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37e CAHIER

1915: mars – mai

Voilà six mois que la ville est occupée. C'est comme une ville as­siégée: pas de correspondances ni de nouvelles du dehors. Les ali­ments deviennent rares, la viande manque et le pain gris est rationné. Patience! Puissent nos privations hâter le jour de la miséricorde!

Je lis le «Saint Joseph» de M. Sauvé1). Ce sera un aliment spirituel pour tout ce mois.

St Joseph est un admirable modèle par son union à Jésus et à Marie. Comme sa sainteté s'élève au-dessus de celle des autres saints d'après le principe de St Thomas que la raison du culte religieux dû aux saints 2 est leur affinité avec Dieu! Après Marie, quel saint peut être comparé à St Joseph pour l'affinité avec N.-S.?

St Joseph se sanctifie dans le silence et la vie intérieure. Le prêtre a une mission de zèle et d'apostolat, mais à une heure ou à l'autre, Dieu, dans une large mesure, par les ordres des supérieurs ou par des acci­dents qui ne dépendent pas de nous, nous signifie sa volonté: de repos, de silence, d'impuissance, d'obscurité, de souffrance. Et nous trouvons alors en Saint Joseph l'idéal et le secours providentiel, très suaves, très parfaits, très efficaces, qui nous invitent et nous aident à diviniser le silence, l'obscurité, le sacrifice. Il est aussi l'idéal des ardeurs intérieures qui doivent tâcher de compenser les immolations de l'activité 3 extérieure imposées par la Providence. Ame qui vous désolez de votre inutilité apparente au fond d'un cloître ou dans votre impuissance involontaire, si vous saviez quel bien vous faites, rien qu'en aimant et souffrant divinement!

Quelle confiance mon âme doit mettre en un tel protecteur! Assez puissant pour gouverner la Sainte Famille de Nazareth et l'immense famille de l'Eglise, ne vous croirais-je pas, ô grand Saint, assez puissant pour gouverner ma famille naturelle ou spirituelle, pour gouverner mon âme, ma vie! !

Confions-nous en la sagesse et en la bonté de St Joseph. Nous fré­missons quand nous songeons aux difficultés, aux angoisses que nous avons rencontrées dans la vie. Nous frémirions davantage encore si nous connaissions tous les 4 dangers de l'âme et du corps à travers lesquels chaque jour nous passons, sans même les soupçonner! En son­geant à tant de périls, jetons-nous dans le sein de celui qui était assez sage pour conduire un Dieu fait homme et qui peut être le guide si sûr de notre vie et de notre mort. - O le meilleur des Saints, je me jette à vos pieds, je me jette en vos bras, et vous demande, au nom de votre bonté envers Jésus et envers Marie, d'être bon, comme vous savez l'ê­tre, envers moi, envers l'Eglise!

Méditons les éléments de la sainteté en St Joseph. De quoi est faite la sainteté? Elle est faite de la grâce sanctifiante, des vertus et des dons que nous développons de concert avec Dieu, et des grâces 5 actuelles auxquelles nous devons coopérer.

La grâce sanctifiante est comme la substance de la vie surnaturelle: les vertus et les dons en sont comme les facultés. Saint Joseph croyait, espérait, aimait, était humble, prudent et fort… dans la plus intime union avec Marie. Le P. Billot2) compare les vertus aux rames d'un navi­re et les dons aux voiles: quand le souffle divin, l'Esprit-Saint, pousse lui-même le navire, il avance bien plus facilement et bien plus vite que par le seul travail des rames. Les grâces actuelles sont pour la mise en action des vertus et des dons. St Joseph est, après Marie, la créature qui a été le plus comblée de grâces actuelles et qui a le mieux répondu à tant de mouvements d'espérance et de prière, 6 de charité, de reli­gion, d'humilité, de patience, de courage…

Si l'excellence d'un homme se mesure à son amour pour Dieu et à l'amour que Dieu lui rend, que dirai-je de ce saint qui aime Dieu d'un amour paternel et qui est aimé de Dieu d'un amour filial! Pour nous, Jésus ne peut avoir des sentiments de fils, mais des sentiments d'ami très particulier. Ces sentiments nous pouvons les gagner par notre déli­catesse, pourquoi ne le ferions-nous pas!

Union à Jésus. Quand vous tenez Jésus dans vos bras, ô saint Joseph, quand en silence vous le voyez travailler ou prier auprès de vous, vous priez, vous adorez avec lui; avec lui vous désirez, vous implorez le salut du monde. Votre prière se 7 fusionne dans la prière de Jésus et dans celle de Marie. Votre âme se verse dans l'âme de Jésus, votre cœur dans son cœur, pour se perdre en Dieu. Vous êtes uni à son travail, à ses souffrances, à ses joies. Quand notre vie sera-t-elle, à l'exemple de la vôtre, unie intimement avec celle de Jésus? Est-ce que l'Eucharistie qui nous rappelle au vif les relations de St Joseph avec Jésus, ne nous invite pas à cette union? Quand notre vie sera-t-elle comme mêlée à celle de Jésus dans la prière, dans les souffrances, dans les joies, et si bien mêlée que ses souffrances et celles de l'Eglise soient nos souffran­ces et que leurs joies soient nos joies…

L'intimité de St Joseph avec Jésus nous apprend aussi à trouver tout près de nous, dans l'Eucharistie, 8 comme dans un autre Nazareth, le bon Dieu, le Dieu de toute patience, de toute miséricorde, dont rien ne rebute l'amour, ni ne rebute les pardons. Avec lui, nous devons être comme en famille, comme de vrais enfants qui ne doutent, ni n'hési­tent jamais, quand il s'agit d'un bien divin à implorer, d'une guérison d'âme à obtenir.

Saint Joseph est notre ami. C'est un ami parfaitement bon. En lui j'admire une bonté digne de la bonté de Jésus et de Marie qu'elle imi­te, une bonté bienfaisante et bienveillante au-delà de tous nos soupçons, une bonté indulgente en dépit de toutes nos misères, si nous sommes humbles et contrits; une bonté tendre, délicate, dévouée sans mesure; une bonté accompagnée d'une beauté ravissante pour nous charmer, d'une 9 noblesse suprême pour nous honorer; une bonté riche de tous les biens du ciel qui sont à sa disposition et comme à sa merci, désireuse de désirs sans pareils de nous communiquer ces biens, attentive à tous nos dangers, nous aimant d'un amour paternel comme un autre Jésus, voyant en nous les enfants des douleurs de son épouse bien-aimée, Marie…

L'Eglise n'a pas approuvé le culte du Cœur de St Joseph (Analecta, janv. 1880). Mais le culte privé n'en a pas été blâmé par elle, et les âmes qui ont cet attrait peuvent unir dans leurs hommages intimes le culte du Cœur si noble et si pur de St Joseph à celui des Cœurs de Jésus et de Marie. Ce que nous pouvons louer en ce Cœur c'est son amour si libéral et si 10 miséricordieux pour les âmes; et cet amour si délicat, si dévoué, si généreux, m'est acquis, si je le veux, de la manière la plus vive et la plus particulière.

N.-S. a daigné choisir un bon nombre de saints pour leur communi­quer à l'avance la grâce de la résurrection. Multa corpora sanctorum sur­rexerunt (Mt. 27,52). Nul doute que St Joseph a été de ceux-là. Un bon nombre de théologiens l'ont pensé. Pendant que Marie, les apôtres et les disciples contemplent Jésus s'élevant du Mont des Oliviers, il me semble voir St Joseph au-dessus du céleste cortège des âmes sorties des limbes, et dont plusieurs sont réunies à leurs corps, au-dessus du cortè­ge des anges qui sont venus au-devant de leur Roi. 11

St Joseph priait chaque jour de sa vie pour l'Eglise et pour les âmes. Maintenant au ciel, il est le père très aimant, le père protecteur, le père nourricier, le modèle et l'intercesseur de toute l'Eglise et de cha­que âme en particulier. Je ne dois pas douter qu'il s'occupe de mon âme avec un soin extrême.

Ces lectures me sont pendant ce mois un aliment délicieux et forti­fiant. Mon affection pour St Joseph et ma confiance en sont considéra­blement accrues.

72e anniversaire de ma naissance. Comme cette date m'impressionne! Que de fautes j'ai commises! Que de grâces j'ai perdues pendant ce long espace de temps! Seigneur, dans votre infinie miséricorde, effacez toutes mes fautes et rendez-moi toute 12 votre amitié.

Je n'ai plus longtemps à vivre, je ne veux plus avoir qu'un souci: aimer N.-S., le contenter, lui offrir sans cesse les hommages les plus ardents de réparation et de prière avec les industries de Ste Gertrude; m'unir à ceux qui sont le plus chers au Cœur de Jésus, à Marie, à Joseph, à St Jean, Ste Madeleine, St Jean Baptiste, St Michel, St Pierre et St Paul, à tous les saints du Sacré-Cœur. Je ferai très souvent dans le jour des communions spirituelles. Je veux vivre dans des dispositions de componction habituelle. Je voudrais unir tout l'amour pénitent de Ste Madeleine à la tendre amitié de St Jean pour N.-S. J'implore la miséricorde de la très Sainte Vierge Marie, ma divine Mère. Je lis qu'el­le a tendrement aimé 13 Madeleine pénitente; après avoir déploré mes fautes, elle voudra aussi agréer mon repentir et m'accorder enco­re quelque affection maternelle.

Le jour de ma naissance était, je crois, le mardi de la 2e semaine de carême, je m'applique l'oraison de ce jour-là: Propitiare, Domine3), sup­plicationibus nostris; et animarum nostrarum medere languoribus; ut remissio­ne percepta, in tua semper benedictione laetemur. P.C.D.N.

Je reprends la lecture de Ch. Sauvé: les mystères4) de la Passion. Je note quelques passages qui ont été pour moi l'occasion de lumières et de grâces. J'aime beaucoup cette remarque de M. Olier: La Sainte Ecriture nourrit intérieurement nos âmes, étant un ciboire sous lequel Dieu a voulu se cacher pour se donner à nous et 14 nous communi­quer ses grâces.

«Autrefois, dit St Paulin, on avait dans les saints tabernacles deux armoires: dans l'une était le Saint-Sacrement et dans l'autre les Saintes Ecritures. L'une contenait le Verbe divin renfermé sous les saintes Espèces, l'autre le Verbe divin manifesté par sa parole».

Le prélude de la Passion est la résurrection de Lazare. N.-S. pré­voyait que ce miracle déchaînerait la colère des Pharisiens. Combien dans la suite des siècles seront émus jusqu'aux larmes, saisis, jusqu'au fond de l'âme, de foi et d'amour envers Jésus Résurrection et Vie, en lisant cette histoire de son amitié, de ses larmes, de sa puissance, de sa vie risquée, donnée pour ses amis! - Pourquoi Marthe va-t-elle seule d'abord au-devant de Jésus qui venait 15 à Béthanie? C'est que seule elle avait été avertie. Dès que Madeleine fut avertie, elle y alla aussi et au plus vite. St Jean explique cela: Chap. XI, Vers. 20: Martha, ut audi­vit quia Jésus venit, occurrit illi. Vers. 29: Maria, ut audivit, surgit cito et venit ad eum.

Jésus est l'ami par excellence, l'ami qui a toute puissance et toute bonté. Il est notre ami par la grâce: Caritas est amicitia inter Deum et hominem. Seigneur, vous êtes notre Ami, qui nous veut le bien de l'âme et du corps. Vous êtes le vrai Ami, et si vrai et si bon que je ne veux d'a­mi que vous ou en vous (Bossuet).

Jésus prêchait quotidiennement le royaume de Dieu. Par ses para­boles, il indiquait les caractères 16 de ce royaume, par exemple: Le Roi partout, toujours présent et centre de ralliement; la prière à laquelle ce divin Roi ne peut pas résister; l'humilité qui peut justifier les plus grands pécheurs.

Et d'abord le centre de ralliement: «Partout où sera le corps, là aus­si les aigles s'assembleront» (Mt. 24,28). L'énergie et la rapidité du vol de l'aigle vers sa proie sont aux yeux de N.-S. le symbole de notre ten­dance vers lui.

Toujours dans le royaume de Dieu nous pouvons tendre vers vous, ô Jésus. Bien mieux que les aigles ne tendent vers leur proie, nous vou­lons tendre vers vous, qui êtes la nourriture de notre bouche et surtout la proie de nos cœurs.

Puissance de la prière. Le juge d'iniquité finit par rendre justice parce 17 qu'il est importuné. «Entendez ce que dit ce juge d'iniquité, dit N.-S., et Dieu ne ferait pas droit aux cris de ses élus qui nuit et jour montent vers lui! Et il supporterait indéfiniment de les voir opprimés? Non, je vous l'assure, il leur rendra justice, et bientôt» (cf. Lc. 18,1-8). Prie, mon âme, prie chaque jour de la vie, pour que le royaume de Dieu arrive dans l'Eglise et en toi. Ces importunités charment le cœur de Dieu et, loin de le lasser, le contraignent de faire miséricorde. Vous voulez la prière confiante, persévérante jusqu'à l'importunité, ô Jésus, mais vous la voulez aussi profondément humble, comme celle du publicain.

Vous savez combien nous sommes pauvres, infirmes, misérables! Et votre Cœur immensément bon est toujours prêt 18 à la pitié et au pardon. Seulement vous voulez, et rien n'est plus juste, que nous pre­nions conscience de nos péchés et de nos pauvretés qui sont bien à nous, et non à vous; au lieu de nous approprier le bien qui est en nous et de nous y complaire, comme s'il ne venait pas de vous! Vers vous sans cesse s'élève ma prière, jointe à celle de l'Eglise, et implorant pour elle et pour moi tant de grâces nécessaires. O Juge, si juste et si bon, je veux profiter de vos promesses et répondre à vos invitations, en vous importunant, en demandant, en cherchant, en frappant avec la plus humble confiance.

Le jeune homme riche répondit à N.-S.: «J'ai gardé ces commande­ments dès ma jeunesse, que me manque-t-il encore?» (Lc. 18,21). 19 Devant cette pureté de vie et ces désirs d'être meilleur, le Cœur de

Jésus fut ému. Et Jésus, arrêtant ses regards sur ce jeune homme l'ai­ma. Quel monde de tendresse, d'intimité divine, de sainteté, de fécond apostolat, de gloire éternelle dans ce mot, si ce jeune homme répondait à l'amour du Sauveur: Jésus l'aima!

Que manque-t-il à ce jeune homme? «Si tu veux être parfait, lui dit Jésus, va et vends tous tes biens, donne-les aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel: puis viens et suis-moi» (Lc. 18,22). Un trésor dans le ciel: la jouissance éternelle de Jésus et de tous les biens divins; et en attendant, posséder déjà dans la persécution ce trésor si précieux, si beau, si aimable: suivre Jésus, être près de sa personne, vivre dans son intimité… Mais ce jeune homme, 20 dans ses ardeurs et ses empresse­ments, n'avait point calculé les ressources de sa générosité, et mainte­nant il hésite, il a peur, il recule!

«Il l'aima! ». C'est aussi le point de départ de ma vocation, ô Jésus! J'y ai répondu. Plus tard les défaillances n'ont pas manqué, mais il me semble que vous me pardonnez et que vous ne me refusez pas toute affection. Comment répondrai-je à tant de bontés?

«Ceci est mon corps!». Nous pourrons vous avoir en personne, ô Jésus, par toute la terre, pour nourriture, pour breuvage, pour compa­gnon de notre vie, pour voisin de nos demeures, pour pèlerin qui che­mine avec nous et rend notre cœur ardent… Et vous ne serez pas seul. «Mon Père ne me laisse pas seul, avez-vous dit. Mon Père est en moi et je suis en lui» (cf. Jo. 16,32). Où vous 21 êtes, là est votre Père. Nous l'avons avec vous dans tous vos mystères. Nous l'avons dans l'Eucha­ristie. Et nous avons avec lui votre divin Esprit. Voilà les Compagnons de notre vie, les Pèlerins qui daignent partager notre voyage, les Consolateurs de nos peines, les Docteurs de nos ténèbres, les Prophètes de nos incertitudes, les Médecins de nos maladies: les trois adorables et bien-aimées personnes divines en un seul Dieu!

«Faites ceci en mémoire de moi». Que cela est simple, grand, digne d'un Dieu! Vous fondez d'un mot non pas le soleil qui doit irradier notre monde de lumière, de chaleur, de vie matérielle; mais ce sacer­doce prodigieux, capable de répandre partout la lumière, la vie divi­nes, de donner à toute la terre, 22 en vous, un Dieu pour victime, qui adore, prie, invoque le pardon, et à tous les hommes un Dieu pour nourriture.

L'union est le fruit de l'Eucharistie. C'est l'union par la foi, par la vie d'amour envers Dieu et envers les hommes, par la souffrance, par le témoignage, par la prière… avec vous, ô Vigne divine, avec votre Père, le divin Vigneron, avec l'Esprit-Saint, âme de cette union. Cette union va faire du Royaume de Dieu que vous fondez, le Royaume de la vérité, de la sainteté, de la charité, de la paix. Tout-à-l'heure vous allez implorer cette union pour l'Eglise. Je désire y travailler toute ma vie pour moi et pour mes frères. 23

Celui qui aime Jésus s'unit au mystère de sa prière. Entrer pleine­ment dans la prière de Jésus: cela dit des immensités pour la louange, l'action de grâces, surtout pour le désir, la supplication, les grâces à obtenir… Je ne suis pas capable de beaucoup souffrir, de beaucoup agir, de beaucoup parler pour Jésus, mais je puis beaucoup prier avec lui. Il est toujours là pour prier avec moi. «Je prie pour eux et non pour le monde, disait Jésus. Mon Père, conservez en votre nom ceux que vous m'avez donnés» (Jo. 17,9). Quelle joie pour les apôtres de se voir ainsi aimés et de s'entendre ainsi recommander au Père! Les prê­tres de tous les temps participent à cette prière spéciale.

Après la Cène, Jésus priait: 24 «Père, je veux que là où je suis, ceux que vous m'avez donnés y soient aussi avec moi, afin qu'ils contem­plent la gloire que vous m'avez accordée. Je leur ai fait connaître votre nom, et je le leur ferai connaître, afin que vous reportiez sur eux l'a­mour dont vous m'avez aimé, car je serai moi-même en eux» (Jo. 17,24ss). Cette prière nous obtient d'immenses bénédictions. Elle suffi­rait pour nous obtenir tous les biens jusqu'à la fin des temps, mais le Cœur de Jésus veut la continuer dans tous ses mystères, à l'autel, au tabernacle et, si nous le voulons, dans notre âme, dans l'Eglise, jusqu'à ce que le monde n'ait plus besoin de prières et que cette prière se résolve en adorations, en louanges, en actions de grâces éternelles… 25

St Luc, Chap. 22 Vers. 41: Avulsus est ab eis quantum jactus est lapidis (Lc. 22,41). Jésus s'éloigna de ses disciples, ou plutôt il s'arracha à leur compagnie, avulsus est, il lui en coûtait sans doute de se priver, dans un moment si grave, de la société des trois disciples qu'il aimait.

Le regard de Jésus, où Pierre a vu tout son Cœur, porte jusqu'au fond de son âme la pleine lumière, le plein repentir, la pleine vie et l'a­mour pour jamais fidèle… Si Pierre n'était pas tombé aussi profondé­ment, s'il n'avait pas eu tant besoin de miséricorde, nous saurions moins bien à quel point Jésus est prêt à pardonner au vrai repentir.

Présent en personne, tout entier, vous voulez que vos mystères 26 revivent parmi nous, non point, sans doute, sous la même forme exté­rieure, mais aussi réellement quant à la substance et à la grâce et d'une manière aussi féconde. Vous voulez revivre parmi nous vos mystères de l'enfance et de la jeunesse par votre présence eucharistique cachée, silencieuse, merveilleusement obéissante aux prêtres… Vous voulez être toujours le Bon Pasteur qui visite toute la terre et toutes les âmes, qui multiplie les pains, qui guérit les malades, qui évangélise les pau­vres, qui accorde un entretien à Nicodème, qui éclaire et convertit la Samaritaine, qui demande l'hospitalité à Zachée, qui veut recevoir sur ses pieds, sur sa tête, l'effusion de nos parfums, qui triomphe comme à la fête des Palmes. Ne pouvant plus ni souffrir ni mourir, vous voulez néanmoins revivre sans cesse les mystères de votre 27 Passion4, de votre Mort, par un véritable sacrifice, où se retrouvent toutes les réa­lités non douloureuses, toutes les grâces du sacrifice du Calvaire. Vous voulez revivre les mystères de votre Résurrection, de vos intimes rela­tions avec Madeleine, avec les disciples du chemin d'Emmaüs, avec vos apôtres. Nous vous avons toujours par toute la terre, vous-même, ô Jésus de Bethléem, de Nazareth, du Thabor, de Gethsémani, du Cal­vaire, du Tombeau.

Nous vous avons toujours continuant à l'égard de votre Père, et nous invitant tous à nous y unir, votre vie d'adoration, de louange, d'action de grâces, de prière, d'amour.

Nous avons votre présence eucharistique en des centaines de mil­liers de tabernacles, et votre présence morale dans le Pape et les évê­ques, par qui vous enseignez, 28 dans les prêtres, par qui vous baptisez et remettez les péchés… Vous obéissez dans les fidèles, comme vous obéissiez à Nazareth; vous souffrez dans ceux qui souffrent, vous vous réjouissez dans toute âme qui se réjouit pieusement; vous êtes persé­cuté dans votre Eglise, vous luttez en elle, vous triomphez en elle.

C'est Jésus toujours, Jésus partout: son Eucharistie est notre ali­ment, notre soleil. Son influence est notre atmosphère.

Je relis le livre du P. Saintrain5) sur Dieu et ses perfections. Il attire mon attention sur cet hymne de St Paul sur la vie de Dieu en nous (Aux Rom. 8) : Et maintenant que nous sommes une même chose avec le Christ Jésus, il n'est plus rien en nous qui puisse attirer sur 29 nos têtes une sentence de condamnation.

L'Esprit de vie que nous a communiqué le Christ Jésus nous a déli­vrés des liens du péché et il a abrogé la loi de mort portée contre nous. Devenus les membres du Christ6), et marchant selon les inspirations de l'Esprit du Christ, si nous devons encore subir la mort corporelle en expiation du péché, du moins notre âme est pleine d'une vie indes­tructible.

Or, l'Esprit qui habite en nous est l'Esprit de celui qui a retiré Jésus d'entre les morts; si donc il a ressuscité J.-C. d'entre les morts, il rendra aussi la vie à nos corps mortels, en considération de son Esprit qui fait sa demeure en nous.

Vous le voyez donc, ô mes frères, ce n'est pas à la chair que nous sommes redevables, elle n'a nul droit à réclamer notre soumission à ses désirs. 30

Ah! Laissons-nous plutôt mener par l'Esprit de Dieu, afin d'être reconnus comme les enfants de Dieu.

Oui, comme ses enfants; car l'Esprit que vous avez reçu n'est pas un esprit de servitude et de crainte, mais un esprit d'adoption, qui fait de vous de vrais enfants, et vous fait pousser vers Dieu ce cri: Abba, mon Père!

Oui, nous sommes les enfants de Dieu, et l'Esprit qui est en nous nous en donne la douce assurance.

Or, si nous sommes les enfants de Dieu, nous sommes aussi ses héri­tiers, héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ, à condition de mériter cette gloire par notre patience dans les peines de cette vie.

Hélas! que sont ces peines pour payer la gloire qui nous attend 31 dans la vie future?

La nature entière attend avec impatience le jour où les enfants de Dieu apparaîtront revêtus de la splendeur qui leur est propre.

Non content de nous animer, l'Esprit-Saint vient au secours de notre faiblesse; voyant que nous ne savons prier le Père comme il con­vient, il prie lui-même pour nous, en faisant jaillir du fond de nos cœurs de ces inénarrables gémissements que Dieu comprend et aime.

Après cela, que vous dirai-je encore? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?

Celui qui n'a pas épargné son propre Fils, mais l'a livré pour nous, comment pourrait-il nous refuser quelque chose?

Et qui osera accuser les élus de 32 Dieu, alors que Dieu les justifie et les absout?

Qui pourra les condamner, alors que le Christ Jésus, assis à la droite de Dieu, élève la voix en leur faveur?

Et maintenant, qui pourra nous séparer de l'amour de J.-C.? la tri­bulation, l'angoisse, la faim? la nudité, les périls, la persécution et le glaive?

Non, tout cela nous le surmonterons pour l'amour de celui qui nous a aimés, et dont rien ne saurait éteindre l'amour à notre égard. Car ni mort, ni vie, ni anges, ni principautés, ni vertus, ni choses présentes, ni choses futures, ni force, ni hauteur, ni profondeur, ni créature quelconque ne pourra jamais obliger Dieu à nous retirer l'a­mour dont il nous aime, 33 comme membres, frères et cohéritiers du Christ Jésus Notre-Seigneur!.

Anniversaires de baptême pour moi et pour la chère Mère. Messe de réparation et d'action de grâces. Je m'applique ce texte de St Paul que je viens de copier. J'espère que rien ne me séparera plus de l'a­mour de N.-S. Je regrette toutes mes fautes. Je veux vivre désormais en pratiquant toute justice. J'en demande la grâce à N.-S. Ce ne sera plus bien long. Marie, Mère de miséricorde, m'aidera. Je ne veux pas dou­ter de sa bonté maternelle, bien que je l'aie souvent attristée. Elle m'aide à comprendre aujourd'hui qu'elle est toujours mère et toujours prête à pardonner. 34

Bossuet dépeint bien l'action de la Providence sur les nations. C'est sur les individus que la grâce agit. Pour conduire un peuple, une famil­le (un institut) aux fins qu'elle a en vue, l'action de la divine Pro­vidence doit s'exercer sur chaque personne en particulier. Si elle veut, par exemple, amener à la foi une peuplade encore païenne, il faut qu'elle ouvre les yeux et touche le cœur de chacun de ces infidèles; si elle veut qu'une nation prospère et fleurisse, il faut qu'elle accorde au moins à un certain nombre d'hommes de cette nation, de grands talents, un caractère élevé, des vertus éclatantes, et à la plupart des autres la santé, les forces, le courage, un noble désir de procurer le bien… Veut-elle au contraire châtier un peuple, une ville? Elle 35 refu­sera à ses chefs le talent, la droiture d'esprit, la sagesse et, sans jamais les pousser au mal, elle les abandonnera à la fougue de leurs passions et à la malice des esprits de ténèbres…

Seigneur, donnez à la fille aînée de l'Eglise les grâces dont elle a besoin.

Je n'avais pas encore remarqué comment l'Ancien Testament re­commande clairement la foi, l'espérance et la charité. C'est à l'Ecclé­siastique, chap. 2,8ss: Vous qui craignez le Seigneur, croyez en lui et vous ne perdrez pas votre récompense. Vous qui craignez le Seigneur, espé­rez en lui, et sa miséricorde viendra vous combler de joie. Vous qui crai­gnez le Seigneur, aimez-le et vos yeux seront remplis de lumière… 36

J'avais déjà lu les révélations de Pauline Périé, je n'avais pas remar­qué ce que la Ste-Vierge lui dit de la France. C'était en 1862. «Mon cœur éprouve une grande tristesse, disait Marie, à cause du grand nombre d'âmes que je vois se perdre tous les jours. Vous qui êtes mes serviteurs, unissez-vous à moi pour apaiser la colère de mon divin Fils. Les hommes sont tombés dans l'aveuglement. Quand mon divin Fils parle, personne ne l'écoute; lorsque c'est le démon, tout le monde le croit. Cet esprit malin fait en ce moment de grands ravages et il a un plus grand nombre de serviteurs que mon divin Fils (hélas!). Si les hommes me connaissaient et s'ils voulaient me servir, il n'y aurait pas tant de mal. Mais ce n'est qu'en France que je trouve des serviteurs. 37 Dans les autres contrées, on ne me connaît pas. Aussi j'ai toujours béni la France, je lui ai accordé de grandes grâces, et je la bénirai encore» (N.-D. de Lourdes nous sauvera).

Douzième anniversaire de la discussion au Palais Bourbon sur les Congrégations dites prédicantes. Les Oblats du S.-Cœur étaient du nombre. Quel superbe discours fit M. Plichon! Je le relis. Il montrait bien comment au point de vue national les Congrégations avaient con­tribué à l'influence française en Orient, au Tonkin, à Madagascar…! mais la franc-maçonnerie avait son siège fait.

Les conseillers municipaux de St-Quentin avaient émis un vote con­tre nous. Où sont-ils 38 aujourd'hui? Ne sont-ils pas expulsés et dépouillés à leur tour?

M. Plichon citait une parole de Viviani7), qui avait révélé à la Chambre précédente le plan des loges, la destruction de la religion: «Les Congrégations et l'Eglise ne nous menacent pas seulement par leurs agissements personnels, mais par la propagation de la foi…». Et c'est là l'homme qui nous gouverne aujourd'hui, quand nous aurions tant besoin de la protection divine!

N.-S. a parlé des convertis à Pauline Périé avec une grande miséri­corde: «Là où le péché a abondé, disait-il, la grâce abonde aussi, sur­tout pour tous ceux qui reviennent à moi sincèrement. Ceux qui après avoir contracté de mauvaises habitudes, les quittent pour se donner 39 à moi, m'aiment ensuite plus que les autres. Ils tâchent de réparer le temps qu'ils ont perdu et font tous leurs efforts pour me servir autant qu'ils m'ont offensé. A la vue de leur bonne volonté, je leur accorde quelquefois de grandes grâces, parce qu'ils m'aiment de tout leur cœur. Vous en avez des exemples chez quelques-uns de mes saints qui ont déjà quitté la terre. Ils sont assez connus. Ils avaient avancé bien loin dans le mal, mais après l'avoir quitté, ils ont si bien travaillé à leur perfection qu'ils brillent maintenant au-dessus des autres dans le ciel». - Puissé-je imiter ces saints pénitents!

J'ai craint longtemps que la Ste-Vierge ne m'ait abandonné, mais je lis dans Pauline Périé de si belles 40 choses sur sa bonté maternelle! C'est N.-S. qui parle: «Aussi grands pécheurs que vous soyez, ne crai­gnez point, elle vous prendra dans ses bras, elle vous présentera à moi et ne me quittera pas avant d'avoir obtenu votre pardon… Un fils n'est pas effrayé de sa mère comme de son père. Une mère est toujours à côté de son enfant, elle n'en détourne jamais ses regards, et elle sup­porte avec plus de patience ses défauts… La mère que je vous ai donnée veille toujours sur vous. Elle est sans cesse à vos côtés pour vous empêcher de tomber, ou pour vous relever lorsque vous avez le malheur de faire quelque chute. Elle fait comme une mère qui a de nombreux enfants dont les uns sont en bonne 41 santé et les autres dans la souffrance. Elle semble oublier les premiers pour donner tous ses soins à ceux qui sont dans l'infirmité, et elle est sans cesse auprès d'eux pour les soulager. C'est ainsi que votre mère agit à votre égard. Il semble qu'elle oublie, en quelque sorte, ceux qui la servent et qui l'ai­ment de tout leur cœur pour porter son attention sur les pécheurs qui ont tant besoin d'elle. Elle aime beaucoup cependant ses fidèles servi­teurs et elle leur obtient de grandes grâces». Après cela craindrai-je encore que Marie, ma mère, m'ait abandonné?

Il y aura, me disait-on aujourd'hui, beaucoup de familles éteintes par cette guerre. N'est-ce pas un châtiment du crime contre nature par lequel on évite la charge des enfants? On ne veut qu'un enfant, 42 ou tout au plus garçon et fille. La guerre vient, le fils unique périt. Bien des noms disparaîtront. Dieu reste le maître. La nation a expulsé et spolié les religieux. Que de gens sont à leur tour expulsés et bal­lottés par la guerre et combien seront ruinés!

Erudimini qui judicatis terram (Ps. 2,10). Electeurs, députés, séna­teurs, ministres et magistrats, instruisez-vous. On ne se moque pas de Dieu: Deus non irridetur (Gal. 6,7). Si vous ne voulez pas comprendre et vous amender, les châtiments continueront.

Les spoliateurs ont cru trouver un milliard chez les Congrégations, ils n'ont fait que ruiner les villes et l'Etat. Que d'écoles libres détrui­tes! Que de collèges catholiques qui faisaient vivre les villes et qui 43 ont porté leur population en Belgique! Que d'œuvres qui nourris­saient les pauvres, les vieillards, les malades, les orphelins! Tout cela est retombé à la charge de l'Etat et des communes. Ces rastaquouères israélites ou calvinistes Suisses n'ont pas lu notre vieux Lafontaine, qui leur aurait recommandé de ne pas tuer la poule aux oeufs d'or.

Ils ont dû multiplier les prisons et créer des tribunaux pour enfants. Beau résultat, pour des gens qui croient avoir tout l'esprit du monde!

Beau jour de pâques. N.-S. se manifeste à ses disciples, il leur pro­met de demeurer avec nous spirituellement: «Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles» (Mt. 28,20).

Saint Léon exprime bien cela: 44 «N.-S., dit-il, daigne être non seu­lement le gardien des brebis, mais encore le Pasteur des pasteurs eux­mêmes, invisible aux yeux du corps, mais sensible au cœur spirituel, absent par la chair qui le rendait visible, présent par la divinité en ver­tu de laquelle il est toujours tout entier partout» (Sermon II, pour l'anniversaire de son élévation).

L'esprit public change. Il y a en France un retour aux idées religieu­ses qui est de bon augure pour nous donner à espérer les miséricordes divines. On peut en juger surtout par le tirage des journaux:

Avant la guerre actuellement
Matin 800.000 300.000
Journal 1.400.000 500.000
Echo de Paris 100.000 600.000

Le Figaro et le Gaulois ont augmenté. Le Petit Parisien et le Petit Journal ont diminué. 45 La Lanterne, le Rappel, l'Autorité, le Gil Blas ne paraissent plus. C'est un signe des temps. La France revient à Dieu.

La France a souvent gagné le Cœur de N.-S. par la charité, on dit que depuis la guerre cette charité a été abondante. Des œuvres se sont fondées à Paris pour les aumôniers volontaires, pour les secours aux blessés, pour les vêtements des soldats, pour leur Noël, etc. etc. Confiance! La miséricorde et l'aumône couvrent la multitude des péchés.

J'ai donné le 5 l'extrême-onction à la Chère Mère. Ses dispositions de détachement et d'abandon sont parfaites. Si N.-S. la prend, elle intercédera pour les deux œuvres. Elle demandera pour nous le par­don de tout le passé et 46 la correspondance aux desseins de la Providence. C'est une belle vie toute d'énergie, de foi, de sacrifice et de prière, qui s'achemine vers sa fin.

On fait circuler un discours de Poincaré. Il a remis la médaille mili­taire au général Joffre. Les phrases sont ronflantes: «La France ne peri­ra pas, parce qu'elle a sa mission de liberté et de civilisation!». Comment qualifier cela? Est-ce inconscience? Est-ce effronterie? Où est-elle cette liberté? Je ne la vois pas moi. On m'a pris ma maison; on a jeté mes collègues en exil; on a fermé mes œuvres et mes écoles. Je ne vois partout que vol et violence: couvents déserts, écoles fermées, évêchés, 47 presbytères et séminaires volés; fondations religieuses accaparées. Elle est belle la mission de liberté! Les familles voient l'âme de leurs enfants profanée par l'école franc-maçonne.

M. Poincaré appelle tout cela la liberté. Est-ce manque d'intelligen­ce ou sectarisme maçonnique? Il fait appel à la concorde et à l'union des partis. C'est facile. Ainsi font les anarchistes et les voleurs. Il vous prennent votre bourse et votre liberté et vous disent: «Chut! ne criez pas, ne vous plaignez pas; ne troublez pas la concorde et l'union des partis!». Allons, M. Poincaré, un peu plus de justice et d'honnêteté, si vous voulez que Dieu bénisse la France! Commencez par regretter 48 ce qui s'est fait et par promettre de vous employer à réparer ce qui est réparable. La justice élève les nations: Justitia elevat gentem; miseros auteur facit populos peccatum (Prov. 14,34).

Le bon Dieu n'est pas sensible aux périodes académiques. Il lui faut des faits, des actes et surtout des sentiments de vérité, de justice, d'hu­milité et de pénitence. En attendant que ce monde officiel commence à comprendre le catéchisme, continuons à prier, à faire amende hono­rable et réparation; c'est toujours aussi nécessaire.

A Ninive, tout le monde fit pénitence. On la fit faire par surcroît aux animaux des étables. Nous sommes bien au-dessous de ces païens. 49 Nabuchodonosor se livra à toutes les profanations. Il fut puni par Dieu d'une manière aussi juste que pittoresque. Il y a beaucoup de Nabuchodonosor à la tête des Etats modernes.

Nous sommes gouvernés par des chambres dont la majorité est issue d'un suffrage faussé par la fraude, la corruption et l'intrigue. Nous ne serons sauvés que si Dieu, fermant les yeux sur ce monde qui nous gouverne, les arrête sur le peuple qui vaut mieux que ses chefs et qui [a] été trompé au XVIIIe siècle par les philosophes et au XIXe par les intrigues maçonniques.

Je lis précisément la vie de Madame Louise de France8), carmélite, par l'abbé Proyart, livre édité en 1793. L'admirable sainte multipliait ses 50 bonnes œuvres et ses pénitences pour le salut du Roi son père et de la France. «Et c'est cependant, dit l'auteur, le ministère officieux de ces anges de paix que le Philosophisme ne cesse de calomnier. Mais qu'ils blasphèment tant qu'ils voudront, contre les asiles de l'innocen­ce chrétienne, ces prétendus Amis de l'Humanité, qui mettent les excès de la licence au rang des droits de l'homme et ses penchants les plus dépravés au nombre de ses vertus; qu'au tribunal insensé d'un monde séduit, ils s'efforcent, ces sages nouveaux, de dévouer à tout l'op­probre de l'oisiveté la sainte activité des martyrs de la pénitence; qu'ils parviennent même à force de crimes à frapper de stérilité la terre des saints: il n'en est pas moins vrai que tant 51 qu'il restera dans l'Empire français un seul organe de la vérité, on y préconisera l'héroïsme pur de ces courageuses émules d'un Dieu crucifié, qui n'hésitent pas de se faire anathèmes pour un monde persécuteur; et à l'exemple de leur divin Epoux, de s'immoler par la charité pour des crimes qui ne sont pas les leurs…».

La sainte carmélite prie au ciel pour nous. «Etrangère aux affaires de l'Etat, elle ne le fut jamais à ses besoins; et c'est en priant qu'elle s'efforçait d'y pourvoir. Le maintien de la foi dans le royaume, la restauration des moeurs, le soulagement des peuples, la paix et la tran­quillité publique faisaient le sujet habituel de ses voeux et de ses priè­res. Digne fille de St Louis, elle avait pour les Français 52 le cœur et toute l'affection de ce grand roi. Tout ce qui intéressait la patrie, inté­ressait vivement sa piété; et l'on peut dire que la France avait en sa per­sonne un ministre de paix, toujours en activité pour négocier ses intérêts auprès du trône des miséricordes».

Elle tomba mortellement malade le 21 novembre 1787, quand elle apprit que le ministre Laménie de Brienne venait de décider la convo­cation des Etats généraux, d'où allait sortir la Révolution.

St-Quentin paie sa dette à la justice divine. Il faut que tout soit expié. La ville a exalté Voltaire et Renan, amis de la Prusse et de la cri­tique luthérienne; le Bon Dieu lui répond: «Pour avoir trop aimé ces écrivains, vous logerez leurs amis une année 53 dans vos murs». La vil­le a glorifié les chefs du communisme, Babeuf et Blanqui en donnant leur nom à ses rues, elle est punie par un régime communiste: tout le monde au pain noir, 180 grammes par jour; peu de viande; le travail en commun, les jeunes gens de toute classe ammenés aux tranchées; les usines étaient des foyers d'immoralité et d'esprit révolutionnaire, elles ont vu leurs machines enlevées à l'étranger avec les matières pre­mières. La ville a chassé les religieux et les religieuses, on lui en a remis partout, on ne voit que des frocs de moines dans ses rues; elle a fermé les chapelles, on en a ouvert le double, au tribunal, au lycée, aux écoles, aux hospices.

Le monde féminin suivait avec 54 ardeur les modes parisiennes les plus insensées, mais les journaux de mode ne viennent plus. La presse parisienne déversait à la gare tous les jours des wagons d'impiétés et de saletés, et la presse locale y faisait écho: tout le monde est réduit au silence. Les cabarets foisonnaient et empoisonnaient les âmes avec les corps, on en a fermé les trois-quarts. Le petit commerce oubliait l'Eglise pour tenir le comptoir, il a maintenant des loisirs… L'expiation se fait tous les jours: quand elle sera suffisante, N.-S. nous fera miséricorde.

Quelques faits astronomiques donnent une idée de l'immensité du monde créé. Les étoiles sont innombrables. Notre système solaire n'en est qu'un 55 petit échantillon. La voie lactée à elle seule comprendrait au moins 50 millions d'étoiles. La lumière du soleil met huit minutes pour venir à nous. Certaines étoiles énormes comme Sirius, Véga, etc., mettent 50 ou 60 ans à nous envoyer leur lumière. Beaucoup d'étoiles doivent être des mondes avec leurs satellites habités. Notre terre qui nous parait grande est l'escabeau du trône divin. Sur cet escabeau, il y a des poussières qu'emporte le vent, ce sont les hommes, et c'est pour ces poussières que le Fils de Dieu s'est fait homme!!

Incident militaire notable. Des avions français et anglais ont survolé la ville. Ils ont jeté 56 des grenades sur les dépôts de munitions de la gare. Incendie épouvantable, explosions successives de bombes et de cartouches, crépitements sans fin. La population est d'abord affolée, puis elle se réjouit de l'habileté de ces aviateurs. Fatiguée d'une lon­gue occupation, elle se raccroche à toutes les espérances. Elle veut voir dans ce bombardement un présage de délivrance. Pour moi, je me redis les paroles de la Ste-Vierge à Pontmain: «Priez, mes enfants, mon Fils se laisse toucher».

Notre Hôtel-Dieu est devenu une ambulance militaire, les Al­lemands y ont mis des Pères et Frères Camilliens et des Soeurs de Sainte Anne. Un Père Camillien a envoyé à la presse allemande un article fort sensé 57 sur cet Hôtel-Dieu. Ils l'ont trouvé dans un état répugnant de malpropreté. Les malades y étaient mal soignés. Ceux qui avaient quelques sous obtenaient les faveurs du personnel de servi­ce. C'est là qu'en était réduite l'ancienne maison du Bon Dieu, fondée par les rois et les familles nobles et riches, et desservie pendant des siè­cles par les bonnes Soeurs Augustines. Il a suffi de quinze ans du règne de l'obscurantisme pour tout gâcher, car c'était vraiment le règne de l'obscurantisme, ce temps où les ministres prétendaient éteindre les étoiles du ciel et détruire toutes les lumières de la civilisation chrétien­ne. Plus de Soeurs, plus d'écoles chrétiennes, plus de religieux et peu de prêtres: nous allions 58 rapidement à l'anarchie, à la barbarie, à toutes les malpropretés matérielles et morales. Espérons que nous ne reverrons plus ces temps malheureux, qui nous ont attiré les châti­ments divins. La vieille chapelle gothique de l'Hôtel-Dieu est devenue un sale atelier de menuiserie. Les Allemands ont fait une chapelle pro­visoire dans une salle de bains.

Le nom de St Martin, qui convenait si bien à une rue hospitalière, a été remplacé par le nom d'Emile Zola, comme pour caractériser la saleté et les moeurs du nouvel hôpital. Ce sont là les œuvres de la franc-maçonnerie. Le règne des loges a été bien caractérisé par les Camilliens allemands: c'est le 59 temps de l'obscurantisme. Que Dieu nous délivre de cette peste!

Voici huit mois que nous sommes enfermés ici comme on le serait dans une ville assiégée. C'est une retraite. Je ne lis que l'Ecriture Sainte, des Vies de saints et des livres ascétiques.

J'ai beaucoup voyagé dans ma vie, je ne crois pas avoir mal agi géné­ralement en le faisant. Je n'ai pas voyagé, comme font certaines gens, par flânerie ou par pure curiosité. Mes voyages ont toujours été une étude et un pèlerinage. J'ai toujours pris des notes. Je m'en suis servi pour m'édifier et pour édifier les autres par quelques publications.

On nous fait étudier les auteurs classiques, l'histoire, la géographie: 60 c'est un voyage que l'on fait par la pensée et par l'imagination. Les voyages bien compris complètent les humanités. A vingt ans, j'ai voulu voir l'Italie, l'Egypte, la Grèce, la Palestine. C'était pour moi le complé­ment de l'éducation.

Plus tard, j'ai continué à chercher Dieu dans la nature, dans les arts, dans les moeurs, dans l'histoire. «Les œuvres de Dieu bénissent le Seigneur». Benedicite, omnia opera Domini, Domino (Dan. 3,57). La petite Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus louait Dieu en accompagnant sa famille dans les Alpes et les Pyrénées.

Je voulais avoir une foi éclairée et j'ai parcouru tous les chemins de l'histoire, c'était pour moi un exercice d'apologétique. 61

Le pèlerinage aux Lieux Saints a confirmé ma vocation. Les souve­nirs que j'en ai gardés m'ont toujours aidé dans mes méditations. Mais c'est dans ma réclusion de St-Quentin que je fais mes plus grands voyages. Je parcours en imagination le grand domaine de Dieu.

Les étoiles sont des soleils qui peuvent avoir comme le nôtre des satel­lites habités. On compte déjà plus de 6.000 étoiles doublées par leurs satellites. Combien y a-t-il d'étoiles? On dit que la voie lactée en comp­te bien 50 millions, et ce sont sans doute autant de systèmes solaires analogues aux nôtres. Ces soleils sont dispersés dans des espaces infi­nis. La lumière du soleil met huit minutes à venir nous voir. 62 La voie lactée forme un disque si vaste que la lumière mettrait dix mille années à le parcourir d'après Herschel. Quelques étoiles des constella­tions d'Arcturus, de la Lyre et du Chien mettent déjà 25, 50, 75 ans pour nous envoyer leurs rayons. Nos étoiles de première grandeur, comme Sirius, seraient grandes 50 fois et plus comme notre soleil.

Et tout ce que nous ne voyons pas? N'y a-t-il pas des milliards de mondes analogues au nôtre, avec des habitants plus ou moins compo­sés d'esprit et de matière? Ces êtres ont-ils péché? Ont-ils eu besoin d'un Rédempteur?

Des milliards d'anges président à ces mondes.

Je me perds dans cet infini. 63 J'adore le Grand Maître, qui a tout créé et dont le Fils n'a pas dédaigné de se faire mon frère, mon ami, mon aliment même.

Je veux voir tout cela en Dieu après ma mort. Et pour cela, je m'hu­milie, je me repens de toutes mes fautes, et je supplie mon Sauveur de ne pas me laisser perdre mon âme.

La terre est l'escabeau de Dieu. Sur cet escabeau, quelques poussiè­res vivantes, c'est tout ce que je suis. Mais mon âme peut concevoir en Dieu toute la création. Elle devient presque infinie par son union à Dieu. J'espère et j'attends cette extase de l'intelligence et de l'amour…

Les sages et les saints ont voyagé pour s'instruire. J'en avais plus 64 besoin qu'eux. Platon a visité l'Italie, l'Afrique, l'Egypte, la Sicile, avant de se fixer à Athènes. Pythagore a séjourné en Asie et en Egypte avant de fonder son école dans la grande Grèce. St Jérôme, né en Illyrie, a étudié à Rome, en Gaule, en Asie, en Palestine. St Augustin a cherché la vérité à Rome et à Milan. St Basile étudia les lettres à Constantinople et à Athènes. St Dominique a vécu à Paris, à Toulouse, à Rome, à Bologne. St François avait voyagé souvent en France avant de mission­ner en Egypte et en Syrie. St Thomas d'Aquin a étudié à Cologne et à Paris. St Antoine de Padoue, St Vincent Ferrier, St François de Paule ont aussi parcouru 65 l'occident. St François de Sales, après avoir étu­dié à Paris et à Padoue, compléta sa formation par un voyage d'Italie, où il visita Rome, Lorette et les principales villes de la péninsule.

Ce sont là les gloires de l'humanité, il est bon de les imiter un peu de loin, dans l'humble mesure de nos forces.

Je lis avec un grand intérêt la vie de Sr Marie de Sales Chappuis. Elle a fondé avec le P. Brisson la Cong. des Oblats de St François de Sales, dont l'œuvre a bien des analogies avec la nôtre. J'admire sa voie, qui est l'abnégation de sa volonté et l'obéissance absolue à N.-S.

A la veille des grands événements de 1830, N.-S. lui promit sa 66 protection pour la France, mais en 1868 elle comprit que la bienveil­lance de N.-S. s'arrêtait, à cause des fautes de l'Empire.

Je remarque ce qu'elle dit de la bénédiction du prêtre. Elle parlait sou­vent des grands effets de cette bénédiction. Un jour qu'elle la sollici­tait au parloir, N.-S. s'agenouillait auprès d'elle pour lui montrer com­ment on doit la recevoir.

Pour marquer comment les Oblats doivent se livrer à la conduite de la Providence, elle disait: «Ils devront travailler à s'effacer et à laisser la place au Sauveur en eux et dans leurs œuvres; ils devront s'identifier avec Lui et prendre ses divines inclinations… Dans la conduite des affaires, ils n'iront jamais de l'avant, mais attendront que le Sauveur 67 les appelle et manifeste sa volonté par les voies de sa Providence. Leur esprit sera de suivre le Sauveur,… d'emboîter le pas du Sauveur…, de mettre leur pied dans la trace des pas du Sauveur».

Tel doit être aussi notre esprit. Quand le P. Brisson et le P. Lambey allèrent en audience chez Pie IX en 1879, il leur dit: «Vous vous occu­pez des collèges; comment élevez-vous vos enfants? Quel système avez­-vous adopté pour les études? Ne voyez-vous que les auteurs païens?».

Voilà une leçon pour nous. J'ai toujours tenu au mélange des auteurs païens et chrétiens à St Jean et à Fayet. Mais ne l'oublie-t-on pas dans nos écoles?

Je vois que la vénérée Soeur avait une grande confiance dans 68 l'intercession de St Gaétan pour le temporel des communautés; j'invo­que ce grand saint pour nos besoins actuels.

J'avais beaucoup entendu parler de la bonne sainte par mon ami et condisciple le P. Gilbert, un des fondateurs des Oblats.

Je lis tout le Directoire mystique du P. Antoine du St-Esprit9), de l'ordre des Carmes. Je le résume ici et j'en fais mon directoire.

La théologie mystique devrait être enseignée à tous les prêtres. Les bons traités ne manquent pas. Celui du P. Antoine du St-Esprit me paraît sage, clair et bien scolastique. Il me semble qu'il pourrait être adopté en 4e année de théologie.

Cette science m'a beaucoup manqué. Cependant le P. Freyd diri­geait mes 69 lectures dans ce sens, mais j'aurais eu besoin d'une étude plus didactique et plus complète.

Quand nous avons eu des grâces extraordinaires, de 1878 à 1883, je m'y suis attaché, je m'y suis complu, j'en ai demandé, et il y a eu du mélange. Je ne savais pas qu'il fallait user d'une grande prudence et défiance. La Mère Supérieure était aussi trop portée à tout accepter, et par une permission de la Providence, le pieux Père Modeste, qui nous dirigeait, n'était pas non plus initié aux règles de la prudence sur ces sortes de faits. Mgr Thibaudier voulait nous contenir, nous pensions qu'il avait tort. Il y a eu là des erreurs qu'il a fallu expier. L'Eglise est intervenue. L'épreuve était une grâce. Je ne l'ai pas vu assez 70 claire­ment. J'en ai été affaibli pour longtemps. Cependant N.-S. a conservé son œuvre miraculeusement. Il m'éclaire aujourd'hui, il me pardon­nera.

Le traité du P. Antoine a quatre parties. La 1ère donne des notions générales, les trois autres traitent de la vie purgative, de la vie illumina­tive et de la vie unitive.

I. Notions générales. - On donne diverses définitions de la théologie mystique. D'après Gerson, c'est une connaissance expérimentale de Dieu par les embrassements de l'amour unitif. C'est le don de sagesse à un haut degré, dit notre auteur. C'est une connaissance surnaturelle de Dieu jointe à l'amour unitif. Toute âme en état de grâce a le don de sagesse; mais avec un secours spécial ce don 71 produit un acte supé­rieur qui est la contemplation et qui se termine par un ardent amour de Dieu.

Que signifie dans le langage mystique l'expression «entrer dans les ténèbres divines»? C'est une manière de parler: l'âme contemplative cesse de voir les choses d'ici-bas, elle est éblouie par la lumière divine, comme Moïse. Quelques privilégiés seulement, comme St Paul, voient des choses merveilleuses qu'ils ne peuvent pas redire.

Que signifient le silence et le repos de l'âme dans la contemplation? C'est que l'âme contemplative exclut l'agitation, l'activité inquiète et les raisonnements; elle ne fait que des actes intellectuels et affectifs très calmes et très doux. Elle se repose, pour ainsi dire, dans la posses­sion du bien acquis. 72

II. La voie purgative. - Il faut commencer par la purgation des péchés (confession, contrition; la modération des passions; la purgation des sens extérieurs: la vue, le toucher, le goût…; la purgation des sens inté­rieurs: la mémoire, l'imagination, la volonté…).

Des purifications passives viennent s'y ajouter: l'aridité, les tenta­tions, la perte des biens, des parents, etc.

L'oraison mentale est le moyen le plus actif de purification. Les mystères de N.-S. sont les sujets qui nous préparent le mieux à la con­templation.

Les actes de foi vive et simple sont les meilleurs, avec l'amour de reconnaissance et de bienveillance. Se défier des choses extraordinai­res qui peuvent conduire à l'erreur ou à la présomption. 73

Après quelques moments de méditation, il est bon de s'arrêter à une connaissance générale de Dieu avec un amour ardent; et si cette connaissance nous laisse froids, revenir à l'exercice de la méditation, spécialement sur la vie et la passion de N.-S.

La grâce de la contemplation vient parfois même pendant la vie purgative. Il est bon d'aspirer à la contemplation surnaturelle et à l'u­nion avec Dieu, puisque c'est un bien aussi utile que délectable.

III. La voie illuminative. - La contemplation philosophique peut s'éle­ver de la créature au Créateur. Celle des croyants ne voit pas seule­ment en Dieu le Créateur, mais aussi le Rédempteur, l'auteur de la grâ­ce, avec sa sagesse, sa miséricorde, sa justice, sa puissance et ses autres perfections et attributs. 74

On distingue la contemplation acquise et celle qui est infuse. La pre­mière s'obtient par l'exercice de la foi, la seconde est un don gratuit. Tous doivent s'exercer à la contemplation acquise, qui est le terme d'une méditation bien faite dans le calme et le recueillement.

Il ne faut ni désirer ni demander les apparitions. Si elles viennent, il faut s'en défier, s'humilier et demander à Dieu d'être conduit par les voies ordinaires qui offrent plus de sécurité.

Les moyens les plus sûrs de sanctification sont l'observation de la loi, l'abnégation, le mépris du monde, la vertu solide, l'amour de Dieu et du prochain.

Les visions imaginatives sont sujettes à l'illusion.

La vision intellectuelle met en notre âme le respect et l'amour 75 de N.-S. et le désir de lui plaire. Elle se fait par un sentiment vague de la présence de N.-S. ou par une intuition claire et rapide, qui nous lais­se la lumière, la paix, la pureté, l'humilité, l'inclination de l'âme vers Dieu.

Il y a des touches divines qu'il faut recevoir avec humilité et recon­naissance sans les chercher.

Les vertus théologales sont le vrai chemin de l'union avec Dieu, avec les dons correspondants et les grâces gratuites qui y sont relatives. Il faut s'exercer à la foi pure, sans désirer les visions et révélations. Les grâces extraordinaires authentiques se reconnaissent à leurs effets, qui doivent être l'humilité, l'obéissance, la disposition à la vertu et aux bonnes œuvres. 76

IV. La voie unitive. - Il y a une union de l'âme contemplative avec Dieu par un certain contact substantiel dans lequel on sent Dieu pré­sent et uni.

Cette présence diffère de celle qui résulte de l'immensité divine et aussi de celle qui est commune à toutes les âmes en état de grâce. C'est une perception expérimentale et immédiate de Dieu, qui a lieu dans nos facultés d'intelligence et de volonté.

C'est Dieu connu et aimé d'une manière spéciale et surnaturelle. Dieu fait sentir à l'âme qu'il est présent et qu'il l'aime tendrement. Toutes les âmes pieuses et surtout les âmes consacrées doivent tendre à cette union divine.

Elles doivent d'abord parcourir la voie purgative et la voie illumina­tive. 77 Puis elles doivent dans le calme et le silence penser à Dieu, à sa présence, et lui adresser paisiblement des aspirations ferventes.

L'oraison d'union peut être active ou passive. Elle est active par la conformité humble et entière de notre volonté avec Dieu, ou passive par le don de la présence de Dieu intime et sentie. L'union active doit être toujours cherchée et pratiquée.

L'oraison de recueillement consiste dans l'oubli des choses extérieures et la concentration de nos facultés en nous. Le recueillement est actif ou passif. L'âme s'y exerce en se tenant calme et attentive à l'action divine après quelques moments de méditation.

L'oraison de quiétude ou de repos en Dieu est un effet du don de sagesse, par lequel nous goûtons Dieu et les choses surnaturelles. 78 Beaucoup d'âmes y atteignent, dit Ste Thérèse, surtout parmi les âmes religieuses. L'âme doit accepter humblement les grâces divines et ne pas en tirer vanité. Dans cet état, l'âme n'est pas inerte, mais elle agit doucement et avec calme. Les fruits de cette oraison sont la paix inté­rieure, l'humilité, la componction, le désir de la vertu.

L'oraison de rapt ou d'extase nous transporte subitement en Dieu. Mais l'extase peut venir aussi de la nature ou du démon. L'extase vrai­ment divine produit ordinairement de grands fruits. Elle remplit les âmes de zèle et de ferveur.

L'auteur traite ensuite des vertus héroïques. Ce serait trop long d'a­nalyser ces pages, il faut les lire. La foi héroïque entraînera avec elle les autres vertus. Pratiquons surtout la foi vive, l'habitude de l'union 79 avec Dieu, la communion aux mystères de N.-S. La foi vive produira facilement l'humilité et la componction habituelle, la confiance et l'a­mour envers Dieu, l'observance de nos règles, le zèle pour la justice…

Des fiançailles et des épousailles mystiques. Par le baiser de Dieu à l'âme, on entend une grande douceur infuse par Dieu à l'âme dans la com­munication du St-Esprit. Par l'embrassement, on entend une touche secrète qui donne un avant-goût du ciel.

Les fiançailles et les épousailles ont lieu quand Dieu, qui réside dans une âme purifiée, élève son intelligence et lui fait sentir sa pré­sence, et qu'il touche sa volonté pour qu'elle aime ardemment son Dieu qui lui donne ses baisers et ses embrassements.

Cette bienheureuse union a deux degrés. 80 Les fiançailles sont l'u­nion commencée. L'âme y goûte Dieu de temps en temps. C'est une grâce intermittente. Les épousailles sont continues. Dieu reste présent à l'âme, même si elle ne le sent pas clairement.

Voici le dixième mois de guerre et le neuvième mois d'occupation. La vie est fort pénible matériellement et moralement. Fiat! Attendons le jour de la miséricorde.

Mon jardin est délicieux. Chaque arbre à fruit forme un splendide bouquet virginal que j'offre à Marie. Ce n'est pas assez. Je lui offre tou­tes les fleurs que donnera le beau mois de mai, partout au monde. Je lui offre tous ses autels ornés par la piété des fidèles, tous les exercices faits 81 en son honneur, les prières et les chants qui lui seront dédiés, et surtout le bouquet spirituel des conversions que son mois opérera, des actes de piété et de vertu qu'il suscitera. Le mois ne s'achèvera pas sans que Marie ne nous ait manifesté sa miséricorde.

La nature végétale a comme l'homme son juvenile decus. Il y a quel­ques jours de floraison, puis les fruits se forment, le charme du prin­temps est passé. Les fruits viendront, à moins qu'il n'y ait des gelées tardives ou un excès de soleil ou de pluie. Quelle leçon pour nous! Beaucoup d'arbres fleurissent abondamment, mais la récolte donnera peu de fruits. Ainsi chez nous l'adolescence donne de belles espéran­ces, mais les passions viennent empêcher les fruits 82 de mûrir.

Je lis un volume de Guillemin10) sur les objections matérialistes des astronomes modernes.

Sans doute notre terre n'est qu'un point dans l'espace, mais la bonté de Dieu n'est-elle pas d'autant plus adorable quand il s'occupe de notre salut? L'humilité vraie a un libre cours dans ses adorations comme dans ses élans de reconnaissance et d'amour. Le fidèle, dans la sincérité de sa foi, sait bien que son Dieu, son père, son ami, son sau­veur, daigne du haut des cieux venir à lui et demeurer en lui. Il le prie, il l'adore, il le reçoit et le garde en son cœur. Il l'écoute dans les gran­des révélations de l'ancienne loi et dans les révélations plus douces de la loi nouvelle. Il s'efforce de marcher en présence de son Dieu et de s'unir à lui. Il sait 83 quelle importance Dieu attache à son salut. «Si les lois de l'Etat, dit Bossuet, s'opposent à son salut éternel, Dieu ébranlera tout l'Etat pour l'affranchir de ces lois; il met les âmes à ce prix; il remue le ciel et la terre pour enfanter ses élus» (Or. fun. de la Reine d'Angleterre).

Napoléon11) ne méconnaissait pas son devoir d'obéir à Dieu en empêchant la propagande de l'impiété. Comme Lalande12) avait écrit dans le Dictionnaire des athées, Napoléon, au 31 oct. 1905 [mais c'était 1805], écrivit à M. de Champagny: «Appelez auprès de vous les prési­dents et secrétaires de l'Institut et chargez-les de faire connaître à ce corps illustre qu'il ait à mander M. de Lalande et à lui enjoindre, au nom du corps, de ne plus rien imprimer et de ne point 84 obscurcir dans ses vieux jours ce qu'il a fait dans ses jours de force pour obtenir l'estime des savants; et si ces invitations fraternelles étaient insuffisan­tes, je serais obligé de me rappeler aussi que mon premier devoir est d'empêcher que l'on empoisonne la morale de mon peuple: car l'athéisme est destructeur de toute morale, sinon dans les individus, du moins dans les nations».

Herschel estime que la lumière émise par les dernières nébuleuses visibles dans son télescope doit employer environ deux millions d'années pour venir jusqu'à la terre. - Soit, l'immensité des cieux chan­te la gloire de Dieu.

Quelques notes prises à la lecture de M. Sauvé.

L'Esprit Saint est le moteur de notre vie. - Il la conduit surtout par l'inté­rieur. L'âme en état de grâce peut être constamment 85 sous son action sainte et sanctifiante: quicumque Spiritu Dei aguntur, ii sont filii Dei (Rom. 8,14). Un Père a comparé notre âme à une barque dont l'Esprit Saint est le pilote. Selon d'autres docteurs, l'Esprit Saint, après avoir mis en nous le germe de la vie divine, le développe par ses influences. De même que la lumière et la chaleur du soleil fécondent un germe jeté dans la terre, lui font pousser une tige, épanouir des fleurs et porter des fruits, ainsi l'Esprit Saint, soleil divin, entoure et pénètre notre âme de ses lumineuses et chaudes influences. Sous son action, elle va se développant jusqu'au jour où Dieu la trouve mûre pour le ciel.

La Sainte Trinité. - Tout ce qui est point de départ, principe, initiati­ve, source, tout ce qui est premier nous rappelle le Père. 86

Tout ce qui est lumière, pensée, parole, figure, beauté, tout ce qui est moyen, centre et second, peut nous faire penser au Fils.

Tout ce qui est fin, consommation, terme, tout ce qui est force, attraction, flamme, amour, joie, union, peut nous rappeler l'Esprit Saint.

Le Verbe est comme la fleur de la divinité. L'Esprit Saint est le fruit éternel, vivant et personnel de l'amour divin. Un fruit, dit St Thomas, dit quelque chose d'achevé et de délectable: Requiritur quod sit aliquid perfectum et excellens (S. Th. 1.2, q.90, a.2). Quels parfums, quelles saveurs délicieuses doit avoir ce fruit de l'Amour infini, de la joie infi­nie, de la paix infinie! Et ce fruit est à nous, et il produit en nous des fruits semblables à lui, ayant quelque chose de ses saveurs, 87 de ses parfums divins: fruits de charité, de joie, de paix, de bonté, de dou­ceur, de pureté…

Contre le quiétisme. - Les quiétistes, dit Rusbrock13), restent immobiles et, pour jouir plus tranquillement de leur repos menteur, ils s'abstien­nent de tout acte intérieur ou extérieur. Or leur repos est un attentat contre Dieu et un crime de lèse-majesté. Le quiétisme aveugle l'hom­me et le plonge dans cette ignorance, non pas supérieure mais infé­rieure à toute connaissance, et l'homme reste assis en lui-même, inerte et inutile; ce repos est simplement la paresse, et cette tranquillité est l'oubli de Dieu, de soi-même et des autres. Cette paresse est le contrai­re de la paix divine, de la paix de l'abîme, de cette paix merveilleuse, pleine d'activité, d'affection, de désir et de recherche, 88 paix brûlan­te et insatiable, qu'on poursuit de plus en plus, après l'avoir trouvée… Epouvantable égarement! Les hommes se cherchent eux-mêmes, s'as­seoient mollement au fond d'eux-mêmes, et ne poursuivent plus Dieu, même par le désir, et ce n'est pas lui qu'ils tiennent dans leur repos trompeur.

Lire sur le quiétisme les Constitutions Caelestis Pastor d'Innocent XI et le Bref Cum alias d'Innocent XII dans l'Enchiridion de Denzinger (Wurtzbourg).

La présence divine. - Non seulement Dieu nous touche, nous pénètre, mais il agit sans cesse sur nous, en nous. L'âme est moins présente au corps que Dieu ne l'est par cette influence à la fois au corps et à l'âme (P. Faber14)). Nous nous servons de Dieu, si nous osons ainsi parler, pour exécuter tous les 89 actes de notre volonté, pour accomplir tous nos desseins. La lumière de l'intelligence, la tendresse du cœur et la force des membres ne sont pas des dons qu'il nous ait faits pour nous en laisser l'usage indépendant de lui. Il intervient par une permission distincte et un concours actuel dans l'exercice de chacune de ces fa­cultés. Cet influx et ce concours de Dieu, comme disent les théolo­giens, doivent nous faire passer toute notre vie comme dans un sanc­tuaire.

Cette présence et cette influence de Dieu dans le monde entier et dans notre âme, c'est la présence de Dieu tout entier. Dieu est présent partout, remarque Lessius15), et par totalité, c'est-à-dire qu'il est présent partout selon son essence, sa puissance, sa sagesse, sa sainteté, ses richesses, son amour. Nous vivons donc dans une immensité 90 de puissance, de lumière, de sagesse, de sainteté, d'amour…

L'immensité divine. - Si nous en croyons les inductions des savants, l'univers est d'une grandeur telle qu'il comprend peut-être un milliard de systèmes aussi vastes ou plus vastes que notre système solaire, et qu'un rayon de lumière, malgré toute son impétuosité, partant d'une extrémité, courrait pendant des siècles et même des milliers de siècles, avant d'atteindre l'autre. A ce compte notre soleil et ses planètes et notre terre se meuvent et notre histoire se déroule dans une tête d'é­pingle comparée à l'immensité du monde. Et tout cela est comme le néant dans l'immensité divine…

Nous pouvons croire que cette immensité divine est à notre disposi­tion 91 pour porter nos réparations, ou les grâces que notre prière implore jusqu'aux plus lointains infidèles, jusqu'aux âmes les plus profondément enfoncées dans le purgatoire…

La beauté divine. - Vision de la B. Angèle de Foligno16): «Je vis la souve­raine beauté. C'était une plénitude, une lumière resplendissante, pour laquelle ni parole ni comparaison ne vaut rien. L'assemblée des saints se tenait debout, chantant des louanges devant la majesté souveraine­ment belle. Jésus me parlait de ses saints et de sa Mère, mais l'immen­sité de la délectation que je buvais en lui, dans sa source, me rendait aveugle vis-à-vis des anges et des saints. Toute leur bonté, toute leur beauté était en lui, était de lui… et mes yeux se fermaient sur les créa­tures. 92 J'étais abîmée de joie dans l'essence du beau, et il me dit: Je t'aime d'un amour immense…».

L'âme pardonnée. - La Beauté divine n'est pas indifférente envers nous, quoique nous soyons si indignes d'être aimés d'elle. Pour peu que notre âme s'éprenne d'amour à son égard, elle répond tout de suite à son amour, elle l'aime ardemment, témoins la croix et l'Eucha­ristie. Cette âme, peut-être bien pauvre, peut-être souillée de bien de crimes dans le passé, elle la rend, par la grâce, belle de sa beauté, belle à ravir le ciel, belle à ravir Dieu même. Cette âme, autrefois horrible, une fois sanctifiée, même au plus humble degré, est si belle que si, par impossible, Dieu n'était pas en elle par son immensité, il y viendrait, attiré par les charmes 93 de la grâce. Et cette âme, peut-être délaissée, dédaignée par les hommes, Dieu la chérit d'un amour particulier. La Beauté infinie est à elle comme si elle n'avait qu'elle à aimer.

La prudence surnaturelle. - On évite avec le plus grand soin la précipi­tation, la passion, la légèreté, la frivolité, la dissipation. Eh quoi! lors­qu'il y va de Dieu pour moi et pour les âmes, je ne serais pas parfaite­ment recueilli, je traiterais la vie comme un jeu! Elle est pourtant cho­se si sérieuse! Elle ne finit pas par le rire, disait St Jean Chrysostome: Non est lusus vites, non desinit in risum. Non seulement elle aboutit à l'é­ternité, mais chacune des heures qui la composent peut nous valoir un trésor divin et éternel. 94

La force. - La force réclame un double courage: le courage actif et le courage passif, le courage de l'action et celui de la souffrance. A certai­nes époques de notre vie et de la vie de l'Eglise, l'un de ces courages doit prédominer: les chrétiens de nos jours par exemple ont à déployer un grand courage actif; par leur initiative personnelle ils ont à suppléer à l'action des gouvernements, qui fait défaut, et peut-être pour longtemps, à l'Eglise et à Dieu.

Les états d'oraison. - Vous avez rencontré des hommes qui dans la conversation ne savent pas écouter et qui parlent toujours. Ainsi beau­coup d'âmes veulent toujours parler à Dieu et ne l'écoutent jamais. Cependant les auteurs les plus graves, Bossuet par exemple dans ses Etats d'oraison, conseillent à l'âme non seulement de pratiquer 95 habituellement le silence et le recueillement, mais dans l'oraison même de faire parfois des pauses et comme des silences pour écouter Dieu. A plus forte raison, les âmes qui n'aiment pas le silence ne seront-elles pas favorisées de ce recueillement infus que Dieu seul peut mettre en nous?

Rappelons-nous d'ailleurs que le recueillement infus n'est qu'inter­mittent et ne dure pas longtemps. Et il n'y a pas, d'après le Bref Cum alias d'Innocent XII, d'état de contemplation qui exclue d'une maniè­re permanente le raisonnement, le retour à la méditation et aux actes méthodiques. L'amour pur n'est point nécessairement passif et silen­cieux devant Dieu: il peut l'être plus ou moins souvent et longtemps dans certaines âmes; mais jamais d'une manière permanente il ne se contente d'écouter. 96

J'ai relu les Proverbes de Salomon. On ne lit pas assez l'Ecriture Sainte. Il est de bon ton de semer ses discours des mots heureux d'Ho­race et de La Fontaine. C'est du naturalisme. Que de choses lumineu­ses et gracieuses on trouverait à citer en particulier dans les Livres Sapientiaux! Je note quelques pensées des Proverbes.

C. I. Combien il faut être vigilant et prudent: Frustra jacitur rete ante oculos pennutorum (1,17).

Enfants, jusqu'à quand aimerez-vous les enfantillages? Usquequo par­vuli diligitis infantiam? (1,22).

La sagesse divine vous appelle et vous ne l'écoutez pas, elle vous tend la main et vous n'y faites pas attention: Vocavi et renuistis, extendi manum meam et non fuit qui aspiceret (1,24).

C. III. Ne perdez pas de vue la miséricorde et la vérité / les devoirs envers Dieu et 97 envers le prochain; / mettez-les comme un collier à votre cou, inscrivez-les sur les tablettes de votre cœur, et vous trouve­rez grâce devant Dieu et devant les hommes: Misericordia et veritas te non deserant (3,3-4).

C. IV. Sur l'obéissance filiale: Nam et ego filius fui paris mei, tenellus et unigenitus coram matre mea; et docebat me atque dicebat: Suscipiat verba mea cor tuum, custodi praecepta mea et vives: J'étais aimé tendrement de mon père et de ma mère, et ils me disaient: Garde bien nos préceptes et tu vivras (4,3-4).

La vie des justes brille comme l'aurore et va croissant jusqu'au plein midi… procedit et crescit usque ad perfectam diem (4,18).

Appliquez-vous à la garde de votre cœur qui est la source de la vie. 98 Regardez devant vous et ne faites rien qu'avec discernement: Omni custodia serva cor tuum, quia ex ipso vites procedit (4,23).

C. VI. Allez à la fourmi, paresseux, et observez sa conduite; elle fait sa provision pendant l'été, elle amasse de quoi se nourrir durant l'hi­ver: Vade ad formicam, o piger, et considera nias ejus (6,6.8).

C. VIII. La Sagesse enseigne les vertus cardinales: Meum est consilium et aequitas, mea est prudentia, mea est fortitudo (8,14).

C. IX. Quittez la légèreté de l'enfance, vivez avec sagesse et marchez par les voies de la prudence: Relinquite infantiam et ambulate per nias pru­dentiae (9,6).

C. X. Ne parler qu'avec prudence et discrétion: In multiloquio non deerit peccatum, qui autem moderatur 99 labia sua prudentissimus est (10,19).

C. XI. L'ami vrai et fidèle ne critique pas son ami et ne révèle pas ses secrets: Qui despicit amicum suum indigens corde est, vir autem prudens tacebit (11,12).

Du bon gouvernement: il y faut l'autorité du chef et la prudence des conseils: Ubi non est gubernator populus corruet: salas autem ubi malta consilia (11,14).

C. XII. Honneur au pauvre qui se suffit par son travail: Melius est pauper et sufficiens sibi quam gloriosus et indigens pane (12,9)

Un homme bon a pitié même de ses animaux, un homme inique est cruel même pour ses semblables: Novit justus jumentorum suorum ani­mas, viscera autem impiorum crudelia (12,10).

Le juste ne s'attriste de rien (parce qu'il a mis son espérance en Dieu) 100 mais les impies souffrent sans consolation: Non contristabit jusum quidquid ei accident: impii auteur replebuntur malo (12,21) .

C. XIII. Il faut corriger les enfants: Qui parcit virgae, odit filium suum. Ceux qui les aiment bien, s'appliquent à les former: Qui autem diligit filium [vulg.: illum], instanter erudit (13,24).

C. XIV. Le sage marche avec crainte et prudence, l'insensé passe outre et se croit en sûreté: Sapiens timet et declinat a malo, stultus transilit et confidit (14,16).

Où l'on travaille beaucoup, là est l'abondance; mais où l'on parle beaucoup, l'indigence se trouve souvent: In omni opere erit abundantia, ubi autem verba sunt plurima, ibi frequenter egestas (14,23). C'est une devi­se à inscrire à la porte de nos parlements, avec la sentence suivante: 101 La justice élève les nations et le péché rend les peuples misérables (14,34).

C. XV. Dieu me regarde: In omni loco oculi Domini contemplantur bonos et malos (15,3).

Mieux vaut la pauvreté avec la paix de la conscience que la richesse mal acquise: Melius est parum cum timore Domini quam thesauri magni et insatiabiles (15,16).

La paix de l'âme est un festin continuel: Secura mens quasi juge convi­vium (15,15).

Mieux vaut manger des herbes chez des amis que le veau gras chez des ennemis: Melius est vocari ad olera cum charitate quam ad vitulum sagi­natum cum odio (15,17).

Les péchés se purifient par la miséricorde et la justice (per misericor­diam et fidem) (15,27).

C. XVI. Il faut vivre en présence de Dieu et sous sa direction: Hominis est animam praeparare et Domini gubernare linguam. 102 Omnes viae hominis patent oculis ejus, spirituum ponderator est Dominus (il sonde le fond des cœurs); revela Domino opera tua et dirigentur tuae cogitationes (16,1-3).

Vous désirez la paix avec vos ennemis, faites-la d'abord avec Dieu: Cum placuerint Domino viae hominis, inimicos quoque ejus convertit ad parcm (16,7).

La vieillesse est belle lorsqu'elle se trouve dans la voie de la justice: Corona dignitatis senectus, quae in viis justitiae reperietur (16,31).

C. XVII. Celui qui élève sa maison trop haut en prépare la ruine: Qui altam facit domum suant quaerit ruinam (17,16).

Celui qui est ami l'est en tout temps et le frère se connaît dans l'af­fliction qui est l'épreuve de la vraie amitié: Omni tempore diligit qui ami­cus est, et frater 103 in angustiis comprobatur (17,17) .

L'homme sage et prudent parle peu et avec modération: Qui mode­ratur sermones suos, doctus et prudens est (17,27).

C. XVIII. Le nom du Seigneur et la prière sont notre force: Turris fortissima, nomen Domini; ad ipsum currit justus et exaltabitur (18,10) . Celui qui répond avant que d'écouter fait voir qu'il est insensé. L'homme dont la société est agréable sera plus aimé qu'un frère: Vir amabilis ad societatem magis amicus erit quant frater (18,24).

C. XIX. Les délices siéent mal à l'insensé (elles sont un repos pour le sage); et ce n'est pas à l'esclave à dominer sur les princes: Non decent stultum deliciae, nec servum dominari principibus (19,10). Ces mots con­damnent nos doctrines d'anarchie. 104

Il faut prier avant de se décider au mariage. Le père et la mère don­nent les maisons et les richesses, mais c'est Dieu qui donne à l'homme une femme sage: Domus et divitiae dantur a parentibus: a Domino autem proprie uxor prudens (19,14).

C. XX. Humilité: Qui peut dire: mon cœur est pur et je suis exempt de péché? (20,9).

C. XXII. Soignez l'éducation des enfants. Le jeune homme suit sa première voie jusque dans la vieillesse: Proverbium est: adolescens juxta viam suam… (22,6).

Danger d'emprunter: Le pauvre est dépendant du riche, et celui qui emprunte se fait esclave de ses créanciers: Qui accipit mutuum servus est foenerantis (22,7).

C. XXIII. N'épargnez pas la correction à l'enfant. Si vous le frappez avec la verge, il n'en mourra pas. En le 105 corrigeant, vous délivrerez son âme de l'enfer (23,13-14).

C. XXV. Les chapitres 25 et suivants sont un bouquet de métapho­res. J'en cite quelques-unes:

Une parole dite à propos est comme une pomme d'or sur un plat d'argent (25,11).

Un avis donné à un homme docile et obéissant est comme un pen­dant d'oreille avec une perle brillante (25,12).

L'ambassadeur fidèle et habile est pour celui qui l'a envoyé comme la brise glacée qui rafraîchit 1e moissonneur (25,13).

Celui qui promet beaucoup et ne tient pas ses promesses est comme le nuage qui passe et ne donne pas d'eau (25,14).

Vous avez trouvé du miel, n'en mangez pas jusqu'à vomir (25,16).

Celui qui s'appuie sur un ami infidèle est comme l'homme qui mange avec une dent gâtée ou 106 qui veut marcher avec les pieds fatiguées (25,19).

Comme le ver mange le vêtement et la pourriture le bois, ainsi la tristesse ronge le cœur de l'homme.

C. XXVI. Le fouet est pour le cheval, le mors pour l'âne et la verge pour le dos de l'insensé (26,3).

C. XXVII. L'âme rassasiée foulera aux pieds le rayon de miel; et l'â­me pressée de la faim trouvera doux même ce qui est amer (27,7).

C. XXVIII. L'impie vit dans le trouble et la crainte: Fugit impius, nemine persequente; justes autem quasi leo confidens absque terrore exit (28,1). Le juste a le calme du lion.

Les princes se succèdent et les gouvernements changent à cause des péchés du peuple. Un prince sage et entouré de bons conseillers pour­ra régner longtemps (cf. 28,2).

Celui qui cache ses crimes ne réussira pas, mais celui qui les confes­se et qui 107 s'en retire obtiendra miséricorde (28,13).

Celui qui est pressé de s'enrichir commettra des injustices: Qui festi­nat ditari non erit innocens (28,20).

C. XXIX. Quand les justes se multiplieront, le monde sera dans la joie; et quand les méchants prendront le gouvernement, le peuple gémira (29,2).

La verge et la correction donnent la sagesse; mais l'enfant qui est abandonné à sa volonté déshonorera son père et couvrira sa mère de confusion (29,15).

Celui qui nourrira délicatement son serviteur dès son enfance le verra ensuite se révolter contre lui (29,21).

Quels sages conseils pour les éducateurs et les maîtres!

Le chapitre trente et unième donne cette belle page sur la «femme forte» qui a fait l'admiration de tous les siècles. 108

La Renaissance païenne nous a éloignés de ces sources. En retour­nant seize siècles en arrière, elle a exclu tout souffle chrétien de l'art, de la littérature, de la conversation et de la politique. Cela ne pouvait pas manquer d'être pernicieux pour la foi et les moeurs. On ne pour­ra se relever que par l'éducation chrétienne à tous les degrés.

Quelques notes des livres de Ch. Sauvé [tome 1].

La beauté de Jésus. - Marie assista, attentive et ravie, au progrès de la beauté de Jésus. Elle vit sa face si délicate et si pure dans la douce sim­plicité de l'enfance, dans les charmes particuliers de la jeunesse, dans la sérénité pensive de l'âge mûr; elle la vit dans le ravissement de la contemplation, dans la tendresse indulgente de l'amour, dans l'éclat 109 d'une sagesse toute céleste, dans l'ardeur d'une juste indignation, dans la douloureuse gravité d'une tristesse profonde, aux moments de la violence, de l'opprobre, de la peine physique et de l'agonie men­tale…

Conçoive qui le peut l'air de majesté, le signe de force et de souve­raineté, le resplendissement de sainteté, le rayonnement d'intelligen­ce, l'intensité de vie, l'expression de tendresse, de paix et de béatitude, les magnificences de toute sorte, l'originalité suprême, en un mot l'idéal de la beauté incarnée offert en spectacle aux yeux des élus res­suscités dans leur chair, par un corps que la Divinité étreint jusqu'à se le personnifier (Abbé Brinquant17), Fête oculaire dans le ciel. Limé, imp. de la Croix).

L'action de Jésus par influence - 110 Quoiqu'il ne soit pas partout par sa substance, il peut, par le contact de sa puissance, atteindre les âmes sur tous les points de l'espace et du temps. Pas de distance pour son influence, pas de limites à son rayonnement. Pendant qu'il agit mora­lement sur la Divinité, et intercède auprès d'elle pour nous par ses plaies glorieuses, il agit physiquement sur les âmes, d'après le docteur angélique et beaucoup de graves théologiens, au ciel pour les béatifier, dans le purgatoire pour les purifier, sur la terre pour les sanctifier. C'est sa vertu, comme celle de sa sainte âme, qui, même en dehors des sacrements, va porter la lumière dans l'âme des infidèles, trouble le pécheur par des remords salutaires et le convertit, pénètre le cœur du moribond d'une 111 componction qui le sauve, réveille les cœurs tiè­des dans leurs langueurs, enflamme les cœurs fervents de nouvelles ardeurs. C'est encore sa vertu qui donne à nos sacrements leur fécon­dité, et à toute l'Eglise son unité, sa sainteté, ses progrès constants…

Le Sacré-Cœur: Je l'adore avant tout ce Cœur sacré, parce qu'il est uni personnellement et immédiatement au Verbe. Je l'adore aussi par­ce qu'il est uni naturellement à votre âme très sainte, ô Jésus; parce qu'il a des harmonies admirables avec elle, parce qu'il a ressenti le contre-coup de ses douleurs, parce qu'il a frémi de ses angoisses, de ses craintes, de ses épouvantes; parce qu'il a tressailli de ses joies, de ses enthousiasmes.

J'adore votre Cœur, parce qu'il 112 est le premier vase sacré dans lequel a coulé le Précieux Sang, et parce qu'il reste au ciel le calice admirablement beau, plus brillant que le soleil, transparent comme le cristal, qui contient ce sang glorifié (B. Marguerite Marie18)).

Je l'adore comme le réservoir où chaque jour plus de cent mille prêtres vont puiser, par la consécration, le précieux sang qui coule dans leur calice. Mais surtout je l'adore comme le symbole divin de votre amour. La dévotion au Sacré-Cœur est au fond le culte de l'a­mour… En nous montrant son Cœur, Jésus fait appel à notre amour. Si je crois profondément que Jésus est l'amour et qu'il m'aime d'un amour immense, jusqu'à la passion et la mort, jusqu'à l'Eucharistie, comment l'aimerais-je froidement? 113 Rien n'est provocateur com­me l'amour, et l'amour d'un Dieu est souverainement provocateur. C'est faute de réfléchir à l'amour de Jésus, que l'on reste médiocre. Aucune âme n'y pourrait tenir si elle y pensait…

Le Cœur de Jésus a toujours été pendant sa vie terrestre un abîme de douleurs, d'une profondeur insondable à tout autre qu'à Dieu. Vos souffrances extérieures, ô mon Sauveur, nous touchent vivement; mais ce qui n'a pas moins touché votre Père céleste, ce qui a sans doute martyrisé votre Mère, ce sont les souffrances invisibles qui, pendant trente-trois ans, désolèrent votre âme et dont les tortures du prétoire et du Calvaire n'étaient que l'expression plus sensible.

La première souffrance fut dans les conditions de l'incarnation, qui s'accomplissait dans l'infirmité, liée à l'expiation 114 des péchés des hommes. «O mon Sauveur19), j'adore de tout mon cœur la sainte con­fusion dans laquelle vous avez vécu, pendant le temps de votre infir­mité; oh! comme votre humanité sainte s'est vue opprimée en la pré­sence de la gloire de Dieu, chargée qu'elle était d'expier tous les péchés des hommes! ».

Une autre souffrance était ce qu'on peut appeler l'exil divin. La sainte humanité du Christ, faite pour vivre avec le Verbe au sein du Père, reste exilée sur la terre dans la faiblesse, l'humiliation, la pau­vreté. C'est un Dieu exilé dans sa création et traité plus mal que le der­nier des exilés.

C'est aussi l'exil humain infligé par Hérode, avec toutes ses diffi­cultés et ses souffrances.

C'est encore l'austère silence de 115 trente années que le Sauveur s'impose. Il passera trente ans sans presque rien dire aux autres hom­mes, et il a en lui les paroles de la vie éternelle et le monde en a tant besoin!

A ce silence s'ajoutait l'inaction au moins extérieure de son zèle. La faim et la soif de la justice dévoraient son Cœur.

Une autre souffrance encore fut de vivre parmi les hommes, dont les moeurs, en général, étaient à l'extrême opposé des siennes, sur une terre souillée de crimes.

Il lui fallait vivre au milieu des démons qui l'entouraient et qui fai­saient des ravages incessants dans le royaume des âmes.

Enfin il n'a pas cessé un instant de prévoir les cruelles douleurs de sa passion. 116

Pardon, Seigneur, pour tant de peines dans lesquelles j'ai le rôle affreux de bourreau!

Les joies de N.-S. étaient immenses: joie de l'union hypostatique; joie de la vision béatifique en la partie supérieure de son âme, même quand il souffrait dans la partie inférieure; joie de la sainteté; joie de la rédemption, qu'il opérait par ses mérites et ses souffrances.

Les souffrances morales du Cœur de Jésus ont duré trente-trois ans, c'est comme un instant devant l'éternité. Ses souffrances physiques, la pauvreté de Bethléem et de Nazareth, l'agonie du jardin des oliviers, la passion et la mort de la croix ont duré quelques années ou quelques heures. Maintenant 117 tout cela est fini, mais les joies du S.-Cœur ne finiront jamais. Un jour viendra aussi où pour nous tout sera fini en fait de souffrances et de sacrifices. Mais les vraies joies, si nous le vou­lons, dureront toujours. Les peines d'une âme fidèle ne peuvent être qu'éphémères, ses joies sont éternelles.

Les principales infirmités de N.-S. sont: l'enfance, le sommeil, la faim, la soif, la fatigue, les passions, la tentation, la souffrance et la mort. L'amour en est le principe. L'amour a voulu se revêtir de ces infirmités pour s'abaisser jusqu'à nous, nous ressembler, nous sauver, nous attirer, nous charmer, gagner notre cœur. L'amour s'est fait enfant pour que nous devenions enfants de Dieu. Il s'est fait corrupti­ble et passible 118 pour que nous devenions incorruptibles et impassi­bles. Il s'est condamné au sommeil, au travail, à la fatigue pour que nos sommeils, nos fatigues et nos travaux soient sains. Il a eu faim et soif afin que nous soyons rassasiés éternellement de la Divinité. Il a jeûné pour nous arracher à ce jeûne affreux et éternel de Dieu, de tout bien, de toute joie que souffrent les damnés. Il a voulu être tenté pour nous mériter la victoire sur toutes les tentations. Il a pleuré afin qu'éternellement les larmes soient essuyées de nos yeux. Il a gémi, il a crié, afin qu'un jour il n'y ait plus pour nous de deuils ni de cris. Il a souffert et il est mort pour nous arracher aux douleurs et à la mort éternelles… 119

Ici l'amour inspire tout, anime tout, commande tout, consomme tout.

Dans l'ordre naturel, l'amour a créé et soutient le monde avec sa lumière, son firmament, ses astres, son atmosphère, sa vie. L'incar­nation et les mystères de Jésus sont un monde nouveau, un monde tout divin. Jésus, dans ses mystères, c'est une nouvelle lumière partie du cœur de Dieu, et éclairant tout d'un jour que la raison ne pouvait pas même entrevoir.

Jésus, c'est un nouveau firmament qui unit le ciel et la terre. Le Cœur de Jésus, c'est un nouveau soleil qui veut répandre partout le feu de l'amour divin. - Les vertus de Jésus, ce sont de nouvelles étoiles qui nous montrent la voie. Jésus, c'est la nouvelle atmosphère que notre âme respire… 120 Jésus, c'est le nouvel Adam, qui, avec Marie, la nouvelle Eve, peuple la terre et le ciel de pureté, de dévouement, d'humilité, de toute vertu divine, de charité, de gloire.

Et de même que nous devons, sous peine de mort ou de vie dimi­nuée, communier par nos sens au monde physique, à sa lumière, à sa chaleur, aux aliments qu'il élabore, de même nous faut-il, sous peine de mort ou de vie surnaturelle diminuée, communier sans cesse aux mystères de Jésus, à ses actes, à ses états de vie, à ses paroles.

De même, ô Jésus, que vous avez voulu grandir peu à peu en taille, vous le Tout-puissant, et en science humaine, vous l'Intelligence infi­nie; de même vous avez trouvé bon de progresser en prudence, en modestie, 121 en douceur, en toute bonne habitude acquise. Vous avez tenu à être, non seulement l'exemplaire, le principe de nos vertus divines, mais notre modèle, notre maître, notre encouragement dans les labeurs des vertus humaines, pour nous si difficiles à acquérir.

O Jésus, mon Maître adoré, révélez-moi vos vertus, ce sera en même temps me révéler votre Cœur, qui en est le siège et la source.

Le modèle suprême de nos vertus, c'est la Divinité: «Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait» (Mt. 5,48).

Le modèle le plus rapproché de nous, notre modèle humain, ce sont les saints; aussi combien il nous importe de lire chaque jour quel­que chose de leur vie ou des écrits dans lesquels ils ont mis leur âme! Notre modèle 122 à la fois divin et humain, accessible aux petits com­me aux grands, c'est Jésus. Nous avons tous à l'imiter pour la plupart de ses vertus: recueillement, prière, charité, obéissance, prudence, patience, pureté, modestie, douceur, zèle… Mais, de même que chaque ordre religieux s'attache à reproduire d'une manière prédominante l'une ou l'autre de ses vertus: celui-ci, son esprit de retraite, celui-là, sa pauvreté, sa mortification; cet autre, son zèle;… de même chaque âme doit s'attacher à copier avec plus d'amour tel trait de ses vertus: celle­-ci, sa douceur; celle-là, son amour de la croix; une autre, son activité et son dévouement… Le lis, la rose, la violette, ne s'assimilent pas de la même façon la lumière, dont le foyer est dans le soleil: 123 aussi com­me leurs physionomies sont différentes! Ainsi les âmes ne s'assimilent pas de la même manière la vie et les vertus divines, dont la plénitude est en Jésus. L'appel de la grâce, nos attraits, nos défauts eux-mêmes doivent fixer nos préférences pour telle ou telle vertu; de là dans les âmes, aux yeux de Dieu et souvent aux yeux des hommes, une variété admirable. Que ce sera beau lorsque, dans l'éternité, nous verrons tou­te l'Eglise triomphante refléter avec une splendeur et une fidélité par­faites toutes les vertus de la sainte Humanité et par elles les perfections de la Divinité.

Si chaque âme ici-bas doit s'attacher à telle ou telle vertu de N.-S., il est cependant une de ces vertus qui doit nous être particulièrement chère: 124 nous sommes tous appelés à imiter de plus au moins loin l'amour de N.-S. Et «l'amour de Dieu, a dit Lacordaire20), est l'acte suprême et le chef-d'œuvre de l'homme».

«Le plus petit mouvement du pur amour, a dit St Jean de la Croix, a plus de prix aux yeux de Dieu, et il est plus profitable à l'Eglise que toutes les autres œuvres réunies ensemble. Visons donc souvent à la charité, comme N.-S., en particulier dans le discours après la Cène nous le recommanda avec un suprême amour; comme St Paul nous y exhorte avec tant d'onction et d'insistance, visons à la charité pour Dieu et pour les hommes…».

Dans la pensée de l'Eglise (hymne du temps pascal21)), c'est la cha­rité, c'est l'Amour-prêtre qui a versé le sang et immolé la chair du divin Agneau 125 sur la croix. C'est l'Amour-prêtre qui verse encore ce sang et immole tous les jours cette chair sur l'autel. Et puisque la dévotion au Sacré-Cœur est la dévotion à l'amour de Jésus, son sacrifi­ce et son sacerdoce relèvent donc au premier chef de cette dévotion.

Quel admirable signe de son amour pour Dieu je trouve d'abord dans le sacrifice de Jésus! il est la confession infiniment éloquente de sa sainteté, de sa beauté, de sa majesté, de tous ses attributs; il est sa louange et sa gloire égales à ses perfections… Il est aussi le signe suprê­me de son amour pour les hommes.

«Je leur dirai mon amour, a pensé Jésus, dans un langage qu'ils ne pourront pas ne pas entendre, qui touchera et enlèvera leur cœur. Après avoir vécu 126 dans l'infirmité, l'obscurité, les travaux, les souf­frances, je mourrai sur la croix pour eux, moi, le Fils de Dieu. Pour eux, je multiplierai par toute la terre et j'éterniserai mon sacrifice: alors ils croiront que je les aime».

Le sacerdoce de N.-S. est un mystère d'amour divin pour le Verbe incarné et pour nous. Dieu le Père a voulu que Celui qui est sa gloire, sa louange infinie dans l'éternité, fût sa gloire et sa louange immense dans le temps. Il a voulu que celui qui est comme le centre de la vie divine fût le trait d'union, le Médiateur entre la Divinité et les créatu­res.

Mais Dieu n'a pas seulement appelé son Fils au sacerdoce par amour pour lui, il l'a aussi appelé par amour 127 pour nous, pauvres pécheurs; pour nous honorer par le sacerdoce de l'Homme-Dieu et pour nous sauver par son sacrifice.

Comme la vocation de N.-S. au sacerdoce, la mienne est aussi un mystère d'amour pour moi et pour les âmes. C'est par un prodige d'a­mour que Dieu choisit quelques-uns de nous pour continuer la mis­sion de son Fils, pour partager son sacerdoce, pour travailler à sa gloi­re et pour sauver les âmes.

Comment ai-je répondu, ô Jésus, à ces prévenances de votre amour? Je ne saurais songer sans verser des larmes amères à toutes mes négli­gences, mes résistances, mes ingratitudes et mes fautes. 128

(Jésus intime, tome III). Le mystère de l'incarnation, même ren­fermé en Judée, est admirable au-delà de tout ce que nous pouvons penser; que va-t-il devenir au cours des siècles? Il va s'étendre au mon­de entier, et en même temps se particulariser à tel point que chaque âme pourra se l'approprier. Toute la terre pourra le posséder grâce à l'Eucharistie; des millions de mondes même pourraient la posséder aussi bien que notre globe, et en même temps le plus humble d'entre nous l'a tout entière.

Vous avez besoin de posséder Dieu, d'avoir Dieu près de vous, de toucher Dieu: grâce à l'Eucharistie vous jouirez de Dieu comme si vous étiez seul avec lui au monde. - Vous avez besoin de communier à Dieu, de vivre de sa vie: grâce 129 à l'Eucharistie, vous pourrez vous nourrir de Jésus lui-même.

Vous avez besoin d'adorer et de remercier Dieu et d'implorer sa miséricorde et ses bienfaits par un sacrifice divin: grâce à l'Eucharistie, vous pourrez offrir sans cesse à Dieu une adoration, une reconnaissan­ce, une expiation, une prière infinies. Voilà l'invention suprême ici-bas du Cœur de Jésus.

Qui est là dans l'Eucharistie? C'est Jésus, sa chair, son sang, son âme, sa divinité. Ce sont tous les mystères de sa vie sur la terre, non pas quant à leur forme extérieure, sans doute, mais quant à leurs grâces et quant à leur vertu; c'est la réalité éternelle des mystères de Noël, de Nazareth, de la vie publique, du Cénacle, de la Croix; de telle sorte que chacune de nos visites 130 au St-Sacrement peut être un pèlerina­ge à la crèche, à la sainte Maison, au Cénacle, au Calvaire.

Elle s'étend à tous les maux pour les réparer. Si le mal existe en nous et autour de nous, songeons que, fût-il mille fois plus grand, l'in­carnation pourrait tout expier, puisqu'une goutte de sang de N.-S. suf­firait à purifier non seulement notre monde, mais des milliers de mon­des. Soyez donc, ô âme chrétienne, humble, repentante et aimante; et si graves qu'aient pu être vos fautes, ayez confiance; il y a dans l'incar­nation des satisfactions pour les compenser toutes… De graves théolo­giens comme St Thomas et Bossuet pensent même que les châtiments des damnés en enfer sont atténués grâce à l'incarnation… 131

Les mondes immenses au milieu desquels est perdu notre petite planète sont-ils habités? Les plus illustres astronomes, tels que Faye et Newcomb22), pensent que bien peu parmi les planètes ont des chances d'être habitées. Si elles le sont, ou si elles doivent l'être dans l'avenir, l'influence de l'incarnation s'étend à leurs habitants. Terra, pontus23), astres, mundus, quo lavantur flamine! chante l'Eglise dans une hymne de la passion. Peut-être sa pensée, comme celle de St Paul (Col. l, 20), vise-t-elle ces mondes qui remplissent les cieux, et dont les innombra­bles habitants bénéficieraient de ce mystère.

Jésus est la seule raison d'être de toutes les choses créées. C'est à la lumière de cette prédestination de 132 Jésus que nous devons con­sidérer toutes choses, même ce ciel mystérieux, semé d'étoiles, avec les possibilités problématiques de son peuple de mondes. N.-S. a choisi notre petite planète pour s'incarner, comme il a choisi sur la terre l'humble bourgade de Nazareth.

Je lis et je prie sans cesse. Les semaines et les mois passent et nous sommes toujours à St-Quentin en état de siège. C'est une oppression morale qui fatigue. Il faut dire son fiat tous les jours. Je ne puis plus gouverner la Congrégation, je n'ai plus de nouvelles depuis Noël.

Nous avons prié la Sainte Vierge et Jeanne d'Arc, nos prières ne seront pas perdues. 133

L'Italie est entrée en guerre le 23. Ce sera bientôt le monde entier. Le Bon Dieu distribue les châtiments à son heure. Les ambitions humaines sont les instruments de sa justice 134-13524).

135 Table des matières

Mars 1915 1Le 15 avril 55
St Joseph 1Obscurantisme 56
Silence et vie intérieure 2Réclusion et voyages 59
Confiance en St Joseph 3Marie de Sales Chappuis 65
Eléments de la sainteté 4Directoire mystique 68
Amitié, union avec St Joseph 6Mai 80
Le coeur de St Joseph 9L'astronomie et les rois 82
Sa résurrection et ascension 10Dieu intime 84
14 mars 11L'Esprit Saint 84
Ch. Sauvé: la Passion 13La Sainte Trinité 85
Résurrection de Lazare 14Contre le quiétisme 87
Jésus notre ami 15La présence divine 88
La vocation 18L'immensité divine 90
L'Eucharistie 20La beauté divine 91
Le sacerdoce 21La prudence surnaturelle 93
La prière 22La force 94
L'agonie: avulsus est ab eis 25Les états d'oraison 94
Le regard de jésus 25Les Proverbes de Salomon 96
Jésus avec nous 25Jésus intime. 108
Dieu et ses perfections 28La beauté de jésus 108
24-25 mars 33L'action de jésus 109
Les nations 34Le Sacré-Coeur 111
Foi, espérance, charité 35Ses souffrances 113
Pauline Périé: France 36Ses joies 116
24 mars 1903 37Ses infirmités 117
Les convertis 38Ses mystères 119
La Ste-Vierge 39Ses vertus 120
La justice divine 41Son sacrifice 124
Avril: Pâques 43Son sacerdoce 126
Résurrection de la France 44L'incarnation 128
Extrême-onction 45L'Eucharistie 129
Poincaré et C.ie 46Effets de l'incarnation 130
Mad. Louise dé France 49Les mondes 131
Ma ville 52Fin mai 132
Le monde 54

1)
Sauvé (Charles), sulpicien. Dans ce cahier, Sauvé est certainement l’auteur le plus cité. On commence, ici (nn. 1-11), par des citations empruntées au volume: Le culte de St Joseph, 1910 (4° éd. 1920: St Joseph intime). Le P. Dehon souligne les vertus de St Joseph: silence, confiance, vie intérieure; il avance même l’hypothèse, aujourd’hui retenue tout à fait sans fondement, de la résurrection de St Joseph. Il la suppose «pro­bable» dans le contexte de Mt 27,52 où il est dit qu’après la mort de Jésus, à Jérusalem, «de nombreux corps de saints trépassés ressuscitèrent». Dans la suite de ses réflexions, le P. Dehon citera encore, de Sauvé: Les mystères de la passion; Dieu intime, et aussi Jésus intime.
2)
Billot (Louis), cardinal: cf. 1,533,58.
3)
Propitiare, Domine. Trad.: «Sois propice à nos supplications, Seigneur, et guéris les langueurs de nos âmes, afin qu’ayant reçu le pardon de nos péchés, nous ressen­tions toujours la joie de ta bénédiction».
4)
Les mystères de la passion: Le P. Dehon reprend ici la lecture de Ch. Sauvé. Très probablement les citations sont empruntées à l’ouvrage: Le culte des mystères et des paro­les de Jésus, 3 voll., 1911-1913 (3° éd., L’Evangile intime, 1925, 4 voll.); mais à partir du tome III, «Les mystères de la Passion» (ici, nn. 13-28). Dans le cahier XXXVI, nous avions déjà rencontré des emprunts d’abord au volume «Elévations sur les mystères de Jésus» (XXXVI, nn. 124-130) et, tout de suite après, au volume «La vie publique de N.-S.» (XXXVI, nn. 130-137). Pour d’autres citations de Sauvé, cf. infra, notes 15 et 20 de ce cahier, et aussi du cahier XXXVIII, les numéros 36; 60; 79; 99; et du cahier XXXIX, notes 2 et 10.
5)
Saintrain (Henri), rédemptoriste (1831-1904). Entre 1868 et 1904, il a publié 24 livres de théologie et de vie spirituelle. On peut citer: Le S.-Cœur étudié dans les Livres Saints (Bruxelles 1868); Le Rédempteur (Tournai 1883); Manuel complet de dévotion à Ste Anne (1884), etc. Le P. Dehon cite ici Dieu et ses infinies perfections (1887). De son temps, Saintrain a joui d’une excellente renommée d’écrivain grâce à l’élégance de son style et à son érudition dans les domaines qu’il abordait.
6)
«Devenus les membres du Christ»: Dans ces paragraphes (29-32), on a une paraphrase de la lettre de St Paul aux Romains (8,1-39).
7)
Viviani (René-Raphaël). Homme politique français, né à Sidi-Bel-Abbès en 1863, mort au Plessis-Piquet en 1925. Il fut élu député en 1893. Mais après son échec aux élections de 1902, il concourut avec Jaurès à la fondation de «L’humanité» et à la constitution du parti socialiste unifié. En 1914, il fut chargé de former un ministère radical-socialiste et, comme chef du gouvernement, il attacha son nom à toutes les mesures qui signèrent l’entrée de la France dans la guerre. Son ministère, élargi après les échecs du mois d’août, dura jusqu’en octobre 1915.
8)
Madame Louise-Marie de France, en religion Thérèse de St Augustin, fille de Louis XV et de Marie Leczinska, née à Versailles en 1737, morte à St Denis en 1787. Chétive, légèrement contrefaite, mais intelligente, elle se retira en 1770 au couvent des carmélites de St Denis, dont elle fut prieure à diverses reprises et exerça une cer­taine action sur Louis XV. Elle critiquait les moeurs de la cour, et fut très hostile à Marie-Antoinette. Elle a été déclarée vénérable en 1873.
9)
Antoine du Saint-Esprit, carme déchaussé portugais, évêque d’Angola, né près de Coïmbre en 1618, il unissait sa vaste science à une humilité très profonde. Nommé évêque, il put aborder à Loanda en 1673 après une horrible tempête mais il mourut peu après, en janvier 1674. Il publia de très nombreux ouvrages. Ici le P. Dehon cite le Directorium mysticum. C’était un ouvrage très estimé, composé par ordre du chapitre général de la congrégation d’Espagne de 1670 pour servir à l’enseignement des scola­stiques du Portugal. Il a été achevé par l’auteur, mais il a été publié seulement après sa mort comme in-folio à Lyon en 1677, à Venise en 1697 et 1732 et à Séville en 1724.
10)
Guillemin (Amédée-Victor), écrivain, né à Pierre (Saône-et-Loire) en 1826, mort 1893. A Paris il enseigna les mathématiques de 1850 à 1860. Il collabora à plusieurs périodiques et publia de nombreux ouvrages. Entre autres, Causeries astronomiques: le monde, 1861; Le ciel, notions d’astronomie, 1864; Les comètes, 1875; Petite encyclopédie popu­laire, 1881-1891, 17 volumes, concernant les astres, la lumière et les couleurs, les gla­ciers, le son, le téléphone, les machines à vapeur, le magnétisme et l’électricité. Il est difficile de savoir dans quel de ses ouvrages Guillemin parle des objections matérialis­tes des astronomes modernes.
11)
Napoléon et le devoir d’obéir à Dieu: Ce message, que Napoléon aurait envoyé à M. de Champagny, ne peut être daté qu’au début du XIX siècle; donc en 1805, et non pas en 1905 comme on lit dans le manuscrit.
12)
Lalande avait écrit: Il s’agit de Joseph Jérôme Lalande, le membre le plus renommé de la famille Le François de Lalande. Né à Bourg-en-Bresse 1732, mort à Paris 1807. Passionné pour l’astronomie, en 1751 il participa à une entreprise excep­tionnelle pour l’étude de la lune: pour en mesurer la parallaxe, il alla à Berlin pen­dant que Lacaille opérait au Cap de Bonne-Espérance. La comparaison de leurs résul­tats permit de fournir une excellente valeur: 57’11”, la valeur moyenne exacte étant 57’2”. Nommé directeur de l’Observatoire de Paris, en 1801 il fit paraître son Histoire céleste française, décrivant la position de 50.000 étoiles jusqu’à la magnitude 9, compri­ses entre le pôle et la déclinaison 20°. En 1802 il publia deux tomes sur l’Histoire des mathématiques et en 1804 sa volumineuse Bibliographie astronomique. Très sensible aux louanges, il eut de nombreuses querelles, notamment avec Cassini de Thury et Bernardin de Saint-Pierre.
13)
Ruysbroek (van) ou Rusbroec ou Rusbrock (le bienheureux Jan). Théologien et mysti­que brabançon (Ruisbroek, Brabant, 1293 – 1381). Il fut prieur de l’abbaye de Groenendaal (Brabant). Surnommé l’Admirable, il est l’auteur des premières grandes œuvres écrites en néerlandais (Le Joyau des noces spirituelles; Le Royaume des amants de Dieu; Les Sept Degrés de l’échelle de l’amour spirituel). Il y développe une pensée mystique qui fut à l’origine d’un mouvement spirituel: la Devotio Moderna.
14)
Faber (Frédéric-William), protestant converti au catholicisme, devenu par la suite premier supérieur de l’Oratoire de Londres et auteur spirituel très connu (III, 507,102). Voir l’un ou l’autre de ses ouvrages, comme: Tout pour Jésus; Progrès; Le Créateur, etc.
15)
Lessius (Leonardus Leys, dit). Théologien flamand (Brecht, Anvers, 1554 – Louvain 1623). Entré dans la Compagnie de Jésus en 1572, il enseigna la philosophie à Douai, puis la théologie au scolasticat de Louvain (1585-1600). En 1586 il publia les Theses theologicae, qui attaquaient Baïus. Dénoncé par ce dernier à la faculté de Louvain, il en fut censuré (1587); Lessius alors en appela à Rome, qui l’approuva. Il passe, avec Suarez et Molina, pour l’un des meilleurs théologiens du XVIIe siècle.
16)
Angèle de Foligno, 1248-1309. Issue d’une famille opulente, elle mena d’abord une vie mondaine. Rentrée en elle-même, après la mort de son mari et de ses enfants se dépouilla de toute sa fortune et se fit agréger au tiers-ordre franciscain de la péni­tence. Dès lors elle fut comblée d’illuminations célestes qui ne se ralentirent plus jusqu’à sa mort. Entourée bientôt d’un petit groupe de compagnes, elle vécut à l’om­bre du couvent des Frères Mineurs, dans la pratique des plus hautes vertus. En 1292 elle commença à manifester les secrets de son âme à Fr. Arnaud, qui les mit par écrit: c’est le Mémorial ou Autobiographie. On a encore des lettres et des enseignements recueillis par ses disciples. Récemment tous ses écrits ont été édités. Ce qui est caractéristique, dans son Mémorial, c’est qu’il s’agit d’une expérience vécue. Tous ceux qui ont étudié son message considèrent Angèle de Foligno comme l’une des grandes mystiques catholiques.
17)
L’abbé Brinquant, «Fête oculaire dans le ciel» (Limé, Imprimerie de «La Croix de l’Aisne»), longuement cité par Sauvé, op. cit., pp. 178-181.
18)
B. Marguerite Marie. Dans Sauvé, op. cit., p. 307, son nom est mentionné, mais sans donner une référence.
19)
«O mon Sauveur»: extrait d’une citation de Mr Olier (La journée chrétienne, p. 102), dans Sauvé, op. cit., p. 20. Malgré les guillemets, le texte comporte quelques modifications.
20)
Lacordaire et St Jean de la Croix. On a deux citations entre guillemets; en Sauvé on peut les trouver (op. cit., p. 318), mais sans référence.
21)
Hymne du temps pascal. En latin c’est: «Ad regias Agni dapes – divina cuius cari­tas – sacrum propinat sanguinem – almique membra corporis – amor/sacerdos immo­lat».
22)
Faye et Newcomb: sont nommés en Sauvé, op. cit., p. 301; mais celui-ci, à son tour renvoie à R.P. Ortolan, omi, Etudes sur la pluralité des mondes habités et le dogme de l’incarnation, Paris, Bloud & Barral. Faye (Hervé-Auguste-Etienne-Albans), astronome français, né à St-Benoît-du-Sault (Indre) en 1814, mort à Paris en 1902. En 1843 il découvrit une nouvelle comète périodique, qui a conservé son nom. Parmi ses ouvrages citons: Sur l’origine du monde: Théories cosmogoniques des anciens et des modernes (1854-1855). Les vues fondamentales de Faye en astronomie ont fortement ébranlé le système cosmogonique de Laplace. Newcomb (Simon), astronome américain, né à Wallace (Nouvelle Ecosse) en 1835, mort à Washington en 1909. Parmi ses nombreux ouvrages, citons: The Orbit of Neptune (1866) ; The Orbit of Uranus (1873) ; Researches on the motion of the moon (1878) ; Astronomical papers (1882-1892); The Elements of the four inner planets (1893). A noter comme curiosité: Newcombia: petite planète, n. 855, découverte en 1916.
23)
Terra, pontus…: Hymne de la passion aux Laudes.
24)
Les «notes historiques» de ce cahier et du cahier suivant ont été rédigées avec la collaboration de Jean Flan scj. Il nous a également signalé, pour ces deux cahiers, les nombreux emprunts aux ouvrages de Ch. Sauvé.
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  • ostatnio zmienione: 2022/06/23 21:40
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