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16ème CAHIER (Juillet 1900 – Juin 1901)

1

L'art français. Les expositions décennale et centennale au grand palais nous permettent d'apprécier le caractère général de l'art français au XIXe siè­cle. On a dit avec raison que la France avait perdu au commencement du XIXe siècle son âme française et qu'elle avait passé tout ce siècle dans des recherches énervantes pour la retrouver.

Depuis trois cents ans on avait essayé de lui donner une âme grecque ou romaine, et païenne surtout, et l'on n'y avait que trop réussi. L'art s'était fait humaniste, protestant, rationaliste. Les Brutus de clubs ve­naient d'aggraver le mal en grisant 2 la pauvre nature malade d'une fausse antiquité; en art comme en politique, on ne jurait plus que parles Romains et les Grecs, que l'on connaissait mal et qu'on ne comprenait pas.

Le premier quart du siècle appartient à l'école classique. La primauté dans le royaume de l'idéal est exercée par Louis David1) dans la peinture et par Pradier2) dans la sculpture. Tout l'art officiel se cantonne dans des réminiscences des œuvres antiques. La peinture copie des fragments an­ciens pour représenter approximativement ce qui se lit alors dans l'hi­stoire de Rollin, le Virgile de l'abbé Delisle ou l'Homère de Mme Da­cier.

A la suite de Leonidas aux Thermopyles, et de l'Enlèvement des Sabi­nes de David, des Oedipes, des Thémistocles, des Romulus, des Brutus, des Gracques innombrables posent des effets de torses ou de muscles dans les 3 tableaux classiques. Girodet, Regnault, Lethière, Lemon­nier, Guérin sont les plus brillants parmi les fidèles disciples du maître. Citons comme exemple l'œuvre du baron Regnault. Il a peint: Alexan­dre et Diogène, Andromède et Persée, l'éducation d'Achille, Mars dé­sarmé par Vénus, Socrate et Alcibiade chez Aspasie, la mort d'Adonis, les trois Grâces, l'amour endormi sur le sein de Psyché, Jupiter enlevant Jo, le triomphe de la paix. - Combien il eut mieux fait de montrer à la France ses héros et ses modèles: Clovis, Charlemagne, St-Louis, Henri IV, Sainte Geneviève, Jeanne d'Arc, Bayard, Dugueselin et mille autres!

Le paysage lui-même n'était pas à l'abri de la contagion classique. C'était une «composition» agrémentée de nymphes, de demi-dieux ou de héros épiques. Valenciennes, Bertin, Aligny et Bidault y peinent consciencieusement 4.

En sculpture, c'est Pradier qui domine l'école classique, au point qu'on l'a surnommé le dernier des païens. Il a sculpté Vénus, Psyché, Sapho, Chlorès, des Muses et des Victoires. David d'Angers, Rude, Duret, et de nos jours encore Hannaux, Maillard et d'autres s'inspirent aux mêmes sources.

Mais à côté de l'art officiel, il existe heureusement un art indépendant ou qui s'efforce de l'être, et c'est de la lutte entre ces deux tendances que sera faite l'histoire artistique du XIXe siècle. Le brillant romantisme donne l'assaut contre le bataillon opiniâtre des classiques. La lutte est surtout vive dans le second quart du siècle, de 1825 à 1850.

Proudhon exécute avec un talent plein de souplesse, de grâce et de vi­gueur la Justice et la Vengeance poursuivant 5 le crime, le Zéphir qui se balance, et d'admirables portraits. Gros, quoique élève de David, s'émancipe du joug classique dans les Pestiférés de Jaffa, le champ de bataille d'Eylou, le Combat de Nazareth. Géricault emporte tous les suf­frages par son Radeau de la Méduse où le fait contemporain remplace le récit de Plutarque.

Eugène Delacroix déploie les plus rares qualités de couleur et de mou­vement dans les Massacres de Scio, l'Entrée des Croisés à Jérusalem et la mort de Sardanapale. Paul Delaroche et Devéria le suivent dans cette voie. Il y a déjà plus d'affinité entre cet idéal et l'âme française.

Les paysagistes ont commencé avec Gabriel Moreau à puiser leurs in­spirations dans le tête-à-tête avec la nature plutôt que dans la lecture de Virgile et de Montesquieu. 6 Ils vont vite et atteignent d'un seul bond à la sincérité et à la franchise. Corot, Théodore Rousseau et Jules Dupré saisissent et traduisent ce qu'il y a de vie puissante et concentrée dans un coin de nature tel que nous le voyons.

Dans le camp adverse, Ingres et Ary Scheffer dirigent la résistance. Le Voeu de Louis XIII d'Ingres, le Saint Symphorien, l'Apothéose d'Ho­mère font admirer le souci de la ligne impeccable mais le dédain ou l'ignorance de la couleur et de la vie.

Un autre pas se fait au milieu du siècle, non sans fracas. Le réalisme brise les dernières barrières qui retenaient l'art dans le convenu et l'im­mobilité. Pour comprendre le réalisme, il suffit de regarder l'Enterre­ment à Ornans et les Cribleurs de blé de Courbet, les Glaneuses et l'An­gelus de Millet. 7 Figures et paysages ne sont plus enfantés par l'ima­gination. Ce sont comme des photographies ou des notes prises autour de nous. Le réalisme dépasse souvent la mesure. La nature doit fournir des éléments dont la pensée accentue la beauté ou la laideur pour les fai­re ressortir. La poésie, l'éloquence, l'art doivent s'appuyer sur la nature et la fortifier par l'idéal.

Les réalistes avaient infusé la vie à la peinture française, les impressionistes, Edouard Manet en tête l'enveloppèrent de lumière et d'ambiance fluide. Des écoles secondaires, les peintres de batailles avec Horace Vernet, les peintres algériens avec Fromentin exprimaient bien aussi des aspects de l'âme française.

La sculpture suivait une marche parallèle à la peinture. Aux acadé­mies de l'art classique ont 8 succédé les œuvres qui témoignent de l'observation de la vie. Rude, Carpaux, Falguière, Paul Dubois, Fré­miet, Chapu, Ernest Dubois, Saint-Marceaux, Barrias, Rodin, ont re­trouvé et souvent dépassé la grâce et la vie de la sculpture florentine.

La peinture décorative, inconnue, jusqu'au milieu du siècle, a pris un essor superbe avec Hyppolyte Flandrin et Puvis de Chavannes.

Les peintres contemporains profitent des progrès acquis. Quelques uns, avides de nouveauté, ont emprunté au japon des couleurs un peu criardes.

Je cite quelques œuvres contemporaines, sans les classer: la Mater do­lorosa de Bouguereau; La Cène et le Pardon de Bretagne de Dagnan­Bouveret; Le St. Chrysostome de Jean-Paul Laurens; le Christ à Tibé­riade d'Aubert; le Siège de St-Quentin de Tattegrain; les victimes du de­voir (pompiers) de Detaille; le Départ des Marins, de Collet; la Sérénité 9 de Henri Martin; l'Ape de Pierre de Cormon; les Foins de Bastien Lepage, et les paysages de Roll, Lhermitte, Duhem, Cazin…

Au point de vue religieux, l'art français est pauvre en ce siècle comme l'âme française elle-même.

L'architecture religieuse a eu aussi sa période classique, qui nous a donné la Madeleine sous Louis XV, et dans le XIXe siècle St-Vincent de Paul et N.-D. de Lorette. Le mouvement romantique a été surtout re­marquable par la restauration de nos grandes cathédrales. Viollet-le­duc, Boeswilwald et Lassus s'y sont fait remarquer. Ceux qui ont eu à construire des édifices neufs ont imité les monuments des périodes an­ciennes sans cependant les copier servilement.

Lassus a fait du gothique assez gracieux à St-Jean-Baptiste de Bellevil­le. Ballu a terminé assez heureusement 10 Sainte-Clotilde, qui était mal commencée. Il en a fait la façade et les flèches. Ce siècle n'a produit aucune grande cathédrale gothique, mais il a construit de jolies chapelles gothiques de communautés, comme celles des jésuites à Paris et à Tou­louse, celle des Dames du S.-Cœur, des Soeurs-de-St-Joseph, des Soeurs-de-Bon- Secours à Paris; l'église du S.-Cœur et l'abside de N.-D. de la Treille à Lille, une église à Chateauroux, etc. - Vaudremer a bien imité les basiliques romaines à St-Pierre de Montrouge et à N.-D. d'Au­teuil. - Ballu a été assez décoratif, mais peu artistique à St-Ambroise et à la Trinité. - Vaudoyer a fait à Marseille une belle cathédrale byzanti­ne. - Abadie s'est inspiré des églises byzantines de Périgueux, de Tou­louse et de Saintes, mais il les a surpassées dans son plan 11 de Mont­martre. - Bossan a été le plus innovateur. Son église de Fourvière et celle d'Ars sont vraiment originales. Il a pris ses inspirations de l'art ogi­val, de l'art roman et de l'art indien. Il n'a rien copié. Ses plans ont une âme, un symbolisme. Ses intérieurs sont merveilleux par la richesse et la variété de la décoration.

Pour la peinture, Flandrin, Orsel, Picot, Lafon, à St-Germain-des­Près, à St-Vincent-de-Paul, à N.-D. de Lorette, dérivent des primitifs florentins.

Ingres et Ary Scheffer dans leurs toiles, Bouguereau dans ses fresques à Ste-Clotilde et à St-François-Xavier ont un dessin irréprochable, mais peu d'expression. Puvis de Chavannes au Panthéon est décoratif. Le­nepveu à Ste-Clotilde et au Panthéon, Cabanel, Laurens, Bonnat, Lévy au Panthéon ont fait de la peinture historique plutôt que religieuse. 12 Delacroix à St- Sulpice et Corot à St-Nicolas- de-Chardonnet ont des œuvres vivantes et réalistes. Munkaczy a été superbe dans ses grandes scènes évangéliques. Tissot a composé une épopée entière sur la vie du Christ, avec des esquisses pleines de vie, de réalisme et d'expression. Dagnan-Bouveret dans la Cène, Aubert dans le Christ à Tibériade ont fait de grandes et belles œuvres qui manquent de cet idéal intense qui transformait et animait tout un tableau de Vinci ou de Raphaël. Ils excè­dent un peu en réalisme.

Beaucoup d'autres modernes se sont essayé dans les sujets religieux. Il y a encore de l'idéal dans le St. François au labour de Chartran; je ne trouve plus de sentiment religieux dans les Vierges et les Christs de Jean Béraud, de Henner, de Dubufe, de Lévy-Dhurmer, de Demont­Breton 13.

Pendant mon petit séjour à Paris, je pris part à deux congrès, celui de la Démocratie chrétienne, le 15, à Plaisance et celui des Caisses rurales, du 18 au 20, place St-Germain-des-Près.

Le congrès de la démocratie se tenait à l'Œuvre de Plaisance. Cette œuvre est un modèle d'organisation pour l'apostolat dans un quartier populaire. Elle prépare une paroisse. Elle a une école libre, un dispensai­re, un cercle. Il s'y fait un très grand bien. C'est comme une mission en pays païen.

Le congrès ne durait qu'une journée. Il réunissait des ouvriers de Lil­le, de Paris, de Tours, etc. On y étudia sérieusement la question des Chambres de travail, et le projet qu'on adopta répondait assez exacte­ment à ce que le ministre Millerand établit peu après par décret 14.

Le congrès des caisses rurales avait été provoqué par M. Durand de Lyon3). C'était une réunion internationale. On y rencontrait des hom­mes distingués de Russie, d'Allemagne, de Belgique.

Ils exposèrent l'état des œuvres de crédit rural dans leur pays. La France est en retard, elle n'a que 500 caisses rurales. La Belgique en compte 800; l'Alsace (sur 800 communes) 400; La Lorraine (sur 500 communes) 125; la Serbie 300; l'Italie 1.200; l'Allemagne 3.000.

En Alsace, les caisses de crédit sont rattachées à un bureau central. La province est divisée en cinq circonscriptions qui ont chacune un inspec­teur. Chez nous, hélas! le catholicisme est énervé par les conséquences du concordat. 15.

Je rentrai à St-Quentin le 20. J'y devais faire cet été un bien court sé­jour coupé par des absences fréquentes.

Le 26, fête de famille à Fayet. Je bénis la grotte de Notre-Dame de Lourdes. Prédications, déclamations par les enfants, réception de bien­faiteurs, séance académique. L'école va donner cette année un bon re­crutement au noviciat, une douzaine de rhétoriciens.

J'étais le 28 à Bruxelles, pour visiter le terrain acheté et la maison à louer. J'allai voir aussi les châtelains de Tervüeren, une bonne famille qui eut autrefois des relations avec le nonce Pecci. Cette famille nous of­fre une petite maison pour une école apostolique. Elle désire surtout avoir un chapelain. Une petite école flamande nous serait utile, mais ce projet n'est pas encore mûr 16.

Le 2 août, j'étais à La Capelle pour le baptême de mon petit-neveu, Robert de Bourboulon. Le dimanche, j'ai prêché le prône à la paroisse. Les souvenirs gais et tristes affluaient dans mon esprit et j'eus peine à contenir mon émotion.

J'allai à Luxembourg pour l'ordination qui avait lieu le 10. Nous avions plusieurs prêtres. Notre œuvre est plus facile à maintenir et à de­velopper jusqu'à présent à l'étranger qu'en France. Les familles sont plus religieuses au Luxembourg, en Hollande et sur le Rhin.

Le 11, fête des premières messes à Clairefontaine. Séance académi­que. Réunion pieuse et cordiale. L'école de Clairefontaine a bon esprit, mais elle n'a pas encore trouvé les éléments de la prospérité maté­rielle 17.

Du 16 au 22, je suis au Val pour la réunion annuelle des séminaristes. Ils sont une soixantaine. Quelques collégiens de Dunkerque se sont joints à eux. Il y a aussi un bon groupe de liégeois. M. Perriot4) préside. M. Thellier de Poncheville parle des conférences dans les séminaires; l'abbé Vercesi, du mouvement social en Italie; M. Cetty5) parle de ses œuvres merveilleuses et de l'évolution du socialisme. J'ai donné une conférence sur les directions pontificales.

M. Thiry a parlé sur le salaire des ouvriers agricoles en Belgique, et M. Roberti, avocat, sur le contrat de fermage. M. Gayraud6) sur la de­mocratie; M. l'abbé Paissé, de Liège, sur le petit commerce; M. l'abbé Brunhes sur l'organisation professionnelle; M. l'abbé Tournier, sur le métayage; M. l'abbé Tschoffen, 18 sur les coopératives; M. Leleu sur l'éducation sociale dans les collèges. M. Decreton parle des œuvres dans les collèges; M. Thellier des groupes de jeunesse de Valenciennes, qui font merveille. M. Isabelle nous intéresse vivement en nous entretenant des œuvres d'éducation populaire qu'il a commencées avec Marc San­gnier à Paris.

Une causerie du Bon Père7) termine cette semaine de travail si bien remplie. Au réfectoire, toasts animés tous les jours. Ce sont là de bonne journées où l'on goûte le charme de l'amitié chrétienne.

Du ler au 8 septembre, c'est la retraite. Elle est prêchée par le P. La­cour. Elle fait à tous et à moi aussi une grande impression. Le P. Lacour est ferme, serré, pressant. Il a un ton viril qui ne laisse pas place aux échappatoires. Cette bonne retraite est une grâce pour 19 l'œuvre. A cette occasion je donne la liste des prédicateurs de nos retraites depuis le commencement. 1879: P. Modeste8). 1880: P. Bertrand9). De 1878 à 1883, je prêchais moi-même. 1884: P. Modeste. 1885: id. 1886: moi­même. 1887: P. Lacour. 1888: Moi-même. 1889: P. Blancal10). 1890: P. André11). 1891: moi-même ou P. Blancal? 1892: P. Braun. 1893: P. An­dré. 1894: P. Tardif de Moidrey. 1895: P. Vauthier. 1896: P. Che­snaye. 1897: P. Vernhès. 1898: P. Vauthier. 1899: P. Vacon. 1900: P. Lacour 20.

Du 10 au 13, je suis au Congrès de Bourges. Je prêche le sermon d'ou­verture, et je donne, les trois jours, les sujets d'examen particulier. - Le congrès est une revue rapide d'une infinité d'œuvre. L'archevêque de Besançon12) et l'évêque d'Angers13) y prennent part. M. Birot14) nous donne un discours très fin mais à tendances libérales.

Le néo-kantisme et l'exégèse moderne ont là des partisans. Dans l'en­semble l'esprit du congrès est excellent, ce qui ne l'empêche pas d'être calomnié et dénigré par les réfractaires.

Mgr l'archevêque15) me fait l'honneur de m'inviter.

Le petit séminaire nous offre une splendide installation.

Je revois Bourges, sa belle cathédrale, sa maison de Jacques Cœur. Cette maison est un bel hôtel du XVe siècle, remarquable surtout par ses 21 tourelles d'escaliers ornées de figures et par sa belle salle d'ar­mes voûtée en carêne avec deux cheminées sculptées.

L'art des vitraux date des premiers siècles en France. St. Grégoire de Tours en parle (De gloria martyrum, C. LXX). Théophile au XIIe siècle, énumérant dans la préface de son livre Ier les Arts de chaque peuple, at­tribue à la France la supériorité pour les vitraux: Quidquid in fenestrarum Pretiosa varietate difgit Francia. La collection de Bourges est une des plus belles. Il n'y faut pas admirer seulement le brillant des couleurs et les ef­fets de lumière, mais aussi la science théologique. Il faut remarquer aussi que le manque de perspective dans le dessin des sujets n'est pas un dé­faut, parce que l'art des vitraux a pour but de décorer des surfaces et que la perspective y serait souvent contraire aux lois de l'architecture. 22 Toutes ces verrières, à nombreux compartiments, sont comme des ser­mons éloquents et poétiques, des commentaires de l'Ecriture Sainte, des drames sacrés.

Dans la grande nef sont les prophètes, les apôtres, les évangélistes; dans les chapelles absidiales, les martyrs, les confesseurs, les vierges; dans les grandes verrières de l'abside, la vie de Notre-Seigneur, ses pa­raboles, sa Passion et l'Apocalypse.

Je copie la description de l'un d'eux, qu'on peut appeler un sermon démocratique illustré. Il représente Lazare et le mauvais riche.

«Le christianisme a fait du pauvre un être privilégié auquel sont pro­mises les félicités éternelles, tandis que la malédiction tombera sur la tête du riche avare et voluptueux.

Dans la série des merveilleuses verrières du XIIIe siècle qui ornent l'abside de 23 la cathédrale de Bourges, la première qui frappe les yeux des fidèles, à quelques pas de la porte monumentale de la sacristie, a pour sujet la parabole de l'Evangile connue de tout le monde, Lazare et le mauvais riche. Suivons en les tableaux qui se détachent d'un fond d'azur et de pourpre, en médaillons quadrilobés, alternant avec des mé­daillons de forme ronde. On doit les lire, ligne par ligne, en commençant par la base.

Première ligne. Dans les trois médaillons, ou plus exactement dans les trois parties de médaillon de la première ligne, l'art sert de voile à la mo­destie pour nous dire que le vitrail est un don de la Confrérie des ma­çons, représentés par des ouvriers au travail: les uns préparant le mor­tier, d'autres portant des pierres de taille près d'un édifice en construc­tion; d'autres enfin pliant sous le fardeau des matériaux 24 qui char­gent leur dos et leurs épaules.

A la deuxième ligne, le riche donne des ordres aux serviteurs chargés d'entasser ses richesses dans les greniers. Debout à ses côtés, sa femme écoute et regarde avec complaisance. Des tailleurs de pierre, des sculp­teurs dirigés par un architecte, travaillent à l'ornementation d'un palais magnifique encore inachevé. Mais voici que le divin Maître apparaît au riche et lui dit: «Insensé! Cette nuit même, on te demandera ton âme; à quoi te serviront ces richesses?» Paroles qui se lisent au-dessus de leurs têtes.

Troisième ligne. Madame, en grande toilette se rend à la salle du festin; allure altière, haute coiffure en forme de couronne, manteau de pourpre dont un page porte la traîne. Négligemment assis sur un siège élevé, au­-dessus duquel flottent des draperies, le riche reçoit à laver de la main d'un page agenouillé devant lui. Cependant 25 dans les cuisines, d'autres serviteurs préparent les mets et même des parfums, ainsi que l'indique une cassolette.

Quatrième ligne. Les serviteurs apportent les mets; fiers de cette tâche, ils soulèvent les plats jusqu'à la hauteur du visage. Table splendide avec ses plats d'or et d'argent, sur une large nappe de fin lin festonné. Le riche trô­ne orgueilleusement sur un brillant fauteuil, son épouse à sa droite et, près d'elle, un troisième convive. En bas, devant le riche, ou mieux devant l'Epulon, comme on disait au Moyen-âge, traduisant ainsi littéralement le verbe epulari, on lit ces mots: Hic est dives: voilà le riche. Contraste saisissant, à la porte du palais, Lazare le lépreux implore la pitié, décharné, la peau jaunie et mouchetée de noir, il a honte de sa misère, et se cache le visage avec les lames de sa cliquette, 26 instrument dont le cliquetis avertissait les passants de ne pas trop approcher des lépreux. Dans ce triste état, il n'a pour amis que deux petits chiens qui sont venus lécher ses plaies.

Cinquième ligne. Le riche est tombé malade. Le voilà étendu sur un grand fauteuil. Penchée vers lui, sa femme le console, et le diable qui s'est dit: «Cette proie m'appartient», plane au-dessus, dans un coin, lui la­bourant la tête, et enlevant la coiffure avec un crochet de fer. Le malade, étendu dans son lit, a rendu le dernier soupir, et son âme est emportée par deux affreux démons. Peu touchée de cette mort, sa femme détourne la tête, et se dispose à sortir pendant qu'un valet fripon se sauve, en je­tant un regard furtif pour s'assurer qu'on ne le voit pas emporter l'objet précieux qu'il a dérobé. Lazare aussi vient de 27 mourir, paisible­ment, comme il convient au juste, le buste presque droit, soulevé par l'espérance. Sur un voile léger, qu'ils tiennent par les coins, deux anges ont recueilli son âme qu'ils emportent au ciel, sous la forme d'un petit corps mince, allongé, divinisé, n'ayant plus rien de l'humanité, tandis que deux autres anges balancent au-dessus l'encensoir.

Sixième ligne. Le riche est enseveli dans l'enfer. Deux diables à tête hor­rible l'enfoncent avec des fourches dans une chaudière embrasée. Deux autres démons plus hideux encore se sont emparés de lui; l'un le porte sur son dos, la tête en bas, pour le jeter dans les flammes sortant de l'abîme, tandis qu'un autre, à face horrible, lui tire une langue démesu­rée. Un troisième, 28 l'ayant sans doute entendu demander une gout­te d'eau à Lazare, lui verse en ricanant de l'or fondu dans la gorge. Gra­cieux pendant à ces affreux tableaux, l'âme de Lazare monte vers le ciel emportée et encensée par les Anges.

Septième et dernière ligne. L'âme de Lazare repose dans le sein d'Abra­ham, superbe vieillard majestueusement assis sur un trône d'honneur, et de chaque côté l'encens fume toujours dans l'encensoir balancé par les Anges aux ailes déployées.

A la pointe de l'ogive, dans un petit médaillon, une main apparaît au­dessus de la scène, c'est la main de Dieu, proclamant, avec autorité, que le drame s'est accompli sous la majesté de sa toute-puissance.

Je voulais faire mon pèlerinage à Pellevoisin, je passai par Château­roux, où il y a le vieux château - Raoul du XIVe siècle qui domine pitto­resquement la rivière, et deux églises neuves bien réussies. L'église de St-André, par Dauvergne, est dans le style du XIIIe siècle; elle rappelle et surpasse St-Jean-Baptiste de Grenoble. Elle a deux tours avec flèches en pierre, trois nefs avec chapelles latérales et des tribunes sur les bas­côtés.

L'église Notre-Dame dans le style roman-auvergnat, avec un dôme surmonté d'une statue de la Vierge, est bien réussie aussi. Ces deux égli­ses ont de bons vitraux de Lobin de Tours.

Buzançais a également une église neuve gothique d'un bon style. J'ai dû prendre là une voiture, mais prochainement le chemin de fer sera ou­vert de Buzançais à Villefranche 30.

Je passai une bonne journée à Pellevoisin. J'y adressai la parole aux pèlerins de Lyon qui étaient venus avec M. le curé de St-Eucher. C'est une domestique des Comtes de la Rochefoucauld, qui a eu ici en 1876 des apparitions de la Sainte Vierge. Estelle Faguette avait 32 ans. Devenue malade chez ses maîtres à Paris, elle fut renvoyée à leur châ­teau de Poiriers près de Pellevoisin, puis à la maison qu'ils avaient à Pel­levoisin même et qui est maintenant le lieu du pèlerinage.

Elle était physique. Le 10 février 1876, le médecin ne lui donnait plus que quelques heures à vivre. Elle demanda des prières à N.-D. des Vic­toires et à N.-D. de Lourdes. Le mardi 15 la Sainte Vierge lui apparut et lui annonça sa guérison pour le samedi. Le vendredi soir elle était à tou­te extrémité. Le samedi matin 19 février, elle était réellement guérie. 31 Marie lui apparut 15 fois. Je ne rapporte pas le détail des apparitions ni toutes les paroles de Marie, mais quelques paroles seulement qui m'ont touché davantage: «Je suis toute miséricordieuse et maîtresse de mon Fils… A l'avenir, tâche d'être fidèle. Ne perds pas les grâces qui te sont données et publie ma gloire… Si tu veux me servir, sois simple et que tes actions répondent à tes paroles… Ce qui m'afflige le plus, c'est le manque de respect qu'on a pour mon Fils dans la sainte communion, et l'attitude de prière que l'on prend quand l'esprit est oc­cupé d'autre chose…».

Dans la 9e apparition, le 9 septembre, la Sainte Vierge lui montra le scapulaire du S.-Cœur et lui dit: «Depuis longtemps les trésors de mon fils sont ouverts, qu'ils prient… J'aime cette dévotion… C'est ici que je serai honorée».

A la 10e apparition, le 10 septembre, 32 les paroles de Marie sont importantes: «Je te tiendrai compte des efforts que tu as faits pour avoir le calme; ce n'est pas seulement pour toi que je le demande, mais aussi pour l'Eglise et pour la France. Dans l'Eglise il n'y a pas ce calme que je désire». Elle soupira et remua la tête en disant: «Il y a quelque chose». Elle ne me dit pas ce qu'il y avait, dit Estelle, mais je compris qu'il y avait quelque discorde. Puis elle reprit lentement: «Qu'ils prient et qu'ils aient confiance en moi». Ensuite la Sainte Vierge dit tristement: «Et la France! Que n'ai-je pas fait pour elle! Que d'avertissements, et pourtant encore, elle refuse d'entendre! Je ne peux plus retenir mon Fils». Elle paraissait émue en ajoutant: «La France souffrira». Elle ap­puya sur ces paroles. Puis elle s'arrêta encore 33 et reprit: «Courage et confiance».

A la dernière apparition, le 8 décembre, la Sainte Vierge rappela à Estelle toutes ses paroles et notamment celles-ci de juillet: «Le Cœur de mon Fils a tant d'amour pour le mien qu'il ne peut refuser mes deman­des. Par moi, il touchera les cœurs les plus endurcis. Je suis venue parti­culièrement pour la conversion des pécheurs». Elle lui promit des grâces pour le scapulaire du S.-Cœur: «Rien ne me sera plus agréable que de voir cette livrée sur chacun de mes enfants, et qu'ils s'appliqueront tous à réparer les outrages que mon Fils reçoit dans le sacrement de son amour. Vois les grâces que je répands sur ceux qui le porteront avec con­fiance et qui t'aideront à le propager». En disant ceci la Sainte Vierge étendit ses mains; il en 34 tombait une pluie abondante, et dans cha­cune de ces gouttes, Estelle voyait les grâces écrites telles que: piété, sa­lut, confiance, conversion, santé, … Puis la Sainte Vierge ajouta: «Ces grâces sont de mon Fils; je les prends dans son Cœur; il ne peut me refu­ser».

Tout se résume dans le règne du Cœur de Jésus par l'intercession de Marie.

C'est à la même époque, décembre 1876, que N.-S. m'inspirait de fonder notre œuvre, et je prenais comme habit religieux le scapulaire du S.-Cœur, sans connaître les révélations de Pellevoisin.

Il n'y a encore à Pellevoisin qu'un petit oratoire, à la chambre même des apparitions, dans la maison La Rochefoucauld, mais le pèlerinage se développera comme celui de Lourdes 35.

Je me suis entretenu quelques minutes avec la voyante, Estelle Fa­guette, qui m'a raconté sa récente audience du Pape, après laquelle le Saint-Père a approuvé le scapulaire.

Je suis heureux d'avoir fait ce pèlerinage.

Le 16 j'allai coucher à Montluçon, qui a un aspect de grande ville in­dustrielle. Le 17, je célébrai la messe à la vieille église de Notre-Dame, qui a quelques tableaux flamands, et j'allai coucher à Culoz. J'avais tra­versé après Montluçon les montagnes du Bourbonnais, qui ont souvent de beaux sites et de vastes horizons. Le 18, j'allai de Culoz à Turin avec de bons Pères capucins qui se rendaient au congrès.

Le 19, j'allai directement de Turin à Rome 36.

Le Bon Père Harmel arriva le lendemain avec sa famille. Je préparai vite mon discours sur l'Action nouvelle du Tiers-Ordre.

Le congrès du Tiers-Ordre se tint du 23 au 27: les commissions au sé­minaire de l'Apollinaire et les grandes réunions à St-André della Valle. Ce fut imposant comme démonstration. Le cardinal Vivès16) fut super­be, de science, de bonté, de piété. Les deux courants de pastorale se fi­rent jour. Les capucins surtout sont généralement réfractaires. Je passai aux yeux de quelques uns pour un révolutionnaire, pour avoir donné à mon discours une tournure démocratique.

Incident curieux: le P. David Fleming voulait m'empêcher de citer dans mon discours la lettre du Pape au Ministre Général des Fran­ciscains, 37 sous le prétexte que cette lettre avait été retirée par le Pa­pe. Le cardinal Rampolla tombait des nues quand il apprit cela.

Nous prenions nos repas pendant le congrès à la salle des pèlerinages au Vatican. Tous les soirs quelque cardinal venait dîner avec nous et prenait la parole. Nous avons eu le card. Mathieu, le card. Ferrari, le card. Vincenzo Vannutelli, le card. Vivès. Nos pèlerins français étaient comme toujours ardents et enthousiastes.

Le card. Vivès nous rappela un beau texte où le Pape Grégoire IX, dans une lettre à St. Louis et à Blanche de Castille caractérise la France: «In tribus, quae appropriatione nominis tribus in Sancta Trinitate Per­sonis attributa noscuntur, potentia, sapientia et benignitate, videlicet Regnum Francorum 38 ejusdem Sanctissimae Trinitatis imitando ve­stigium patet prae regnis anis a longis retro temporibus floruisse, in stre­nuitate militum potens, in clero litterarum scientia praedito sapiens, et in clementi Principum bonitate benignum; quorum medio si duo desti­tuantur extrema in vitia convertentur: quoniam potentia, nisi fuerit sa­pientia temperata, in praesumptionem luxuriat, se in arrogantiam extol­lendo: benignitas vero, si eadem suffulta non fuerit, in dissolutionem de­generat, et efficitur fatuitati cognata. Igitur sapientia necessaria est utri­que, sine qua neutra illarum nomen virtutis obtinet, vel effectum» (Lett. In tribus, 26 nov. 1229).

Mon discours a été reproduit par l'Univers et par diverses revues. Aux repas du soir, j'ai pris deux fois la parole 39.

Le 28, nous avons eu une belle audience avec la famille du Bon Père. Le card. Mathieu y assistait. Cette audience me laissera un souvenir ineffaçable. Le St.-Père ne me reconnaissait pas. Il me demanda qui j'étais. Je lui rappelais que j'étais le P. Dehon qui a donné des conféren­ces à Rome. Alors toute ma campagne de conférences sur ses directions lui revint à l'esprit, il m'avança sa main et me jeta un regard éclatant d'affection et d'encouragement. C'est la récompense de mon travail. Il nous parla aussi avec émotion de la France qu'il aime. «Si la France me comprenait, dit-il, elle verrait que je n'ai en vue que sa grandeur et que j'y puis travailler efficacement. Le Pape est puissant, sa parole attire les foules à Rome; son alliance est une grande force morale…» 40.

Hélas! les honnêtes gens se divisent en France et s'opiniâtrent dans les vieux partis, et pendant ce temps-là, les sectes prennent le dessus et con­duisent le pays à l'abîme.

Le mois d'octobre a été un mois de travail paisible et assidu. J'ai écrit le mois du S.-Cœur pour l'éditeur Klotz17). J'ai trouvé une grande jouis­sance et une grande édification dans ce travail. J'espère qu'il fera du bien. Si j'avais le temps, j'écrirais la Somme du S.-Cœur18), où je réuni­rais tout ce qui se rapporte à cette chère dévotion. J'ai déjà beaucoup de notes préparées pour cela.

M. Salembier de Lille est venu nous voir. Il nous a offert en hommage son livre fort bien fait sur le schisme d'Occident.

J'ai fait visite au card. Rampolla 41 pour lui parler du congrès de Bourges. J'ai vu aussi le card. Gotti, qui s'est montré bienveillant pour notre Congrégation.

Encore un bon mois de travail. J'écris le mois de Marie avec non moins de jouissances spirituelles que le mois du S.-Cœur. Ces deux mois me valent une longue retraite.

Nous commençons nos petites réunions d'études sociales le 27.

Il me vient des nouvelles douloureuses de Lille, de Fourdrain, de Lou­vain. La croix ne doit jamais manquer.

Le soir, après le repas, trop fatigué pour écrire, je lis pour connaître un peu la littérature contemporaine. Je parcours le Quo vadis de Sienkie­wicz, la Résurrection par Tolstoï. Quand nous nous réveillerons d'entre les morts par Ibsen, La Chine qui s'ouvre 42 par Pinon, Le disciple par Bourget, La conquête de l'Afrique par Darcy. Le livre de Sienkie­wicz a des pages sensuelles, mais tel qu'il est il fera un grand bien aux gens du monde. C'est en somme une belle apologie du christianisme, dont il fait ressortir les vertus en face des vices païens.

Tolstoï intéresse par le réalisme de son récit. Son livre est dangereux. Il vise à faire ressortir uniquement les défectuosités de l'organisation so­ciale surtout en Russie. C'est un livre pessimiste et nihiliste.

Ibsen a quelques belles descriptions mais c'est un rêveur. Il prétend imiter Shakespeare. Il semble poser des problèmes psychologiques dont la solution est introuvable.

Le livre de Bourget peut faire du bien, il montre que le disciple d'un 43 philosophe incroyant est entraîné à toutes les folies et à tous les excès.

Pour la fin de ce mois, Léon XIII a eu une très bonne pensée. Il a vou­lu, au commencement de l'année scolaire, bénir tous ses petits enfants, écoliers, étudiants, membres des patronages. St-Pierre se remplit d'en­fants et de jeunes gens, garçons d'un côté et filles de l'autre. Le vénéra­ble patriarche apparut sur sa Sedia. Les enfants l'acclamèrent avec fré­nésie. Il souriait et une larme mouillait ses paupières. Il bénissait avec tendresse, puis on pria un peu avec lui et il remonta dans sa solitude. Tels les patriarches des anciens jours.

Léon XIII fait beaucoup pour la jeunesse. Il a voulu multiplier les écoles catholiques et les patronages à Rome. C'était urgent 44.

Le jubilé touche à sa fin. Le 4 j'assiste encore à St-Pierre à l'audience des pèlerins du Latium. Mon neveu et ma nièce19) étaient avec moi. Voi­là environ soixante dix fois que le Pape descend à St-Pierre cette année.

Les conditions du jubilé sont facilitées. Quatre messes à Ste-Marie­Majeure et deux visites aux autres basiliques suffisent. De même quatre visites aux grandes reliques exposées à St-Pierre et une visite aux basili­ques. Je profite de ces concessions et je fais encore deux fois le jubilé.

Le 24, c'est la clôture. J'assiste à la clôture de la Porte Sainte comme j'ai assisté à son ouverture. Les pèlerins abondent. La cérémonie est im­posante et touchante. Le Pape donne encore aux assistants une indul­gence en forme de jubilé. Puissè-je avoir effacé cette année toutes mes dettes spirituelles! 45.

Nous avons eu dans ce mois deux réunions d'études sociales, le 4 et le 19. Nous étudions le mouvement social chrétien en Italie depuis l'Ency­clique: doctrines, œuvres, législation. J'ai assez de peine à trouver des renseignements.

Mon mois du S.-Cœur s'imprime, je corrige les épreuves. Le P. Lépi­di me donne l'imprimatur. Je corrige aussi les épreuves de mes confé­rences sociales de Rome, qui vont paraître en volume.

Ce sont des travaux un peu superficiels, mais mon temps est tellement pris par ma correspondance. Du 15 décembre au 15 janvier surtout, les lettres se multiplient. Je tâche de faire un peu de bien en exprimant dans toutes mes lettres des pensées de foi 46.

Mon neveu et ma nièce sont venus me voir. Leur voyage avait un but diplomatique. La princesse Clémentine les a envoyés pour préparer, s'il est possible, la réconciliation du prince Ferdinand de Bulgarie avec l'Eglise. C'est une négociation délicate et difficile. Le Prince n'est pas disposé à abdiquer ni à faire une réparation publique. Le card. Rampol­la ne nous donne pas grand espoir. Mon neveu et ma nièce profitent de leur voyage pour gagner le jubilé.

La princesse Clémentine vient elle-même le 20 avec un de ses fils, le prince Philippe. Deux fois je vais les voir à l'hôtel de Russie. Je m'occu­pe de leur faire avoir l'audience. Ils voient le Pape. Ils sont reçus avec les honneurs militaires. Le Pape se montre bon et affable, 47 mais il paraît intraitable sur la question du Prince Ferdinand. Il fallait, dit-il, faire comme la dynastie de Saxe et conserver la foi catholique dans la fa­mille régnante. Il est convenu cependant que je déposerai une instance au Saint-Office et nous verrons ce qu'on répondra.

La Princesse m'envoie de Vienne son portrait, en remerciement. Elle a voulu aussi gagner son jubilé. Je l'ai adressée à Mgr d'Armail­hac qui lui a donné les dispenses nécessaires.

A l'occasion des correspondances du nouvel an, je m'informe de ce que sont devenus quelques jeunes gens distingués que j'avais connus à Paris pendant mon droit. Madame Palustre20) me renseigne sur la plupart d'entre eux. Les de Puifferet sont morts: le 48 plus jeune des suites de ses blessures au siège de Paris; l'aîné, Charles, assez tristement, ayant reçu un coup de revolver. Il n'est cependant pas mort sur le coup et il a pu pendant quelques jours être soigné par sa pauvre mère. Louis Roze est à Tours, à la tête d'une fabrique de soieries. Il a six enfants, dont plu­sieurs sont mariés. - Desgardes habite à St-Gauthier où il a une jolie maison. Sa fille est religieuse. Son fils a étudié à Grignon. Son beau­frère Joustin a quitté Bourges pour se fixer à Paris où il a une fonction. Il a un fils ingénieur attaché à la construction des chemins de fer départe­mentaux. - De Souvigny, l'ami de cœur de Palustre, est prêtre et grand vicaire d'un évêque à Ceylan. René de Vaux s'est remarié à Pa­ris. De Monplanet, ancien inspecteur des 49 finances est à la tête d'af­faires financières. Il a deux fils. - Ernest Lenail est marié. Il dessine toujours. Il habite au Boul Montparnasse. - De Chamberet doit être encore avocat à Paris. Je ne sais ce que sont devenus de Goutepagnon et de Mirabol, anciens officiers des zouaves pontificaux.

J'ai laissé tomber toutes ces aimables relations, j'espère les retrouver au ciel 50.

XVI 1901

La préoccupation de tous dans ces premiers jours de janvier est de consacrer le siècle nouveau au S.-Cœur de Jésus. Nous sommes debout à la première heure du siècle, nous célébrons la messe de minuit et nous récitons les belles litanies du S.-Cœur.

Le jour de l'Epiphanie, le Saint-Père descend à la basilique de Saint­Pierre. Une foule immense l'entoure. On chante les litanies. Le Pape est hélas! aujourd'hui le seul roi qui adore parfaitement le Christ. Il offre au Christ l'hommage de l'Eglise entière. C'est un grand acte. Je suis heu­reux d'y avoir pris part et je me reproche de n'y avoir pas été assez fervent 52.

On m'invite à donner un des discours de la grande octave de la Propa­gation de la foi, à St.-André della Valle. J'ai entendu là en pareille cir­constance Mgr Pie, Mgr Mermillod, Mgr Berteaud, le P. Monsabré21). Que je suis peu de chose auprès d'eux.

Je parle de l'Eglise. N.-S. s'est plu à la représenter par la barque de Pierre. Deux fois la barque a passé par la tempête, mais deux fois aussi elle a vu la pêche miraculeuse. C'est l'histoire de l'Eglise, une alternati­ve d'épreuves et de succès. Pendant l'épreuve, Jésus s'éloigne ou dort, mais il veut quand même une confiance absolue. Nous sommes au mo­ment d'une tempête effrayante. La coalition de la synagogue, des Loges et du socialisme est maîtresse du monde. Prions et ayons confiance quand même… Modicae fidei, quare 53 dubitastis? Ubi est fides vestra?

Nous avons de bonnes réunions d'études sociales le 2 et le 15. Nous étudions le mouvement social en Italie. Certaines œuvres ont pris un grand développement. Les mutualités et les caisses de crédit sont innom­brables. - Pour la législation, c'est presque nul. Les catholiques n'ont point de part à la vie politique. Ils ne peuvent pas susciter comme en Bel­gique et en Allemagne tout un code de lois sociales.

Le fort de l'Italie, c'est la doctrine. Elle a gardé les principes et la mé­thode scolastique, et quand elle étudie une question, elle y met plus d'or­dre, plus de logique, plus de force qu'en aucune autre nation. Toniolo22) surtout a donné sur la vie sociale chrétienne des notions aussi solides qu'élevées 54.

L'encyclique Graves de communi est datée du 18 janvier, fête de la chaire de St. Pierre, elle a paru le 27, fête de la Sainte Famille. Elle confirme l'encyclique Rerum Novarum et consacre l'expression de Démocratie chré­tienne. On pouvait pressentir cette direction de l'encyclique. Je venais de publier mes conférences sur la Démocratie chrétienne et son programme23), je n'ai pas un iota à y changer.

Cette direction s'imposait. L'Eglise a toujours été l'amie des travail­leurs et des deshérités; mais dans les circonstances présentes, en face de la propagande socialiste, il était bon que l'Eglise affirmât de nouveau sa sollicitude pour les humbles et la marquât par un mot populaire comme celui de Démocratie chrétienne. C'est un trait de génie et d'énergie de Léon XIII 55.

Il écarte la question de la démocratie politique. De fait, l'Eglise est in­différente aux formes politiques de gouvernement. Ce sont là choses contingentes, qui dépendent des temps et des lieux. Mais elle n'est pas indifférente au souci des classes laborieuses. Elle est essentiellement dé­mocratique au point de vue économique.

Sur la meilleure forme de gouvernement, on peut consulter Bellarmin (de laïcis). Il cite les écrivains hébreux, grecs, latins: théologiens, philo­sophes, orateurs, hostoriens, poètes.

En soi et abstractivement ou théoriquement parlant, la monarchie paraît préférable. Elle a plus d'unité, plus d'ordre, plus de continuité. Philon citant Homère: Multos imperitare malum est, rex unicus esto. S. Athanase: Multitudo principum 56 efficit ut nullus princeps esse videatur: ubi autem princeps non est, ibi prorsus disturbatio nascitur. S. Jérôme: Unus impera­tor, Judex unus provinciae: Roma, ut condita est, simul habere duos fratres reges non potuit.

S. Thomas: Optimum regimen multitudinis est, ut regatur per unum, ut patet ex fine regiminis qui est pax: pax enim et unitas subditorum est finis regentis: unita­tis autem congruentior causa est unus quam multi.

Ex philosophis, Plato: Unius dominatio, bonis instructa legibus, gubernatio est optima.

Aristotelis (lib. VIII ethic. c. 105): Formarum regiminis optima regnum, pessima respublica est.

Sénèque: Optimis civitatis status sub rege justo est.

Plutarque (lib. de Monarchia): Si optio eligendi concessa fuerit, non aliud 57 eligat quam unius potestate.

Ex oratoribus, Isocrates: «calliston è monarchia».

Exemple divin: Dieu a créé la monarchie dans la famille.

Dans son peuple où les patriarches, les chefs, les juges et les rois eu­rent toujours l'autorité monarchique.

On objecte le reproche fait par Samuel (lib. I. Regum)24). Réponse: Dieu reproche aux juifs de ne plus vouloir de lui comme leur seul roi re­présenté par un juge, et de vouloir un roi indépendant de Dieu comme chez les autres peuples.

Mais S. Thomas fait bien remarquer que la monarchie absolue tombe facilement dans le despotisme et la tyrannie et, à cause de l'imperfection des hommes; il conclut que la meilleure forme de gouvernement est la monarchie tempérée d'aristocratie et de démocratie 58.

Il faudra donc que tous les peuples tendent à la monarchie? Nulle­ment. La monarchie est généralement préférable, mais la forme qui con­vient relativement le mieux, est celle qui répond le mieux au caractère, aux moeurs et à l'histoire de chaque peuple. Toute forme de gouverne­ment, pourvu qu'elle repose sur un titre juste, doit être réputée légitime et apte à procurer la félicité d'un peuple…

Quelques catholiques démocrates, comme Toniolo, Naudet25), Dabry26), disent que l'esprit chrétien conduit nécessairement à la république. Dire cela ne me paraît ni juste ni prudent.

Ce n'est pas prudent parce que c'est mettre tous les gouvernements en défiance contre les catholiques.

Ce n'est pas juste, parce que si l'amélioration constante de la classe des 59 travailleurs par l'Eglise amène nécessairement une certaine participation de cette classe à la vie politique et surtout à la vie commu­nale, elle n'exclut pas pour cela l'amour de la royauté, qui reste un sym­bole et un moyen d'unité, d'ordre, de paix sociale.

La féodalité était le rempart de la royauté. Elle détruite, la royauté est moins solide. Elle est seule en face du peuple. Elle ne se maintient qu'en devenant absolue et césarienne comme sous Louis XIV, ou bien en cé­dant l'autorité aux parlements, comme dans la plupart des Etats moder­nes; et c'est alors une république déguisée.

La république et la monarchie constitutionnelle sont sujettes à des cri­ses violentes d'anarchie populaire ou parlementaire. Le remède alors pour les républiques est une 60 dictature ou un césarisme au moins temporaire. Le remède pour une monarchie constitutionnelle est prévu dans la constitution autrichienne, c'est un article qui permet au souve­rain de gouverner temporairement sans les chambres.

J'ai entendu ces jours-ci l'oratorio de la Nativité et l'an dernier ceux de la Passion et de la Résurrection. C'est un progrès sur la musique ita­lienne courante qui est le sublime du rococo.

L'art italien en musique en est encore au point où en était l'art plasti­que au siècle dernier: style rococo ou style jésuite: surabondance de fiori­tures, de richesse, de contorsions. Je ne goûte en musique que le plain­chant, renouvelé par les bénédictins, ou la renaissance sobre et chrétienne 61 de Palestrina.

Perosi emprunte un peu à ces deux sources et aussi à l'harmonie alle­mande de Bach et même de Wagner; mais parfois il retombe dans la fio­riture italienne.

Il faudrait pour ces oratorios un livret composé par l'auteur pour indi­quer pas à pas ce qu'il a voulu rendre comme sentiments, comme effets, comme harmonies imitatives. Il est fatiguant d'avoir à chercher ses in­tentions et on en perd les trois-quarts.

J'avais depuis plusieurs années la pensée de faire honorer St. Irénée par l'église romaine et de faire mettre sa fête au bréviaire. Il y a six ans, j'avais prié Mgr l'archevêque de Lyon27) de prendre l'initiative d'une pé­tition au Saint-Siège. Il se contenta d'envoyer à la congrégation des rites une demande signée par lui et ses suffragants. C'était insuffisant. Il fal­lait une pétition nombreuse et internationale. Cette fois j'en pris l'initia­tive. J'envoyai à 600 évêques un modèle de supplique. Près de trois cents la signèrent et me la renvoyèrent. Beaucoup y joignaient leur carte ou un mot aimable. J'avais bien interprété le voeu de l'Eglise entière.

La cardinal archevêque de Lyon m'écrit: «Il y a six ans les évêques de la région universitaire du Sud-Est, réunis pour la rentrée des Facultés catholiques, signèrent une supplique analogue. Il nous fut répondu de Rome que pour obtenir la grâce demandée, il fallait réunir l'adhésion de l'épiscopat. C'est vous dire combien je suis touché 63 et heureux de votre initiative et avec quel empressement je signe la supplique. Ce sera une grande joie pour le diocèse de Lyon de voir honorer dans l'Eglise ce grand docteur et ce vaillant martyr.

Merci, M. le Supérieur, et que Dieu récompense votre zèle en vous com­blant de ses bénédictions. C'est le voeu de mon respectueux dévouement». Mgr l'archevêque de Cambrai28) m'écrit: «Cher Monsieur Dehon, vous avez eu une pensée d'or! et vous entreprenez une œuvre des plus édifiantes… Aussi n'hésitai je point à vous donner l'humble concours de ma signature. L'admirable pontife et docteur que fut St. Irénée a droit, de notre part, à recevoir tous les hommages possibles».

Mgr Mignot29): «Vous savez bien que je signerais des deux mains si je le pouvais. Il y a là une lacune à combler et un oubli à réparer. La place de St. Irénée 64 est aussi indiquée que celle de St. Justin, du vén. Bè­de et de la plupart des saints modernes…».

Mgr de Limoges30) et plusieurs autres me disent: «St. Irénée a déjà sa place dans notre propre diocèse, mais nous désirons avec vous que sa fê­te soit célébrée dans le monde entier».

Le pieux évêque d'Adria31) m'écrit en italien: «Je vous renvoie la sup­plique signée. Je fais des voeux pour qu'elle ait son plein effet. Je vous prie de demander pour moi à Dieu, par l'intercession du grand Saint au­quel vous êtes si dévot, tous les secours qui me sont nécessaires pour l'exercice de mon ministère et pour le salut de mon âme…».

J'ai lu le volume de l'abbé Maître (de Dijon) sur les devises des Papes et l'Apocalypse. Il revendique avec de 65 bons arguments l'authenti­cité de la prophétie de S. Malachie et il l'explique d'une manière ingé­nieuse. Il reste dix papes annoncés. Trois vivraient dans des temps de luttes et de persécution; les trois suivants dans une période de paix; trois autres avant la dernière crise avant Pierre II, le dernier Pape.

Il n'a connu qu'à la fin de son travail et il indique trop superficielle­ment l'opinion du P. Gallois et du P. Monsabré qui voient dans l'Apo­calypse une longue période de paix entre le temps de l'Antéchrist et la fin du monde.

Comme il s'agit de l'avenir, on ne peut faire que des hypothèses plus ou moins fondées.

J'ai lu aussi le volume de Jeanroy-Félix sur les Ecrivains célèbres de l'Europe contemporaine. Jeanroy-Félix 66 écrit beaucoup et se fait beaucoup imprimer. Il à déjà 6 ou 7 volumes d'histoire littéraire sur tou­tes les époques de la littérature française. Il nous montre qu'il a tout lu et tout analysé et qu'il a beaucoup noté. Il nous renseigne médiocrement et se fait beaucoup valoir. Parlez-lui d'une description, d'un sentiment, d'une situation dramatique, il vous dira comment vingt auteurs ont trai­té cela. Il n'a qu'à recourir à ses fiches. Il a des réflexions fines, des cita­tions heureuses, mais pas assez de méthode. Quand on l'a lu on ne sait pas bien ce que tel auteur a écrit et ce que cela vaut. Il exalte et il criti­que, il veut sans doute contenter un peu tout le monde.

Il parle de Carmen Silva, reine de Roumanie. J'y vois qu'elle a écrit des romans et des voyages; 67 qu'elle a beaucoup d'imitations, de ressou­venirs, de choses communes et sans relief, des sentences prétentieuses, et parfois de gracieuses descriptions et des pensées fines.

Il analyse quelques contes et nouvelles: Canzone tedesca, Sapho, Le Hêtre rouge, un livre de voyages, une comédie (Revenants et revenus), des poésies. En somme, la reine-poète est pessimiste en philosophie et superficielle en littérature. Ce n'est pas une gloire de premier ordre.

Ibsen, l'écrivain norvégien, s'est formé en remplissant les fonctions de régisseur du théâtre de Bergen et de directeur de celui de Christiania. Il a écrit des drames nombreux. Il peint avec réalisme, il aime à poser des problèmes psychologiques, la responsabilité morale, l'éducation, etc. Il ne résout rien 68 et n'a pas de doctrines positives. Cela convient au public contemporain. Il lui manque le fil conducteur, la foi. - Comme style, mélange de vulgarités, de descriptions heureuses, de situations dramatiques à la Shakespeare; peinture de caractères, d'âmes naïves et bonnes, de déséquilibrés et de névrosés; comme fond, problèmes psy­chologiques, genre Dumas fils, sans solutions.

Jeanroy-Felix dépeint ainsi en style moderne le chef-d'œuvre d'Ibsen, les Revenants. «Œuvre étrange, où (pour parler en style idoine) la verve ne s'élève pas d'un bond rapide dans une envolée matinale comme l'alouette de nos campagnes gauloises, mais où, morose, traversée de courants contradictoires, semée d'algues, extravase une eau striée d'écu­me et secoués par la furie tumultueuse des remous» 69. Si le chef-d'œuvre d'Ibsen est dans ce modern-style j'aime autant le laisser lire par d'autres…

Léon Tolstoï est aussi un moderne, il manque de traditions et de foi. Il incline à la métempsycose et goûte la morale de l'Evangile. Son style est du réalisme assez plat. Je regarde son œuvre comme malsaine. Ses romans dénigrent la société contemporaine, ce qui est facile. Ils ne pro­posent aucune réforme positive, ce qui exigerait des principes. De pa­reils livres fomentent le nihilisme et ne guérissent rien.

Rudyard Kipling, l'écrivain anglais est un tout jeune. Il est ne en 1865 à Bombey. Il est venu étudier un peu à Londres, et à 17 ans il devint rédac­teur d'un journal de Lahore, la Gazette civile et militaire. A 21 ans 70, il publie des Contes et gagne la faveur du public. Il a l'imagination orientale et il sait trouver la métaphore à effet, qui abonde dans ses phrases. Un exemple: c'était l'express du Sud, le rapide des millionnaires, rayé d'or et de nickel, qui jetait les kilomètres par dessus ses épaules, comme un rabot fait voler les copeaux d'une planche molle. «Il prend souvent ses héros parmi les bêtes, comme les vieux romans du Renard, et cela lui donne une originalité qui plaît aux Anglais. - Quel est, se demande Jeanroy-Félix, le secret du suc­cès de Kipling? C'est que nous sommes fatigués du roman et de ses innom­brables variétés: romans à thèses, romans à crimes, romans-nouvelles, ro­mans historiques, romans scientifiques, romans moralisateurs, romans sca­tologiques, etc, etc. 71. Il nous fait vivre dans la jungle. Ses animaux rap­pellent les héros d'Homère: l'éléphant Hathi a tous les traits de Nestor; Ba­gheera, la panthère, rappelle Ajax, fils de Télamon. Baloo l'ours argumen­tateur et de bon conseil serait Ulysse. Mowgli, le petit de l'homme, repré­sente assez correctement Astyanax. - D'autres ont vu dans ces animaux le symbole des nations modernes.

Le charme de Kipling, ce sont ses images saisissantes qui «secouent de fond en comble l'imagination la plus endormie». «Un train, vomi par un terminus, roula sur un pont de fer avec un bruit de tonnerre qui, pendant un instant, couvrit le sourd grondement des rues… «. «Sur le fleuve, un remor­queur beugla, en amenant des bateaux à quai…» etc, etc. Jeanroy-Félix compare à ces traits des images saisissantes de Victor 72 Hugo, de Lo­ti. - Kipling est chauvin, il célèbre la force et la richesse de la race anglo-saxonne. Il chante les succès des Américains aux Philippines et des Anglais au Transval??? Cela remplira son escarcelle. La poésie chez les Anglais n'empêche pas les affaires.

Nietsche, écrivain allemand, est un type caractéristique. La gloire des armées allemandes et le développement de la science allemande l'ont exalté jusqu'à lui faire perdre le bon sens. La force et la science sont ses idoles. Il a inventé cette folie, le Superhomme et formulé cette doctrine sauvage: la moralité consiste dans la force. Il lui a manqué un grain d'humilité pour reconnaître que la force et la science humaines sont su­jettes à bien des défections: omnia vandas 73.

Mommsen a accumulé de grands travaux historiques sur la Grèce et sur Rome. Il a fort déprimé Rome. Il est vrai qu'au point de vue littéraire et artistique elle est à cent lieues de la Grèce. Mais à (la) fin il a reconnu que si la Grèce est le type du développement humain et personnel, Rome est le type du développement national. La Grèce doit une bonne part de sa formation à son contact avec l'Orient.

Paraschos, Typaldos, poètes grecs modernes. La Grèce a encore ses poè­tes. Elle en a même plusieurs groupes avec des nuances de dialecte. Elle a l'école d'Athènes, celle d'Ionie, celle de Constantinople, celle d'Epire. Elle a les archaïsants et les modernisants. Mais il est peu probable que la langue grecque reprenne une véritable influence 74.

Pereda écrit des romans chrétiens en Espagne. Il charme par la simpli­cité et la grâce de ses récits. Le jésuite Coloma a un style coloré et une imagination féconde. Mais la vague du moment en Espagne est au libé­ral Perez Galdos qui sait flatter les haines de la franc-maçonnerie.

D'Annunzio en Italie a une grande fécondité. Il a lu les romans et les poésies de France et se les est assimilés. Son drame La Ville morte a été joué à Paris. L'action se passe à Mycènes. Le sens de la pièce est fatali­ste. Ce n'est pas encore d'Annunzio qui relèvera l'Italie.

On s'inquiète beaucoup de la transformation de l'apologie, mais n'a-t-elle pas dû de tout temps s'adapter à l'état des esprits qu'il fallait gagner?

De 1700 à 1850, le cartésianisme 75 a régné sur notre société. Son sy­stème était: la table rase, l'abstraction de la révélation et de la tradition; la pensée humaine se croyant capable d'atteindre toute la vérité. - On ne l'a pas assez combattu par la philosophie traditionnelle qui a pour point de départ et pour base les principes premiers, fondements de la rai­son humaine. La scolastique s'était compromise et discréditée par ses ar­guties exagérées.

Le positivisme est venu: (Taine, histoire de la littérature anglaise). Il admet l'influence fatale du milieu et détruit la libre pensée, l'individuali­sme intellectuel. Il demande l'unité de doctrine dans l'intérêt de la paix sociale. De bons esprits se sont alors demandé pourquoi on n'accepterait pas l'influence légitime de la tradition. En cela, le positivisme nous a rendu service. La libre-pensée 76 est aussi un dissolvant social. La so­ciété profite de l'unité de doctrine et de foi. - Pie IX et Auguste Comte32) demandaient la communauté de pensée, l'un au nom de la véri­té, l'autre au nom des faits positifs…

Le subjectivisme regarde seulement si le système proposé est cohérent et conforme à ses aspirations. Il faut lui exposer toute notre foi et lui mon­trer qu'elle satisfait les besoins de la pensée. Il n'accepterait pas nos ar­guments ordinaires de vera religione. C'est ainsi qu'Huysmans33) a été ga­gné par le dogme de la communion des saints. Brunetière34) est amené par le sentiment et le besoin de l'autorité religieuse.

Le panthéisme séduit beaucoup de jeunes gens. Il donne satisfaction à certains besoins de notre âme, à notre soif de Dieu. Mais le ca­tholicisme 77 bien compris satisfait à ce besoin en nous donnant la participation à la vie divine.

Socialisme. Nous différons de cette doctrine par le point de départ (phi­losophie matérialiste) et par le point d'arrivée (collectivisme); mais il veut comme nous une réaction contre l'individualisme et le libéralisme révolutionnaire. Il veut comme nous l'association, qui est naturelle à l'homme.

En résumé, nos lettrés d'aujourd'hui sont généralement subjectivistes ou positivistes. 1° Il faut leur montrer d'abord l'Eglise vivante, influen­te, bienfaisante (Vogüe35): Grandeur du pontificat romain et son action). (Blondel36): apologétique). 2° Convenances de la religion: le christiani­sme permet de comprendre l'homme, ses luttes intérieures, l'action de sa conscience. (Pascal37): Pensées) 78. 3° Etant donné Dieu, quelle est la théorie qui rend le mieux compte des rapports de l'homme avec Dieu? C'est le catholicisme, qui a maintenu la foi dans la rédemption par l'homme-Dieu, contre les hérésies anciennes (Arius, Nestorius, Euty­chès); et qui a maintenu la coopération de l'homme avec Dieu contre les hérésies sur la grâce (Pélagiens, jansénistes, protestants). Les uns exagé­raient la part de Dieu, les autres la part de l'homme. 4° Les dévotions qui étonnent, ne sont que des voies spéciales pour entrer en communica­tion avec Dieu…

Nous avons lu au réfectoire la vie de sr. Angélique de Talence. Elle nous a bien édifiés. Quelques communautés actuelles reproduisent la vie toute extraordinaire des grands monastères du moyen-âge. Ces âmes là 79 nous rachètent journellement et retardent ou atténuent les châti­ments divins.

Le mois se passe à écrire des correspondances et des notes. J'avais tant de choses en retard. Cet hiver passé paisiblement à Rome m'apporte de grandes grâces. La réflexion, la lecture spirituelle et la lecture des vies de saints me font reconnaître combien ces dernières années ont été défec­tueuses. J'en conçois une immense confusion et une profonde contrition. Je me suis trop répandu au dehors, j'ai agi trop fiévreusement, j'ai été trop sensuel. J'ai besoin d'une conversion entière pour retrouver l'union avec N.-S. telle que je l'ai possédée autrefois. J'aurais dû avancer, j'ai reculé. je ne puis rien sans un secours exceptionnel de la grâce. je le de­mande humblement à N.-S. par l'intercession de Marie et de tous les saints qui portent un intérêt spécial à notre œuvre 80.

Nous avons eu de petites réunions sociales intéressantes le 5 et le 19. Le 5, c'est le P. Biederlack38) qui nous a parlé de Bernstein39) et de l'évo­lution du socialisme en Allemagne. Le 19, c'est le P. Janssens40) qui nous a exposé la genèse et la force respective des partis en Belgique.

La croix ne doit pas manquer dans notre vie d'oblation. Il y a des épreuves qui pèsent longtemps: les faiblesses personnelles, les dettes, les ingratitudes… Il y en a d'autres qui passent comme une flagellation. Ces jours-ci, le S.-Siège donne gain de cause contre nous à l'évêché de Car­thage et au déserteur, fiat! Ce n'est qu'une perte d'argent, unie cepen­dant à une humiliation, à une déconvenue41).

La Propagande nous refuse la Préfecture apostolique des Falls, tou­jours Fiat! Nous allons continuer à nos dépens la rude mission, avec l'espoir d'être 81 mieux aidés plus tard42).

Je lis le manuscrit de la vie de Mère Véronique, fondatrice des Victi­mes du S.-Cœur43). Cette sainte âme a mené une vie toute remplie d'im­molations et de grâces extraordinaires. C'est une nouvelle Marguerite-­Marie, une victime du Cœur de Jésus pour le salut des âmes. Elle a prié pour nous. Elle avait préparé quelques âmes de prêtres qui sont venus à nous44). Son témoignage en faveur de notre œuvre à ses débuts m'encou­rage. Comme elle comprenait et aimait la croix! Comme je suis loin de cette perfection! Toutes les saintes victimes que N.-S. s'est choisies dans ce siècle nous sauveront.

Puissions-nous dans notre œuvre mieux répondre de jour en jour à notre but principal, qui est l'immolation pour le règne du Cœur de Jésus! 82.

Mgr l'archevêque de Bourges45) m'écrit une lettre fort bienveillante à propos de mon livre «La Rénovation». Il publie sa lettre dans sa semai­ne religieuse. Quelques autres bons témoignages me viennent au sujet de ce livre, puisse-t il faire quelque bien!

Mgr l'archevêque de Bourges est très peiné des lettres publiées par l'évêque d'Annecy46). Il me prie de porter la seconde lettre au card.

Gotti47). Je le fais. Le cardinal ne se prononce pas. Il me dit que si l'ar­chev. de Bourges veut donner suite à sa plainte il doit l'envoyer directe­ment au Saint-Père comme la première fois.

La polémique hardie et habile des réfractaires a fait impression à Ro­me. Les congrès ecclésiastiques paraissent compromis. Ce n'est pas un mal s'ils étaient remplacés par des synodes et conciles bien vivants et bien actifs 83.

J'ai lu dans ce mois toute l'œuvre de Dante dont je ne connaissais que des fragments. J'ai éprouvé quelque déception. C'est sûrement une œuvre très intéressante au point de vue religieux, historique, archéologique et littéraire. C'est le pendant de se que nous appelons les épopées artisti­ques du moyen-âge et de la Renaissance, les vitraux de nos cathédrales, les sculptures de nos portails, les peintures de la basilique d'Assise, du Campo Santo de Pise, des appartements du Vatican.

Au point de vue de la composition, la Divine Comédie ne peut pas être comparée à l'Iliade, à l'Odyssée, à l'Enéide. Dante a pris un chapi­tre d'Homère et de Virgile et il l'a développé en y mêlant l'idée chrétien­ne. Ce n'est pas une épopée 84.

Au début de son poème, Dante le donne comme un thème de retraite. Il est vrai qu'une lecture sur l'enfer, le purgatoire et le paradis pourrait servir de retraite, mais Dante y a mis trop de passion politique contre les Papes, les villes, les guelfes et une foule de contemporains.

Il y a aussi tant de ressouvenirs païens et de singulières invocations au dieu Apollon et aux Muses. Au Tasse était réservée l'heureuse pensée d'invoquer Marie, comme l'inspiratrice de la poésie chrétienne.

La Divine Comédie offre un grand intérêt comme résumé des con­naissances d'alors au point de vue de la philosophie, de la théologie, de l'astronomie et de l'histoire.

Je regrette que ce poème soit un livre classique par excellence de 85 tout l'enseignement italien, il est gibelin, il malmène les Papes, il a dû contribuer à fomenter et à entretenir la division des esprits en Italie. J'en donnerai une courte analyse.

I. Enfer.

I. Dante, au milieu de sa vie, se réveille dans une forêt profonde, sym­bole des vices contemporains et de ses propres faiblesses. Il rencontre trois bêtes fauves: la panthère (les passions sensuelles avec leurs élans et leur inconstance, ou l'inconstante Florence tachetée de factions); le lion (la passion de l'orgueil, ou la superbe maison de France); la louve (l'ava­rice ou la politique guelfe des Papes)… Virgile vient à lui pour le guider et lui annoncer que la louve sera vaincue par un lévrier (veltro); c'est l'annonce du triomphe de l'impérialisme 86.

II. Dante est inquiet de faire ce grand voyage, Virgile le rassure. C'est la Vierge Marie qui a pitié de lui. C'est sainte Lucie (symbole de la grâ­ce illuminatrice) qui lui envoie Virgile et Béatrix.

III. La porte: Lasciate ogni speranza, voi ch'entrate. Dans une sorte de parvis sont les neutres, les égoïstes, ceux qui n'ont pris parti ni pour ni contre Dieu; ils sont également repoussés par le ciel et par l'enfer. Ils sont nus, des essaims de guêpes les piquent partout, des vers sucent le sang de leurs blessures. Dante y place le Pape s. Célestin V, parce qu'il a abdiqué et permis ainsi l'élection de Boniface VIII, peu favorable à l'empire. Dante condamne donc un Pape qui a été ensuite canonisé et il laisse percer déjà sa haine contre Boniface VIII. Caron, ou un démon sous ce titre, fait passer l'Achéron à Dante et à Virgile 87.

IV. Ier cercle: les Limbes où sont reçus ceux que le baptême n'a pas introduits dans la vraie foi. Leur tristesse est d'avoir le désir de la vision de Dieu, sans en avoir l'espérance. - L'Eglise ne met aux Limbes que les enfants morts sans baptême. Dante a imaginé d'y mettre les païens honnêtes… Il y rencontre dès l'abord le groupe des poètes: Homère, Horace, Ovide, Lucain… Il décrit ensuite un château de la gloire avec sept enceintes, qui symbolisent les sept vertus morales et spéculatives: la justice, la force, la tempérance, la prudence, l'intelligence, la science, la sagesse; et les sept arts libéraux (trivium et quadrivium): grammaire, dia­lectique, rhétorique, arithmétique, musique, géométrie, astronomie.

Dante manifeste son érudition historique, il met là: Enée, Hector, Cé­sar, l'Amazone, Camille 88, Latinus, Brutus, Cornélie, Lucrèce, Mar­cia (femme de Caton), Julie (fille de César et femme de Pompée), Sala­din, Aristote, Socrate, Platon; Démocrite, Diogène, Zénon, Héraclite, Thalès, Anaxagore, Empédocle, Dioscoride, Orphée, Linus, Sénèque, Tullius, Euclide, Ptolémée, Galien, Avicenne, Hippocrate, Averroës.

Dante nous laisse ainsi connaître son érudition et ses préférences. V. Second cercle: Punition de l'amour sensuel. Minos changé en dé­mon y préside. Un éternel ouragan emporte et heurte ces damnés, qui ont cédé à la violence des passions.

Dante met là Sémiramis, Didon, Hélène, Paris, Achille, Tristan (amant adultère d'Yseult); Françoise de Rimini, et Paolo son beau-frère.

VI. Troisième cercle: les gourmands 89. Ils gisent dans la vase et les ténèbres, et Cerbère les déchire de ses ongles.

VII. Quatrième cercle: les avares et les prodigues, divisés en deux bandes. Ils poussent en avant d'énormes fardeaux, les uns vers les au­tres, ils se heurtent et recommencent. - Dante y voit des clercs, des Pa­pes et des cardinaux.

Cinquième cercle: marais pestilentiel du Styx. Péché de la colère: les damnés luttent dans le marais et se déchirent les uns les autres.

VIII. Dante et Virgile passent le Styx et arrivent à la forteresse Dité.

IX. Les trois Erynnies (les Furies) et la Gorgone Méduse défendent la tour. Un ange vient ouvrir. Ils entrent dans le sixième cercle: plaine se­mée de tombes où sont enfermés les épicuriens et les hérésiarques, entas­sés par sectes dans différents tombeaux 90. Dante y rencontre quelques florentins, et l'empereur Frédéric, et le cardinal Ubaldini. Il y met aussi le Pape Anastase, qu'il confond avec l'empereur Anastase, partisan de Photin, eutychien.

XI. Il reste trois cercles pour la violence, la fraude et la trahison. Septième cercle: les violents se subdivisent en trois groupes:

1. Violence contre ses semblables, par meurtre, brigandage, etc.

2. Contre soi-même: suicide.

3. Contre Dieu: blasphèmes, péchés contre nature, usure (péché des gens de Cahors). L'usure va contre la nature de l'argent qui est de soi stérile; elle va aussi contre la loi divine du travail.

XII. Le passage est gardé par le Minotaure et les Centaures. Dante met là les tyrans: Alexandre de Phères, Denys de Sicile, Ezzelin 91 de Padoue; Obizzo, d'Este, marquis de Ferrare, Guy de Montfort, Attila, Pyrrhus, etc.

XIII. Viennent ensuite les violents contre eux-mêmes. Ils sont dans une sombre forêt; là habitent les Harpies. Dante y voit Pierre des Vi­gnes, chancelier de Frédéric II, etc.

XIV. Les violents contre Dieu et la nature. Dante décrit un désert brûlant où l'air est rempli de flocons de feu.

XV. Dante met là, pour les péchés contre nature, son maître Brunetto Latini (il est vrai qu'il fut guelfe); Priscien, grammairien du VI siècle (son livre était peut-être ennuyeux); le jurisconsulte François Accurse et l'évêque de Florence André de Mozzi.

XVI. Il y voit encore quelques florentins.

XVII. Région de la fraude - Huitième cercle. Le démon Géryon, image de la fraude (il a une tête d'homme et un corps de serpent) 92. Les damnés ont une bourse armoriée au cou. Dante y reconnaît le bla­son de plusieurs familles de Florence et de Padoue.

XVIII. Les Malebolge (fosses funestes). Neuf fosses. Les entremet­teurs, les séducteurs, les courtisanes. Plusieurs noms de Bologne.

XIX. Les simoniaques. Nicolas III. Boniface VIII y viendra, puis Clément V. Dante n'aime pas ces papes guelfes. Il a des rancunes de parti. Il est engoué aussi de la grandeur impériale.

Je m'étonne que les Italiens et même les Papes l'aient choisi pour au­teur classique.

XX. Les devins. Ils ont la tête retournée en arrière. Ils sont punis d'avoir trop voulu regarder l'avenir. Le châtiment est original. On y voit Tirésias (de Thèbes), Arons (cité dans la Pharsale de Lucain), Eury­pile, (compagnon de Chalcas), Michel Scotto 93, (astrologue de Frédé­ric II).

XXI. Baratterie (vénalité dans les fonctions publiques).

XXII. Dante signale les magistrats de Lucques. Il les met dans la poix bouillante.

XXIII. Les hypocrites. Ils portent de lourdes chapes de plomb. Quel­ques florentins. Caïphe étendu crucifié à terre. Anne et tous les juges du Sauveur: les autres damnés les foulent aux pieds.

XXIV. Les voleurs, harcelés par des serpents.

XXV. Encore les voleurs: quelques florentins de grandes maisons. In­vectives contre Pistoie.

XXVI. Invectives contre Florence. Punition de la ruse: Ulysse et Dio­mède.

XXVII. Guido de Montefeltro, devenu moine franciscain, et que Bo­niface VIII aurait employé pour tromper les Colonna à Palestrina?

XXVIII. Les schismatiques et les artisans de discorde. Ils sont mutilés et déchirés 94. Dante met là Mahomet et plusieurs italiens peu connus, puis Bertrand de Born, troubadour périgourdin, qui soutint Henri Plan­tagenet contre son père Henri II d'Angleterre.

XXIX. Les alchimistes. Dante ne croit pas à l'alchimie. Il signale Griffalino d'Arezzo. Invectives contre les Siennois, dont la vanité et la frivolité dépasseraient même celles des Français.

XXX. Plusieurs florentins: Maître Adam de Brescia, faux­monnayeur. La femme de Putiphar, menteuse - le grec Sinon, qui per­suada aux Troyens de faire entrer le cheval de bois.

XXXI. Les géants. - Nemrod - Ephialte, fils de Neptune, qui vou­lut escalader l'Olympe. - Antée.

XXXII. Neuvième et dernier cercle: les traîtres 95.

XXXIII. Ce cercle a quatre bandes:

1. La Caïne, caractérisée par le meurtrier d'Abel.

2. L'Anténore: c'est le nom du fondateur de Padoue, le troyen qui avait trahi sa patrie.

3. La Ptolémée. Ptolémée XII trahit et fit assassiner Pompée.

4. La Giudecca. Ces traîtres sont plongés dans la glace. Avec judas et Lucifer, on y voit Ganelon, le comte Ugolin, l'archevêque Roger de Pi­se, et même Brutus et Cassius. Dante, le césarien, est sévère pour ces dé­fenseurs de la liberté romaine.

II. Le Purgatoire

I. Dante invoque les Muses, en particulier la Muse dés chants épi­ques, Calliope, en lui rappelant le souvenir de ses victoires sur les Piéri­des. Dante n'a pas su trouver une invocation chrétienne 96.

Le Purgatoire est sur une montagne aux antipodes de l'Italie. Dante voit au ciel austral quatre belles étoiles, qui symbolisent les vertus cardi­nales. Caton d'Utique garde l'entrée du purgatoire. Comme Cicéron, Virgile et Lucain, Dante a un culte pour Caton d'Utique dont il a excusé le suicide.

II. Le grand jubilé de 1300 amène au purgatoire beaucoup d'âmes qui sans cela seraient allées en enfer. Dante montre ici sa foi et la grande im­pression que fit le jubilé de 1300.

III. Au parvis sont les âmes qui sont mortes en état de grâce, mais sous le coup de censures non relevées. Elles attendent là avant d'entrer un temps trente fois plus long que celui de leur excommunication. Dante signale Manfred, fils de Frédéric II.

IV. Plus haut, sur le plateau, sont 97 les âmes qui ont différé leur conversion. Elle font là une quarantaine égale à leurs retards.

V. Plus loin, ceux qui sont morts par violence mais qui ont eu le temps de se repentir. Dante cite quelques personnages contemporains.

VI. Autres personnages morts violemment, entre autre Pierre de la Brasse, chambellan de France. Dante exprime ici ses vues politiques. Il manque, dit-il, pour la paix de l'Italie, un César… Ceux qui lui de­vaient leur premier concours se sont faits ses ennemis. Les Habsbourg ont trop négligé cette partie de leur empire? Dante était impressionné par les divisions et les guerres locales qui régnaient en Italie. Il concevait un empire temporel universel à côté de l'empire spirituel des Papes.

VII. Dans un vallon fleuri, des âmes 98 chantent le Salve Regina du soir (comme dans les monastères). Ce sont celles à qui les préoccupa­tions trop grandes de la vie présente ont fait négliger une partie de leurs devoirs.

Dante signale Rodolphe de Habsbourg, qui pouvait guérir les plaies de l'Italie et ne l'a pas fait? - Ottocar II, roi de Bohême, qui refusa la couronne impériale - Philippe le hardi - Henri III de Champagne, roi de Navarre - Pierre III d'Aragon - Charles d'Anjou - Henri III d'Angleterre - le Marquis de Montferrat - Ceux qui étaient en guerre entre eux sont réconciliés là-bas.

Le Dante a donné une leçon de courage et d'activité aux princes.

VIII. A l'entrée du purgatoire, Dante aperçoit trois étoiles brillantes qui symbolisent les vertus théologales. Deux anges protègent l'entré du purgatoire contre les serpents 99.

IX. Dans son sommeil, Dante est porté jusqu'à l'entrée par sainte Lu­cie, symbole de la grâce.

La porte a trois degrés symboliques: blanc, noir et rouge: sincérité, re­pentir, charité. Le seuil en diamant exprime la solidité de l'Eglise.

Un ange vêtu de cendre symbolise le prêtre. Il a les deux clefs: clef d'argent, la science; clef d'or, l'autorité. Ces deux clefs expriment aussi l'autorité temporelle et l'autorité spirituelle du Pape.

L'ange avertit Dante de laver son visage, marqué encore du signe des péchés capitaux; il lui recommande ne se pas regarder en arrière. Le chant du Te Deum retentit au purgatoire.

X. Chemin raide et tortueux, symbole de la sanctification après la pé­nitence. Première terrasse ou corniche circulaire: expiation des péchés d'orgueil 100. Bas-reliefs représentent des exemples d'humilité: l'Ecce Ancilla - l'humilité de David dansant devant l'Arche - celle de Trajan qui accueillit une pauvre femme et lui rendit justice, (cet acte lui mérita, d'après une tradition du moyen-âge, d'être tiré de l'enfer après trois siè­cles à la prière de s. Grégoire le grand). Tous les pénitents orgueilleux sont tournés vers le sol sous une charge de pierres.

XI. Continuation de l'orgueil. A propos du miniaturiste Oderisi, Dante expose ses connaissances artistiques. Oderisi de Gubbio, dit-il, a été éclipsé par Franco de Bologne, comme Cimabuè par Giotto. Dante affirme que les âmes du Purgatoire prient pour les vivants, ce que cer­tains théologiens mettent en doute.

XII. Encore l'orgueil. Le pavé porte des dessins symboliques, où sont mêlés le sacré 101 et le profane. On y voit représentés les orgueilleux connus dans l'histoire et la légende: Lucifer, Briarée, Nemrod, Niobé, Saül, Arachné, Roboam. Les âmes qui sont là foulent aux pieds ces noms qui expriment l'orgueil et chantent le verset «Beati pauperes spiritu ».

XIII. Deuxième terrasse: l'envie. Les âmes sont vêtues d'un cilice et leurs paupières cousues d'un fil de fer pour les punir d'avoir regardé avec envie le bien d'autrui.

Des voix expriment les sentiments de charité et de solidarité opposés à l'envie. On entend le Vinum non habent prononcé par Marie à Cana. - Le conseil évangélique: aimez ceux qui vous font du mal - la parole de Pylade se livrant à la peine de mort pour son ami: je suis Oreste…

XIV. Dante dénigre Arezzo, Pie, Florence 102 et en cite quelques personnages.

XV. Troisième terrasse: la colère. Les anges chantent: Beati misericor­des - réjouis-toi, toi qui es vainqueur. Les ornements de la terrasse re­présentent: Marie dans ses doux reproches à Jésus retrouvé - Pisistrate calmant la colère de sa femme contre un jeune athemen qui a osé em­brasser sa fille - saint Etienne priant pour ses bourreaux.

XVI. Dante expose sa théorie sur l'influence des astres. Elle laisse, dit-­il subsister la liberté. Il décrit la corruption de la nature humaine et en conclut la nécessité de la monarchie centralisée dans l'empire universel.

Il reconnaît cependant que les pouvoirs temporels sont soumis au pou­voir spirituel en ce qui concerne la morale, mais il accuse les Papes d'usurper les deux pouvoirs.

XVII. Quatrième terrasse: la paresse. Explication des divers dérègle­ments de la nature humaine 103.

XVIII. Exemples contraires à la paresse, signalés par les anges: Marie court en hâte par les montagnes pour aider sa parente Elisabeth. - Cé­sar, pour subjuguer Ilerda, prend son vol, touche à Marseille et fond sur le rivage espagnol.

XIX. Cinquième terrasse: l'avarice. - Le Pape Adrien V (1276).

XX. Exemples opposés à l'avarice; la pauvreté de Marie à Bethléem. Le désintéressement de Fabricius dédaignant l'argent des Sannites et de Pyrrhus. - La largesse de s. Nicolas dotant les trois jeunes filles - Dans ce chant, Dante fait parler Hugues Capet qui décrie toute sa race, il accuse Charles d'Anjou d'avoir empoisonné s. Thomas d'Aquin. - Dante hait la famille d'Anjou et la France. - Il blâme avec raison Philippe-le-bel pour l'outrage infligé à Boniface VIII par les représen­tants du roi, Nogaret et Colonna 104.

XXI. Dante met ici le poète Stace qui aurait été converti par les apô­tres.

XXII. Il met aux Limbes, et les cite ici par diversion, plusieurs écri­vains latins et grecs et d'autres personnages historiques: Térence, Plau­te, Varron, Cecilius, Perse… Homère, Euripide, les tragiques Antiphon et Agathon - Simonide, le poète élègiaque - Antigone, la pieuse fille d'Oedipe - Deiphile et Argia, filles d'Adraste, roi d'Argos - Téthys, mère d'Achille - Daphné, fille du devin Térésias…

Exemples d'une vie sobre et frugale: la Vierge Marie - les femmes des Romains dans l'antiquité ne buvaient que de l'eau - Daniel - Jean-Baptiste.

XXIII. Sixième terrasse: la gourmandise. Une voix chante: Domine, labia mea aperies et os meum annuntiabit laudem tuam. Ces paroles rap­pellent que la bouche n'est pas seulement faite pour manger, mais aussi pour chanter les louanges de Dieu 105. Les pénitents de cette terrasse sont amaigris et souffrent de la faim et de la soif auprès d'un arbre aux fruits tentants.

XXIV. Dante met là le Pape Martin IV de Tours auquel il reproche un faible pour les truites au vin blanc du lac de Bolsena; il y met aussi l'archevêque Boniface de Ravenne qui offrait de grands repas.

XXV. Dante, pour expliquer comment les âmes souffrent des suppli­ces corporels expose ici la théorie du composé humain. L'âme séparée garde ses facultés végétative et sensitive et les applique à l'air dont elle s'entoure.

Septième terrasse: péchés d'impureté expié dans les flammes. Les an­ges chantent l'hymme Summa Deus Clementia des Matines du samedi. Exemples de pureté: la Vierge Marie - Sévérité de Diane envers une de ses nymphes qui céda aux tentations de l'amour. (Je n'aime guère ce rapprochement de la Vierge Marie et de Diane) 106.

XXVI. Des voix nomment Sodome et Gomorre, et Pasiphaé, mère du Minotaure, indiquent les deux sortes de fautes expiées en ce cercle.

XXVII-XXVIII. Région du Paradis terrestre. Description du fleuve Lethé dont les eaux procurent l'oubli des péchés et du fleuve Eunoé dont les eaux procurent le ressouvenir des bonnes œuvres.

XXIX. Char symbolique de l'Eglise. Dante tient à faire passer dans son poème toutes les notions symboliques qui avaient cours de son temps. Le char est traîné par un griffon qui représente les deux natures de Jésus-Christ. Il est accompagné de 24 vieillards, qui représentent les livres de l'Ancien Testament en comptant les grands prophètes pour un seul et les petits pour un seul. Quatre animaux représentent les quatre évangiles, d'autres vieillards représentent les écrivains des Actes et des Epîtres, s. Luc, s. Paul, etc. - Trois femmes d'un côté 107 et quatre de l'autre représentent les vertus.

XXX. Sur le char, Beatrix symbolise la théologie. Le char était là pour l'amener vers le Dante. Toute cette description est la présentation de Beatrix. Elle a un voile blanc, un manteau vert, une robe rouge: ces couleurs symbolisent la foi, l'espérance et la charité. - Chants sacrés et profanes: Veni sponsa de Libano… Manibus date filia plenis (de Virgile).

XXXI. Beatrix explique à Dante qu'il doit se repentir de ses fautes, et que sans ce moyen suprême de la grâce divine, le voyage aux enfers, il eût été perdu. Il boit au Lethé. Les sept nymphes ou vertus le couvrent de leurs bras. Il s'avance jusqu'au poitrail du Griffon. Beatrix contem­ple l'animal symbolique en arrêtant ses regards successivement à l'une et à l'autre nature.

XXXII. Le Griffon conduit le char vers 108 un arbre gigantesque, l'arbre paradisiaque qui représente l'humanité et Rome. L'arbre dessé­ché se couvre d'un feuillage entre le violet et le rose (le sang et l'eau du Cœur de Jésus). Le Griffon y attache le char (il attache l'Eglise à Rome).

Prophéties de Beatrix: Attaques contre le char par l'aigle (l'empire ro­main persécuteur); par le renard (les hérésies); par le dragon (Mahomet). L'aigle pacifié laisse ses plumes au char (donation de Con­stantin). Les plumes s'accroissent et défigurent le char (accroissement du pouvoir temporel).

Dante voit une courtisane sur le char et un géant à côté, c'est Boniface VIII et Philippe-le-bel; le géant fustige la prostituée et l'entraîne dans la forêt (la papauté à Avignon).

XXXIII. Prédictions. La papauté reviendra: Iterum modicum et videbitis me. L'aigle aura un héritier (élection de Henri VII 109 de Luxem­bourg). Ce chef immolera la courtisane et le géant, c'est-à-dire fera ces­ser l'influence de la France.

III. Le Paradis

I. A l'entrée de cette nouvelle carrière, Dante invoque l'inspiration di­vine d'Apollon; il demande au dieu cet accent qui le rendit vainqueur dans sa lutte contre le satyre Marsyas. - Etrange invocation pour un poème chrétien.

II. Les voilà dans la Lune… vague explication sur ses taches. Influen­ce différente des étoiles.

III. Là sont les âmes qui ne sont pas restées fidèles à leurs voeux ju­squ'au bout, comme Constance, fille du roi Roger, qui sortit du couvent pour épouser l'empereur Henri VI.

IV. Dante dit ici que les âmes glorieuses sont toutes dans l'empyrée. Il va cependant les décrire dans les planètes. C'est un 110 procédé sym­bolique pour expliquer leurs rangs inégaux?

V. Second ciel qui est celui de Mercure. Là les âmes ressemblent à des flambeaux.

VI. Justinien est là. Il rappelle les grands destins de Rome, d'Enée à Constantin. Dante conclut que c'est aller contre la Providence de substi­tuer la domination des lys (de la France) à celle de l'aigle. Dans cette sphère sont ceux qui ont trop visé à la gloire humaine en pratiquant la vertu.

VII. Beatrix explique l'économie de la rédemption, et aussi pourquoi les êtres sensibles et non intelligents se corrompent et meurent: c'est par­ce que leurs formes ne sont pas créées directement par Dieu comme l'âme humaine, mais qu'elles sont tirées des éléments où elles sont en puissance, par l'influence des astres 111??…

VIII. Troisième ciel: Vénus. - Là sont ceux qui ont cédé avant leur conversion aux amours humains. Dante y place Charles Martel de Hon­grie, fils de Charles le boiteux de Naples, qui lui parle de l'influence des astres sur les aptitudes et les vocations des hommes.

A mesure qu'il décrit le ciel, Dante place chacune des sphères sous la direction d'un choeur des Anges. Les anges président à la Lune, les ar­changes à Mercure, les Principautés à Vénus, les Puissances au Soleil, les Vertus à Mars, les Dominations à Jupiter, les Trônes à Saturne, les Chérubins aux Etoiles fixes, les Séraphins à l'Empyrée.

IX. Dante rencontre encore dans le ciel de Vénus: Cunizza, soeur du tyran Ezzelin de Vérone, qui lui parle du traître évêque 112 de Feltro qui a livré au gouverneur de Ferrare les conjurés réfugiés chez lui. Il ren­contre Foulques, évêque de Toulouse qui avait été auparavant un trou­badour dissolu… et Raab, la femme de mauvaise vie qui avait accueilli à Jéricho les envoyés des Hébreux.

X. Quatrième ciel: le soleil. Là sont les docteurs, plus brillants que l'astre lui-même: Thomas d'Aquin, le grand Albert, Gratien, Pierre Lom­bard, Denys l'aréopagite, Paul Orose (historien), Boèce, Isidore de Séville, Bède, Richard de S. Victor, Sigier de Brabant (docteur de Paris).

XI. S. Thomas décrit magnifiquement les vertus et l'œuvre de s. François.

XII. S. Bonaventure décrit à son tour l'œuvre de s. Dominique. Tous deux disent à Dante que les deux ordres sont relâchés.

Dante cite ensuite une seconde couronne 113 de docteurs: Hugues de s. Victor (philosophe mystique), Pierre Comestor (le mangeur de li­vres), Pierre Chrysostome, s. Anselme; Donat le grammairien, profes­seur de s. Jerôme; Raban Maur, abbé de Fulda, puis archevêque de Mayence au IX° siècle ; l'abbé Joachim de Flores.

XIII. Le cinquième nom, qui avait été laissé dans l'ombre au X° chant est celui de Salomon.

XIV-XV-XVI. Un des aïeux de Dante, Cacciaguida, lui parle lon­guement de Florence, de sa décadence morale, dûe à son accroissement, à sa richesse, au mélange des races.

XVII. Cacciaguida lui prédit la persécution et l'exil. Il blâme Bonifa­ce VIII et Clément V.

XVIII. Cinquième sphère: Mars. Esprits qui furent illustres sur la terre: Josu 114, judas Macchabée, Charlemagne, le paladin Roland, Guillaume, Renouard (deux paladins du cycle carolingien) Godefroy de Bouillon, Robert Guiscard.

Sixième sphère: Jupiter. Glorification de l'Aigle, de l'empire. Impre­cations contre ceux qui voilent son radieux éclat, contre les marchands du temple (Papes), qui fulminent les censures pour les lever ensuite à prix d'argent.

XIX. Dante interroge l'aigle et lui demande pourquoi la foi dans le Christ est une condition du salut, puisque beaucoup d'âmes justes n'ont pas pu l'avoir.

L'Aigle répond que l'absence de la foi prive de la vision béatifique mais non d'un bonheur relatif; que Dieu a d'ailleurs des moyens à lui d'amener les âmes honnêtes à la foi; que beaucoup d'âmes qui ont crié Christ, Christ! seront moins bien que des païens. Bien des rois chrétiens seront moins bien que ceux de Perse 115. Critique des souverains con­temporains.

XX. Rois glorifiés: David, Trajan, Ezechias, Constantin, Guillaume II de Sicile; le troyen Riphée (Enéide, liv II). Trajan à la prière de s. Grégoire le grand recommença l'épreuve de la vie? Riphée en récom­pense de sa justice reçut de Dieu la connaissance du Christ futur.

XXI. Septième ciel: Saturne. Les anachorètes et contemplatifs. Pierre Damien cardinal, fait la satire du luxe et du faste des prélats du temps.

XXII. S. Benoît, entouré de s. Macaire et de s. Romual fait la satire des moines du temps. Sa règle n'est plus que sur le papier. Ses monastè­res sont devenus des cavernes. La cagoule n'est plus qu'un sac enfariné.

XXIII. Huitième sphère: les étoiles fixes. Dante décrit là le Christ, la Vierge et les apôtres. Le jardin céleste fleurit sous les rayons du Christ. Marie est la rose du ciel 116. Les apôtres sont les lys dont les parfums conduisent au ciel. L'archange Gabriel renouvelle la salutation à Marie.

XXIV. Neuvième ciel: le Premier Mobile. S. Pierre examine Dante sur la foi.

Définition de la foi: substance des choses que nous espérons, argument des choses non apparentes.

Preuves de la foi: l'Ecriture, les miracles, la conversion du monde.

Objet de la foi: Dieu, la Trinité, la doctrine évangélique. La raison dé­montre l'existence de Dieu par les preuves qui lui sont propres, mais l'existence de Dieu est aussi l'objet de la foi.

XXV. S. Jacques examine Dante sur l'espérance. S. Jean l'examine sur l'amour. Dante n'admet pas la tradition qui place le corps de s. Jean au ciel.

XXVI. Examen sur la charité 117. Dante rencontre Adam et l'in­terroge sur le premier péché, la chronologie, la langue primitive.

XXVII. S. Pierre invective Boniface VIII et ses successeurs. Boniface VIII serait simoniaque. Les Gascons (Clément V) et les Cadurciens (Jean XXII) s'apprêtent à boire le sang de l'Eglise?? Dante espère que Rome et le monde seront bientôt sauvés par quelque nouveau Scipion (l'empereur)??

XXVIII. La lumière de Dieu: les neuf choeurs des anges.

XXIX. Beatrix donne des notions sur les anges, leur création, leur es­sence, leur chute. Invectives contre les faux scolastiques et les prédica­teurs subtiles et vaniteux. Dans leur capuchon niche le diable. En pro­mettant les indulgences, ils engraissent le troupeau de s. Antoine. Dante compare les moines au compagnon symbolique de s. Antoine 118.

XXX. Le ciel empyrée: ciel de la lumière intellectuelle, de l'amour et de la joie - Dante voit les deux milices du ciel, anges et saints, et ceux-ci apparaissent comme ils seront après la résurrection. - Splendide de­scription. C'est comme une rose aux mille rangs de feuilles. Dieu est au centre. Il y a encore dans les rangs la place d'un empereur, Henri de Lu­xembourg (Dante se montre ici flatteur et politicien!). - Clément V ira rejoindre en enfer le simoniaque Boniface VIII.

XXXI. S. Bernard conduit Dante à Marie, éblouissante de beauté.

XXXII. Cœur de Marie: Eve, Rachel, Rebecca, Judith, Ruth… Jean Baptiste, François, Benoît, Augustin - Adam, Pierre, Moïse. S. Jean, Ste Anne, Ste Lucie…

XXXIII. Prière de St. Bernard à Marie. Vue de la beauté divine et de la Trinité 119.

- J'ai lu Dante à la fois dans son texte et dans la traduction de M. de Margerie. C'était une bonne pensée de traduire Dante en vers, mais l'œuvre était difficile et le succès est souvent médiocre.

Dante a été un grand poète, quoiqu'il n'égale à mon avis ni Homère ni Virgile. Il a cependant sur eux l'avantage de la vérité révélée et des sentiments élevés de l'esprit chrétien. Il affirme qu'il a voulu faire une œuvre d'édification, elle est au moins très mêlée de sentiments passion­nés et mesquins.

Dans ce mois de mars, nous avons eu le 12 et le 27 des réunions d'étu­des sociales: échanges d'idées sur le mouvement social en Belgique et en Suisse. - Ces réunions d'hommes trop occupées d'ailleurs seront tou­jours très peu vivantes. Cependant les causeries du P. Janssens m'ont intéressé 120.

Les nouvelles qui me viennent de l'Institution St Jean sont assez cru­cifiantes. Le bon P. Delloue48) a peu d'action sur ses professeurs. Ceux-ci se négligent et se divisent entre eux. La chère maison de St Jean souffre et baisse plus qu'il ne faudrait.

Nous avons eu encore deux réunions d'études sociales, le 7 et le 17. Le bon avocat Burri prépare le compte-rendu de mes conférences dans la Rivista internazionale. Je fais quelques visites d'adieu.

J'achève de revoir la vie de la Mère Véronique. Son œuvre avait infini­ment de rapports avec celle de St. Quentin. - Comme nous, elle avançait à travers les contradictions. Tout semblait se briser dans ses mains et ce­pendant l'œuvre se maintenait. Elle disait: «Dieu a tout fait 121, je n'avais qu'à le laisser faire». Ses vertus me font rougir de ma faiblesse.

Elle préparait l'œuvre des prêtres-victimes du S.-Cœur. Elle résu­mait ainsi ses vues: Les Pères-Victimes du S.-Cœur s'efforceraient à l'intérieur, de se remplir de l'esprit de victime. Pour les œuvres exté­rieures, ils se dévoueraient à l'éducation des clercs et à la direction des communautés religieuses, et ils s'efforceraient de tendre la main à ceux de leurs frères assez malheureux pour s'être laissés déchoir de leur di­gnité.

Elle eut un échange de lettres avec moi en mai 187749). Voyant l'œuvre des prêtres échouer autour d'elle, elle avait dit à ses Soeurs: «Je prie N.-S. de faire naître cette œuvre quelqu'autre part dans des conditions meilleures. Veuillez prier avec moi». Quelques jours après elle leur dit 122: «Nos prières sont exaucées». Elle avait reçu une lettre de St.-Quentin.

Je partais le 27 pour la France. Je passai quelques heures à Florence. J'allai voir pour la première fois le beau palais Riccardi, qu'habitaient les Médicis au XVIe siècle. Les fresques de Benozzo-Gozzoli à la chapel­le sont de tout premier ordre, comme celles du Pérugin au Cambio de Pérouse, celles du Pinturicchio à la Libreria de Sienne.

Benozzo Gozzoli, élève du Beato Angelico a moins de grâce que son maître, mais il le dépasse pour le réalisme, la variété, la richesse des cou­leurs. Son adoration des Mages, où il fait figurer les Médicis est aussi sé­duisante que les belles œuvres de Raphaël. Il n'est pas assez connu 123.

Le 28, c'était dimanche, je montai aux jardins Boboli, d'où la vue sur Florence est si belle. Je ne comprends pas nos anciens rois de ne pas s'être fait bâtir une villa avec jardins à la butte Montmartre. Ils auraient vu au moins leur capitale. Mais la vallée brumeuse de la Seine et les toits fumeux de Paris n'auraient pas valu Florence.

Bonne soirée à Pise, dans ce coin enchanteur où s'élèvent les plus beaux joyaux de l'art chrétien.

Pise n'a pas connu ce que nous appelons le moyen-âge. Elle a passé di­rectement de la culture romaine à la première renaissance. Avec Venise, elle a été l'intermédiaire entre la civilisation de Byzance et le réveil de l'Occident.

La splendeur de Pise a duré trois 124 siècles, du XIe au XIVe. Elle s'est même prolongée, mais avec moins d'intensité jusqu'au XVIe siè­cle, sous la tutelle de Florence.

La cathédrale a été construite de 1063 à 1116; le baptistère de 1153 à 1278; le campanile de 1174 à 1350; le campo santo de 1188 à 1390. L'église S. Stefano est l'œuvre de Vasari à la fin du XVIe siècle.

Les XIIe, XIIIe et XIVe siècles ont été les grands siècles de Pise. Au Campo santo les œuvres de Benozzo Gozzoli sont très abîmées. Pour le bien apprécier, il faut le voir à Florence, au palais Riccardi.

La ville de Lucques est au point de vue historique et social extrême­ment intéressante. Elle est restée république indépendante jusqu'en 1799. Elle a eu, sous la forme républicaine 125, des siècles de paix, de prospérité, de vie chrétienne. De 1815 à 1847, elle eut pour ducs les Bourbons de Parme, les traités de 1815 ayant donné le duché de Parme à l'ex-impératrice Marie-Louise.

Lucques est restée chrétienne, laborieuse, prospère. Sa préfecture ita­lienne est en train de la gâter. Sa campagne est admirablement cultivée. Elle a encore des manufactures de laine et de soie. Le peuple y a gardé quelque chose de la distinction d'autrefois. Comme Pise et Florence, elle a eu son grand sculpteur, Matteo Civitali. Ses œuvres ont plus de grâce que celles de Donatello. Lucques a été aussi le principal champ d'action de fra Bartolomeo50).

Ses trois principales églises, le Duomo, St. Michele et San Frediano ont un grand cachet. Elles rivalisent avec les monuments de Pise et en imitent le style. San Michele ne le cède guère à la cathédrale de Pise.

Lucques est fière de sa précieuse relique, le Volto santo, le crucifix sculpté par Nicodème et apporté à Lucques en 782.

Je passai quelques heures à la Spezia et j'allai en barque visiter le port. On était encore sous l'influence de la visite de Toulon et comme français, je fus bien accueilli. On me permit de visiter un beau cuirassé. J'admirai ces tours mobiles, ces donjons aquatiques, qui tournent leurs cuirasses et leurs canons vers l'ennemi. La flotte italienne a quelques belles unités. Elle a toujours un ou deux cuirassés en construction. Mais les engins modernes se démodent vite et 127 l'Italie avec son modeste budget a bien de la peine à suivre les nations rivales.

Le 1er mai, j'étais à Gênes. Je montai encore à l'église de Carignano. C'est un pèlerinage, et puis, en haut de la coupole, il y a le plus merveil­leux panorama de Gênes et de son port.

Je fis en voiture le tour de la ville par les hauteurs, ce qu'on appelle la Via di Circonvallazione: quelle variété de vues sur tous les quartiers de Gênes, sur sa couronne de montagnes, sur son port si animé.

Je visitai le vieux palais Doria, coupé de ses jardins par la gare, et de­venu une maison de rapport. Les salons ont de belles fresques de Piérin del Vaga51) qui rappellent le talent de Raphaël 128. On y voit toute l'histoire de Jupiter. En nous faisant sortir du sens chrétien, l'humani­sme a préparé toutes les folies des sociétés modernes.

Au port, j'assistai au départ d'un grand navire allemand pour New­ York. Ces vaisseaux modernes sont énormes comme la basilique de St­-Pierre. Mais pourquoi les Italiens et les Français sont-ils devancés à Gê­nes par les compagnies allemandes de Hambourg? Les peuples latins ont besoin de revenir à l'esprit pratique et actif de leurs pères.

Je passe seulement. Nice est presque déserte. Les grands hôtels sont fermés. Avec nos facilités de locomotion, les familles opulentes devien­nent cosmopolites. Les unes font de longs séjours à la Corniche en 129 hiver, dans les beaux sites de la Suisse en été. D'autres vont d'hôtel en hôtel et visitent peu à peu les pays les plus enchanteurs. De là une certaine culture générale plus répandue, mais les vertus familiales y perdent notablement.

Les villes cosmopolites, Nice, Monaco, Vichy, Aix-les-Bains, St­Sébastien, Genêves, Lucerne, etc, sont comme des étapes que parcourt chaque année un marché interlope, une sorte de foire aux plaisirs. Ces villes se passent les mêmes marchands, souvent juifs, d'antiquités et de curiosités, de verreries et de dentelles de Venise, de bois sculptés de la Suisse et du Tyrol, de lames et autres bibelots de Tolède, etc, etc. Elles échangent leurs garçons d'hôtel, leurs coiffeurs, leurs femmes de cham­bre, leurs musiciens, leurs chanteurs et tout un monde qu'on ne nomme pas 130. Ce sont les foires du grand monde comme nos loges de fo­rains, nos marchands de pain d'épice et de vaisselle bariolée forment les foires des petites gens dans nos villes du Nord.

Je voulais voir surtout à Marseille les œuvres analogues à la nôtre, les œuvres de réparation au S.-Cœur de Jésus. Marseille en a deux et Villeneuve-les-Avignon une troisième.

Il y a à Marseille les Soeurs Victimes du S. -Cœur, fondées par le P. Jean de sainte mémoire52). Elles habitent à la Traverse des Victimes, quartier S.-Charles ou de la Belle-de-Mai. Il y a aussi les Filles du Cœur de Jésus fondées par la Soeur Marie de Jésus Deluil53) et qui habitent au Boule­vard de l'Eglise, quartier du Prado.

Les deux communautés sont pieuses 131, intéressantes, édifiantes. Il y a cependant un grand contraste. Les premières ont la simplicité du XIIIe siècle, l'austérité du costume et du monastère; les secondes ont l'élégant costume et le couvent modernisé des communautés récentes. Des deux côtés j'ai reçu un bon accueil et j'ai trouvé des âmes genereu­ses, ardentes et dévouées à N.-Seigneur.

Les Soeurs Victimes possèdent le corps du P. Jean, mort en odeur de sainteté. Elles propagent la vie du P. Jean, ses pieuses maximes sacerdo­tales et la vie de leur pieuse fondatrice. Elles n'ont pas essaimé. Elles sont pauvres. Que vont-elles devenir dans la tourmente actuelle?

Les Filles du Cœur de Jésus occupent un ancien pensionnat d'Ursuli­nes, au quartier du Prado. Elles se 132 recrutent facilement et doivent être à l'aise. Elles ont une si belle maison à Anvers et une autre à Turin. Elles propagent la vie de leur fondatrice, assassinée par un jardinier54). Elles ont une sorte de tiers-ordre et un scapulaire autorisé.

J'aime beaucoup la devise des Victimes: Una cum Xo (Christo) hostia, unum cor. Leur autel majeur a un beau tableau représentant le S.-Cœur entouré de ses saints les plus chers: St. Jean, St. Augustin, St. Bernard, Marguerite-Marie, Ste Thérèse.

J'aimerais à passer quelques jours à Avignon, il y a là tant de souve­nirs! La cathédrale, l'église des Doms (des rochers, en langue celtique) attribue sa fondation à Ste Marthe et à St. Rufus, fils de Simon de Cyrè­ne. La Vierge des Doms a toujours été une des plus vénérées 133 de la France. L'église St.-Agricol possède le corps de ce saint. Celle de St.-Didier possède les reliques de St. Bénezet et de St. Pierre de Luxem­bourg. La chapelle des pénitents gris garde le souvenir d'un grand mira­cle du St. Sacrement.

J'irais aussi à Apt, où se garde le corps de Ste Anne; à Carpentras où l'on vénère le saint mors formé par un clou de la Croix du Sauveur.

Dans ce voyage rapide je ne m'arrêtai qu'à Villeneuve-les-Avignon. La petite ville de Villeneuve a de vieux souvenirs et quelques monu­ments. Elle était si près d'Avignon! Son fort a été construit par Philippe­le-Bel, qui se défiait des Papes. Les chartreux y avaient bâti leur 134 grand monastère du Val de bénédiction, dans les ruines du­quel est comme tapie aujourd'hui une partie de la population de Ville­neuve qui parait assez grossière et sauvage.

Villeneuve avait aussi des Récollets et des bénédictins. Quelques vieux hôtels ont été habités par des cardinaux. La chapelle de l'hôpital possède le beau tombeau de Innocent VI, une merveille de l'art ogival le plus délicat. L'église paroissiale et le musée ont des tableaux de Mi­gnard, de Parrocel, de Greuze et quelques primitifs, notamment une Trinité qu'on attribue au roi René.

Mais ce qui m'attirait, c'était le couvent des Victimes du S.-Cœur55), campé sur la colline, entre les hautes murailles du fort, là où vécut St. Pons, abbé bénédictin 135, et où repose sainte Cazarie, patrone du pays. La Mère Véronique, de sainte mémoire, a établi là son œuvre, quelle avait commencée à Lyon et aux Avenières.

Je passai la nuit chez l'aumônier pour célébrer la messe le lendemain dans la chapelle de ces saintes filles.

Je vis la Mère supérieure qu'une longue maladie retenait au lit. Je passe là quelques heures bien édifiantes et je promets une préface pour la vie de la sainte fondatrice.

Je m'arrête aussi à Dijon pour voir le bon abbé Chanlon, qui nous avait écrit pour nous demander de l'aider à son œuvre de Domois. Je le trouve à la campagne à Domois, au milieu de ses orphelins. C'est di­manche, j'assiste à la messe chantée. J'ai dit la messe le matin à St­-Bénigne 136. L'œuvre est très intéressante. La messe rappelle celles de nos écoles apostoliques: nombreux enfants de choeur, chants des en­fants, sermon du directeur.

Je dîne là. Je vois aussi la Mère supérieure des religieuses. Tout est entendu. Je donnerai un prêtre pour faire commencer les études à quel­ques apostoliques. J'enverrai aussi mes étudiants de licence à la maison de Dijon, près de l'Université.

Dijon, la vieille capitale de la Bourgogne, ne le cède pas aux villes d'Italie pour tout ce qu'elle a d'intéressant. Sa cathédrale ne vaut pas celles du Nord, elle a cependant un grand air, surtout à l'intérieur. L'église Notre-Dame avec ses arcatures extérieures rappelle l'art gra­cieux de Pise. Les tombeaux des ducs de Bourgogne nous montrent une renaissance qui peut 137 rivaliser avec celle de Florence.

Je passai six jours à Paris. J'avais à faire quelques visites de famille. Chez M. Lorin56), je rencontrai le Nonce57) et Judet du Petit journal. On y parla des réfractaires et ce ne fut pas pour les canoniser.

J'ai fait plusieurs visites au Salon. L'exposition spéciale de Tissot m'a bien intéressé. Il donne des études sur l'Ancien Testament d'après un voyage en Terre Sainte. Ce ne sont que des études, des croquis, mais combien cela aide à comprendre les moeurs de l'Orient! Avec ses études précédentes, Tissot a composé cette merveilleuse illustration des Evangi­les qui est une des plus belles choses de notre temps. J'ai trouvé le ro­mancier Huysmans58) bien injuste dans ses critiques contre Tissot 138. Il le juge d'après ses ébauches et ses croquis sans remarquer combien il les a idéalisés dans le grand'œuvre qu'il a publié chez Mame.

L'ensemble du salon caractérise bien l'époque présente. Il y a abon­dance, facilité, richesse, mais pas d'inspiration élevée. Nous ne sommes pas à une époque héroïque, mais à une époque de satiété. Ceux qui veu­lent faire de l'effet cherchent l'étrange, l'inattendu, l'exagéré.

On revoit toujours volontiers l'école qui finit, l'école d'il y a vingt ans. Ces artistes reproduisent toujours des œuvres analogues à celles qui ont fait leur célébrité. C'est une satisfaction de les retrouver et de les reconnaître. Citons dans cette catégorie:

J. Breton: paysanne recueillant le foin; Edouard Detaille: Masséna 139, Bouguereau: amours; Chocarne-Moreau: Gamins (qui s'y frotte s'y pique); Joseph Bail: intérieur avec cuivres (le repas des servantes en Hol­lande). Didier-Pouget: Bruyères et brumes; Henner: portraits et profils; Flaming: Portrait de magistrat et groupe de jeunes filles. Benjamin Con­stant: portrait du Pape; Humbert: portrait de marchand et groupe.

Quelques toiles ont un succès de popularité. Plusieurs d'entre elles s'inspirent de l'esprit démocratique contemporain, Rochegrosse a un triptyque pompeux, riche de couleurs et soigné dans ses détails.

Il représente la reine de Saba et Salomon. Jean Béraud nous a donné cette année le Christ à la colonne. Son intention est bonne, il veut repré­senter les avanies dont la société actuelle abreuve le Christ. Ses petits personnages sont soignés et expressifs 140, mais son boucher commu­nard est trop moderne.

Wencker: «Venez à moi». Le Christ communie de pauvres gens, femmes, infirmes, vieillards, enfants. Les têtes sont expressives. La fem­me qui communie est transfigurée par la piété.

Berges: la visite à l'usine après une soirée chez le directeur: contraste entre la classe qui jouit et celle qui travaille.

Les tableaux religieux sont assez nombreux. Quelques uns pourraient figurer au musée des horreurs, comme une Madeleine indécente et vul­gaire de Le Riche, un Christ dans une lumière verdâtre de Enders, un portrait du Pape par le juif Dreyfus-Gonzales, et parmi les sculptures un Sacré-Cœur par Arcos.

D'autres tableaux religieux sont acceptables, sans être merveil­leux 141, tels: la Jeanne d'Arc en prière de Paul-Hippolyte Flandrin, la Vierge de Boulogne de Tattegrain, la Procession de Simon, le Bénédi­cité de Désiré Lucas, les disciples d'Emmaüs de Duvent, une gracieuse Vierge par Lybaert. Celui-ci est un belge qui a soigné la Madone comme faisaient les Van Eyck. Le fond de son tableau représente le panorama de Gand. Bellan représente la chapelle de la Vierge à Séville, intérieur très soigné. Arlin nous a donné la fuite en Egypte, tableau à la fois réali­ste et gracieux. L'Eminence grise de Chartran n'est pas à proprement parler un tableau religieux, mais c'est une des meilleures œuvres du Sa­lon. Rien n'est plus expressif que cette causerie de Richelieu avec son conseiller intime.

Que dire de la sculpture? 142 Le Victor Hugo de Rodin est beau, mais pourquoi représenter nu le grand poète? Nous ne sommes plus au temps de Canova.

Il y a encore des œuvres patriotiques: le monument des Enfants du Gard par Antonin Mercié; le groupe «pour la Patrie» par Sicard; «Pour la liberté» par Lecomte du Nouy avec un gavroche qui meurt sur la barricade. «Chacun porte son faix» par Georges Recipon est une œuvre démocratique assez expressive. Derrière le Christ, tout un cortè­ge porte sa croix, riches et pauvres, guerriers et laboureurs.

Enfin le Salon a une délicieuse collection de petits objets d'art; verres, et ivoires, cuirs ciselés, étains, faïences, tentures de soie, poteries de grès. C'est le triomphe du bibelot 143 dans une société riche.

J'allai directement de Paris à Bruxelles et Anvers, pour le départ de nos missionnaires. Les Pères Philippe et Johannet et le f. Joseph59) s'em­barquaient le 16. Ils étaient tous trois bien disposés et généreux. Les bonnes Soeurs Missionnaires de Marie nous ont accueilli avec beaucoup d'hospitalité à Anvers. Elles nous ont offert la table et des chambres. El­les nous ont fait visiter leur bel établissement. C'est tout un monde. Des milliers d'enfants reçoivent là l'instruction primaire et professionnelle.

Le départ sur le quai est émouvant. Nous avons visité le bateau qui est confortable. Une foule immense encombrait le quai et la musique mili­taire atténuait la tristesse des adieux par ses notes joyeuses.

Puissent ces chers apôtres conquérir là-bas beaucoup d'âmes à Jésus­Christ 144.

Je fis une apparition à Bergen-op-Zoom. J'ai décrit mes impressions dans la Revue. C'est une gracieuse petite ville à quelques pas de la mer. Elle a fait un beau parc à la place de ses anciens remparts. Sa devise est un gracieux jeu de mot sur son nom: Periculis supersum. Il lui reste quelques vieux édifices fla­mands: sa grande église, une caserne et des débris de couvents.

Bergen est aux trois-quarts catholique. J'espère que notre province hollandaise prendra là son développement. Elle sera bénie si elle est fidè­le à notre vocation, qui exige une vraie vie religieuse, une grande pureté d'âme et un amour profond de Notre-Seigneur.

La foi est restée bien vivante chez les catholiques du Brabant. Nos Pè­res seront aidés par le milieu où ils sont appelés à vivre 145.

A Bruxelles, nos Pères sont tous à leurs projets de construction. La chapelle future est commencée. J'engage le P. Jeanroy60) à faire construi­re la maison en même temps. Il est temps que notre œuvre à Bruxelles prenne un cachet vraiment religieux.

Don Murri61); fait son tour d'Europe. Nous lui donnons l'hospitalité à Bruxelles. Avec lui, je vais voir le Nonce, Mgr di Belmonte62).

Nous voyons aussi un Père jésuite, le P. Van Langermersch qui est bien dans le courant démocratique chrétien. M. Woeste lui a fait la gra­cieuseté de demander son exclusion. Il a des œuvres superbes, notam­ment son grand syndicat de l'aiguille.

Nous avons visité aussi M. Renkin, le député. Il nous a parlé de la si­tuation des catholiques et en particulier 146 des démocrates chrétiens en Belgique. Ceux-ci ont été bien combattus. Cependant leurs idées ga­gnent du terrain. Il leur faut beaucoup d'abnégation et de fermeté pour rester fidèles à leur programme et pour le faire accepter peu à peu par les conservateurs. M. Renkin est un homme supérieur. Il a l'intelligence prompte et nette et il est un causeur séduisant.

Je conduisis M. Murri à Louvain et à Liège. A Louvain, nous avons visité le P. Vermeersch63) et le bon abbé Mellaerts. Le P. Vermeersch est un théoricien assez exact. Il comprend les directions pontificales.

L'abbé Mellaerts, dans sa simplicité est un homme admirable. Il a fondé et il dirige le Boerenbond, la grande association des cultivateurs chrétiens. Il restaure dans 147 l'agriculture belge l'union professionnelle. Son œuvre est une puissance politique et une providence temporelle.

Nous avons fait un bon séjour à Liège. Nous espérions voir M. Pottier64), mais il était à Spa. Nous avons reçu l'hospitalité au séminaire où M. Leroy et M. Lucas nous ont témoigné la plus grande amabilité.

Nous avons visité avec ces Messieurs les œuvres les plus intéressantes de Liège, notamment la maison des Salésiens et l'Ecole St-Luc. Les Sa­lésiens font beaucoup de bien. Ils enseignent divers métiers aux enfants et cultivent beaucoup de vocations. On ne trouve pas chez eux l'ordre admirable et l'extrême propreté qui règnent au pensionnat professionnel des filles à Louvain.

L'Ecole de St-Luc a une grande 148 importance. Les Frères y en­seignent surtout le dessin et préparent la voie aux vocations d'architec­tes, de peintres, de sculpteurs. Mais ce qui est excellent, c'est qu'ils choi­sissent leurs modèles avec goût et qu'ils font connaître à leurs élèves les œuvres des siècles chrétiens, du XIIIe au XVe siècle.

Nous fîmes demander si Mgr l'évêque65) pourrait nous recevoir, il s'empressa de nous inviter à dîner. Il devait mourir deux mois plus tard!

Il voyait bien clair à la situation de la France et de la Belgique et regret­tait amèrement qu'il n'y eût pas plus d'union dans l'épiscopat français pour nous diriger au milieu des difficultés présentes.

Je retournai par Mons où je trouvai aux archives de vieux documents sur les de Hon 149.

Mon petit neveu Jean66) n'avait pas pu faire sa 1ère communion avec ses camarades à l'Ascension. Il la fit le 9 juin, le jour de la fête-Dieu. Ses ca­marades la renouvelaient ce jour-là. Je fus invité à célébrer la messe et à prêcher. La chapelle était ornée, la famille était là. Mon petit Jean trou­vait donc là une solennité imposante propre à l'impressionner. J'ai trou­vé cependant qu'il n'était ni assez développé comme études ni assez pré­paré pour que la lère communion produisit sur lui un effet décisif. J'espe­re que Dieu lui ménagera d'autres grandes grâces dans sa vie.

On fait bien les choses à Stanislas. Je n'ai qu'à me louer du dévoue­ment des directeurs pour mes neveux67). Ce n'est cependant pas mon idéal comme maison d'éducation. Les enfants y sont trop nombreux pour être suivis de près par leurs maîtres. Ils se forment entre eux 150 ou se déforment. Ces grands pensionnats sont des inventions détestables. Les siècles chrétiens avaient de petits collèges qui abritaient peu d'élèves, ou bien les enfants étaient confiés à des familles dans des villes universitaires. Les grands pensionnats sont des institutions contre nature.

Le lendemain de cette cérémonie, je partais pour Vichy avec mon frère68). J'y passai trois semaines.

Vichy est vraiment dans un joli site, sur les bords de l'Allier qui prend l'aspect d'un lac grâce à un barrage ingénieux. C'est, dit-on, la princi­pale ville d'eaux de l'Europe, il y passe 60.000 baigneurs par an.

Les Romains la connaissaient déjà et l'appelaient Vicus calidus. Ses eaux rentrèrent en faveur au XVIIe siècle lorsque Madame de Sévigné69) les signala dans ses lettres à la cour de Louis XIV 151. Le premier em­pire fit planter le vieux parc, qui a des arbres superbes. Le second empi­re a mis les eaux en pleine vogue. L'empereur y alla plusieurs fois. L'Etat acheta les sources, fit bâtir le casino et aménagea le nouveau parc en écartant et contenant l'Allier par des digues. Mais ce que l'Empire a fait de mieux, c'est de faire construire la belle église de St-Louis, grande église romane, très fréquentée par les baigneurs. Vichy a maintenant quinze mille âmes. Vichy pendant la saison donne bien l'idée de la ville cosmopolite moderne. C'est une ville d'hôtels. Elle a de 12.000 à 15.000 étrangers à la fois, que les Vichyssois appellent les «buveurs d'eau». Il y a là beaucoup de français sans doute, mais aussi des étrangers de toutes les nations: Anglais, Allemands, Américains du Nord et du Sud. Il y a des malades 152 sérieux, il y a aussi des malades imaginaires et puis tout un monde cosmopolite qui va là pour s'amuser et jouer, comme on va à Nice, à Cannes, à Monaco.

Il y a aussi tout un monde de commerçants qui se transporte de la Pro­vence à Vichy: des hôteliers, des coiffeurs, des marchands de lames de Tolède, de cristaux de Bohême, fourrures de Russie, de bois sculptés du Tyrol, de musiciens, de chanteuses, etc, etc. Une nuée de personnes su­spectes s'abat sur Vichy vers la fin de juin, à l'époque du concours hippi­que.

On y joue beaucoup, notamment aux Petits-Chevaux et au baccarat, au casino, au cercle international, à l'Eden et ailleurs encore.

En somme, c'est pour un prêtre un séjour plutôt pénible et souvent écœurant. Beaucoup de prêtres y viennent cependant pour leur santé 153. Il y en a quelquefois 50 à 60 en même temps. Les Rédemp­toristes et les Pères d'Issoudun ont là de modestes établissements. La vil­le, qui doit tout à l'empire, est socialiste.

Il y a d'assez jolies excursions. Le château de Bourbon-Busset avec ses grosses tours a un bon aspect XIVe siècle. Il jouit d'une vue superbe sur la vallée de l'Allier, la Limagne et le Mont Dore.

Le château de Randan a été reconstruit en 1822 dans le style Henri IV, par Mme Adélaïde d'Orléans. Il est habité per la Comtesse de Paris et son jeune fils.

La vieille ville auvergnate de Thiers m'a bien intéressé, avec son site pittoresque, ses maisons du Moyen-âge et ses ateliers de coutellerie qui en sont encore aux procédés de Tubalcaïn 154.

J'avais des loisirs, je lus sous les beaux ombrages du Parc un livre écrit pour exciter les jeunes gens à l'action sociale, «Les lettres d'un militant». C'est un petit roman chrétien très suggestif, qu'il faut faire li­re à notre jeunesse contemporaine pour secouer son apathie.

Je quittai Vichy avec plaisir, persuadé que ces trois semaines de repos m'avaient fait plus de bien que les eaux elles-mêmes.

A mon passage à Paris, j'avais assisté par hasard à St.-Sulpice à un mariage mondain, très mondain. Jacques Richepin, le fils du poète70), épousait Cora Laparcerie, une actrice. Celle-ci avait voulu un mariage à l'église, est-ce conviction sincère ou instinct poétique, Dieu le sait.

L'assistance donnait bien l'idée de ce qu'on appelle «le monde». Elle 155 comprenait de nobles ducs et barons, des écrivains, des ac­teurs et des juifs du haut commerce ou de la presse.

Les ducs de Audifret-Pasquier et de Montesquieu-Fezonsac étaient là, avec le baron de Boissy d'Anglas, Madame de Saint-Arroman et d'au­tres personnes titrées. L'Académie était représentée par de Heredia, Hervien, Faguet, Victorien Sardou; le théâtre par Coquelin, Gilberte, Réjane, Otero, etc. Israël avait envoyé Akar, Berr, Kahn, Arthur Meyer, Weill et bien d'autres.

Une partie de la noblesse française en est là, elle fréquente le monde de la bourse, de la presse et du théâtre. Elle a perdu contact avec le peu­ple, elle ne lui rend plus service, elle n'en est plus ni connue, ni aimée. Que représentent d'ailleurs ces titres qui ne correspondent plus ni à un fief, ni à une terre 156, ni à quelque service féodal ou national que ce soit! Le peuple n'y voit plus qu'un hochet qui rappelle plus sensiblement les abus du XVIIIe siècle que l'héroïsme de la chevalerie et des croisades 157 158.

159

1. 3 juillet 1900. Paris - Exposition

1. L'art français

13. Congrès démocratique

14. Congrès des Caisses rurales

15. Fayet - Bruxelles

16. La Capelle - Luxembourg

17. Le Val

18. Retraite

20. Congrès de Bourges

29. Chateauroux - Pellevoisin

35. Montluçon et voyage

36. Rome - Congrès franciscain

39. Audience

40. Octobre - novembre: travail

43. Audience de la jeunesse ca­tholique

44. Décembre - Jubilé - Etudes

46-. Bulgarie

47. Vieilles relations

160

51. Hommages au S.-Cœur

52. Discours à St-André

53. Etudes sociales

54. Encyclique: Graves de com­muni

55. Question politique

60. Perosi

61. St. Irenée

64. Lectures

74. Apologie moderne

78. Sœur Angelique

79. Février: réunions sociales

80. Croix

81. Sœur Véronique

82. Mgr. l'archevêque de Bour­ges

83. Dante

119. Réunions

120. Avril - St Jean - Sœur Vé­ronique

122. Voyage - Florence

123. Pise

124. Lucques

126. La Spezia

127. Mai - Gênes

128. Nice

130. Marseille

132. Avignon

133. Villeneuve

135. Dijon

137. Paris

137. Le Salon

143. Anvers: départ de mission­naires

144. Bergen-op-Zoom

145. Bruxelles

146. Louvain

147. Liège

149. Collège Stanislas

150. Vichy

154. Mariage mondain


1)
David (Louis: 1748-1825), célèbre peintre français, né a Paris, conventionnel. Pendant la Révolution, la dictature des arte, lui fut confiée. Sous l’Empire, il fut le peintre de Napoléon. Par la pureté classique de son dessin, il a réagi contre le maniéri­sme du XVIIIe siècle.
2)
Pradier (James: 1794-1852), sculpteur français, né à Genève, auteur des deux Mu­ses de la fontaine Molière à Paris. Artist très habile, gracieux et délicat.
3)
Durand (Louis), né le 15 oct. 1859, mort le 16 oct. 1916. Avocat à la cour d’appel de Lyon. Un des pionniers du catholicisme social dans les milieux agricoles entre 1880 et 1900. Un des fondateurs et animateurs, avec Emile Duport, de l’Union du Sud-Est des syndicats agricoles. Ami de Marius Gonin et de la Chronique sociale. Se consacra surtout aux problèmes de crédit agricole et adapta à l’agriculture française le système des caisses rurales de crédit mutuel dû au catholique social allemand Raiffeisen. D’où le nom de Caisses Raiffeisen-Durand porté aujourd’hui encore par ces caisses (elles fu­rent, par la suite, adaptées aux conditions canadiennes par M. Desjardins). Le système des caisses agricoles devait mieux réussir en Suisse, en Belgique et au Canada qu’en France. Louis Durand prit aussi une part importante à la fondation de la société coopé­rative agricole, dont il rédigea les statuts (1893). Il a laissé un ouvrage sur la question du crédit agricole, devenu classique: Le crédit agricole en France et à l’étranger, Paris, 1891. Autres ouvrages: Essai de droit international privé, Paris, 1884; La philosophie du droit, tra­duit de l’italien, de D. Lioy, Paris, 1886 (C H A D).
4)
Perriot (François), cf. NQ 2°, note 10, p. 608.
5)
Cetty (Henri), cf. NQ 2°, note 1, p. 648.
6)
Gayraud (Hippolite), cf NQ 2°, note 41, p. 638.
7)
Léon Harmel, cf. NQ 1°, note 93, p. 508.
8)
Modeste (Auguste), cf. NQ 1°, note 74, p. 505.
9)
Bertrand (Joseph), né à Fréland (Alsace) le 9 novembre 1801, entra dans la Compa­gnie de Jésus en octobre 1823. Deux autres de ses frères, Xavier et Pierre, se firent aus­si jésuites. Après s’être spécialisé en mathématiques et sciences à Paris, Joseph Ber­trand étudia la théologie au Collège Romain et fut ordonné prêtre à Rome. En 1837, il fut envoyé, comme supérieur, avec d’autres jésuites pour commencer la nouvelle mis­sion de Maduré (Indie). Après huit années d’intense apostolat, il dut, pour raison de santé, rentrer en Europe. Après des séjours en diverses maisons de France, on le re­trouve, en 1872, au sanctuaire de Notre-Dame de Liesse, chargé du pèlerinage et vicai­re de la paroisse. La sainteté de sa vie suscitait l’admiration générale, ainsi que sa sa­gesse et sa bonté. Prédicateur très apprécié des Exercices spirituels aux communautés religieuses, c’était un excellent directeur spirituel. Il mourut le 13 janvier 1884, à l’âge de 83 ans. Sous la conduite du P. Bertrand, le p. Dehon fit sa retraite du 16 au 24 septembre 1880 au sanctuaire de N. D. de Liesse (NHV 71-81). Le p. Bertrand, affirme le p. Rasset, «était regardé comme un saint par le Curé d’Ars lui-même» (AD B. 37/1) (cf. SRSL (1884) p. 44-80, 87-90).
10)
Blancal (Germain du St. Sacrament-Bernard), cf. NQ vol. 1°, note 37, p. 514.
11)
Prévot (André-Léon), cf. NQ vol. 1 °, note 96, p. 524.
12)
Petit (Fulbert-Marie Joseph: 1832-1909), ev. de Le Pay: 1887-1894; arch. de Be­sançon: 1894-1909.
13)
Lumeau (Joseph: 1849-1940), év. d’Angers: 1899-1940.
14)
Birot (Louis), né à Albi (Tarn) le 7 oct. 1863; professeur au petit séminaire de Ca­stres (1885-1888); ordonné prêtre le 19 mars 1886; vicaire à la métropole (1888-1894); aumônier de l’hôpital d’Albi (1894-1895); supérieur de l’école Ste-Marie d’Albi (1895­-1901); vicaire général de Mgr Mignot (1900-1918); curé de Ste-Cécile et archiprêtre d’Albi (1918-1936); aumônier militaire de la 31e division d’infanterie (1914-1918); mort le 10 sept. 1936. Admiré du cardinal Matthieu, l’académicien, lié aux abbés Frémont, Lémire, Klein, aux frères Brunhes, à Imbart de la Tour, etc., il fut le collaborateur intime de son grand archevêque, dont quelques travaux très remarqués furent dus à sa plume. Quelques di­scours ou articles étendirent sa réputation à la France entière. Son œuvre imprimée est dispersée en de nombreuses brochures (Le repos dominical… ) ou revues (Revue du clergé fran­çais, Revue de Fribourg, Annales de philos. chrét.) ou journaux (Bulletin de Ste-Cécile…). Il a pu­blié en volume: Le mouvement religieux, Paris, Lecoffre, 1901; Les grands dogmes chrétiens: I, Le purgatoire (1927); II, L’eucharistie (1927); III, Le saint sacrifice (1930) (édit. Publiroc, Marseille), série qui se fût progressivement augmentée, si la mort n’était venue l’inter­rompre. Son œuvre inédite, très importante, mériterait d’être publiée. L’abbé Birot unissait à une intelligence étendue et pénétrante un style de grand écrivain: il a embrassé de la sorte et exposé avec un rare éclat tous les grands problèmes religieux, politiques et sociaux de son époque. Son nom ne pourra être omis dans aucune histoire sérieuse de l’Église de France pour la période 1890-1940 (C H A D).
15)
Servonnet (Pierre-Paul: 1830-1909), év. de Digne: 1889-1897; arch. de Bourges: 1897-1909.
16)
Vives y Tuté (Joseph Calasanz), théologien capucin, cardinal, né à S. Andrés de Lievanero (Barcellona) en 1854; mort en 1913. Il favorisa le progrès des études ecclésia­stiques. Tempérament exceptionnel de travailleur, il fit la synthèse des branches les plus importantes des sciences ecclésiastiques dans d’excellents résumés souvent réim­primés et traduits. Ses écrits spirituels, riches de doctrine théologique, par lesquels il propagea les dévotions à l’Eucharistie, au Sacré-Cœur, à la Sainte Vierge et à S. Joseph, eurent une diffusion bien méritée. Il fut, pour Pie X, un collaborateur efficace et fidèle (E C).
17)
Cet ouvrage fut publié à Paris Librairie René Haton, Charles Klotz éditeur, 35, rue Bonaparte, 35.
18)
Les Études sur le Sacré-Cœur de Jésus ou contribution à la préparation d’une somme doctrinale du Sacré-Cœur de Jésus, 2 T. societé Saint-Augustin, Desclée, De Brouwer, Paris-Bruges-Bruxelles 1923, 134 + 244 p.
19)
Marthe-Marie-Louise Dehon et le comte Alphonse-André-Robert de Bourbou­lon.
20)
C’est la femme de Léon Palustre, ami du P. L. Dehon: cf. NQ 2°, note 5, p. 604.
21)
Pie (Louis – François – Désiré-Edouard: 1815-1880), év. de Poitiers: 1849-1880. Card. 12.5.1879. Cf. NQ vol. I°, note 66, p. 131. Mermillod (Gaspard: 1824-1892), év. d’Hebron et auxiliaire de Mgr Marilley, év. de Lausanne et Genève: 1883-1891. Card. 23.6.1890. Cf. NQ vol. I, cahier III, note 85, p. 152. Berteaud (Jean – Baptiste – Pierre – Léonard: 1798-1879), év. de Tulle: 1842-1878. Monsabré (Louis, en religion Jacques – Marie), dominicain: 1827-1907. Cf. NQ vol. I, cahier V, note 30, p. 296.
22)
Toniolo (Giuseppe): cf. NQ vol. 2°, note 40, p. 637.
23)
La rénovation sociale chrétienne (cf Œuvres Sociales, III, pp. 177-376).
24)
Cf. 1 Sam 8.
25)
Naudet (Paul). Cf. NQ vol. 2°, note 22, p. 612.
26)
Dabry (Abbé Pierre). Né à Avignon en 1862. Élève à l’école des Carmes et profes­seur à l’école Fénelon. Enthousiasmé par le Ralliement, il écrit au Peuple français, dont il devient rédacteur en chef en 1897. Il organise des conférences religieuses et sociales au Quartier Latin et, en 1896, à Reims, le Congrès ecclésiastique, où 700 prêtres exami­nent des méthodes nouvelles d’apostolat. En 1898, il fonde un petit journal, La Vie ca­tholique, qui paraît deux fois par semaine, et où collaborent G. Goyau, P. Lapeyre, J. Debout, G. d’Azambuja, Ch. Brun. Débordé par un financier, M. Dabry abandonne le journal, qui tombe bientôt, et fonde en 1901 La Voix du siècle, l’Église militante où, combattant toujours les adversaires du Ralliement, il dénonce l’insuffisance du natio­nalisme et les erreurs de tactique des catholiques d’action libéral. En 1903, il dirige L’Observateur français, qui essaie en vain une entente avec les républicains opportunistes. En mai 1906, M. Dabry reprend La Vie catholique. Les thèses démocratiques y sont soutenues avec plus de courage que de mesure. En 1908, le S.-Office condamne le jour­nal et interdit à M. Dabry d’écrire. Il se soumet. Mais il ne parvient pas à se résigner, et en 1910 il quitte bruyamment l’Église. Il essaie du journalisme de gauche, puis du journalisme neutre, sans succès, et il tombe dans une profonde misère. Pendant la guerre de 1914, touché par l’action de Benoît XV, il se rend à merci. Il s’engage comme infirmier, mais bientôt réformé meurt à Marseille de phtisie et de privations (1916). Méridional d’une imagination trop vive, ami des poètes, journaliste né, passionné­ment polémiste, ayant au dire de Cornilleau plus de sens politique que de connaissance des hommes, M. Dabry mena les plus brillantes campagnes en faveur des directives de Léon XIII. Mais il fut trop entraîné dans les luttes politiques du moment, jusqu’à per­dre de vue l’essentiel. Il a laissé un gros livre, Les catholiques républicains (1905), qui est capital pour l’histoire religieuse et politique du temps (C H A D).
27)
Couillié (Pierre – Hector: 1829-1912), arch, de Lyon: 1893-1912. Cf. NQ vol. 2°, note 27, p. 634.
28)
Sonnois (Alphonse – Marie – Etienne; 1828-1913), arch. de Cambrai: 1893-1913. Cf. NQ vol. 2°, note 83, p. 646.
29)
Mignot (Eudoxe – Irénée – Edouard: 1842-1918); év. de Fréjus: 1890-1899; arch. d’Albi: 1899-1918. Cf. NQ vol. 1’, note 5, p. 269.
30)
Renouard (Firmin – Léon -Joseph: 1831-1913), év. de Limoges: 1888-1913.
31)
Polin (Antonio: 1825-1908), év. tit. de Mylta en 1874; év. de Adria: 1902-1908.
32)
Comte (Auguste: 1798-1857), mathématicien et philosophe français, né à Montpel­lier, fondateur du positivisme, avec son Cours de philosophie positive.
33)
Huysmans (Doris Karl), cf. NQ vol. 2°, note 27, p. 653.
34)
Brunetière (Ferdinand: 1849-1906), professeur et critique français, né à Toulon. Il a essayé d’appliquer à la littérature les théories de l’évolutionnisme.
35)
Vogué (Eugene – Melchior, vicomte de: 1848-1910), littérateur, membre de l’Acadé­mie Française. Il réagit contre le naturalisme en littérature et le scientisme en philoso­phie.
36)
Blondel (Maurice: 1861-1949), philosophe français. En 1893, s’impose par une thèse vite célèbre sur l’Action. Essai d’une critique de la vie et d’une science de la pratique. En 1896 parut: Lettre sur les exigences de la pensée contemporaine en matière d’apologétique et sur la méthode de la philosophie dans l’étude du problème religieux, publiée parles Annales de philosophie chrétienne de janvier à juillet 1896, dont le titre dit assez l’objet.
37)
Pascal (Blaise; 1623-1662), illustre mathématicien, physicien et philosophe fran­çais. Ecrivain et penseur de génie, il mourut avant d’avoir achevé une apologie de la re­ligion chrétienne, dont les fragments ont été publiés sous le titre de Pensées.
38)
Biederlack (Joseph): cf. NQ vol. 2°, note 56, p. 640.
39)
Bernstein (Edouar: 1850-1932), homme politique allemand, partisan du marxisme or­thodoxe. Il s’en détacha et en fit la critique dans son livre Sur le socialisme théorique et le sociali­sme pratique (1899). Il devint un de plus grands représentants du socialisme réformiste.
40)
Janssens (Henri, en religion Laurent, 1855-1925), bénédictin, théologien belge. A partir de 1893 il est professeur de théologie dogmatique à l’Ateneo Anselmiano de Ro­me, occupe d’importantes charges dans la Curie Romaine. Il fut consacré évêque titu­laire de Tibériade en 1921.
41)
Il s’agit de la paroisse du Sacré-Cœur qui se trouve dans le quartier Bab-Khadra à Tunis. L’ancien abbé Boucher s’employa chaleureusement à faire venir la congréga­tion du P. Dehon à Tunis. En pensant aux missionnaires du Congo le P. Dehon et le Conseil général donnèrent un avis favorable. L’évêque de Carthage, Mgr Combes Barthélemy Clément, lui aussi prit une attitude positive à l’égard de cette initiative et il s’engagea à y contribuer par une somme de 20.000 francs. C’est avec cette somme, avec les dons de l’abbé Boucher et avec nos ressources que le P. Jean-Félix Dupland put acheter en 1898 des bâtiments qu’il transforma en église provisoire; il loua et meubla un presbytère pour commencer l’œuvre avec deux autres religieux. Toutefois, en ce qui concerne l’aspect matériel, l’abbé Boucher désirait que les religieux du P. Dehon fussent complètement indépendants de l’archevêché. C’est pourquoi il remboursa à l’archevêque ses 20.000 francs accordés si généreusement. Le P. Dupland, destiné à un autre ministère, dut quitter Tunis et remit les affaires aux Pères Sébastien-François Miquet et Bruno Joseph Blanc. Pour compléter l’œuvre, l’abbé Boucher acheta une maison paroissiale, la mit au nom des Pères Miquet et Blanc auxquels se joignit le P. Melchior Ferdinand Gorke. A la suite des difficultés concernant la propriété immobiliè­re, l’œuvre de Tunis qui commençait sous d’heureux auspices, échoua. L’archevêché de Carthage eut recours au Saint-Siège et obtint le gain de cause. Le P. Gorke devint missionnaire au Congo Belge (1900-1905) et puis entra chez les trappistes. Les Pères Miquet et Blanc I. quittèrent la congrégation en devenant prêtres diocésaines.
42)
La mission de Stanley-Falls dépendait des Missionnaires de Scheut. Elle devint Préfecture Apostolique le 3 août 1904 et Vicariat Apostolique le 12 Mars 1908. Le 11 Octobre 1908, à Rome, le vicaire apostolique, le P. Gabriel Grison, fut consacré évê­que par le card. Gotti.
43)
Marie – Véronique du Cœur de Jésus (Lioger Marie – Caroline), fondatrice des Soeurs Victimes du Sacré-Cœur de Jésus; 1825-1883. Cf. NQ vol. I, note 51, p. 117.
44)
Le P. A. Prévot, le P. B. Charcosset.
45)
Servonnet (Pier – Paul), cf. NQ vol. 2°, note 15, p. 665
46)
Isoard (Louis – Romain – Ernest: 1820-1901), év. d’Annecy: 1879-1901.
47)
Gotti (Antonio, en religion Girolamo Maria. 1834-1916), carme déchaux, théolo­gien au Concile Vatican I, prieur général de son ordre. Il devint archevêque titulaire de Petra en 1892. Crée cardinal par Léon XIII en 1895, fut préfet de la Congrégation des Evêques et Religieux; en 1902 devint préfet de la Congrégation de Propaganda Fide. Au conclave de 1903, après la mort de Léon XIII, il obtint 17 voix.
48)
Delloue (Paulin-Albert), né à Hirson (Aisne) le 23.2.1863, entra dans la congréga­tion en 1889, fit sa profession en 1890, fut ordonné prêtre en 1892. Collaborateur du P. Dehon, il lui succède à la direction du collège en 1896 (cf. NQ XI, 65 v.). En 1901 il quitte la congrégation en devenant prêtre diocésain (cf. NQXVII, 1-4), afin de sauver le collège St Jean, menacé par la loi sur les associations, promulguée par Waldeck­-Rousseau (1.7.1901).
49)
Pour ces lettres, cf A. Bourgeois, scj: Le P. Dehon à Saint-Quentin 1871-1877. Voca­tion et Mission, C. G. S., Roma 1978, 157-158. 160-162. 169-171.
50)
Bartolomeo della Porta, fra’ (1475-1517), peintre, dominicain.
51)
Pierin del Vaga, Pietro Bonaccorsi dit Pierin del Vaga, né à Florence en 1501 et mort à Rome en 1547. Il appartient aux disciples romains de Raphaël.
52)
Les Soeurs Victimes du Sacré-Cœur de Jésus furent fondées en 1840 par Julie­ Adèle de Gérin Ricard, en religion Mère Marie-Victime de Jésus Crucifié (1793-1865). Le P. Jean (du Sacré-Cœur) c’est l’abbé Louis Maulbon d’Arbaumont, secrétaire particulier de l’évêque de Dijon, Mgr Rivet. Attiré par l’esprit de pénitence et d’expia­tion il commença à correspondre avec la Mère Marie-Victime, qui reconnut en lui le prêtre qu’elle attendait pour mettre au point les règles de sa communauté. Pour plus d’informations, cf M. Denis, scj: La spiritualité victimale en France. . C. G. S. Roma 1981, pp. 47-70.
53)
Les Filles du Cœur de Jésus furent fondées par Marie Deluil-Martiny, en reli­gion Mère Marie de Jésus (1841-1884). Cf M. Denis, o. c., pp. 148-156.
54)
Mère Marie de Jésus fut assassinée le 27 Février 1884 par un anarchiste, Louis Chave, un domestique accueilli par charité comme aide-jardinier.
55)
Cf NQ vol. 2°, note 45, p. 669 et M. Denis, o. c., pp. 121-148.
56)
Lorin (Henri), cf NQ vol. 2°, note 59, p. 641
57)
Lorenzelli Benedetto, Mgr, arch. tit. de Sardi.
58)
Huysmans (Joris Karl), cf NQ vol. 2°, note 27, p. 652.
59)
Kohl (Herman – Philippe), dehonien, né à Erkelenz (Allemagne): 27.8.1874; prof. 30.9.1895; ord. 10.8.1899; missionnaire au Zaire: 1901-1914. 1932-1933; mort à Kohlscheid (Allemagne): 19.11.1941. Keyser (Pierre – Joannet), dehonien, né à Schengen (Luxembourg) 30.11.1870, prof. 29.9.1895; ord. 10.8.1899; missionnaire au Zaire: 1901-1902; mort à St-Gabriel (Zai­re): 14.3.1902. Justen (Joseph), dehonien, né à Altstrimming/Bullay (Allemagne): 20.9.1872; prof. 19.3.1901; missionnaire au Zaire: 1901-1912; mort à Bruxelles: 2.12.1935.
60)
Jeanroy (Edmond – Vincent), dehonien, né à Maugiennes (France): 1.9.1851; ord. 18.9.1875; prof. 17.9.1886; procureur de la mission du Zaire: 1897-1922; mort: 1.2.1925.
61)
Murri (Romolo), cf NQ vol. 2°, note 13, p. 662.
62)
Granito Pignatelli di Belmonte (Gennaro), Mgr, arch. tit. de Edesse.
63)
Vermeersch (Arthur), jésuite, théologien moraliste (1858-1936). Il commença son enseignement en 1892 au Collegium Maximum Sj à Louvain. En 1918 il succède au P. Bucceroni comme professeur de théologie morale à l’Université Grégorienne de Rome. Il fut aussi estimé comme sociologue. Son Manuel social (Bruges 1900) obtint le prix du gouvernement belge.
64)
Pottier (Antoine), cf NQ vol. 2°, note 36, p. 623.
65)
Doutreloux (Victor-Joseph: 1837-1901), év. de Liège: 1879-1901. Cf NQ vol. 1°, note 72, p. 328.
66)
Jean – Louis – Georges Malézieux – Dehon, né à la Capelle le 20.2.1889, fils de Mar­the Dehon, nièce du P. Dehon et de André Malézieux.
67)
L’autre neveu du P. Dehon, fils de Marthe Dehon et André Malézieux était Henri-Louis Joseph, né à La Capelle le 18.3.1886.
68)
Henri Dehon (1839-1922).
69)
Sévigné (Marie de Rabutin – Chantal, marquise de: 1626-1696), née à Paris, une des femmes les plus distinguées du XVIe siècle, célèbre par les admirables Lettres qu’elle écrivit à sa fille, la comtesse de Grignan.
70)
Richepin (Jean: 1849-1926), poète et auteur dramatique, auteur de la Chanson des Gueux, du Filibustier, de Par le Glaive, la Mer, le Chemineau, ecc.
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