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18ème CAHIER (4.9.1902 – 29.6.1904)

1 Notes quotidiennes

J'essaie en vain de voir à Hasselt un saint, le P. Valentin récollet, pour lui recommander notre retraite. Il est absent. Je vais prier N.-D. de Montaigu.

Instruction préparatoire: Ut sis homo Dei perfectus ad omne opus bonum pa­ratus [cf. 2 Tm 3,17]. S. Paul conseille la lecture et la méditation de l'Ecriture pour acquérir la perfection.

Le prêtre est l'homme de Dieu, l'intime, le privilégié, le ministre de Dieu, l'intermédiaire entre Dieu et l'homme: in iis constituitur quae sunt ad Deum… [cf. Heb 5,1].

Quelle perfection cette dignité et ces fonctions exigent de lui! 2 Pour me rapprocher de cette perfection je dois faire ma retraite avec magnani­mité et avec libéralité.

La magnanimité, dit s. Thomas, c'est la vertu d'une âme qui veut fai­re de grandes choses, qui aspire à des vertus éminentes. «Cur non pote­ro quod isti et istae?».

La libéralité est généreuse. Elle s'oublie, elle tend à la gloire de Dieu et au salut des âmes.

I. «Tuus sum ego» [Ps 118,94]. Dieu m'a créé, je lui appartiens, comme le tableau ou la statue appartient à l'artiste, le poème à son au­teur. L'artiste fait ce qu'il veut de son œuvre, il la place où il veut. J'ap­partiens à Dieu. Je dois faire ce qu'il veut, le servir comme il veut. Je dois lui demander sa volonté, particulièrement chaque matin, et même à tout instant. «Domine, quid me vis facere?» [Ac 9,6]. 3

II. «Ecce dedi tibi omma» [cf. Gn 1,29]. C'est ce que Dieu a dit à Adam au paradis. Les créatures sont pour l'homme, mais l'homme est pour Dieu. L'homme doit donc se servir des créatures pour le service de Dieu. Toutes les créatures sont de Dieu, même le mal dans un sens. «Ego creans malum».

Dieu nous les donne comme instrument de vie et de salut. Nous de­vons savoir nous en servir. D'un même instrument les hommes peuvent tirer un parti bien différent v.g. d'un violon, d'un couteau, etc. L'artiste tire un chef-d'œuvre, même d'un mauvais instrument. Toute créature peut nous fournir un chef-d'œuvre, une action sainte… La retraite, mes yeux, ma volonté, mon cœur, sont des instruments d'où je puis tirer des œuvres sublimes.

III. Esprit de foi, vie de foi. - La foi doit animer notre vie morale, comme notre âme anime notre corps. 4 «Induimini Jesum Christum…» [cf. Rm 13,14]. «Innova spiritum tuum in visceribus meis…» [cf. Ps 50,12]. La grâce doit animer toute notre vie. C'est le plan de Dieu. Toute la vie chrétienne est disposée pour cela. Le caractè­re du baptême appelle en nous la grâce…

IV. «Non vos me elegistis, sed ego elegi vos» [cf. Jo 15,16]. Nous ap­partenons plus particulièrement encore à Dieu dans notre vie sacerdota­le. Lui seul nous a préparé et donné le sacerdoce. Il nous a fait prêtres pour lui. Nous sommes ses serviteurs intimes et spéciaux, ses camériers, ses instruments, une extension de lui-même.

Nous devons donc être indifférents aux autres mobiles (sympathies, an­tipathies). Notre seul mobile doit être la volonté de Dieu.

«Homines surit voluntates», dit s. Augustin. Les hommes sont des volontés 5 mues par la volonté de Dieu.

Ainsi fit Notre-Seigneur: «Meus cibus est ut faciam voluntatem ejus qui misit me» [cf. Jo 4,34].

I. «Angelis suis non pepercit». Le péché des Anges… Il est utile de méditer sur le péché mortel. Il faut faire provision de haine pour le pé­ché, afin d'être armé et cuirassé contre la tentation, d'être vigilant, pru­dent, modeste; afin de poursuivre le péché dans les autres et de prêcher contre lui avec conviction.

Le méditation du péché des anges suffit. Quelles conséquences il a eues! Des amis de Dieu, devenus ses ennemis, pour toujours…

Notre dignité de prêtre ne nous garantit pas. Si nous péchons, nous serons frappés: «propriis angelis non pepercit» [cf. 2 Pt 2,4].

II. «Domine, fac ut videam» [cf. Lc 18,41]. Seigneur, donnez-moi la grâce de bien reconnaître 6 et apprécier la laideur du péché. Il suffit pour cela de réfléchir à la différence de la situation qui nous est faite. Nous étions amis de Dieu: «Ego elegi vos… vos dixi amicos… filioli…» [cf. Jo 15,15.16; 13,33]. Nous devenons l'objet de sa haine: «nescio vos» [Mt 25,12] «Horrendum est incidere in manus Dei viventis…» [Heb 10,31].

III. «Petite et accipietis…» [Jo 16,24]. Remercions, adorons, prions, demandons pardon.

«Gratias agamus… vere dignum et justum est». Prions pour les âmes… Prions pour nous-mêmes. Nous avons besoin de grâces spéciales pour notre vocation qui est si élevée…

IV. «Quid prodest homini si universum mundum lucretur, animae vero suae detrimentum patiatur?» [Mt 16,26]. Il est bon de méditer sur l'enfer, sur la damnation, la perte de l'âme. N.-S. en parle une douzaine de fois dans ses 7 discours. - Rappelons-nous les peines de l'enfer. «Ite maledicti in ignem aeterum» [cf. Mt 25,41]. Le feu, la malédiction, la privation de Dieu.

I. «Habeo contra te quia caritatem tuam primam reliquisti» [cf. Ap 2,4]. Le péché véniel, la tiédeur: 1° l'attache à un péché véniel, à une mauvaise habitude; 2° l'habitude de servir Dieu négligemment. - Etat déplorable et dangereux.

Dans quel état nous trouvera la mort? Sa date est incertaine, N.-S. nous le rappelle souvent: «je viendrai comme un voleur… «[Ap. 3,3]. Vous ne savez ni le jour ni l'heure…» [Mt 25,13].

II. L'enfant prodigue. Confiance, revenons à N.-S., à notre père. Ce n'est pas lui qui s'est éloigné, c'est nous. Il nous attend. Il nous rendra toute son amitié. Le père de la parabole allait chaque jour au-devant du coupable. 8 Il avait conservé la robe (les dons primitifs); «afferte sto­lam primam» [cf. Lc 15,23]. - Revenons avec humilité et générosité. Les dons de Dieu sont sans repentance.

III. Sur l'obéissance. C'est là le principal holocauste d'amour et d'im­molation que nous offrons à N.-S. Ne marchandons pas. Tout acte d'obéis­sance a le mérite du voeu. On ne pèche contre le voeu que si le supérieur invoque le voeu en commandant, mais toute désobéissance aux constitu­tions et aux supérieurs est une faute contre la vertu d'obéissance.

IV. «Si scires donum Dei» [Jo 4,10]. Sur l'Eucharistie. N.-S. veut une grande préparation: «Coenaculum grande stratum» [cf. Lc 22,12]. Ces tapisseries qu'il veut voir chez nous, ce sont les vertus religieuses qui forment autant de tableaux agréables aux regards de N.-S.

I. «Domine, sequar te quocumque ieris» [Mt 8,19]. C'est le second fondement, le fondement de la 9 seconde partie des Exercices. - La première partie nous montre ce qu'il faut éviter, la seconde, ce qu'il faut faire. Il faut imiter N.-S. - La première partie creuse les fondations, en ôte la boue, l'argile, le sable, pour chercher le rocher, la seconde partie élève l'édifice.

Que Jésus est aimable. Il n'en coûte pas de le suivre. «Speciosus for­ma prae filiis hominum» [Ps 44,3]. Il est bon. Il a les promesses de la vie présente et de la vie future.

II. L'incarnation. L'humilité. Tableau du monde païen… La répara­tion que Jésus apporte, c'est l'humilité, le sacrifice, l'anéantissement. «Agnus immolatus» [cf. Ap 5,12]. L'humilité, c'est la voie, c'est la ré­paration, c'est le salut.

III. Le pauvreté. Le mystère de Bethléem. C'est la pauvreté volontai­re que N.-S. 10 a mise à la base des conseils de perfection. «Si vis esse perfectus… si vis venire ad me, vende omnia quae habes…» [cf. Mt 19,21]. C'est contre la pauvreté que le démon propose la première tenta­tion (Tibi dabo omnia regna mundi, si cadens adoraveris me: cf. Mt 4,8.9). Les Pères l'appellent le rempart de la vie religieuse. Les instituts qui ne l'ont pas observée sont tombés.

IV. Sur les mystères de la présentation de Jésus au Temple et de sa vi­site au temple à douze ans. Vie religieuse, don de soi-même à Dieu. Jésus s'offre à son Père au Temple, nous l'imitons par nos voeux. Donnons-nous comme lui en victimes pour les âmes.

A 12 ans, Jésus quitte les siens et les laisse dans la tristesse. «In his quae Patris mei surit, oportet me esse» [Lc 2,49]. Sachons quitter autant que le veut la vie religieuse 11 toute attache séculière…».

I. Générosité et sacrifice. Méditations de s. Ignace sur les deux eten­dards et les trois classes. N .-S. appelle les âmes généreuses à l'apostolat, à la vie religieuse, à la pauvreté volontaire. Soyons généreux dans nos résolutions. Sachons faire le sacrifice nécessaire, celui d'où dépend notre sanctification…

II. Vie apostolique du Sauveur. Il s'y prépare par 30 ans de vie ca­chée, par 40 jours de prière au désert. Il n'agit qu'au nom de son Père, comme envoyé de son Père et dans la mesure de sa mission…

Prions, réservons-nous le temps de la prière, sinon notre ministère se­ra aride. L'activité naturelle est sans fruits , il faut agir au nom de Dieu. Jésus est humble, il recommande de taire ses miracles. 12 Jésus est ex­trêmement bon pour les pécheurs qui reviennent humblement. Rappelons-nous Madeleine, la samaritaine, la femme adultère. Soyons charitables pour les pécheurs.

III. La chasteté religieuse. Elle comprend le célibat et la modestie. C'est le sacrifice du corps, comme la pauvreté est le sacrifice des biens extérieurs, et l'obéissance le sacrifice de l'âme.

La chasteté ne se conservera pas sans la modestie des yeux et des pen­sées, sans la mortification du corps.

Il faut un aliment au cœur, pour qu'il ne cherche pas d'affections vai­nes ou mauvaises, il faut l'affectionner à N.-S. par la méditation de l'Eucharistie, du S.-Cœur, de la Passion.

IV. La Passion. Cette méditation est propre à affermir nos résolutions. Comme Jésus est bon à la Cène! 13 Il se donne à nous au moment même où judas se prépare à le trahir, où les pharisiens se préparent à le saisir. Avec quelle humilité il se donne! Il lave les pieds de ses disciples.

A Gethsémani, il accepte la responsabilité de nos péchés, le sacrifice de son sang. Il prévoit l'inutilité de ses souffrances pour beaucoup d'âmes. L'ange le réconforte en lui présentant ce que nous pouvons faire de bien comme réparation…

Les sept paroles de Jésus en croix. Quelle bonté pour les pécheurs! Pendant qu'on le cloue à la croix, il dit à son Père: Mon Père, pardonnez-leur parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils font [cf. Lc 23,34]. Il promet le salut au bon larron pour un simple acte d'humilité. Il nous donne sa Mère, de manière que tout bien nous 14 vienne par elle. Il subit pour nous la peine du dam: «Deus meus, ut quid dereliquisti me?» [Mt 27,46]. - Il a soif de nos âmes: «Sitio» [Jo 19,28]. Ce n'est pas la soif d'une boisson matérielle, puisqu'il la refuse. - «Consumma­tum est» [Jo 19,30]. Il est satisfait d'avoir tout accompli pour notre sa­lut. - «In manus tuas…» [Lc 23,46]. Il donne son âme pour nous…

II. Jésus ressuscité à Génésareth. Comme il est bon! Il prépare un pe­tit repas pour ses apôtres, mais cependant un repas conforme à leur con­dition. Eux travaillent. Ils nous donnent l'exemple d'un travail inces­sant. Ils acceptent le conseil de Jésus avant même de l'avoir reconnu.

Il faut facilement demander conseil. Jean le reconnaît: ô privilège de la pureté! Pierre se jette à l'eau: c'est là sa foi toujours généreuse. 15

III. La charité. Une communauté où elle règne est un paradis. «Ecce quam bonum!» [Ps 132,1]. S. Paul aux Ephésiens, chap. XV [Première aux Corinthiens XIII]: «Chantas benigna est, patiens est…» (v. 4). Ne dénigrons pas nos frères, nous empêchons le bien, nous scandalisons. C'est contre la charité qu'on commet le plus souvent des fautes graves en communauté…

IV. «Contemplatio ad amorem». Amour de reconnaissance pour tous les bienfaits divins, généraux et personnels. Amour d'union, par la vie en présence de Dieu. Amour pur et désintéressé par la méditation des beautés et des bontés divines…

Réunions capitulaires, les 11 et 12. On me conserve, hélas! la charge de supérieur général, trop lourde pour mes épaules… Je sens le poids immense de responsabilité qui m'écrase. 16 Tout se passe assez bien au chapitre. Combien nous aurions besoin de mieux répondre à notre vocation! Les nouvelles constitutions et les réformes votées nous aide­ront un peu… Il reste chez quelques-uns un levain de mauvais esprit. «Deus, adjuva nos!» [cf. Ps 79,8].

Le 13, excursion et pèlerinage aux ruines de Villers-la-ville. Quelle majestueuse abbaye s. Bernard avait fondée là! La Belgique n'avait rien de plus grandiose. Ces moines étaient des géants. Le groupe des fonda­teurs venait de Foigny, près La Capelle, où séjournait s. Bernard. Vil­lers dépendait alors du diocèse de Noyon (S.-Quentin) et Tournai. Au­jourd'hui, hélas! c'est un but de partie de plaisir pour les bruxellois.

Le 15, visite à mon ami de Dartein1), novice bénédictin à Herck-la­-ville, à l'âge de 17 65 ans! C 'est la maison de Ligugé qui est réfugiée là. Ils sont entassés dans une maison insuffisante. La France est devenue une nation barbare qui chasse les hommes d'étude et de prière pour plai­re aux Loges maçonniques. Je vois là le rev.me Abbé, dom Bourigaut, dom Chamard, dom Besse, dom Mayol de Lupé. J'assiste aux vêpres. J'admire cette vie de prière, de calme, d'étude.

Ces bons Pères me paraissent en retard sur Léon XIII dans les que­stions politiques. Ils voient si peu le monde contemporain!

16 - 23. Je prêche la retraite au noviciat. J'ai plus de soixante retrai­tants, dociles et édifiants. Je donne exactement les exercices de st Ignace, avec leurs additions et compléments. C'est un compendium de théologie ascétique. Quelques épreuves venues du 18 dehors féconderont la re­traite. Je reçois plusieurs lettres qui m'annoncent chez plusieurs des di­spositions mauvaises ou médiocres pour le placement. - Les Soeurs quittent la maison au milieu de la retraite, ce n'est pas un petit embarras et cela m'est très sensible. - Etrange dépêche de Chazelles. - On me mande mystérieusement au Val. Ad quid?…

Je goûte les exercices de s. Ignace et j'en fais mon profit. Je prends une bonne résolution contre le défaut dominant.

Belle cérémonie de clôture. Il y a une belle moisson qui s'annonce, mais le démon essaiera bien de tout ruiner. Nombreuses vêtures et pro­fessions.

26 - 27. Au retour je m'arrête pour visiter les bonnes Soeurs-Victimes de Namur. J'y célèbre la messe. Je sens 19 là une bonne union de prières qui nous sera précieuse. - On me laisse voir toutes les attesta­tions relatives aux grâces extraordinaires de la vénérée M. Véronique2). Quelles scènes émouvantes et gracieuses! Comme Jésus aimait cette âme! Que de fois son bon ange et Jésus enfant sont venus la visiter!

Le 24 nous avions eu la réunion des prêtres allemands. Nos confrères désirent préparer une province, c'est bien! Je prie N.-S. qu'ils n'y met­tent que des vues surnaturelles et qu'ils gardent bien l'union avec la source. Ils ont nommé conseillers les PP. Thoss, Schmitz, Hamacker, Kitt, Boecker3).

Le 28, réunion des anciens élèves à S.-Jean. Ils sont une quarantaine, de toutes les générations. C'est le petit jubilé de S. Jean. Il y a 20 25 ans que la maison a été fondée. Il y a eu 25 ans le 8 septembre que j'y ai dit la première messe.

J'étais vicaire, j'avais une part de la charge d'âmes. Je voyais la nécessité du collège, du patronage, du journal, etc. Je fis tout cela, avec une ardeur presque téméraire. Les gens du monde disaient que j'étais emballé. Il me semble que j'étais seulement dévoré par le zèle qui s'imposait à moi. Il y eut de bien belles années, toujours achetées par des croix.

Maintenant l'œuvre languit, et peut-être on la laissera tomber. D'autres comprennent autrement que moi la charge d'âmes, je ne les juge pas.

Il semble que tout baisse à St-Quentin. J'ai l'occasion de causer avec 21 un magistrat, il est épouvanté. Nous marchons, dit-il, à St­-Quentin, vers le régime de l'union libre. Les ouvriers ne se marient plus, ils s'accouplent jusqu'à ce que le caprice les sépare. La ville offre le soir un spectacle écœurant. Les souteneurs y sont devenus légion. Les hommes d'œuvres même ne s'occupent plus de réhabilitations de maria­ges depuis que M. Santerre4) a disparu.

Le P. Rasset a publié ces jours-ci la vie de ce saint homme, Alfred Santerre qui a été pendant longtemps mon bras droit au patronage; son concours humble et dévoué m'était précieux. Après moi, il a soutenu longtemps au Patronage le mouvement acquis et les traditions. 22

Comme je sens le besoin du recueillement et de la vie intérieure! Je me suis laissé surmener, mon âme en a souffert étrangement. Il faudrait maintenant remonter le courant, dans le calme, dans la paix de l'âme, dans l'union avec Notre-Seigneur.

Je n'ai plus que quelques années à vivre, j'ai perdu immensément de grâces. J'ai dirigé bien mal l'œuvre que la Providence m'a amené à fon­der. Je prie Notre-Seigneur de tailler, de trancher, de refaire son œuvre telle qu'il la veut. Je sens le poids de mes fautes et ma responsabilité. Je suis écrasé. Que faire? Je suis plus confus et plus humilié que l'enfant pro­digue. Surgam et ibo ad patrem [Le 15,18]. Je ne veux pas me décourager. Bon maître, pardonnez, 23 ayez pitié. J'offre votre passion et la com­passion de Marie pour effacer mes fautes et pour obtenir mon pardon.

7 - 14. Jours de repos à Fourdrain. Repos bien relatif, car il y a au fond du cœur le continuus dolor du repentir (Rom. 9,2), et puis le courrier de chaque jour apporte sa croix: difficultés, découragements qui surgis­sent ici et là.

Je parcours la vie de s. Wulstan évêque de Winchester5), avec la pen­sée que son nom peut s'échanger avec celui de Gustave et qu'il est par là un de mes patrons. Le G et le W s'échangent souvent en toutes les lan­gues. Les Anglais changent souvent le n en f. Ils disent s. Waldenus et s. Waldefus. Cette vie est dans les Bollandistes au 19 janvier. Voici le trait qui m'en a frappé le plus. Ce Saint 24 apparut après sa mort à son ami Robert évêque d'Hereford, et il l'avertit de se préparer à la mort.

«Roberto in visione apparuit eumque pro sui negligentia et ignavia acriter corripuit, admonuitque ut tain de suae vitae quam sui subjecto­rum emendatione, quam vigilantissime posset, studeret. Quod si faceret, dicebat eum omnium peccaminum a Deo posse veniam cito promereri: adjunxitque quod non diu in cathedra qua nunc sedebat, sedem haberet; sed secum, si vigilantior esse vellet, coram Deo, convivari deberet».

Je veux prendre pour moi cet avertissement que s. Wulstan me donne par cette lecture.

Nos orateurs catholiques MM. Aynard6), de Mun et autres font enten­dre à la Chambre les protestations de la conscience, contre les tyrannies du pouvoir, 25 mais les Loges iront jusqu'au bout; nous n'avons pas assez prié et fait pénitence. - J'ai dit à la messe l'oration pro inimicis.

Le 18, touchante cérémonie d'adieu de nos missionnaires à Bruxelles. La messe est chantée par le P. Farinelle; M. de Cuvelier y assiste. L'après-midi j'adresse la parole à une belle assistance, nous embrassons les pieds de nos missionnaires, tout le monde est en larmes. Mgr Jacobe était là, il est bienveillant et généreux pour nous.

J'ai vu M. de Cuvelier, il est convenu que plusieurs de nos mission­naires se feront naturaliser Belges ou Congolais. Notre mission sera plus appréciée en Belgique si l'élément Belge y domine. Cela viendra grâce aux recrues de l'école de Clairefontaine. 26

Je vais le mardi à Brugelette avec le jeune f. Germain7). La famille Scouvemont nous reçoit avec beaucoup d'amabilité au château de Frézé­gnies. On a là de grandes intentions de générosité à notre égard pour le cas où nous transporterions là l'école de Fayet. En attendant, on me fait une belle offrande pour le Congo.

Je vais visiter l'ancien collège des jésuites, devenu un pensionnat de jeunes filles. Cette maison rappelle des temps comme les nôtres. Les Jé-suites étaient chassés de France. Tous les jeunes gens qui ont préparé le mouvement catholique de 1848 ont été élevé là. Le P. de Ravignan8), le P. Félix9) et bien d'autres des jésuites les plus connus y ont vécu. L'édu­cation de ce collège était solidement chrétienne. 27 La persécution ai­dait à tremper les caractères.

Le 23, nos quatre missionnaires, le P. Henz, P. Slangen, P. Farmelle, F. Bernard10) s'embarquent à Anvers sur l'Albertville. Nous sommes plusieurs Pères à les conduire. Le bateau est confortable. Le fils de M. Woeste est à bord comme officier. Ces longs préparatifs, cette fanfare militaire qui joue des airs quelconques, ce départ pour un pays qui dévo­re ses habitants, tout cela donne une impression assez poignante, malgré les généreuses dispositions de nos chers missionnaires. A qui ces airs mi­litaires peuvent-ils bien être agréables en pareille circonstance? Il me semble que le moyen-âge aurait eu des cantiques de circonstance et une prière sur le pont.

Je revois la cathédrale et sa 28 flèche aérienne. Pour la dixième fois, je contemple les deux grands tableaux de Rubens, la descente de croix et le crucifiement. Il y faut regretter un peu trop de chair, le manque de couleur locale, une certaine recherche de grâce païenne, mais à part ce­la, quel talent, quelle puissance; la composition, le dessin, le coloris, l'expression, tout est magistral. J'aime cependant mieux une fresque de fra Angelico. J'y trouverais moins de savoir-faire, mais plus de foi.

Après deux jours de repos à Fourdrain, je vais à Paris passer deux jours et voir quelques personnalités pour savoir ce qu'on peut espérer dans la situation actuelle. Je trouve tout le monde sous une impression de pénible tristesse. 29 Il n'y a rien de bon à attendre des sectaires qui nous gouvernent. Ils iront jusqu'au bout. Ce sera un triomphe passager de l'Antéchrist, dont les juifs et la maçonnerie forment l'armée. A Paris, les deux courants d'opinion s'accentuent. Un certain nombre de braves gens saluent le prêtre. Quelques voyous, lecteurs de la Lanterne et de la Petite République l'insultent.

M. Billet me conduit déjeuner chez Mlle de Plinval qui est toute dé­vouée aux œuvres, j'espère qu'elle me trouvera une chapelle portative pour nos missionnaires.

Il y a encore plusieurs demandes de sécularisation parmi les nôtres. Mieux veut que l'œuvre se purifie de ses scories. Il y a 30 cependant là des âmes qui ont eu sûrement la vocation. Elles l'ont perdue par leurs négligences. Je demande pardon à Notre-Seigneur de la part de respon­sabilité que je puis avoir dans ces désertions. Je ne (me) suis pas assez oc­cupé de ces âmes-là et ne les ai pas assez édifiées.

7 - 8 nov. Visite émue à la tombe de mes parents, à la tombe de ma mè­re. Que d'amis et de protecteurs j'ai au ciel et comme j'en profite peu! Je suis singulièrement impressionné de lire sur les tombes au cimetière les noms de la plupart de mes connaissances d'autrefois. Je rencontre aussi dans le pays quelques vieillards que j'ai connus jeunes et vigou­reux. 31 Ce sera donc bientôt mon tour à paraître devant Dieu!

9 - 11. Il faut me préparer à partir pour Bruxelles. Mes collègues essaie­ront de rester comme prêtres diocésains, moi je suis trop compromis com­me religieux. J'emballe mes papiers et quelques livres. J'aurai des éléments de travail à Rome, à St-Quentin et à Bruxelles, rien de complet, rien d'or­ganisé. J'éprouve un profond dégoût pour la vie présente. J'essaie de sanc­tifier passablement ma croix en la portant sans découragement. - «Non habemus hic manentem civitatem» [Heb 13,14]. Je touche du doigt cette maxime de s. Paul. Je suis campé comme un soldat. 32

Le 18, je pars pour Bruxelles et j'y prends possession de ma chambre. C'est une date pour moi, celle de l'exil. Mes collègues peuvent recourir à des moyens détournés pour rester en France, moi je ne le puis pas.

J'ai voulu faire une œuvre française, elle sera pour le moment plutôt belge et allemande. Fiat! Dieu nous conduit. J'offre mon exil au cœur du bon Maître.

Ce n'est que le commencement des difficultés. Déjà les administra­tions diocésaines de Dijon et de Cambrai s'émeuvent au sujet des petits groupes que nous avons là-bas. Bientôt viendront sans doute des procès avec le fisc. Ce sera une année douloureuse. Puissé-je la sanctifier hum­blement! 33

Après quelques jours passés à Fourdrain, du 20 au 24, je pars pour Bordeaux avec les deux jeunes Pères qui vont se dévouer aux œuvres du Brésil, les Pères Graaf et Schimansky. Je fais avec eux les pèlerinages de Paris: Montmartre, N.-D.-des-Victoires, les Chambres des Martyrs aux Missions Etrangères et aux Lazaristes. On ne peut plus aller prier les Pè­res jésuites martyrs de la Commune, leurs corps sont sous les scellés!

Deux jours à Bordeaux. Là aussi, comme dans toutes nos grandes vil­les, on retrouve les traces de toutes les périodes de l'art et de l'histoire nationale. La crypte de St-Seurin, ce sont les lieux-saints de Bordeaux. Là sont les tombeaux historiques ou légendaires de ste Véronique, de st Fort. - Ste-Croix est un beau spécimen de l'art romano-byzantin. - La cathédrale va du XIIe au XIXe siècle. 34 S.-Michel est du XVe, Notre-Dame du XVIIIe. Au lieu de continuer ce développement normal de la patrie chrétienne, le gouvernement d'aujourd'hui voudrait tout dé­truire, c'est pure folie.

Nous faisons bien des démarches à Bordeaux pour l'embarquement, puis nos j. (jeunes) gens s'en vont avec sérénité. Ils trouveront au-moins là-bas la liberté qui est exilée de France.

Du 2 au 9 déc. je séjourne à Bruxelles. Je m'installe, c'est l'exil. Mon âme pourra trouver là le calme dans une maison régulière. Le projet de loi qui nous exclut de France est déposé à la Chambre le 5. Plusieurs de nos amis, M. Gayraud, M. Groussau11), M. de Mun, m'offrent leur con­cours. Nous pourrons peut-être sauver un petit 35 groupe de mission­naires diocésains à St-Quentin. Et encore!

J'accepte ma situation, mais ce n'est pas sans angoisses. Il me semble que je suis sans patrie, sans domicile, comme le légendaire Ashavérus. Je n'ai plus rien sous la main. Papiers et livres se dispersent, à Rome, à St-Quentin, à Bruxelles! Fiat! Fiat! Je n'expierai jamais assez toutes mes fautes, toutes mes faiblesses, toutes mes infidélités à ma mission. Pourvu que le ciel ne me soit pas fermé!

N.-S. a dit à ste Gertrude que la maladie supplée à la pénitence et pu­rifie les âmes. Il a souvent usé de ce remède à mon égard. Je ne suis pas assez pénitent, mais je suis habituellement souffrant, avec quelque ac­croc exceptionnel de temps en temps. 36 Depuis quinze jours j'ai une douleur violente dans la main, avec enflure et une grande sensibilité. J'ai gagné cela par un effort en soulevant un meuble. J'offre souvent tout cela à N.-S., mais j'ai tant à expier!

Le 17, notification nous est faite par le commissaire de police Fabre d'un arrêté ministériel d'expulsion contre nos étrangers, les PP. Delgof­fe, Thuet, Kanters12) (loi de 1849). Motif: leur présence est un danger pour la sécurité publique! Sinistre comédie! Notre-Seigneur aussi était un danger pour la sécurité publique au temps de Pilate! - Il a dit: «Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice» [Mt 5,10]. Et s. Paul nous dit en son nom: «Benedicite persequentibus vos. Benedi­cite et nolite maledicere» (Rom. XII,14). 37 - Plusieurs des nôtres montrent peu de courage, j'en suis attristé. Leur idéal est leur tranquilli­té personnelle, ils sont prêts à demander une sécularisation complète, plutôt que de s'exposer à l'exil. Ils redoutent l'inaction et l'ennui en Bel­gique.

La générosité est toujours rare. N.-S. n'a pas non plus été suivi au Calvaire, il n'a eu qu'un saint Jean.

Tous ces jours-ci sont pour moi des anniversaires d'ordinations. Ces souvenirs font l'objet de mes oraisons. Je tâche de renouveler les grâces de mes ordinations et de mes premières messes. N.-S. m'aide sensible­ment ces jours-ci. Je le supplie humblement de me faire surmonter définitivement 38 quelques défauts qui m'obsèdent depuis longtemps.

Je revis mes premières messes à Santa Chiara, à St-Pierre, à la Prison Mamertine, à Naples. «Reliquiae cogitationis diem, festum agent tibi». Je trouve dans ces souvenirs une joie et une force.

Je passe les premiers jours de cette année à Bruxelles. J'offre l'année au S.-Cœur, j'en accepte les croix.

Les lettres et les cartes me viennent de toutes parts. Il y a là une poli­tesse de convention, mais il y a aussi des témoignages sincères d'affec­tion et de reconnaissance.

Je me confonds dans les actes de la plus profonde humilité en pensant à mes soixante années, si remplies de fautes et de responsabilités. Que Dieu me pardonne et qu'il m'aide!

Je préférerais n'avoir plus de fonctions et passer ma vieillesse dans le recueillement, le repentir, la réparation; mais Dieu ne le veut pas, il faut que je reste 40 au service de tout mon monde.

Le 16, je reçois une faveur temporelle de quelque importance. N.-S. veut m'encourager et me préparer à porter la croix.

Le 17, grâces d'oraison exceptionnelles.

Le 19, la persécution s'accentue. Assignation à payer, à Lille, des mil­liers de francs pour de prétendus droits d'abonnement. Je m'abandonne entièrement à N.-S. Je suis son instrument, son pauvre serviteur. J'ai la confiance qu'il veut l'œuvre du S. Cœur, il fera le nécessaire pour la sauver.

La maison de Lille me donne d'autres soucis. Elle a ses dettes, fort lourdes. C'est une situation à liquider. Je fais envoyer le mobilier en Bel­gique. C'est la croix tous les jours, je demande à N.-S. la 41 grâce de l'aimer.

Je trouve le loisir de parcourir quelques livres utiles: sur les erreurs contemporaines, par le P. Fontaine; sur la littérature par le P. Vaudon. Mais je goûte surtout les livres ascétiques et mystiques: sur le St-Esprit, par l'abbé de Bellevue; sur la Grâce, par le P. Terrien; et surtout sur les Grâces d'oraison par le P. Poulain. Je n'ai jamais rien lu d'aussi clair que ce volume sur la vie mystique. Puisse-t-il m'aider à retrouver les grâces d'oraison que j'ai connues autrefois! Je me suis laissé trop enva­hir par une activité débordante. Je n'ai pas assez réservé à la vie inté­rieure le temps, la liberté et l'attention dominante qu'elle réclame. J'éprouve un désir ardent 42 de faire mieux. Que N.-S. me vienne en aide!

Les contraintes pleuvent pour de prétendus droits à payer à Lille. J'en reçois une le 20. Je devrais 1.300 f. pour droits d'abonnement, sans compter des amendes pouvant s'élever à 25.000, à cause des meubles d'étudiants que j'ai là-bas.

Bientôt ce sera pour les maisons de St-Quentin et de Fayet, et les chif­fres seront plus gros.

«Homo quidam descendebat ab Jerusalem in Jericho, et incidit in la­trones, qui etiam despoliaverunt eum, et plagis impositis abierunt semivivo relicto… Samaritanus autem quidam iter faciens venit secus eum…» [Lc 10,30.33].

Le bon samaritain viendra aussi pour nous. Il viendra près de nous, 43 secus eum, nous dire son amitié.

Quinze jours à Bruxelles. J'achève la rédaction de mon voyage d'Espagne. Le P. Jeanroy13) a audience du Roi. Nous essaierons de nou­veau d'obtenir une Préfecture apostolique au Congo pour organiser no­tre mission. L'obstacle est que nous ne sommes pas Belges. Cela arrête la bonne volonté du Roi…

Je passe à Lille, pour voir notre avocat. Il paraît assez confiant dans le succès. Je m'abandonne à la Providence. - La pauvre maison de Lille est triste et presque déserte!

Quelques jours à St-Quentin et à Fourdrain, occupés par la cor­respondance et de bonnes lectures. Cette longue incertitude où nous sommes en France depuis un an pèse 44 lourdement.

Il me semble que ma santé baisse assez vite. Fiat voluntas Dei.

J'ai des velléités d'être plus intérieur, plus surnaturel, et je n'avance pas.

Le 6, premier vendredi, le Cardinal de Malines14) m'écrit qu'il autori­se la translation de notre maison-mère à Bruxelles. Cela me constitue of­ficiellement en exil, je suis vivement impressionné. Notre action en France tenait une grande place dans nos premiers projets, elle va être presque nulle. Il nous reste les missions étrangères, et en Europe la diffu­sion de la dévotion au S.-Cœur par nos brochures. Je désire retrouver en Belgique une maison d'adoration du St-Sacrement, qui remplace cel­le de St-Quentin et qui soit même plus complète et plus organisée. Il faut que nous y arrivions. 45

Nos députés catholiques se démènent à la Chambre pour nous défen­dre et plusieurs y déploient un grand talent, mais ce sera sans succès. La franc-maçonnerie a décrété la mort des instituts religieux, comme elle avait décrété en 1792 la mort du roi.

Après M. de Mun et M. Groussau, le bon de Mackau me demande des renseignements que je lui envoie.

Le 12, nous avons notre petite réunion internationale à Bruxelles. On y accepte le projet de faire une fondation au Brésil du Sud, à Destêrro, île et province de Santa Catharina, diocèse de Curitiba. C'est pour nos Pères allemands. Nossa Senhora de Destêrro, c'est Notre-Dame-de-l'exil. Que la sainte Vierge protège cette fondation!

Pour accueillir les épaves de 46 la maison de St-Clément, je cherche une maison en Belgique. Mgr de Tournai nous ouvre son diocèse. La fa­mille Scouvemont nous promet son concours à Brugelette. J'y vais ce 13 mars, et je m'arrête à un projet de construction, encore vague. Je confie ce projet à s. Joseph.

Bruxelles offre bien des ressources pour les jours de récréations. Je parcours ses musées. Le musée du Parc Léopold a de belles collections d'histoire naturelle. Ce qui m'y impressionne davantage, ce sont ces squelettes immenses d'éguanodons tirés des carrières de Belgique. Quels étranges monstres que ces animaux, espèces de vampires, longs de 12 à 15 mètres, qui se jouaient dans les vallées de la Belgique aux époques secondaire 47 et tertiaire! Ils sont bien encadrés par des squelettes de baleine, de mammouths et d'aurochs. Dans la partie géologique du mu­sée, quel agréable spectacle que celui de toutes les espèces de pierreries et notamment de tous ces quartz et silices hydratés qui forment les variétés d'agathe, de jaspe, d'opale, de béryte, de cornaline, d'oeil de chat ou de tigre, d'émeraude de Calcédonie. Toutes les couleurs de l'arc-en-ciel sont là, fixées par la chimie divine. La riche imagination des Orientaux et le mysticisme du Moyen Age y ont vu le symbole de toutes les vertus.

Au musée du cinquantenaire, des moulages bien choisis nous font pas­ser en revue tout l'art de la 48 sculpture et de l'architecture à toutes les époques. On y peut apprécier la pureté de formes des Grecs, le mysti­cisme du Moyen Age, la grâce souvent sensuelle de la Renaissance.

Il y a là aussi une curieuse collection préhistorique: armes et instru­ments de l'âge de pierre et de l'âge de bronze. L'humanité a bien eu les mêmes débuts partout sur tous les continents. Tous ces objets dits pré­historiques se retrouvent les mêmes en Europe, en Amérique, en Afri­que centrale. Ils sont restés en usage jusqu'à aujourd'hui chez les peu­ples sauvages, tandis que les nations d'Asie et du bassin de la Méditerra­née y ont substitué tout l'appareil de la civilisation depuis des milliers d'années. 49

Au musée du Congo à Tervuren, je retrouve tout ce que j'ai vu dans mon voyage en Nubie: armes, poteries, instruments de musique, etc. etc. Beaux spécimens d'okapis, ce gracieux animal récemment décou­vert et qui tient à la fois du zèbre, du cheval, de la girafe et du chevreuil.

Un plan en relief du Congo m'intéresse vivement. J'y vois la grande forêt entourée de montagnes qui s'élèvent très haut vers l'ouest, aux sources du Nil et du Congo. Nos missionnaires trouveront de ce côté-là des plateaux et des coteaux élevés où doivent fleurir les cultures euro­péennes.

Comme j'aimerais à voir les baobabs, les palétuviers, les manguiers, tous ces géants de la végétation tropicale 50 qui manifestent là-bas la puissance divine.

Avec ce mois commencent les impropères, les persécutions et les com­parutions de tribunal en tribunal.

Le 4, nous recevons une notification de dispersion, par suite du refus d'autorisation de notre demande au Parlement.

Je proteste et je maintiendrai ma protestation jusqu'à la prison s'il le faut. Notre institut n'est qu'à l'état de préparation, puisque nous n'avons pas reçu du St-Siège le décret d'érection. Je n'ai pas demandé au Parlement la reconnaissance d'une congrégation existante, mais l'au­torisation de fonder une congrégation nouvelle, conformément à la loi du 1er juillet 1901.

Le refus du Parlement ne peut pas entraîner pour nous la dispersion 51 et la confiscation. Nous ne continuerons pas en France nos projets d'organisation, voilà tout.

Nous pourrions rester réunis comme missionnaires diocésains. Je con­sulte Mgr de Soissons15). Il répond au P. Rasset16) en lui montrant la cir­culaire de Combes qui entrave le ministère des missionnaires diocésains. Dès lors que nos messieurs ne peuvent aller prêcher sans compromettre le traitement des curés, mieux vaut les disperser. J'en envoie plusieurs en Belgique.

Je reste seul avec le P. Blancal17) qui est malade et qui n'est pas transportable.

Entre-temps, le 4, un indult du Pape fixait la maison-mère de notre institut à Bruxelles.

Du 6 au 8, les maisons de Fayet, Lille et Fourdrain recevaient la même 52 notification de dispersion.

P. Mathias18) essaie d'obtenir une prolongation jusqu'en juillet. Il écrit au Préfet, il a des orphelins qu'il ne peut pas rendre à leurs familles. Le Préfet offre de les prendre dans les asiles départementaux. Nous lui faisons remarquer que l'éducation qu'ils y trouveraient ne nous rassure pas.

Nous envoyons donc les enfants de S.-Clément avec leurs maîtres à Brugelette. Une famille patriarcale, les Scouvemont, leur donne asile. La population de Fayet est en larmes. Des propriétaires bienveillants conduisent le mobilier à la gare. Telles au temps des Huns et des Vanda­les les maisons de prière se vidaient pendant le passage des barbares.

C'est la Semaine Sainte, le disciple n'est pas au-dessus du maître, nous sommes 53 poursuivis et traqués comme était le Sauveur à Jéru­salem.

Je reçois de nombreux témoignages de sympathie. Des lettres et des visites viennent me réconforter. Mgr de Soissons19) m'écrit le 11 une bonne lettre.

Je passe le jour de Pâques dans la solitude. Notre chapelle est dépouil­lée de ses ornements.

Le tribunal m'a nommé un liquidateur, M. Daulé. Il se présente. Je lui déclare que son œuvre tient du vol et du sacrilège et qu'elle emporte avec elle l'excommunication. C'est un honnête homme, il démissionne. Le 23, le tribunal en nomme un autre, un homme à tout faire, un sieur Lecouturier, déjà chargé de dépouiller les chartreux, les bénédictins, etc. 54

Le commissaire spécial Gabrielli, qui m'apporte les sommations du Préfet, n'est pas impoli. C'est un Corse, il a un oncle curé et il a eu un grand oncle chancelier de l'évêché d'Ajaccio.

La circulaire de Combes sur les chapelles est appliquée par M. l'Archiprêtre20) à la chère chapelle du Patronage, ma première fonda­tion, où j'ai tant travaillé et où j'ai éprouvé de grandes consolations.

Le 5, je suis appelé chez le juge d'instruction pour être interrogé com­me inculpé de délit de congrégation. Je rencontre là-bas des bandits enchaînés et des voleurs qui font antichambre: Barabbas et les larrons. Le juge est troublé et se laverait volontiers les mains.

Etrange procès: les agents de police 55 qui m'apportent les assigna­tions me disent tout bas: «Toute la ville est avec vous». Les moins sé­rieux disent: «Combes va trop loin, ça ne peut pas durer».

Je serai appelé plusieurs fois, le Préfet et le Procureur exigeront des suppléments d'instruction.

J'expose ma thèse, et le juge, M. Jourdan, dicte mes réponses à son secrétaire. Tout se passe courtoisement. Le juge paraît convaincu, il en référera au Procureur et celui-ci au Ministre.

Un bon abcès aux gencives me fait souffrir pendant quelques jours. Tant mieux, j'ai tant besoin d'expiation. De bonnes familles, notam­ment les Faroux et les Jourdain me témoignent leur sympathie de cent manières et m'invitent plusieurs fois. 56

Ma correspondance est toujours considérable et occupe une grande partie de mon temps avec la rédaction de la Revue.

Il me reste cependant le loisir de lire quelques livres ascétiques, litté­raires, historiques.

J'écris quelques méditations sur le Cœur sacerdotal de Jésus. Je prépare quelques rapports pour le congrès eucharistique d'Arlon. Je donne aussi chaque mois un article à la Chronique du Sud-Est.

Le 21, un de nos jeunes prêtres, F. David Steinmetz21) part courageu­sement pour le Congo.

Mgr l'Evêque d'Olinda arrivait à Paris le 27. Je vais à sa rencontre et je passe une journée avec lui. Je voulais lui consacrer quelques jours, mais une dépêche me rappelait à St-Quentin dès le 28 pour une 57 nouvelle comparution chez le juge d'instruction.

Je suis heureux de connaître ce bon Evêque. Il est très cultivé, bon théologien et d'un zèle vraiment apostolique. Je fais avec lui quelques vi­sites. Il me présente à la Comtesse d'Eu, l'héritière détrônée du Brésil. La pieuse Comtesse est fort aimable, elle est zélée pour toutes les bonnes œuvres. Elle justifie la Providence en disant: «Il faut reconnaître, hélas! que l'Eglise a plus de liberté au Brésil depuis que nous n'y sommes plus».

Je subis le 29 un supplément d'instruction. Nous lisons justement au réfectoire les Actes des apôtres où sont rapportés les multiples interrogatoi­res de s. Paul, cela m'encourage.

Le Journal de St-Quentin a donné plusieurs fois de bons 58 articles sur nos affaires. L'Osservatore romano22) nous fait aussi l'honneur d'un article au 18 mai: Le Vittime di Combes: il Padre Dehon e i suoi.

Je vais à Bruxelles pour une de nos petites réunions internationales. On y décide la préparation et la fondation d'une mission à Destêrro, au Brésil du Sud. Ce sera pour nos prêtres allemands. Ils trouveront là-bas des colons de leur nationalité.

De Bruxelles je vais à la hâte faire une petite visite aux maisons de Clairefontaine et de Luxembourg que je n'ai pas vues depuis longtemps. Mais une dépêche me poursuit. Le 13, le jour de st Antoine de Padoue, le liquidateur et le commissaire se sont présentés chez moi.

Le liquidateur accompagné du 59 juge de paix voulait apposer les scellés et faire l'inventaire. Le commissaire a interpellé grossièrement le P. Blancal: «On vous avait donné quinze jours, pourquoi êtes-vous en­core là? Prétendez-vous attendre ici que votre jeunesse revienne?». Ce sont là des moeurs d'apaches et des politesses de francs-maçons. Le Père en est devenu plus malade. Il a eu la présence d'esprit de répondre que je m'opposais aux scellés; le liquidateur m'a appelé en référé.

Le lundi 15 jugement en référé. Le Président du tribunal autorise l'in­ventaire sommaire, en réservant tous les droits sur le fond de l'affaire. Le 16 inventaire au S.-Cœur et le 17 à St-Clément. 60 Un Monsieur Wentzel, ex-notaire de Besançon, représente Lecouturier. Je renouvelle toutes mes protestations. Je déclare à ces Messieurs que leur inventaire est un acte préparatoire à un vol et à un sacrilège. Ils encourront l'excommu­nication et seront tenus à restitution, eux et leurs héritiers. Le Sieur Wentzel ne paraît préoccupé que de gagner sa vie, on dit qu'il n'a pas réussi dans son étude à Besançon. Le juge de paix a manifestement le dé­sir d'être courtois. Le vieux commis chargé de l'estimation, Hunaut, y met une minutie ridicule. Il a, je crois, quatre-vingts ans. On le nomme gardien des scellés (qui n'existent pas) et de l'inventaire.

Je ne veux pas de gardien qui vienne chaque jour comme un 61 geôlier voir ce que je fais. Je vais de nouveau en référé le 20 et j'obtiens gain de cause, sur ce point, je suis nommé moi-même gardien de mon mobilier.

Mgr de Soissons23) est de passage à St-Quentin pour la confirmation, il vient nous faire une aimable visite.

Le 19, c'est la fête du S.-Cœur, je n'ai pas eu depuis trente ans une fête aussi peu solennelle. Je suis seul à la maison. J'invite le P. Mathias24) pour midi. J'ai de la peine à organiser un petit salut le soir pour cinq ou six personnes. C'est le 25e anniversaire de mes premiers voeux, que je fis à la fête du S.-Cœur en 1878. Ce n'est pas un jubilé de joie mais de pé­nitence. Je demande pardon à N.-S. de toutes mes infidélités. 62

Le 26, nouveau complément d'instruction. C'est la sixième fois que je comparais dans le cabinet du juge. Il y a là un grand Crucifix qui m'en­courage. Le divin Crucifié a été conduit aussi d'un prétoire à l'autre.

Il y a par contre dans le cabinet particulier où le juge me fait attendre un buste d'empereur romain, une grosse tête sensuelle et mauvaise. C'est, je crois, un Caracalla. Serait-ce le symbole des gouvernements modernes?

Dans mon petit voyage du commencement du mois, j'avais pu pren­dre part au congrès eucharistique d'Arlon. Il se tenait chez les jésuites.

Il y avait de l'entrain et de la piété. Je présentai de petits rapports sur la messe réparatrice, le mois du S.-Cœur, la dévotion au Cœur 63 eucharistique. J'arrivais le dernier jour et je trouvai un auditoire fatigué.

Aux assemblées générales le congrès d'Arlon nous offrait de grands discours comme nos congrès de France.

Le 8, c'était le sénateur Orban, le député Malot, de Namur, président des œuvres, de jeunesse, le député Prüm de Luxembourg.

Le 9, c'était le P. Lemius25), M. Kurth26), l'avocat Legrand.

Je pris part au banquet, présidé par Mgr l'Evêque de Namur et j'y entendis avec plaisir un toast chaleureux et original du professeur Kurth.

Visite à La Capelle le 7 et le 8. Mon frère me conduit voir notre pro­priété de Bailièvre près de Chimay. Quel triste exemple 64 donnent ces Princes de Chimay! Tous deux sont divorcés. Celui de Beauchamp est remarié!

Mgr d'Olinda est revenu de Rome pour faire l'ordination de nos sco­lastiques à Louvain, dans la chapelle des Assomptionistes. Trente­-quatre ordinands, dont dix prêtres. Trois de ces prêtres sont pour le Congo.

Ce sont des jours de moisson. S'ils étaient tous de bons prêtres répara­teurs, N.-S. serait satisfait.

19 juillet! c'est le trente-quatrième anniversaire de mes prémisses à La Capelle.

Le 20, premières messes de nos jeunes prêtres et dîner de famille. Mgr d'Olinda se repose le 21 à Bruxelles et je visite la ville avec lui. Les jours suivants il va à Luxembourg 65 et Clairefontaine faire des recrues pour ses missions.

Le 25, il passe à St-Quentin, Mme Malézieux le reçoit. Je voudrais satisfaire son zèle en lui donnant beaucoup de prêtres.

Du 12 au 21, Léon XIII est malade. Le monde entier est en émoi. La presse tout entière se préoccupe de cette maladie. On peut voir par là quelle grande place la papauté tient dans le monde et quelle grande per­sonnalité est celle de Léon XIII. Sauf quelques ignobles feuilles socia­listes françaises, toute la presse rend justice à la sagesse de Léon XIII, à sa grande intelligence, à sa politique modérée, à sa grande action socia­le. Les journaux réfractaires ont des réserves, ils 66 ont toujours trop manqué d'humilité et de désintéressement pour comprendre Léon XIII.

Il s'en va au ciel le 21. Je rappellerai dans la Revue les rapports que j'ai eus avec lui27).

Le 29, c'est la distribution des prix à S. Jean. M. Landais qui préside a un mot affable pour les débuts de ce collège.

Le conclave dure quatre jours. Le Cardinal Rampolla28) réunit 30 voix. Mais il y a une crainte générale que son élection ne trouble beau­coup d'âmes, parce que sa carrière diplomatique l'a exposé à toutes les discussions. L'Autriche lui est hostile ouvertement et l'Allemagne secrè­tement. Les réfractaires le craignent aussi. Le conclave impressionné par cette opposition abandonne le Cardinal 67 Rampolla et finit par donner 50 voix au Cardinal Sarto29).

Il a un physique aimable comme Pie IX. Ce qui le caractérise, c'est sa bonté, sa générosité, son zèle pour les œuvres sociales.

J'écris dans notre Revue des notes sur mes relations avec Léon XIII et sur les espérances du règne de Pie X30).

Mgr d'Olinda nous avait quittés pour aller recevoir la première béné­diction du nouveau Pape. Il revient, je le revois à Paris. Il nous offre de belles œuvres dans son diocèse: son collège épiscopal, plusieurs parois­ses, et plus tard le séminaire. Je lui donne le P. Joseph31) qui part avec lui et je vais lui préparer quelques autres sujets. 68

Mais plusieurs m'ont quitté. Les vocations sont bien peu fermes de notre temps, et chez nous elles n'ont pas toujours reçu une formation as­sez virile.

Le juge d'instruction me fait dire que nos affaires ne recevront sans doute aucune suite pendent les vacances judiciaires. Ces retards sont pé­nibles. Je suis pour ainsi dire condamné au domicile forcé, je prendrai cependant quelques jours de vacances.

Notre pauvre maison du S.-Cœur est utilisée pour le patronage des enfants et jeunes gens du faubourg St-Martin. Un peu de bien peut donc s'y faire encore. Mais quelle tristesse règne actuellement dans ces deux maisons du S.-Cœur et de S.-Clément.

Je vais revoir Fourdrain. 69 C'était trop beau, N.-S. ne veut pas que nous ayons un séjour aussi attrayant.

Le P. Rasset devient curé de Marchais-en-Brie32), avec deux auxiliai­res. Il a huit paroisses! A Marchais, il y a une personne à la messe le di­manche. Pauvre France! Pourra-t-elle se relever? 70

Le 16, je pars pour la Suisse où je vais faire une trop courte cure de montagne.

«Rien n'est plus beau, peut-être, plus captivant que la montagne avec ses aspects toujours nouveaux, avec ses bois et ses prairies, ses villa­ges pittoresques, ses grands sapins, ses humbles fleurs, ses désordres émouvants, ses hautes murailles de rochers, ses cimes découpées, som­bres ou neigeuses, ses glaciers éclatants, ses noirs manteaux de nuages frôlant les sommets, ses lacs bleus, ses torrents impétueux et ses cascades écumantes. Et c'est évidemment là dans le grand calme de la nature, au milieu de cet entourage gracieux ou grandiose que l'esprit se repose le mieux, que l'on oublie plus volontiers le tumulte de la ville et les soucis quotidiens…. » 71

L'air est plus pur aussi dans les montagnes. Les poumons se dilatent mieux. L'air a plus d'ozone là-haut et il ne contient pas de microbes. J'ai commencé par un petit séjour à Ballaigues, dans la vallée de l'Or­be, à 900 mètres d'altitude. La vallée est large et gracieuse. Elle s'étend vers le lac de Neuchâtel. Elle a des sommets aux vues étendues, le Suchet et la Dent du Vaulion. Je l'ai remontée jusqu'au lac de Joux, jolie nappe d'eau vert-clair, qui a son bateau à vapeur.

Ce canton de Vaud est très protestant. L'hôtel a bâti un petit hangar qui sert de chapelle. Un concert annuel de bienfaisance aide le curé de Vallorbes à suffire aux dépenses du culte. 72

Le 20, je tourne par Pontarlier, sous-préfecture maussade, rehaussée par les travaux hardis du fort de Joux sur les rochers.

Je passe à Verrières, où un monument rappelle la retraite de l'armée de Bourbaki33).

Je descends le Val de Travers; c'est une surprise, je ne comptais pas trouver là une vallée si imposante, avec ses coteaux boisés, ses bourgades industrielles, sa belle végétation et ses vues si variées.

Le soir, c'est le lac de Neuchâtel avec un horizon splendide des gran­des alpes bernoises empourprées par le soleil couchant.

Neuchâtel s'étend dans un site merveilleux sur le coteau qui regarde le lac et les grandes Alpes. La ville neuve au bord du lac est gracieuse et 73 élégante.

Neuchâtel compte 5.000 catholiques, on y élève une belle église ogiva­le. Les Soeurs de la Providence y ont des œuvres. La vieille collégiale du XIIIe siècle a été enlevée aux catholiques au temps de la réforme par un sous-Calvin du nom de Farel34), qui a là sa statue.

Comme ce culte calviniste est glacial! Il ne s'est soutenu que par la passion de la lutte et l'influence politique. Devant la liberté il s'usera et tombera. Les protestants ont perdu leur enthousiasme. Ils appellent leurs pasteurs les «momiers».

Il ne reste place dans le monde que pour deux doctrines religieuses: le catholicisme et l'impiété, la religion du Christ et celle du diable. Neuchâtel a quelque chose d'unique en Suisse, c'est un beau musée 74 de peinture moderne. Ses artistes travaillaient à Paris, c'est l'école française qui est là représentée.

La pièce maîtresse du musée, ce sont les grandes toiles de Paul Ro­bert, qui décorent l'escalier. Ce sont trois grandes compositions symbo­liques chrétiennes. Elles représentent l'influence de l'Evangile sur la vie intellectuelle, sur l'industrie et sur l'agriculture. Vous chercheriez en vain un thème semblable dans les édifices modernes de l'Europe, sauf dans notre belle église Ste-Geneviève, devenue le panthéon des paillards et des ribauds.

Paul Robert a su allier la grâce de la peinture moderne avec l'expres­sion et le symbolisme du moyen-âge.

Panneau central. Le Christ roi, entouré des vieillards (prophètes et apôtres) qui s'entretiennent des destinées de l'humanité, 75 reçoit de la main de deux anges les insignes de la royauté, le sceptre et la coupe des prières des saints. Les quatre figures symboliques des évangélistes se prosternent à ses pieds. Il est précédé par le livre de l'Evangile qui éclaire le monde. A cette lumière montant sur les degrés d'un temple des jeunes filles symbo­lisant les forces intellectuelles et morales, qui apportent au Christ leurs hom­mages, reçus par un messager céleste. Les arts, la pédagogie, la science, la littéra­ture et la musique au premier plan, et plus haut toutes les manifestations de la piété et du dévouement offrent au Seigneur soit leurs emblèmes, soit l'ex­pression de leurs sentiments. Toutes ces figures sont modestes autant que gracieuses. A droite, le dragon renversé sur des ruines et des figures qui symbolisent les vices, est maintenu 76 impuissant sous les pieds de l'archange Michel qui contemple avec ravissement l'ordre établi par la puissance du Christ sur la terre.

Paul Robert avait évidemment une âme religieuse et candide. Ses compositions expriment l'action de l' Evangile dans le monde en général, mais il a su les rendre plus chères aux Neuchâtellois en représentant leur pays comme fond de ses tableaux.

Au panneau central, c'est le château, la ville et le lac de Neuchâtel qui forment le fond.

Panneau de gauche. Le fond représente un paysage enchanteur, c'est le Valde-Ruz (depuis Engollon jusqu'au Chasseral) avec des champs ferti­les et toute la merveilleuse flore des Alpes. Un génie céleste répand l'abondance et bénit le travail des hommes. Les forces 77 malfaisantes se retirent dans l'angle, sous la forme de démons, dont l'un représente le génie inventif et l'autre l'exécuteur brutal du mal.

Paul Robert aurait dû représenter dans ce fond une procession de ro­gations mais il peignait pour une ville protestante.

Panneau de droite. La lumière de l'Evangile est portée par un messager de la paix qui passe entre les anges de la justice et du jugement. Le rayon tombe sur un groupe de travailleurs qui paraissent paisibles et bénis dans leurs travaux. D'autres ouvriers qui ne reçoivent pas le rayon céleste se pressent pour arracher à l'industrie son or, mais des génies malfaisants qui symbolisent les passions leur disputent leurs gains. Au centre, un groupe de capitalistes où ne manquent pas 78 le type du banquier juif, délibèrent: est-ce sur les moyens de production ou sur les réformes socia­les? Le fond représente la vallée de la Chaux-de-fonds, avec ces établis­sements industriels.

Quel ensemble gracieux et varié! Le panneau central est tout idéal. Les deux autres sont plus réalistes. Ils dépeignent l'agriculture et l'in­dustrie de la région.

L'ensemble est une réponse aux matérialistes et aux socialistes con­temporains.

Parmi les tableaux du musée, plusieurs rappellent le douloureux épi­sode de la retraite de Bourbaki aux Verrières. Paul Anker: l'hospitalité, sol­dats de l'armée du général Bourbaki soignés par des paysans suisses, en 1871: belle scène militaire, bivouac et ambulance: couleur, expression et réalisme. 79 Auguste Bachelin: Aux Verrières le 1er février 1871. Entrée de l'armée française en Suisse. C'est la résignation avec un peu de dé­sordre, dans la défaite. François Ehrmann: la Suisse couvre de son man­teau Strasbourg qui succombe. C'est une allégorie, comme la sculpture en a beaucoup imaginées depuis trente ans.

Une autre catégorie de tableaux, ce sont les paysages suisses, qui sont traités avec un amour patriotique. J'ai remarqué: Alfred Berthoud: la Jungfrau. Albert Anker: le chemin des pèlerins à Gleyresse: un pèlerinage avant la réforme. Des malades se font porter au sanctuaire pour deman­der leur guérison. Le protestantisme ne connaît pas ces actes de foi. Ale­xandre Calame: le mont Rose, effet de soleil sur les Alpes du Valais 80 Un beau lever de soleil. C'est l'écrivain Töpfer qui en inspira l'idée à Calame. Albert de Meuron: le col du Bernina - Les lacs du Bernina. Ma­ximilien de Meuron: le grand Eiger vu de la Wengern-Alp.

C'est M. de Meuron qui a créé l'Ecole alpestre suisse. Töpfer décrit bien cette toile. «C'est l'impression des solitudes glacées, c'est la lumiè­re naturelle jaillissant avec magnificence sur les dentelures argentées des hautes cimes; c'est la froide rosée détrempant de ses gouttes pures un ga­zon robuste et sauvage: c'est le silence des premiers jours du monde que l'on retrouve encore dans ces déserts de la création, dont l'homme ne peut aborder que les confins».

Edouard Jeanmaire: les sapins, pâturage à la Joux-Perret. Paysage de jura. William Roetlischberger: pêcheurs au 81 grand filet: belle vue du lac de Neuchâtel.

C'est Léopold Robert qui a donné aux Neuchâtellois le goût de la pein­ture. Il est né à la Chaux-de-fonds. Ses œuvres sont nombreuses au mu­sée. Trois de ses toiles m'arrêtèrent particulièrement. Le charme de ses peintures est la chaude lumière du soleil d'Italie et d'Algérie qui les éclaire.

Les pêcheurs de l'Adriatique sont connus. Son Intérieur de la basilique St­-Paul à Rome après l'incendie de 1823, est une note historique. Sa Corinne au Cap Misène n'est qu'une esquisse mais avec une merveilleuse couleur locale.

De Neuchâtel à Lucerne nous passons sans nous arrêter à Berne et nous jouissons de son splendide panorama des grandes Alpes. 82

La nouvelle m'arrive que le liquidateur se présente pour faire l'inven­taire à Fourdrain et à Lille. Mon petit voyage de repos en Suisse est gâté par ces préoccupations. Pendant que je m'absente les cambrioleurs offi­ciels travaillent chez moi et les miens.

Lucerne comme Interlaken n'est plus abordable dans la belle saison. Il y a trop de monde, trop d'élégants, trop d'Anglais. C'est que Lucerne a tant de charmes: une ville gracieuse, un lac incomparable, des monta­gnes qu'on gravit en ascenseur, des souvenirs historiques. Les riches du monde peuvent passer là de belles journées.

J'ai célébré la messe à l'ancienne église des jésuites. Les Pères ont perdu beaucoup de ces églises où ils avaient accumulé un luxe de mau­vais goût.

Quelle heureuse ascension j'ai faite 83 en famille au Rigi! Le ciel était si pur et le panorama classique des grandes Alpes et des lacs était si beau. En montant au Rigi par un beau temps, on a vu toute la Suisse. La navigation du soir, au fond du lac est toujours impressionnante avec les souvenirs de Guillaume Tell et du Rütli.

Le soir je couche à Goeschenen. La vallée est étroite. Le paysage man­que d'horizon. Il y a cependant un bel aperçu sur le glacier de Damma, vers les sources du Rhône.

De Goeschenen, par Andermatt, nous montions vers les sources du Rhin par le col de l'Oberalp. Le massif du St-Gothard pourrait s'appeler le toit de l'Europe, ses gouttières sont le Rhône, le Rhin, 84 l'Aar, la Reuss et le Tessin.

Andermatt est un site privilégié, on y accède en venant du nord par la vallée de la Reuss, et là trois grandes routes vous sollicitent et vous of­frent leurs lacets pour gravir les Alpes: au sud, on gravit le St-Gothard; à l'ouest, c'est le col majestueux de la Furka; à l'est, c'est le passage de l'Oberalp. C'est là que nous allions pour descendre toute la vallée du Rhin antérieur jusqu'à Thusis. Sauf l'excursion de l'Engadine, nous al­lions suivre le Rhin depuis sa source, en passant par Dissentis, Coire, Ragatz, Constance, Schaffouse, Bâle.

Nous couchons le soir au col de l'Oberalp après avoir gravi de longs lacets sous un vent assez vif. 85 L'Oberalp-pars à 2000 mètres d'altitu­de a son petit lac glacé et un horizon de montagnes où brillent quelques sommets neigeux. On n'y voit pas de beaux glaciers.

Le 24, nous descendons toute la vallée du Rhin antérieur. C'est d'abord un long désert sans villages, puis la descente s'accentue par les lacets de Tchamutt. La vallée rappelle alors celle du haut Rhône, avec ses gracieux villages aux églises blanchies semées sur toutes les alpes ou prairies.

Nous passons à Dissentis où se trouve une grande abbaye fondée au VIIe siècle par le Bénédictin écossais Sigebert et rajeunie au XVIIIe siècle. Les moines y tiennent un collège. Le Prince-abbé avait jadis une juridic­tion civile et 86 religieuse indépendante. Il présidait la Ligue-Grise. Cette abbaye était avec celles de Pfoeffers [Pfäfers], d'Einsiedeln et tant d'autres, un des satellites de celle de S.-Gall qui a tant fait pour la diffu­sion des sciences et de l'art chrétien dans tout le sud de l'Allemagne. La grande église a encore d'innombrables reliques et une vieille Madone très vénérée, cependant les terribles révolutionnaires français ont passé là en 1799 et y ont porté la torche incendiaire, comme partout.

Nous déjeunons à Truns et nous couchons à Ilanz, une gracieuse peti­te ville qui reçoit un affluent du Rhin. Nous avions rejoint le chemin de fer, après deux jours de bonne promenade en voiture au grand air des montagnes. 87 Ilanz est en effet reliée depuis quelques mois par Rei­chenau à Thusis et à Coire.

Quel beau travail que ce nouveau chemin de fer de l'Albula, qui grim­pe de Thusis à St-Moritz! Il tourne comme un serpent et fait des spirales dans le flanc de la montagne pour en gravir les étages. Son dernier tun­nel a quatre kilomètres, et tout cela a été fait si vite! en deux ans, je crois.

Vraiment avec cette facilité de tourner et de monter, les montagnes ne sont plus un obstacle aux chemins de fer, et je m'étonne qu'on ne traver­se pas plus vite les Andes, les Pyrénées, le Caucase.

Les ingénieurs ont eu l'esprit de ne pas gâter le voyage, ils 88 ont tenu compte des plus beaux sites dans le tracé de leur ligne. Au Solis­brücke, à Tiefenkastel, on jouit de la vue comme on en jouissait autre­fois par la route. Le viaduc du railway à Solis renchérit encore sur la har­diesse du pont où passe la route et on les voit bien tous les deux.

J'avais cinq belles journées à passer en Engadine. Quel merveilleux pays! C'est le bouquet de la Suisse, cette longue et large vallée, à 2000 mètres d'altitude, semée de lacs gracieux et encadrée de sommets nei­geux et de glaciers. Aussi ses bourgades regorgent d'hôtels somptueux.

La vallée était toute protestante, mais il y est venu tant d'étrangers des autres cantons et de l'Italie que chaque village a maintenant une chapelle catholique. 89 La vieille Engadine a eu un saint Curé dont le culte est conservé à St-Moritz. Son nom est saint Florin35).

Notre première excursion est pour la Maloia, site merveilleux, balcon de l'Italie, en haut de cette longue avenue de l'Engadine. On y va en longeant les gracieux lacs de Campfer, de Silvaplana, de Silser. Un hôtel-palais a été élevé là, où l'on trouve tout le confort et le luxe des vil­les. De là-haut on voit descendre les lacets rapides qui conduisent par le Val Bregaglia, vers le lac de Côme.

Deux fois, le 27 et le 29 nous allons voir les glaciers du Bernina. Le 27, c'est le glacier de Morterasch, le 29 c'est celui de Roseg. Ce sont les rois des glaciers, avec ceux 90 des autres grands massifs du Mont-Blanc, du Mont-Rose et de la Jungfrau. Le temps est splendide et ces grands manteaux d'hermine se découpent sur un ciel d'azur. Dieu a donné à l'homme une habitation qui a encore ses grandes beautés, même après la déchéance primitive, mais l'homme au lieu d'en jouir dans la paix, l'union et la charité mutuelle, s'acharne à y semer la haine, l'envie, la persécution et la lutte!

A Morterasch je gravis une partie du glacier pour mieux apprécier son étendue; à Roseg je monte jusqu'à l'alpe Otta et vers Mortelhütte. Je cause avec des bergers italiens. Ces braves gens ont une quarantaine d'animaux dans l'Alpe. L'hiver, ils retournent 91 vers Bergamo. Je visite leur chalet où ils fabriquent le fromage. Des images pieuses ornent les modestes chambres. Pour tout livre, il y a la «Doctrine chrétienne», excellent catéchisme commun à la Lombardie et au Piémont et qui pour­rait bien devenir le catéchisme universel.

Pontresina est un des beaux sites de l'Engadine. Elle jouit de la vue des grands glaciers du Bernina avec les aspects variés et enchanteurs qu'y apportent les semis de roses de l'aurore ou la pourpre du couchant.

Le 28, nous allions à Samaden. Cette petite ville aurait pu rivaliser avec St-Maurice, mais elle a desséché son lac pour y faire des prairies. Elle y gagne un peu de foin, mais elle y 92 perd des milliers de touris­tes qui y sèmeraient de l'or.

Le 30, nous redescendons à Coire et à Ragatz. C'est dimanche, le re­pos prescrit par la religion est admirablement observé, on ne trouverait pas un magasin ouvert. La ville est en majorité catholique. Elle attribue son évangélisation à saint Lucius36), un pieux roitelet d'Angleterre qui revenait du pèlerinage des Lieux Saints au VIIIe siècle.

La cour de la cathédrale ou cour épiscopale a un grand air, avec ses quatre ailes de bâtiments et ses tours d'angles en parties romaines. Elle a succédé à l'ancienne cour ou Curie des gouvernements romains de la Rhétie, et c'est cette Curie qui a donné son nom à la ville.

J'ai remarqué au maître-autel 93 de la cathédrale un curieux réta­ble du XVe siècle qui a deux faces. Devant, c'est Bethléem et la Cène; derrière c'est le Calvaire et la Passion. Autrefois le rétable tournait sur lui-même et présentait aux fidèles les mystères douloureux pendant le temps de la Passion.

Le trésor est très curieux. Il a des reliquaires byzantins, quelques étoffes arabes et du bas empire, et des diplômes de Charlemagne, de Louis le Dé­bonnaire, de Lothaire. C'est là que j'ai appris comment se lisaient ces vieil­les signatures, imitées de Byzance. Il faut commencer par les lettres du haut et descendre. Les signatures étaient, parait-il, toutes préparées par les scri­bes et l'empereur les complétait en traçant seulement le trait du milieu. 94

Ragatz est la vieille ville d'eau aristocratique avec son parc, des vieux arbres, son casino en style dorique, son orchestre, ses magasins de curio­sités. Les catholiques y sont en majorité, leur église est digne, mais sans art. Ragatz est un des centres de la belle broderie suisse.

Mais quelles belles excursions! surtout la Tamina-Schlucht, la gorge du Tamina. Cette montagne de Calenda, fendue sans doute par quelque tremblement de terre, laisse couler la Tamina, entre ses masses rocheu­ses adossées l'une à l'autre, à trois ou quatre cents mètres d'altitude. La gorge a bien deux kilomètres de longueur. Elle m'impressionne autant que les grottes de Han.

Une autre excursion au château 95 de Wartenstein en funiculaire donne une vue splendide sur la ville et sur la vallée du Rhin. Près de Wartenstein est l'ancienne abbaye sécularisée de Pfaeffers [Pfäfers], une des filiales de St-Gall.

Le lac de Constance appartient à plusieurs nations. L'Autriche a Bre­genz; la Bavière, Lindau; le Würtenberg, Friedrichshafen. Constance est au duché de Bade, la côte ouest est à la Suisse. Je n'ai visité que Cons­tance et l'île de Mainau.

Constance a une belle cathédrale, refondue au XVe siècle. Sa façade haute et simple a de la grandeur, sans approcher de la richesse de nos merveilleuses églises d'Amiens et de Reims.

Au trésor, gracieuses miniatures; 96 riche devant d'autel brodé en soie; vieux reliquaires; ostensoir donné par le grand duc.

Mainau est une île enchantée où le grand-Duc a un château et des jar­dins qui rappellent les îles Borromée.

J'ai revu Schaffhouse et sa modeste cathédrale attristée par l'horrible culte protestant. Ces gens se mettent à nettoyer leurs murs qui ont été crépis à la chaux au temps de la Réforme et ils retrouvent sous le badi­geon de gracieuses madones et des saints. Puissent-ils avec cela retrou­ver la foi et la vraie piété.

J'ai revu aussi la chute du Rhin ave le château fantastique de Laufen et l'illumination féerique du soir. C'était le bouquet du voyage de Suis­se. 97

Je revins par la vallée du Rhin jusqu'à Bâle. Deux points seulement ont un aspect saisissant: Laufenbourg avec son vieux château sur ses ro­chers et Soekingen avec son château aussi et sa vieille église abbatiale. Au nord de la voie, c'était toujours la grande forêt avec ses noirs sapins. Le 4 je rentrais à St-Quentin, le 7 commençait la retraite à Louvain.

Le ven. P. André de la Cie de Jésus nous a donné une bonne retraite. Il parle pieusement et sans recherche. Le fond prime la forme, c'est la bonne méthode. Nous étions vingt-cinq et tout le monde avait bonne vo­lonté.

J'ai suivi toutes les instructions, mais hélas! dans ces retraites com­munes 98 j'ai toujours bien des dérangements.

Le plan de la retraite n'était pas strictement celui de st Ignace, mais le fond était le même.

  • Importance de la retraite: la faire comme si c'était la dernière…
  • Ad quid venisti? [Mt 26,50]. - Quel est le but de la retraite? Ce n'est pas notre repos, notre consolation, mais la réparation des fautes commises et la réforme de notre vie.

III. Quels sont les droits de Dieu à notre amour? Création, rédemp­tion, éducation chrétienne, vocation.

IV. Conférence: la méditation. Il y a chaque jour quelque grâce de lu­mière dont il faut savoir profiter.

V. L'usage des créatures: elles louent Dieu, elles nous servent, elles nous exercent.

VI. Le péché des anges: l'orgueil…

VII. Le péché mortel: ses conséquences: 99 visions de quelques Saints.

VIII. La sainte messe: son prix infini: application de la rédemption.

IX. Examen de conscience (le Père nous lit un examen pour nous aider).

X. L'enfer: application des sens.

XI. Les tentations. Comment les éviter, les fuir, les combattre.

XII. L'éternité: comparaisons diverses.

XIII. La mort: contemplation de la mort du bon et du mauvais reli­gieux.

XIV. Le péché de st Pierre, ses causes.

XV. Méditation des trois classes d'hommes, de s. Ignace, pour encou­rager à la générosité.

XVI. L'Eucharistie; grâce infinie.

XVII. L'imitation de Jésus-Christ, règle de la vie chrétienne.

XVIII. Bethléem: humilité, détachement.

XIX. Résolutions à prendre: conseils 100 (le Père nous lit quelques projets de résolutions).

XX. Nazareth: régularité, travail.

XXI. Agonie: contrition.

XXII. Conférence sur la charité envers le prochain, la piété aimable.

XXIII. Confiance: non pravalebunt [Jr 1,19]. Le Père passe en revue l'histoire de l'Eglise et ses victoires sur ses ennemis.

XXIV. Sur la Sainte Vierge. Traits tirés de la vie des Saints.

XXV. A.M.D.G. Dernière méditation. Disposition générale d'une âme fervente: vivre «ad majorem Dei gloriam ».

J' ai pris deux bonnes résolutions concernant la ferveur dans les exerci­ces de piété et la fuite des tentations. Je trouve une note bien faite sur les défauts qui nous font perdre les fruits de la retraite, je la copie. 101

«Notre défaut de vigilance. Combien de personnes ont perdu en peu de jours, quelquefois même en peu d'heures, le fruit de toute une retrai­te, pour n'avoir pris aucun souci de cet incomparable trésor de grâces célestes, qu'elles portaient dans leur cœur!

Plus ces grâces sont précieuses, plus elles demandent à être soigneuse­ment gardées. Si, au sortir de la retraite, on se répand dans les choses ex­térieures; si on néglige de rentrer souvent en soi-même pour raviver le souvenir de la parole de Dieu et en respirer le parfum, on redeviendra bientôt tout terrestre comme les misérables objets auxquels en prodigue son cœur.

Que serait-ce si on se jetait inconsidérément dans de nouvelles occa­sions d'offenser Dieu! Une rechute alors n'aurait plus 102 rien qui dût étonner: on ne peut pas compter sur le secours d'en-haut, lorsqu'on s'expose de soi-même au péril…».

Le 14 septembre, jour de l'Exaltation de la sainte Croix, était le 25e anniversaire de la fondation du premier noviciat à St-Quentin. Nous fê­tions cet anniversaire par la prière, l'action de grâces et l'amende hono­rable. Je chante la messe et j'adresse à mes confrères une exhortation dont voici le résumé:

«Cum vidisset Jésus matrem et discipulum stantem quem diligebat, dicit matri suae: Mulier, ecce filius tuus. S. Jean XIX, 26. - Jésus (du haut de la croix), voyant sa Mère et son disciple bien-aimé, dit à sa mè­re: Femme, voilà votre fils -».

Jésus n'avait avec lui au Calvaire 103 qu'un prêtre aimant et aimé, un prêtre de son Cœur.

S. Jean, c'est le modèle, c'est l'idéal que j'avais en vue, il y a 25 ans, en fondant l'œuvre des Prêtres du S.-Cœur, œuvre d'apostolat, œuvre de compassion et d'amour pour Jésus.

I. S. Jean, c'est l'amour, c'est la charité, dans l'action, dans la com­passion, dans la contemplation.

Trois apôtres symbolisent les vertus théologales, Pierre, Jacques et Jean. Pierre, c'est la foi: il confesse le premier la divinité de Jésus-­Christ, il marche sur les eaux. Jacques, c'est l'espérance: il quitte tout, son père et ses flets pour chercher les biens spirituels: il espère tout, mê­me la première place au ciel. Jean, c'est la charité, c'est le disciple ai­mant et aimé.

Dans l'action, dans ses plus beaux miracles, 104 pour la guérison de la belle-mère de saint Pierre et pour la résurrection de la fille de Jaïre, Jésus veut associer à sa puissance divine les vertus de ses disciples. Il prend avec lui Pierre, Jacques et Jean: la foi, l'espérance et la charité.

Dans sa Passion, il voudrait trouver le même concours et offrir à son Père les vertus de ses apôtres unies à ses mérites. Il appelle à Gethséma­ni, Pierre Jacques et Jean. Mais au Calvaire, il n'y a plus que Jean, la charité seule demeure.

Pour le culte eucharistique, Jésus envoie Pierre et Jean préparer le cé­nacle. Il a Pierre à sa droite à la Cène et Jean à sa gauche, et il permet à Jean de reposer sur son Cœur.

II. Dans sa vie apostolique, Jean 105 représente également la cha­rité, dans l'action, dans la compassion, dans la contemplation.

Dans l'action, sa charité déborde envers les âmes dans son apostolat et dans ses épîtres. On sait la charité idéale qu'il déploie dans sa vieillesse envers un jeune homme coupable. On connaît sa devise: Mes enfants, aimez-vous les uns les autres.

Dans les supplices qu'il endure à Rome pour la foi, s. Jérôme nous dit que le feu de sa charité surmonta les flammes qui faisaient bouillir l'hui­le homicide.

Dans la contemplation, sa charité lui vaut à Patmos les révélations les plus hautes auxquelles une âme humaine puisse parvenir.

III. La charité dans l'action, dans la compassion, dans le culte eucharistique 106 et l'oration, c'était aussi notre but.

Dans l'action, nous nous sommes donnés à l'éducation des petits clercs et aux missions pénibles: missions des campagnes, missions de l'Amérique et de l'Afrique.

Dans la compassion, nous nous sommes offerts à Jésus par la profes­sion d'immolation et il a daigné accepter notre offrande. Il nous a permis de porter la croix avec lui, tant pour notre purification que pour le salut des âmes. Nous avons vu passer l'incendie, la maladie, les pertes d'ar­gent, les faux-frères, les persécutions, les difficultés canoniques: pericu­lum latronum, periculum ex genere, in falsis fratribus, in labore et aerumna.. . [cf. 2 Cor 11,26-27].

Dans le culte eucharistique et l'oraison, il nous a favorisés en 107 multipliant chez nous les expositions, saluts et bénédictions du St-Sacrement; en donnant des grâces sensibles à beaucoup d'entre nous, surtout au début de nos maisons du S.-Cœur, de S. Jean, de S.-Clément, de Sittard.

Conclusion. Soyons ce que nous devons être, et Jésus sera consolé et nous bénira. Un prêtre du S.-Cœur est très uni à Jésus. Il a les pratiques de l'oblation du matin, de l'amende honorable, de l'adoration, de la couronne du S.-Cœur, de l'union aux mystères du matin, de midi et du soir, de l'heure sainte.

Aujourd'hui, N.-S. attend de nous la reconnaissance pour 25 ans de bienfaits, l'amende honorable pour toutes nos fautes, et de généreuses dispositions.

Ecce filius tuus [Jo 19,26]. Il nous confie à Marie aussi. Il nous a donné sa 108 mère pour quelques années, pour l'enfance de l'œuvre, en nous faisant aider par les bonnes Soeurs Servantes du Cœur de Jésus. Il nous donne maintenant le concours de sa mère au ciel, mais il veut aussi que nous soyons tout à sa mère, pour l'aimer, pour la servir, pour la glo­rifier: Ecce mater tua» [Jo 19,27].

Après cette allocution, nous avons tous renouvelé nos voeux.

Il me semble que nos âmes se sont aussi un peu renouvelées. Puis­sions-nous persévérer dans nos résolutions!

Après la retraite, je vais assister à la rentrée du Noviciat. Il y a 23 can­didats, malgré la difficulté des temps et les dispositions sont bonnes. Les grâces de santé obtenues pour le P. André, pour Glod et pour Gasparri37) continuent. 109

Je rentre le 19 après un petit séjour à Bruxelles. Une convocation du commissaire de police m'attendait. C'est pour un témoignage relatif aux propriétés de M. Dupland à Fourdrain et à Marsanne.

J'avais envoyé une adresse au Pape à l'occasion de notre jubilé. Je lui exprimais nos sentiments d'affection et de filial dévouement. P. Bar­thélemy38) a été admis à présenter cette adresse lui-même en audience privée le 2 octobre, premier vendredi du mois.

Le Pape s'est montré d'une grande bonté, il s'est informé de toutes nos œuvres, il a encouragé particulièrement nos missions. Il a promis de me répondre personnellement, et en effet, le lendemain, il m'envoyait à Bruxelles une petite lettre autographe que je copie ici. 110

«Dilecto filio Superiori Generali et dilectis pariter Sodalibus ex Insti­tuto Presbyterorum a SSmo Corde Jesu, qui una simul congregati (sunt), ut annum Vigesimum quintum ab ejusdem Instituti fundatione celebrarent, ob filialis observantiae et amoris sensus Nobis exhibitos gaudentes, et petrianam stipem oblatam gratias agentes, Apostolicam Benedictionem, caelestium donorum auspicem peramanter impertimus.

Ex aedibus Vaticanis, die 3 octobris an. 1903.

Pius P. P. X

Rev.mo Patri Generali,

Via Eugène Cattoir 26. Bruxelles.

C'est une faveur précieuse dont nous serons tous bien reconnais­sants. 111

Nous avions eu le 27 la réunion des anciens élèves de S. Jean. Elle n'était pas nombreuse cette année. Je leur adressai une allocution contre le pessimisme et le découragement. Je la résume:

«Ecce venit hora ut dispergamini… In mundo pressuram habebitis, sed confidi­te, ego vici mundum. Jean XVI, 32.33.

Il y aura des heures de persécution où l'on vous dispersera, mais ayez confiance, j'ai vaincu le monde.

Nous sommes dans une de ces heures sombres où toute l'œuvre du Christ semble péricliter. La force est aux mains de la franc-maçonnerie, et ce n'est pas encore le plus grand péril, des objections troublent vos esprits et font chanceler votre foi.

Je vais exposer et réfuter les deux principales objections qui vous éblouissent et énervent votre courage. 112

La première est la supériorité prétendue de la culture intellectuelle in­croyante. Il semble qu'il y ait antagonisme entre la science et la foi. La seconde est la supériorité de la civilisation du Nord ou des nations pro­testantes opposée à la décadence des races latines.

I.

La première objection a eu toute son ampleur au XVIIIe siècle, elle a contribué à donner à la Révolution un caractère antireligieux. Voltaire, Rousseau, Diderot et d'Alembert régnaient. L'impiété avait du style et de l'esprit, elle était railleuse et goguenarde; c'était tout ce qu'il fallait pour réussir en France. Mais un retour de Providence est venu. Les ca­tholiques se sont réveillés. L'esprit était personnifié dans la première partie du XIXe siècle par Chateaubriand, de Maistre, de Bonald, 113 Lamartine, Hugo, Laprade, Veuillot, Montalembert, Lacordaire. Ce fut le beau jour d'un soleil rayonnant après l'affreux brouillard de l'incrédulité. Voltaire rentra dans l'ombre. Il est démodé et oublié.

La foi subit un nouvel assaut inspiré surtout par la fausse science ger­manique. Renan parut, puis Zola. Taine et Littré prêchaient aussi le po­sitivisme. L'Université tout entière tendait au scepticisme. Mais Taine et Littré se sont réfutés eux-mêmes: Littré par sa conversion; Taine par son ouvrage contre la Révolution. Renan s'est compromis par son ro­man graveleux sur l'abbesse de Jouare. Zola est mort honteusement, la face dans ses excréments. L'Université et l'Académie se réveillent de leur cauchemar d'incrédulité. 114 L'Académie aujourd'hui, c'est Brunetière, c'est Coppée, c'est Bourget, c'est Faguet, Jules Lemaître aussi vient à nous.

Dans l'Université, Ollé-Laprune a semé de nouveaux germes de foi et de vie chrétienne par son enseignement philosophique à l'Ecole Norma­le. Il a formé une pléiade d'esprits aussi croyants que vertueux: Blondel, Fonsegrive, Goyau.

La foi reviendra en France, comme elle s'est perdue, par l'élite des in­telligences. La science était dévoyée comme la littérature, elle avait versé dans le naturalisme. Elle s'est retournée vers Dieu avec Pasteur, de Lap­parent, Branly.

II

L'objection tirée de la supériorité 115 des nations protestantes n'est pas moins grave. L'Allemagne a la force, l'Angleterre a la richesse. Un livre paradoxal a été écrit par un Français, Demolins, sur la supériorité des Anglo-Saxons. Une école de théologie catholique en Allemagne a même écrit des livres étranges sur la décadence du catholicisme. Mais la Providence se charge de répondre.

Dans la force de la nation allemande, est-ce que les provinces catholi­ques ne sont pas le meilleur appoint? Est-ce que les nations protestantes ne versent pas dans le socialisme? L'Angleterre voit sa prospérité minée sourdement par la concurrence des Etats-Unis, de l'Allemagne, du ja­pon. Et ses 116 intelligences d'élite reviennent au catholicisme.

Si les races latines se sont affaiblies, est-ce à cause du catholicisme? Non, c'est évidemment le contraire. L'Espagne catholique était la reine du monde. L'Italie catholique régnait sur la Méditerranée par Venise et Gênes. Le France catholique serait féconde, morale et laborieuse comme le Canada. Ces nations ont baissé quand les monarchies qui les gouver­naient ont entravé la liberté religieuse.

Les catholiques des Etats-Unis ne grandissent-ils pas chaque jour? Les Espagnols d'Amérique, chaque jour plus nombreux, plus riches et plus in­struits, peuvent se permettre les longs espoirs et les vastes pensées. 117

III

Rejetez donc les tentations de doute et de découragement. Cela vous conduirait à l'abandon de la pratique chrétienne.

Ce sont des chrétiens complets qu'il nous faut aujourd'hui pour rele­ver la pauvre France et pour aider l'Eglise.

Ecoutez Laprade:

«Dans l'affreux orage où nous sommes,

«Il nous faut de mâles sauveurs

«Nous avons eu trop de rêveurs,

«Soyez des hommes».

Voyez si Ollé-Laprune ou Brunetière cachent leur drapeau. «Le chris­tianisme, dit Ollé-Laprune, exige des vertus sérieuses: le renoncement, la pénitence, la patience dans les souffrances, l'humilité, la simpli­cité». 118

Coppée se dépeint lui-même priant avec la simplicité d'un enfant. C'est dans sa villégiature au Tréport.

«J'ai suivi le sentier au milieu des tombeaux, - Et seul dans la fraîcheur de la nef en ogive, - M'étant agenouillé dans l'un des bancs de bois, - J'ai fait avec respect le signe de la croix - Et j'ai prié…».

Il vous met en défiance contre la légèreté de votre âge. C'est à propos des fêtes de la mi-carême, dans un temps où les ouvrières souffraient de la grève et où les attentats anarchistes se multipliaient:

«Lorsque dans sa boîte de thon - L'anarchie met sa poudre verte. - Vraiment cela me déconcert. - La musique du mirliton… - A votre âge l'espoir enivre. - Vive demain! qu'importe hier 119 - On veut, même en des jours de fer - Jouir de ses vingt ans et vivre. - Soit, riez et chantez en choeur. - La jeunesse est si tôt passé! - Pourtant, qu'une grave pensée. - Tout d'abord nous vienne du cœur».

Avec ces intelligences supérieures, inclinez-vous devant Dieu, priez et donnez à ce peuple qui se grise d'utopies, l'exemple des vertus chrétien­nes qui ramèneront la paix sociale.

Le 15, neuf missionnaires s'embarquent à Anvers pour le Congo. C'est un beau départ. Il y a six prêtres, les Pères Laurent Wulfers, Au­bert, Massmann, Britzen, Wysen et Fassbender - et les frères Alexis, Majella et Placide39). Ils vont donner un bel essor à la mission et doubler tous nos postes. 120 J'aurais bien voulu aller à Anvers pour bénir les partants, mais je suis retenu à St-Quentin. M. Arrachart, un ami dé­voué, est gravement malade, je tiens à le visiter tous les jours.

Le 30, nouveau départ. Cette fois, pour le Brésil du nord, ils sont six. Je les conduis à Paris et je les quitte à la gare du quai d'Orsay. L'abbé Billet nous a donné l'hospitalité rue Denfert. Nos missionnaires partent donc de ce lieu sacré où vivait, dit la tradition, l'Apôtre de Lutèce, s. Denys. Quelle impression pénible produit la vue de ce grand Carmel dé­nudé et abandonné. Il a tant de grands souvenirs! C'est là que M. de Bé­rule (Bérulle) inaugura le réforme du Carmel en France, et tant de sain­tes âmes ont vécu là! 121

Je revois à Paris quelques-uns de nos grands jeunes gens qui ont quitté leur vocation: Raynaud, Carnier, Leduc. S'ils ont perdu de grandes grâ­ces, c'est notre faute autant que la leur. Nos maisons n'étaient pas assez édifiantes pour les retenir. A Fayet, la discipline était trop faible; à Lille, la vie était trop large. Moi-même, j'ai manqué de caractère, de ferveur, de vi­gilance. Je m'en humilie, j'en demande pardon à Dieu et à mes frères.

Je prends la décision d'abandonner la Revue40). Il faudrait lui donner une tournure plus populaire et faire de la propagande dans toute la France. Ce serait facile en d'autres temps, mais maintenant, je suis à la veille d'être expulsé. Je ne pourrais rien faire de Bruxelles. 122

Voilà douze ans que je fais cette Revue tous les mois. Elle a fait quel­que bien. Elle était le ballon d'essai de mes études sociales, que je don­nais là avant de les publier en volumes. C'est même à cause de ses doc­trines conformes aux directions de Léon XIII, qu'elle a perdu un certain nombre d'abonnés.

J'avais des manuscrits préparés pour un an ou deux. Je fais le sacrifice de tout cela. N.-S. a ses desseins, j'aurai plus de loisir pour mes exerci­ces de piété.

Je m'occupe ce mois-ci d'écrire des Règlements pour nos scolasticats, pour nos alumnats, pour les Prêtres isolés, pour la Visite des maisons.

Tout cela était à faire et ce sera un secours pour l'avancement de l'Œuvre. Je vieillis et je voudrais laisser 123 toutes choses passablement or­ganisées.

Mon courrier remplit presque toutes mes journées, avec quelques lec­tures instructives et des notes sur le Cœur sacerdotal de Jésus.

Au commencement du mois, voyage à Bruxelles. Réunion, étude des nouveaux règlements. Un petit séjour en Belgique me repose, on respire là un air de liberté qu'on ne connaît plus en France.

Je prépare un nouveau départ pour le Brésil.

Mes principaux bienfaiteurs, M. Arrachart et Mme Malézieux ont été gravement malades, N.-S. tiendra compte de leurs sacrifices pour l'œuvre.

Les grands anniversaires de mes ordinations reviennent. J'en 124 voudrais être plus ému et mieux renouvelé. Que N.-S. me pardonne ma tiédeur!

Les lettres de nouvel an me prennent du temps; mais, cette année, n'ayant pas de domicile stable, j'échappe à l'obligation des visites. J'utilise la maison du S.-Cœur pour un patronage de jeunes ouvriers. J'ai une messe de Noël consolante avec vingt-quatre communions.

125 1904

Encore une année nouvelle! une des dernières de ma vie, qui s'ache­mine rapidement vers son terme. Je commence l'année sur la croix. Je suis poursuivi par les tribunaux, menacé d'expulsion et de spoliation.

J'habite au S.-Cœur presque seul, sans livres, sans archives. Je ne sors que pour aller voir mes malades: Mme Malézieux et M. Arrachart. J'ai trouvé un moyen de prendre de l'exercice, c'est de scier du bois une heure chaque jour. Ma santé s'en accommode fort bien.

Deux départs pour le Brésil me donnent l'occasion d'aller à Paris. Le 10, ce sont les ff. Duborgel et Roblot41), qui vont s'embarquer à La Ro­chelle. Le 25, ce 126 sont les ff. Johannes, Demont, et Bittkau42), qui partent pour Bordeaux.

Tous vont au collège épiscopal d'Olinda. Réussiront-ils? C'est un es­sai que nous avons dû tenter, pour faire plaisir à Mgr43), qui est si pres­sant et si zélé.

Le 20, mauvaise nouvelle: une dépêche nous apprend que le f. Alexis44), des derniers partis pour le Congo est mort en chemin sur le ba­teau fluvial.

La Chambre nomme Brisson45) président, et une interpellation sur l'expulsion du député alsacien Delsor donne encore cinquante voix de majorité à Combes. L'année politique commence mal. 127

Le 2 février, je suis appelé chez le nouveau juge d'instruction, M. Dorigny. L'instruction est close, le procès ne viendra pas de suite, j'ai le temps d'aller à Rome et j'en profite. Je pars le 3.

Je fais étape à Marseille, à Vintimille, à Pise, pour ménager la fati­gue. Quelques heures passées à Monte-Carlo me charment par les fleurs accumulées que je vois là, le beau site, la douce atmosphère. J'ai causé avec les jardiniers, ce sont des gens du pays, simples et chrétiens; mais le monde judaïsant des boutiquiers qui exploitent la station d'hiver me ré­pugne.

Dès le lendemain de mon arrivée à Rome, je suis pris de l'influenza, avec fièvre, faiblesse générale, 128 accès de goutte à la main et dou­leurs dans les épaules. Tout mon séjour sera une période d'expiation et de réparation. Tant mieux!

Je puis cependant rester debout et je commence à faire quelques visi­tes chaque jour.

Le 11, mauvaise nouvelle: une dépêche du Brésil m'annonce la mort du P. Nesselrath46). C'est une grande perte. Il faut que cette mission aus­si achète des grâces par le sacrifice.

J'ai à travailler pour revoir le manuscrit de mon voyage d'Espagne et pour préparer une nouvelle édition du Manuel Social.

Le 18, Mgr Van Ronslé vient dîner avec nous. Il nous aidera à la Pro­pagande dans notre demande de Préfecture. 129

Le 21, à 11 h. j'ai l'audience du St Père. Il m'accueille avec bonté et me fait asseoir auprès de lui. C'est le bon pasteur, il est simple, paternel. Son abord encourage à la confiance.

Je lui expose brièvement l'état de la Cong.: l'exil de France, les mai­sons de Belgique et Hollande, les missions du Congo et du Brésil. Il de­mande notre nombre total. Notre but de réparation au S.-Cœur lui agrée particulièrement.

Il loue la divine Providence qui en 25 ans nous a donné un si grand développement.

Pour la France, il dit qu'elle se relèvera et que nous rentrerons. Peut­-être même, dit-il, les événements actuels d'Extrême-Orient auront-ils une répercussion sur 130 les choses d'Europe. La Providence a quel­que moyen en réserve. Il ajoute que la béatification du Curé d'Ars allait être pour le clergé de France une consolation et un encouragement.

Je lui dis que la diversité des nationalités n'empêche pas chez nous la charité. Il me dit que c'est l'œuvre du S.-Cœur.

Pour les missions, il me dit que celles du Brésil sont bien utiles, et il admire la fécondité de notre œuvre du Congo. Je l'informe des démar­ches que nous faisons pour obtenir un vicariat ou une préfecture, il me donne bon espoir.

«Vous avez, me dit-il, le Bref laudatif». -Je suis étonné qu'il con­naisse si bien notre situation. - C'est vrai, lui dis-je, et nous ferons bientôt les démarches nécessaires pour l'approbation. - C'est bien, dit-­il, ayez confiance, le St-Siège examinera votre demande avec bienveil­lance. 131

Je lui parlai aussi de nos associés et agrégés, au nombre d'environ 10.000, qui font chaque jour en union avec nous la prière réparatrice au S.-Cœur. Il en parut charmé et me dit qu'il les bénissait tout particuliè­rement.

J'ajoutai que tout en attachant une grande importance à notre but in­térieur nous aimions à nous dévouer aussi à l'apostolat, et que nous avions travaillé en France depuis 25 ans par la prédication, les œuvres sociales et les écrits pour le règne du S.-Cœur de Jésus et pour l'action populaire dans le sens des directions pontificales. Comme témoignage de cette action, je lui remis mes trois volumes sociaux traduits en italien. Il y jeta de suite un coup d'oeil et remarqua avec joie la préface de Tonio­lo. 132 Ah! s'écria-t-il, l'amico Toniolo. Il apprit avec plaisir que mon manuel et mon catéchisme avaient été adoptés comme livres classiques par plusieurs diocèses d'Italie.

J'osai présenter à sa signature trois bénédictions pour ma famille et mes amis et bienfaiteurs. Il s'y prêta avec une grâce charmante. Il écrivit un petit mot sur chaque feuille, mit du sable sur son écriture et m'aida à rouler les images. Comme je m'extasiais sur sa trop grande bonté, il me dit cette phrase typique: Se il Papa non fosse buono!

Je lui demandai enfin la permission de lui présenter ma petite commu­nauté. Il l'accorda volontiers, sonna et les fit réunir. Il se leva et leur dit: Je vous bénis pour que 133 vous demeuriez fidèles à votre vocation. - Je lui présentai chacun en indiquant sa nationalité. Il s'excusa de nous donner peu de temps parce qu'on l'attendait pour la lecture du dé­cret relatif au saint curé d'Ars, et nous permit de le suivre à la salle con­sistoriale.

C'était pour moi une heure de paradis que ces moments passés avec le Vicaire de Jésus-Christ.

Le 3 mars une dépêche m'annonce la mort du P. Modeste Roth47). Il a été malade deux jours d'une pleurésie. On le conduit au cimetière le 7. Il était entré chez nous en 1883. Il a donc vécu 20 ans avec nous. Il a toujours été un religieux modèle, doux, humble, obéissant. Jamais il n'a failli. Il ne s'est pas repris une seule journée à N.-S.. 134 Il meurt en odeur de sainteté. Ses prières et ses mérites nous étaient un paratonner­re. Il priera au ciel, mais il ne sera plus là pour expier. Sa mort est pour nous une perte immense. Sa vie mériterait d'être écrite. Il était si régu­lier, si mortifié, si pieux à la messe et au bréviaire, si docile et respec­tueux envers moi. Quand il avait vu des départs et des trahisons, il m'avait dit: «Je ne serai jamais de ceux-là».

Il a été exposé trois jours dans une chapelle ardente chez Mme Ri­chard. Les pieux fidèles venaient faire toucher des chapelets et des mé­dailles à ses vêtements. Le recueillement qui régnait à ses funérailles montrait qu'il était suivi par tout le monde pieux de la ville. 135

J'ai beaucoup de monde à voir. Quelques cardinaux que je connais de longue date me reçoivent très amicalement et s'intéressent à mes œuvres. Tels, les Cardinaux Rampolla, Ferrata, Agliardi, Mathieu, Vin­cenzo Vanutelli, Vivès et Satolli48). Je fais la connaissance du Card. Merry del Val49). Je vois aussi les Card. Cassetta, Steinhuber, Segna et Pierotti, parce qu'ils font partie de la Congrégation de la Propagande et que j'ai besoin de leur bienveillance, puis le Card. Gotti, préfet de la Propagande. Le Card. Rampolla est bien édifiant dans son humilité et sa noble simplicité. C'est d'ailleurs un homme d'oraison et d'une gran­de piété. Le Card. Mathieu nous raconte combien le conclave a été édi­fiant. Il n'y avait pas de factions et personne n'a manifesté d'ambitions. Le Pape élu se regardait comme le 136 plus indigne.

J'ai bien d'autres visites à faire, à peu près chez tous les grands ordres religieux, dont je connais quelques membres éminents, au séminaire français où je revois mes vieux maîtres; chez nos amis qui se dévouent aux œuvres et à la Propagande: Mgr Radvi-Tedeschi, Mgr Tiber­ghien, Mgr Glorieux, M. Vanneufoille.

Je profite de ma présence à Rome pour gagner l'indulgence du jubilé de l'Immaculée Conception. J'en accomplis toutes les conditions. J'ai terminé le 12 mars. Il me semble que ce jubilé renouvelle mon âme, et qu'il peut me rendre bien des grâces, si je suis fidèle.

Je revois avec une profonde impression plusieurs sanctuaires qui me laissaient froid les années précédentes. - J'aurais dû être un 137 saint, mais hélas! j'ai gaspillé une infinité de grâces. Mon œuvre serait bien plus étendue et plus affermie, si j'avais correspondu à la volonté de Dieu. - Miserere mei, Deus! [Ps 50,3] -

Au retour, je m'arrête à Corneto. Je désirais depuis longtemps visiter cette vieille capitale des Etrusques. Elle a un curieux musée et surtout des tombes ornées de peintures où on lit, comme dans un livre, les vieil­les coutumes de ce peuple mystérieux.

D'où venaient ces Etrusques? On n'a pas encore déchiffré leur lan­gue. Leur civilisation est éclectique, comme celle de tous les peuples ma­ritimes. On y trouve des éléments égyptiens, grecs et carthaginois. Hé­rodote raconte que les Lydiens de l'Asie Mineure ayant souffert de la fa­mine, quinze siècles 138 avant notre ère, leur roi Atys fit émigrer vers l'Italie la moitié de ses sujets, sous la conduite de son fils Tyrrhénos. Soit! Ce n'est pas invraisemblable. En tout cas, nous retrouvons en Etrurie le même genre de sépultures qu'en Asie Mineure: des tumuli re­posant sur d'énormes substructions et des façades de tombes taillées aux flancs des côteaux dans le roc vif. Les costumes aussi, d'après les peintu­res des tombeaux sont orientaux: longues robes à fleurs et sandales ly­diennes. Les dessins d'ornements sont également empruntés à la flore et à la faune de l'Orient, ce sont des rosaces, des palmettes, des fleurs de lo­tus, des bêtes fauves, lions, tigres ou panthères, souvent marchant à la file, et des animaux fantastiques ou monstrueux, des sphynx, des grif­fons, 139 des taureaux ailés.

La Grèce aussi a eu sa part considérable d'influence sur l'art étrus­que, surtout pour la céramique.

Certaines urnes funéraires donnent en petit les formes des anciennes habitations. Les chambres sépulcrales reproduisent les intérieurs de mai­son, le triclinium avec les travaux et les jeux reproduits en peintures. Quelles jolies scènes de banquet il y a là avec le service, la musique, les costumes de fêtes. Les scènes de la mythologie grecque n'y manquent pas non plus.

J'ai passé là quelques bonnes heures fort instructives.

Le soir à Pise, j'allai un peu méditer et rêver dans ce coin merveilleux de la ville où sont réunis le Campo Santo, le baptistère et la cathédrale. Quelle délicate civilisation il y avait 140 là dès le XIIe siècle. Ce n'est pas la perfection du siècle de Périclès au point de vue plastique, mais il y a une grâce, une harmonie, une expression chrétienne dans l'architectu­re et dans la sculpture qui font de ce groupe de monuments un ensemble sans rival.

Gênes me retient quelques heures au passage. La vieille ville s'ouvre et s'épanouit. Les petites rues et les collines elles-mêmes sont éventrées pour donner passage à des avenues et à des tramways. Gênes prend de l'air, de la lumière et du bon ton.

Je voulais visiter la Chartreuse de Santa Anna, qu'on nous offre pour une école apostolique. Je descends à Cogoleto, le petit port de pêche qui prétend avoir donné naissance à Christophe Colomb. De là, je gravis la côte jusqu'à 141 300 mètres d'altitude, en compagnie de l'ingénieur Manara, propriétaire de la Chartreuse. Il y a là un grand monastère , bien situé, mais sans valeur artistique, avec un parc de cent hectares en­touré de murs.

On pourrait faire là une œuvre, mais le personnel me manque.

Je visite aussi au retour l'abbé Monnier, curé d'Agay près de St­Raphaël. C'est là aussi un site délicieux, une petite crique où les villas se cachent dans les jardins. L'abbé Monnier est propriétaire en nom de no­tre terrain de Nazareth.

J'étais à St-Quentin pour Pâques et quelques jours après j'allais faire un tour à Sittard pour encourager mes chers novices. 142

Les épreuves sont quotidiennes. Parfois elles sont plus abondantes ou plus graves. Elles n'ont pas manqué pendant ce mois de mai.

Le collège essayé au Brésil n'a pas réussi. Quatre des missionnaires envoyés me reviennent. Fiat!

A Luxembourg, à Clairefontaine, à Sittard, il y a des difficultés inté­rieures. Il n'y a pas assez de vertus pour supporter les différences de ca­ractères ou de vues. - Adversarius vester diabolus tamquam leo rugiens circuit quaerens quem devoret [ 1 Pt 5,8].

J'envoie le P. Assistant50) faire la visite canonique dans plusieurs mai­sons. Il y fait du bien et y rétablit la paix, au moins pour un temps. Je profite d'un jour de loisir, le 19 mai, pour aller prier Notre-Dame­-de-Liesse à toutes nos intentions. 143

Le 28 mai, grande ordination à Malines, nous avons dix nouveaux prêtres.

J'assiste le 29 à la fête de famille des premières messes à Louvain. P. Gabriel51) est revenu du Congo pour se reposer, on est heureux de le revoir dans nos maisons. Le 30, je pars pour rejoindre Mme Malézieux à Blois et pour faire avec elle le voyage de Lourdes et des Pyrénées.

J'arrive le 31 à Blois et je visite son délicieux château. C'est un bou­quet de nos divers styles d'architecture civile: la salle des Etats du XIIIe siècle, l'aile de Louis XII, celle de François Ier, qui est la merveille du château, et le grand palazzo, froid et compassé, de Gaston d'Orléans.

La maison d'Alluye à Blois, 144 genre Henri II, rappelle les hôtels de style plateresque en Espagne. Les bords de la Loire sont comme le musée de la France.

Le 1er, visite à Amboise et Chenonceaux. Amboise avait été très abîmé sous la Révolution et l'Empire. On en restaure les restes avec goût. La vieille France était bourrée d'œuvres d'art, comme Athènes et Rome. La Révolution a tout détruit avec une rage stupide. Depuis on a un peu restauré et refait ce qu'on a pu, tout juste assez pour aiguiser nos regrets.

Deux jours à Arcachon, c'est bien reposant. Messe à Notre-Dame-de-­la-mer, promenades en barques. Une chaloupe automobile au pétrole nous mène voir la pleine mer et frôler ses vagues. Une barque à voiles 145 nous conduit aux huitrières.

La ville d'hiver est un semis de villas où l'on vient faire la cure d'air. La France pourrait être bien belle si elle était sage.

Le 4, longue journée de voyage sous les pins des Landes pour arriver à Dreux, ville d'eau assez maussade et peu propre.

Le 5, c'est la seconde Fête-Dieu. Messe à Pouy dans l'humble maison de s. Vincent de Paul. Procession dans le parc. Il y a encore là l'école apostolique et l'orphelinat, mais cette brute de Combes détruira cela comme le reste.

Je vais jusqu'à Buglose visiter la Madone. C'est la grand'messe et il y a peu d'hommes. La foi s'en va, même auprès des vieux sanctuai­res. 146

Deux jours à Pau ont bien leur charme. Pau est si bien placée en vue des Pyrénées. Sa terrasse est le plus merveilleux salon de l'Europe. Le château a été construit sous Gaston de Foix. La cour de Pau n'a guère été édifiante. Marguerite de Valois, soeur de François Ier, mariée à Jean d'Albret, inclinait au protestantisme et avait une vie facile. Sa fille, Jeanne d'Albret fut digne d'elle. Elle fit assassiner au palais l'aristocratie catholique. On ne rappelle jamais cela, on se contente d'objecter aux ca­tholiques la Saint-Barthélemy!

Notre cour devenait trop italienne. François Ier était fils de Louise de Savoie et arrière-petit-fils de Valentine de Milan. Catherine et Marie de Médicis achevèrent de nous italianiser. Nous cessâmes d'être 147 des Francs, pour redevenir des Gallo-Romains. De là cette renaissance païenne dont nous souffrons depuis trois siècles. Ce fut la fin de l'art na­tional gothique, de la littérature nationale, de la vaillance féodale. La mollesse italienne, la politique machiavélique et le réveil des tendances païennes nous ont conduit à l'effondrement dans lequel nous mourons.

A Pau, je veux signaler la beauté du parc Beaumont et la magnifique palmeraie des serres avec un bouquet de cocotiers dignes du Brésil. De grands couvents vidés par Combes attristent la ville. Je crois que Jeanne d'Albret eût mieux fait, elle les eût brûlés.

Deux jours aux Eaux-Bonnes et Eaux-Chaudes. Ce n'est pas 148 encore la saison. Tout est triste et désert. Mais que ces pays sont beaux dans leur âpreté sauvage. Cette gorge de Hourat qui conduit aux Eaux­-Chaudes rappelle les vallées sauvages des grandes Alpes.

Cinq jours à Lourdes, c'est bien bon. Pendant cette semaine le pèlerina­ge a de la vie sans avoir d'encombrements, il y passe seize mille pèlerins. Il y a des trains de Hollande, d'Autriche-Hongrie, de Bayonne, de Cette (Sè­te). Types divers, costumes divers, c'est toute la terre qui honore Marie à Lourdes: «Vultum tuum deprecabuntur omnes divites plebis» [Ps 44,13].

Quels bons moments je passe là à la grotte! Les processions du soir ont toujours leur grand caractère, mystique, populaire et pittoresque.

Je visite la maison des Soubirous. 149 C'est l'humble demeure d'une famille du peuple, avec lits de bois, dressoirs et bahuts que la piété des pèlerins déchiquette pour en faire des reliques.

Je fais l'ascension du (Pic de) Jer. Je le conseille aux pèlerins de Lour­des. On reconnaît la main de Dieu dans la grande nature comme dans les interventions surnaturelles. De là-haut on voit à la fois les grandes Pyrénées jusqu'aux glaciers du Vignemale et la gracieuse vallée de Lourdes, si bien encadrée. La ste Vierge en descendant à Lourdes n'a-t­-elle pas posé le pied là-haut?

Je ne suis pas témoin de miracles pendant cette semaine, mais on ra­conte avec enthousiasme ceux qu'ont obtenus les pèlerins de Lyon la se­maine précédente. 150

De Lourdes à Cauterets, c'est la belle vallée d'Argelès, un carrefour de vallées pyrénéennes. On laisse à droite la vénérable église byzantine de St-Savin, style S.-Sernin de Toulouse, puis on grimpe à Cauterets par cet étonnant chemin de fer qui effleure les rochers comme font les ai­gles des montagnes.

Onze jours à Cauterets, c'est une bonne et salutaire saison. On boit à toutes les sources, on se gargarise et cela occupe un peu trop l'appétit. C'est un délassement de monter tous les matins pour boire aux sources de la Raillère et du Mauhaurat.

Un jour de beau temps, nous allons en excursion au Pont d'Espagne et au lac de Gaube. Cauterets est le pays des belles cascades. Le 151 lac de Gaube est sévère comme tous les lacs de haute montagne. Ma pe­tite jument blanche m'y conduit agréablement par des sentiers pierreux sous la chênaie.

Cauterets est la ville d'eau cléricale, il y passe 300 ou 400 prêtres par an. Le bon docteur Sénac Lagrange a des principes chrétiens et de la philosophie. C'est un médecin tant-mieu Le Père Gabriel Grison, dehonien: cf. NQ. Vol. 1, note 63, p. 516.x, il s'efforce de persuader à ses malades qu'ils sont pleins de force et en voie de guérison. C'est du bon hypnotisme.

L'hôtel de France est patriarcal mais de prix peu modestes. J'y ren­contre le bon Evêque du Puy52).

Le service des messes est bien organisé à l'église. On y prie avec cal­me. Bien des prêtres disent pieusement leur office. 152

En quittant Cauterets, je revois Gavarnie, que j'avais déjà visité. Montagnes, louez le Seigneur! Vous témoignez sa puissance par la mas­se prodigieuse de matières accumulées dans vos flancs, par la hardiesse de vos élancements vers le ciel, mais aussi par ces brisures, ces cirques, ces gorges et ces lacs ouverts sur vos pentes ou sur vos sommets.

Luchon est bien la reine des Pyrénées. C'est la cité luxueuse où l'on va plutôt chercher le plaisir que la santé. Elle est moins agreste, moins élevée que Cauterets, mais elle a aussi à peu de distance des excursions de montagnes de grande allure.

J'allai en excursion à la petite ville espagnole de Bosost. 153 C'était la foire annuelle et on y retrouvait quelques costumes pittoresques. La vieille église du Xe siècle a aussi son intérêt. Je trouvai là de bonnes Soeurs de Charité françaises, expulsées de Béziers et cherchant un asile. Elles pleuraient, je rougissais, la France est gouvernée par des brutes.

Retour par Rocamadour53). Le vieux monastère a quelque chose d'oriental, il est attaché aux flancs des rochers. La France n'a rien de plus pittoresque. Que de souvenirs pieux et patriotiques: Zachée, le cul­te de Marie au premier siècle, le pèlerinage de Charlemagne, de Ro­land, de nos vieux rois. Nous devrions avoir un culte encore plus ardent pour Rocamadour. On y allait 154 beaucoup de 1871 à 1880. La vieille France chrétienne se réveillait, mais aujourd'hui elle se meurt.

Je vais à Padirac: son gouffre étrange et ses grottes profondes me rap­pellent les curiosités de Han dans la Belgique.

A Brive, je suis reçu chez un officier où je dîne avec quelques véné­rables Dames qui ne pardonnent pas à Léon XIII sa politique républi­caine.

155

4 sept. Retraite 1Avril: dispersion 50
Le 5 Retraite 2Brugelette 52
Le 6 5Liquidateur 53
Le 7 7Mai: instruction 54
……………………….. Une petite croix 55
Chapitre 15Paris: Mgr d'Olinda 56
Herck-la-ville 16Liquidateur: inventaire 58
Sittard 17L'Evêque: le S.-Coeur 61
Namur 18156 Congrès d'Arlon 62
Saint Jean 19Juillet - L a Capelle 63
A. Santerre 2119 juillet: ordination 64
1er vendredi 22Léon XIII 65
Fourdrain 23Août: Pie X 66
Bruxelles 25Suisse 70
Brugelette 26Neuchâtel 72
Anvers 27Lucerne: le Rigi 82
Paris 28L'Oberalp 83
Epreuves 29Disentis Glany 85
La Capelle 30Albula-bahn 87
Préparatifs d'exil 31St-Moritz 88
Bruxelles 32Le Bernina 89
Bordeaux 33Coire 92
Bruxelles 34Ragaty 94
Petites souffrances 35Constance 95
Persécution 36Schaffhouse 96
Anniversaires 37La retraite 97
Le Jubilé 102
1903 39Sittard - Bruxelles 108
Action de la Providence 402 oct. Le Pape 109
Etudes 41
Contraintes 42Anciens élèves 111
Février 43Départs de missionnaires 119
Mars 44Novembre 121
Projets de fondations 45Décembre 123
Bruxelles 46
1904
Janvier: missions 125Mai: difficultés 142
Février: Rome 127Juin. Vers les Pyrénées 144
Audience 129Pau et Eaux-Bonnes 146
Mars: une mort 133
Visites 135Lourdes 148
Jubilé 136Cauterets 150
Avril: Corneto 137Luchon 152
Gênes - Cogoleto 139Rocamadour et Padirac 153

1)
Dartein (Gustave de), séminariste à Santa Chiara au temps du P. Dehon, sté­nographe au Concile Vatican I. Le P. Dehon parle à plusieurs reprises de cet ami, dans les Notes sur l’Histoire de ma Vie (cf. VI, 108; VII, 42; VIII, 135; IX, 163; XI, 27; 172; XIII, 116).
2)
Marie-Véronique du Cœur de Jésus, cf. NQ, vol. 1, n. 51, p. 501.
3)
Thoss (Joseph) dehonien, né le 22.9.1866 à Beringen/Mersch (Luxembourg), prêtre le 10.8.1889 à Luxembourg; profès le 22.6.1901 à Sittard; Supérieur de Sittard (1902-1907); mort le 3.3.19 10 à Berlin. Schmitz (Joseph-Herman) dehonien, né le 4.8.1868 à Krefeld; profès le 17.9.1886 à St-Quentin; prêtre le 10.8.1892 à Luxembourg; Supérieur de Sittard (1898­1902), de Luxembourg (1902-1906); Conseiller général (1905-1919); Secrétaire général (1909-1911); Conseiller provincial (1921-1922); Supérieur Provincial (1922-1926); décédé le 17.11.1942 à Düsseldorf. Hamacher (Théodore-Séverin) dehonien, né le 11.12.1870 à Venwegen/Aachen; profès le 8.9.1890 à Sittard; prêtre le 8.9.1895 à Clairefontaine; Supérieur de Eichwald (1906-1912) et d’Eger (1912-1918); décédé le 25.1.1954 à Saffig (Eifel). Kitt (Léonard-Augustin) dehonien, né le 19.9.1855 à Guttstadt (Prusse­Orientale); profès le 1.10.1897 à Sittard; prêtre le 4.8.1901 à Luxembourg; décédé le 8.1.1910 à Sittard. Bâcher (Joseph-Thaddée) dehonien, né le 5.5.1874 à Münster (Westphalie); profès le 30.9.1895 à Sittard; prêtre le 10.8.1900 à Luxembourg; Supérieur de Sittard (1905-1907); Supérieur Provincial de la Province Orientale (Allemande) (1908­1911); Conseiller provincial (1911-1919); Secrétaire provincial de la Prov. Allemande (1913-1919); décédé le 25.10.1926 à Sittard.
4)
Santerre (Alfred-Louis), né le 30 mai 1832 à St-Quentin. Entré au séminaire de Laon, en 1849, il doit renoncer au sacerdoce pour des raisons de santé et s’occupe de la droguerie de son père. La charité envers tout le monde, l’engage­ment dans des œuvres paroissiales et les exercices de piété personnelle remplis­sent tout le reste de son temps. Le P. Dehon eut en lui un bon collaborateur au Patronage de St Joseph. Après une vie toute entière au service des pauvres et plei­ne d’attention aux besoins du prochain, au point d’être connu comme un vérita­ble saint, il fut victime de sa propre générosité. Les affaires ne marchant plus aussi bien que dans le passé, A. Santerre, ainsi que son frère et sa soeur, tous les trois de la même trempe chrétienne, durent subir des attaques, des actes de vandalisme et des insultes de la part de ceux-là mêmes qu’ils avaient aidés, parce qu’ils ne pou­vaient plus les aider autant. Un de leur voisins affirme: «Nous considérions les deux frères et leur soeur comme des saints qui ne se vengeaient pas et comme des pauvres Christ que tout le monde se croyait autorisé à crucifier». En septembre 1900, A. Santerre, ayant presque 70 ans, s’était vu obligé de vendre la droguerie et de partir de Saint-Quentin. Il se retire avec son frère et sa soeur à Oisy-le-Verger (Pas-de-Calais). Il continue sa vie de piété et de charité. Il meurt comme il a vécu, lors d’un acte de charité, en portant sur son dos un garçon infirme, de retour d’un sanctuaire de Notre-Dame-du-Bon-Conseil, sur la frontière belge. C’était le fer octobre 1901. Le P. Rasset a écrit sa biographie: Un Juste Saint-Quentinois, Alfred Santerre (1832-1901).
5)
Vulstan (ou Wulstan), né en 1008, devient évêque de Worcester en 1062 et reste en même temps Supérieur d’une communauté monastique. Plein de zèle, il fut le premier Evêque anglais à avoir visité de façon systématique son diocèse. Il meurt en 1095, à 86 ans.
6)
Aynard (Édouard), né le 1er janvier 1837 à Lyon, dans une famille de haute bourgeoisie. Libéral d’idées, il est élu député en 1889 et a toujours été réélu jusqu’en 1912. Défenseur de la liberté de l’enseignement, dans plusieurs discours il s’oppose à la loi sur les associations et aussi à la séparation de l’Église et de l’État. Il décède à Paris en 1913.
7)
Probablement Chanel Fernand-Germain, né le 31.12.1881 à Namur; entré dans la Congrégation en 1902, il la quitte en septembre 1902, y entre de nouveau en oct. 1902; profès le 25 octobre 1903; il la quitte de nouveau.
8)
Ravignan (Gustave-Xavier, Lacroix de). Né à Bayonne le fer décembre 1795, le fils du Baron de Ravignan, beau-frère du général Exelmans, fit ses études à Paris. Il étudiait le droit pendant les Cent-Jours quand il s’engagea dans les volon­taires royaux. Sous-lieutenant de cavalerie, il redevint bientôt stagiaire au barreau. Conseiller auditeur près de la cour royale à 22 ans, substitut du procureur à 26, appelé aux plus hautes dignités de la magistrature, il entra au séminaire d’Issy en mai 1822 et reçut la tonsure le 11 juin. Le 2 nov., il était admis au noviciat de jésuites à Montrouge. Théologien à Paris, puis à Dole, ordonné prêtre le 25 juill. 1828, il enseigna la science qu’il venait d’étudier, d’abord à S.-Acheul (1828), où il fit face aux volées de pierre de l’émeute assiégeant le théologat le 29 juillet 1830, puis en exil à Brigue en Valais. De là il passa, en sept. 1833, à Estavayer, pour sa 3e année de probation. Il en sortit pour être ministre à S.-Acheul durant un an, et, en juill. 1835, il fut appliqué à la prédication. Il donna son premier carême à Paris (S.-Thomas d’Aquin). Le départ de Lacordaire pour Rome laissait vacante la chaire de Notre-Dame. L’Archevêque (Mgr de Qulen)la confia au P. de Ravignan de 1837 à 1846. Supérieur de la résidence de Bordeaux en 1837, il fut, sur les instances de Lacordaire et en raison de son ministère, nommé à Paris. Même après un tel prédécesseur, Ravignan connut le succès. «Il dominait par la majesté, ébranlait par une logique irrésistible, entraînait par le caractère» (Fernessole). Son action oratoire, belle parce que vraie, c’était sa vertu rayonnan­te. En 1841, il créa les Retraites pascales, qui furent également suivies et dont le fruit le plus apprécié fut un nombre considérable de confessions et de retours à Dieu. La maladie empêcha le prédicateur de donner le carême de 1847, et Lacordaire, qui prêchait l’avent depuis 1843, reprit le carême en 1848. Bien d’autres cathédrales entendirent Ravignan jusqu’au jour où la fatigue le força à se reposer pendant un an. Les attaques dont était alors l’objet la Compagnie de Jésus l’amenèrent à écrire en 1844 De l’existence et de l’institut des Jésuites. Il y ajoute­ra, plus tard, Clément XIII et Clément XIV (1854). En 1848, fixé à Paris, il fut attaché à la Résidence de la rue de Sèvres, dont il fut bientôt le supérieur pour trois ans. Dès que sa santé le lui permit, il recommença à prêcher et reprit les retraites pascales à Notre-Dame (1850-1851). Une grande partie de son temps était prise par le ministère de la confession, jalonné de conversions célèbres. Le Tout-Paris catholique recourait à sa direction spirituelle. Nommé évêque, Dupanloup lui remit la direction de la congrégation des Enfants-de-Marie patronnée par Mme Swetchine. Et nombre de communautés religieuses lui demandaient des retraites. S’il fut «l’apôtre des grands», il n’oublia pas les humbles. Invité à donner le carême aux Tuileries en 1855, il voulut, dans le même temps, prêcher aux vieil­lards des Petites-Soeurs des pauvres sans dévoiler son identité. Domptant un corps miné par la maladie, il lutta jusqu’en 1858. Terrassé en confessant, le 3 déc., il mourut, après trois mois de souffrances, le 26 févr. 1859. La foule, qui défila devant sa dépouille et envahit l’église S.-Sulpice pour ses funérailles et pour l’orai­son funèbre prononcée par Mgr Dupanloup, pleurait le saint prêtre plus encore que l’orateur. Ravignan n’écrivait qu’un plan détaillé: ne furent publiés de son vivant que l’Oraison funèbre de Mgr… de Quélen (1840) et des Entretiens spirituels recueillis par les Enfants de Marie… (1855). Après sa mort, on édita la Dernière retraite du R.P. Ravignan… aux Carmélites… (1859). Le P. Ch. Aubert publia en 1860 les Conférences de Notre-Dame rédigées d’après les notes de l’auteur et celles des audi­teurs. Il mit ensuite au jour La Vie chrétienne d’une dame du monde (1860) (CHAD).
9)
Félix (Célestin Joseph). – Né à Neuville-sur-Escaut (Nord), le 28 juin 1810; élève du grand séminaire de Cambrai, puis professeur au petit séminaire du même diocèse, il entra dans la Compagnie de Jésus en 1837 à Tronchiennes (Belgique). Ses études achevées, il fut consacré à l’enseignement dans les collèges et à la prédi­cation. Envoyé à Paris en 1851, il fut appelé, en 1853, par Mgr Sibour, à succéder au P. Lacordaire dans la chaire de Notre-Dame, où il donna les Conférences de carê­me jusqu’en 1870. Il prit pour thème, à partir de 1855, Le progrès par le christianisme. Sa pensée fondamentale est que le progrès, dont s’enivrait le XIXe s., loin de ren­dre inutile le christianisme, exige sa présence pour être véritablement humain. Orateur moins brillant que Lacordaire, il s’imposa par l’abondance de sa doctrine, la rigueur et la clarté de ses raisonnements, la pénétration de ses analyses. Son atti­tude, au carême de 1870, en face de Mgr Darboy, à la veille du concile du Vatican, marqua le terme de ses conférences de Notre-Dame, dont le retentissement avait été considérable. A de nombreuses prédications et retraites données en France et hors de France, il ajouta la fondation de l’Œuvre de S.-Michel pour la propagation des bons livres. Il fut nommé supérieur à Nancy (1867-1883), puis à Lille (1883­-1887), où il mourut le 6 juill. 1891.
10)
Henz (Jules-Berchmans), né le 18.1.1873 à Oberherqheim (Alsace); profès le 14.9.1893 à Fourdrain; prêtre le 27.8.1899 à Fayet; missionnaire au Congo belge (Zaïre) (1902-1904); sorti en janvier 1906; prêtre dans le diocèse de Bâle. Slangen (Joseph-Patrice) dehonien, né le 18.1.1873 à Thul-Schinnen (Pays-Bas) ; profès le 29.9.1896 à Sittard; prêtre le 10.8.1900 à Luxembourg; missionnaire au Congo belge (Zaïre) (1902-1909); décédé le 4.4.1935 à Herr (Pays-Bas). Farinelle (fuies-Léon) dehonien, cf. NQ, vol. 3, note 65, p. Heuvels (Bernard) dehonien, né le 9.2.1876 à Noord-Deurningen (Pays-Bas); profès le 2.2.1899 à Clairefontaine; missionnaire au Congo belge (Zaïre) (1902­1903); décédé le 18.5.1903 à St-Gabriel (Zaïre).
11)
Groussau (Henri-Constant) [La Jarrie (Charente-Maritime) 17 juin 1851 – Versailles 13 oct. 1936]. Fils d’un boulanger, il étudia le droit à la faculté de Poitiers. Après son doctorat, il s’orienta en 1875 vers l’enseignement, à la requête de son maître et ami, le marquis Vareilles-Sommières, Poitevin comme lui. Ils fondèrent, ensemble, la Faculté de droit de l’université catholique de Lille, où Groussau enseigna le droit administratif jusqu’en 1902. En 1893, il avait créé et dirigé la Rev. administrative du culte catholique. En 1902, sous l’étiquette de républi­cain libéral, il fut élu député dans la 9e circonscr. de Lille. A la Chambre, il vota contre la politique générale des ministères Waldeck­-Rousseau et Combes, contre l’établissement d’un impôt général et progressif sur le revenu; il joua un grand rôle dans la discussion de la loi sur la séparation des Eglises et de l’État où il défendit le régime concordataire et le principe de l’attri­bution au clergé des biens ecclésiastiques. Réélu en 1906, il interpella le ministre de l’Instruction publique sur la politique de la neutralité et l’enseignement de la morale dans les écoles publiques. Il présenta également plusieurs rapports relatifs à des questions de droit électoral, intervint dans la discussion de textes concer­nant l’impôt, le tribunal des conflits et les retraites ouvrières et paysannes. Il fut constamment réélu jusqu’en 1932 et participa activement à la Commission de l’enseignement et des beaux-arts, et à celle des régions libérées. Il ne se représen­ta pas aux élections de 1936. Après la séparation des Eglises et de l’État, son rôle avait été considérable dans les débats qui eurent lieu à Rome et à Paris au sujet de l’acceptation ou du refus par le clergé du régime des associations cultuelles. Il estimait que le fonctionne­ment des associations était incompatible avec les principes du droit canon, la discipline ecclésiastique et l’autonomie de l’Église (DBF).
12)
Delgoffe (Arthur-Paul de la Croix) dehonien, né le 1.1.1861 à Piètrebais (Belgique); profès le 24.3.1882 à St-Quentin; prêtre le 29.6.1885 à Soissons; Supérieur à Quévy (1910-1913) et à Brugelette (1914-1917); Conseiller provincial de la Province Belgo-Luxembourgeoise (1930-1937) ; décédé le 18.5.1944 à Jolimont (Belgique). Thuet (Xavier) dehonien, né le 16.12.1870 à Ammerschwihr (Haut-Rhin); profès le 22.9.1894 à Sittard; prêtre le 10.8.1896 à Luxembourg; au Brésil du Nord (1903-1942); décédé le 9.8.1942 à Moreno (Brésil). Kanters (Georges, Charles) dehonien, né le 30.9.1874 à Echt (Pays-Bas); profès le 20.9.1894 à Sittard; prêtre le 8.5.1898 à Rome; Supérieur à Quévy (1905-1908); Conseiller provincial de la Province Franco-Belge (1920-1923); Maître des novices à Brugelette (1931-1934).
13)
Jeanroy (Edmond, Vincent) dehonien, né le 1.9.1851 à Mangiennes (Meuse); prêtre le 18.9.1875 à Verdun (Meuse); profès le 17.9.1886 à St-Quentin; Supérieur de Bruxelles (1896-1902); Procureur des missions à Bruxelles (1897-1922); décédé le 1.2.1925 à Bruxelles.
14)
Le Cardinal Goossens.
15) , 23)
Mgr Deramecourt.
16)
Rasset (Adrien-Alphonse) dehonien, né le 7.9.1843 à Juvincourt; prêtre le 6.6.1868 à Soissons; entré dans la Congrégation le 28.6.1878, profès le 8.9.1879; Conseiller général (1886-1905); Maître des novices à Beautroux (1887-1888) et Fourdrain (1888-1889); décédé le 4.11.1905 à Lille. (Cf. G. Manzoni, Tre fiamme una luce, St. Deh. 24, Roma 1990, pp. 5-72).
17)
Blancal (Bernard-Germain du St. Sacrement) dehonien, cf. NQ, vol. 1, note 37, p. 514.
18)
Mathias Legrand, dehonien, Supérieur de Fayet, cf. vol. 3, note 63, p. 453.
19)
Mgr Deramecourt (Augustin-Victor), cf. vol. 2, note 88, p. 647.
20)
Le chanoine Jules-Albéric Pignon (+1906).
21)
Steinmetz (Joseph-David) dehonien, né le 8.2.1875 à Ringeldorf (Alsace); profès le 29.9.1896 à Sittard; prêtre le 25.7.1902 à Bruxelles; missionnaire au Congo belge (Zaïre) (1903-1909), au Canada (1910-1922); décédé le 27.5.1940 à Chef-Boutonne.
22)
Il s’agit de L’Osservatore cattolico de Milan, dirigé par le Révérend Davide Albertario.
24)
Le P. Mathias Legrand, dehonien, Supérieur de Fayet, cf. NQ, vol. 3, note 63, p. 453.
25)
Lemius (Jean-Baptiste), cf. NQ, vol. 2, note 19, p. 611.
26)
Kurth (Godefroid). – Né le 11 mai 1847 à Arlon (Luxembourg belge). Reçu au doctorat ès lettres en 1872, il est chargé de cours à l’Université de Liège en 1873. Il y inaugure, à l’exemple des séminaires imaginés en Allemagne vers 1830 par Ranke, un groupe de recherches. Dans ce séminaire, imité bientôt à Bruxelles, Gand et Louvain, il prend le P. Ch. De Smedt comme maître de criti­que et renouvelle entièrement la science historique belge. En 1884, G. Kurth lance un recueil de Dissertations académiques, qui publie les travaux du séminaire; il obtient, en 1890, la création d’un doctorat national d’histoire. De 1897 à 1907, il dirige le Bulletin de la Commission royale d’histoire de Belgique et, en 1899, il fonde les Archives belges, En 1907, G. Kurth est chargé de diriger l’Institut historique belge de Rome. Présent dans son pays dans l’été 1914, il y est surpris par l’invasion allemande et meurt à Assche le 3 janv. 1916. Parallèlement à son œuvre d’historien, G. Kurth accomplit un labeur fervent en faveur des idées sociales. Il adhéra à la Société antiesclavagiste. En 1891, au moment de l’encyclique de Léon XIII sur la condition des ouvriers, il se mit au service du Parti démocrate-chrétien et collabora au journal liégeois Le Bien du peu­ple. On le vit plusieurs fois à la Semaine Sociale de France. G. Kurth se fit connaître d’abord par une recherche sur Les origines de la ville de Liège au Moyen Age (1882) et une étude sur La frontière linguistique en Belgique et dans le nord de la France, 2 vol., 1896-98, dans laquelle il montrait que la langue ne fut jamais au cours de l’histoire de l’Occident un facteur déterminant de la natio­nalité. Il se spécialisa ensuite dans l’époque des mérovingiens; les Origines de la civilisation moderne (1886), l’Histoire poétique des Mérovingiens (1893) et Clovis (1896) sont ses trois ouvrages majeurs. L’œuvre de G. Kurth reste inégale. Plusieurs de ses écrits de vulgarisation, comme, par ex., L’Eglise aux tournants de l’histoire (1900), versent dans les généra­lités apologétiques. Il y avait, chez ce patriote ardent, un orgueil de terroir et un prosélytisme naïf, et son historiographie en a pâti. On trouvera une présentation complète et une liste exhaustive des œuvres de G. Kurth dans le «Dictionnaire d’Archéologie chrétienne et de Liturgie», VIII-1, 884-908 par H. Leclercq (CHAD).
27)
Cf. «Le Règne…» (1903), pp. 417-427.
28)
Cf. NQ, vol. 2, note 4, p. 614.
29)
St Pie X.
30)
Cf. «Le Règne…» (1903), pp. 428-430; 521-523.
31)
Paris (Eugène-Joseph) dehonien, né le 24.1.1858 à Buironfosse (Aisne); profès le 1.11.1880 à St-Quentin; prêtre le 17.12.1881 à Soissons; Conseiller géné­ral (1893-1896); Secrétaire général (1902-1903); missionnaire au Brésil du Nord (1903-1904); Supérieur de Quévy (1913-1920) (cf. G. Manzoni scj, Tre fiamme una luce, St.Deh. 24, pp. 91 ss.).
32)
Cf. G. Manzoni scj, Tre fiamme una luce, Studia Dehoniana, 24, Roma 1990, pp. 61 ss.
33)
Bourbaki (Charles-Denis, Sauter), général français, d’origine grecque (Pau 1816 – Cambo 1897). Après s’être distingué en Algérie et en Crimée, il commanda en 1870 la Garde impériale. Enfermé dans Metz, puis envoyé par Bazaine en mis­sion secrète auprès de l’impératrice, il fut nommé commandant de l’armée de l’Est. Vainqueur à Villersexel (1871), mais battu sur la Lisaine, il se replia vers Besançon. Son armée ayant été acculée à la frontière suisse, il tenta de se suicider.
34)
Farel (Guillaume), réformateur, rude, ayant, un tempérament de lutteur. Né en 1489 à Gap, décédé le 13.9.1565 à Neuchâtel.
35)
Florin est un saint du VII-VIIIe siècle. Confié très jeune aux soins d’un pieux prêtre de l’église de Saint-Pierre à Remüs (Engadine – Suisse), il n’a pas seu­lement conquis l’affection et la confiance, mais il a gagné la vénération des fidè­les, à cause de sa sainteté et de ses miracles. Il devint curé de Remüs où il décéda et fut enseveli dans son église de St-Pierre devenue lieu de fréquents pèlerinages à cause des miracles qu’il y opérait.
36)
Lucien de Coire. D’après la légende, Lucien aurait été roi d’Angleterre. S’étant converti il évangélisa la Rozia, devenant l’évêque de Coire et martyr en 200. L’existence d’un saint Lucien, ermite à Luziensteig (Grisons), est un fait historique.
37)
Prévot (André-Léon) dehonien, cf. NQ, vol. 1, note 96, p. 524. Glod (Sébastien) dehonien, né le 8.6.1879 à Esch sur Alzette (Luxembourg); profès le 23.9.1903 à Sittard; prêtre le 10.8.1907 à Luxembourg; Supérieur de Clairefontaine (1910-1911); Maître des novices à Albino (1911-1912); décédé le 17.4.1912 à Albino. Gasparri (Octave-Benoît) dehonien, né le 12.1.1884 à Monteleone Calabro; profès le 23.9.1904 à Sittard; prêtre le L5.5.1907 à Rome; Supérieur à Albino (1911-1914), à Bologna (1914-1919); Procureur général auprès du Saint-Siège (1919-1929); Supérieur à Rome (1920-1926); Supérieur Provincial de la Province d’Italie (1920-1923); Conseiller provincial (1923-1926); Conseiller général (1926­1929); décédé le 8.2.1929 à Rome.
38)
Dessons (Edmon-Barthélemy) dehonien, cf. NQ, vol. 1, note 95, p. 524.
39)
Wulfers (Jean-Laurent) dehonien, né le 12.7.1872 à Essen (Ruhr); profès le 4.10.1894 à Sittard; prêtre le 10.8.1890 à Luxembourg; décédé le 10.11.1908 à Avakubi (Zaïre). Aubert (Hippolyte) dehonien, né le 8.6.1856 à Rouen; profès le 26.8.1898 à Sittard; prêtre le 19.7.1903 à Louvain; missionnaire au Congo belge (Zaïre) (1903­1913); décédé le 23.2.1939 à Domois. Massmann (Pierre-Léonard) dehonien, né le 5.12.1874 à Liesenich-Bullay (Mosel, Allemagne); profès le 1.10.1897 à Sittard; prêtre le 20.12.1902 à Luxembourg; missionnaire au Congo belge (Zaïre) (1903-1903); décédé le 11.11.1918 à Leichlingen/Opladen (Allemagne). Britzen (Clément-Castor) dehonien, né le 19.6.1875 à Dahlem/Bitburg (Eifel, Allemagne); profès le 25.12.1898 à Sittard; prêtre le 19.7.1903 à Louvain; mission­naire au Congo belge (Zaïre) (1903-1914), au Brésil du Sud (1920-1948); Conseiller provincial BM (1934-1941); décédé le 28.10.1948 à Taubaté. Wijsen (Hubert-Edouard) dehonien, né le 25.1.1880 à Maastricht; profès le 24.9.1899 à Sittard; prêtre le 19.7.1903 à Louvain; missionnaire au Congo belge (Zaïre) (1903-1911); décédé le 2.10.1956 à Maastricht. Fassbender (Joseph-Benoît Labre) dehonien, né le 24.9.1865 à Rheydt-Hockstein (Allemagne); profès le 24.8.1888 à St-Quentin; prêtre le 19.7.1903 à Louvain; en Equateur (1889-1896); missionnaire au Congo belge (Zaïre) (1903-1904); décédé le 24.8.1904 à Yanonge (Zaïre). Heintzen (André-Alexis) dehonien, né le 25.10.1876 à Liesenich/Bullay (Mosel, Allemagne); profès le 18.5.1902 à Clairefontaine; décédé le 27.11.1903 à Lukolela (Zaïre). Hebermehl (Henry-Mayella) dehonien, né le 1.10.1882 à Kaundorf/Wiltz (Luxembourg); profès le 31.5.1903 à Clairefontaine; missionnaire au Congo belge (Zaïre) (1903-1933); décédé le 28.1.1938 à Louvain. Justen (Pierre-Placide) dehonien, né le 1.7.1876 à Altstrimmig/Bullay (Mosel, Allemagne); profès le 10.10.1903 à Fünfbrunnen (Luxembourg); décédé le 21.1.1905 à Bangala (Zaïre).
40)
Le Règne du Sacré-Cœur de Jésus dans les âmes et dans les sociétés (1889-1903).
41)
Duborgel (Louis-François de Sales) dehonien, né le 10.11.1877 à Chens (Haute-Savoie); profès le 8.9.1897 à Sittard; prêtre le 19.12.1903 à Malines; au Brésil du Nord 1906; Supérieur à Albino (1907-1911 et 1928-1930); Maître des novices à Albisola (1919-1922); Conseiller provincial de la Prov. d’Italie (1920­1923); Supérieur à Bologne (1922-1926 et 1930-1936); Supérieur Provincial de la Prov. d’Italie (1923-1929); Conseiller général (1929-1944); Secrétaire général (1931-1934); Supérieur à Rome (1936-1944); décédé le 1.4.1944 à Rome. Roblot (Paul-Alfred) dehonien, né le 20.6.1880 à Nantois (Meuse); profès le 14.9.1901 à Fourdrain; prêtre le 9.6.1906 à Malines; au Brésil du Nord (1904­1912); Econome provincial de la Prov. franco-belge (1919-1930); Supérieur à Brugelette (1920-1921); décédé le 11.1.1957 à Domois.
42)
Graaff (Jean-Pierre) dehonien, né le 18.1.1866 à Perlé (Luxembourg); profès le 19.9.1885; prêtre le 4.8.1891; au Brésil du Nord (1902-1954); Supérieur Régional du Brésil du Nord (1906-1912 et 1915-1917); Maître des novices (1935­1943); décédé le 10.8.1954 à Vârzea (Brasilia). Demont (François-Wolfgang) dehonien, né le 22.11.1880 à Aachen; profès le 25.9.1901 à Sittard; prêtre le 25.4.1905 à Luxembourg; au Brésil du Nord (1904); Procureur des missions à Sittard (1910-1912) et à Krefeld (1912-1923); missionnai­re en Afrique du Sud (1923-1942); Préfet apostolique du Gariep (1923-1936); Vicaire apostolique de Aliwal (1936-1943); décédé le 15.6.1964 à Aachen. Bitthau (Guillaume-Anastase) dehonien, né le 12.9.1875 à Essen (Ruhr); profès le 24.9.1900 à Sittard; prêtre le 24.7.1904 à Louvain; au Brésil du Nord (1904) et au Congo belge (1904-1905); décédé le 19.1.1905 à Monsembe (Zaïre).
43)
Dom Luiz da Silva Britto.
44)
Cf. note 40.
45)
Brisson (Henri), homme politique français, né en 1835 à Bourges, décédé en 1912 à Paris.
46)
Nesselrath (Joseph-Christian) dehonien, né le 30.9.1875 à Düren (Al­lemagne); profès le 30.9.1895 à Sittard; prêtre le 10.8.1899; au Brésil (1903-1904); décédé le 11.2.1904 à Goiana (Brésil).
47)
Roth (Sébastien-Modeste) dehonien, cf. NQ, vol. 1, note 48.
48)
Satolli (Francesco), cardinal, né en 1839. Après son doctorat à l’université «la Sapienza», il fut nommé curé-prieur de Marsciano. Léon XIII lui confia le poste de professeur au Séminaire de Rome et au Collège Urbain de la Propagande de la foi. Il collabora avec le Pape au triomphe du thomisme dans les écoles catholiques. Archevêque titulaire de Lépante, en 1888, il devint en 1892 le premier Délégué apostolique aux Etats-Unis, faisant preuve d’un grand équilibre et de prudence. Créé cardinal par Léon XIII en 1895, archiprêtre de la Basilique de Latran en 1896 et préfet de la Congrégation des études en 1897, il joua un rôle très actif dans le conclave de 1903 et fut l’un des principaux partisans de l’élec­tion du Card. Sarto (Pie X). Il mourut le 8.1.1910 à Rome.
49)
Merry del Val (Raphaël), cardinal, né à Londres en 1865. Il fit ses premières études en Angleterre et en Belgique. A l’âge de dix-huit ans, il prit la décision d’entrer au collège d’Ushaw (Angleterre) et en 1885 arriva au Collège Pontifical Ecossais de Rome, mais Léon XIII souhaita qu’il fit ses études à l’Académie Pontificale des nobles où il fut ordonné prêtre en 1888. Il reçut le titre de Monseigneur tout en n’étant encore que sous-diacre, étant obligé, par l’ordre du pape, de participer à plusieurs missions spéciales aux cours d’Angleterre, de Berlin, de Vienne. En 1892, Léon XIII souhaita l’avoir auprès de lui comme «Camérier secret participant» et l’envoya comme Délégué apostolique extraordi­naire au Canada. Après avoir louablement accompli la difficile mission, Merry del Val fut nommé archevêque titulaire de Nice et président de l’Académie des nobles ecclésiastiques. Après l’élection de Pie X, il fut élevé à la pourpre et devint secrétaire d’Etat du pape Sarto. Il vécut de façon solidaire toutes les vicissitudes du pontificat, en parti­culier en ce qui concerne la lutte contre le modernisme. Par le traité Gentiloni, il ouvrit aux catholiques l’entrée au parlement. Par con­tre, la rupture avec la France devint complète. Après l’élection de Benoît XV, en 1914, Merry del Val devint secrétaire du Saint-Office; mais avec Pie XI, représen­tant le Pape aux célébrations franciscaines de 1926, il collabora au rapproche­ment entre l’Italie et le Saint-Siège, rapprochement qui aboutit au Concordat (1929). Il fut homme de profonde dévotion et de grand zèle apostolique, en parti­culier dans l’Action catholique. Il décéda le 26.2.1930 à Rome.
50)
Le Père Charcosset Claude-Barnabé, dehonien: cf. NQ. Vol. 1, note 98, p. 509.
51)
Le Père Gabriel Grison, dehonien: cf. NQ. Vol. 1, note 63, p. 516.
52)
Guillois (Constant-Ludovic-Marie), év. de Puy: 1894-1907.
53)
Rocamadour ou Roc-Amadour, comm. du Lot (arrond. de Gourdon), dans le haut Quercy; 805 hab. (165 aggl.). Ancienne étape sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle, Rocamadour est aujourd’hui un des principaux centres touristiques du Quercy. Le bourg occupe un site très pittoresque dans la gorge de l’Alzon; il est bâti en terrasses au flanc abrupt du causse de Gramat, au-dessous d’un château du XIVe s. (remanié). C’est une vieille cité, entourée de portes forti­fiées, et qui possède de vieilles maisons, de nombreuses chapelles (XIIIe, XIVe et XVe s.) et des églises anciennes (Saint-Sauveur, de style roman). Rocamadour, célèbre par le pèlerinage à une statue de Vierge noire, doit son nom à saint Amateur (ou Amadour); celui-ci, dont on a cru retrouver les restes en 1162, serait soit un ermite, soit un évêque d’Auxerre.
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