rappelés à leurs devoirs: maintien de la Règle et des coutumes, conférences hebdomadaires, direction mensuelle.

Beau jour des voeux. Nous avons six professions perpétuelles, trois professions nouvelles et douze rénovations. Cet holocauste offert au S.-Cœur de Jésus sera, j'espère, une grande source de grâces pour l'Œuvre.

J'applique les réformes projetés et résolues pendant la retraite. Il y a quelques renvois à faire; il y a des règles et des coutumes à remettre en vigueur. Pauvre nature humaine! Je m'aperçois 13r que si je n'y te­nais pas la main, plusieurs des recommandations de la retraite reste­raient lettre morte, la routine paralyserait les volontés. Seigneur, aidez­-moi, pour que je remplisse fidèlement et fermement tous mes devoirs de supérieur.

Un jeune prêtre de Rennes (M. Coriton) vient me voir. Il habitait St­Quentin en 1873-74. Il était lycéen. Il était mon pénitent, je m'intéres­sais à lui. Plusieurs vocations se sont développées ainsi parmi les jeunes gens dont je m'occupais comme vicaire. Comme le bien se serait fait plus grandement encore si j'avais été plus fidèle!

C'est fête au Couvent de la Croix. J'y rencontre Monseigneur (Du­val), il a 13v toujours des préventions contre nous. Chaque journée m'apporte ainsi des humiliations. Notre Seigneur se paye et me purifie.

Ce ne sont que visites des parents d'élèves et correspondances pour préparer la rentrée et l'organisation de nos maisons. J'ai soif de solitude et de silence. J'essaie de vivre uniquement d'amour et de sacrifice à Jésus.

Je passe deux jours à La Capelle. C'est toujours avec une impression de grâce que je prie où ai prié ma mère, que je revois l'église de mon baptême et de ma lère communion et les tombes de mes aïeux. Je re­marque au linteau des portes de plusieurs maisons une pierre marquée du monogramme du Christ avec le S.-Cœur et 14r des dates diverses. Ce sont des souvenirs de missions ou de pieuses consécrations. Il fau­drait propager cela. - Je revois avec plaisir trois de mes anciens élèves. Je crois utile pour leur âme d'entretenir ces bonnes relations.

Je vais prêcher la St. Remy à Chavignon. Je trouve là un peuple uni et ami des démonstrations religieuses. Toute la population avec sa musi­que va le soir offrir un bouquet à son patron. Aux offices du jour l'église est remplie. Le maire et son conseil assistent à la messe et à la procession des reliques. C'est une bonne journée.

Tous ces jours-ci l'opinion est en émoi dans tout le pays. On dit que je quitte l'Institution pour aller habiter Rome. Les amis de l'œuvre s'en attristent, les ennemis se frottent les mains. C'est un orage qui pas­sera 14v.

C'est fête au Cercle ouvrier pour l'inauguration de la chapelle qui a été gracieusement restaurée par les ouvriers eux-mêmes pendant leurs veilles9). Ces jeunes gens ont fait là un grand acte de foi en consacrant une partie de leurs nuits au Bon Dieu pendant quatre ou cinq mois. Si ces œuvres étaient mieux soutenues, le relèvement social serait rapide.

Rentrée de St Jean: cinquante nouveaux. C'est une bénédiction divi­ne achetée par toutes les souffrances de ces jours-ci.

Projet de fondation à Anvers. Je désire cette fondation. Je prie Notre­Dame d'Anvers et St. Michel de nous aider. J'aime cette ville où règne une grande foi, un grand amour envers 15r le St. Sacrement et la Ste Vierge, une grande charité pour les œuvres.

Je vais à l'enterrement de M. Wirtz à Laon. C'était autrefois une ville sainte avec ses grandes abbayes, ses nombreuses paroisses, son incompa­rable cathédrale. Comme c'est froid aujourd'hui! Nous sommes encore au lendemain de la révolution, on le sent. Reverra-t-on la foi du moyen­-âge? Je l'espère, avec la grâce du S.-Cœur.

Ste-Thérèse. je vais à Fayet où je rencontre notre bonne Mère supérieure10). Sa conversation m'aide et m'éclaire toujours. Je com­prends aujourd'hui que certaines tolérances de ma part retardent l'œuvre du cœur de Jésus. J'y mettrai bon ordre. Seigneur, Jésus, fortifiez­-moi, afin que je ne mette plus d'obstacle à vos desseins 15v.

C'est le deuxième centenaire de la Bse Marguerite-Marie. C'est gran­de fête au sanctuaire de Paray. Je fais le sacrifice de ce pèlerinage. je vais à notre petit Paray, au couvent, où je trouve édification et encoura­gement auprès de nos soeurs qui sont les imitatrices de Marguerite­-Marie.

Messe du St-Esprit pour l'Institution. Mgr Duval et Mgr Pagis11) viennent nous visiter et dîner avec nous. Mgr Duval tient à affirmer sa sympathie pour notre œuvre. Il se montre bon et encourageant. Mgr Pagis nous parle avec rondeur de Jeanne d'Arc, il fait plaisir à nos jeu­nes gens.

Voyage - Visite de nos maisons: Sittard, le Val, Clairefontaine et Fourdrain. - Je passe d'abord à Anvers où nous avons des amis qui 16r pensent que nous devrions avoir là une procure pour les émi­grants. Cette fondation sera difficile. Elle rencontrera une opposition puissante de la part d'une autre congrégation et de la part de la société de St-Raphaël qui désire garder le monopole de l'œuvre des émigrants. Nous voulons uniquement faire la volonté de N.-S.

A Sittard j'éprouve toujours une grande consolation à prier au sanc­tuaire de N.-D. du S.-Cœur. Je remercie N.-S. de nous avoir placés là sous la protection de sa sainte Mère.

Au Val un projet est à l'étude, celui de former là un scolasticat où les études sociales seraient cultivées. Je confie cela à N.-S.

A Clairefontaine, il faut faire une exécution et renvoyer un sujet 16v qui sème la zizanie par son excès de patriotisme allemand.

A Fourdrain, je donne le saint-habit à nos petits novices: les ff. Luc, Claver, Dominique, Ambroise, et François d'Assise12). Dominus conservet eos (Ps 40,3).

La divine Providence bénit nos examens. Onze succès aux baccalau­réats ès lettres et ès sciences encouragent nos élèves et affermissent la ré­putation de la maison. N.-S. veut m'aider et me consoler avant mon dé­part pour Rome.

Retraite des élèves. Les dispositions sont généralement excellentes, je pourrai partir sans redouter le mauvais esprit ni l'indocilité.

Renvois pénibles. Le p. Eudes 13) est toujours imprudent dans ses rela­tions et désobéissant. Je veux le changer de maison, il résiste, je le laisse 17r partir dans son pays. Il était depuis longtemps désuni d'avec moi. - Le jeune f. Timothée 14) garde chez lui une correspondance qui accuse de la légèreté et de la sensualité, nous le renvoyons également. Ces âmes là ne peuvent pas consoler le Cœur de Jésus, elles l'offensent obstinément.

Je commence mes préparatifs de départ: visites, rangement de cham­bre. C'est un déchirement de cœur. Je l'offre à N.-S. en esprit de péni­tence et en sacrifice pour son œuvre.

Ce sont les adieux. Les Congréganistes15) m'adressent un compliment qui m'émeut profondément. Les enfants sentent que ce voyage m'est pé­nible. N.-S. tiendra compte de mes souffrances et de celles des âmes qui me sont unies.

Départ. - Monseigneur nous offre aujourd'hui le doyenné d'Oulchy, c'est une marque 17v de confiance. Je trouve à Paris le père Bi16) tout converti et bien disposé, ce sont des consolations que N.-S. me ménage.

Mgr Duval a désiré que je m'absente quelques mois pour essayer la direction de M. Mercier17). Il fallait d'ailleurs penser à laisser St Jean. J'avais trop de choses, l'œuvre du S.-Cœur m'absorbait.

J'ai le bonheur de célébrer la sainte messe à Montmartre, c'est ma première étape. - Vere digitus Dei est hic (Ex 8,19). C'est bien un Voeu national que cette église à laquelle ont concouru toutes nos provinces, toutes nos villes, tous les corps sociaux, l'aristocratie et le peuple. Toutes les œuvres du S.-Cœur ont là leurs groupements, leurs jours de réu­nions, d'instruction, de prière. C'est une véritable Université du S.-Cœur. C'est le capitole spirituel de Paris et le palladium de la Fran­ce. - Je ne visite à Paris que l'École des Carmes et l'École St-Ignace, deux foyers d'enseignement chrétien. Il n'y a pas cependant la vie chrétienne 18r complète, intégrale, dans ces maisons; elles sont sous le joug des programmes universitaires et suivent le courant de la Renais­sance païenne.

J'ai deux heures d'arrêt à Moulins. Je vais revoir sa belle cathédrale des XIIIe et XIVe siècle. Elle est bien complète. Son organisation inté­rieure, choeur, autel, siège épiscopal, ciborium, tout cela est bien ro­main, on sent là le passage de Mgr de Dreux-Brézé. - Le vieux donjon des ducs de Bourbon a un grand air; mais j'aime surtout à Moulins l'église du S.-Cœur. Elle porte ses flèches presque aussi haut que la ca­thédrale. C'est la première paroisse dédiée au S.-Cœur et c'est le centre de l'archiconfrérie pour la France. Les autels et les vitraux sont dédiés aux saints qui ont le 18v plus de rapports avec le S.-Cœur. Cette égli­se est une œuvre de foi et d'art chrétien. - J'étais le soir à Paray-le­-Monial.

J'ai le bonheur de célébrer la sainte messe à l'autel des apparitions. C'est là que N.-S. a daigné s'entretenir avec Marguerite Marie, écouter les effusions de son cœur, lui faire ses promesses. Il me semble que c'est pour moi, prêtre du S.-Cœur, comme la maison de mon père et de ma mère. Je ne suis pas étranger là.

Je me retrempe dans l'esprit de famille. Ce sont là de bonnes étapes dans ce voyage. L'excellent baron de Sarachaga18) vient me serrer la main après la sainte messe.

L'après-midi j'avais deux heures à Lyon. Je ne visitai que Fourvières 19r. Je retrouve dans ces sanctuaires le souvenir de mes bons parents, de ma sainte mère. Ils y ont prié avec moi. Cette église de Fourvières est aussi une œuvre de foi. L'architecte M. Bossang19) avait, parait-il, la piété et l'austérité d'un saint. On va publier sa vie avec le dessin de ses œuvres. Marie bénit et protège sa ville et y forme des âmes d'élite. L'église de Fourvières est une œuvre d'art, au moins comme intérieur. La nef est aussi harmonieuse qu'elle est hardie, mais la décoration sur­tout est bien conçue. Les marbres, les mosaïques sont bien combinés. C'est la richesse de l'Italie avec l'invention dans la forme. M. Bossang est un des créateurs de ce style contemporain qui cherche sa voie depuis cinquante ans en 19v s'essayant à Ars, à Fourvières, à Marseille (ca­thédrale et musée) à Paris surtout dans divers monuments civils, églises et hôtels privés. C'est une sorte de fusion de la Renaissance et du byzan­tin avec force décors: marbres, mosaïques, terres cuites, faïences et vi­traux. C'est beau en soi, sans atteindre la pureté de forme ou l'harmonie des proportions du Parthénon ou de la Sainte Chapelle.

Le soir, j'étais à Vienne en Dauphiné.

Vienne. Toutes les anciennes cathédrales sont pour moi des lieux de pèlerinage, elles ont tant de souvenirs, tant de reliques! Vienne est le berceau du christianisme dans les Gaules. La foi y fut apportée par St. Crescent, disciple de St. Paul. Son église avait la primauté sur toutes les 20r Gaules. Il s'y est tenu plusieurs conciles, entre autres le concile oecuménique de 1312 qui condamna les Templiers. Sa cathédrale des XIIe - XVe siècle a une belle façade régulière et complète du XVe siècle avec trois portails et deux tours. Elle domine le Rhône. Elle a un riche trésor de reliques. J'y vénérai surtout la nappe de la Cène, donnée là, dit-on, par St. Crescent. - Vienne a encore plusieurs petites églises ro­manes: St-Pierre et St-André. La ville est singulièrement située entre le Rhône et les collines, près de l'embouchure de la Gère. Elle a ses acropo­les, la Batie et le Pipet. Le Pipet porte une statue colossale de la Ste Vier­ge. Les Viennois ont donné là une preuve de bon sens. - Ce site conve­nait bien 20v pour tenir en respect la vallée du Rhône, c'est pour cela sans doute que les Romains l'avaient choisi et les Allobroges avant eux. L'aiguille de Pilate, qui passe pour son tombeau est curieuse. C'est une petite pyramide élevée sur un arc triomphal. - Le temple d'Auguste est harmonieux, c'est une seconde maison carrée de Nîmes. Les archéolo­gues reprochent à l'Eglise de l'avoir endommagé en le transformant en chapelle. Ils oublient que c'est cela même qui l'a fait conserver jusqu'au­jourd'hui.

J'arrivai le soir à Marsanne. Je saluai en passant à Montélimar le vieux donjon d'Adhémar de Monteil, le pieux et brave chef de la pre­mière croisade 21r.

Marsanne. Le brave général de Montluisant m'attendait hier à la gare de Montélimar et me reçut à dîner au château. Quel type de chevalier chrétien que ce brave général! Sa famille a été anoblie par Henri IV. Il garde quelque chose de cette origine. Il semble aussi avoir hérité de l'esprit d'Adhémar de Monteil, dont il habite un des castels. Il est franc, rude dans la forme et bon comme un enfant. Il commande militairement son personnel et il est aux petits soins pour ses gens. Il garde et nourrira jusqu'à la mort son vieux cheval qui a reçu 14 blessures sur les champs de bataille. Il est vraiment là le seigneur du pays.

Il a fait restaurer sur ses plans, en gothique anglais assez gracieux, les restes d'un vieux castel. Il y a réuni des collections 21v variées, pour l'éducation de ses enfants. Il a quelques bons tableaux, mais il a surtout une collection fort remarquable d'objets chrétiens du moyen-âge: sta­tuettes, calices, monstrances, encensoirs, reliquaires, croix, etc. C'est un petit musée. Il a une dévotion d'enfant pour N.-D. de Fresneau. Il n'y a rien qu'il ne fasse pour elle. Il lui a bâti une église, il l'a fait cou­ronner au nom du Pape, il lui a donné des chapelains, il veut encore dé­velopper les œuvres du pèlerinage. C'est qu'il lui doit la vie à N.-D. de Fresneau. Il était condamné comme phtysique à 20 ans, il l'a invoquée, elle l'a guéri. Elle l'a sauvé aussi sur les champs de bataille et il porte au­jourd'hui 22r vaillamment ses 70 ans.

Le sanctuaire dresse sa nef gothique et sa haute tour au milieu des frê­nes et des sapins d'une gorge élevée de la montagne. C'est la Ste Vierge qui a choisi ce beau site et l'a désigné à la jeune fille aveugle qu'elle a guérie au XVIIe siècle. Jusque là le sanctuaire était dans le bas de la ville et le culte de N.-D. de Fresneau remonte à une époque très reculée. Deux canons russes dressés sur les pilastres du porche semblent là mon­ter une garde sacrée, c'est que N.-D. de Fresneau a été couronnée au nom de Pie IX au jour même et à l'heure où le drapeau français était planté par Mac-Mahon sur la tour Malakoff à Sébastopol. La bonne Mère a conquis ses canons 22v ce jour-là. Le pèlerinage est populaire. L'église est remplie d'ex-voto. Mais le vallon n'est pas à l'abri du mi­stral et il y a là le jour et la nuit un sifflement du vent dans les arbres qui ressemble au bruit d'un torrent. Le brave général vint dîner modeste­ment chez nos Pères avec le curé et le vicaire.

Valence. J'allai à Valence présenter mes hommages à l'évêque, Mgr Cotton20). Le général m'accompagna. Mgr nous fit un aimable accueil et nous retint à déjeuner.

La cathédrale de Valence, dédiée à St. Apollinaire est une fort belle église romane du VIe siècle. Elle est svelte, bien dessinée, et bien campée sur le bord du Rhône. Valence est la grande ville entre Lyon et Marseil­le, elle est prospère, 23r elle a de beaux quartiers. Le buste de Pie VI dans la cathédrale rappelle hélas une de nos fautes nationales. - M. le curé de la cathédrale est un artiste, il a réuni un vaste musée eucharisti­que qui a sur celui de Paray l'avantage de posséder pas mal d'anciens vases sacrés. - Le soir, réception chez le général. Son fils est capitaine à Nantes. Sa fille est veuve d'un jeune officier M. de Mont de Bencque.

Il gèle à 7° au-dessous de O, la neige tombe, il est temps de s'en aller dans le midi. Je pars le matin. Je laisse derrière moi Grignan sans le visi­ter, comme je laisserai ce soir Vaucluse et demain Simiane. Je ne cher­che pas des souvenirs littéraires dans ce voyage, les 23v pèlerinages seuls ont quelque puissance pour me retenir sur le chemin. Grignan pos­sède le tombeau de l'illustre marquise de Sevigné. C'était le château de sa fille, comme Simiane était celui de sa petite fille. S'il s'agissait de Ste Chantal, de Ste Thérèse, de Ste Paule, j'y courrais. - Les périodes cicé­ronniennes de la Marquise sont si vides de foi! Elles ont dû lui compter bien peu pour le ciel.

A Orange commence la région des Oliviers.

J'ai deux heures d'arrêt à Avignon. Je vais revoir le château des Papes et la cathédrale. Le château est lourd et massif. Il a été défiguré. Nos châteaux du XIVe siècle n'étaient pas sans grâce, mais ils 24r récla­ment leurs meneaux, leurs mâchicoulis, les ponts, les herses, les échau­guettes. - La cathédrale est un mélange de XIIe et de XVIIe Siècle. - Quel joli tombeau XIVe siècle est celui de Jean XXII! Comme il est gra­cieux! - Avignon a baissé de moitié après la révolution. - Elle était prospère et heureuse sous les Papes. Elle était remplie de monastères et d'œuvres de tout genre. Le parti du Pape y était encore assez puissant en 1815 pour y faire une révolution. Aujourd'hui elle ne remplit pas ses remparts qui sont d'ailleurs un joli spécimen de fortifications du XIVe siècle. Le splendide collège des jésuites est devenu un lycée. A quoi peut bien leur servir cette vaste église, grande comme une cathédrale. - J'aime 24v à voir la statue de N.-D. des Doms protéger la ville du haut de la tour de la cathédrale. Mais ce qui m'a charmé, c'est, dans la cathédrale, une chapelle de dévotion à N.-D. de tout pouvoir. On ferait une merveilleuse litanie avec les noms que la piété populaire a donnés à notre Mère du ciel.

L'après-midi, je passais près de Vaucluse - Je me contentai d'aper­cevoir les cirques de rochers aux pieds desquels la source poétique jaillit. Les souvenirs de Pétrarque me parlent peu à l'âme, ce n'est pas un poète chrétien. Je lui en veux d'avoir été un des initiateurs de la Renaissance païenne. J'arrivais le soir à St-Maximin.

St-Maximin - La Ste-Baume. J'ai passé là une des bonnes journées 25r de ma vie. J'ai une dévotion extrême à cette chère sainte Marie Madeleine. Elle a tant aimé N.-S.! Elle a égalé et peut-être sur­passé les séraphins. Sa vie est toute remplie de la folie de l'amour. Que cherchait-elle donc dans cette vallée éloignée, dans ces forêts, sur ces montagnes? Elle cherchait son bien-aimé comme au jardin du sépulcre. Elle le demandait à tous les échos. Elle ne pouvait plus se résoudre à vi­vre dans la compagnie des hommes qui la distrayaient de la pensée de son époux céleste, et elle s'enfonça dans cette grotte. C'était une folie, au jugement des hommes, mais l'inspiration divine la conduisait. Elle por­tait son trésor, une fiole du sang mystérieux du calvaire et sans doute quelque autre souvenir de Jésus et 25v le prêtre Maximin laissait pro­bablement l'hostie à sa disposition. Il reste d'elle ses ossements à St-­Maximin, sa grotte à la Ste-Baume et un petit débris de la fiole de sang. - J'ai dit deux fois la sainte messe devant les ossements de son visage. Il me semblait qu'elle avait un reste de beauté dans la mort. Son front est élevé. Il porte, dit-on, la marque des doigts du Christ qui repoussa Ma­deleine en lui disant: Noli me tangere (Jn 20,17). Ses grandes orbites ont été des sources intarissables de larmes. Seigneur, je vous offre ces larmes qui vous furent si chères, pour obtenir le pardon de mes fautes.

Auprès d'elle repose sa petite famille spirituelle: St. Maximin, Ste Marcelle, Ste Suzanne, St. Sidoine 26r. Le IVe siècle leur a offert de beaux sarcophages sur lesquels sont sculptés des scènes bibliques et le XIVe siècle leur a bâti la plus belle église de Provence. C'est une parois­se maintenant. Les fils de St. Dominique sont à côté, ils prient avec fer­veur celle que Lacordaire a beaucoup aimée et vénérée. La Ste-Baume est toute une chaîne de montagnes. Je mis cinq heures en voiture à at­teindre le plateau où se trouve l'hôtellerie. Il faisait une tempête de vent et de pluie. Malgré tout je grimpai à la grotte à travers les bois et les ro­chers. Cette grotte est ouverte dans le flanc d'un immense cirque de ro­ches calcaires. C'est un des sites les plus solennels que je connaisse. L'Esprit-Saint est artiste. C'est lui qui a donné la Ste-Baume 26v à Madeleine et Lourdes à la Vierge Marie. Tous les siècles ont vénéré la Ste-Baume. Nos rois, St. Louis, Henri IV, Louis XIV et d'autres l'ont visitée. Le sang de Jésus attirait les foules aussi à St-Maximin et se liqué­fiait tous les ans avant la révolution, mais la barbarie a passé avec les fo­lies païennes de la fin du siècle dernier.

O Madeleine, que vous avez dû souffrir là! Que le temps devait vous paraître long! Comme vous avez dû crier à votre époux de venir vous chercher! Et la tradition nous dit qu'il venait seulement vous visiter une fois par jour sur le rocher. O aimable sainte offrez quelque chose de vo­tre long martyre pour m'obtenir les grâces que j'attends pour le règne 27r du Cœur de Jésus!

La côte d'Azur - Fréjus - Je descendis par le chemin de fer de cette chaîne de la Ste-Baume à la côte de Provence et dans ces quelques heures j'étais passé de l'hiver à l'été. Au lieu de glaces et de neiges, de vents et de pluie, je trouvai un ciel d'azur, un beau soleil, une douce température. Tous les rosiers étaient en fleurs; les palmiers, les cactus, les mimosas, les magnolias succédaient aux chênes effeuillés, aux frênes et aux sapins.

A Fréjus le contraste s'accentue encore, voici les orangers, les grena­diers, les eucalyptus. Cependant la chaîne de l'Esterel à peu de distance a un voile de neige. Fréjus montre aux voyageurs son amphithéâtre et son arc de triomphe non loin de la gare. La mer s'est retirée 27v de Fréjus, mais une ville élégante et prospère, St-Raphaël, avec de riches et gracieuses villas est comme un trait d'union entre Frejus et la mer.

A Cannes, c'était l'été, toutes les fenêtres des maisons étaient ouver­tes. J'étais bien loin des 7° de froid que j'avais laissés à Marsanne. Je couchai le soir à Savone.

Savone - Gênes - Alexandrie. Je célébrai la sainte messe à la cathé­drale de Savone. C'est une belle église du XVIe siècle. On y vénère l'image de N.-D. de Miséricorde. Pie VII a souffert là comme Pie VI à Valence, par le fait de la France. Savone est fière de son grand poète Chiabrera. Les sentiments de ce poète valaient bien ceux de nos parnas­siens modernes 28r. Il avait écrit sur sa maison: Nihil ex omni parte bea­tum. Il composa son épitaphe. La voici: «Amico, io, vivendo, cercavo conforto nel Monte Parnasso; Tu, meglio consiliato, cercalo nel Calva­rio». La Vierge de la cathédrale a de lui cette inscription: «In mare irato, in subita procella, Invoco te, nostra benigna stella».

Je ne passai qu'une heure à Gênes, le temps d'admirer sa belle rade et de saluer le fier monument qu'elle a élevé à Christophe Colomb (le saint)21) auprès de la gare.

Je m'arrêtai à Alessandria, comptant y vénérer une relique importan­te, le bâton de St. Joseph. Je fus déçu. Je ne sais plus où est ce bâton.

Mais je ne perdis 28v pas tout, car je découvris là une madone qui m'a ravi, c'est la Madone du Salve. C'est une statue ou plutôt un grou­pe en bois. La vierge est d'une ravissante beauté. C'est la Mère de dou­leur soutenue par St. Jean. Elle est sur un trône d'argent. Elle est cou­verte de bijoux et de pierreries. Elle a fait d'innombrables miracles et c'est une des plus populaires d'Italie. Un chanoine mit beaucoup de bonne grâce à me la faire visiter.

Piacenza. - J'ai célébré la messe à la cathédrale. C'est une église romano-lombarde du XIIe siècle. Je l'ai trouvée bien imposante. Le ro­man n'a jamais eu cette ampleur et cette pureté de 29r lignes dans nos pays du nord. Cette église a une crypte vaste et claire dont la voûte est soutenue par de légères et élégantes colonnes. Elle possède le corps de Ste Justine. La cathédrale a plusieurs autels de dévotion à la Ste Vierge. L'une surtout est populaire et m'a bien touché. C'est la Mater gratiarum. La Ste Vierge plus grande que nature a tout un peuple de clients sous son manteau.

J'ai vu longuement Mgr Scalabrini22), évêque de Plaisance, qui m'a paru être un évêque éminent. C'est un homme d'œuvre. Il fait lui-même le jeudi le catéchisme de persévérance à 350 grands jeunes gens. Il a fondé la Congrégation pour les émigrants. J'ai dîné chez ces bons Pè­res. Ils étaient cinq qui allaient s'embarquer le 10 au Havre pour l'Amérique 29v. Mgr m'a parlé de ses séminaristes; sur 250 envoyés aux casernes pour deux ans et demi, un seul a perdu sa vocation. J'ai vu là aussi le Comte Volpe-Lanti, président de l'œuvre des émigrants.

Florence. - J'ai célébré la messe à Sta Maria Novella où je l'ai dite déjà plusieurs fois dans mes voyages. J'aime toujours à passer quelques heures à Florence et à revoir les chefs-d'œuvre de l'art chrétien que pos­sède cette nouvelle Athènes. J'aime particulièrement la Madone du grand duc et la Madone de Murillo. Je tenais à revoir le signe du règne social de Jésus-Eucharistie qui est gravé au-dessus de la porte du Palazzo-vecchio. L'hostie rayonnante est là avec ses mots: Rex regum et Dominus dominantium (1 Tm 6,15). Les grands ducs ne pou­vaient 30r pas manifester plus clairement leur soumission à Jésus­-hostie.

J'ai remarqué à Florence bien des signes de la dévotion au côté de Jé­sus antérieurs aux révélations de Paray. A la façade de l'église St­-Thomas, l'apôtre met sa main dans le côté de Jésus. A la belle «déposi­tion de croix» d'Andrea del Sarto au palais Pitti, la plaie du côté de Jésus est mise en relief. Au tabernacle de Sta Maria Novella Jésus a le côté ouvert et un calice reçoit le sang qui en découle.

J'ai vu à Florence aussi un prêtre canadien, le p. Villeneuve de Mon­tréal, qui s'intéresse à l'œuvre des émigrants. J'allai le soir à Orvieto.

Je croyais bien connaître l'Italie et cependant je n'avais pas encore 30v vu Orvieto. C'est à voir. Cette région qui comprend Florence, Sienne, Orvieto, Assise, n'a rien à envier aux peuples les plus artistes, peut-être même à Athènes. La façade de la cathédrale d'Orvieto est déli­cieuse. Les marbres, les sculptures, les mosaïques, les dorures y sont merveilleusement harmonisés. C'est fin, c'est délicat sans être mignard. C'est moins ample, moins profond que la façade de Reims, mais aussi c'est un autre climat. Reims est fait pour le pays des chênes et des sa­pins, des pluies et des brouillards. je préfère la façade d'Orvieto à celle de Milan. Un italien m'exprimait son admiration pour la cathédrale de Milan en me disant: «è un croquetto» (en bon italien, ciambella). C'est un croquet, 31r un gâteau de Savoie glacé. Il disait trop vrai. - L'in­térieur d'Orvieto aussi est harmonieux et on le restaure avec goût. -J'y ai célébré la messe devant le corporal miraculeux qu'on y conserve teint de sang. Il y a là des fresques pieuses de Gentile de Fabriano, Benozzo Gozzoli et Luca Signorelli. -je rends hommage à Sangallo architecte et sculpteur de cette église.

J'arrivai l'après-midi à Rome.

Rome. Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat! Cette pensée écrite sur le piédestal d'un obélisque à la place St-Pierre, résume les impres­sions de mes premiers jours à Rome. je n'en ai jamais été autant frappé. Le Christ est victorieux, il règne, il triomphe. Les prophéties de l'An­cien Testament et de l'Evangile sont réalisées 31v. L'empire nouveau a succédé aux empires qui avaient pour mission de le préparer. La petite pierre descendue de la montagne a renversé le colosse aux pieds d'argile (Daniel. chap. 2). Le triomphe du Christ sur le paganisme éclate surtout à Rome. - Le Pape exerce son autorité spirituelle au-delà des limites où dominait le sceptre des Césars. - Les colonnes triomphales des em­pereurs (Trajan et Antonin) portent les statues de Pierre et de Paul, deux conquérants d'un ordre plus élevé. - Les obélisques apportés de l'Egypte élèvent vers le ciel le bois de la croix du Sauveur - Le temples des dieux sont devenus des sanctuaires dédiés au Christ, à Marie et aux saints et souvent le sel de l'ironie providentielle ne manque pas dans ces transformations. Le temple de Jupiter enfant au Capitole est devenu ce­lui de Jésus enfant 32r. Celui de Minerve est dédié à Marie. Les Frères hospitaliers ont succédé aux prêtres d'Esculape dans l'île du Tibre. Les temples de Vesta sont consacrés l'un au S.-Cœur (le vrai feu sacré) l'au­tre à N.-D. du soleil (del sole). Le temple de Romulus et de Rémus est dédié à deux autres frères, Côme et Damien. Le Panthéon est devenu l'église des tous les saints. - Les chaînes de St. Pierre sont honorées sur l'Esquilin, là où fut la maison dorée de Néron son persécuteur. - Rome païenne était fière de ses basiliques, de ses coupoles, de ses portiques, de ses mosaïques, de ses peintures, de ses statues. Rome chrétienne a des basiliques plus vastes et plus riches, des coupoles plus hautes et plus har­dies, des portiques plus solennels, des mosaïques plus fines 32v. Rome païenne empruntait à Athènes les œuvres de Phidias, de Praxitèle, de Zeuxis. Rome chrétienne a les œuvres de fra Angelico, du Perugin, de Raphaël, de fra Bartholoméo, du Dominiquin, du Titien, de Vinci; les œuvres de Bramante, de Michel-Ange, de Sangallo, de Sansovino, de l'Algardi, de Donatello, de Houdon. Rome païenne ensevelissait l'apô­tre Pierre dans les cryptes vaticanes pendant que Néron trônait au Pala­tin. Le Palatin est désert et l'apôtre Pierre trône au Vatican. Les empe­reurs traînaient à leurs chars de triomphe les chrétiens enchaînés. De­puis lors les empereurs et les rois ont cédé le pas aux successeurs de Pier­re. Leurs statues ornent les portiques des basiliques en signe de soumis­sion et de respect 33r. (Constantin et Charlemagne à St-Pierre; Henri IV à St Jean de Latran, Philippe IV à Ste-Marie Majeure). - Les fa­milles consulaires et patriciennes se sont inclinées devant le Christ et lui ont donné leurs membres les plus purs. Les Fabius, les Cecilius, les Marcellus, les Quirinus, les Maximus, les Clemens, les Scaurus, les Aci­lii Glabriones, les Publius, etc., ont donné des martyrs portant ces noms mêmes ou sortant de ces familles. Rome païenne avait ses favoris, ses noms populaires: Romulus, Horatius Coclès, les Horaces, les Scipions, les Gracques, Auguste, Agrippa, Marc-Aurèle, Titus, Trajan. Rome chrétienne a aussi ses favoris, ils sont bien plus nobles et plus purs, elle les nomme: Pierre, Paul, Jean, Sébastien, Cécile, Agnès, Laurent, François, Ignace, Néri, etc. 33v. Rome païenne avait Virgile, Horace, Sénèque, elle empruntait à la Grèce Platon et Aristote. Rome chrétienne a le Tasse, l'Arioste, le Dante surtout; elle a Augustin qui surpassa Pla­ton et Thomas d'Aquin qui surpassa Aristote. - Le Christ n'est pas ve­nu détruire, mais purifier, élever, compléter. (Instaurare omnia in Christo) (Eph 1,10). Les colonnes des temples païens sont presque toutes debout, l'Eglise s'en est servi et elle en a ajouté de plus hautes et de plus belles. Platon et Aristote, Virgile et Phidias subsistent purifiés et consacrés par Augustin, Thomas d'Aquin, le Dante et Michel-Ange.

L'audience pontificale. - Passer un quart d'heure aux pieds du Vicaire de Jésus-Christ, quelle joie et quelle grâce! Il faut avoir connu ces 34r saintes et pures émotions pour les comprendre. L'audience du Vicaire de Jésus-Christ a quelque chose des impressions d'une première communion et d'une première messe, qui sont des audiences du Christ lui-même. J'eus donc le bonheur de voir Léon XIII, de lui dire quelques mots, de recevoir sa bénédiction. Il se souvint d'avoir reçu ma visite, il y a deux ans, et je suis bien touché à la pensée que notre œuvre est restée présente à sa mémoire. Il me parle des évêques de Soissons et de Cam­brai, sa mémoire est restée vive. C'est un frêle vieillard, mais son âme est encore vaillante. Je lui demandai de bénir mes œuvres, mes inten­tions.

Le S.-Cœur à Rome. - J'ai la joie de constater dans ce voyage les pro­grès du règne du S.-Cœur à Rome 34v. Depuis longtemps le Cœur de Jésus se révélait aux fidèles de Rome, par une foule de reliques sacrées qui leur rappelaient les battements de ce Cœur divin, comme la Ste Crè­che, la table de la Cène, la vraie Croix, la lance, la sainte face, la colonne de la flagellation, l'escalier du prétoire, le manteau de pourpre, l'index de St. Thomas; je pourrais ajouter les corps mêmes des apôtres, témoins si directs des battements de ce Cœur sacré.

Il se révélait encore aux Romains par lui-même dans la Ste Euchari­stie qui est ici plus abondamment offerte, conservée et distribuée que partout ailleurs.

Il se révélait aux saints de Rome comme à la Bse Marguerite-Marie: à Catherine de Sienne, à Léonard de Port-Maurice, 35r à Paul de la Croix, à Hyacinthe de Mariscottis, au B. Raineri.

Mais cela ne lui suffisait pas. Il voulait que son image y devînt popu­laire. Elle y règne maintenant absolument. Il n'y a presque plus une église qui n'ait cette image. Les autels du S.-Cœur sont les plus vivants, les plus ornés dans chaque église. Ils ont leurs lampes de dévotion. Les messes s'y disent de préférence, les fidèles y vont prier. Il est clair que les cœurs des prêtres et des fidèles sont gagnés et que Rome est acquise au règne d'amour du S.-Cœur.

Dans les familles aussi, dans les salons des prélats, l'image du S.-Cœur est partout à la place d'honneur.

L'image en vogue, c'est la peinture de Battoni (Batoni)23). Elle devient une image traditionnelle 35v. On en voit rarement une autre à Rome. C'est elle qu'on trouve neuf fois sur dix dans les églises. Par exception l'église des Pères d'Issoudun a la statue française; celle des Salésiens et celle de la Pace ont l'apparition du S.-Cœur à Marguerite Marie. A la Trinité du Mont, chez les Dames du S.-Cœur, c'est le Christ en pied et nous ouvrant ses bras. A Ste-Anne, c'est le S.-Cœur, pénitent pour nous, de Dijon. A Ste-Dorothée, c'est une imitation de nos images un peu trop sentimentales: le Christ au S.-Cœur est entouré de colombes qui volent vers lui, l'une d'elles est logée dans la plaie de son Cœur. Beaucoup d'églises ont mis aussi un cœur sur des images de Jésus en­fants. A Ste-Marie in Via, le Christ porte sa croix en 36r même temps qu'il montre son Cœur. Le S.-Cœur de Battoni (Batoni) est bien fait pour captiver les âmes pieuses. Le Christ y a une grâce et une beauté touchantes. Il paraît un peu jeune, son regard est doux et aimant. Batto­ni (Batoni) est un peintre de Lucques, il vivait de 1708 à 1787. Il appar­tient comme Carlo Dolci à une époque qui exagérait un peu le sentiment mais au moins ces deux peintres sont restés purs et chrétiens dans leurs œuvres, pendant que leurs émules en France, Watteau, Boucher et Fra­gonard donnaient dans un sensualisme tout païen.

Est-il étonnant que le règne du S.-Cœur atteigne plus promptement sa plénitude à Rome qu'ailleurs? Non, Rome est le cœur de l'Eglise 36v. C'est là que la vie de l'Eglise est la plus intense et la plus ardente. C'est de là que l'Eglise envoie les éléments de vie à toutes les parties de son corps mystique. Est-il étonnant que le Cœur du Sauveur se manife­ste auprès du cœur de l'Eglise son épouse? L'Eglise est l'œuvre spéciale du Cœur de Jésus et la divine émanation de son amour. L'Eglise est sor­tie du Cœur de Jésus, comme Eve est née du côté d'Adam, les Pères de l'Eglise l'ont souvent rappelé, comment n'y aurait-il pas une union par­ticulière du Cœur de Jésus avec Rome qui est le centre de l'Eglise, la source du sacerdoce, de la doctrine et des œuvres? Les sources mysti­ques du Cœur de Jésus sont ouvertes plus largement à Rome qu'ail­leurs, 37r il était juste que cela se manifestât par le culte de ce divin Cœur et de son image. Puisse ce divin Cœur rendre bientôt à cette ville sacrée, qui est le cœur de l'Eglise son épouse, sa pleine indépendance et sa liberté si sacrée et si nécessaire!

L'ordination. J'assistai à l'ordination à St Jean-de-Latran. C'est pour m'y unir de loin à nos chers ordinands de Soissons et de Lille. C'est aus­si pour renouveler et raviver les grâces des ordinations que j'ai reçues là autrefois à pareil jour: la tonsure en 1866, le sous-diaconat en 1867, le sacerdoce en 1868. Je relis tout le pontifical et j'y trouve des impressions de grâce qui me réconfortent.

Quelle cérémonie imposante 37v qu'une ordination à St Jean-de­-Latran! Depuis la paix de l'Eglise sous Constantin, les ordinations se font là. Les Papes les ont faites eux-mêmes jusqu'au siècle dernier. Ils ont aussi sacré là beaucoup d'évêques. Ce sanctuaire est devenu la sour­ce sacrée du sacerdoce. C'est le cénacle perpétué dans l'Eglise, et par une disposition providentielle la table de la Cène est là: les têtes sacrées de St. Pierre et de St. Paul y sont aussi et un autel sur lequel officiaient St. Pierre et les premiers Papes. Il y a aussi dans ce nouveau Cénacle comme une grâce perpétuelle de pentecôte: toutes les langues sont repré­sentées. Il y a des ordinands italiens, français, anglais, allemands, espa­gnols, américains. Il y a des missionnaires pour tous 38r les continents et des religieux de tous ordres. Rien ne manifeste mieux que cette céré­monie la perpétuité, l'apostolicité et la catholicité de l'Eglise.

Les coutumes romaines24). La Rome papale avait des coutumes séculaires bien touchantes qui disparaissent une à une. Il n'y a plus hélas! de mes­ses pontificales, plus de chapelles papales ou cardinalices, plus de béné­dictions pontificales aux balcons de St-Pierre, de St-Jean-de- Latran, de Ste-Marie-Majeure. La Fête des langues ne se fait plus à la Propagande. Il n'y a plus d'oratorios, plus de processions (Ste-Marie-in-via et fêtes­Dieu). La Fête-Dieu était si belle! On ne fait plus le Mandatum le jeudi saint. Les Sacconi ne lavent plus les pieds 38v aux pèlerins. On ne chante plus à St-Pierre ou à la Sixtine le Stabat, les lamentations, la mes­se de Palestrina, le Miserere d'Allegri. Il n'y a plus d'illuminations, ni de Girandola. Il n'y a plus de baptêmes solennels d'adultes à St Jean-de­Latran, plus de procession de St. Marc. Hélas! Hélas! Hélas! Le gouver­nement s'en est pris même à ces pauvres Pifferari, aux bergers de la campagne qui venaient jouer des Noëls devant les madonnes; il n'en faut plus. Que reste-t-il des coutumes séculaires de Rome? presque rien. Le temps de Noël a gardé ses petits prédicateurs de l'Ara Caeli et la bé­nédiction extérieure du Santo Bambino. - Le gouvernement a consacré et même développé les bacchanales de l'Epiphanie (Befana) 39r cela lui va, ça rappelle les lupercales. Le carnaval lui-même n'a plus de sim­plicité, plus d'originalité: il n'y a plus de Barberi (courses de chevaux li­bres), plus de moccoletti (jeu de lumières), à peine des confetti (dragées de plâtre). Il n'y a que les enfants de Dieu qui aient sur la terre des joies honnêtes et pures. - En revanche les théâtres se sont multipliés, les courses de chevaux sont organisées et les cafés chantants commencent.

Pauvre Rome! Il n'y a plus même de chemin de croix du Colysée pour expier toutes ces vilenies!

Noël! De même que St Jean-de-Latran est un nouveau Cénacle Ste­Marie-Majeure est une nouvelle 39v Bethléem. La crèche est là, la pe­tite crèche de bois dans son riche reliquaire de vermeil et de cristal. St-­Jérôme est là, le saint de Bethléem, l'ami de la crèche et puis les osse­ments des petits Innocents. Il fait bon à prier là au temps de Noël. La Ste-Vierge a voulu glorifier ce nouveau Bethléem. Elle l'a créé par le mi­racle des neiges. Elle lui a donné sa belle peinture de St-Luc sur bois de cèdre. Elle y a fait maints miracles. Mais en retour les hommes l'ont bien glorifiée aussi. Cette basilique est d'une richesse sans égale. Elle a consacré a Marie les 44 belles colonnes ioniques du temple de Junon Lu­cine. Les mosaïques du Ve siècle qui forment la frise de la nef redisent les prophéties 40r et les figures de l'Ancien Testament relatives à Marie. Celles de l'arc triomphal et de l'Abside disent les mystères de Marie et son triomphe. L'image miraculeuse est encadrée dans le jaspe, l'agathe, le lapis-lazuli, l'améthyste, les rubis, les émeraudes, les topazes et les grenats. Je n'ai vu nulle part une telle profusion de pierres précieuses. Les saints qui ont le plus glorifié Marie sont représentés là par des pein­tures de maîtres: on y voit, avec les quatre grands prophètes, St. Grégoi­re le thaumaturge, St. Dominique, St. Cyrille, St. Damascène, St. Ilde­phonse. - St. Pie V, le pontife du rosaire repose dans cette basilique, ainsi que l'humble apôtre St. Mathias. St. Gaétan y a eu la vision de l'enfant Jésus 40v. Les saints de tous les siècles sont venus prier là. Les saints Papes Symmaque, Grégoire III, Adrien I, Léon III, Pascal I y passaient les nuits en prières. Clément VIII y venait, pieds nus dès l'au­rore célébrer le st sacrifice. Benoit XIV y assistait aux litanies du same­di. - Marie y a été honorée et aimée. - Vivent Marie et Jésus dans leur nouvelle et glorieuse Bethléem!

J'ai voulu visiter aujourd'hui aussi à Ste-Anastasie les vêtements de la Ste Vierge et de St. Joseph qui y sont conservés. Le voile de Marie a des bandes coloriées sur fond blanc, il ressemble aux voiles ou kouffieh dont on se sert encore en Orient. Le manteau de St. Joseph est semblable aux manteaux blancs assez grossiers de l'Orient. Comme Rome 41r est ri­che en reliques!

Pèlerinages divers. - Ces jours-ci mon jeune compagnon de prome­nade était libre le matin, j'en ai profité pour faire mes pèlerinages en al­lant célébrer la sainte messe dans quelques sanctuaires choisis. A St­-Pierre à la prison Mamertine et à St-Jean-Porte-latine, c'était mon pèle­rinage aux apôtres; aux Catacombes, c'était mon pèlerinage aux Mar­tyrs; à la chambre de St-Ignace, j'allai prier un modèle des supérieurs et des religieux; aux chambres de St-Louis de Gonzague et de St-­Berchmans, j'allai demander des grâces pour les enfants des Ecoles apo­stoliques et du collège.

St-Pierre est un sanctuaire tout à fait exceptionnel. C'est le Panthéon de l'Eglise, c'est le 41v vestibule du ciel. Il n'y a pas seulement là le corps des deux grands apôtres qui ont fondé l'église de Rome. En raison de ses reliques, de ses souvenirs et des autels et statues qui y sont en hon­neur, St-Pierre est le sanctuaire des sanctuaires, c'est l'Université des saints. Il y a là les grandes reliques de la Passion, les corps de quatre des apôtres, de la plupart des Papes, d'un grand nombre de Martyrs, soit au maître-autel, soit au trésor, de plusieurs docteurs de l'Eglise d'Orient elle-même et des reliques insignes de tous les saints canonisés dans les derniers siècles. Les piliers de l'Eglise portent les statues de tous les fon­dateurs d'ordres qui représentent là toutes leurs familles religieuses. Aux parois 42r mêmes de ce temple par excellence de la loi nouvelle, la co­lonnade du Bernin porte une procession de saints où toutes les hiérar­chies du ciel sont représentées. St-Pierre est vraiment le temple de l'Uni­versité des Saints. - L'hommage de la puissance civile au Christ et à ses apôtres est représentée par les statues de Constantin et de Charlemagne sous le portique et par les tombeaux de quelques princes et princesses dans les premières travées, la comtesse Mathilde, les Stuarts, la princes­se Sobieski, la reine Christine de Suède. - L'hommage de l'art chrétien est attesté par la reproduction en mosaïque des tableaux des plus grands maîtres et par les œuvres des plus grands sculpteurs des derniers siècles. L'Eglise catholique n'a pas comme 42v la Synagogue un temple uni­que. Les prophètes l'ont prédit: Dieu doit être adoré partout maintenant et le sacrifice doit être offert en tous lieux (cf. Ml 1,11) mais l'Eglise gar­de cependant un sanctuaire vénérable entre tous et plus riche que les au­tres en trésors spirituels de tous genres, reliques, souvenirs, indulgences, ce sanctuaire, c'est St-Pierre. Ce n'est pas une visite, un pèlerinage, qu'il y faut faire, ce sont des visites, des pèlerinages répétés. - J'y célé­brai encore la sainte messe avec bonheur cette fois, à l'autel de St-Léon le grand, mon patron de baptême, non loin des grandes reliques et de la confession, à cet autel où je célébrai aussi la sainte messe le 11 avril 1869 pendant que Pie IX disait à quelques pas de là la messe 43r de son ju­bilé sacerdotal. - Le Temple de Jérusalem possédait les Tables de la loi. Ceux qui avaient mission d'interpréter l'Ecriture étaient assis super cathe­dram Moisi (Mt 23,2). C'est la source de la doctrine. St-Pierre possède la chaire du prince des apôtres. Le Pontife du Vatican est assis sur la chaire de St-Pierre, il est le gardien de l'Ecriture et de la Tradition.

Quelques visites. -J'ai fait ces jours-ci quelques visites. J'ai vu avec bonheur le cardinal Mermillod25), qui a toujours été bienveillant pour moi depuis 1869. - Il est bien vieilli, bien amaigri, mais toujours intelli­gent et vif. Sa foi et sa piété m'édifient. Préoccupé d'une affaire dont le Pape vient de lui parler il me demande de dire le lendemain 43v à son intention une messe au S.-Cœur et à N.-D.-du-Bon-Conseil. Il connaît notre œuvre et nous aidera à l'occasion. - J'ai vu aussi le cardinal Simeoni26), préfet de la Propagande. Il s'intéresse à notre œuvre des Emigrants, mais il nous donnerait aussi volontiers une mission en Afri­que. Il connaît l'exclusivisme des Irlandais aux Etats-Unis. Il ne nous engage pas à céder aux exigences de Mgr Falize en Norvège pour lui donner des Missionnaires sans voeux. - J'ai vu deux fois Mgr Sepiaci, secrétaire des Evêques et Réguliers. On me le disait sévère et même dur, je l'ai trouvé bon et bienveillant. C'est un vrai Romain, il aime que les choses se fassent lentement avec poids et mesure et qu'on évite les diffi­cultés par des 44r combinaisons et conciliations. - Mgr Jacobini27), secrétaire de la Propagande est très affairé et très visité: j'ai trouvé dans son antichambre des Pères blancs, des Capucins, des Maristes, des Tri­nitaires. Il n'a pas, lui, la lenteur romaine; habitué à traiter avec les mis­sionnaires, il a pris quelque chose de leur vivacité et de leur décision. - Le père Le Doré28), supérieur général des Eudistes, est avec nous ces jours-ci. C'est un homme d'action et de zèle. C'est un breton, simple et rond, mais décidé et ferme. Il paraît aussi avoir une grande foi et une grande miséricorde pour les pécheurs. C'est un prédicateur de retraites ecclésiastiques. Sa parole est nourrie mais sans apprêt. Il s'occupe de la béatification 44v de leur fondateur. Je regrette que ces Pères se don­nent tout entiers à l'action. Leur fondateur était un mystique consom­mé. Ne devraient-ils pas avoir des maisons d'adoration? Ils ont plusieurs maisons d'éducation en France et des séminaires en Colombie. Comme les Sulpiciens et les Oratoriens, ils n'ont pas de voeux et font seulement une promesse de stabilité. - J'ai vu le p. Ligier, dominicain autrefois secrétaire du p. Jandel29). Il est consulteur de plusieurs Congrégations. Il avait en mains le procès de béatification de Jean de Montmirail. J'ai pu lui donner quelques renseignements sur cette belle cause et l'encourager à la pousser activement. - J'ai eu plusieurs entretiens 45r avec le p. Jouët, procureur des Missionnaires du S.-Cœur d'Issoudun. J'ai même dîné à la maison des Missionnaires à la place Navone. J'ai été édifié de la tenue des jeunes étudiants. - Enfin j'ai eu l'occasion de voir au palais de Venise les enfants du Comte Revertera, ambassadeur d'Autriche. Il y a là trois jeunes gens et trois jeunes filles dont l'éducation me paraît bien chrétienne. On est bien attaché là au Pape et à la vieille Rome.

Prédicateurs. - Le p. Monsabré30) a prêché l'Avent et les fêtes de Noël et de l'Epiphanie à St-André-de-la-Vallée. J'ai été heureux de l'entendre 45v. Il nous faisait des homélies profondément théologiques et souvent brillantes dans la forme. Il a des pensées élevées et l'expression souvent heureuse. Parfois il prend un langage simple et risque quelque ex­pression triviale, il veut sans doute réveiller ou reposer son auditoire.

Un autre prédicateur à la mode, l'Abbé Frémont31), a donné un ser­mon de charité à N.-D. des Anges. On le dit destiné à la chaire de Notre­-Dame après Mgr d'Hulst32). Il passe deux ans à Rome pour se fortifier dans la doctrine théologique. Pourquoi n'en passe-t-il pas quatre? Il a certainement des pensées élevées et des expressions heureuses, mais il paraît avoir peu de fond, 46r peu de logique et une doctrine peu sûre. Il a la facilité et le vernis des prédications parisiennes, mais cela suffira-t­il dans la chaire de Notre-Dame?

Le séminaire. -Je suis édifié de mon séjour au séminaire. L'ensem­ble des élèves me paraît excellent. Il y a de la piété et une dévotion ar­dente au S.-Cœur et à Marie Immaculée. Le plain-chant y est exécuté avec goût, selon la méthode de Solesmes. A titre d'ancien élève, j'ai dû prendre la parole à la petite soirée de l'Immaculée Conception et à la Conférence des Œuvres; j'ai officié le jour de l'Epiphanie. En célébrant là la sainte messe, je renouvelle les grâces de mes premières messes. C'est par un 46v dessein de la miséricorde du Cœur de Jésus que je passe ici ces touchants anniversaires.

Mes professeurs d'autrefois. - Bien peu vivent encore. Le bon p. Cardella est mort hier, le jour de l'Epiphanie. Trois seulement sur qua­torze sont encore en vie: le p. Palmieri, le p. Sanguinetti et le p. Ferrari33). - J'aime à me les rappeler tous. Plusieurs ont été bien émi­nents. Quelques uns se sont montrés particulièrement bons et dévoués. Le p. Perrone34) était recteur du Collège romain. Il avait cessé depuis peu d'enseigner. Il présidait les séances scolaires et académiques et les exa­mens. Son ouvrage nous servait de manuel, le p. Cardella le suivait. Cet ouvrage n'était pas bien relevé 47r comme scolastique, mais il était bon pour l'apologétique. Il était riche en réfutations des erreurs contem­poraines. - L'illustre p. Secchi35) avait aussi cessé d'enseigner. Il était encore professeur d'astronomie en titre, mais il avait un suppléant. Il était trop occupé par les travaux de l'observatoire et le perfectionnement de son grand appareil qui devait figurer avec honneur à l'Exposition de Paris. Cependant il assistait aux séances scolaires et aux examens.

En philosophie nous avions quatre professeurs: les pères Palmieri36) et Tedeschini pour la logique et la métaphysique, le p. Cerretti pour la mo­rale et les pp. Ferrari et Foglini pour les sciences. Le p. Palmieri était un piocheur. Il était clair et méthodique. Il s'était bien assimilé les 47v matières et les avait faites siennes. Je devais le retrouver plus tard professeur de dogme, toujours consciencieux et possédant à fond les grands auteurs, Suarez, de Lugo, Ripalda.

Le p. Tedeschini nous donnait Tongiorgi pour manuel37). Ce bon père était bien dévoué, je me le rappelle avec reconnaissance et édification. Il était à notre disposition après les classes, il nous recevait et nous diri­geait. Ses thèses sur l'origine des idées et sur le principe vital m'ont bien satisfait. Je pense avec lui qu'il y a dans les plantes elles-mêmes un prin­cipe vital simple, doué de forces données par le Créateur et différent de l'organisme. Cette thèse bien établie met à néant la doctrine de l'évolution 48r.

Le p. Carretti38) aussi était bon et dévoué, mais c'était un vrai Ro­main. Il allait piano, surtout l'été, et son cours n'avançait pas vite. C'était un apôtre: le dimanche il allait dans la campagne romaine évan­géliser les contadini. J'aimais ses belles thèses sur le fondement de la Morale tiré de l'ordre même des choses. C'était emprunté à de Lugo. Il réfutait bien les philosophes modernes allemands et anglais, la morale de l'utile ou du plaisir.

En théologie, j'ai eu pour professeurs de dogme les pères Cardella, Franzelin et Palmieri; pour la morale, le p. Ballerini; pour l'Ecriture Sainte, le p. Patrizi, pour l'histoire le p. Sanguinetti; 48v pour les in­stitutes de droit canon, le p. Tarquini. Deux sont devenus des cardinaux de la Ste Eglise, le p. Franzelin et le p. Tarquini.

Le p. Cardella39) enseignait les traités apologétiques: la vraie religion, l'Eglise, le Souverain Pontife, la pénitence. C'était un apôtre. Il aimait à répondre aux objections des protestants anglais. Il donnait de temps en temps un conseil de piété. Il ne visait pas à la grande doctrine, il semblait enseigner par devoir plutôt que par goût. Il a été depuis directeur de la Civiltà, directeur de la maison de retraite et recteur du Collège romain.

Le p. Franzelin40) était un homme de la trempe des Lugo et des Les­sius. Il ne 49r donnait pas le cours d'un autre. Son cours était son œuvre. Il possédait merveilleusement la patrologie et en tirait un parti tout nouveau. Son triomphe était le traité de l'Ecriture et de la Tradition. je ne crois pas qu'aucun autre théologien ait exposé aussi pleinement que lui toute la portée de la Tradition catholique, son étendue et ses limites. Il a de bien belles vues aussi sur la Trinité, sur l'Incarnation, sur l'Eu­charistie. Il est d'une lecture difficile, il a un peu la phraséologie alle­mande. Il a eu la plus grande part à la préparation du Concile et c'est pour l'en récompenser que Pie IX le nomma cardinal.

Le p. Ballerini était aussi un 49v homme supérieur. Il était mo­deste. Il ne voulait rien publier et finit par éditer une édition de Gury annotée41). Il était judicieux et spirituel. C'était un homme d'expérience, il confessait beaucoup. Il avait une mémoire prodigieuse. Il citait avec la même facilité St. Thomas, Horace et juvénat. Il a eu de grosses querel­les avec les Liguoriens. je trouvais dans ma modeste compétence qu'il interprétait bien St. Liguori et le complétait à propos.

Le p. Patrizi42), professeur d'Ecriture Sainte était le frère du cardinal du même nom. Il était de la famille des marquis Patrizi, qui descendent du patricien Jean, fondateur 50r de Ste-Marie-Majeure. Il était aussi pieux et modeste que savant. C'était un exégète de première force. Les Allemands qui sont exigeants goûtent beaucoup ses commentaires des Evangiles.

Le p. Tarquini43), professeur de droit canon a été fait cardinal comme le p. Franzelin à l'occasion de la préparation du Concile. Il était très at­taché à la thèse plus théorique que pratique qui fait des Concordats une charte révocable à volonté par les Papes et non un traité. Il était combat­tu par un professeur éminent de l'Appollinaire, le chanoine de Angelis.

Le p. Sanguinetti44) enseignait l'histoire. Il nous fit en 1867 50v une bien belle thèse qui dura toute une année et prit les proportions d'un vo­lume sur l'apostolat de St. Pierre et de St. Paul à Rome. Il discutait su­périeurement les traditions, les monuments, et les textes.

Au séminaire de l'Apollinaire, j'eus pour professeurs de droit canon les deux chanoines de Angelis et de Sanctis. C'était le jour et la nuit. M. de Angelis45) était un homme supérieur, qui semblait faire son cours en se jouant et qui savait adapter à cette science aride un latin tout cicéro­nien. C'était un plaisir de l'entendre. - M. de Sanctis46) dictait ses peti­tes notes terre à terre, il était ennuyeux. Il exigeait des cahiers écrits au net. C'était 51r là un élément important pour l'examen.

Heureux temps que celui où je n'avais à penser qu'à ma sanctification et mon instruction. C'était un prélude du ciel. Cependant j'éprouve aus­si quelque joie à lutter pour faire régner N.-S. dans les âmes, à repren­dre, à consoler, à diriger, à mener une campagne et à poursuivre un plan pour établir le règne d'amour du S.-Cœur.

Les sténographes du Concile. - Il reste à Rome quatre des sténogra­phes du Concile. J'ai voulu les revoir. J'ai éprouvé un grand plaisir à ra­viver les souvenirs de la grande année du Concile. Ces confrères m'édi­fient. Le clergé de Rome gagne à être connu. Ces prêtres 51v ont une grande foi, une vraie piété, le goût et le sens des choses de l'Eglise; ils sont modestes et réservés. Les quatre que j'ai vus sont: don Leva, père spirituel à la Propagande; don Cani, Recteur du séminaire du Vatican; don Zonghi, archiviste du Secrétariat d'Etat; Mgr Volpini, secrétaire des lettres latines. Celui-ci est protonotaire et chanoine de St-Pierre. - Nous étions vingt: quatre au moins sont morts: Dugas en France; Hu­bert à Munich; Zei à Florence; et un américain47).

Spiritus spirat ubi vult (Jn 3,8). La France apporte à Rome ses dévotions et les propage. La dévotion au S.-Cœur a pris son grand essor à Paray­le-Monial, elle règne à Rome. La dévotion à Notre-Dame-de-­Lourdes 52r s'y implante. Plusieurs églises et chapelles lui ont élevé des autels. A Ste-Anne, via Merulana, on a reproduit la grotte. A St-Barthélémy, place Colonna, il y a une dévotion populaire: on em­brasse le pied de la statue, il y a une confrérie et des exercices publics. - St. Vincent de Paul commence à avoir des autels à Rome. - La dévo­tion réparatrice y règne aussi. Les exercices du premier vendredi du mois se font beaucoup, ils viennent de Paray-le-Monial. Les religieuses de Marie réparatrices ont une maison. - L'abbé Brugidou fait faire chaque jeudi soir un exercice de réparation dans l'église de St-Nicolas ai Cesarini.

J'ai assisté à une cérémonie 52v touchante. C'étaient les funérailles du p. Larroca, général des Dominicains, à la Minerve. Le général des Franciscains officiait. Plusieurs cardinaux et ambassadeurs y assistaient, puis une magnifique couronne d'environ 200 religieux vénérables, de tout costume, la plupart supérieurs d'ordres ou de congrégations ou de maisons religieuses. C'était le Sénat du Clergé Régulier. Il faut une cir­constance comme celle-là pour le trouver réuni. J'ai été vivement im­pressionné de voir tous ces hommes vénérables, pieux, au visage intelli­gent et ascétique. Et c'est contre ces hommes et leurs œuvres que légifè­rent d'autres sénats où ne manquent pas les visages avinés, sensuels, haineux et 53r inintelligents. Ecce ego mitto vos sicut agnos inter lupos (Lc 10,3).

Les tristesses de Rome. - Le Christ continue sa Passion. Il a dit à ses apôtres et à ses disciples: «comme le monde me hait, il vous haïra, com­me il me persécute, il vous persécutera» (cf. Jn 15,18.20). Le vicaire de Jésus-Christ est prisonnier et Rome est envahie.

En séjournant à Rome aujourd'hui on éprouve un malaise indicible qui grandit de jour en jour. Rome ne voit plus son Pontife, elle n'a plus de fêtes, plus de joie. Sa vie sociale chrétienne est presque éteinte. Rome la ville sainte est gouvernée par des excommuniés, qui malgré eux et tout en affectant la joie et le triomphe portent 53v sur leur front une morne tristesse. L'année se déroule et chaque jour la plaie des vrais fidèles est ravivée. Parcourez le cycle liturgique. Dès le 1er janvier nous courions à la Chapelle Sixtine pour voir et saluer notre Père et Pontife qui présidait la chapelle papale entouré du sénat de l'Eglise, le collège des cardinaux. Les choeurs de la Sixtine donnaient leurs notes les plus vibrantes et fai­saient retentir quelques morceaux choisis du grand compositeur Pa­lestrina. Maintenant à pareil jour la Sixtine reste close, Rome ne voit pas son Pontife suprême et son père vénéré. - Le 6 janvier, pour l'Epipha­nie, il y avait encore chapelle papale, il n'y a plus rien. Le dimanche 54r suivant, c'était la fête des langues à la Propagande. Des jeu­nes clercs de toutes les nationalités disaient ou chantaient des vers, des dialogues, des discours dans leurs langues. La fête n'a plus lieu. Le peuple de Dieu ne chante plus pendant la captivité. Le 18 janvier, fête de la chai­re de St-Pierre, il y avait chapelle papale à la basilique. La fête était popu­laire, tout Rome y courait, le Tu es Petrus des choeurs du Vatican était cé­lèbre. Il n'y a plus rien. Aussi comme ces beaux jours sont devenus mor­nes à Rome. Il faudrait un Jérémie pour l'exprimer. Le 2 février, le St-­Père bénissait et distribuait les cierges à St-Pierre. Il y avait procession. Les cardinaux, les évêques, les princes, les ambassadeurs 54v étaient là. C'était bien imposant. Il n'y a plus rien.

Au Carême et à l'Avent les Pères de l'Oratoire48) faisaient entendre des oratorios de musique sacrée dans leur belle église. Il n'en est plus question, tout fête de ce genre paraîtrait mal séante.

Le 25 mars, pour l'Annonciation, le St-Père allait tenir chapelle papa­le à Ste-Marie sopra Minerva. Les rues étaient pavoisées. La foule était aussi pressée qu'émue et recueillie, les vivats éclataient. Les voitures de gala rappellaient la splendeur de la cour de Louis XIV avec plus de di­gnité et de modestie. Au passage du Pontife toute la foule s'agenouillait comme une moisson inclinée par 55r le vent. Toutes les cloches étaient en branle. Quand on a vu ces fêtes peut-on ne pas éprouver de tristesse et d'indignation quand il faut voir tout un peuple privé de joies si pures et si émouvantes.

Le Carême s'ouvrait par une chapelle papale à la Sixtine; le vendredi, le St-Père descendait faire sa visite à la Basilique. Puis venaient les fêtes incomparables de la semaine sainte. Ces fêtes attiraient chaque année de quatre-vingt à cent mille étrangers.

Le dimanche des Rameaux, le Souverain Pontife bénissait et distri­buait les Palmes et assistait à la messe. On chantait 55v les choeurs d'Avila à l'Evangile, le Stabat de Palestrina à l'offertoire, le Benedictus de Baïni après l'élévation. Le mercredi saint, chapelle papale à la Sixtine pour les Ténèbres. On chantait les lamentations de Palestrina, le Mise­rere de Baïni ou de quelque autre grand maître. Le soir, il y avait à l'hos­pice de la Trinité lavement des pieds et repas des pauvres pèlerins venus à Rome pour célébrer la Semaine sainte. La confrérie du S.-Cœur, composée de cardinaux, de princes, de prélats, de nobles romains, pro­diguait toutes les marques de la plus touchante hospitalité à des centai­nes de pèlerins venus de toutes les parties de l'Europe. Cette cérémonie touchante se renouvelait les deux jours suivants 56r.

Le jeudi-saint était une des meilleures journées: il y avait chapelle pa­pale à la Sixtine, procession du St Sacrement à la chapelle Pauline, béné­diction solennelle Urbi et Orbi du haut de la Loggia de St-Pierre. Ces bénédictions n'ont rien d'égal au monde. Cette foule immense, toute avide, émue, enthousiaste et s'agenouillant toute entière quand retentis­sait la voix du Pontife, c'était une fête du ciel. Le St-Père faisait ensuite le Mandatum, c'est-à-dire qu'il lavait les pieds à douze prêtres pèlerins et les servait ensuite à table dans le portique supérieur de St-Pierre. - Le soir, office à la Sixtine, chants de grands maîtres.

Le vendredi-saint: chapelle papale, chant des choeurs d'Avila 56v et Impropères de Palestrina. L'après-midi le St-Père descendait à la Ba­silique pour vénérer les grandes reliques.

Le samedi-saint on chantait à St-Pierre la messe dite du Pape Marcel, le chef-d'œuvre de Palestrina.

Le dimanche de Pâques était le grand jour entre tous. Le Pape, la tia­re en tête et porté sur la Sedia descendait par l'escalier royal et entrait par la porte centrale de la Basilique. A ce moment les trompettes de la Garde noble sonnaient leur fanfare au balcon et le choeur entonnait le motet solennel: Tu es Petrus. Le cortège s'avançait vers l'autel: les cardi­naux, évêques et prélats allaient tour à tour au pied de l'autel prêter obé­dience au Pape. Le Souverain Pontife célébrait la messe pendant laquelle 57r il communiait les cardinaux-diacres. Rien ne peut donner une idée de la solennité de cette messe: un grand nombre de prélats pre­naient part aux cérémonies: des tribunes étaient réservées aux princes, aux ambassadeurs, à la noblesse romaine, une foule immense remplis­sait la nef. Après la messe, le Pape donnait encore la bénédiction Urbi et Orbi.

Le soir, c'était la belle illumination de la coupole, de la façade et du portique de St-Pierre qui réjouissait toute la ville et jusqu'aux habitants des Monts albains à huit ou dix lieues de distance.

Le lundi, il y avait feu d'artifice au Pincio. Peuple et clergé, tout le monde y allait comme une grande famille en fête et sans crainte 57v d'insultes ou de manque de respect.

Le 12 avril, c'était l'anniversaire du retour de Gaëte. Pie IX allait à Ste-Agnès hors des murs et le soir la ville était spontanément et merveil­leusement illuminée.

Il y avait chapelle papale et bénédiction solennelle à St Jean-de-­Latran à l'Ascension; chapelle papale à la Sixtine le jour de la Pentecôte. La fête-Dieu était merveilleuse. Le St-Père élevé sur la Sedia portait le St Sacrement autour de la place St-Pierre, accompagné par les cardi­naux, patriarches, archevêques et évêques. Certaines années, comme celles du concile, du jubilé pontifical de Pie IX et du centenaire de St-­Pierre, plusieurs centaines d'évêques étaient là et formaient le cortège le plus 58r imposant et le plus vénérable que la terre puisse donner à son Dieu.

Le 26 mai le Pape se rendait à la Chiesa Nuova pour la fête de St. Phi­lippe de Néri; le 24 juin, il allait à St Jean-de-Latran. Les fêtes de la St­Pierre étaient aussi solennelles que celles de pâques: messe papale, béné­diction, illumination, feu d'artifice.

Le 15 août, chapelle papale et bénédiction solennelle à Ste-Marie­Majeure; le 25 août, visite du Pape à St-Louis des Français, le 8 septem­bre à Ste-Marie-du-Peuple, le 4 novembre, à St-Charles au Corso, 1er dim. de l'avent à la chap. Pauline.

Noël avait aussi sa messe pontificale et le 31 décembre de St-Père al­lait assister au Te Deum d'actions de grâce à 58v l'église du Gesù.

Maintenant, c'est un perpétuel froissement des sentiments les plus lé­gitimes et les plus sacrés. Le Pape ne peut plus voir son peuple, il ne peut plus aller prier dans ses sanctuaires de Rome et le peuple ne peut plus voir son Père.

Ce n'est plus la Rome du Pape, la Rome du Christ: «Quella Roma onde Cristo è romano»49) (Dante). C'est une ville sujette à la révolution de la franc-maçonnerie et de la juiverie.

N.-S. peut-il voir sans tristesse son Vicaire captif, sa nouvelle Sion avilie et souillée, son Eglise entravée dans son gouvernement, son peuple privé de ses joies les plus pures? 59r.

Les Catacombes et le S.-Cœur. -Je n'ai jamais mieux goûté les Ca­tacombes que dans ce voyage. J'en suis devenu amoureux. J'y suis allé maintes fois, je ne m'en lasse pas. J'ai revu celles de St-Callixte, de Ste­Priscille, d'Osterius et de St-Sébastien. J'ai voulu les étudier cette fois au point de vue du S.-Cœur et j'y ai trouvé bien des lumières. Les pein­tures si touchantes, si suaves, dont elles sont couvertes prêchent toutes le S.-Cœur.

Le symbole qu'on y trouve répété le plus souvent, dans chaque locu­lus, dans chaque oratoire, c'est le bon Pasteur. Il y prend toutes les atti­tudes; il a des attributs variés, mais c'est toujours le pasteur aimant, le pasteur au cœur dévoué, généreux. Il a un air noble et un beau 59v visage; mais il est doux, humble, charitable. Il a presque toujours une brebis sur ses épaules. C'est la brebis égarée, la brebis blessée, il la porte manifestement avec bonté, avec tendresse. Elle se repose sur son cou et se complaît dans l'amour de son pasteur. - Souvent le Pasteur porte un seau de lait, symbole de l'Eucharistie, symbole aussi des soins maternels que le Pasteur prend de ses brebis. - Il est entouré de brebis. Il y en a d'ingrates qui se détournent, il envoie les apôtres à leur recherche. Beau­coup paissent paisiblement à ses pieds. Plusieurs lui embrassent les mains, il les caresse. Quelques unes, visiblement enivrée d'amour pour leur pasteur, bondissent. Elles se dressent vers lui comme pour 60r le posséder et l'embrasser. Mettez à cette figure du Bon Pasteur un cœur sur la poitrine et vous ne pourrez pas mieux exprimer toute la mystique du S.-Cœur.

Un autre symbole, souvent répété aussi, c'est Orphée. C'est un sym­bole païen, mais qui pouvait avoir même dans le paganisme quelque chose de prophétique, comme les oracles des sibylles. Les premiers chré­tiens l'ont pris parce qu'ils ne trouvaient rien qui pût mieux dire les charmes, les attraits séduisants du Sauveur. Orphée chante dans ces peintures et les créatures, plantes et animaux, s'inclinent vers lui avec amour. Le Bon Pasteur a aussi souvent à la main la flûte de Pan ou d'Apollon, qui nous le montre comme l'idéal de la beauté et la source 60v de l'inspiration.

Le Sauveur est représenté aux Catacombes dans ses Figures: Adam, Noé, Abraham, Job, Moïse, Tobie, Jonas. Ces Figures ont plusieurs si­gnification: Adam, c'est le péché à expier; Noé c'est le salut par l'arche, symbole de l'Eglise; Abraham, c'est le sacrifice du Calvaire; Moïse c'est le salut par l'intervention divine et par le passage de la mer, symbole du baptême; Tobie, Job, c'est la vertu et la patience, mais c'est aussi la gué­rison, symbole des miracles du Christ et de la conversion de l'humanité; Jonas, c'est la résurrection. Mais le S.-Cœur n'est pas étranger à ces symboles. Adam et Eve, c'est le Christ et l'Eglise; l'Eglise sortie du Cœur de Jésus. Noé, l'arche et la colombe, c'est, comme l'enseignent les Pères de l'Eglise, 61r le salut par le Christ dont le côté ouvert est une porte où se réfugient les colombes, les âmes pures. Columba mea in fo­raminibus petrae (Gant 2,14). Tobie, guéri par le cœur du poisson est un symbole manifeste du S.-Cœur.

Plusieurs mystères de la vie de N.-S. sont représentés, particulière­ment l'Adoration des bergers et des mages, la Cène, la guérison du para­lytique et de l'aveugle-né, la résurrection de Lazare. La Cène est tout spécialement le mystère d'amour du cœur de Jésus. La résurrection de Lazare lui appartient en propre aussi: c'est la résurrection de l'ami, ob­tenue par les prières d'âmes tendrement aimées. Madeleine dans ces peintures est représentée tout inclinée et embrassant les pieds de Jésus 61v pendant qu'il ressuscite Lazare.

Une autre classe de peintures ce sont celles qui représentent les sacre­ments. Les trois sacrements les plus usuels: le baptême, la pénitence et l'Eucharistie sont représentés maintes fois. Le baptême, c'est Moïse frappant le rocher, ce sont les apôtres pêcheurs d'hommes et prenant des hommes à l'hameçon. L'Eucharistie, c'est la Cène, c'est la multiplica­tion des pains, c'est le poisson caché dans un pain, comme le Christ est caché sous les espèces eucharistiques. On sait que les premiers chrétiens symbolisaient le Christ par un poisson parce que les lettres du mot pois­son (icthus), sont les initiales des mots: Jésus-Christ, fils de Dieu, Sau­veur. C'est aussi un 62r gracieux symbole de l'Eucharistie que le pois­son mystique qui porte un seau de lait: c'est le Sauveur portant le lait surnaturel du festin eucharistique. La pénitence est symbolisée par la guérison du paralytique et par la résurrection de Lazare. On sait que le miracle de la guérison du paralytique a été fait par Notre-Seigneur spé­cialement pour justifier son pouvoir de remettre les péchés.

Ces symboles des sacrements rappellent éminemment le cœur Sacré de Jésus. Les Pères de l'Eglise nous le disent: les sacrements sont sortis du Cœur de Jésus. L'eau et le sang qui ont coulé du côté ouvert du Sau­veur au Calvaire représentaient spécialement le baptême et l'Euchari­stie. 62v En voyant si souvent représenté dans ces peintures le rocher frappé par Moïse et donnant une source d'eau miraculeuse, comment ne pas reporter sa pensée au Cœur de Jésus frappé et ouvert lui aussi et donnant l'eau et le sang qui symbolisent l'eau purifiante du baptême et l'aliment eucharistique. Les premiers chrétiens ne connaissaient-ils pas l'oracle de St. Paul: Bibebant de spiritali consequente eos petra: petra autem erat Christus. Les Israélites se désaltéraient aux eaux miraculeuses du rocher, mais ce rocher figurait le Christ (I. Cor X. 4.).

Daniel est très souvent représenté dans la fosse aux lions, aux Cata­combes, ainsi que les trois Enfants dans la fournaise. 63r C'était un encouragement pour les chrétiens qui étaient avertis par là qu'ils rece­vraient dans les tourments le secours de Dieu. Mais aussi c'était une ex­hortation à puiser leur force dans l'amour du Sauveur. C'est aux Ro­mains eux-mêmes que St. Paul avait écrit, en commentant le mot du Cantique des Cantiques l'amour est fort comme la mort (Ct 8,6): qui nous sé­parera de l'amour de Jésus-Christ? Ni les tribulations, ni les persécutions, ni le glai­ve; mais nous surmonterons toutes nos épreuves pour l'amour de celui qui nous a ai­més le premier (Rom 8, 35-37), (sed in his omnibus superamus propter eum qui dilexit nos. - Rom. 8,37). Et ces Enfants dans la four­naise 63v nous rappellent ce que la sainte liturgie dit de Ste Agnès: les flammes de l'amour sacré du Sauveur qui brûlaient dans son cœur étaient plus ardentes que le feu matériel qui l'entourait.

Mais qu'avons-nous besoin de tant de preuves de détail? Les Cata­combes tout entières ne prêchent-elles pas le S.-Cœur de Jésus? Il y a là des millions de martyrs. L'Eglise en a donné dix millions environ dans ses premiers siècles, dont la moitié peut-être pour Rome. Le cimetière de St-Callixte à lui seul en a reçu, dit-on, 170.00050). Comment expli­quer tant d'héroïsme (c'est une fleur si rare sur la terre) sans un puissant courant d'amour qui ait enflammé tous les cœurs? N.-S. 64r nous en révèle le secret: Je suis venu, dit-il, allumer le feu sur la terre. L'amour est fort comme la mort. Nous triomphons des supplices et de la mort, disait St. Paul, par l'amour de celui qui nous a aimés le premier (superamus propter eum qui dilexit nos - Rom 8,37). Voilà le secret: Le Cœur de Jésus a gagné les cœurs et leur a donné une force invincible avec son amour. Le grand vainqueur c'est lui. C'est à lui que reviennent d'abord toutes ces palmes gravées sur les tombes des martyrs. Ce sont les symboles du triomphe de son amour. Et toutes ces fioles de sang, signe sacré du martyre au cata­combes, que nous disent-elles? Elles nous disent que le sang versé par le Cœur de Jésus au Calvaire a 64v semé l'amour et l'héroïsme sur la terre et que le sang versé pour nous par le Cœur d'un Dieu a mérité que les hommes versassent pour son amour un océan de sang.

Oh! oui, les Catacombes prêchent l'amour du Cœur de Jésus. C'est pour cela que les saints de tous les âges y allaient si volontiers enflammer leur cœur à ce foyer. St. Jérôme, St. Damase et tant d'autres faisaient leurs délices des Catacombes. St. Philippe Néri y passait ses nuits pen­dant bien des années et son cœur y devenait si brûlant que le saint, sen­tant sa poitrine se rompre, était obligé de s'écrier: «Assez, Seigneur, as­sez». - Amis du S.-Cœur, si 65r vous êtes un jour pèlerin de Rome, ne manquez pas d'aller puiser aux Catacombes un surcroît d'amour pour le cœur de Jésus.

Un bouquet de fleurs au S.-Cœur. - «Salut, fleurs des martyrs, que le persécuteur du Christ a coupées dès l'aurore, comme l'orage fauche les boutons de roses»51). C'est en ces termes que la liturgie si poétique de l'Eglise célèbre les jeunes enfants immolés à l'occasion de la naissance du Sauveur et honorés dans l'histoire du beau nom d'Innocents. La Pro­vidence a permis que les ossements des jeunes martyrs de Bethléem par­tageassent le sort de la crèche et vinrent recevoir les hommages des fidè­les dans la basilique de Ste-Marie Majeure à Rome.

Mais ce ne sont pas les seules 65v fleurs qui rehaussent de leur éclat la nouvelle Sion. Celles-ci y ont été transplantées de la Terre Sainte, mais son sol en a lui-même vu germer un si grand nombre qu'on peut di­re qu'il est comme un merveilleux parterre de lis et de roses. Ces fleurs ce sont les enfants martyrs et les jeunes saints de Rome. Je voudrais choisir quelques-unes des plus éclatantes et des plus parfumées de ces fleurs pour en offrir un délicieux bouquet au S.-Cœur de Jésus.

Il semble que les empereurs, les proconsuls, les magistrats de Rome aient envié les trophées sanglants d'Hérode: les enfants martyrs ont été innombrables à Rome. Récemment encore nous visitions pieusement 66r les galeries souterraines des Catacombes. De distance en distance les petites tombes d'enfants s'étageaient les unes au-dessus des autres. Là sans doute, pensions-nous, il ne s'agissait pas de martyrs, mais d'en­fants qui avaient quitté la vie dans des conditions normales; mais pen­dant que nous faisions cette réflexion en nous-mêmes, le pieux religieux qui nous guidait attirait notre attention sur les signes du martyre gravés sur ces tombes d'enfants: la colombe et la palme et sur les fioles de sang déposées auprès d'eux. A cette vue, nous l'avouons, nous étions profon­dément impressionnés. Nous étions bien en face de petites victimes des persécutions romaines. Ces enfants en grand nombre ont dû être frappés avec leurs mères, et ils sont allés rejoindre 66v au ciel les Innocents de Bethléem. Ces tombes annoncent par leurs dimensions des enfants de deux ans, de quatre ans, de huit ans. Quelques-unes donnent des noms propres. Les autres fleurs du parterre cachent leur nom à la terre et ne le révèlent qu'au ciel. Plusieurs de ces petits martyrs ont une gloire posthu­me. Leurs corps transportés dans des églises de Rome ou d'ailleurs y at­tirent les pèlerins par des faveurs célestes.

Mais il y a des fleurs choisies qui émergent de ce parterre, ce sont les martyrs et les saints morts dans l'enfance ou la jeunesse à Rome et qui par l'éclat de leur naissance, la grandeur de leurs souffrances ou la puissance de leurs vertus revêtent une splendeur particulière. 67r Tels sont par exemple: Pancrace, Tarcisse, Vite, Cécile, Agnès, Emerentienne, Prisca, Philomène, Louis de Gonzague, Stanislas Kostka, Jean Berchmans.

Pancrace était un enfant de 14 ans, de noble famille et d'un plus noble cœur. Il a bravé Dioclétien lui-même. L'empereur l'invitait à sacrifier aux dieux. «Comment, lui répondit cet enfant, pourrais-je reconnaître comme des dieux ces personnages dont la vie a été si immorale». Pancra­ce a subi héroïquement les plus cruels supplices avant d'avoir la tête tranchée. Fleur gracieuse entre les martyrs, il est resté aimé et populaire à Rome et il a sa basilique vénérée des pèlerins.

Tarcisse est l'aimable martyr de l'Eucharistie. C'était un jeune acoly­the que sa pureté, sa foi et 67v son courage avaient fait juger digne de porter l'Eucharistie aux chrétiens emprisonnés pour leur foi. C'était sous Dioclétien. La persécution sévissait dans toute sa rigueur. Les païens de la ville étaient surexcités et ivres du sang des chrétiens. L'en­fant allait pieusement, portant son trésor. Son attitude le fit reconnaître. Les païens l'assommèrent à coups de pierres et de bâtons. Après l'avoir tué, ils ne trouvèrent plus son trésor pour le profaner, l'enfant s'était nourri de son Dieu pour prendre des forces. Il fut déposé au cimetière de Callixte et le pape Damase chanta son héroïsme en beaux vers.

Vite était un enfant de 12 ans d'une noble famille sicilienne. Dioclé­tien l'appela à la cour. 68r L'enfant guérit miraculeusement le fils de l'empereur. L'ingrat tyran voulut lui faire abjurer sa foi, mais Vite, comme Tarcisse et Pancrace, aimait le Sauveur plus que la vie. Le tyran le condamna aux plus horribles supplices. Comme Agnès, comme les trois enfants hébreux à Babylone, comme St. Jean le disciple du S.-Cœur, l'enfant passa par le feu sans en être atteint. Le tyran le fit je­ter aux lions. Comme Daniel, l'enfant vit les lions respecter sa faiblesse et caresser ses pieds. Alors l'odieux tyran le fit écarteler sur un chevalet.

Parfois c'était tout un groupe de fleurs que le glaive du tyran tranchait d'un seul coup. 68v Ainsi arriva-t-il pour les sept fils de Ste Sym­phorose. Cette femme élevait saintement ses fils à Tibur et par son zèle gagnait des âmes à la foi chrétienne. Le démon voyait avec fureur son em­pire diminuer, aussi livra-t-il lui-même ses ennemis au persécuteur. Il fit répondre à l'empereur Adrien par l'oracle de Tibur que cette femme et ses enfants étaient les ennemis des dieux qui protégeaient l'empire. Adrien les fit saisir et les fit torturer cruellement. Ces jeunes gens s'exci­taient à la persévérance. Ils étaient joyeux de souffrir pour le Christ et ils paraissaient plus ardents pour aller à la mort que d'autres ne sont empres­sés de courir au plaisir. Leurs 69r corps sont réunis à celui de leur mère dans l'église dédiée au saint Archange Michel.

Une fleur de choix de ce radieux bouquet, c'est Agnès. C'était une en­fant elle aussi, elle avait 13 ans. Elle est devenue le modèle idéal de la pu­reté. C'est à ce titre que St. Jérôme, St. Ambroise, St. Augustin ont dit ses louanges avec les plus séduisantes harmonies de leur éloquence. C'est en vain que le tyran se flattait de vaincre facilement par la flatterie ou par la crainte une enfant de 13 ans. Agnès était éprise du Sauveur et l'amour est fort comme la mort. Elle sut répondre au proconsul: «mon cœur appartient à Jésus-Christ à qui j'ai voué un amour éternel». Les miracles de son 69v martyre la rendirent glorieuse entre tous.

On ne peut pas séparer d'Agnès sa soeur de lait Emérentienne. Celle­-ci, encore catéchumène, a eu le courage de reprocher publiquement aux persécuteurs leur cruauté et condamnée à son tour et livrée au supplice, elle a suppléé par son sang aux eaux du baptême.

Cécile était un ange par sa ferveur. Elle chantait les louanges de Dieu avec la piété des séraphins, elle sauvegardait sa pureté par le jeûne et les cilices. Donnée en mariage par sa famille à un jeune homme de noble ra­ce nommé Valérien, elle lui déclare qu'elle a un autre époux, 70r Jésus-Christ et que sa virginité est sous la garde d'un ange. Valérien ga­gné à la foi par la vision de cet ange reçoit le baptême avec Tiburce son frère des mains du pape Urbain et bientôt ces jeunes chrétiens trahis sont envoyés à la mort. Seize siècles n'ont pas diminué la renommée des ver­tus et du courage de Cécile.

Il est une de ces fleurs que la Providence a tenue cachée pendant seize siècles, pour lui donner tout à coup une splendeur incomparable. C'est Philomène. Un corps d'enfant découvert en 1802 au cimetière de Ste­Priscille n'avait pas d'autre histoire que ce nom «Philumena» et un tombeau orné de symboles qui indiquaient 70v un martyre exception­nel: une palme, des flèches, des fouets, un glaive. Ce corps saint fut don­né à l'église de Mugnano près Naples et là des miracles si nombreux se firent bientôt que la renommée s'en répandit dans le monde entier et la petite sainte fut appelée par les fidèles la thaumaturge du XIXe siècle. Ses médailles se répandirent prodigieusement, des associations se fondè­rent partout en son honneur. Le St. Curé d'Ars en fit sa petite sainte de prédilection et lui fit faire maints miracles. La petite sainte fit connaître de plusieurs côtés quelques détails de sa vie et en particuliers sa 71r noble origine et sa résistance aux propositions de fiançailles de l'empereur Dioclétien lui-même ce qui fut l'occasion de son martyre. Philomène n'est pas une fleur moins brillante que les Agnès et les Cécile52).

Il est d'autres fleurs de ce parterre romain qui n'empruntent pas au martyre l'éclat empourpré de la rose, mais qui se présentent à nous com­me des lis purs et parfumés, ce sont les Louis de Gonzague, les Stanislas Kostka, les Jean Berchmans. Tous trois ont aimé Notre Seigneur com­me des anges. Le feu sacré de la ferveur a consumé leur vies et ils sont al­lés continuer avec les séraphins leurs chants 71v d'amour au Sauveur.

Quelle ville, autre que la nouvelle Sion pourrait offrir à Notre-Seigneur un pareil bouquet de lis et de roses célestes?

Et ces fleurs appartiennent bien au S.-Cœur de Jésus. L'amour de N.-S. est tout le secret de ces vies si pures, de ces morts si héroïques. Ces enfants ont aimé N.-S. plus que les biens et les joies de la terre, plus que leur vie. Aussi N.-S. les aime à son tour et les glorifie sur la terre et au ciel. Les enfants, les jeunes gens, ont là des modèles et des intercesseurs qu'ils doivent souvent se rappeler et souvent invoquer 72r.

Délicieuse réunion académique au séminaire. C'est une séance du «Circolo dei cultori dell'apologetica et storia dei Papi». On fêtait le cen­tenaire de l'intronisation de St. Grégoire le grand - le p. Grisar53), prof. d'histoire à Inspruck (Innsbruck) nous lit d'abord une belle conférence sur les récents travaux d'érudition en l'honneur de St. Grégoire. Il cite surtout le recueil de ses lettres retrouvées au nombre de 800, recueil pu­blié en Allemagne, et les travaux de dom Pothier et des Bénédictins de Solesmes et de Maredsous sur le chant grégorien54).

C'est ensuite Mgr Tripepi, un prélat romain, poète et historien qui dé­fend avec une grande facilité, une véritable érudition et une réelle élégance de style la 72v gloire de St. Grégoire le grand contestée (ad modum exer­citii) au point de vue de son style ou de ses rapports avec les princes (Brune­haut et Phocas). - Mais la perle de la soirée, c'est le discours du card. Parocchi55). Voilà un homme qui ferait un pape docte, éloquent, politique et vigoureux. Il se joue avec l'érudition. Il caractérise Grégoire le grand le premier pape politique, un pape artiste qui consacre à Dieu tout ce que la Grèce et Rome avaient jusque là composé de mélodies, un pape canoniste dont les successeurs exploitent les lettres dans leurs décrets, un pape saint comme pape et non pas seulement comme homme privé et qui demeura présent comme un 73r modèle à ses successeurs jusqu'à Grégoire VII, un pape qui de l'aveu de Bossuet a tracé les règles de la sagesse des rois. - L'orateur nous trace un lumineux portrait des Pères de l'Eglise: Ambroise le poète et l'homme d'esprit, qui s'oublie quelquefois jusqu'au calembour. Augustin, le docteur spéculatif, Jérôme, le docteur élégant et lettré. Grégoi­re le grand, lui, est le docteur pratique, le moraliste, le vrai romain, sage, prudent, et énergique. - Le docte cardinal parla près d'une heure et nous ravit tous, tant par la valeur doctrinale et historique de son discours que par l'élégance de la forme.

J'ai dit la sainte messe avec émotion et joie à la basilique de St-­Clément, 73v sur le corps de St. Ignace d'Antioche, l'amant si ardent de Jésus. Cette messe au maître-autel de la basilique me rappelait les grands souvenirs de cette église. C'était la maison de St-Clément. L'apôtre St. Jean a dû y séjourner. St. Clément, St. Ignace, St. Flavius Clemens, St. Cyrille et St. Méthode reposent là. Bien des pontifes et des saints ont dû célébrer à cet autel majeur.

Audience du St-Père. -J'ai porté au St-Père mon cierge avec les su­périeurs généraux d'Ordres et de Congrégations. Quelques minutes passées aux pieds du vicaire de J.-C. me font toujours une grande im­pression. Je me relève ému et touché comme aux grands jours des ordi­nations. Je voyais aussi les autres personnes admises à l'audience revenir 74r transfigurées. Quelle touchante cérémonie! Tous les or­dres religieux sont là représentant un faisceau puissant de grâces et cor­respondant aux divers mystères de N.-S., à ses œuvres, à ses dons va­riés. Nous ne sommes rien, mais notre mission ne la cède à aucune au­tre. Nous avons à travailler au règne d'amour du Cœur de Jésus. A nous d'être fidèles.

J'ai voulu entendre les professeurs actuels du Collège romain. Le p. Buceroni56) explique son propre traité de morale. Le p. de Agostinis com­mente Mazella57), l'explique, le résume. Le p. Billot développe ses feuil­les autographiées58). Les cours sont intéressants quoique les professeurs actuels me paraissent inférieurs aux pères Franzelin et Ballerini 74v.

Pèlerinages. - Rome se complète par les villes italiennes. Rome a la fleur des apôtres, des martyrs, des confesseurs. Cependant Gênes possè­de le corps de St-Jean-Baptiste. Lorette a la santa Casa. Venise a St. Marc; Amalfi a St. André; Salerne a St. Mathieu; Ortona a St. Thomas. - Naples a St. Janvier, Ste Restitute et d'autres martyrs; Nola a St­-Félix et St. Paulin. Assise a St. François et Bologne a St. Dominique. Pavie a St. Augustin; Milan a St. Gervais, St. Protais, St. Ambroise et St. Charles Borromée. Padoue a St. Antoine, Pagani a St. Alphonse. Florence a St. Antonin et fra Angelico, et St. André Corsini. Gênes et Bologne ont encore leurs vierges admirables.

L'Italie est bien privilégiée 75r.

Nola - Mugnano - Naples - Valle. - Nous logeons à Nola chez de braves gens dont la dévotion se manifeste par une foule d'images de saints qui tapissent leurs murs. Nos madones françaises s'y trouvent aussi. - Nola a le corps de St-Félix son premier évêque. Son tombeau donne plusieurs fois l'an une manne estimée miraculeuse. On y a com­mencé la construction d'une vaste cathédrale. Mais le principal intérêt de Nola est au faubourg de Cimitille59). C'est là que sont les basiliques bâties par St. Paulin, c'est là qu'était l'ancienne cathédrale. Le pieux St. Paulin avait élevé là cinq basiliques. Il en reste deux: celle de St. 75v Félix, prêtre, et celle des martyrs. Les autres ont été rempla­cées par des églises modernes. La basilique de St-Félix a le corps du saint et ceux de plusieurs saints évêques de Nole. Elle a conservé de beaux rin­ceaux en mosaïque sur fond d'or. Celle des martyrs est au lieu même où eurent lieu de nombreuses exécutions de saints martyrs. On y montre la cachette où des toiles d'araignées voilèrent St. Félix à ses bourreaux. Cet ensemble de sanctuaires est bien touchant. - Les trois autres basiliques étaient dédiées à St Jean, à St-Etienne, à St-Thomas.

Une heure plus loin que Nola, au pied des montagnes, se trouve le sanctuaire de Mugnano. C'est là qu'est le corps de Ste 76r Philumè­ne, la petite thaumaturge du XIX° siècle , la petite sainte si vénérée du St Curé d'Ars. Ce sont les Soeurs de la charité qui gardent ce sanctuaire. Une bonne soeur française nous fit un accueil très hospitalier. Elle nous fit voir la fiole de sang de la petite martyre et les tuiles qui recouvraient son tombeau, tuiles ornées de palmes, de fouets et de flèches. Ce petit sanctuaire a reçu d'innombrables pèlerins: les princes de Naples et le pa­pe Pie IX l'ont visité.

Nous étions à Naples de bonne heure et nous avons visité le musée. Il y a de belles œuvres de sculpture grecque et romaine: la 76v Vénus de Capoue, la Psyché, Agrippine, le Taureau Farnèse, l'Hercule Farnè­se. Il n'y a là que la beauté naturelle de la forme - Au musée de ta­bleaux, j'ai remarqué une belle sainte famille de Raphaël, une madone du Perugin, une de jules Romain, une de Palma le vieux. - Les objets pompéiens forment le fond le plus intéressant du musée de Naples. Il y a là des objets mobiliers de tout genre, spécialement en bronze, nous n'avons guère progressé depuis lors. Les bijoux avaient à peu près la for­me des nôtres. Il y a de beaux services de table en argenterie où la four­chette est remplacée par la pointe de l'anse d'une 77r petite cuillère. Le camée en Onyx représentant Alexandre au bord du Nil est merveil­leux.

Le soir nous étions à Valle et nous avions la joie d'assister au salut dans le beau sanctuaire de N.-D.-du-Rosaire.

Pagani - Amalfi. - J'ai le bonheur de dire la sainte messe le matin à Pagani devant le corps de St-Alphonse de Liguori. J'ai dit là une de mes premières messes en présence de mon père et de ma mère. Je visite avec intérêt et piété le trésor qui contient les vêtements et les ornements du saint, et sa chambre avec son pauvre lit et ses meubles. - Comment se fait-il que cette ville est devenue si mauvaise? 77v Sur tous les murs des affiches acclament le député libre-penseur Bovio et le louent d'avoir renouvelé le génie de Bruno et de Campanella60). Hélas! - Nous pre­nons à Vietri une voiture pour Amalfi. Cette route est une corniche riva­le de celles de Gêne et de Nice. C'est une alternance de vallées austères et gracieuses avec les vues les plus variées sur les golfes de Salerne et d'Amalfi. Toutes ces villes étagées sur les côteaux avec leurs maisons blanches et roses, entourées de terrasses toutes plantées de citronniers ont un aspect tout oriental et fort gracieux. On plante et on bâtit. La cul­ture des citrons amène 78r la prospérité. Les vallées de Majori et de Minori ont plus d'ampleur et de grâce. Celles d'Atrani et d'Amalfi sont des gorges austères au pied de roches abruptes.

Ce qui nous attirait à Amalfi, c'est son sanctuaire de St-André. Le corps de l'apôtre est là. Il donne une manne miraculeuse. La grande ba­silique normande est imposante. La crypte est vaste et riche. St. André est bien honoré là. Je remarque que son nom est porté par beaucoup d'habitants de la ville comme celui de St. Mathieu à Salerne, celui de St. Janvier à Naples. - Le couvent des capucins en haut de la ville a une vue qui s'étend 78v jusqu'au golfe de Salerne, mais hélas! tous ces monastères sont aujourd'hui sécularisés.

Le soir nous étions à Salerne.

Salerne - Paestum. - Salerne a une belle rade, un quai splendide. El­le est bien étagée au pied de son acropole devenue un château normand. Mais ce qui nous avait attirés, ce sont ses richesses spirituelles, c'est le corps de St. Mathieu, qui repose, entouré de saints martyrs et de saints évêques dans la vaste crypte de la cathédrale. On y vénère aussi le corps de St. Grégoire VII. C'est une grande église ogivale à trois nefs. La nef centrale a un plafond. Il reste de splendides chaires et ambons de l'an­cienne église byzantine 79r.

Ces églises d'Amalfi, de Salerne, comme la plupart de celles de Na­ples, et celle du Mt. Cassin sont ornées de mosaïques du genre florentin qui tapissent les pilastres, les bancs de communion, les murs et les dalla­ges.

Nous fîmes une excursion toute archéologique à Paestum pour voir les temples de cette vieille ville grecque qui datent de 400 ou 500 avant N.-S. J.-C. - L'enceinte de la ville est conservée avec ses tours, elle n'a pas d'acropole. Elle a son amphithéâtre et trois temples: ceux de Neptu­ne et de Cérès, le troisième me paraît être un temple double comme j'en ai vus en Egypte. 79v Il est coupé au milieu par une ligne de colonnes. Le temple de Neptune est du dorique pur, du vrai dorique grec. Les au­tres ont déjà un renflement des colonnes et des ornements aux chapi­teaux qui les rapprochent du dorique italien. A celui de Neptune, de pe­tites colonnes au-dessus des colonnes intérieures soutenaient la toiture. Les byzantins n'ont pas eu à inventer ce petit ordre de colonnes qui sur­montent le rez-de-chaussée dans leurs rotondes. - Ces peuples étaient religieux: ils invoquaient Neptune et Cérès pour leur navigation et leur culture.

Nous retournions le soir à Valle 80r.

Valle - Pompei - Naples. - J'ai le bonheur de dire la sainte messe à l'autel de N.-D.-du-Rosaire. L'église s'achève, elle est dans le goût du XVIe siècle. Elle est riche de marbres et de bronze. C'est un sanctuaire ou tout respire la piété. Neuf chapelains sont attachés à son service.

Je revois Pompei que j'ai vu en décembre 1868 avec mes parents. C'était une Babylone, riche, élégante et prospère, mais bien sensuelle. Elle avait ses temples à Jupiter, Apollon, Vénus, la Fortune, Mercure, Esculape, Isis. C'étaient bien les dieux qui lui convenaient. Le temple d'Isis était précédé d'un purgatorium pour les ablutions. 80v Pompei avait des théâtres, des bains, une bourse, des auberges, des lupanars. Les bains étaient très perfectionnés, avec opodycterium (ou vestiaire)61) frigidarium, tepidarium, sudatorium et jardin. Les peintures des mai­sons étaient généralement libres, souvent lascives. Quelques unes imi­tent les sujets des grands peintres d'Athènes et nous donnent une idée avantageuse de la peinture antique. Les riches maisons livraient leur de­vanture aux boutiques ou tabernae, comme on fait encore à Rome. Elles comprenaient un atrium (chambres à droite et à gauche; au fond, tabli­num), un péristyle (entouré de chambres, avec une salle à manger élé­gante), un jardin dans lequel il y avait un petit autel aux 81r dieux La­res. Les chars devaient être traînés dans les rues par des esclaves. Des Phalus et des serpents passaient pour des symboles protecteurs, c'est là que le démon et la franc-maçonnerie veulent nous ramener.

Naples - Pouzoles. - Naples a plusieurs églises fort intéressantes. St­Janvier, église gothique du XIVe siècle, avec son annexe la basilique de Ste-Perpétue du VIIe siècle possèdent un grand nombre de corps saints: St. Janvier, Ste Perpétue et les premiers évêques de Naples. Près de l'église s'ouvrent les Catacombes. Les églises St-Paul, St-Dominique, Ste-Claire sont du même style. St-Paul possède les corps de St. André Avellin et de St. Gaëtan. 81v St-Dominique a le corps de St. Tharcy­se. St-Laurent et Ste-Chiara ont de beaux tombaux des XIVe et XVe siè­cles et de gracieuses et pieuses sculptures de Jean de Nole.

Quelle gracieuse église que celle de St-Martino! Tout y est fin, riche et délicat. Le trésor possède bien encore vingt corps saints, sous la garde de la police, hélas!

Pouzoles a sa solfatara, sa chapelle du martyre de St. Janvier, ses sou­venirs de Cicéron, de Vitellius, de Néron, mais surtout ses souvenirs de St. Paul (Anno 57). Act. XXVIII.13 (S. Pet. AN. 44)62).

Bonne matinée au Mt.-Cassin, où je célèbre la messe à la crypte. C'était la fête de Ste Scolastique. Belle église renaissance avec peintures de l'école de Naples (de Matteis rappelle Lesueur)63). Beau panora­ma 82r.

Retraite

J'ai la grâce de passer une semaine dans le recueillement et la prière chez les bons Pères Passionistes à St-Jean-et-Paul. Je suis là auprès du tombeau de St-Paul de la Croix, un ami du Cœur souffrant de Jésus, auprès des martyrs Jean et Paul, en vue du Colysée où tant de chrétiens ont donné leur sang par amour pour Jésus, en vue de St-Grégoire, le grand pape et le pieux docteur.

Je relis la vie de St. Paul de la Croix, elle est pleine de leçons et d'en­couragements pour moi.

C'est la Ste Vierge qui l'a conduit. Elle lui montra 82v le but de sa congrégation, qui est de mener constamment le grand deuil du Calvaire. Elle lui en montra l'habit avec le Cœur blanc surmonté de la croix. Il comprit que Marie devait être sa protectrice et son aide pour cette œuvre et que cette vocation exigeait une grande pureté de cœur. - Notre but à nous est l'amour compatissant au Cœur aimant et blessé de Jésus.

Notre-Seigneur s'est fait lui-même mon directeur depuis 13 ans. Il a fondé l'œuvre. Il m'en a dicté l'esprit et le but par sa fidèle servante Sr. 1.64). - A cause de mes fautes et des illusions du p. Th.65) auquel j'ai trop 83r cru N.-S. a permis que l'Eglise rejetât toutes les lumières re­çues, mais il conservait l'œuvre comme un arbre dont la greffe a été bri­sée par l'ouragan et qui a besoin d'être greffé de nouveau. Cette greffe nouvelle est venue. Il faut maintenant que je soigne cette plante et que je ne l'expose plus à de nouveaux ouragans et que je ne la laisse pas se des­sécher et devenir stérile. - Immaculée Marie, aidez-moi!

St. Paul de la Croix vit un jour les saints fondateurs d'Ordres qui in­tercédaient pour le succès de sa fondation. J'eus toujours la même con­fiance pour notre œuvre et j'invoque tous les jours les saints fonda­teurs 83v

L'administration des Pères Passionistes me paraît bien ordonnée. Le Père général, ses quatre consulteurs (dont un est son secrétaire) et le pro­cureur général sont élus pour six ans par le chapitre général.

Au chapitre général prennent part les six nommés ci-dessus avec les provinciaux et les consulteurs des provinciaux. Les provinciaux et leurs 2 consulteurs sont élus pour trois ans par le chapitre provincial composé des recteurs de chaque maison. Les recteurs sont nommés par le provin­cial assisté de ses consulteurs et doivent être confirmés tous les ans. Le général non réélu 84r peut choisir sa résidence.

Seigneur Jésus, donnez-nous la grâce d'organiser nos maisons d'ado­ration; rendez-nous le goût de votre présence. Aidez-nous à fortifier nos maisons de noviciat et d'études, à bien préciser nos Règles, spécialement pour les visites aux familles.

Ces jours-ci ont lieu la station et les 40 heures à St-Jean-et-Paul, ce sont jours de grâces et de pardon pour moi.

St. Paul de la Croix ne craignit pas de renvoyer son propre frère An­toine, parce qu'il était tombé dans la tiédeur. - (Seigneur, donnez-moi toujours le même courage). - St. Paul en fut récompensé par plusieurs vocations nouvelles 84v.

Le saint exprimait ainsi sa grande confiance en la Providence: «Basta che siamo buoni e osservanti delle sante Regole, mai non ci mancherà niente secondo il nostro povero stato».

Pour le départ des sujets incorrigibles, il disait: «Mi preme più l'osser­vanza che quanti soggetti si possano avere. Iddio non ha bisogno d'uo­mini: pochi e buoni». - Sur la même question il dit avant de mourir aux supérieurs majeurs: «Tenete conto del frumento, e lontana la zizzania».

Voici un des derniers conseils de Jn Bte de St-Michel sur son lit de mort à son frère Paul de la Croix: «Andate adagio, gli replicava più vol­te, 85r andate adagio nell'accettare i soggetti; andate adagio nel farli ordinare, perché così facendo sarete pochi è vero, ma però sarete un drappello scelto a promuovere la gloria divina».

Il exprimait ainsi son amour pour l'obéissance: «Rinunciate ogni pro­prio intendere; e allora vi sarà dato gustare che sia servizio di Dio. Siate sitibondi, come il cervo e del fonte, che vi sia rotta la volontà, e offritela spesso in sacrificio al Signore: sposatevi alla santa ubbidienza, amatela in Gesù crocifisso, chè il sovrano Re degli ubbidienti».

Moyens qu'il indiquait pour obtenir l'union avec Dieu: 85v «1° Il primo e la cognizione del proprio nulla. A trovare il vero tutto che e Dio, fa duopo buttarsi nel nulla. Questa è la via più corta per essere rivestito di doni e grazie, e amare l'amato Bene, rimirare con occhio di fede il proprio nulla, e da tal vista atterriti fuggirsene nel segreto abisso della divinità. 2 ° Un altro principal mezzo è il purgarsi col fuoco dei patimen­ti, tenendosi nel Sacro petto di Gesù crocifisso, fornace vera del santo amore. 3° Se vengono distrazioni e divagamenti, non lasciare di prende­re il divino alimento della contemplazione, ma ravvivare la fede, e dare una occhiata pietosa all'amato Bene. Se l'anima a questo modo sarà 86r costante, non tarderà il Signore di assorbirla e trasformarla tutta in se stesso per soavissima forza di amore.

Era solito dire nelle difficili congiunture, e quando più raggio non ap­pariva di umana speranza: «A queste cose rimedia Maria». E Maria prontamente accorreva a sovvenirlo; ond'egli coll'invocazione di lei ogni cosa recava a buon fine, e i cuori più induriti ammolliva e riduceva a pe­nitenza… ».

Une de ses dernières paroles: «Ai superiori con gran calore inculcava che nella congregazione non tollerassero gl'inosservanti; e ne adduceva a ragione che costoro divengono come erbe nocive e danneggiano il buon frumento» 86v.

Le 18 je fis mes adieux à la basilique de St-Pierre. Je m'étais rattaché à Rome, il m'en coûtait de partir. J'exprimai bien ma reconnaissance à N.-S. pour toutes les grâces reçues dans ce séjour à Rome. Je priai de bon cœur les apôtres, les pontifes, et les saints Fondateurs pour obtenir leur concours dans l'œuvre de réforme et de relèvement que je devais accomplir à mon retour.

Je fis la route sans arrêt de Rome à Paris. Le 21 je célébrais la sainte messe à Montmartre. Je terminais mon voyage comme je l'avais com­mencé. J'avais quelques heures à passer à Paris, je fis quelques pèlerina­ges, à St-Pierre de Montmartre, à la chapelle du martyre de St-Denis, à St-Vincent de Paul, à St Joseph.

C'est mon ange gardien qui me conduisit 87r à cette petite chapelle des martyrs que je ne connaissais pas jusqu'à présent. Il n'y a là une grâ­ce spéciale pour la fondation et les prémisses des œuvres françaises. St Denis y a laissé cette grâce. Nos évêques, nos rois pendant de longs siè­cles y allaient consacrer à Dieu leur mission. Plusieurs saints fondateurs, St. Ignace et ses compagnons, M. de Bérulle, St. François de Sales, St. Vincent de Paul, le ven. Eudes, M. Olier, la Bse Marie de l'Incarna­tion, la ven. Catherine de Bar y sont allés chercher leurs lumières et leurs forces. Je bénis N.-S. de m'y avoir conduit.

L'église St-Vincent de Paul marque le réveil de la foi qui eut lieu sous la Restauration. 87v C'est une page d'art chrétien qui a ses imperfec­tions mais qui a aussi ses beautés. La France se reconnaissait après la Révolution et se retrouvait fière d'avoir produit Vincent de Paul, Bos­suet, Fénelon, Massillon et tant d'autres gloires chrétiennes et nationa­les. En unissant à l'église St-Vincent de Paul les noms des rues qui l'en­tourent on touche du doigt ce mouvement de foi et de vie chrétienne.

Le sanctuaire de St-Joseph (rue St-Maur) est aussi une grande œuvre de foi. C'est une des manifestations de cette dévotion toujours croissante à St. Joseph qui est un des caractères et des signes d'espérance de notre temps. On y prie bien. Les pieux fidèles s'y porteront de plus en plus 88r.

je suis accueilli avec de grandes démonstrations d'affection filiale, j'offre tout cela à N.-S. dont je suis le représentant dans nos maisons. C'est fête à St Jean le 22, à St-Clément le 25. Chez nos soeurs aussi on se réjouit. Mes relations de la ville viennent me saluer. Vivat Cor Jesu in corde nostro unice! Cependant la myrrhe ne manque pas dans ce bouquet. Je suis si confus, si humilié de recevoir toutes ces marques d'estime! je connais si bien mes faiblesses et mille circonstances me les rappellent! Miserere nostri, Domine!

Il faudrait bien diminuer toutes nos charges temporelles, cela pèse sur l'œuvre et l'entrave. Cependant St. Joseph ne nous oublie pas. Nous re­cevons ces jours-ci un 88v legs de 8.000 f. pour St-Jean (de Mme Le­grand), autant pour St-Clément, 50.000 f. pour St-Martin et 10.000 f. de Metz pour Clairefontaine. De plus des dons généreux de Mme Agombart permettent de libérer complètement de leurs dettes les œuvres du Patronage et des Frères.

Bonne fête de St. Joseph à Fourdrain. Quelques vêtures. Il y a là l'esprit de paix et de piété préparé par la formation de Fayet. - Nos fon­dations de Palestine se préparent. Nos soeurs ont pu envoyer à Béthanie 16.000 f. que St. Joseph leur a procurés. Nous avons envoyé 6.500 à Na­zareth. - N.-S. nous aidera aussi, pour la fondation de Rome que nous désirons tant et qui nous donnera une vie nouvelle 89r.

Je voudrais plus de foi pratique chez mes anciens élèves. Cependant ils me restent attachés, c'est un bon signe. Beaucoup me le manifestent ces jours-ci. Nous marions Léon C. - Plusieurs autres mariages se pré­parent. Ces familles là aideront au bien. - Un autre ancien est devenu veuf déjà ces jours-ci. Un autre n'a pas la paix dans son intérieur. - Pauvre terre d'exil!

Voyages - Visite à Oulchy. - Ce petit coin de la France est bien intéres­sant. De grands souvenirs chrétiens, des sites gracieux, des monuments nombreux qui attestent le grand développement de la civilisation chrétien­ne au moyen-âge, tout y est réuni. Il suffit de voir ce pays pour reconnaître qu'il avait du XIe au XVIIe 89v siècle une grande civilisation et une grande prospérité. Ses châteaux rappellent toute la vitalité de la chevalerie chrétienne. Ses jolies églises jusque dans les plus petits villages montrent la vivacité de la foi et la perfection de l'art chrétien à cette époque.

Les châteaux se succèdent sur ma route. C'est Pierrefonds avec son castel du XIVe siècle, gracieusement restauré, qui domine la région; c'est Villers Cotterets, avec son grand château de la Renaissance qui a toute la gracieuseté des œuvres du temps de François 1er et de Henri II avec tous les détails insensés d'une mythologie ressuscitée. Qu'avaient à faire là les Nymphes et les Satyres, Cupidon et Vénus, Jupiter, Mars, Mercure, Hercule et le lion de Némée, Apollon et Marsyas. Qu'avaient de commun tous ces personnages 90r avec le roi très chrétien de France? J'aimerais mieux y voir les Preux et les Preuses qu'on voyait au château de Coucy et de Pierrefonds avec les héros des légendes de Charlemagne et de Roland et les images du Sauveur, de la Vierge Marie et des Saints.

C'est ensuite le grand château inachevé de la Ferté-Milon dont la con­struction a été interrompue par la guerre des Armagnacs et des Bourgui­gnons.

C'est Armentières, avec son castel du XIVe siècle, spécimen élégant de l'époque féodale avec ses grandes fenêtres à meneaux, et ses flèches gracieuses sur les tours de l'entrée.

C'est enfin le vieux château ruiné de Château-Thierry, dont la fonda­tion remonte au VIIIe siècle.

Et quelle profusion de belles églises dans cette région! 90v.

Oulchy a pour nef une basilique du Xe siècle, dont la vue me rappelle diverses basiliques de Rome. Sur ses curieux chapiteaux une tête avec la couronne comtale et un bâillon aux dents représente sans doute quelque comte de Champagne excommunié.

Les églises de Cugny, Nanteuil, Armentières, Oulchy-la-ville ont aus­si des tours et d'autres parties des XIe et XIIe siècle.

Château-Thierry, Essomes, Neuilly-St-Front ont de belles et vastes églises des XIVe et XVe siècle. Dans ce petit rayon de la vieille France on ne peut donc pas faire un pas sans retrouver quelque monument de l'art national de toutes les époques, du Xe au XVIe siècle.

La peinture de l'Ecole française a aussi là quelques belles œuvres, no­tamment à Château-Thierry: 91r un Clouet représentant une petite reine, un Mignard représentant une famille de bienfaiteurs, à l'Hôtel­-Dieu; un Vivien, le baptême de N.-S., à l'église. A Neuilly-St-Front un grand tableau de Simon Vouet représente Louis XIII au Calvaire de­vant le Christ et les saintes femmes.

L'hôtel-Dieu de Château-Thierry est un petit musée moyen-âge. Il a de splendides devants d'autel brodés des XIVe, XVe et XVIIe siècle, des tuniques brodées, une chape très riche, des faïences, de beaux Christ en ivoire, des reliquaires.

Malgré le vandalisme de la Réforme et de la Révolution beaucoup de nos villes sont encore remplies de chefs-d'œuvre de l'art français.

Les jours suivants je visitai nos maisons de Clairefontaine et de Sit­tard. 91v On me fit un accueil de fête, à l'occasion de mon retour de Rome. A Clairefontaine, séance de chant et de déclamation; à Sittard, soirée dramatique. On joua «St. Louis en Egypte». Des deux côtés la marche des écoles est très consolante.

Fête de la Croix. N.-S. me ménage une épreuve. Mgr Duval me dé­clare qu'il n'ordonnera plus les sujets étrangers que sur un dimissoire de leurs évêques. Se serait la ruine de l'œuvre, car la plupart des évêques ne donnent pas de dimissoires, mais des Exeat aux jeunes gens qu'ils ne connaissent pas et qu'ils n'ont pas élevés.

J'ai passé une journée terrible sur cette crainte. Mgr a changé sa déci­sion le lendemain.

Fête de St-Léon. Souhaits 92r divers, excursion à Marteville et Vermand. La discipline est parfaite. Le bon esprit des élèves m'est une grande consolation.

Ordinations. - première messe du f. Angelus66). - Le même jour nous avons des ordinations à Lille, à Soissons et à Rome. C'est un ac­croissement de force et de grâce pour l'œuvre. Dieu en soit béni.

Retraites et premières communions à la Basilique et à St Jean. Je suis content de mes petits auditeurs à la Basilique. Tout le monde écoute avec attention. Si les fruits pouvaient être durables!

Visites obligées dans le monde, à Guise, à Marteville, à Origny. Quelques familles chrétiennes m'édifient. J'apprends d'ailleurs qu'il y a bien des misères 92v sous des apparences trompeuses.

Bonne nouvelle venue de Rome: la Congrégation des Rites nous ac­corde des Offices propres. C'est une marque de la confiance du St-Siège. C'est pour nous un grand encouragement.

Le 20 Mgr Duval s'arrête à Fourdrain. Sa bienveillance nous encou­rage, il nous accorde les expositions quotidiennes du St-Sacrement.

Le 21 c'est l'adoration perpétuelle à l'Institution. Les enfants me pa­raissent bien profiter de cette grande grâce.

Voyage dans la Meuse: Ire messe de l'abbé Trichot à Ville. Je passe par Paris où je fais mon pèlerinage à Montmartre. N.-S. est sur son tro­ne dans la Basilique. 93r C'est une grande source de grâces ouverte pour la France, puisse-t-elle en profiter. Bonne fête à Ville. Les campa­gnes de la Meuse sont encore excellentes. Les moeurs y sont simples et chrétiennes. Tout le monde y remplit ses devoirs. Les villes sont gâtées par le personnel administratif et la mauvaise presse. La Bourgade de Damvillers est déjà dans le mouvement, elle n'a plus guère d'hommes qui fréquentent l'église. Les églises ne sont pas artistiques. Celle de Damvillers a quelque valeur, elle est du XIVe siècle. Elle a un beau cali­ce gothique d'un grand prix, avec émaux du XIVe siècle.

Belle cérémonie pour les prix. 93v Mgr Baunard préside67). Nous sommes heureux de le posséder. Le discours m'a pris du temps que j'au­rais voulu employer à écrire plus directement pour l'œuvre. Fiat!

J'ai voulu célébrer la sainte messe le jour de St. Ignace au Martyrium de St. Denis, au petit sanctuaire où St. Ignace a fait ses premiers voeux avec ses compagnons.

Le 2 août je présidais la cérémonie des prix à Paillé. Il y a là de bons enfants, simples et purs, qui aspirent au sacerdoce.

Le 4 j'allais à Montlieu. Il y a là une pieuse communauté diocésaine qui a besoin de s'appuyer sur quelque chose de plus vivant et qui songe à s'unir à nos soeurs. Il y a aussi un petit séminaire grandiose, riche en souvenirs, en 94r livres, en collections. Quel dommage que les œuvres de ce genre soient un peu amoindries et paralysées par l'état actuel de l'Eglise de France!

J'étais heureux de visiter en revenant Saintes, Périgueux, Tulle et Clermont. J'aime à vénérer les premiers apôtres des Gaules, comme St­Eutrope à Saintes, St-Front à Périgueux, St-Austremoine à Clermont.

Je suivais dans ce voyage toutes les phases de l'art en France. Saintes et Périgueux ont leurs monuments romains: un arc de triomphe, un temple rond des arènes. - L'art byzantin est représenté par une de ses œuvres capitales, l'église St-Front de Périgueux, copie de St-Marc de Venise et type de l'église du S.-Cœur de Montmartre. 94v Saintes aussi a des œuvres byzantines: la crypte et deux chapelles de St-Eutrope et la tour de Notre-Dame.

Clermont a sa petite église si intéressante de N.-D. du port. L'art ogi­val français offre un de ses beaux spécimens dans la cathédrale de Cler­mont. La tour de la cathédrale de Tulle et sa flèche du XIV° siècle sont également remarquables.

Je visitai aussi à titre de récréation les villes d'eaux des environs de Clermont: la Bourboule, le Mont-Dore, Royat. Depuis les romains, les malades cherchent là la santé. Royat cependant doit son succès autant à la vanité qu'à la médecine.

A peine revenu, je dus partir pour Gravelines où l'on me 95r priait de reprendre le collège. La chose se serait faite si l'archevêché de Cam­brai nous l'avait facilitée. - Fiat voluntas Dei!

J'allai à Trêves en passant par Clairefontaine. Je fus bien ému de ma visite à la ste Robe. J'en revins tout embaumé de grâces. Le concours nombreux et pieux des pèlerins était bien édifiant, mais ce qui me touche le plus c'est la pensée que cette robe avait été le témoin de la vie de N.-S. et surtout de sa passion. N'est-ce pas pour notre amour et à cause de nos péchés que N.-S. a subi le dépouillement de ses vêtements?

J'allai à Marsanne pour les fêtes de la Nativité. Je fis en chemin de pieux pèlerinages 95v à Montmartre, à Ars, à Lalouvesc. Le sanctuai­re de Lalouvesc est dans un site imposant, sur un plateau élevé de 1.200 mètres en face du panorama du mont Ventoux. L'église neuve doit être de M. Bossang68), comme celles de Fourvières et d'Ars. C'est un style eclectique, mais noble et riche, où domine cependant la Renaissance. Lalouvesc est un pèlerinage bien vivant. Les fidèles y viennent en grand nombre et avec une foi profonde. Bien des pèlerins y font un séjour et une retraite.

Du 5 au 8 je prêchai un triduum à Marsanne. Le 8 nous possédions Nosseigneurs l'archevêque d'Avignon, l'évêque de Valence, l'évêque de Montpellier, l'évêque de Nîmes, l'évêque de Viviers69). Nous avions 96r aussi l'abbé mitré d'Aiguebelle, pieux et modeste prélat qui me rappelait St. Bernard.

Il vient à Marsanne beaucoup de vrais pèlerins. Les confessionnaux furent occupés une grande partie de la nuit et on distribue 2.000 com­munions. - Notre petite communauté aurait dû édifier ce jour-là da­vantage. - Mgr de Nîmes nous témoigna cependant une grande con­fiance en me proposant la direction de son petit séminaire.

Au retour je m'arrêtai pour dire la sainte messe à la cathédrale de Sens que je revis avec plaisir.

Jours de grâce. Retraite générale à Fourdrain. Nous étions une soixan­taine. L'impression fut grande. J'eus la grâce d'expliquer clairement 96v la vie de pur amour qu'exige notre vocation. Tout le monde sortit de la retraite plein d'entrain et de bonnes résolutions.

J'allai célébrer le mariage d'un ancien élève à Nogent l'artaud. J'en profitai pour visiter Meaux. Quelle gracieuse cathédrale! Quel domma­ge qu'elle ait été faite en pierre tendre! Elle est toute rongée par le temps. Heureusement le gouvernement la fait restaurer. Le choeur est du XIIIe siècle, la nef et le portail sont du XVe. J'ai vénéré le tombeau de Bossuet dans le choeur. Quel grand évêque, quoiqu'il n'ait pas reçu les honneurs de la canonisation. J'ai visité avec émotion le palais épisco­pal, l'appartement de Bossuet, son bureau, sa chapelle. 97r Il avait placé son cabinet de travail près de la chapelle. Combien il a travaillé et prié dans ce modeste palais!

La vallée de Marne est délicieuse. La rivière fait ses méandres entre des collines couvertes de bosquets et de vignes. Les villages se succèdent fréquents et gracieux, avec leurs églises antiques. Les parisiens cher­chent là de fraîches demeures pour l'été.

C'est la rentrée. Les enfants sont nombreux cette année, les petits sur­tout. J'ai la confiance que cette année sera bénie. Mon bon préfet de di­scipline, M. Mercier me manquera. Je me donnerai plus de peine et le bon ordre se maintiendra.

Semaines d'organisation et de mise 97v en train. Le collège a bon esprit, le personnel des diverses maisons s'installe. Ma sollicitude aug­mente avec le nombre des fondations. Je demande à N.-S. le don de con­seil et l'esprit d'abandon. Spiritu principali confirma me (Ps 50,14).

Les fêtes du pèlerinage sont fort belles. Mgr Duval vient voir nos enfants. Mgr Monnier de Cambrai et Mgr Goux de Versailles70) viennent faire une petite visite à St Jean. Ces témoignages de sympathie nous encouragent.

Le mariage de M.D., ancien élève, m'appelle à Clermont (Oise). C'est heureusement un mariage chrétien. Clermont a le gracieux aspect des vieilles villes de l'île de France. Elle a conservé quelques ruines de château et surtout une belle église 98r des XIIe et XIIIe siècle et une halle du XIVe. La maison de détention a des religieuses pour gardien­nes. Nos francs-maçons trouvent encore cela utile. La maison des fous a un aumônier dont le rôle est, je crois, assez effacé.

C'est la retraite des écoliers. Elle se fait bien. Que deviendront ces chers enfants? La vie de foi n'est guère conservée dans ce pays. Les moeurs sont bien amollies. La doctrine du sacrifice n'est plus comprise. - Je ne suis pas non plus pour eux un pasteur assez zélé. Pardonnez­-moi, ô mon Dieu, ce qui est défectueux par ma faute.

Bonne journée à Fourdrain. Je donne le saint habit à six jeunes novi­ces sortis de St-Clément71). 98v Que je voudrais donner au S.-Cœur beaucoup d'apôtres, d'amis, de consolateurs! Que notre œuvre est bel­le! Puissions-nous la bien comprendre et l'accomplir avec courage!

Fête annuelle à St. Clément. C'est le neuvième anniversaire de la fon­dation. St Joseph aime bien cette maison, le nouveau sanctuaire s'élève. Cependant ces enfants n'ont pas encore toute la ferveur que je voudrais.

Tous ces jours-ci nous apportent la nouvelle de nouveaux succès de nos candidats au baccalauréat. C'est une bénédiction pour le collège. Nous préparons une fondation à Rome. Des nouvelles favorables nous arrivent. La confrérie de 99r N.-D.-du-Suffrage consent à nous céder sa chapelle, qu'elle ne peut plus desservir faute de revenus. Il faut l'as­sentiment du St-Père, M. Harmel l'a obtenu. C'est une grande faveur.

Je vais à Sittard. Nos écoliers jouent le drame de St. Tharcisius pour la St-André. Cette école est bien fervente et me console. Il y a là beau­coup d'enfants qui donnent de grandes espérances pour l'avenir. - De là je vais visiter les orphelinats de Calais et d'Hardinghein. Il est que­stion que ces maisons s'unissent à nous. Ce serait le commencement de ces œuvres d'enfants pauvres que nous désirons depuis longtemps. Nous prierons pour que la volonté de N.-S. s'accomplisse. Je rencontre 99v dans ce voyage Mgr l'évêque de Liège72). Il se montre bienveillant comme toujours. C'est bien un homme de Dieu. Il revient de Paris. Il déplore comme nous les effets désastreux du concordat pour la direction de l'église de France. Il me raconte l'origine du bel orphelinat qu'il con­struit. Il a longtemps prié. La Providence a manifesté sa volonté par l'envoi de ressources inattendues. Il a vu Don Bosco qui lui a promis cet­te fondation et maintenant elle s'accomplit.

Jours d'épreuves. - Nous avons plusieurs malades. Puissent leurs souffrances nous obtenir les grâces dont nous avons besoin! Notre pau­vre petit frère Joseph73) se brûle dans un accident affreux à Fourdrain en allumant le feu avec du pétrole. Il meurt 100r pieusement. C'est une petite victime pour cette maison. Le f. W.74) fait une longue maladie à Sittard. Sa simplicité et son obéissance doivent être bien agréables à N.-S. - Le f. P.75) est bien souffrant à Rome. N.-S. nous montre que lui seul doit être notre espérance. Le P. M.76) est malade à Fayet. C'est une purification pour cette chère maison. - Par toutes ces réparations unies aux vôtres, pardonnez-nous Seigneur tout ce qui pèse à notre charge.

Ordinations. - C'est le 23e anniversaire de mon sacerdoce. Quel su­jet de méditation pour moi! Quelle responsabilité! Que de motifs de re­pentir et d'action de grâce! - Nous avons aujourd'hui plusieurs ordi­nands à Soissons et à 100v Luxembourg. La petite famille s'accroît. Puisse-t-elle donner enfin à N.-S. ce qu'il désire!

Départ pour Rome. - Les souhaits se sont faits à St Jean dans un vé­ritable esprit de famille. je purifie la maison par quelques renvois. - Une bonne visite à Montmartre en passant termine bien l'année.

101r

Après avoir traversé la Suisse sous un beau ciel bleu par une belle journée digne de l'été, je vais à travers la nuit des Alpes à l'Apennin. Je me réveille à Florence. C'était le 1er vendredi du mois. J'inaugure l'an­née par la ste-messe à la cathédrale d'Arezzo devant le St Sacrement ex­posé à l'autel de N.-D.-du-S.-Cœur. J'étais le soir de bonne heure à Ro­me pour la bénédiction du St Sacrement.

Nous prenons possession de notre petit scolasticat, 50 via Giulia, au jour octave de la fête de St. Jean 101v.

Je trouve à Rome un mélange d'angoisses et de joies pour l'œuvre. Mgr Sallua et le card. Monaco La Valetta77), avec beaucoup de politesses semblent garder un souvenir inquiétant des anciennes épreuves. Le card. Parocchi, le card, Ricci, Mgr Cassetta78) se montrent aimables et encourageants. Les angoisses purifient, je les accepte de bon cœur.

Nous signons aujourd'hui le contrat pour l'église de S(ant)a M(ari)a del Suffragio. Que la douce et aimable Vierge nous aide!

Il me semble que la moralité de Rome baisse d'année en année. Les églises se vident. Il n'est pas rare que le prêtre soit insulté dans la rue. 102r je vois de bons prêtres qui semblent trop attendre le relève­ment par un coup de la Providence ou par quelque homme extraordinai­re en France et en Italie. Je ne crois pas que cette vague espérance soit bonne à entretenir. Ce qu'il faut, c'est se dépenser, lutter, aller au peu­ple et faire comme si tout dépendait de nous. Alors seulement Dieu nous aidera et agira comme il sait le faire.

Jeudi 14 janvier. Audience de Léon XIII. Il y a 42 personnes: des Améri­cains, des Anglais, des Allemands, des Italiens, des Français. Nous jouissons de la vue du St-Père pendant vingt minutes. Il a quelques mots aimables pour chaque groupe. Il se souvient de tous nos évêques. En me parlant il passe par des 102v impressions diverses. Il est content d'apprendre que les fils de M. Harmel vont mieux. Il parle avec une compassion touchante des épreuves de cette famille. Il est triste de la mort de Mgr Thibaudier. Il paraît apprécier Mgr Duval: «Il est bon, n'est-ce pas, dit-il, il remplace bien Mgr Thibaudier». «Il est charmé de notre fondation à Rome».

Quels bons moments nous passons à ses pieds. - En parlant des élèves de nos collèges catholiques il a dit aussi avec fermeté: «il faut qu'ils prati­quent la religion non pas seulement au collège, mais après, mais après». C'est un jour de grâce.

Prise de possession de l'église du Suffrage, Nous devenons les gar­diens de cette chère madonne 103r «Consolatrice des Affligés», ima­ge miraculeuse qui a contribué à la conversion du Mexique où le p. Xi­menès l'avait portée et qui a voulu être honorée à cette chapelle, comme elle l'a demandé par révélation. Elle me donne foi et confiance. J'ai le bonheur de voir de près l'image miraculeuse et de l'embrasser. Elle nous aidera cette céleste Consolatrice dans nos difficultés présentes.

J'ai restreint mes pélerinages au plus essentiel: aux grandes basili­ques, à St. Ignace, à St. Louis de Gonzague, à St. Berchmans. Je fais peu de visites. Ma pensée est à St-Quentin.

Je revois Mgr Sallua. Il m'encourage et me donne confiance. Il m'en­gage à faire honorer en France la chère 103v Madonne Consolatrice.

Retour rapide. Messe à St-Vincent de Paul. Je ne trouve pas là l'esprit de foi, la charité chrétienne que N.-S. demande.

Je trouve au retour la maison déserte. On a licencié les élèves à cause de la grippe.

Henri Arrachart est mort. C'est une dure épreuve pour la famille79). N.-S. a ses desseins cachés. Cet enfant se serait sans doute perdu dans le monde.

Une lecture me frappe. C'est une notice sur la Mère Marie de Sales Chappuis80). Elle avait une mission extérieure: fonder les Oblats de St­François de Sales. N.-S. lui a montré ce qu'il a aussi laissé voir à d'au­tres mystiques contemporains. Il prépare de grandes grâces. Il 104r veut de nouveau sauver le monde. Il emploiera des moyens ex­traordinaires où toute la gloire lui reviendra. Ce sera une nouvelle appli­cation des effets de sa charité et des mérites de sa vie, de sa passion et de sa mort. - Il a promis à la Bonne Mère de poser une pierre, comme les Hébreux en posaient sur leur passage en souvenir des merveilles divines: la pierre, c'est l'œuvre sacerdotale. La ven. Mère a vécu, souffert et prié pour cette œuvre, pour laquelle aussi N.-S. lui a donné des lumières et des secours prodigieux.

A l'heure actuelle l'Esprit-Saint suscite partout des œuvres sacerdota­les. Il dirige vers ce but les pensées, les prières, les sacrifices d'un grand nombre d'âmes.

De même qu'il y eut au XVIIe siècle, 104v après les ruines du pro­testantisme une éclosion d'œuvres sacerdotales (l'Oratoire, St-Sulpice, les Lazaristes, les Eudistes). De même il y en a une autre aujourd'hui pour la restauration religieuse que N.-S. prépare.

Des âmes privilégiées inspirèrent aussi les fondateurs du XVIIe siècle. M. de Bérulle fut inspiré par la Bse Marie de l'Incarnation81) et M. Olier par la V. Mère Agnès82).

Puissions-nous répondre nous aussi aux desseins de N.-S. et à ses grâ­ces!

Fête de St. Polycarpe. Journée passée à Fourdrain. Il a là des grâces peu communes de paix, de charité, de pureté. Deo gratias! J'y voudrais plus d'organisation et peut-être plus de volonté unie au sentiment dans la vertu 105r.

Nous sommes heureux de dire pour la première fois les beaux offices de la Fuite en Egypte, de Jésus au Temple, de N.-D.-de-Lourdes. Ceux qui ont reçu avec foi et simplicité cette grâce du Propre qui nous est con­cédé en retirent un grand profit. Ceux qui jugent et critiquent sont ari­des et desséchés. J'ai l'occasion de le reconnaître. Comme ces disposi­tions de foi et de simplicité plaisent à N.-S.!

Voyage à La Capelle, à l'occasion des projets de mariage de Jean Lecot83). Il m'en coûte de donner au mariage des âmes que j'avais espéré donner à Dieu. Seigneur, si mes fautes ont contribué à la perte de ces grâces, pardonnez-le-moi! 105v.

Fourmies. Visite de famille. Je regrette de voir même chez des famil­les chrétiennes des dépenses exagérées pour satisfaire la vanité humaine. Nos familles bourgeoises dépensent aujourd'hui 20.000 f. Pour une cor­beille de mariage. Que d'œuvres puissantes d'apostolat on ferait avec quelques unes de ces corbeilles!

J'ai vu avec plaisir M. le curé de Fourmies, M. Margerin, dont le nom est devenu célèbre. C'est un homme de caractère et c'est un vrai curé. Il ne se confine pas dans son église. Il connaît tout son monde et s'en occupe. Ces simples mots disent tant de choses. Que je plains nos curés de grandes villes qui n'ont pas la facilité de connaître leur peuple et de s'y dévouer! 106x.

Je suis allé ces jours-ci, les 24 et 27 février, marier deux de mes an­ciens élèves à Beaurevoir et à Montbrahain. Ces deux jeunes gens sont restés pratiquants. Ils donneront le bon exemple. Ils respecteront le di­manche. L'Institution porte au moins quelques bons fruits.

Mgr Mathieu84) a eu le 24 une congestion. Il va mieux. C'est cepen­dant un avertissement. Je vois tous mes amis s'en aller un à un. J'en suis vivement impressionné. Bientôt ce sera mon tour. Quel compte redouta­ble j'aurai à rendre! J'en suis effrayé. Je voudrais pendant le temps qui me reste faire beaucoup pour l'amour du S.-Cœur de Jésus.

Le Val. Bénédiction du nouveau presbytère. Je suis édifié des com­munions nombreuses du matin et de l'assistance au salut. Le Bon Dieu verse bien 106v des grâces sur cette maison.

Un pauvre enfant échappé de Fayet s'en va mourir dans les marais de St-Simon: terrible punition d'une désobéissance! J'espère que son âme sera sauvée.

Anniversaires de ma naissance et de mon baptême. J'entre dans ma cinquantième année. Je redoute de plus en plus les jugements de Dieu. Je l'ai tant offensé! J'ai gaspillé tant de grâces! Où mettre mon espoir? Je recours à la miséricorde infinie du Cœur de Jésus, à la miséricorde immense de Marie et de St. Joseph. Personne n'a plus que moi abusé des grâces de Dieu. Comment soutiendrai-je les regards de mon juge, si je n'ai des avocats puissants?

Fête de St. Joseph. Visite à Fourdrain. 107r Ma confiance en St. Joseph grandit toujours. Ses rapports mystiques avec le patriarche Joseph me donnent une haute idée de son pouvoir. Il est dans l'Eglise ce que celui-là était dans l'Egypte, mais c'est presque la puissance royale! St. Joseph, moi aussi je suis dans la pauvreté comme les frères du patriarche et comme les égyptiens qui recouraient à lui. Je recours à vous. Donnez-­moi le pain spirituel et le pain matériel qui me sont nécessaires.

Fête délicieuse. Bénédiction de la chapelle de Fayet! Quel gracieux sanctuaire! St. Joseph a guidé les artistes et ouvriers qui l'ont fait. Il y règne une atmosphère de piété et de pureté. Cette journée nous laissera bien des grâces 107v.

Aujourd'hui c'est la croix. La journée d'hier m'y préparait. Le Tha­bor annonce toujours Gethsémani. J'ai des fils qui me font souffrir. Ce qui m'est le plus douloureux, c'est qu'ils font souffrir N.-S., c'est qu'ils scandalisent et qu'ils retardent l'œuvre. Seigneur, pardonnez-leur. Ils ne savent vraiment pas tout le mal qu'ils font.

Voyage. - Je visite Sittard et Clairefontaine. Des deux côtés l'esprit des enfants est excellent. Je vois en particulier les rhétoriciens, ils sont attachés à l'œuvre, ils formeront un petit groupe de novices intéressant et plein d'espérances. Au retour, je visite par occasion Maestricht et Aix-la-Chapelle. C'est un pèlerinage. C'est le trésor des reliques de ces deux villes qui m'intéresse surtout 108r.

Les villes qui étaient puissantes sous les rois de nos premières dyna­sties, comme Aix-la-Chapelle, Cologne, Trèves, Tongres, Maestricht, ont des trésors incomparables dans leurs églises. D'autres comme Sois­sons, Laon, Paris, St-Denis ont perdu ces richesses à la Révolution. - Déjà nos rois mérovingiens, comme Chilperic recevaient des empereurs d'Orient par leurs ambassadeurs des dons précieux: reliques, étoffes de soie, coffrets d'ivoire. Charlemagne reçut du calife Haroun al Raschid des présents innombrables. J'ai remarqué à Maestricht la belle châsse de St-Servais, en cuivre doré et émaillé du XIIe siècle, plusieurs ostensoirs d'argent et de vermeil des XIVe et XVe siècles; des coffrets orientaux, des cors de chasse et des cors à boire du XIVe siècle, le tout 108v transformé en reliquaires.

Mais ce qui surpasse en intérêt ces objets d'art, ce sont d'abord les re­liques précieuses de la vraie croix dont 35 morceaux sont réunis dans une croix patriarcale du XVe siècle et plusieurs fragments sont enchâssés dans des autels portatifs du temps des croisades. Ce sont aussi des che­veux de la Ste Vierge et de l'apôtre St. Jean dans un bel ostensoir du XIVe siècle; un bras de St. Thomas, envoyé par Godefroy de Bouillon; et enfin divers objets du IVe siècle trouvés dans le tombeau de St­-Gervais quand il a été ouvert en 726 par St. Hubert: la crosse du saint, bâton avec volute en ivoire et son vêtement pontifical, étoffe du temps avec des desseins représentant un sacrifice païen. Il faut citer encore l'autel 109r portatif de St. Servais en serpentine verte le sceau de St. Servais, petite pierre curieuse qui porte d'un côté un dragon à sept têtes et de l'autre une figure de N.-S. ou de St Jean avec une croix; le calice de St. Servais; dont la forme a été renouvelée; son bâton de pèlerinage, crosse grecque avec poignée en ivoire; sa coupe en verre brun où tous les malades de la fièvre venaient boire autrefois; enfin la clef dite de St. Pierre, clef monumentale que St. Servais rapporta de Rome en 376. Ces clefs contenaient un fragment de la chaîne de St. Pierre. Liège en con­serve une aussi rapportée par St. Hubert, elle est à l'église Ste Croix. Celle de St. Servais fut longtemps miraculeuse.

Le trésor d'Aix-la-Chapelle 109v n'est guère moins riche. Il a sur­tout de précieux souvenirs de Charlemagne et de belles reliques de la vraie croix.

J'ai visité aussi à Aix plusieurs bienfaitrices de notre maison de Sittard. J'ai trouvé dans ces familles une grande foi, une simplicité vraiment chré­tienne et un ardent amour de la Ste Eucharistie et du S.-Cœur.

Pour faire plaisir à mon jeune compagnon, je revois les grottes de Han, que j'ai vues pour la première fois il y a 35 ans. C'est bien une des curiosités naturelles du monde les plus remarquables. Vastes salles, échos surprenants, rivière et lac souterrains, blanches stalactites, effets de lumière, voûtes hardies et gouffres profonds, tout est réuni pour frap­per l'imagination. 110r je rends grâces au Créateur qui a semé ces merveilles en se jouant.

Fête de St-Léon. Réunion des anciens élèves: fête toujours bien cor­diale. Excursion à Guise, le 18. Visite au vieux donjon bâti par Claude de Lorraine, dont le fils François le grand duc de Guise, grand capitaine et grand chrétien, rendit Calais à la France et mourut martyr sous les murs d'Orléans, frappé par le poignard d'un protestant.

Nous visitons aussi à Guise le «familistère». C'est une institution fort en vue dans ce temps de rêves socialistes. 20.000 ouvriers vivent là. Il y règne une paix apparente et une certaine aisance. L'organisation maté­rielle a atteint là une assez grande perfection: logements assez salubres, magasins, écoles, asiles, 110v tout cela est commode et favorable à l'ouvrier. M. Godin 85) n'a oublié que le principal: la religion et la mora­le. Il ne les a pas connues lui-même. Il a vécu dans l'adultère. Il n'a pas su élever son fils; il a été sans cesse en procès avec les siens. Une enquête judiciaire faite, il y a peu d'années, a montré que l'infanticide était d'une pratique courante au familistère. Il y a là toutefois une corpora­tion remarquable et qui a de beaux côtés. Il y manque l'église et le prêtre avant tout, puis la soeur de charité et le Frère des écoles. Il y manque aussi le foyer de la famille qui demande l'isolement, le mystère, l'intimi­té si favorable à la prière et à la pureté des moeurs.

Visite à Fourdrain. Vêture d'un novice. Cette solitude commence 111r à s'organiser pour le matériel. St. Joseph, bénissez-la.

Je m'occupe du retour de M. Mercier86) qui a sûrement cédé à des considérations trop naturelles pour s'en aller à Voiron.

Mgr de Portoviejo 87) m'écrit une lettre encourageante. Il est très sa­tisfait de la marche des choses à Bahia. Il a confiance dans l'avenir de cette fondation.

C'est la 1re communion à l'Institution. Il y a quelques âmes d'enfants bien candides. Nous ne faisons pas assez pour la formation et la conser­vation de ces chers enfants. Nous ne sommes pas assez apôtres. Nous de­vrions avoir plus de zèle, plus de vigilance et surtout plus de mortifica­tion pour obtenir de meilleurs résultats 111v.

Ordination à Soissons, à Lille et à Rome. Ce sont de grandes grâces, quoique nos sujets soient préparés imparfaitement.

Ces jours-ci des épreuves nouvelles me viennent de Rome 88), des diffi­cultés pour notre nom et un réveil des vieilles histoires. (J'avais deman­dé au Saint-Office la permission de reprendre le nom d'Oblats. Le card. Monaco avait répondu à Mgr, sur un ton assez sévère, que les règles données en 1884 pour le nom et pour les relations avec les soeurs étaient maintenues)*. C'est presque une mort encore. O Marie, je recours à vous, votre intercession puissante peut seule nous sauver.

* En note: 111v - 112r.

1. Les idées contemporaines

3. Peines intérieures

5. Projets pour la Palestine

6. Ecrits spirituels

9. Les prix - M. Harmel

11. Epreuves

12. Retraite à Fourdrain

17. Départ pour Rome

18. Paray - Lyon

23. Avignon

24. La Sainte Baume

27. Fréjus

28. Plaisance

31. Rome

33. L'audience

34. Le Sacré-Cœur à Rome

38. Coutumes romaines

43. Le Card. Marmillod

43. Le Card. Simeoni

45. Le P. Monsabré

46. Mes professeurs d'autrefois

53. Les tristesses de Rome

59. Les catacombes et le Sacreé-Cœur

65. Un bouquet de fleurs au Sacré-Cœur

74. Pèlerinages italiens

82. Retraite à Rome

86. Retour et bon accueil

91. Une croix

93. Les prix - Mgr Baunard

93. Visites aux maisons

96. Retraite à Fourdrain

99. Jours d'épreuves

100. Départ pour Rome

101. Scolasticat - Via Giulia

102. Audience - N.-D. du Suffrage

103. Retour - Œuvres sacerdota­les

107. Chapelle de Fayet

112. Epreuves de Rome

Pèlerinages à faire

Monte Argentaro (par Orbetello)

Saint Paul de la Croix

Monte Senario

Les sept fondateurs des Servites


1)
Drumont (Edouard-Adolphe), journaliste. Né à Paris en 1844. Mécréant, il se con­vertit encore jeune sous l’influence de H. Lasserre. Il fut très frappé par la virulen­ce de la campagne antireligieuse au début de la troisième République. Il crut en décou­vrir une des causes principales dans l’influence secrète et dissolvante des juifs et il en présenta les preuves dans un ouvrage à succès, publié en 1886 et qui se vendit comme des petits pains. (200.000 exemplaires): La France Juive que le P. Dehon a lu lui aussi et qu’il recommande comme une œuvre à consulter dans le Manuel social chrétien (cf. OS 11, 86, La dernière bataille de Drumont est de 1890. En 1892 il fonda le quotidien: La libre parole qui eut un grand succès populaire. Drumont mourut en 1917.
2)
Le seul des premiers Pères qui porta le nom de François est le P. Lamour, qui en 1890 était conseiller général. Le P. François-Xavier-Philippe Lamour, né à Landrecies (Nord) le 29.8.1843, entré dans la congrégation le 21.11.1879, était déjà prêtre depuis 1868. Il émit les voeux le 7.1.1881. Il fut supérieur local de Sittard et maître des novices de 1883 à 1886. Il émit les voeux perpétuels 17.9.1886. Conseiller général de 1886 à 1896. Il mourut à Quévy (Belgique) le 3.5.1921).
3)
«A Soissons», dit-on en note.
4)
Suivent quelques paroles que le P. Dehon a biffées. On peut les déchiffrer presque toutes: «L’enfant est aimable et doux. Le petit Jésus devrait être à peu près arrivé». Ce sont des phrases qui rappellent une lettre de la «chère Mère» (cf. lettre du 2.10.1889: AD, B. 68/6).
5)
Mignot (Eudoxe-Irénée-Edouard), archevêque d’Albi. Né à Brancourt-le-Grand (Aisne) le 20.9.1842, ordonné prêtre à Arras en 1865, professeur au petit séminaire de Liesse en 1865, devient chapelain de la basilique de Saint-Quentin en 1868 et est collègue de Léon Dehon. Il est nommé curé de Beaurevoir en 1872, ensuite chapelain de l’hôpital de Laon en 1875, curé-doyen de Coucy-le-Château en 1878 et en 1883 de La Fère. Vicaire Général de Soissons et archidiacre de Laon en 1887. Il est nommé évêque de Fréjus le 3.6.1890. Il est sacré en la cathédrale de Soissons le 31.8.1890. Chevalier de la Légion d’honneur en 1898 et promu archevêque d’Albi le 7.12.1899. Il y meurt le 18.3.1918. Il eut un comportement ambigu envers le P. Dehon auquel il était personnellement contraire.
6)
Cf. note 105, p. 525.
7)
Cf. NHV XV, 26. L’ordination eut lieu au petit séminaire de Noyon par les mains de Mgr Joseph­Maxence Péronne, évêque de Beauvais (1884-1892). Frédéric Balmas avait fait ses étu­des «d’humanité» au collège Saint Jean (cf. NHV XV, 26). Il fut ensuite étudiant à Saint-Sulpice (cf. SRSL (1890), 430).
8)
Martin (Tharcise-Louis), dehonien. Né à Dôle (Jura Français) le 4.9.1865, entré dans la congrégation le 1.7.1890, mourut à Dôle le 24.10.1892. Oberghell (Agapit-Joseph). Né à Durrheim le 19.2.1873, entré dans la congrégation le 19.1.1889, novice le 4.8.1890, sorti en mai 1891.
9)
A l’occasion de cette fête, il fit un beau discours, félicitant les membres du cercle de leur travail et de leur foi (cf. SRSL (1890), 650-652).
10)
Cf. note 84, p. 507.
11)
Pagis (Jean-Pierre: 1835-1902), évêque de Verdun: 1887-1901.
12)
Barth (Luc Joseph), dehonien. Né à Walk (Alsace) le 6.10.1871, entré dans la con­grégation le 28.8.1890, profès le 14.9.1893, ordonné prêtre à Paris 22.9.1900, mission­naire au Congo Belge (Zaïre) de 1904 à 1907. Meurt à Banalia le 22.8.1907. Gerspacher (Pierre Claver-Antoine), dehonien. Né à Todtnauberg (Forêt-Noire, Allema­gne) le 8.4.1871; entré dans la congrégation le 29.8.1890, profès le 29.6.1892, mission­naire en Equateur de 1892 à 1894 où il meurt à Ambato le 18.2.1894. Ramade (Dominic-Marius), né à Clermont-Ferrand le 11.9.1869, entré dans la congré­gation le 12.10.1890, profès le 24.9.1892, prêtre en juillet 1895. Nous ne savons pas quand il a quitté la congrégation. Gosset (Ambroise-Désiré), né à Lille, le 19.11.1873, entré dans la congrégation le 29.8.1890, profès le 24.5.1892, sorti le 1.8.1893. Maréchal (François d’Assise-Joseph), né à Buironfosse le 14.1.1874, entré dans la con­grégation le 29.8.1890, profès le 24.9.1892; quitta la congrégation après septembre 1897.
13)
Groult (Jean-Eudes-Gustave), né à Val de la Haye (Seine inf.) le 16.2.1853, entré dans la congrégation le 21.11.1881, prêtre en septembre 1883, profès le 27.6.1884; quitta la congrégation le 17.11.1890.
14)
Il semble que c’est Cottard (Timothée-Joseph), né à Sains-Richaumont, le 16.8.1871, entré dans la congrégation le 9.9.1883. Suivant le Registre du P. Dehon il quitta la congrégation en juillet 1891.
15)
Les membres de la congrégation mariale du collège Saint Jean (cf. NHV XIII, 24.28-29).
16)
C’est peut-être le P. Barthélemy Dessons (Marie-Edmond), cf. NQ IV, note 95.
17)
Cf. Ch. Mercier note 65, p. 517. L’annotation sur les intentions de Mgr Duval est écrite en travers dans la marge gauche de la p. 17v.
18)
Le baron de Sarachaga, le comte d’Alcantara et le baron de Maricourt soute­naient l’œuvre des «Fastes eucharistiques» de Paray, œuvre qui se proposait la diffu­sion en France de la dévotion au Cœur de Jésus et du Règne social du Christ.
19)
Le nom exact est Bossan (Pierre-Marie), architecte. Fils du sculpteur ornemaniste Etienne Bossan, il naquit à Lyon le 23 juill. 1814, entra en 1828 à l’Ecole des beaux-­arts de la ville, puis alla à Paris, où il travailla avec Labrouste. Il revint à Lyon lors de la mort de son père, et, après un voyage en Italie et en Sicile, se fixa dans sa ville natale. Le cardinal de Bonald le prit pour architecte, et, à partir de ce moment, il se consacra entièrement à l’art sacré. S’inspirant à la fois des églises romanes, de l’art byzantin et des monuments religieux de Sicile, il parvint à créer un style nouveau et personnel. Sa grande œuvre a été la basilique de Fourvière, à Lyon (1872). La santé débile de Bossan l’obligea à résider d’abord à Valence, puis à La Ciotat; c’est là qu’il mourut le 23 juill. 1888 (CHAD).
20)
Cotton (Charles-Pierre-François: 1825-1905), évêque de Valence: 1875-1905.
21)
Colomb (Christophe. 1451-1506) célébré comme le plus grand navigateur de tous les temps, fut aussi un grand apôtre et l’auréole du martyr ne lui manqua pas. Avec le nombre des années, après le premier voyage (1493), il se plongea d’autant plus en Dieu, qu’il était persécuté, décrié, méconnu dans ses mérites par les hommes. Dans l’Eglise est discutée de façon répétée sa possible élévation sur les autels; l’empêchement principal en est la relation illégitime qu’il eut après la mort de sa femme, pendant la pé­riode la plus critique de sa vie, avec Béatrice Enriques de Harana dont il eut un fils, Fernand. On ignore pourquoi une union régulière fut impossible.
22)
Scalabrini (Giovanni Battista: 1839-1905), fut pendant trente ans évêque de Piacen­za (1875-1905). Il fonda la congrégation des missionnaires de S.-Charles pour l’as­sistance religieuse et morale aux émigrants, pour les aider matériellement et sociale­ment, les soustrayant à des spéculations honteuses (Società S. Raffaele) et leur trouvant des emplois. Son procès de béatification est introduit.
23)
Batoni (Pompeo Girolamo); peintre. Né à Lucques en 1708 et mort à Rome en 1787. Dans son art, il est plus près du rococo que du néoclassicisme.
24)
Cf. «Rome et ses fêtes»: NHV V, 11-34.
25)
Cf. note 85, p. 507.
26)
Simeoni (Giovanni), cardinal. Né en 1816, archevêque titulaire de Chalcédoine en 1857 avec Pie IX, nonce en Espagne, il fut créé cardinal en 1875. Après la mort du card. Antonelli, il devient Secrétaire d’Etat en 1876. Léon XIII le confirma préfet des Palais apostoliques et administrateur des biens du Saint-Siège. Il fut préfet de la Propa­ganda Fide jusqu’à sa mort: 1892.
27)
Jacobini (Domenico), cardinal. Né à Rome en 1837, ordonné prêtre il fut un ar­dent promoteur de l’Action Catholique et de l’apostolat des laïcs. Etudiant les questions sociales il s’intéressa beaucoup à la classe ouvrière. En 1881, Léon XIII le nomma ar­chevêque de Tyr et secrétaire de la Propaganda Fide. Comme tel il a rencontré le P. Dehon. En 1891 il fut envoyé comme nonce apostolique au Portugal. Créé cardinal en 1896, vicaire de Rome en 1899, il meurt en 1906.
28)
Le Doré (Ange), eudiste. Né en 1834, entra chez les Eudistes en 1854, prêtre en 1858, il fut nommé maître des novices en 1861 et élu supérieur général en 1870, charge qu’il gar­da jusqu’à sa mort. Il fut un grand prédicateur, spécialement pour les prêtres. Il oeuvra pour la béatification de Jean Eudes et favorisa la diffusion du culte liturgique du Cœur du Christ, symbole et expression parfaite de son amour. Jean Eudes fut béatifié le 25.4.1909. Sous le généralat de Le Doré, les Eudistes passèrent, en 50 ans, de 85 à 270, engagés dans l’enseignement en France et dans la formation du clergé en Amérique latine. Il s’opposa vi­goureusement aux lois sur les associations (congrégations) de 1879 et dans la suite. Il lutta désespérément contre le combisme en 1902 et 1906. Il fut toujours défenseur de la monar­chie, mais surtout prêtre et missionnaire ardent, jusqu’à sa mort (1919).
29)
Jandel (Vincent-Alexandre), dominicain. Né en 1810 et mort à Rome en 1872. En 1850 il fut nommé directement par Pie IX vicaire général des Dominicains et en 1855. Maître général de l’ordre. Homme de grande vie intérieure il travailla à restabiliser l’ordre, qui s’éparpillait et menaçait de s’éteindre, et il le laissa, à sa mort, en pleine vi­talité.
30)
Monsabré (Jacques-Marie-Louis), dominicain. Né à Blois en 1827, entra dans l’or­dre dominicain et fut un célèbre prédicateur après 1857, spécialement à Notre-Dame de Paris. Il se révéla profond connaisseur de la S. Ecriture, des Pères, de la théologie, de l’histoire et des sciences profanes. Son art oratoire est moins brillant que celui de La­cordaire, mais plus substantiel et plus persuasif.
31)
Frémont (Georges), abbé. Né en 1852 à Poitiers, ordonné prêtre en 1876. Cet hom­me aux idées très modernes, qui s’est passionné pour toutes les batailles de son temps, a été un prédicateur d’une éloquence exceptionnelle. On pensa à lui comme successeur de Monsabré à Notre-Dame. Dans ce but, il vint à Rome pour compléter ses études théologiques et retourna en France avec le titre de docteur. Mais ses idées républicaines effrayèrent et on lui préféra Mgr d’Hulst. Il appuya le Sillon. Meneur de foules, apôtre assoiffé de conquêtes, il exerça une grande influence par la parole, la plume, la direc­tion. Il était enclin à forcer son talent outre mesure. Il mourut prématurément le 31.7.1912.
32)
Hulst (Maurice Le Sage d’Hauteroche d’), cf. note 91, p. 508.
33)
Pour les professeurs du cours de philosophie du P. Dehon à Rome, cf. NHV IV, 140-143. Pour les professeurs de théologie, cf. NHV V, 41-65.116-127. En particulier pour le P. Ferrari cf. NHV IV, 140.143. Pour le P. Foglini, cf. NHV IV, 140.143.
34)
Perrone (Giovanni), jésuite: 1794-1876. Licencié de l’université de Turin, entra dans la Compagnie de Jésus à peine rétablie par Pie VII en 1815. Il fut professeur de théologie dogmatique à Orvieto (1817-1824), ensuite au collège romain jusqu’à sa mort, avec deux interruptions de trois ans. Sa réputation est liée à ses écrits théologiques qui fi­rent de lui un des plus valables restaurateurs des études ecclésiastiques au 19° siècle. La clarté, la méthode, la concision et surtout l’ample connaissance des sources patristiques et de la théologie positive le firent apprécier par les étudiants du temps. Ses «Praelectiones theologicae dogmaticae» (9 vol. Rome 1835-1842) connurent jusqu’en 1888 34 éditions et leur «Compendium»… 47 éditions jusqu’en 1892 (cf. NHV V, 53-57).
35)
Secchi (Angelo), jésuite: 1818-1878. Entré en 1833 dans la Compagnie de Jésus et, en 1835, au collège romain comme professeur de mathématiques et de physique, en 1843 lui est confiée la direction de l’observatoire astronomique du collège romain. Il construisit un nouvel observatoire astronomique sur les solides piliers de la coupole en construction de l’église St-Agnace à Rome qui demeura ainsi sans coupole. Secchi est un des fondateurs de l’astrophysique, de la spectroscopie. Il atteignit une renommée mondiale, si bien que, à la conquête de Rome (1870), on le laissa tranquille dans son observatoire avec ses collaborateurs, parmi eux le P. Gaspare Stanislao Ferrari, profes­seur de L. Dehon.
36)
Palmieri (Domenico), jésuite. Né à Piacenza en 1829, meurt à Rome en 1909. Il fut professeur au collège romain de 1863 à 1870. Il a écrit de nombreux ouvrages, remar­quables par la profondeur de la doctrine et la clarté de l’exposé, non seulement de phi­losophie mais encore de théologie dogmatique, morale et d’écriture sainte. Il est aussi l’auteur d’un commentaire philosophico-théologique de la Divine Comédie, en trois volumes (cf. NHV IV, 140).
37)
Tedeschini (Pietro), jésuite. Né à Orvieto en 1827, entra dans la Compagnie de Jésus en 1841. Il était professeur de logique et de métaphysique au collège romain pen­dant les années d’étude de L. Dehon. Il mourut à Castel Gandolfo en 1876. C’est un professeur qui a laissé «les meilleurs souvenirs» à L. Dehon. «Il était savant et mo­deste… s’intéressait à nos difficultés, dirigeait notre travail» (NHV IV, 140-141). Tongiorgi (Salvatore), jésuite. Né a Rome en 1820, fut professeur de philosophie au col­lège romain de 1853 jusqu’à sa mort, survenue en 1863.
38)
Carretti (Alessandro), jésuite. Né à Rome en 1822, entra dans la Compagnie de Jésus en 1840. Fut professeur au collège romain de 1860 à 1879. Pendant les années d’études du P. Dehon il fut professeur d’éthique (cf. NHV IV, 142-143).
39)
Pour le P. Cardella, jésuite, cf. NHV V, 42.53.57.91.
40)
Franzelin (Giovanni Battista), jésuite. C’est un des plus grands théologiens du 19e siècle. Né à Aldino (Aldein), Bolzano en 1816; il entra dans la Compagnie de Jésus en 1850. Il fut nommé au collège romain comme adjoint du P. Perrone. Il enseigna les langues orientales. Il possédait parfaitement, en même temps le grec et le latin, l’alle­mand, l’italien, l’anglais, le français et le polonais. De 1857 à 1876, il occupa la chaire de dogmatique. Il fut théologien du pape à Vatican I. Pie IX le créa cardinal en 1876. Il mourut à Rome en 1886. Le P. Dehon écrit: «Nous le vénérions non seulement comme un savant mais comme un saint» (cf. NHV V, 54-56).
41)
Ballerini (Antonio), jésuite. Fut un des plus grands moralistes du 19e siècle. Né à Medicina (Bologna) en 1805, il passa pour ainsi dire toute sa vie au collège romain, d’abord comme professeur d’histoire ecclésiastique, puis, de 1856 à la mort, comme professeur de théologie morale. Il publia en 1866 le «Compendium theologiae moralis» de Gury, enrichi de ses notes précieuses. Il mourut à Rome en 1881 (cf. NHV V, 59-65). Gury (Jean-Pierre), jésuite: 1801-1866. Grand moraliste français, formé à Rome sui­vant la doctrine de S. Alphonse de Liguori. Son «Compendium theologiae moralis» fut publié à Lyon en deux volumes, 1850.
42)
Patrizi (Francesco Saverio), jésuite. Né à Rome en 1797, entra dans la Compagnie de Jésus. Fut professeur d’hébreu et d’Ecriture Sainte. Exégète célèbre. Mourut à Ro­me en 1881.
43)
Tarquini (Camillo), jésuite. Né à Marta en 1810. Entra dans la Compagnie de Jésus et fut professeur, pendant environ vingt ans, de droit canonique au collège romain. Pie IX, en 1876, le créa cardinal. Il était aussi archéologue. Il s’occupa de l’étrusque et en écrivit une grammaire et un dictionnaire tirés de plus de 200 inscriptions traduites par lui et commentées.
44)
Sanguinetti (Sebastiano), jésuite. Né à Gênes en 1823, entra dans la Compagnie de Jésus en 1847. L. Dehon le connut comme professeur d’histoire ecclésiastique au collè­ge romain, ensuite il devint professeur de droit canonique. Il fut théologien pontifical au Concile Vatican I. Il mourut à Rome en 1893.
45)
Pour le chan. de Angelis cf. NHV V, 120; VI, 113.
46)
Pour le chan. de Sanctis, cf. NHV VI, 113.
47)
Cf. NHV VI, 108-110.
48)
Oratoriens ou Prêtres de l’Oratoire se groupèrent autour de Philippe Neri et reçu­rent de lui les premières règles en 1565. Ce sont de simples prêtres, sans voeux, de vie commune, unis par le seul lien de la charité, sous l’obédience d’un supérieur élu par eux. En 1575, Grégoire XIII céda aux Prêtres de l’Oratoire l’Eglise de S. Maria in Vallicella.
49)
«Di quella Roma onde Cristo è romano» (Purg. XXXII, 102). Dante parle du Paradis, la Rome céleste.
50)
Selon les historiens modernes, le nombre des martyrs des persécutions romaines jusqu’au début du IVe siècle ne se peut, certes, évaluer en millions de personnes. Le nombre global des chrétiens était relativement réduit. Aucun écrivain de l’antiquité ne fournit des chiffres si élevés. D’autre part on ne peut les réduire à quelques milliers. L. Hertling écrit: «Nous devons admettre un nombre de six chiffres» (Histoire de l’Eglise, p. 110). Préciser ce nombre est impossible.
51)
C’est une strophe de l’hymne des Laudes des Saints Innocents, martyrs: «Salve­te flores martyrum, – quos lucis ipso in limine – Christi insecutor sustulit – ceu tur­bo nascentes rosas».
52)
Quant aux martyrs, le P. Dehon n’avait cure de la critique historique. Il se ser­vit des données des diverses «passiones», souvent légendaires. Souvenons-nous par exemple de ce que la Congrégation des rites a supprimé au Calendrier liturgique le nom de Ste-Philomène. Pour expliquer le culte de la Sainte, largement répandu et ap­prouvé par l’autorité ecclésiastique, outre le fait des miracles, gardons à l’esprit l’expli­cation du savant bollandiste H. Delehaye: «Il faut se souvenir que la confiance dans l’intercession des saints n’est qu’une forme de la confiance en Dieu. L’on conçoit que Dieu exauce des prières qui, l’intermédiaire faisant défaut, vont directement à Lui» (BS V, col 799).
53)
Grisar (Hartmann), jésuite. Né à Coblence en 1845, mourut à Innsbruck en 1942. Ordonné prêtre, il entra dans la Compagnie de Jésus, à Rome, en 1868. Transféré en Autriche en 1870, il est appelé à la chaire d’histoire ecclésiastique de la faculté de théo­logie d’Innsbruck. C’est un grand historien et archéologue des premiers siècles de l’Eglise.
54)
Pothier (Joseph). Bénédictin de la congrégation de Solesmes, né en 1835 et mort en 1923. Dom Guéranger lui confia l’enseignement de la théologie et le nomma adjoint de Dom Jeaussions pour la compilation d’un texte de chant choral communautaire plus conforme à l’antique tradition, pour établir les règles d’une bonne exécution du chant grégorien, alors en pleine décadence. Dispensé de l’enseignement en 1860, il a pu s’adonner entièrement à la double entreprise pleine d’obstacles. La collaboration des deux moines donna des résultats importants pour la réforme du chant grégorien.
55)
Parocchi (Lucido Maria), cardinal. Né à Mantoue en 1833, prêtre en 1856, profes­seur de morale, d’histoire ecclésiastique et de droit canonique, fondateur de la revue «La scuola cattolica», fut élu évêque de Pavie par Pie IX en 1871 et, en 1877, créé car­dinal et archevêque de Bologne. En 1882, Léon XIII l’appela à Rome et, deux ans plus tard, le nomma vicaire général pour la ville et le territoire annexe. En 1899, il abandon­na la charge de vicaire de Rome pour l’office de vice-chancelier de la Ste-Eglise Romai­ne. Il a publié de nombreux ouvrages. Il mourut à Rome le 15.1.1903.
56)
Bucceroni (Gennaro), jésuite. Né à Naples en 1841, entra dans la Compagnie de Jésus en 1856. En 1884, il fut appelé à Rome comme professeur de théologie morale à l’Université Grégorienne pendant 33 ans, de 1885 à 1918. Il avait un enthousiasme ex­traordinairement communicatif. Il fut consulteur de divers dicastères ecclésiastiques. Son intervention fut déterminante pour l’approbation définitive de la congrégation du P. Dehon en 1906 (cf. VP 787-788).
57)
Mazzella (Camillo), jésuite. Né en 1833, prêtre en 1855, entra dans la Compagnie de Jésus en 1857. Après avoir enseigné, à Lyon et aux Etats Unis, la théologie dogmati­que et morale, Léon XIII l’appela à enseigner la théologie à l’Université Grégorienne pour contribuer à la renaissance de la Scolastique. Créé cardinal en 1886, fut sacré évê­que de Palestrina en 1897. Il travailla, infatigable, pour les congrégations romaines et fut préfet de la congrégation des Etudes et des Rites. Théologien clair et fécond, favori­sa la diffusion de la Scolastique.
58)
Billot (Louis), cardinal. Né en 1846 ordonné prêtre en 1869, entra dans la Com­pagnie de Jésus. En 1885, il devint professeur de théologie dogmatique à l’Université Grégorienne, jusqu’en 1911, année où il fut créé cardinal. Il renonça à la dignité cardi­nalice lors de la question de l’ «Action Française». Il se retira au noviciat de Galloro (1927) où il mourut en 1930. Si dans le domaine historique patristique il demeura infé­rieur au cardinal Franzelin (professeur de L. Dehon), dans le domaine de la spéculation théologique, il est un des meilleurs maîtres par sa géniale profondeur, par son long pro­fessorat et par l’ensemble de ses nombreuses publications.
59)
Cimitile a été, à l’origine, le «coemeterium» où les Nolains déposèrent leur pre­mier évêque, S. Félix et d’autres dépouilles de martyrs. Au temps du P. Dehon, c’était une région agricole, développée autour d’un complexe de monuments paléo-chrétiens et médiévaux parmi les plus insignes de Campanie.
60)
Bovio (Giovanni), penseur et homme politique. Né à Trani en 1837 et mort à Na­ples en 1903. Spécialiste en philosophie et en droit; c’est une figure typique du «libre penseur», avec un certain air pontifiant du temps du positivisme italien. L’empreinte anticléricale et athée est plutôt superficielle, contredite par sa vie honnête et modeste. Giordano Bruno (1548-1600) et Tommaso Campanella (1568-1639), philosophes célèbres et lettrés de la Renaissance italienne, de l’ordre dominicain, condamnés pour leurs idées plus ou moins hétérodoxes.
61)
«Apodycterium» ou vestiaire.
62)
«Anno 57» et «(S. Pt. an. 44)» sont joints au bas de la page. Retenons seulement que, pendant l’automne de l’an 60, Paul partit sous escorte pour Rome et, après le naufrage et le séjour à Malte, pendant trois mois, il entra à Ro­me au printemps 61; voilà pourquoi le passage à Pozzuoli (At 28,13) se situe en 61. Quant à S. Pierre, l’année de son arrivée à Rome est incertaine.
63)
De Matteis (Paolo), 1662-1722. Peintre napolitain, disciple de L. Giordano, a lais­sé plusieurs de ses œuvres au Mont-Cassin. Le Sueur (Eustache) 1617-1655). Peintre français, élève de Simon Vouet; célèbre pour les 22 tableaux qui racontent la vie de S. Bruno, qui se trouvent aujourd’hui au Louvre – et pour d’autres peintures religieuses.
64)
Marie de S. -Ignace, soeur servante du Cœur de Jésus, appelée Sr. Ignace ou Mère Ignace, dans le siècle Jeanne Wernert. Naquit le 24.6.1847 au Wurtemberg, entra chez les Servantes du Cœur de Jésus en Alsace, le 2.2.1871, vint en France, à Molain, avec d’autres soeurs, à Noël 1872 (cf. NHV XIII, 71). Au 2.7.1873 les Servantes s’établi­rent à Saint-Quentin (cf. NHV X, 19-24). Le P. Dehon devint leur confesseur et direc­teur spirituel. Le 2.2.1878 Sr. Marie de S. Ignace commença à avoir des lumières d’oraison particulières sur l’œuvre des Oblats du P. Dehon, fondée en 1877. Elle mou­rut le 24.4.1935 à 87 ans d’âge.
65)
Captier (Thaddée), cf. NQ III, note 59.
66)
Déal (Ange Joseph), dehonien. Né à Cuinzier (Loire) le 28.3.1867, entré dans la con­grégation au 23.10.1882, profès à Sittard le 6.4.1885, ordonné prêtre à Soissons le 23.5.1891. Missionnaire en l’Equateur (1892-1896), de là au Brésil (1901-1907). Il fut su­périeur régional au Brésil du Nord de 1901 à 1906. Il est mort à Vàrzea (Brésil) le 1.2.1907.
67)
Mgr Baunard était recteur de l’Université catholique de Lille. Le P. Dehon choisit comme sujet de son discours «l’Education du caractère» (cf. SRSL (1891), 511-512). Ce numéro de la «Semaine Religieuse» rapporte le jugement d’un éminent prélat sur les discours du P. Dehon: «Ces discours dénotent une véritable érudition, une connais­sance sérieuse des travaux contemporains sur toute chose; un souffle puissant de patrio­tisme les anime et ils sont bien propres à incliner les âmes vers la vérité, la justice, l’amour du devoir, l’honneur, parce qu’ils respirent abondamment l’amour de Dieu et l’amour de la patrie» (Ibid. p. 511).
68)
Cf. note 19, p. 527.
69)
Vigne (Louis Joseph: 1826-1895), archevêque d’Avignon: 1885-1895. Cotton (Charles-Pierre-François: 1825-1905), évêque de Valence: 1875-1905. Rovérié de Cabrières (Anatole-François-Marie de. 1830-1921), évêque de Montpellier: 1874-1921. Cardinal: 27.11.1911. Gilly (Jean-Louis: 1833-1896), évêque de Nimes: 1889-1896. Bonnet (Joseph-Michel: 1835-1923), évêque de Viviers: 1876-1923.
70)
Pour se faire une idée du caractère grandiose de ces pèlerinages à la tombe de Saint Quentin il suffit de lire le reportage dans la «Semaine Religieuse» (cf. SRSL (1881), 704-705, 718-721). En 1891 étaient présents cinq évêques outre le cardinal ar­chevêque de Paris, Richard.
71)
Les six novices sont: Saintin-Henri Pegnet; Pierre de l’Im.-Conc.-Antoine Oster; Berchmans-Jules Henz; Lazare-Joseph Gaillard; François de Borgia-Laurent Héberlé; Bernard-Henri Noiret. De ces novices deux ont persévéré: Gaillard (Lazare­Joseph), né à Matour (Saône et Loire) le 30.5.1875, entré dans la congrégation le 26.9.1891, profes à Fourdrain, le 14.9.1893, ordonné prêtre à Paris le 27.5.1899. Su­périeur provincial de la Province franco-belge de 1919 à 1920, mort à Amiens le 24.4.1958. Héberlé (François de Borgia-Laurent), né à Erlenbach (Alsace) le 8.8.1873, entré dans la congrégation le 26.9.1891, profes à Fourdrain le 14.9.1893, ordonné à Rome le 17.6.1900. Supérieur local des maisons de Manage, Mons, Thieu entre 1905 et 1923. Conseiller provincial de la Province Franco-Belge de 1919 à 1923. Mort à Neussargues le 4.6.1940.
72)
Doutreloux (Victor-Joseph), évêque. Né à Chênée (Liège, Belgique) en 1837; études à l’Université Grégorienne où il obtient le doctorat en théologie. Ordonné prêtre en 1861, vicaire général à Liège en 1874, il succède en 1879 comme évêque de Liège à Mgr de Montpellier. Lutta beaucoup pour l’école catholique. Il diffusa le culte au Cœur du Christ et le culte eucharistique. Il s’intéressa beaucoup à la question sociale. Trois congrès sociaux se tiendront à Liège. Sa pensée évolua de la responsabilité patro­nale à la participation autonome des ouvriers. Il soutint pour cette raison le chan. Pot­tier et l’école de Liège ainsi nommée contre celle d’Anger de Mgr Freppel. Il mourut après une vie intense d’activité en 1901.
73)
Thijssen (Joseph-Jean), dehonien. Né à Brockhuizenvorst (Hollande) le 6.6.1875, entré dans la congrégation en mai 1891, novice coopérateur à Fourdrain le 6.12.1891, mort le même jour.
74)
F.W. peut-être fr. Willibrordus-Jacques Reelyk, né à s’-Hertogenbosch (Hollande) le 19.5.1847, entré dans la congrégation en juin 1891, se rend en Equateur comme no­vice en 1892 et émet les voeux à Ambato (Ecuador) le 1.8.1893. Il reste en Equateur ju­squ’en 1896. Il est ordonné prêtre à Luxembourg le 10.8.1897, se rend comme mis­sionnaire au Congo Belge (Zaïre) de 1898 à 1931. Meurt à Bruxelles le 10.6.1931.
75)
Cf. nota 75, p. 518.
76)
P. Roth (Modeste-Sébastien) cf. nota 48, p. 500-501.
77)
Mgr Sallua, cf. nota 58, p. 516. Monaco La Valletta, cardinal. Né en 1827 à L’Aquila, créé cardinal par Pie IX, en 1868, évêque d’Ostie et Velletri, laissa beaucoup de ses biens à cette dernière ville. Mourut en juillet 1896 (cf. SRSL (1896) c. 29).
78)
Card. Parocchi, cf. nota 55, p. 532. Cassetta (Francesco di Paola), cardinal. Né à Rome en 1841. Ordonné prêtre en 1865, se dédia à l’apostolat de la jeunesse. Fut élu évêque de Amata en 1884 et, en 1887, arche­vêque titulaire de Nicodémie et aumônier secret de Léon XIII. En 1895 il est patriarche titulaire d’Antioche et vice-gérant de Rome, collaborateur du cardinal Parocchi. En 1899 il est créé cardinal par Léon XIII, évêque de Sabina et de Frascati. Il fut un ar­dent partisan des formes les plus modernes d’action catholique et généreux bienfaiteur des œuvres de charité. Il mourut à Rome en 1919.
79)
De la famille Arrachart le P. Dehon parle dans ses Mémoires lorsqu’il dit que Saint-Quentin n’a pas d’aristocratie. Les familles aisées appartiennent à la bourgeoisie ou exercent une profession. Les Arrachart étaient commerçants (cf. NHV IX, 89-90). C’est une famille mentionnée de façon répétée dans les Mémoires (cf. NHV XI, 153; XII, 65.105; XIII, 146; XV, 56).
80)
Cf. note 7, p. 511.
81)
Marie de l’Incarnation, bienheureuse. Dans le siècle, Barbe Avrillot, née à Paris le 26.2.1566, épousa en 1582 Pierre Acarie, noble parisien riche propriétaire et en eut six enfants. Les trois filles se firent carmélites. Convertie à la ferveur en 1588, elle fut fré­quemment ravie en extase et, l’on sait par ses confesseurs, parmi lesquels le card. de Bérulle et le P. Coton, qu’elle était stigmatisée. Même en vaquant aux affaires de la fa­mille, Mme Acarie rayonna par son influence spirituelle dans la haute société de son temps. Elle soutint les œuvres de charité de S. Vincent de Paul, s’intéressa à de nom­breuses institutions religieuses en France, parmi lesquelles avec l’aide du card. de Bé­rulle, l’introduction du Carmel réformé. Elle pressa le même de Bérulle à fonder l’Ora­toire en 1611. Mme Acarie devint veuve en 1613. En 1614, elle entra au Carmel d’Amiens comme soeur converse et, de là, on l’envoya à celui de Pontoise. Elle mourut en 1618. Elle fut béatifiée le 5.6.1791.
82)
Agnès de Jésus, vénérable. Née en 1602 au Puy, entrée chez les dominicaines, elle devint prieure au Monastère de Langeac où elle mourut en 1634. J. J. Olier a écrit sur elles des Mémoires. Elle est restée célèbre par ses relations avec Olier qui la connaissait par une apparition. Il se prépara à la réforme de son abbaye de Pétrac, lorsque, pen­dant la prière, se présenta à lui la vénérable Agnès. Pour Olier c’était une inconnue. Il fit sa connaissance à la fin d’une mission en Auvergne. Il se trouva à Langeac et ren­contra la prieure du couvent dominicain: Agnès de Jésus. La compréhension fut réci­proque. Mère Agnès confirma Olier dans son intention de fonder des grands séminai­res en France. L’amitié spirituelle des deux serviteurs de Dieu continua après la mort. Elle apparut diverses fois à Olier pour l’aider dans ses œuvres et dans sa sainteté. Fort dévote envers l’Eucharistie elle intensifia chez Olier cette dévotion spécifiquement sa­cerdotale.
83)
C’était un élève du collège Saint Jean. Il accompagna le P. Dehon pendant le voyage en Italie en 1888, ensemble avec Augustin Herr et Achille Blanchart, pour re­mercier Léon XIII du Bref laudatif (cf. NHV XV, 81).
84)
Cf. note 72, p. 505.
85)
Godin (Jean-Baptiste-André), industriel et homme politique français (Esquehéries, Aisne, 1817 – Guise 1888). Fils d’un serrurier, il créa, en 1859, un établissement indus­triel pour fabriquer des appareils de chauffage en fonte qui devint, à sa mort, la copro­priété du personnel, sous le nom de Familistère de Guise. Cette association ressemblait plus à une communauté de travail (coopérative) qu’à un phalanstère fouriériste.
86)
Cf. note 65, p. 517.
87)
Schumacher (Pierre), évêque. Né dans le voisinage de Cologne; entra chez les La­zaristes, professeur d’Ecriture Sainte au grand séminaire de Montpellier. Fut envoyé en Equateur pour aider le célèbre Garcia Moreno (cf. NQ III, note 104) dans ses pro­jets chrétiens. Homme d’une vaste culture et d’une énergie indomptable, devint évê­que de Portoviejo en 1884. Dans les territoires du diocèse sévissait la maçonnerie. La quasi totalité du clergé menait une vie indigne. Le premier acte du nouvel évêque fut de suspendre les prêtres du ministère. Il restait seul avec deux prêtres: le rév. Loor, nommé vicaire général et le rév. Gomez de la Torre, secrétaire de l’évêque. Mgr. Schumacher chercha des prêtres en Allemagne, en Espagne, aux Etats-Unis, pour­voyant de prêtres les principales paroisses, le séminaire et fondant des œuvres avec l’ai­de de religieux et de religieuses. Le P. Dehon mit à la disposition de Mgr Schumacher les religieux qu’il avait envoyés en Equateur. Nos pères avaient un collège à Bahia (cf. NQ IV, note 94).
88)
Après «… me viennent de Rome», le P. Dehon trace une petite croix et renvoie au bas de la page à cette explication: «J’avais demandé au Saint-Office la permission de reprendre le nom d’Oblats. Le card. Monaco avait répondu à Mgr (Duval), sur un ton assez sévère, que les règles données en 1884 pour le nom et pour les relations avec les soeurs (Servantes) étaient maintenues». Nous reproduisons ici la correspondance échangée entre le P. Dehon et le Saint­-Office. Voici la demande du P. Dehon du 3.1.1892. Emza Illma e Rma Il superiore generale della Congregazione dei Preti del S. Cuore di Gesù (di Sois­sons) espone umilmente a Vostra Eminenza quello che segue. Da due decreti del S.U. Sant’Ufficio di novembre 1883 e aprile 1884, l’Istituto degli Oblati del S. Cuore di Gesù ha ricevuto dal S.U. l’ordine di rinunziare alle pretese ri­velazioni di una suora del S. Cuore. Secondo i medesimi decreti del S.U., l’Istituto so­pradetto poteva ricostituirsi con un nuovo nome sotto la direzione del reverendissimo vescovo di Soissons. Il detto vescovo doveva invigilare sulle relazioni di quell’Istituto colle Suore del S. Cuore. Abbiamo pienamente ubbidito alle riferite decisioni. 1° Abbiamo abbandonato, distrutto e dimenticato le pretese rivelazioni. 2° Abbiamo preso un altro nome, cioè quello di Preti del S. Cuore di Gesù. Sotto questo secondo nome la Provvidenza Divina ci fu larga di benedizioni. L’Istituto annovera attualmente un centinaio di membri, e possiede diverse case in Francia, in Olanda, nel Belgio e in America. Ha ottenuto il «Decretum laudis» il 25 febbraio 1888, colle commendatizie di venticinque vescovi e arcivescovi, sotto la deno­minazione di Preti del S. Cuore di Gesù. 3° Quanto alle relazioni colle Suore, il reverendissimo Vescovo di Soissons, usando della latitudine lasciatagli dai Decreti e dal Santo Padre, si contentò di proibire le rela­zioni spirituali precedenti, allontanando per cinque anni in una pia comunità di Alsazia la Suora che si credeva favorita di rivelazioni celesti. Esso nondimeno lasciò sussistere le relazioni usuali di servigi che le suore prestavano a diverse opere dei Padri, e special­mente al Collegio di St-Quentin. Giudico che la separazione assoluta sarebbe tutto insieme nociva alle opere e non pri­va di scandalo, provocando giudizi infondati nel volgo, il quale supporrebbe tutt’altro che un motivo d’infondate rivelazioni. Oggi si muove una nuova questione. Il nome di Preti del S. Cuore di Gesù è troppo somigliante a quello dei Preti del S. Cuore di Betharram e a quello dei Padri del S. Cuore di Issoudun. I suddetti pii Istituti protestano e domandano che l’Istituto di St-Quentin riprenda il suo primitivo nome di Oblati del S. Cuore di Gesù. Noi determinati a ubbidire al S. U. presentiamo umilmente alla Eminenza Vostra Ill­ma e Rma la presente supplica. A. Domandiamo la facoltà di riprendere l’antico nome di Oblati. 1 ° Perché con questo nome saremo meglio distinti dagli altri Istituti. 2° perché questo nome ci è rimasto tra il volgo. 3° Perché questo nome non aveva alcuna connessione colle rivelazioni, le quali d’al­tra parte sono del tutto dimenticate. B. Profittando dell’occasione domandiamo umilmente, se così piace a Vostra Emza Illma e Rma, che l’interpretazione data ai Decreti del S. U. dall’antico Vescovo di Sois­sons quanto alle relazioni tra i Padri del S. Cuore e le Suore, sia ratificata dal S.U. Cioè che l’Istituto dei Preti del S. Cuore abbia la facoltà di ricorrere a queste Suore, come a qualunque altre, col permesso dei Vescovi, pei diversi servigi delle loro opere. 1° Perché queste Suore hanno reso dei servigi notevoli, specialmente al Collegio di St-Quentin da quindici anni e ad altre case; i quali servigi sono dalle famiglie degli al­lievi altamente pregiate. 2° Perché queste case, sia il collegio, sia le opere sociali dell’opificio della famiglia Harmel, patirebbero un danno importante se fossero private del lavoro delle Suore. 3° Perché finalmente togliere questo concorso sarebbe eccitare uno scandalo inutile. Il pubblico s’abbandonerebbe a mille congetture e penserebbe a tutt’altra cosa che a ri­velazioni celesti. Sperando in conseguenza una risposta favorevole, l’oratore bacia umilmente la sua sacra porpora e si firma l’Uomo Servo L. Dehon Sup. gen. dei Preti del S. Cuore di Gesù a Saint-Quentin (Aisne) – Francia il 3 gen. 1892 a Roma nel sem. francese Voici la réponse du Saint-Office à l’évêque de Soissons, Mgr Duval: Illme et Rme Domine Die 30 iulii anni 1887 literas dedi ad Amplitudinis Tuae antecessorem tenoris se­quentis. «Antequam expendantur preces ab Amplit. Tua commendatae, quibus Sac. Joannes Dehon postulat facultatem adeundi S. Congregationem Eporum et Reglium, ut via or­dinaria ad probationem aplicam piae societatis a se noviter institutae obtinere valeat, Emi Domini Cardinalis una mecum Inquisitores generales a Te doceri exoptant, quae sacerdos orator dederit suae resipiscentiae signa, quae sit nova societas ab ipso constitu­ta, an haec sit tantum diocesana, quae sit de ea Ampl. Tuae opinio, omniaque alia quae ad rem scitu necessaria vel opportuna existimaveris». His literas nulla unquam responsio pervenit. Interim vero idem sacerdos Dehon no­vas obtulit preces, quarum exemplar heic inclusum ad Te transmitto, rogans ut et ad li­teras anni 1887 respondeas et super novis hisce precibus opportune referas votumque tuum pandas. Hausta quaeque Tibi preces a Domino Amplitudinis Tuae Romae, die 12 ian. 1892 Dno Epo Suessonen (addicimus in Domino) (R. Card. Monaco) Réponse de Mgr Duval au card. Monaco: + Soissons 23 janvier 1892 Eminence, J’ai bien reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser en date du 12 jan­vier présent mois et dans laquelle vous reproduisiez la teneur de la lettre adressée à mon vénérable Prédécesseur le 30 juillet 1887. Voici ma réponse: Mr. L’abbé Dehon, Prêtre du Diocèse de Soissons est un homme intelligent, actif, un peu porté au mysticisme. Il a fondé de ses deniers en 1877 un grand Etablissement pour l’éducation chrétienne de la jeunesse, et cet Etablissement donne d’excellents fruits de science et de piété. Mr. Dehon a fondé en même temps une Société de Prêtres sous le nom de Prêtres du Sacré Cœur; puis, sur une réclamation des Prêtres du Sacré Cœur d’Issoudun, il a chan­gé le nom en celui d’Oblats du Sacré Cœur. Des prêtres lui viennent de toutes parts et de tous diocèses. Souvent il ne font que passer 2 ou 3 années dans cette Société, puis ils se retirent, trouvant la congrégation mal organisée. Mr. Dehon quand il a quelques sujets, les envoie fonder de nouvelles maisons. Il a ainsi 8 à 9 maisons disséminées tant en France qu’en Hollande et même en Amérique. Cette dispersion nuit à la solidité de son Œuvre. Je pense moi-même que cette Œuvre, malgré le réel dévouement de son Fondateur et de quel­ques membres, n’a pas les conditions de vitalité nécessaires pour en assurer la perpétuité. Pour ces raisons, j’estime qu’il n’y a pas lieu d’accorder, pour le présent, le privilège d’une approbation avant que l’œuvre n’ait montré ce qu’elle vaut, et les avantages qu’el­le peut procurer à l’Église. C’est le temps seul qui pourra la faire connaître. Un Bref laudatif du 25 février 1888 a été accordé à cette petite Congrégation. Il me semble que cela suffit. je baise la pourpre sacrée, et je me dis, de Votre Eminence, le très humble et très re­spectueux serviteur. (Écriture de Mgr Duval) Il en résulte une estime fondamentale pour la personne du P. Dehon de la part de Mgr Duval mais bien peu de confiance dans son œuvre, la congrégation. Il est facile de relever aussi son erreur quant au nom primitif de l’Institut du P. Dehon. Entretemps le P. Dehon cherche à prévenir une possible intervention du Saint-Office demandant un témoignage écrit de Mgr Duval quant aux rapports entre le P. Dehon et les Servantes du S.-Cœur. Le témoignage fut rédigé par Mgr Mathieu, archiprêtre de Saint­Quentin. Mgr Duval y ajoute seulement quelques lignes pour témoigner des rapports normaux entre le P. Dehon et les soeurs Servantes. Voici le texte du P. Dehon et le té­moignage de Mgr Duval. INSTITUTION SAINT JEAN – SAINT-QUENTIN St-Quentin le 18 fév. 1892 Monseigneur, Je viens entretenir Votre Grandeur d’une affaire assez importante. Si vous ne trou­viez pas ma lettre assez claire, j’irais volontier vous voir pour compléter mes explica­tions. En 1883 nous avions attaché de l’importance à quelques écrits que la soeur Marie Ignace a cru être des révélations divines. Mgr Thibaudier inquiet consulta le St.-Père qui renvoya l’affaire au St.-Office. Le St.-Office jugea «ea non esse tenenda ut divinitus revelata». Il ordonna que la congrégation se reconstituerait en dehors de toute révélation et que nous n’aurions plus de rapports avec les Soeurs. Une grande latitude était laissée à Mgr Thibaudier pour l’exécution «prout opportunum duxerit». Mgr Thibaudier envoya la pieuse Soeur Ignace en Alsace et l’y laissa cinq ans. Pour le reste il laissa subsister nos relations avec les soeurs. Il savait que le dévouement de nos soeurs était dévouement nécessaire à nos œuvres et que d’ailleurs la séparation se­rait un scandale inutile. Cela aurait fait jaser. On aurait supposé d’autres motifs que des révélations. Dernièrement à Rome on m’a demandé si Mgr Thibaudier nous avait laissé un té­moignage écrit de l’interprétation qu’il a donnée aux décrets. J’ai dû dire que non. Le St.-Office s’en inquiète et nous pourrions craindre un nouveau décret qui occa­sionnerait un grand détriment de nos œuvres et un scandale inutile. Il faudrait donc actuellement qu’une autorité compétente attestât et confirmât les mesures prises par Mgr Thibaudier. Je crois que je devrais envoyer au Commissaire du St.-Office un témoignage de Vo­tre Grandeur attestant que c’est bien Mgr Thibaudier qui a mis les choses dans l’état où elles sont; que le dévouement des Soeurs est très utile à nos œuvres, spécialement au collège; que depuis 1883 nous ne nous occupons plus de révélations, qu’une séparation serait un scandale inutile et sans motifs et que nos œuvres en recevraient un dommage irréparable. Est-ce trop vous demander? Préférez-vous que Mgr Mathieu le fasse à titre d’ancien vicaire général de Mgr Thi­baudier et que vous ajoutiez seulement quelques lignes? J’avoue que je préférerais une petite lettre de Votre Grandeur. Il vaut mieux prévenir une affaire que d’avoir à la réparer. Le St.-Office est très rigi­de. Actuellement à Rome on tient grand compte de l’avis de Nosseigneurs les évêques. Vous avez pu apprécier la vraie piété de nos Soeurs et leur bon esprit. J’espère que Votre Grandeur ne nous refusera pas ce témoignage nécessaire pour leur bonne réputation en cour de Rome. Daignez agréer, Monseigneur, l’hommage du profond respect avec lequel je suis de Votre Grandeur le très humble et dévoue fils, L. Dehon Note ajoutée au témoignage de Mr. l’Archiprêtre de St-Quentin 24 février 1892 Depuis deux ans je suis à la tête du Diocèse de Soissons, je n’ai rien vu dans les rap­ports des deux communautés qui pût paraître à blâmer. Plusieurs fois j’ai visité les soeurs et fait des professions ou vêtures dans leur maison. J’ai toujours été grandement édifié de leur piété, de leur dévouement et de leur esprit de sacrifice. Interdire tout rapport entre les deux Communautés serait préjudiciable aux Pères Oblats du Sacré-Cœur dont les maisons ne se peuvent passer des bons soins des soeurs. Ce serait surtout ouvrir la porte aux plus fâcheuses suppositions et créer un scandale. Tel est mon avis. (écriture de Mgr Duval) Mr. Dehon Communiqué cette lettre à M. Dehon le 25 mai 1892, recopiée depuis: negative – in­simul… jusqu’à la fin. Une note de moi ajoutée le 24 février dernier au témoignage de M. l’Archiprêtre avait pour but de détourner l’effet de cette lettre. Elle était une menace – aujourd’hui c’est un jugement il faut s’y soumettre. Allez voir M. l’Archiprêtre, mettez-le au courant de toute l’affaire, j’irai à St-Quentin la semaine prochaine – Avec vous et lui nous verrons les mesures à prendre. (écriture de Mgr Duval) Iltme Rme Domine In congregatione habita feria IV die 11 curr. mensis ad examen vocatis precibus sa­cerd. Dehon, implorantis facultatem resumendi pro instituto a se fundato titulum pri­mitivum = Oblatorum SS. Cordis = una cum his quae ad rem ab Amplitudine Tua re­lata sunt litteris datis die 25 jannuarii curr. anni, Emi Dmi Card. una mecum Inquisi­toris generalis responderunt: Negative; insimul autem ad Te scribendum mandarunt, ut quod spectat ad communicationem sororum cum religiosis, prudenter et quantocius executioni omnino demandandum cures decretum huius Supremas Congregationis la­tum feria IV 28 nov. 1883, quod communicatum fuit Antecessori tuo die 3 dec. eiu­sdem anni sequentibus verbis. …«Removeatur (Sac. Dehon) a directione spirituali Monalium Ordinis S. Francisci in S. Quintini caenobio degentium, eique interdicatur quaevis sive directa sive indirecta, aut voce aut scriptis communicatio cum Sorore M Ignatia caeterisque sanctimonialibus; monasterio auteur A.T. pium, doctum, pruden­temque moderatorem assigne. Attamen Soror Maria Ignatia si fieri poterit, in alia so­rorum S. Francisci claustra transferatur, facto quocumque in casu ei praecepto nun­quam in posterum cum sacerdotibus Dehon ac Captier communicandi». Haec dum Tibi significo A.T. omnia fausta felicia a Deo precor A.T. Dno Epo Romae, die 17 mai 1892 Suessionen écrit.card. (addictissimus in Domino (R. card. Monaco) Cette lettre, très dure, du Saint-Office («c’est presque une mort encore» écrit le P. Dehon dans son journal: NQ V, 111v) est compréhensible puisqu’il n’existait rien d’écrit. Mgr Thibaudier, venu à Rome, avait donné toutes ses explications et assuran­ces de vive voix. Ce n’est cependant pas justifiable et ne fait certes pas honneur à la prudence du Saint-Office. Un supplément d’enquête auprès de l’évêque de Soissons aurait rendu inutile des ordres qui avaient déja été exécutés depuis dix ans. Des dou­leurs n’auraient pas été renouvelées et des inquiétudes, rouvrant des plaies cicatrisées par le temps. Voici maintenant la réponse du P. Dehon à Mgr Duval. SAINT-QUENTIN INSTITUTION SAINT JEAN Monseigneur, Les souffrances et les contradictions sont notre partage, nous ne pouvons que les ac­cepter avec résignation. Nous ferons tout ce que Votre Grandeur décidera. Je suis étonné cependant que le St.-Office revienne aux décrets d’il y a dix ans, sans tenir aucun compte de l’appréciation de Votre Grandeur et de celle de Mgr Thibau­dier. On parle dans ces décrets de l’abbé Captier; il nous a quittés il y a neuf ans, et je ne sais pas ce qu’il est devenu. Quant à la pauvre Soeur Ignace, elle est tellement malade qu’il ne peut pas être question de la changer de maison. Elle a une maladie de cœur très avancée. Elle se lève à peine deux ou trois heures par semaine. Pour ce qui est de l’interdiction de mes rapports avec les Soeurs, cette défense n’a pas de raison d’être, puisque je ne m’occupe plus de révélations, ni vraies ni fausses. Mgr Thibaudier avait appliqué cette interdiction seulement aux rapports spirituels, c’est-à-dire que pendant plusieurs années je m’abstenais de prêcher et de confesser au couvent. Une séparation absolue aurait été un scandale. Elle le serait encore plus au­jourd’hui. On supposerait des motifs odieux. N’avez-vous pas le projet d’aller à Rome dans quelques mois pour votre visite ad li­mina? Vous pourrez traiter toute cette affaire verbalement avec le St.-Père et avec le cardinal Monaco. Voici maintenant une affaire urgente et connexe à celle-là. je devais prêcher la re­traite aux Soeurs à partir de jeudi, dans deux jours. Il est bien difficile de chercher un autre prédicateur en deux jours. Qui prendre? Et quel effet cela fera-t-il? Le P. Blancal lui-même n’est pas libre, il va prêcher la Ire communion à Soissons. Quant à moi je suis prêt à tout. Voudriez-vous m’envoyer demain une dépêche pour me dire «faites la retraite pro­jetée» ou «ne faites pas la retraite projetée». La décision de Rome dit bien d’agir quantocius mais elle dit aussi prudenter, ce qui per­met d’user de certains tempéraments. Ayez la bonté de prier pour votre pauvre petit serviteur. Daignez agréer, mes humbles hommages, L. Dehon 6 juin 1892 La retraite fut donnée aux soeurs par le P. Dehon et se termina le 17.6.1892 (cf. NQ V, 111v). Au 16.6.1892, le P. Dehon écrivit cette lettre clarificatrice à Mgr Duval: SOCIETE DU CŒUR DE JÉSUS SAINT-QUENTIN St-Quentin le 16 juin 1892 Monseigneur, Voici les renseignements dont Votre Grandeur peut avoir besoin à l’occasion de la lettre récente du St.-Office. Les décisions rappelées par son Eminence le Gard. Monaco sont relatives au P. Cap­tier, à la Soeur Ignace et à moi. Nous avons obéi ponctuellement depuis 1883 à ces décisions, telles qu’elles ont été interprétées par Mgr Thibaudier. Le P. Captier a été éloigné et nous ne l’avons plus revu. La Sr. Ignace a été éloignée pour cinq ans et envoyée en Alsace. Elle est revenue en 1888 avec la permission de Mgr Thibaudier. Ni elle ni sa supérieure n’ont jamais eu la pensée de désobéir. Mgr Thibaudier l’a laissée revenir parce qu’elle était malade et pour qu’elle eût la consolation de mourir dans sa communauté. Il ne voyait d’ailleurs aucun inconvénient à son retour puisque nous étions parfaitement obéissants sur la question des révélations. Quant à moi, je n’ai pas fait un pas sans permission dans mes rapports avec la com­munauté. Mgr Thibaudier a pensé que le St.-Office avait seulement l’intention de m’interdire les rapports de direction spirituelle avec la communauté. Il m’a permis d’y aller dire la Ste Messe de temps en temps pour éviter de provoquer des bavardages et des scandales par l’interruption des relations. Les mêmes motifs subsistent aujourd’hui. Le public ne comprendrait rien à cette cessation absolue de rapports. La dernière année de son épiscopat Mgr Thibaudier m’a même autorisé à reprendre un peu de ministère à la communauté, parce qu’il n’y voyait aucun inconvénient. Je n’ai rien fait contre l’obéissance et je suis toujours disposé à obéir. La marche de notre Congrégation est indépendente de ces questions. Elle a reçu le Bref laudatif du St.-Siège à la date du 25 février 1888, sous le nom de société des Prê­tres du S. Cœur de Jésus. Ce n’est pas nous qui demandions le nom d’Oblats. Les Congrégations d’Issoudun et de Bétharam le désiraient pour nous. Ce sont les Pères d’Issoudun qui ont commencé les démarches à la Cong. des Evêques et Réguliers pour qu’on nous le donnât. Ce nom n’a aucun rapport avec les révélations de la Sr. Ignace, il est bien antérieur. Nous pouvons d’ailleurs garder le nom de Prêtres du Cœur de Jésus, qui est notre nom officiel depuis neuf ans. Nous sommes tout à fait disposés à obéir très docilement comme par le passé. Daignez agréer, Monseigneur, mes humbles et respectueux hommages, L. Dehon Au 20.6.1892, Mgr Duval répond dans les termes suivants au card. Monaco du St­Office: + Soissons 20 juin 1892 Eminence, J’ai communiqué à Mr Dehon, Fondateur de la Société des Prêtres du Cœur de Jésus à St-Quentin, la lettre du St-Office, et j’ai trouvé la docilité la plus entière. Cette lettre visait deux points: 1 ° le nom même de la Société Oblats du Sacré Cœur 2° la nouvelle Direction à donner à cette Société. Sur le Ier point, le St-Office refuse de conserver à cette Société le nom d’Oblats. Une Société qui n’a pas de nom pour la désigner ne saurait vivre. Je me permets de demander pour elle le simple nom de Prêtres du Cœur de Jésus. Ce nom lui a été accordé par Sa Saintété sur la demande du card. Masotti par le bref laudatif du 25 février 1888, et il n’a aucun rapport avec les prétendues révélations de la soeur Ignace. Sur le second point, le plus délicat, je prierai Votre Eminence de remarquer que: 1° M. Captier a été éloigné dès 1883 et l’on n’a plus entendu parler de lui depuis neuf ans. 2° La Sr. Ignace a été envoyée en Alsace en 1883. Elle y est restée cinq ans. Mgr Thibaudier mon Prédécesseur l’a laissée revenir pour qu’elle eût la consolation de mourir dans sa communauté. Aujourd’hui encore elle est très malade, et le médecin la déclare incapable de voyager. Du reste, depuis la défense portée en 1883, elle ne s’est plus jamais occupée de révélations et a vécu en humble religieuse. 3° Mr. Dehon a cessé d’être le Directeur de la Communauté dès cette même époque 1883. Mgr Thibaudier lui a permis seulement d’y aller de temps en temps dire la mes­se, ad vitandum scandalum. Toujours avec la même permission Mr Dehon, dans ces der­niers temps, avait exercé un peu de ministère prédication etc… dans la Communauté. Ce ministère aujourd’hui na plus lieu et n’aura plus lieu, puisque le St-Office l’exige. Voilà les faits. Voici maintenant ce que j’ai la confiance de demander à Votre Eminence: 1° Pour la Société, le titre de Prêtres du Cœur de Jésus; 2° pour Mr. Dehon, en dehors de tout ministère, la permission de dire la messe à la com­munauté des Soeurs deux fois par mois. Lui refuser cette autorisation serait ouvrir la porte aux suppositions les plus odieuses: le public ne comprendrait rien à cette exclu­sion et en tirerait les plus fâcheuses et déshonorantes conséquences. Depuis 1883 le Supérieur de la Communauté des Soeurs est un Prêtre pieux, instruit, et prudent. J’ai nommé ces jours derniers pour confesseur extraordinaire un Prêtre de St-Quentin, Aumônier d’une Communauté, et qui a toute ma confiance. Je ne parle pas à Votre Eminence des soins matériels (cuisine, lingerie, infirmerie de l’école) que les Soeurs donnent aux diverses maisons des Prêtres du Cœur de Jésus. Les défenses du St-Office ne les atteignent pas sous ce rapport, et ces différentes mai­sons ne pourraient vivre sans leurs soins dévoués qui n’ont jamais fait naître l’ombre d’une inquiétude. Voilà donc tout ce que je puis dire à Votre Eminence. Je soumets le tout à Votre hau­te sagesse, et je baise la pourpre sacrée dans les sentiments du plus respectueux dévoue­ment + J.-B. Ev. Avec cette lettre est close, pour l’instant, l’affaire avec le Saint-Office (Toute cette documentation est tirée du «Dossier de l’Evêché de Soissons»: cf. AD, B. 24/15).
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